On trouve encore à Igney dans les données
Fantor, le lieu-dit « La Chinoise
».
A ce titre, Edmond Delorme ecrit en 1927 dans
Le Canton de Blâmont: «
Igney a un Château, appelé PAVILLON DE LA CHINOISE »
Dans La délimitation de la
frontière franco-allemande, le Colonel Laussedat (1902)
évoque encore ce pavillon : « la station d'Avricourt se
trouve à la cote 282, les hauteurs d'Igney, depuis la butte du
Signal jusqu'au pavillon de la Chinoise et à la Gloriette-de-Foulcrey,
sont aux altitudes 365, 345 et 355. »
Notons cependant que rien n'indique s'il fait référence à un
pavillon réel, ou à la seule indication géographique qui
apparaît sur les cartes d'état-major (voir en bas de page).
Mais dans son Dictionnaire statistique du Département de la
Meurthe, Grosse écrit pourtant dès 1836 : « Igney [...] La
ferme importante de Chinois se trouve sur le territoire de ce
petit village ».
Dans
Seigneurs et Laboureurs dans le Blâmontois (Tome
II-2006), Antoinette Aubry-Humbert nous dit : « Une pavillon
de chasse, la Chinoise, avait été construit par le roi Stanislas
en bordure du bois d'Igney, et non à l'emplacement du
presbytère. Sur le plan cadastral napoléonien, plusieurs
bâtiments importants apparaissent au lieudit La Chinoise, il
n'en reste aujourd'hui que des briques plus ou moins enfouies
dans le sol ».
Ferme ou pavillon de chasse du roi Stanislas ?
Nous allons voir que la présence de Stanislas à Igney est peu
probable.
En premier lieu, Louis Lallement, dans Quelques notes
biographiques sur Héré et Lamour (Journal de la Société
d'Archéologie Lorraine 1861, p. 130) écrit :
« Il reste à Igney, près de Réchicourt, des constructions que
la tradition du pays dit avoir été un château construit par Héré
: on y voit encore de belles cheminées et les vestiges d'une
superbe bibliothèque. Nous n'avons pu vérifier si cette
tradition est confirmée par les titres ».
Mais il est démenti par Prosper Morey (Emmanuel. Héré sa vie
et ses oeuvres, Mémoires de l'académie de Stanislas - 1862)
« Liste des principaux édifice construits par Héré [...]
Il existe à Igney, près de Réchicourt (dit M. Lallement), des
constructions que la tradition du pays dit avoir été un château
construit par Heré. C'est une erreur, ce qui a pu y donner lieu,
c'est que la construction de ce château renferme quelques débris
qui proviennent du château de Lunéville, autrefois, entre autre
une admirable boiserie décorée d'ornements et de fleurs d'un
grand relief qui a été vendue par le propriétaire actuel. La
tradition dit que ces boiseries viennent du cabinet du Roi de
Pologne; on prétend qu'elles sont aujourd'hui la propriété de M.
le duc de Choiseul, à Paris. »
Concernant ces boiseries, on trouve dans le Journal de la
Société d'archéologie et du comité du Musée lorrain de
juillet 1853 cette annonce :
« Une lettre de M. Rénier, juge de paix à BIâmont, faisant
connaître l'existence, au château d'Igney, d'une décoration
d'appartement, remontant au temps de Stanislas, et que le
propriétaire serait disposé à vendre. Différentes circonstances
s'opposent à ce qu'il soit donné suite à cette affaire. »
Ces boiseries proviennent-elles du château de Lunéville, ou «
remontent »-elles seulement à l'époque de Stanislas ? D'autant
que d'autres éléments semblent concerner Igney :
« [...] localités du département qui renferment une curiosité
quelconque [...] : Igney: Le château; l'église conserve un
fragment du trône du roi Stanislas; c'est une couronne en bois
doré. » (La France pittoresque; publié par une
société de géographes, v.3., après 1881)
Et cette information se retrouve antérieurement dans l'Itinéraire
général de la France: Vosges et Ardennes (Volume 8, 1868)
d'Adolphe Joanne : « Igney, v. de 190 hab., au pied d'une
colline isolée (365 mèt. d'altit.). - Dans l'église paroissiale
d'Igney, ou remarque une couronne en bois qui servit à orner le
trône de Stanislas et qui a été donnée par un ancien seigneur du
lieu. - A moitié chemin, entre Igney et Amenoncourt (246 hab.),
à l'O. d'Igney, se trouve un tumulus environné de fossés. - Le
château moderne d'Igney a été détruit en 1865 par un incendie. »
La seule certitude concerne la destruction du château par
incendie le 21 septembre 1865 :
« Notre honorable confrère, M. Jaxel de Cirey, nous a adressé
la note suivante :
« Le 21 septembre dernier, le château, nouvellement réparé, de
M. François-Félix Mulot, d'Igney, a été incendié complètement.
« Ce château a appartenu au roi Stanislas, qui en faisait sa
maison de chasses. Il était construit à l'entrée du village, à
quelques kilomètres d'Avricourt, sur une hauteur de laquelle on
découvre parfaitement les plaines de Lunéville. De là, Stanislas
distinguait les mouvements des troupes au Champ de mars.
« Il existe encore, tout près du village, une petite butte qui
date du séjour du roi de Pologne dans cette maison de campagne.
» (Journal de la Société d'archéologie et du Comité du
Musée lorrain - Novembre 1865)
Cette affirmation sur la visibilité du mouvement des troupes au
Champs de Mars est d'autant plus surprenante, qu'il est
immédiatement fait allusion à une « petite butte ». Concernant
cette hauteur, on lit dans Itinéraire général de la France
d'Adolphe Joanne (1887) : « A 500 mèt. O. du v. d'Igney (878
hab.; église; château), situé à 1 kil. S. de la station et en
France, butte dite Signal d'Igney (vue très étendue). »
Au final, aucun des documents précités ne permet de déterminer
si la chinoise était un pavillon de chasse ou une simple ferme.
Et nous n'ayons trouvé aucun document qui fasse mention d'une
construction d'un pavillon de chasse à Igney par Stanislas, où
même tout simplement d'un pavillon existant préalablement.
Il est tout aussi improbable que le duc Stanislas ait réellement
séjourné au château d'Igney, puisque le château était depuis
1735 la résidence du baron François de Sailly (époux depuis 1722
de Madeleine de Nettancourt. Le château ne sera cédé à
Marie-Joseph de Busenne qu'en 1769, avant de devenir propriété
de François-Michel Lecreulx en
1785). Il est cependant certain que l'affirmation qu'il aurait
« appartenu au roi Stanislas, qui en faisait sa maison de
chasses », est totalement erronée.
Et enfin, la « petite butte qui date du séjour du roi de
Pologne dans cette maison de campagne », qui ne peut être
que le signal d'Igney, n'est pas une butte artificielle
permettant de distinguer (à 23 kilomètres !) des manoeuvres à
Lunéville-est.
En l'état des documents trouvées, la présence de Stanislas à
Igney, sous quelque forme que ce soit (Chinoise, château,
butte), semble donc malheureusement ne relever que d'une
légende...
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