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Nicolas de Mirbeck - Portrait de la famille de Ligniville - 1791


Dans l'article Nicolas de Mirbeck (1738-1795), peintre, nous évoquions le peu d'oeuvres connues. Voici ci-dessous une peinture inédite : le portrait de la famille de Mathieu-Joseph de Ligniville, conservé aujourd'hui par les descendants de la famille, et que nous remercions grandement pour leur communication.

Nicolas de Mirbeck - Famille de Ligniville 1791
Nicolas de Mirbeck - 1791 - Mathieu-Joseph de Ligniville et sa famille

Son attribution ne fait aucun doute : car le tableau porte une étiquette indiquant «  M. de Mirbeck », et la composition et le style sont indéniablement du dernier seigneur de Barbas.
On sait que le fils, Michel-Nicolas de Mirbeck qui habitait aussi Barbas, est effectivement parti en 1791 pour l'Allemagne ; mais malgré la confusion sur la liste des émigrés, nous avions émis de forts doutes concernant un départ similaire cette année là de Nicolas Mirbeck. Notre précédent article confirme son décès à Rouen en 1795 (lieu de résidence autorisé par le comité de salut public en 1793 alors qu'il résidait à Paris chez son frère Ignace-Frédéric).
Le tableau peut-il nous en dire davantage ?

La toile datée de 1791, de grande taille (71 x 59 cm) représente Mathieu-Joseph de Ligniville (1734-1804), son épouse Madeleine Comte, et six enfants du couple qui résidait à Deuxville (propriété Saint-Evre - Voir Note en bas de page).

 

Portait de Mathieu-Joseph de Ligniville

Mathieu-Joseph de Ligniville
Gazette de France du 28 septembre 1779. L'autorisation royale est nécessaire vue la minorité de l'épouse.

Combien Mathieu-Joseph de Ligniville eut-il d'enfants ?
Le nombre diffère selon les source : «  Sept » selon l'Annuaire de la noblesse de France de 1905, «  huit » selon l'Annuaire de la noblesse de France de 1853, ou «  neuf » selon l'appendice C dans Notice sur quelques anciens titres (de Delley De Blancmesnil, 1866) avec cette indication ; «  - trois filles mortes sans postérité - un fils mort en bas âge - et les 5 enfants ci-dessus » (sont cités les cinq fils reportés dans le tableau en bas de cette page).

Or le portrait ne présente que les six enfants, qu'ont trouve d'ailleurs nés avant 1791 dans le tableau récapitulatif ci-dessous.

Il est donc fort probable que le couple n'ait eu réellement que huit enfants : deux filles, et six garçons, dont un mort en bas âge, de sorte que sur le portrait, on aurait de gauche à droite : Louis (4 ans), Anne-Victoire (1 an), Pierre Joseph (9 ans), Mathieu-Charles (6 ans), Rose-Madeleine (3 ans) et Anne (8 ans).

Par ailleurs, le tableau récapitulatif de la famille indique aussi des naissances ultérieures à Nancy et Lunéville ; la famille de Ligniville n'a donc pas émigré, et Nicolas de Mirbeck était alors encore en Lorraine en 1791, du moins à l'époque du portrait où Anne-Victoire (née le 17 avril 1790) est encore au berceau.

Il restait aussi en contact avec le seigneur d'Herbéviller, René-Charles-Élisabeth de Ligniville (1760-1813), neveu de Mathieu Joseph, et Anne-Marguerite-Charlotte, soeur de Mathieu Joseph (1740-?, mariée le 2 juillet 1759 avec François Baudon ) : c'est cette «  veuve Baudon » qui, à Rouen en 1795, recommande Nicolas Mirbeck comme peintre à «  la citoyenne Choiseul » (Marie-Eugénie de Rouillé du Coudray, 1759-1815, épouse de Michel-Félix de Choiseul d'Aillecourt, qui a divorcé en mai 1792, Michel-Félix ayant émigré) pour le portrait de sa fille Ambroisine Honorine Zoé (1787-1846). Nous ignorons d'ailleurs si ce portrait a été réalisé...

Quand Nicolas de Mirbeck a-t-il quitté Barbas pour se rendre à Paris ? A ce jour, rien ne permet de le déterminer, et le secret dont s'entourait utilement les ex-nobles durant ces années troubles ne nous laisse guère espérer une réponse à cette question.
 

    Naissance Décès Mariage
Mathieu Joseph de LIGNIVILLE   3 décembre 1734, Nancy (54, paroisse Saint-Nicolas) 24 septembre 1804 (2 vendémiaire an XIII), Saint-Dié (88) 13 septembre 1779, Ile de Grenade (Paroisse Notre Dame de l'Assomption, Petites-Antilles britanniques), avec Madeleine COMTE Page du Roi Stanislas, puis enseigne de vaisseau et capitaine de bombardiers à Brest (1770), capitaine de vaisseau (1774), chevalier de Saint-Louis
  Pierre Joseph de LIGNIVILLE 19 février 1782, Boulay (57) 19 décembre 1840, Nantes (44, 2e canton) 1815, avec Clémentine Maximilienne BÉRAUD de COURVILLE Engagé volontaire en 1798, lieutenant-colonel de dragons et aide de camp du prince d'Essling (1809), colonel du 16ème dragons (6 février 1814), maréchal de camp (21 mai 1825, inspecteur général des colonies (1837) Chevalier de la Légion d'honneur (14 mai 1807), officier (21 août 1823), commandeur (15 octobre 1837) Chevalier de Saint-Louis
  Anne de LIGNIVILLE 28 décembre 1783 (à minuit), Deuxville,  Saint-Evre (54) * 14 août 1874, Paris (75)  
  Mathieu-Charles de LIGNIVILLE 1er juillet 1786, Deuxville, Saint-Evre (54) ** 16 octobre 1813, Leipzig (Allemagne)   Chef d'escadrons au 7ème Régiment de Dragons, tué à la bataille de Leipzig le 16 octobre 1813
  Louis de LIGNIVILLE 25 juillet 1787, Deuxville, Saint-Evre (54) 14 janvier 1840 14 août 1828, à Lure (70), avec Charlotte-Polycrite BERTHOD de CRÉVOISIER Aspirant de marine en 1803, officier de cavalerie, sous-lieutenant retraité en 1813 par suite de blessures
  Rose-Madeleine de LIGNIVILLE 22 août 1788, Deuxville, Saint-Evre (54)     
  Anne-Victoire de Ligniville 17 avril 1790, Deuxville, Saint-Evre (54) Avril 1869, Saint-Dié (88) 12 mai 1850,Nancy, avec M. GENEST DE L'ENGOTHIÈRE ( ?)
  Antoine Alexandre de LIGNIVILLE 20 mars 1792, Deuxville, Saint-Evre (54) 6 (ou 29) juillet 1856, Dole (39) 3 mars 1832 avec Constance-Simone-Marie-Claudine FERRAND Entré à Saint-Cyr en 1810, chef d'escadron d'état-major en retraite. Chevalier de la légion d'honneur, chevalier de Saint-Louis
  Mathieu-César de LIGNIVILLE 20 juillet 1793, Lunéville (54, Paroisse Saint-Epvre,) 27 novembre 1855, Woinville, Buxières-sous-les-Côtes (55) 28 mai 1837, Saint-Mihiel (55), avec Joséphine-Charlotte-Nicole de MISCAULT Elève de Saint-Cyr (1812), lieutenant d'artillerie à pied (1813)... Capitaine d'artillerie en second (1834) puis en premier (1831) (commandant en en 1833 la 15ème batterie du 6ème régiment d'artillerie). Chevalier de la légion d'honneur (5 mai 1833)

(*) Outre les mentions de la note suivante, l'acte mentionne pour Mathieu Joseph : "Grand Bailli d'épée au baillage royal de Boulai"
(**) Mathieu Joseph est désigné dans l'acte "vicomte de Ligniville, comte du Saint Empire, chevalier de l'ordre Royal et militaire de Saint Louis, ancien Capitaine des vaisseaux de la marine Royale de France, seigneur de Saint-Evre"


Note sur Saint-Evre : Saint-Evre (Sanctus Aper) est un village très ancien, antérieur au XIIème siècle, voisin de Deuxville, dépendant de l'abbé de Senones. Au début du XIVème, Saint-Evre est encore un fief dépendant des comtes de Blâmont (voir par exemple l'acte de 1310 cité dans Les Sires et Comtes de Blâmont). On ignore quand le village fut détruit, mais le fief de Saint-Evre subsista : après avoir appartenu à la famille de Lenoncourt, le fief, qui n'était plus qu'une grosse ferme, passa à M. de Pullenoy, puis à un membre de la famille de Haracourt, qui en fit don au jésuites de Nancy en entrant dans les ordres. Le 25 novembre 1670, les jésuites échangèrent le fief avec le sieur Dollot, puis son neveu par alliance, M. de Lombillon, en obtint la succession le 16 juin 1703. A cette époque la maison forte était totalement ruinée : Charles Joseph de Lombillon se chargea de la reconstruire, et obtint du duc Léopold l'érection en fief du Saint-Empire de haute moyenne et basse justice le 25 mars 1720. Cependant, en 1724, il l'échangea contre la seigneurie d'Aboncourt au baron de Schak, En 1729, le fief perdit son titre de haute justice en 1729. Sans doute la propriété, alors constituée d'un château bâti à la moderne, d'un colombier et d'autres dépendances, échut-elle ensuite à Antoine de Chabot, dont la veuve Marie-Agnès-Dieudonnée baron de Cordinhowe fit cession à Mathieu-Joseph de Ligniville, qu'on vit faire ses foi et hommage pour le fief le 11 août 1785 (même si les actes de naissance des enfants laissent supposer l'acquisition dès 1783).


Carte de Cassini - 1759


Au cous du XIXème, Saint-Evre n'est plus considéré que comme une grosse ferme dépendant de Deuxville, flanquée d'une grande maison d'habitation appelée château, entourée d'un important enclos planté de vignes. La bataille du Grand-Couronné de Nancy va entraîner la destruction de la ferme : si Deuville n'avait pas été envahi lors de la première invasion (du 8 au 15 août), les Bavarois pénètrent dans Deuxville le 22 août 1914. Mais le 25 août, se heurtant à une résistance française, ils sont contraints de se replier sur les fermes de Friscati et de Saint-Evre, emmenant d'ailleurs en otage le fermier de Saint-Evre, Albert Robin. Les combats, connus sous le nom de Léomont-Friscati, dureront jusqu'au 8 septembre et au repli des Allemands, laissant la ferme en ruine.
Saint-Evre 1914 Saint-Evre 1914 Saint-Evre 1914


La ferme moderne aujourd'hui reconstruite n'est donc pas la propriété des Lignville où le portrait de famille a été peint. Peut-être aurons nous l'occasion de découvrir un jour une carte postale ou une photographie antérieure à la première guerre mondiale, qui permettrait de donner une idée de ce que furent les grandes heures de Saint-Evre au cours du XVIIIème siècle.

 

Rédaction : Thierry Meurant

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