Nicolas de Mirbeck, nait le 13 avril 1738 à Neuviller-sur-Moselle, où
son père Michel Mirbeck, originaire du Brabant, est admodiateur au
service des princes de Salm-Salm. En juin 1753, à 15 ans, il entre dans
les gardes du corps de Stanislas, duc de Lorraine, et y obtient un
brevet de capitaine de cavalerie.
Il se marie le 17 février 1769 à Lunéville avec Marie Ervet, fille de
Jean Ervet, chirurgien major au régiment de Briqueville (puis du
Royal-Soissonnais) et de Françoise-Nicole Vallier (née le 2 octobre 1731
à Nancy, fille de François Vallier, sculpteur du roi, à qui on doit de
nombreuses réalisation au château de Lunéville, le maître-autel de
l'église Saint-Jacques de Lunéville, etc).
Marie Ervet est née à Lunéville, mais c'est à Barbas, fief que ses
parents ont acheté en 1752, qu'elle meurt à vingt ans, le 15 novembre
1769, dix jours après la naissance de son fils, Michel-Nicolas (né à
Barbas le 4 novembre 1769).
Durant son séjour à Lunéville, Nicolas de Mirbeck est devenu élève de Jean Girardet
(1709-1778), peintre attitré de Stanislas de 1748 à 1766.
Note : Un article des Mémoires de la Société d'Archéologie lorraine de
1861 (Notice sur quelques graveurs nancéiens du XVIIIème, par M.Beaupré,
concernant Dominique Collin, dit Mory d'Elvange), cite une planche
représentant un buste de « Jean Girardet,1er peintre du Roy de Pologne,
Duc de Lorraine et de Bar » portant au bas la mention « Dessiné et gravé
par son Ami et très humble Serviteur Collin graveur du Roy, d'après le
dessin de Mr Mirbeck ».
Il reste à ce poste jusqu'au décès du duc Stanislas en 1766, où il
gagne Paris pour servir en tant que brigadier des gardes du corps de
Monsieur, comte de Provence, frère du Roi (futur Louis XVIII), puis
fourrier-major en 1780, sous-lieutenant en 1784, Chevalier de
Saint-Louis. Sans pour autant se désintéresser de la peinture, puisqu'on
lui connaît une amitié avec le peintre Jean-Baptiste Greuze.
Son frère ainé, Ignace-Frédéric de Mirbeck, avocat, est cependant resté
beaucoup plus célèbre que lui, tant par ses multiples plaidoiries sous
l'ancien régime, que ses fonctions de commissaires de la république lors
de l'insurrection de Saint-Domingue en novembre 1791. |
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Note : Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de
l'Europe
1881 |
MIRBECK - La famille de Mirbeck, originaire des Pays-Bas, était
représenté au milieu du siècle dernier par Michel Mirbeck, admodiateur à
Neuvillers, marié avec Jeanne Bernardet. De cette union était issu
Ignace-Frédéric de Mirbeck, né le 2 mai 1732, à Saint-Sébastien de
Nancy, filleul d'Ignace Desker (*), conseiller aulique de l'élection de
Saxe, roi de Pologne. Il fut nommé avocat au conseil d'Etat et privé du
roi de Pologne, à Lunéville, et après la mort de ce prince, il acheta la
charge de secrétaire du roi, maison et couronne de France. Dans
l'enquête comparurent Antoine-Jacques Pourcin de Grandchamps, secrétaire
du roi, et Nicolas-François de Neufchâteau, avocat au bailliage royal de
Vezelize. De nos jours, Nicolas-Pierre-Joseph-Alexandre de Mirbeck,
général de brigade, est décédé à Pusy (Haute-Saône), le 19 octobre 1878
- Armes : d'azur, au chevron d'or, accompagné de trois étoiles, celle de
la pointe abaissée sous une force renversée, surmontée elle-même d'un
croissant d'or. |
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(* NDLR) Jeanne Bernardel, était femme de chambre d'Ignace Desker (Decker).
Desker et son épouse, Christine Maresti (Marettich), sont parrain et
marraine d'Ignace Frédéric de Mirbeck lors du baptême le 2 mai 1732 à
Saint-Sébastien de Nancy. |
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Certains auteurs supposent qu'à la révolution, Nicolas de Mirbeck aurait
émigré pour se joindre l'armée de Condé, où son fils Michel-Nicolas le
rejoint.
Mais si Michel-Nicolas est en effet porté sur la liste des émigrés,
on ne put rien lui prendre immédiatement parce que le mobilier du
château de Barbas était la propriété de sa grand'mère, Françoise-Nicole
Ervet (Jean-François Ervet était décédé depuis le 29 décembre 1781).
Dans son Histoire du Blâmontois dans les temps modernes,
l'Abbé Dedenon résume ainsi les déboires de la famille restée à Barbas :
Les arrestations suivies de transfert à Nancy n'eurent lieu que rarement
et parce qu'on ne pouvait les éviter. Le 20 août 1793, l'ex-capucin
Masson fut trouvé chez le curé de Barbas et conduit à Blâmont, puis à
Nancy, où il fut emprisonné jusqu'en 1795. La dame Ervet, qui le tenait
caché habituellement, fut emmenée avec lui, mais on ne retint contre
elle que le délit d'avoir amassé plus de provisions que la loi n'en
permettait et elle fut relâchée.
Mais c'est dans Les derniers seigneurs du district de
Blamont,
qu'Emile Ambroise montre toute la complexité de la situation en termes
d'héritage :
§ 6. - Le fief de Barbas. M. de Mirbeek.
Fromental paraît avoir usé de plus de rigueur envers la famille de
Mirbeck qu'envers les châtelaines de Frémonville.
Au château de Barbas habitait avec sa grand'mère, Mme Ervet, un tout
jeune homme, M. de Mirbeck, lieutenant de cavalerie, qui, par suite du
décès prématuré de sa mère, possédait du chef de celle-ci un quart du
fief de Barbas, et, du chef de M. Ervet, son grand-père, un dixième de
la même seigneurie.
Le 24 août 1792, la municipalité de Blâmont avertissait le district que
ce jeune homme avait quitté Barbas depuis un an (ce qui n'avait rien
d'étonnant puisqu'il était officier), en ajoutant: « Nous le soupçonnons
avoir passé aux émigrés à Comblenzt (sic). » Cinq jours après, et sans
plus ample informé, M. de Mirbeck était déclaré suspect, et ses biens
étaient mis sous séquestre pour être éventuellement affectés à
l'indemnité due à la nation. Mais ces biens, confondus avec ceux de la
famille Ervet, n'étaient pas liquidés, il fallait attendre une occasion
de les saisir.
Le 20 août 1793, Mme Ervet est dénoncée comme donnant refuge à des
émigrés. La garde nationale accourt, fouille sa demeure et, dans un
réduit derrière une tapisserie, trouve 20 réseaux de blé, 3 sacs de
farine, 2 bichets de pois. Mme Ervet n'avait déclaré que 6 réseaux. Elle
a donc commis une fraude. Le blé sera confisqué au profit des pauvres,
et livré à un boulanger bon patriote. Le Comité de surveillance laisse
cependant Mme Ervet en liberté.
Mais deux jours après, Fromental, au retour d'une absence, s'émeut à la
lecture du procès-verbal de la séance, à laquelle il n'a pas assisté. Il
demande la révision de la délibération et exige l'arrestation de Mme
Ervet, à cause dit-il, « de la suspicion publique (qui pèse) sur cette
maison, de l'asile qu'elle a donné aux prêtres insermentés, des
correspondances qu'elle a entretenues avec eux, et des violents soupçons
que le public a, qu'elle cache et a caché des émigrés ». L'arrestation,
à laquelle nul n'avait songé l'avant-veille, est votée à l'unanimité.
La pauvre femme comparait le lendemain devant le Comité, où elle obtient
de se faire assister du citoyen Mengin, homme de loi à Lunéville. Elle
se défend de receler du blé appartenant à autrui. On n'a trouvé chez
elle que sa récolte de deux années, qu'elle conserve pour les pauvres et
pour elle-même. Les sacs seuls lui ont été prêtés. Elle croit avoir obéi
à la loi en déclarant ce qui provient de la récolte de 1791, et non des
précédentes. Elle a caché ce blé parce qu'elle craint les voleurs et
brigands qui plusieurs fois l'ont insultée et menacée, dans sa maison,
où elle vit seule, à l'écart du village. Enfin, c'est elle-même qui
spontanément a montré la cachette.
L'arrestation n'en est pas moins maintenue. Fromental se charge de
partager les grains saisis. Il donne double part aux volontaires qui,
pendant plus d'un mois, ont occupé militairement la maison, et fait
vendre le reste pour en distribuer le prix aux pauvres.
Mme Ervet, enfermée d'abord à Blâmont, fut ensuite transférée à Nancy et
livrée au juré criminel. Nous n'avons pas trouvé la solution de son
procès, nous savons seulement qu'elle y survécut.
Le cas de Mme Ervet n'entraînait pas confiscation de son bien personnel,
et, grâce à l'indivision compliquée qui liait sa situation à celle de M.
de Mirbeck du chef de sa femme, et du jeune de Mirbeck du chef de son
grand-père, la vente n'en eut lieu qu'en juin 1796, sous l'empire d'une
législation déjà adoucie, qui permit à Mme Ervet de racheter le bien de
son petit-fils. Mais la poursuite des biens de la famille de Mirbeck
continuait encore en 1800, et l'on vendait, le 25 messidor an VIII, le
tiers dans la moitié de huit domaines, formant la part de l'un des
membres de la famille, porté sur la liste des émigrés |
En 1789, le jeune officier Michel-Nicolas de Mirbeck habitait Barbas, et
il est effectivement parti en 1791 pour l'Allemagne où il s'est marié en
décembre 1792 : il figure à ce
titre sur la liste des émigrés dont il est radié en l'an XI (1803). Mais la
radiation indique « Michel Nicolas de Mirbeck » (avec la date de
naissance du 4 septembre 1769, qui confirme qu'il s'agit bien du
fils), mais précise « garde du corps de Monsieur
», qui est en réalité le métier de son père.
Est-ce cette confusion qui fait perdre aux révolutionnaires la trace de
Nicolas de Mirbeck, dont rien ne démontre qu'il ait émigré en 1791 ?
(Nicolas de Mirbeck n'est pas porté sur les listes d'émigrés, et les saisies
engagées sur Barbas ne concernent pas ses parts).
Car les archives situent la mort de Nicolas Mirbeck le 3 octobre 1795
(11 vendémaire an IV), à Rouen. Mais pourquoi cette ville ? L'énigme
semble résolue par Félix Clérambray en 1901 dans « La terreur à Rouen,
1793-1794-1795, d'après des documents inédits »
On y lit effectivement, concernant Rouen (notes renumérotées) :
En pluviôse, le Comité révolutionnaire s'inquiéta de visites fréquentes
reçues par la nommée Choiseul d'Aillecourt (1), demeurant dans le
passage de l'ancien Hôtel-de-Ville, maison du ci-devant curé de la
ci-devant église Notre-Dame de la Ronde, à elle louée par le district.
Il commença par interroger, le 13 pluviôse [an IV, 1er février 1795],
cette citoyenne qu'il venait de faire arrêter chez elle, et qui résidait
à Rouen depuis dix-huit mois. Elle avait logé d'abord chez Lemoine,
secrétaire à l'Hôtel-Dieu, rue de la Madeleine, puis chez Pigny, rue du
Bac, en garni. Elle justifiait de sa résidence antérieure à Paris, rue
Choiseul, près la Comédie italienne. L'attention était appelée sur elle
à Rouen par une visite par elle faite à une femme Bouquet de la
Chaussée, qui avait été contrainte de donner des renseignements. Son
mari est de la caste nobiliaire, sans qualification particulière, elle
ignore où il est, et le croit mort et non pas émigré. Elle en a reçu des
nouvelles il y a dix-huit mois, des eaux d'Aix-la-Chapelle, où il était
avec sa mère, laquelle est revenue l'an passé à Paris, où elle est
morte.
Une souricière fut immédiatement organisée à l'ancien cloître des
ci-devant chanoines de la Ronde, et tous ceux qui s'y présentèrent (26
personnes) y furent consignés. Parmi eux, M. de Machault fils, mestre de
camp, demeurant avec son père, rue Damiette, 41, relâché après un
interrogatoire que lui firent subir Gaillon, Godebin et Troussey ; puis
Bernard Bacon et Turmel domestique et portier de chez Machault père,
venus pour chercher Machault fils ; un certain Nicolas Mirbel (2),
peintre de portraits, rue Beauvoisine, à Rouen et rue d'Enfer, à Paris,
né à Neuvillers en Lorraine, qui faisait le portrait de la fille de la
citoyenne Choiseul; à laquelle l'avait indiqué la citoyenne Baudon (3),
celle-ci déjà détenue aux Gravelines. Mirbel était veuf depuis vingt-
deux ans et on le soupçonnait d'être chanoine ou prêtre ; [...]
(1) Marie-Eugénie de Rouillé du Coudray, 31 ans, femme séparée, il y a
deux ans, de Michel-Félix, comte de Choiseul d'Aillecourt. Elle fut
détenue avec son enfant (probablement celle née en 1787), aux Gravelines
d'où elles sortirent « provisoirement » le 2 brumaire an III. Le 23
ventôse an II, le district lui consentait la résiliation de son bail à
la condition de payer son loyer jusqu'à Pâques. L'un de ses fils épousa
Mlle de Machault. - L'un des rapports des comités thermidoriens parle
d'une citoyenne Choiseul résidant maintenant à Amiens, qui avait résidé
à Rouen, rue du Bac, en face du Gaillarbois, à laquelle il a coûté 600
l. pour apprendre à supporter une fausse entorse dont le docteur Camare
l'a guérie et qui ne lui faisait pas beaucoup de mal.
(2) Ou Mirbeck, 56 ans ; à Rouen depuis 15 mois, par permission du
Comité de Salut public. Sa première femme morte après dix mois de
mariage, était Marie Hervet, fille d'un chirurgien. Il semble signer
Mirbac. Une note jointe aux pièces le concernant, annonce qu'il s'était
remarié peu après cet incident (arch. mpales). Ses prénoms ne
s'accordent pas avec ceux d'un Mirbeck figurant dans le dict. biogr. de
Larousse.
(3) Anne-Marguerite-Charlotte de Ligniville, comtesse du Saint-Empire,
veuve de J.-F.-Gh. Baudon, dont le père avait été seigneur de Neuville-Ferriéres.
Elle demeurait chez Garet, rue des Carmélites, 2, où elle fut arrêtée le
26 frimaire an II, pour être conduite aux Gravelines ; son mari avait
été président de la société de Saint-Vincent-de-Paul.
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On voit donc que Nicolas de Mirbeck réside à Rouen par autorisation du
comité de salut Public depuis mi-1793 (et donne même une adresse à Paris,
rue d'Enfer, où est située la maison de son frère Ignace-Frédéric. Ce
dernier a peut-être utilisé son influence pour l'autorisation du comité
en faveur de son frère, tout comme en septembre 1793, il est parvenu à
faire sortir de la prison de la Force son ami François de Neuchâteau).
Vu les soupçons de « chanoine ou prêtre » lors de son arrestation en
1795, Nicolas de Mirbeck a sans doute dissimulé tant ses anciennes fonctions de garde du corps que son
fief de Barbas. Difficile d'affirmer que sa belle mère, Jeanne Ervet à
Barbas, ou son fils, Michel-Nicolas de Mirbeck, connaissaient son refuge. Mais le lieu
est sans doute lié à Charlotte Anne Marguerite de Ligneville, qui avait
épousé en 1759 François Baudon (1696-1779) avec une dot de 100 000
livres donnée par le Duc Stanislas, et dont le fils, Charles Guillaume
Baudon (dit Baudon de Mony, 1722-1806) était administrateur des domaines
de la Couronne à Rouen. La famille de Ligniville, de vieille chevalerie
lorraine, est en grande faveur à la veille de la révolution : c'est
ainsi la reine Marie-Antoinette qui a organisé, en 1787, le mariage de
René-Charles-Élisabeth, comte de Ligniville, né le 22 février 1760 au
château d'Herbeviller, et fils de Pierre-Jean de Ligniville, 7ème enfant
d'une fratrie ou Anne-Marguerite-Charlotte de Ligniville est 12ème.
C'est donc la tante du seigneur d'Herbéviller qui à conseillé au
seigneur de Barbas de faire, à Rouen, le portrait de la fille de Madame Choiseuil
d'Aillecourt...
Nicolas de Mirbeck continuait donc à exercer son métier de peintre sous la
révolution. Et pourtant, on connaît peu d'oeuvres lui étant attribuées :
un portrait de Stanislas et du nain Bébé au musée lorrain de
Nancy, une peinture murale du
Château et village de Barbas (au château de Barbas), semblent être de sa
main, ainsi qu'un portrait de Dominique Malhorty (beau-frère par alliance de
Ignace-Frédéric de Mirbeck) et un dessin de son épouse Françoise Marotel
(belle soeur de Ignace-Frédéric de Mirbeck), une représentation de
Saint-Nicolas (qu'il aurait donné à l'église de Barbas en 1784,
aujourd'hui disparue) et surtout 11 tableaux à l'hôtel de ville de Raon-L'Etape. |
Stanislas en tenue d'intérieur
fumant sa pipe et grondant le nain Bébé (*) |
Château et village de Barbas
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(*) Dans le Bulletin de la Société
philomatique vosgienne 1883-1884, Arthur Benoit commente ainsi cette
peinture : « Une autre petite toile a échappé aux flammes [incendie du
Musée lorrain en 1871]. Le roi, assis devant une table que recouvre un
tapis, fume une longue pipe dont la tête, richement ornementée, repose
sur un coussin. Il semble morigéner son petit favori, qui porte son
costume habituel et est accompagné par le même chien. Cette peinture est
des plus curieuses, car elle doit représenter l'appartement qui vit
périr Stanislas ; la cheminée à glace n'est ornée que par une grande
pendule. »
Note : la signature « de Mirbeck » se retrouve avec le petit-fils de
Nicolas de Mirbeck, le déodatien Edouard Hyacinthe Wilhelm Nicolas de Mirbeck (1806-1900) |
Edouard de Mirbeck - Saint-Nicolas
(Eglise de Barbas, d'après un tableau de Nicolas de Mirbeck) |
Edouard de Mirbeck - Le petit chaperon rouge -
1850 |
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