Encore une relation
très classique du repli de l'armée française et de son passage
par Blâmont sous une pluie torrentielle.
Voir aussi :
La Revue de Paris
- Septembre/octobre 1906
Choses vues (août-septembre 1870)
G. de M...
Vers minuit, nous contournons
Phalsbourg, quelle différence avec notre passage du 4 août !
Nous mettons cette nuit-là, grâce à l'encombrement de la route;
vers cinq heures du matin, nous reprenions le bivouac de
Sarrebourg du 3 août.
Là, rencontre de quelques officiers ou sous-officiers de
connaissance et de mon camarade de Saumur, du Bos, dont je
devais épouser la cousine germaine quinze ans plus tard.
Nous espérions un peu de repos ce jour-là; mais à une heure de
l'après-midi, on sonne à cheval et nous partons pour Blamont où
nous arrivons à sept heures du soir par un très mauvais temps.
Nous recevons la pluie depuis plusieurs heures. Combien les
grands manteaux blancs mouillés sont lourds par-dessus les
cuirasses ! Pour comble de malheur, notre bivouac, qui le 2 août
était sec, se trouvait détrempé et le terrain, très glaiseux.
Les chevaux devaient rester sellés et paquetés, à la corde.
Ayant un abri contre la pluie, dans une maison tout proche du
bivouac, j'y dormais en compagnie de quelques officiers et
camarades, qui sur de la paille, qui sur le carreau, qui sur un
banc, lorsqu'à deux heures du matin, il nous fallut de nouveau
partir. Il pleuvait; les chevaux à la corde avaient voulu se
coucher quoique sellés ; aussi trouvé-je le mien dans un piteux
état; de gris blanc, il était devenu jaune ; la selle et tout le
harnachement étaient enduits de terre glaise. Franchescetti
était navré d'un pareil équipage. Le pistolet d'arçon dont
chaque cavalier était armé à cette époque, avait dû glisser à
terre, quand mon cheval se roulait, et être ramassé par un homme
de service; le canon était rempli de terre glaise par-dessus la
charge. Quelle triste route jusqu'à Lunéville !
Nous y restâmes vingt-quatre heures dans un quartier de
cavalerie sans literie; nous en étions partis si gais huit jours
avant !
Une partie de la matinée fut employée au nettoyage général.
Je fus pour mon compte à la rivière, - la Vezouse, - tout près
du quartier; armé d'une brosse et de savon, je lavai de mon
mieux mon bon cheval; en campagne ou s'attache encore plus qu'en
garnison à sa monture, dont on apprécie mieux les qualités au
moment du danger.
Ce jour-là, au rapport, grand plaisir pour moi : je fus détaché
en qualité de secrétaire auprès du général de Braüer, commandant
la deuxième brigade de la division; je pris mon service le jour
même. En quittant mon escadron où je laissais de bons camarades,
j'eus le regret de ne pas conserver Franchescetti. En colonne,
marchant derrière le général, mon service était les
distributions pour les hommes et les chevaux de l'état-major de
la brigade, ainsi que les bagages, service très doux.
Le lendemain 10 août, on partit à une heure normale, faisant
route pour Bayon; mauvais temps, mais en colonne, sans
encombrement. A Bayon, en faisant le logement du général et de
son officier d'ordonnance, le lieutenant Muller, je trouvai un
gîte bien abrité pour coucher et de la paille fraîche. |