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Eugène Vallin
(1856-1922) - Nécrologie
Voir aussi
Eugène Vallin et son
oeuvre et Eugène Vallin
(1856-1922)
Eugène Vallin, né à Herbéviller le 13 juillet
1856, est décédé à Nancy le 22 juillet 1922.
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Est-Républicain
23 juillet 1922
EUGENE VALLIN
Lorsqu'à la fin du siècle dernier des
artistes au rêve puissant portaient leurs efforts et
leurs pensées vers un renouveau dans l'art, ils
travaillaient avec la certitude de léguer à l'avenir
l'empreinte de leur activité féconde.
La flamme ardente dont ils brûlaient, ils l'ont
communiquée à d'autres qui y ont allumé leurs lumières.
C'est une des premières lumières du renouveau en
Lorraine qui vient de s'éteindre avec Eugène Vallin.
Venu à son heure, il eut une influence considérable sur
son temps et dans son milieu.
Il fut un réformateur, puis un novateur.
Après le style Empire, démarquage de la vieille Rome,
les découvertes de Champollion mirent les souvenirs
d'Egypte à la mode, on copia l'antiquité et l'on
posticha les époques précédentes.
L'ornementation, le mobilier déchurent ; le bourgeois
s'entourait avec passion des choses d'un autre temps.
Il fallait un renouveau ; il apparut dans l'Ecole de
Nancy ; Eugène Vallin fit les premiers pas.
Avec lui l'esprit de création se réveille; il réfléchit,
il observe, il crée.
Le premier, Eugène Vallin manifeste la puissance de cet
art naissant, par une savante harmonie de lignes.
Il était venu des environs de Blâmont à Nancy. Son
enfance s'éveilla chez son oncle, le menuisier Claudel,
de la rue Drouin. Claudel faisait du meuble d'église ;
Eugène Vallin se passionnait pour l'art gothique, étude
à laquelle il consacrait la plus grande partie de ses
heures de liberté.
Auprès de ce bon artisan, Eugène Vallin apprit son
métier de sculpteur sur bois. Il aimait son métier avec
passion.
Son habileté professionnelle le fit apprécier.
Ayant repris l'atelier de son oncle, il fut chargé de
sculpter le confessionnal de l'église de Bonsecours. En
1887 il compose et exécute le Grand Orgue de Saint-Léon,
se révélant profond connaisseur du style gothique et
artiste au goût le plus sûr.
Puis il se signale dans divers travaux, dont une porte
en bronze ornée d'émaux pour l'église Sainte-Ségolène, à
Metz.
Mais Eugène Vallin ne s'était imposé jusqu'alors que
comme architecte et décorateur.
Sentant que l'art doit évoluer, il songeait à jeter les
idées d'une nouvelle orientation esthétique.
Le premier, il osa quitter la voie routinière, songeant
que l'art ne doit pas se complaire en des lois
immuables.
Il se construisit une maison, un atelier selon ses
désirs, affirmant ainsi ses idées de réforme.
L'ornementation de la façade, la décoration intérieure,
furent sculptées en des motifs de plantes, bas-reliefs,
interprétant logiquement la végétation des forêts et des
champs.
Tout ce qui était susceptible d'être orné reçut une
décoration fine, élégante, aux courbes nerveuses.
Depuis, Eugène Vallin sut dégager l'essentiel de la
plante, et dans ses productions suivantes il ne
conservait que ce qui était sobre, simple et d'une même
venue.
Désormais il appliquera ses principes à toutes les
constructions auxquelles il prendra part.
Les membres nécessaires à la solidité des ouvertures,
portes, panneaux, sont des troncs d'arbres, des branches
qui s'épanouissent en floraisons naturelles.
La forme et le décor inspirés de la flore des bois et
des prés enchantent par la pureté de la ligne.
Devant lés meubles de Vallin, élégants de forme, nobles
de lignes, surtout s'ils ne comportaient aucun ornement,
on éprouve une impression d'art.
Le sentiment de l'harmonie, l'invention plastique sont
ses moyens d'expression.
Son désir le plus cher fut de pouvoir réaliser, à lui
seul, une oeuvre dans son entier, même si les divers
matériaux exigeaient la connaissance de plusieurs
métiers.
Il aimait à unir le travail manuel à l'intelligence en
un effort où la pensée agissait profonde et sincère.
Son idéal était un besoin de parer, d'embellir.
Il se met tout entier dans son oeuvre ; sa marque est là
: il a mis dans sa conception de l'art son tempérament,
sa façon spéciale et personnelle de sentir.
C'est l'artiste véritable, complet, dont la production
décèle la vigoureuse personnalité.
Son art est un rêve de vie heureuse, large et élégante,
d'une distinction qui reste toujours robuste, et indique
l'effort puissamment plastique lorsqu'il le faut.
Il vit à l'époque de la vitalité intense ; c'est l'heure
de la « joie de vivre » et la joie de créer.
Il fut un vrai chef d'Ecole, car il suscita des
créateurs, provoquant l'émulation, illuminant de son
enthousiasme d'idéaliste tous ceux qui l'approchèrent.
Il faudrait une longue étude pour montrer la sublime
harmonie qui unifia sa vie, son caractère et son art.
Simple, il eut pourtant conscience de sa valeur, la
certitude absolue de réaliser son oeuvre, ayant donné
son temps, son intelligence et son labeur à tout ce
qu'il y a de beau dans l'humanité.
Henry HUNZIKER. |
Est-Républicain
25 juillet 1922
LA LORRAINE & NANCY
Les origines
Eugène Vallin qui
s'en est allé, hier matin, dormir son dernier sommeil
dans le calme petit cimetière de Maxéville, situé à
flanc de coteau, était de souche profondément lorraine.
Il était né, en effet, à Herbéviller, dans le canton de
Blâmont, terre fertile qui reproduit de hommes solides.
Tout jeune, comme on le sait, il vint à Nancy chez son
oncle, fabricant de mobilier religieux. Un livre a eu,
sur la formation du jeune artiste, une influence
décisive, un livre de ferveur et de foi, le Dictionnaire
d'Architecture, de Violet le Duc ; l'apprenti sculpteur
s'y enthousiasma pour les églises et les cathédrales.
Violet le Duc inspira à Eugène Vallin l'amour du
gothique qui s'épanouit si heureusement sur notre sol,
depuis l'humble église de Laître-sous-Amance jusqu'aux
magnifiques cathédrales de Saint-Nicolas, de Toul et de
Metz.
Eugène Vallin étudia minutieusement, sans s'y asservir,
les procédés des vieux maîtres, retrouva leurs règles
cachées, disparues devant l'art italien.
Il ne négligea pas non plus les autres époques, les Ligier-Richier, le maître de Saint-Mihiel, les Héré, les
Jean-Lamour.
Le grand artiste, qui vient de mourir, a compris
merveilleusement sa Lorraine natale, terre de beauté,
aux aspects innombrables, si glorieuse dans ses bois,
dans ses montagnes, dans ses plaines, dans les souvenirs
de ses artistes de tous les temps.
Vallin fut encore un technicien, épris de travail
manuel, à la manière d'un William Morris ; il augmenta
sans cesse, dans son individualité puissante, la main et
l'intelligence de l'ouvrier.
Le si regretté défunt, parti d'une éducation
élémentaire, acquit, en outre, à côté de son savoir
professionnel, une belle instruction générale.
Il franchit de nombreuses étapes du savoir humain et
devint un philosophe aux connaissances multiples et aux
idées singulièrement élevées.
L'oeuvre d'Eugène Vallin vit dans notre Nancy, dans
notre Lorraine. Allez à Notre-Dame de Bonsecours, vous y
verrez cet admirable confessionnal qu'il sculpta à 27
ans. Partout, à Saint-Léon, de Nancy, à Notre-Dame, de
Saint-Dié, à Sainte-Ségolène, de Metz, il se montra un
haut et noble artiste.
Les fabricants du quartier Saint-Sulpice n'ont pas eu
d'adversaire, plus décidé et plus résolu.
Vallin n'a jamais rougi de sculpter un mobilier
religieux considéré généralement comme un peu périmé et
vieillot. Il estimait justement que l'art et la beauté
peuvent se trouver partout.
Vallin, avec les Prouvé, les Camille Martin, les Daum,
Les Majorelle, les Hestaux, les Gulia, fut des
fondateurs de l'école de Nancy.
Dans notre ville même, ont été construites, sous son
influence, nombre de maisons, légitime objet de
curiosités artistiques :
La sienne d'abord, élevée en 1896. M. Vallin y appliqua
la diversité ornementale de nos plantes, depuis celles
des champs.
Il plaça sur la porte principale, l'empreinte d'une
ombellifère de nos forêts, et Prouvé sculpta pour cette
porte, une entrée de boîte aux lettres, véritable
chef-d'oeuvre.
Les maisons de M. Biet, architecte rue de la Commanderie
et de M. le docteur Aimé, rue Saint-Dizier, doivent
beaucoup aussi à M. E. Vallin.
Il a mis en pratique dans leur construction, le procédé
de moulurage qu'il a définitivement adopté.
Nous retrouvons, un peu dans tout Nancy, la « manière »
du maître. C'est à lui et M. Charles André qu'est due la
devanture du magasin François Vaxelaire, avec ses lignes
s'élançant du ras du sol et allant s'infléchir en
combinaisons élégantes.
MM. Masson et Corbin possèdent de lui d'admirables
meubles de salle à manger. La chapellerie Delchard est
également son oeuvre ainsi que la porte des ateliers
Gallé.
La devise du maître y est inscrite « Ma cause est au
fond des bois ». Eugène Vallin pouvait la revendiquer.
Dans la nature, en effet, se trouve toute source
d'inspiration et de vie. Dans nos cathédrales, les
grands artistes gothiques ont reflété la complexité des.
forêts comme ils ont imité dans les vitraux les teintes
du soleil couchant..
L'art français, l'art lorrain perdent beaucoup dans le
probe artiste qui vient de mourir. Il avait l'âme des
sculpteurs du moyen-âge qui firent d'éternels
chefs-d'oeuvre.
Léon PIREYRE.
Les obsèques
Les obsèques du regretté Eugène Vallin ont eu lieu,
lundi matin, en l'église Saint-Georges et l'inhumation à
Maxéville.
En raison des vacances, l'assistance était moins
nombreuse qu'il n'était permis de l'espérer.
Reconnu MM. Daum, Wiener, Goutière-Vernolle. Burtin,
Schifl, Biet, Thomas, Neiss maire de Maxéville.
M. le maire de Nancy, retenu par la réception de la
musique de la Garde républicaine, s'était excusé, à son
très vif regret, de ne pouvoir être présent. La
municipalité était représentée par M. Charles Gérard,
délégué aux Beaux-Arts, qui, au cimetière, a prononcé un
émouvant discours. |
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