Bulletin
des transports internationaux par chemins de fer
publié par l'office central à Berne
v.23 1915.
Action née de ce que l'expédition des
marchandises n'a pas eu lieu dans l'ordre de leur acceptation au transport,
selon l'art. 5 C. I.
(Arrêt de l'Oberlandtesgericht de Stuttgart [lre chambre civile]
du 19 juin 1914.)
- Comp. C. I. art. 5 (3) et 45 (4). -
La demanderesse avait remis au transport, à Igney-Avricourt, en automne
1911, 3 wagons de pommes à cidre pour une gare des chemins de fer
wurtembergeois. Attendu que les pommes étaient arrivées en mauvais état, la
demanderesse réclama une indemnité parce que l'expédition des wagons n'avait
pas eu lieu dans l'ordre de leur acceptation au transport. Elle a été
déboutée de sa demande par un jugement du Landgericht de Stuttgart du 30
décembre 1913; l'appel interjeté par elle contre ce jugement a été rejeté
par la 1re chambre civile de l'Oberlandesgericht de Stuttgart.
L'Oberlandesgericht expose, dans les motifs de son arrêt, que le texte de
l'art. 5 (3) C. I. a pour effet d'assurer la pratique régulière de
l'obligation au transport et d'empêcher que des faveurs particulières de
transport soient accordées à des expéditeurs au détriment des autres.
Quiconque veut baser une action en indemnité sur ce texte doit, en premier
lieu, prouver que des marchandises acceptées au transport postérieurement
aux siennes ont été expédiées avant celles-ci. Par conséquent, pour motiver
son action en indemnité, la demanderesse devait prouver quels wagons, à
indiquer exactement par elle, acceptés en gare d'Igney-Avricourt, après ceux
qu'elle avait remis elle-même à cette gare ont été, malgré cela, expédiés
avant les siens, acceptés les premiers au transport. Elle n'a pu fournir
cette preuve. Car, d'après le résultat de l'enquête, il est certain que les
voies dont disposait la gare d'Igney-Avricourt étaient tout à fait
insuffisantes pour le trafic très intense existant à cette époque et que
cette gare apposait son timbre à date sur des lettres de voiture, bien que
les wagons indiqués sur ces
pièces ne se trouvassent pas en gare et fussent répartis dans des gares
voisines. Dans ces conditions, il ne suffit pas que des retards et
irrégularités considérables se soient produits, à l'époque considérée, dans
l'expédition des wagons de fruits à Igney-Avricourt. Alors même que d'autres
wagons, remis au transport à cette gare plusieurs jours après la remise de
ceux dont il s'agit, sont arrivés avant ceux-ci en Wurtemberg, on ne peut
toutefois en déduire avec certitude une infraction à l'art. 5 C. I., attendu
qu'il n'est pas établi que les wagons de la demanderesse étaient arrivés à
Igney-Avricourt avant les autres wagons et ont stationné à cette gare
pendant que les autres étaient acheminés au delà. Sans doute, d'après l'art.
8 (3) de la C. I., la lettre de voiture munie du timbre fait preuve du
contrat de transport; cependant la preuve contraire est admissible, et,
d'après les indications du chef de gare d'Igney-Avricourt pris à témoin, il
est établi que les wagons de la demanderesse n'étaient pas encore arrivés à
cette gare aux dates indiquées sur les timbres à date et que, par suite, ces
wagons n'ont pu être acceptés au transport aux dates indiquées sur les
timbres. Il n'y aurait infraction à l'art. 5 C. I. que si, après leur
arrivée à Igney-Avricourt, et également après leur acceptation au transport
effective, les wagons en question avaient stationné et avaient été acheminés
seulement après d'autres wagons acceptés au transport après eux, mais il
n'en a pas été fourni de preuve concluante. On peut d'autant moins dispenser
de cette preuve la demanderesse que, d'après son argumentation, la
non-observation dans le transport de ses wagons de l'ordre de leur
acceptation est attribuable non pas à l'intention d'accorder à des tiers un
avantage particulier, mais à l'insuffisance des voies existant à Igney-Avricourt,
ce qui permettrait au défendeur de prouver que la non-observation de l'ordre
d'acceptation provient de nécessités de l'exploitation du chemin de fer.
En ce qui touche l'objection présentée subsidiairement par le défendeur au
sujet de la prescription, le tribunal ne s'est pas prononcée sur le point de
savoir si les dispositions contenues dans l'art. 45 de la C. I. concernent
aussi les actions basées purement et simplement sur l'art. 5 de la C. I. Il
a déclaré l'objection non fondée, ne fût-ce que parce que la décision
écrite, qui est au dossier, avait été communiquée à l'appelant et lue par
celui-ci, mais ne lui avait pas été délivrée par écrit. Le texte français de
l'art. 45 « notifié par écrit» montre d'emblée que la délivrance de la
notification par écrit prescrite est nécessaire. (D'après la Zeitung des
Vereins Deutscher Eisenbahnverwaltungen 1914, p. 1105.)
Journal officiel de la
République française. Débats parlementaires. Chambre des députés :
compte rendu in-extenso
9 décembre 1911
M. le président. La parole est à M. de
Chappedelaine.
M. de Chappedelaine. Messieurs, le groupe cidricole de la Chambre, qui
comprend des députés appartenant à trente départements au moins, m'a demandé
de présenter quelques observations au Gouvernement et à la Chambre au sujet
des difficultés inouïes dont les populations des régions que nous avons
l'honneur de représenter ont souffert cet été et cet automne pour
l'expédition des fruits à cidre.
Hier, M. le ministre des travaux publics a fait comme les Anglais : il a
tiré le premier. Aujourd'hui, je veux lui répondre; le combat ne sera pas
très meurtrier, puisque nous nous battons avec des pommes. (Sourires.)
J'ai pris part à la discussion du dernier budget des chemins de fer de
l'Etat ; je me suis exprimé avec un esprit de complète impartialité;
j'aborde aujourd'hui la tribune animé des mêmes intentions.
Je commence d'ailleurs par reconnaître - quoique ceci soit en dehors de
l'objet que je me propose de traiter - que si l'on envisage le réseau du
point de vue de la sécurité, il faut admettre que depuis quelques mois des
améliorations considérables ont été réalisées. Il y a lieu d'en féliciter le
directeur, M. Claveille, et le personnel qui le seconde. M. Claveille est
certainement le meilleur legs que pouvait nous laisser M. Puech quand il a
quitté le ministère.
Mais je suis obligé d'arrêter là mes éloges. Si l'on envisage, au contraire,
le réseau du point de vue des transports, on est obligé aussi de reconnaître
pour demeurer impartial, et M. le ministre des travaux publics le reconnaît
tout le premier, que la situation est, je ne dirai pas mauvaise, le mot
n'est pas suffisant, mais intolérable, au point d'avoir soulevé cette année
l'indignation de certaines régions desservies par le réseau.
(Très bien! très bien! à droite et au centre.) Messieurs, l'année 1911 a
été, dans l'Ouest, une année particulièrement pénible pour l'agriculture ;
les inondations de l'hiver dernier, auxquelles ont succédé le chaleurs
torrides de l'été, ont causé des préjudices considérables à la culture des
céréales.
Il est une récolte en général très abondante en Bretagne et très
rémunératrice qui, cette année, a fait complètement défaut, c'est la récolte
du sarrasin; mais du moins, depuis le printemps, les cultivateurs vivaient
de l'espoir que, dans la récolte des fruits à cidre, ils trouveraient au
moins ample compensation.
A cause de l'imprévoyance de l'Etat, cet espoir a été complètement déçu.
Depuis quelques années la Bretagne se livre au commerce d'exportation de
fruits à cidre à l'étranger et en particulier en Allemagne. L'Allemagne, qui
depuis longtemps consomme du cidre, est devenue depuis longtemps elle-même
exportatrice.
Je n'ai pas l'intention de vous faire un cours de cidrologie, mais je suis
obligé d'entrer ici dans quelques détails, pour vous faire comprendre la
nécessité du transport rapide des pommes.
M. Lefas. Très bien!
M. de Chappedelaine. Les Allemands fabriquent énormément de cidre pour leur
consommation et aussi pour l'exportation ; ils sont clients de différents
pays et en particulier de la Roumanie, de l'Italie et de la France.
Ce cidre est de deux sortes, cidre ordinaire et cidre mousseux, müst et
aepfelwein. Je me hâte de le dire pour calmer les susceptibilités des
producteurs de vin de Champagne, ce cidre n'a absolument aucun rapport avec
le champagne même, de la 2e zone.
M. Lenoir. Nous le savons très bien.
(Sourires.) M. de Chappedelaine. Ce cidre n'est exporté par l'Allemagne ni
en France ni même en Europe. Il est exporté presque exclusivement en Afrique
et en Amérique.
M. Lefas. Et aux Indes.
M. de Chappedelaine. Oui, et aux Indes. Que ce soit du cidre ordinaire ou
champagnisé, les Allemands apportent à la fabrication de cette boisson le
plus grand soin et une propreté méticuleuse. Les pommes sont soigneusement
lavées et il est à peine besoin d'ajouter qu'on rejette non seulement celles
qui sont gâtées, mais même celles qui sont un peu avancées.
Vous comprenez dès lors la nécessité de transporter très rapidement ces
fruits à cidre de notre pays en Allemagne, car si le transport dure trop
longtemps la pomme, qui est une marchandise essentiellement périssable,
arrivera là-bas gâtée, et les Allemands la refusent ou la payent à vil prix.
M. Lenoir. Il est bien regrettable que vos compatriotes de Bretagne ne les
imitent pas et ne fabriquant pas eux-mêmes C'est une perte pour la France.
M. de Chappedelaine. Ils y viendront peut-être, mais ils n'en est pas moins
vrai qu'ils trouvent à vendre leurs pommes en Allemagne à un prix
rémunérateur. Vous ne pouvez pas tout de même les en empêcher.
M. Lenoir. Non ! mais je regrette qu'ils ne fabriquent pas eux-mêmes. Ils y
auraient plus de bénéfice.
M. Lefas. Nous avons tellement planté que d'ici cinq ans nous pourrons
suffire aux demandes de la France et de l'Allemagne.
M. Lenoir. En attendant, fabriquez vous-mêmes.
M, de Chappedelaine. Nous fabriquons aussi les deux sortes de cidre que
fabrique l'Allemagne. C'est une boisson très hygiénique, je vous la
recommande. (Très bien! très bien ! sur divers bancs.) Hier, M. le ministre
des travaux publics nous a dit : « Les transports ont été exécutés d'une
façon normale sur le réseau de l'Etat, mais des encombrements ont eu lieu en
gare d'Argenteuil et en gare frontière d'Igney. »
Il a mis en cause ainsi le chemin de fer de Ceinture et la compagnie de
l'Est. En admettant qu'il y ait eu une certaine négligence de la part de ces
réseaux, il n'en est pas moins vrai que l'encombrement même de la gare d'Igney
est imputable à l'Etat.
En effet, un grand nombre de wagons sont arrivés en gare d'Igney pleins de
pommes complètement gâtées, Là, les marchands et courtiers allemands ont
refusé de les accepter en raison de leur mauvais état.
Or elles étaient gâtées parce qu'elles avaient du attendre des semaines sur
les quais d'embarquement de nos gares de Bretagne, parce que le réseau de
l'Etat n'avait pas été à même de fournir aux négociants les wagons qu'ils
demandaient. (Applaudissements sur divers bancs.) Voilà pourquoi il y avait
de l'encombrement en gare d'Igney. Nous avons donc raison de dire que c'est
la faute de l'Etat.
Enfin, M. le ministre des travaux publics, qui semble extrêmement tenté
d'intervenir et d'empiéter sur le domaine des compagnies, avait là, il me
semble, une excellente raison d'intervenir auprès de la compagnie de l'Est.
Puisque la gare d'Igney n'était pas suffisante pour le passage des nombreux
trains de pommes - on a compté à cette gare à la fin d'octobre jusqu'à 2,000
wagons - pourquoi M. le ministre des travaux publics n'est-il pas intervenu
auprès de la compagnie de l'Est et n'a-t-il pas demandé à cette compagnie
s'il n'y avait pas moyen de faire passer ces wagons chargés de pommes par
d'autres gares frontières, par exemple par les gares de Delle et de
Petit-Croix ?
M. le ministre des travaux publics ne dira pas qu'il n'était pas averti. Des
délégués de notre groupe cidricole sont allés le voir avant les vacances
dernières et l'ont informé que la campagne de pommes, cette année, serait
extrêmement intense.
Messieurs, la cause de cet encombrement, est donc dans le long retard
apporté par les chemins de fer de l'Etat à la fourniture des wagons. Ces
retards ont été extraordinaires.
J'ai ici un dossier très abondant ; je ne veux pas abuser des instants de la
Chambre (Parlez ! parlez !) et je ne vous le lirai pas tout entier. Je vous
donnerai seulement des extraits de quelques-unes de ces lettres qui vous
feront voir que les wagons demandés ont été accordés dix, quinze jours,
quelquefois plus longtemps encore après le délai où ils avaient été promis.
Alors nous avons assisté, à la fin de l'été et pendant l'automne, dans notre
pays, à ce spectacle lamentable : les cours intérieures des gares encombrées
par des centaines de charrettes, dont cependant les cultivateurs, à cette
époque de l'année, avaient un besoin urgent pour leurs travaux agricoles, et
qu'ils étaient obligés de laisser là inutilisées ; nous avons vu les quais
des gares couverts de monceaux de pommes pourrissant sur place, les
cultivateurs, à certains moments, ne pouvant pas pénétrer dans les cours
intérieures des gares avec leurs charrettes, tellement ces cours étaient
encombrées, et obligés de recommencer deux ou trois fois le même voyage.
Voyez quels frais exorbitants pour eux, quelles pertes de temps et d'argent
!
Quand enfin ces pommes étaient embarquées, une grande partie étaient déjà
avariées, en sorte qu'arrivées à destination, elles étaient refusées et le
refus des wagons accroissait encore l'encombrement de la gare d'Igney, où
les malheureux négociants vendaient leurs marchandises à vil prix.
Les documents qui servent de base à mon argumentation m'ont été procurés en
partie par mon collègue et ami M. Lefas, le distingué président de notre
groupe cidricole.
Je puis citer, en particulier, une lettre de M. Lorin, un des négociants en
pommes les plus importants d'Ille-et-Vilaine, membre du syndicat en gros
d'Ille-et-Vilaine, du Morbihan et des Côtes-du-Nord. Deux wagons de pommes,
nous dit-il, avaient été expédiés par lui de la gare d'Antrain
(Ille-et-Vilaine) à la date du 30 septembre, à destination de Stuttgart.
L'un de ces wagons est arrivé le 6 octobre, c'est-à-dire dans, un délai
normal et a été vendu 1,334 marks, tandis que l'autre, arrivé seulement le
19 octobre, chargé de pommes exactement de même qualité, a été vendu 700
marks, c'est-à-dire à peu près moitié moins.
Les cours, du fait de ces irrégularités, ont varié de 800 à 1,200 marks.
Vous voyez quelles pertes elles ont entraîné. Ai-je besoin d'ajouter que
cette façon de procéder a soulevé l'étonnement et l'émotion non seulement
des populations que nous représentons, mais également des étrangers ? Voici
une lettre qui me semble bien typique et qui montre, hélas ! la triste
opinion qu'ont de notre réseau d'Etat les Allemands, dotés eux-mêmes de
chemins de fer d'Etat, il est vrai, mais fonctionnant parfaitement ; je puis
l'affirmer, car j'ai beaucoup circulé sur les chemins de fer allemands et je
les connais bien, les ayant étudiés spécialement. Voici une lettre écrite à
M. Lorin, par M. Ruckle, chef de la plus grosse maison de commerce de
Stuttgart.
J'en lis les dernières phrases : « C'est incompréhensible qu'il y ait
parfois des wagons français qui nous arrivent après trente jours de voyage.
Inutile de vous dire en quel état la marchandise arrive. Chaque année, le
Gouvernement français promet d'apporter des améliorations au transport des
pommes à cidre soit par une expédition plus prompte, soit en remplaçant le
vieux matériel par du nouveau.
D'Italie les wagons nous arrivent en quatre ou cinq jours et on peut
disposer sur la marchandise dès l'expédition, ce qui est tout à fait
impossible pour les wagons venant de votre pays. »
M. Lenoir. Il n'y a pas bien longtemps qu'il en est ainsi pour les wagons
italiens.
M. Charles Dumont. Depuis le rachat.
M. Lenoir. Il n'en était pas ainsi auparavant.
M. de Chappedelaine. C'est possible, mais chez nous, depuis le rachat, les
Allemands constatent que les trains vont plus mal.
« Quant au matériel employé pour les wagons français, continue M. Ruckle, il
faut, vraiment s'étonner que la France, connue comme le pays le plus
civilisé et le plus avancé, n'ait à sa disposition comme moyens de transport
que de vieux wagons qui souvent ne peuvent plus supporter un long voyage,
dont font preuve les avanies fréquentes qui obligent de transporter la
marchandise et elle en souffre nécessairement.
Quand est-ce que la France apportera quelque remède pour sauvegarder les
intérêts de ses citoyens? Quand on pense aux gros capitaux en mouvement, en
ces sortes d'affaires, aux pertes possibles provoquées en grande partie par
les retards dans la livraison, on ne peut que désirer que le Gouvernement
français fasse le possible pour posséder un matériel de chemin de fer aussi
bon que celui de ses voisins, que celui également de l'Autriche et de
l'Italie. » Inutile d'ajouter que les plaintes des négociants français sont
naturellement aussi vives.
Je ne veux pas vous fatiguer par la lecture de nombreux documents; je vous
demande la permission cependant de vous en lire encore quelques-uns.
Voici une lettre émanant d'un des principaux négociants du Morbihan, M.
Martin, négociant en pommes et en grains. Il m'écrivait le 26 septembre
dernier : « Je viens porter à votre connaissance combien grandes sont les
difficultés que nous éprouvons pour obtenir de la compagnie de l'Ouest-Etat,
du matériel pour expédier les pommes, seule récolte de nos contrées qui,
cette année, pouvait aider nos cultivateurs à payer leurs fermages.
« Si je vous disais que depuis le 15 septembre au 25 du même mois, j'ai fait
à la gare de Broons différentes demandes de wagons dont le chiffre total
s'élève à quarante - cependant la campagne est à peine commencée ! Ne perdez
pas de vue que chaque wagon doit porter 10,000 kilogr., ce qui représente
400,000 kilogr.
« Sur quarante wagons demandés à ce jour, j'en ai obtenu huit, qui
appartenaient non pas à l'Etat, mais bien à la compagnie de l'Est.
« En présence de la situation actuelle, il m'est à mon grand regret,
impossible d'exécuter des contrats faits avec des étrangers. D'après les
contrats que j'ai passés aussi avec les cultivateurs, je devais prendre
leurs pommes à partir du 15 au 25 septembre. Par suite du manque de
matériel, je n'ai pu donner satisfaction à ces clients, les pommes restent à
pourrir sous les arbres et dans les gares.
« A côté de nous se trouvaient les jours derniers des commerçants allemands,
ils ne purent s'empêcher de rire en voyant en France une telle organisation
et surtout les rapides progrès qui ont été faits depuis le rachat.
« N'ignorez pas, monsieur le député, qu'il n'y a pas que la Bretagne à
fournir des pommes en Allemagne, il y a les Italiens et les Roumains ;
ceux-ci, mieux favorisés que nous, sous le rapport du matériel, placent à
notre désavantage leur marchandise, qui arrive toujours bien, alors que la
nôtre reste à traîner sur les quais, arrive à Stuttgart en mauvais état et
est vendue parfois 150 à 200 fr. de moins par wagon que la première.
« Pour nous aider à lutter contre les concurrents, il faut que nous,
commerçants français, soyons soutenus et aidés. »
Hier, M. le ministre, essayant de répondre à nos questions, a parlé de
l'encombrement de la gare d'Igney. Je vous ai dit ce qu'il fallait en penser
et comment cet encombrement était imputable encore à la lenteur mise par les
chemins de fer de l'Etat à fournir le matériel nécessaire aux négociants de
notre pays.
M. le ministre a dit encore que les chemins de fer allemands n'apportaient
pas toute la bonne volonté désirable aux transports de pommes. La vérité, en
effet, est qu'au début de la campane, les chemins de fer allemands,
obéissant à leur réglementation, ont refusé d'évacuer sur leurs voies plus
de six trains de pommes par jour. A la suite de demandes réitérées, ils ont
consenti à évacuer huit trains par jour.
Mais, ici encore, je demande à M. le ministre des travaux publics: pourquoi,
averti de la campagne très intense qui allait avoir lieu, n'est-il pas entré
en pourparlers avec les chemins de fer allemands et pour-quoi ne leur a-t-il
pas demandé de mettre un peu plus de bonne volonté? (Très bien!)
M. le ministre des travaux publics. J'établirai que cela a été fait.
M. de Chappedelaine. Je demande, si, l'année prochaine, la récolte est aussi
abondante dans notre pays - dans les années qui suivront, il est à prévoir
que nous aurons des récoltes encore plus abondantes, car on continue à
planter énormément - je demande que le Gouvernement français intervienne
auprès du Gouvernement allemand. (Très bien! très bien!) Le groupe cidricole
a projeté pour le mois de janvier - ou de février prochain, à Paris, une
réunion qui comprendrait des parlementaires, des membres des syndicats et
des chambres de commerce, les principaux négociants en pommes et aussi des
négociants allemands, des délégués des chemins de fer français et allemands.
Nous espérons, monsieur le ministre, que vous voudrez bien nous seconder à
cette occasion. Il faut qu'au cours de cette réunion nous arrivions à une
entente avec les chemins de fer allemands afin que de semblables faits ne se
reproduisent plus. (Très bien! très bien!) M. le ministre des travaux
publics. J'ai parlé hier de la question du transport des pommes ; mais il me
semble qu'un ou deux points de cette importante question méritent quelques
développements complémentaires.
L'encombrement de la gare d'Igney-Avricourt a été pour beaucoup dans les
retards des arrivages en Allemagne. Mais, si l'encombrement de cette gare a
été en partie, en grande partie, occasionné par les habitudes des chemins de
fer allemands, il faut reconnaître que les expéditeurs de pommes ont, eux
aussi, une part de responsabilité.
Dès 1907, en prévision de ce qui allait se produire, entre les réseaux
intéressés à l'expédition des pommes, des conférences ont été organisées, à
la suite desquelles fut rédigée une instruction où je lis :
« Il faut indiquer aux expéditeurs de pommes la nécessité d'acheminer leurs
trains non sur Igney-Avricourt, mais directement sur Deutsch-Avricourt. ».
Or, cette instruction n'a pas été suivie par les expéditeurs; les
expéditions ont été faites sur Igney-Avricourt et l'encombrement de cette
gare a été la principale raison des longs délais de transports.
Permettez-moi, d'ailleurs, de vous lire un passage d'un rapport du contrôle
- remarquez que ce rapport n'émane pas du réseau de l'Est lui-même, mais du
service du contrôle :
« L'acheminement des wagons de pommes vers l'Allemagne, lorsqu'ils sont
venus par le réseau de l'Est, est ralenti par les deux difficultés suivantes
:
« 1° Un grand nombre de ces wagons, la moitié environ, d'après la compagnie
de l'Est, est expédié à des courtiers en gare d'Igney-Avricourt. »
Ainsi, malgré les recommandations faites aux expéditeurs, ils ont continué à
expédier en gare d'Igney-Avricourt leurs wagons de pommes, pour être
réexpédiés ensuite sur l'Allemagne, après revente, aux destinataires
définitifs. Ils ont donc transformé la gare d'Igney-Avricourt en un
véritable marché de pommes. Et c'est là une des principales causes des
retards. Or, pour maintenir leurs prix, les courtiers profitent, la plupart
du temps, de la totalité des délais, qui leur sont accordés par les tarifs
et les dépassent même. De là des immobilisations considérables de wagons qui
encombrent la gare frontière et gênent le débit sur l'Allemagne.
« 2° Les chemins de fer allemands ont limité jusqu'à six trains seulement
par jours ouvrables le nombre des trains de petite vitesse acceptés à la
gare de Deutsch-Avricourt; ce nombre a été réduit quelquefois à cinq et il
tombe à deux les dimanches et jours de fêtes. De plus ces livraisons ne
peuvent avoir lieu que de sept heures du matin à quatre heures du soir.
« Il s'ensuit que la France ne peut rien écouler pendant quinze heures
consécutives.
« Pour parer à la première de ces difficultés, les réseaux de l'Ouest et de
l'Orléans ont publié, à la suite de la crise de 1906, des conseils qui me
paraissent d'autant plus utiles, dans la nouvelle crise que nous traversons,
que les expéditions de pommes prennent des proportions plus grandes qu'en
1906.
« La seconde difficulté est en voie d'atténuation grâce aux démarches du
réseau de l'Est.
« A la suite d'une conférence de ses représentants avec ceux des chemins de
fer allemands, il a été décidé que, » - sauf approbation de la direction des
chemins de fer de Strasbourg (chemin de fer d'Alsace-Lorraine), - cette
autorisation n'était pas arrivée huit jours après - « quatre marches de nuit
pourraient être utilisées pour des trains petite vitesse entre Igney et
Deutch-Avricourt de six heures du soir à quatre heures du matin.
Une note postérieure indique : « Il y a encore 900 wagons à la date du 13
octobre immobilisés en gare d'Igney-Avricourt, et on n'a pu obtenir des
chemins de fer allemands que deux trains supplémentaires. »
Je tenais à vous indiquer, d'une part, que les pourparlers nécessaires
avaient été engagés avec les chemins de fer d'Alsace-Lorraine en vue du
dégagement de la gare d'Igney, d'autre part, qu'une partie de la
responsabilité des retards incombe aux expéditeurs de pommes, et c'est à
vous, messieurs, de leur rappeler à l'avenir qu'ils agiront prudemment en
adressant leurs expéditions, non pas à la gare française d'Igney-Avricourt,
mais au delà de la frontière.
(Applaudissements à gauche.)
M. Lefas. Voulez-vous me permettre un mot, monsieur de Chappedelaine ?
M. de Chappedelaine. Volontiers.
M. Lefas. L'affiche des compagnies, dont M. le ministre vient de donner
lecture et qui conseille aux producteurs français de ne pas expédier leurs
pommes en gare d'Igney-Avricourt, cette affiche a été rédigée à la demande
expresse du groupe cidricole de la Chambre. C'est dire que nous avons déjà
entrepris l'œuvre de propagande que nous conseille M. le ministre.
Si nous ne sommes pas arrivés à des résultats plus complets, cela tient
évidemment à ce que nos cultivateurs ne se sont pas tous suffisamment
renseignés et se sont laissé tromper par certains courtiers allemands. Mais
la part principale de responsabilité, en tout ceci, incombe, comme l'a fort
bien dit M. le ministre, aux chemins de fer allemands.
L'affiche en question conseille bien aux producteurs français d'expédier
leurs wagons à Deutsch-Avricourt. Mais les chemins de fer allemands
refusent, eux, d'accepter ces expéditions en gare de Deutsch-Avricourt ; ils
usent pour cela d'un moyen très simple : ils ont surélevé les droits de
stationnement des wagons, en gare de Deutsch-Avricourt, de telle façon que
les commerçants allemands ne peuvent pas faire venir leurs wagons dans cette
gare. En même temps que les chemins de fer allemands empêchaient les wagons
français de stationner dans la gare frontière de Deutsch, ils s'arrangeaient
pour n'enlever chaque jour qu'une quantité insuffisante - la moitié à peine
- des wagons qui leur étaient amenés à la gare frontière française d'lgney.
(Mouvements divers.) M. Bouveri. Il y a là un jeu de bourse.
M. Lefas. Nous ne dénoncerons jamais trop haut ces procédés, étant donné le
discrédit que les courtiers allemands, sans tenir compte de la
responsabilité qui incombe à leurs propres chemins de fer, cherchent à jeter
par leurs circulaires sur l'administration des chemins de fer français.
Seulement, monsieur le ministre, plus vous aurez prouvé - avec raison - que
cet état de choses déplorable est provoqué en partie par les chemins de fer
allemands.
M. Pierre Leroy-Beaulieu. Ce sont pourtant des chemins de fer d'Etat !
M. Lefas. ...plus vous nous amènerez à penser que des arrangements préalables
doivent être pris entre ces chemins de fer allemands et les chemins de fer
français. Or, nous, monsieur le ministre, nous n'avons pas le moyen
d'établir des relations directes entre nos réseaux et ceux d'au delà de la
frontière. Nous prions donc le Gouvernement, par l'entremise de ses agents
consulaires, de se préoccuper dès maintenant des améliorations qui
nécessitent un commun accord. (Très bien! très bien!)
M. de Chappedelaine. Je remercie M. le ministre des explications qu'il vient
de nous donner. Mais puisque les pourparlers avec l'Allemagne n'ont pas été
jusqu'ici suffisants, raison de plus pour les reprendre et pour qu'on
aboutisse enfin à une entente complète avec les chemins de fer allemands.
Il n'en est pas moins vrai, non plus, que ce que vient de dire M. le
ministre n'infirme en rien ce que j'avais avancé d'abord, à savoir que
l'encombrement en gare frontière d'Igney a été dû, au moins en grande
partie, au degré de trop grande maturité ou même d'avarie des pommes
arrivées dans cette gare, et cela à cause du retard apporté par les chemins
de fer de l'Etat pour la fourniture des wagons demandés.
Hier, M. le ministre des travaux publics nous a fait des objections au point
de vue du trafic avec l'étranger, et il a essayé d'excuser le réseau de
l'Etat des retards apportés au trafic international des pommes.
Mais il ne nous a rien dit du trafic intérieur; et, messieurs, j'ai le
regret de constater que ce trafic intérieur a été aussi difficile, si ce
n'est plus difficile, que le trafic extérieur.
Ici, il n'y a plus cependant les mêmes raisons ni les mêmes excuses à
invoquer.
M. le ministre des travaux publics. Il y a un certain rapport entre les
deux, monsieur de Chappedelaine.
Le retard dans le retour de nos wagons d'Allemagne a certainement influé sur
la pénurie de wagons- dans le service intérieur.
M. Lefas. Ce ne sont pas les mêmes wagons.
M. le ministre des travaux publics, si, en partie.
M. de Chappedelaine. Vous nous avez énuméré, monsieur le ministre, les
difficultés du trafic international et vous avez cherché des excuses dans
ces difficultés.
Vous nous avez dit que pour le trafic avec l'Allemagne il fallait des wagons
douanables, c'est-à-dire des wagons répondant aux prescriptions de la
convention de Berne, des wagons en particulier ayant des traverses en fer.
C'est exact.
Mais alors je vous dirai, monsieur le ministre, pourquoi n'aviez-vous pas
ces wagons, pourquoi ne -vous les étiez-vous pas procurés, depuis trois ans
que le réseau a été racheté ? Pourquoi n'en avez-vous pas fait construire ?
Vous avez dit que les Allemands étaient très exigeants, qu'ils voulaient des
wagons fermés. Pourquoi n'avez-vous pas des wagons fermés en quantité
suffisante ?
M.Roblin. Pourquoi l'Ouest n'en avait-il pas?
M. de Chappedelaine. Au mois d'octobre dernier vous en étiez réduit, vous
Etat français. à négocier avec des compagnies étrangères la location de
quelques malheureux wagons. Vous vous êtes adressé à la société auxiliaire
de Milan et à la société auxiliaire belge. Finalement vous avez réussi à
louer 252 wagons à cette dernière. N'est-ce pas là un pauvre procédé? Vous
n'avez plus au point de vue du trafic intérieur, à vous retrancher derrière
les mêmes excuses. Nos commerçants pour le trafic intérieur et pour le
trafic intérieur même du réseau utilisent toute espèce de wagons et ces
wagons, vous ne les avez pas. J'ai ici des documents qui le prouvent d'une
façon certaine. Voici ce que m'écrit l'un des principaux négociants en
pommes des Côtes-du-Nord, M. Bourdé, maire de Plénée-Jugon :
« Je viens vous entretenir, m'écrit-il à la date du 12 novembre, de la
question des wagons pour les pommes. Il en est venu quelques-uns à la suite
de votre télégramme, mais c'est tout à fait insuffisant, puisque le retard
augmente encore. Le chef de gare de Plénée-Jugon demandait hier plus de 140
wagons et il ne demande les wagons que six jours après la date des demandes.
Cela fait donc environ 100 wagons qui manquent à la gare de Plénée-Jugon.
« On livre en ce moment les wagons demandés pour le 26 octobre, soit un
retard de quinze jours au moins et comme il en faudrait 15 par jour pour ne
pas retarder (il n'en vient que 6 ou 7 au maximum), nous allons arriver à un
retard invraisemblable.
« S'il survient de la glace, toutes ces pommes vont être perdues. D'autre
part, il faut que d'autres gares expédient, puisque beaucoup d'acheteurs se
dérobent et rompent leurs contrats pour retards ; ils achètent ailleurs.
Perte donc de tous les côtés : 1° pour le commerçant qui ne peut livrer à
temps et voit ses marchés avantageux rompus; 2° pour le cultivateur qui ne
trouve pas à vendre ses pommes et qui perd la moitié de sa récolte. »
Le lendemain, 13 novembre, M. Bourdé m'écrit encore :
« Il n'est plus question de trafic de pommes avec l'Allemagne, on n'expédie
plus que sur les gares du réseau Etat principalement et quelques wagons sur
les autres compagnies.
« La gare livre aujourd'hui les wagons demandés pour le 27 octobre, soit un
retard de 17 jours.
« Comme il se fait plus de demandes journalières que de livraisons, le
retard ne tend qu'à augmenter.
« Il est facile de comprendre que la pomme vendue pour livrer le 27 octobre
et livrée le 13 novembre a subi un déchet considérable que l'on peut estimer
à 20 p. 100, cela indépendamment des inconvénients énumérés dans ma lettre
d'hier.
« De plus, la pomme de première saison vendue pour livrer en disponible par
les cultivateurs et qui n'a pu être expédiée en temps voulu est complètement
perdue, j'estime que le préjudice causé à la commune de Plénée-Jugon
(cultivateurs) par suite des retards des wagons est d'au moins 15,000 fr. Il
faut compter deux fois autant pour les autres communes desservies par la
gare de Plénée-Jugon et nous arrivons à 45,000 fr. A cette somme ajoutez les
sommes perdues par les commerçants;
Messieurs, j'ai de nombreux documents, je ne veux pas continuer cette
lecture pour ne pas abuser de votre attention, mais, vous le voyez, le
trafic intérieur est aussi difficile et aussi mauvais que le trafic
international. Cependant cette année vous ne pouvez pas vous retrancher
derrière les excuses que vous faisiez valoir l'année dernière, et que
j'étais le premier, ici à cette tribune, à reconnaître ; vous ne pouvez pas
cette année invoquer les inondations, l'arrêt de la batellerie et la grève
des cheminots. Au point de vue des transports, cette année pouvait être
exceptionnellement bonne et cependant le matériel a fait complètement
défaut.
On citait hier certains wagons sur lesquels une légère couche de peinture
dissimulait mal le P.-L.-M. qui signifie qu'ils avaient été achetés à la
compagnie de Paris à Lyon et a la Méditerranée, et vous nous disiez ;
Ces wagons, comment les aurions-nous envoyés en Allemagne? Ils ne répondent
pas aux prescriptions de la convention de Berne; ils n'ont pas de traverses
en fer.
M. Etienne Rognon. La vérité est que ce sont des wagons réformés par la
compagnie du Paris-Lyon-Méditerranée.
M. de Chappedelaine. Mais on pouvait s'en servir pour le trafic intérieur du
réseau; pourquoi ne s'en est-on pas servi ?
S'il fallait faire quelques légères réparations, pourquoi ne les a-t-on pas
exécutées?
Voici ce que m'écrit le président de l'union régionale des syndicats
agricoles, M. de Laubier :
Depuis le mois de septembre les gares de l'Ouest dans les quartiers où se
sont concentrées les expéditions de pommes, sont encombrées de charrettes
chargées de fruits en détresse attendant vainement des wagons. Les pommes
qui ont pu être mises en wagons stationnent indéfiniment sur les voies de
garage ou s'acheminent si lentement vers leur destination, qu'elles arrivent
échauffées ou même pourries, un mois après leur mise en route.
Il en résulte des conflits, des procès entre vendeurs et acheteurs. Ceux-là
exigent l'exécution du marché, ceux-ci veulent s'y soustraire parce que
l'Etat qui s'est imposé comme le transporteur fait faillite à ces
engagements.
L'Ouest-Etat porte donc toute la responsabilité de ces conflits dont il est
la cause et des ruines financières par son incurie consommée. On se demande
quel serait le poids de cette responsabilité si à l'abondance de la récolte
de fruits était venu se joindre au lieu de la récolte définitive que nous
avons en froment en blé noir une récolte normale?
Cette pénurie de matériel qui paralyse la vie économique du pays qui a fait
tomber en quelques jours à 15 fr. le cours des fruits qui était de 25 fr.,
porte de toutes façons le plus grand préjudice à l'agriculture bretonne.
Dépourvus du matériel nécessaire pour déboucher leurs fruits, les
agriculteurs n'ont pu, au moment des emblavures, obtenir des chaufourniers,
la chaux, cet amendement si précieux, dont ils avaient besoin pour alléger
les terres fortes et contribuer aux bons rendements des céréales. A
Saint-Pierre-la-Tour, par exemple, dans la première quinzaine d'octobre,
c'est-à-dire à cette époque de l'année où le trafic de la chaux pour
l'agriculture est le plus actif, pas un seul wagon n'était à la disposition
des expéditeurs.
Et tandis que le matériel faisait défaut partout, immobilisant les affaires
sur le réseau de l'Ouest, ce n'est pas sans surprise que l'on remarquait
dans certaines petites gares des Côtes-du-Nord de nombreux wagons
immobilisés.
Dans chacune des gares du Quion, de Médréac, de Plouasne, du Ringlé, ligne
de Dinan à la Brolinière, il y avait plusieurs douzaines de wagons qui
semblaient abandonnés. Il manquait, aux uns, une chaîne d'attelage, à
d'autres un frein. Tous avaient besoin de réparations et cependant, malgré
la pénurie de wagons, ils restaient momentanément inutilisables en
encombrant les voies de garage des gares de 4e ordre, sans que dans ces
gares en pleine campagne on puisse y remédier. Pourquoi n'ont-ils pas été
acheminés vers une gare outillée pour réparer rapidement ce matériel de
transport?
Ces faits dénotent une incurie coupable contre laquelle, monsieur le député,
vous avez le devoir de défendre l'agriculture de la Bretagne. [...]
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