Les cahiers
lorrains
No 4 - Octobre 1967
OLRY de BLAMONT
évêque-élu de Metz (1459)
Lorsque Conrad Bayer de Boppart, évêque de
Metz, mourut le 20 avril 1459, Georges de Bade, chanoine de
Cologne et coadjuteur depuis le mois de juin de l'année passée,
se présenta devant le Chapitre afin d'être mis en possession de
l'évêché. Le grand archidiacre Jean Bayer, mécontent que son
oncle ne l'ait pas choisi à sa place, contesta ses droits et
engagea les chanoines à élire un nouvel évêque.
Le 23 mai, il convoqua le Chapitre, mais treize seulement des
vingt neuf chanoines répondirent présent. Ils délibérèrent
cependant, en présence de Guillaume d'Haraucourt, évêque de
Verdun et des principaux abbés bénédictins du diocèse. Leur
choix se porta sur Olry de Blamont.
Les chroniques évoquent l'affaire : « De quoy, après la mort
dudit seigneur Coinraird, évêsque, sortit entre eulx une
dissention pour faire élection d'ung aultre evesque ; car audit
temps pendant, pape Pius second réserva à luy l'élection pour
celle fois seulement, et leur fist faire inhibition, sus peine
d'excomuniement, qu'ils n'y procedaissent plus avant. Mais
aulcuns y procédèrent et fut esleu maistre Olry de Blamont ... »
(1).
Le nouvel élu « remercia d'abord ses confrères de l'honneur
qu'ils lui avaient fait, et ne signa qu'avec répugnance l'acte
de son élection » (2), mais il dut vite changer d'avis puisqu'il
se rendit sans tarder à Mantoue auprès de Pie II pour essayer de
faire valoir ses droits. Le pape le reçut assez séchement, «
déclara son élection clandestine, nulle et téméraire, et les
chanoines qui l'avaient faite, furent obligés quelques temps
après, de recourir à Rome pour obtenir l'absolution des censures
qu'ils avaient encourues en cette occasion ».
« Le douziesme jour d'aoust, fut ordonné de part messeigneurs du
chappistre de la grant église qu'ils n'iroient point à la dicte
église, ne en chappitre, ne en habit jusques tant qu'ils
auroient remission de cour de Rome ou aultre nouvelle, pour les
dissentions et périls qui estoient entre les chanoines ; car les
uns soutenaient ledit Seigneur Olry de Blamont, comme esleu pour
evesque, et la plus grande partie soustenoient George de Bauden,
pour administrateur evesque et pasteur : et aussy le soutenoit
nostre saint père le pape Pius deuxième, et n'en vouloit point
d'aultre. Et fut ordonné à Mantoue par le pape et le Sgr George
de Bauden, pourtant qu'il estoit trop jeune, qu'il serait trois
ans administrateur evesque et pasteur de Mets, et annoncé par
les paroisches de Mets qu'on le tint tel...
« L'an dessusdit (1459), maistre Arreti, chanoine de Mets, fut
envoyé à Rome vers le pape, pour impetrer absolution pour les
chanoines qui avoient fait election contre le mandement dudit
pape » (3).
Qui était Olry de Blamont ? Le fils de Thiebault de Blamont et
de Marguerite de Lorraine, le grand oncle du duc régnant.
Chanoine de Verdun, de Saint-Dié et de Metz, trésorier du
chapitre de Toul, il allait devenir, après son échec sur le
siège de S. Clément, protonotaire apostolique et abbé de S.
Mansuy de Toul. Louis XI, plus tard, le créera conseiller de son
Grand Conseil et l'autorisera à ajouter aux armes de sa famille
: de gueules à deux bars adossés d'argent, un écu d'azur à la
fleur de lys d'or qu'il posera en chef entre les têtes des deux
barbeaux.
Après avoir évincé Olry, Pie II donna, par un bulle du 11
juillet 1459, l'administration de l'évêché de Metz à Georges de
Bade, et le 4 août, ce dernier faisait prendre possession du
siège par Marc de Bade, son frère, lui aussi chanoine de
Cologne. Le grand archidiacre Jean Bayer forma alors opposition
à la nomination dies vicaires généraux et il incita le Dauphin,
le futur Louis Xl, ainsi que le duc de Bourgogne, Philippe le
Bon, à intervenir à nouveau auprès du Souverain Pontife.
Le 3 janvier 1460, Antoine de Croy, comte de Porcien, gouverneur
du duché de Luxembourg et du comté de Chiny écrit de son côté au
premier magistrat de Metz (4) afin qu'il reconnaisse Olry de
Blamont.
« Honnorables et sages, très chiers et très especiaulx amis, je
me recommande à vous. Vous savez l'election faite en evesque
futur de Metz de la personne de mon frère messire Olry de
Blammont. Le dit messire Olry a nagaires esté par deca, et à son
instance escrivent Monseigneur le Daulphin, Monseigneur de
Bourgoingne, moy et aultres à notre saint Père, au Colège des
Cardinaulx, et aultres en particulier, affin que ladite election
puist estre conserveit, et pour ce, honnorab1es et sages, très
chiers et especiaulx amis, que tous les dessus dits ont grande
affection envers ledit messire Olry et voulenté de tenir la main
à la confirmacion d'icelle election, et que ades vous lui avez
esté favourable, j'escrips presentement par devers vous, je vous
prie que en ensuivant ce que vous requièrent mesdisseigneurs,
vous vueilliez continuer en votre dite faveur et assister audit
messire Olry en toutes manières qui vous seront assistence. Et
quant aucune chose vous plaira que faire puisse, je la feray
voulentiers avec l'ayde de Notre Seigneur qui honnorables et
sages, très chiers et très especiaulx amis, vous ait en sa
sainte garde. Escript à Bruxelles le III jour de janvier. »
Olry n'obtint pas satisfaction, mais il renonça difficilement
aux prétendus droits qui lui avaient été conférés car, en 1465,
il signa encore évêque élu de Metz (5).
En 1484, au décès de Georges de Bade, Olry dre Blamont entra à
nouveau en lice, mais le duc René II fit élire son oncle Henri
de Lorraine-Vaudemont, déjà évêque de Therouanne, par ailleurs
beau-frère d'Antoine de Croy.
Cela n'alla pas sans mal. « Il y eut quelque difficulté en son
élection, d'autant que la pluspart des Chanoynes et mesme des
Bourgeois de la ville désiroient avec une très grande passion
qu'un nommé Oulry de Blammont, qui avait esté desia esleu contre
Georges de Badem, remplit ceste place : mais le duc d'e
Lorraine, ayant mis des trouppes sur pied, et ayant envoyé le
Seneschal de Bar, le Bai1lif de Nancy et le Baillif d'Allemagne
vers les mesmes Chanoines, ils les fleschirent à porter leurs
vœux sur Henry de Vaudemont, évêque de Therouanne ; de quoy la
ville tesmoigna recevoir un très sensible desplaisir sur la
jalousie, l'appréhension, et l'aversion qu'elle avait des
Lorrains » (6).
En 1498, Olry obtint l'évêché de Toul grâce cette fois à
l'entremise du duc René qui avait des visées politiques sur le
comté de Blamont. « Ses deux neveux, Louis et Claude étaient
valétudinaires ; Claude, fils de Louis, dernier descendant de la
famille de Blamont, n'avait point de santé. Olry, robuste
vieillard, paraissait devoir leur survivre et recueillir leur
héritage. Que deviendrait après lui le puissant comté ? René se
le demandait. Pour se ménager les bonnes grâces de l'abbé
commendataire de Saint-Mansuy et installer sur le siège de Toul
un homme sur lequel il put compter, il résolut de présenter et
de soutenir la candidature d'Olry de Blamont et celui-ci, par un
traité secret, lui promit de lui abandonner, en cas de réussite,
les terres de sa maison » (7).
Olry devait mourir octogénaire le 3 mai 1506 dans sa seigneurie
de Mandres-aux-Quatres-Tours où il demeurait habituellement. Il
fut inhumé dans la Collégiale de Deneuvre (8) .
H. TRIBOUT de MOREMBERT
(1) Les Chroniques de la Ville de Metz...
publiées par J. F. Huguenin, Metz, 1838, p. 290.
(2) Histoire générale de Metz par des religieux bénédictins,
Metz, II (1775), 655
(3) Les Chronique de la Ville de Metz, o.c., p. 291. Philippe de
Vigneulles, Chronique (édition Bruneau), Metz, II (1929), 335,
évoque l'affaire en quelques lignes.
(4) Archives de la Ville de Metz, AA 24, pièce 44. Original avec
la signature autographe de A. de Croy et son sceau plaqué de
cire rouge. Ce document est daté du 3 janvier, sans précision
d'année. Il ne peut s'agir que de 1460. Au dos de la lettre, on
lit : « A honnorables et sages, mes très chiers et très
especiaulx amis les Treize de la Ville et cité de Mets ».
Précisons qu'Antoine de Croy (1385-1477) n'était pas le frère,
mais l'oncle d'Olry. Il avait épousé en seconde noces en 1432
Marguerite de Lorraine dame d'Aerschot, fille du comte Antoine
de Lorraine-Vaudemont et de Marie d'Harcourt.
(5) E. Martin, Histoire des diocèses de Toul, Nancy et
Saint-Dié, Nancy, I (1900), 541 d'après une charte des Archives
de Meurthe-et-Moselle.
(6) Meurisse, Histoire des évêques et l'église de Metz, Metz,
1634, 594.
(7) E. Martin, Histoire des diocèses, o.c., 542.
(8) Dictionnaire de Biographie française, Paris, VI (1952),
571-2.
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