Edmond
DELORME
LUNEVILLE ET SON ARRONDISSEMENT
Tome II
1927
CHAPITRE XIII -
LE CANTON DE BLAMONT
Le Canton de Blâmont compte 33 Communes, peuplées de
7.741 habitants. (1)
Des neuf Cantons de l'Arrondissement, c'est donc le plus
riche en villages C'est aussi, de tout l'Arrondissement,
le plus riche en terres. Il groupe, en effet, 23.054
hectares, dont 9.763 sont terres arables, 5.946 des prés,
4.489 des bois. 3.456 hectares de terrains n'ont pas de désignation
spéciale.
Sur les trente-trois communes, huit ont un territoire de
plus de mille hectares. Leintrey en a 1.543 ; après lui,
viennent: Domèvre, avec 1.479 hectares ; Embermenil, avec
1.408; Frémonville, 1.303. Six de ces localités ont plus
de 200 hectares de prés, dix, plus de 100, et trois, 100
hectares. Dix-neuf villages ont donc 100 ou plus de 100
hectares de prés.
Bien que ce Canton ait eu le douloureux privilège d'être
compris dans la zone rouge, six Communes seulement ont
encore des étendues importantes de terres restées
incultes, représentant plus de cent hectares pour chacune
d'elles: Vého, avec 240 hectares; Emberménil, 241;
Domjevin, 182; Domèvre, 133; Vaucourt 133; Gondrexon,
115.
Les terres font partie d'un vaste ensemble qui, dépassant
la Vezouze, au Nord, se prolonge, au Midi, jusqu'aux
Cantons de Badonviller et de Cirey, et s'arrête, à l'Est
et à l'Ouest, à des coteaux élevés. Le tout représente
une cuvette peu profonde, dont le fond est, en dehors des
vallées, surélevé par des coteaux arrondis. Les vallées
sont nombreuses et assez larges, en suivant. le cours de
la Vezouze, de la Blette, de la Verdurette et de leurs
affluents.
Le sol est argilo-calcaire et, par endroits limités,
calcaire. Il est de culture laborieuse, mais fertile et
favorable aux bons rendements. 1.510 hectares sont consacrés
à la culture du blé 1.818 à celle de l'avoine, 234 au
seigle, 150 à l'orge (Statistiques de 1926). Avec les céréales,
les fourrages sont ses productions les plus communes. Dans
les fonds et le long des cours d'eau l'osier est très
cultivé et, qu'il soit façonné sur place ou transporté
en nature, à l'étranger, il est l'objet d'un commerce
actif et lucratif. Un seul village, Buriville, en fournit
1.000 quintaux annuellement.
Les grands établissements industriels se comptent par
unités et ne se trouvent que dans les localités les plus
importantes.
Les villages, agricoles, sont construits sur les cours
d'eau, le plus souvent sur des ruisselets.
Le pays est sain, sévère par endroits, très riant
surtout dans sa partie sud. Il est desservi par trois
voies ferrés. Les routes sont très belles.
Les villages portent les noms de :
Arncnoncourt, Ancerviller, Autrepierre, Avricourt, Barbas,
Blémerey, Buriville, Chazelles, Domèvre-sur-Vezouze,
Domjevin, Emberménil, Fremenil, Frémonville, Gogney,
Gondrexon, Halloville, Harbouey, Herbéviller; Igney,
Leintrey, Montreux, Nonhigny, Ogéviller, Reclonville,
Reillon, Remoncourt, Repaix, Saint-Martin, Vaucourt, Vého,
Verdenal, Xousse.
BLAMONT
Le chef-lieu de Canton, qui porte ce nom, est une petite
ville coquette, de 1.347 habitants, riche d'un long et
beau passé.
Bâtie sur la Vezouze, au centre d'une région fertile et
bien cultivée, dont les Petites Vosges ferment l'horizon
elle conserve des restes historiques d'un réel intérêt.
Vue à quelques centaines de mètres de distance, de la
voie ferrée Lunéville-Blâmont-Badonviller, elle se détache,
étalée sur la prairie dans laquelle serpente une rivière,
et limitée par deux collines, l'une à droite,
l'autre à gauche. Ses maisons sont dominées à gauche,
par un important édifice, une ancienne demeure palatiale,
et au-dessus, par des ruines élevées ; à droite, est
son église.
Le première impression, favorable, que laisse cette
petite ville vue ainsi à distance, s'accentue quand on
y pénètre ; ses rues sont bien tracées et propres, ses
maisons sont cossues, certaines luxueuses. Blâmont
respire le calme et le silence.
Il est d'accès facile, étant desservi par deux voies
ferrées et une très belle route. Il n'est qu'à 30
kilomètres du Chef-Lieu de l'Arrondissement, Lunéville.
Il a ses historiens :
MARTIMPREY de ROMÉCOURT, s'est attaché à l'Histoire
de ses Seigneurs, de ses Sires.
LEPAGE a dépouillé un dossier important d'Archives
relatives à la ville et cependant lui manquaient ceux,
anciens, de la Seigneurie de la Cité, qui, comme il nous
l'apprend, avaient été détruits lors de l'incendie
de 1636.
Quoi qu'il en soit, il est intéressant de le suivre, dans
la description qu'il nous donne des Chartes, des actes de
donation, des ordonnances, des règlements
d'administration locale, des redevances, en particulier
de celles des maîtrises, des « hanses », des bouchers,
boulangers, des marchands ambulants ; des serments des
Seigneurs et des habitants, de l'état de; la forteresse
à diverses époques, etc. Il nous apprend, qu'en 1624,
notre illustre graveur lorrain, Jacques Callot, séjourna
à Blâmont et que le Duc de Lorraine Henri lui assigna
une redevance en nature, de 900 réseaux, moitié blé,
moitié avoine, à prendre sur la recette du domaine de la
Prévôté, « pour lui donner sujet de s'arrêter au
pays, en considération de son art de graveur en taille
douce » (O. C., p, 157).
M. É. AMBROISE, dans son livre sur les Vieux Châteaux de
la Vezouze, nous a donné maints détails curieux sur Blâmont
et son Comté.
L'Abbé BERNHARDT, dans son étude sur Baccarat, a
longuement parlé des Comtes de Blâmont, voués de
Deneuvre, et a recueilli sur eux, des documents inédits.
Enfin, M. J. COLIN, en 1920, a consacré un opuscule
surtout aux Industries et aux Oeuvres Sociales de cette
ville. (2)
Pour retrouver l'origine de Blâmont dans notre Histoire
Lorraine, nous devons la rechercher ailleurs et plus loin
que dans les Chartes du Moyen Age. Une route romaine le
reliait au nord des chemins passant par Niderhoff. Car
Niderhoff était traversé par la voie militaire qui, du
Donon, allait rejoindre celle de Metz à Strasbourg. De Blâmont,
un embranchement s'échappait vers Avricourt et un autre
vers Ancerviller.
Je ne sache pas qu'on ait trouvé, à Blâmont même, des
ruines romaines et des restes antérieurs à la Période
Gallo-Romaine.
Il est question de son pagus, dans un acte de donation à
l'abbaye de Senones, en 661 ; puis dans une lettre d'Evêque
en 938, et encore dans un partage entre Charles le Chauve
et Louis le Germanique, au XIIe siècle (GROSSE).
Au Moyen Age, c'est une ville forte. Ses Comtes, ses
Sires appartiennent à la branche cadette des Comtes de
Salm-Salm ; Ils portent sur leurs armes les mêmes, « Saumons » que ceux de la branche aînée, mais sans
crossettes.
Hommes de guerre vaillants, ambitieux, querelleurs, (3)
habiles à saisir toutes les occasions qui leur étaient
offertes de développer leur puissance, voire à les faire
naître, ils poursuivent avec esprit de suite, la réalisation
de leurs desseins. Ils s'appuient sur une troupe solide,
que tous les habitants de leurs villages doivent fournir,
aussi leur seigneurie est-elle bientôt la plus compacte
et la mieux organisée de la région.
Ils ne prennent pas part aux Croisades, qui ont anéanti
tant de Chevaliers et ruiné tant de leurs biens; ils ne
consentent pas à faire profiter leurs bourgeois de la Loi
libérale de Beaumont. et, quand Charles le Téméraire dévaste
la Lorraine, leur alliance familiale, avec le Bourguignon
les met à l'abri de ses déprédations.
Puissants et forts, ils sont recherchés par les
Religieux, dont les possessions entourent leur territoire
et même, par places, le segmentent; ils sont leurs
protecteurs désignés, leurs voués. L'Évêque de Metz
les compte parmi ses suzerains, ce qui ne les empêche pas
d'être sans cesse en lutte avec lui, ce qui ne les arrêta
pas davantage de construire, près de leur Place Forte de
Deneuvre, la haute Tour des Voués et d'élever, à courte
distance de leur Forteresse de Moyen, le Château Fort de
Magnières, qui est pour celle-là une menace constante.
Grâce à leur politique avisée, peu scrupuleuse et
ferme, ces Sires, organisateurs et réalistes, arrivent
bientôt à posséder l'un des Comtés les plus
importants. de la Lorraine. Il avait l'étendue du Canton
actuel. L'Assemblée Nationale ne l'a pas subdivisé.
Le plus illustre de ces Sires, celui auquel on donna le
nom de Grand, fut Henri Ier. Son tombeau a été retrouvé
dans les
Sceau de Henri Ier
d'après Bernhardt
ruines de l'Abbaye
de Saint-Sauveur ; c'est l'un des monuments les plus beaux
que possède le Musée Lorrain. C'était un guerrier
entreprenant et superbe. On dit qu'ayant pris part aux
tournois célèbres de Chauvency, où son élégance, sa
taille, sa beauté, la richesse de son costume et celle
des hommes de sa suite, avaient impressionné la noble
assistance féminine, et quand ses hérauts d'armes clamèrent
son nom et son titre, « les Dames moult se merveillèrent
de sa taille et de sa beauté. et dirent: « Une roiauté
il dut Diex avoir donné. »
Après Henri Ier marque Thiébaut Ier, son petit-fils, qui
porta à l'apogée la fortune du Comté. II est en lutte
constante avec les Évêques et s'agrandit aux dépens de
ses Parents.
Thiébault II, allié du Téméraire, ne prend pas part à
la bataille de Nancy. S' il est épargné par les
Bourguignons. il n'échappe pas à la fureur dévastatrice
des Suisses et des Allemands, venus au secours du Duc de
Lorraine. René II. Son Château est pris d'assaut et la
ville est rançonnée (1477).
Du temps de René II, le dernier Comte de Blâmont Olry,
évêque de Metz, concède à ce Duc son Comté, à
condition que les franchises de ses habitants soient
sauvegardées. La cession (1503) donna lieu à un cérémonial
imposant, à des serments, que Lepage a signalés. Après
signature de l'acte, on se rendit à la Porte Bas de la
ville, proche de la halle, vers le bourg. Là, le
Portrait de Christine de Danemark
d'après une médaille de la Monnaie
Dessin E. DELORME
délégué du Comte Olry, Gaspar de Muhlen, remit, aux
Commissaires de René II, les clefs de la ville; il en fit
autant à la Porte du Haut; « que de longtemps n'avait été
ouverte », puis à la Porte du Château : on sonna la
grosse cloche et il y eut des manifestations
d'enthousiasme. Mais, si les habitants furent
scrupuleusement maintenus en franchise du temps de René
II son successeur, le Duc Antoine, ne tint pas parole (4).
Le Château, demeure seigneuriale, était le douaire des
Veuves des Ducs (1545). Christine de Danemark, veuve de
François Ier l'habita; elle l'avait fait reconstruire.
D'anciennes gravures, que Lepage signale, rendent bien
compte, en particulier de son étendue, de la hauteur du
bel édifice, des tours qui le flanquaient, de son
ornementation extérieure. C'est une splendide demeure
partiale de style gothique.
En 1548, la Reine de Hongrie vint à Blâmont. A cette
date, on reprit les fortifications du Château et de la
Ville.
En 1567, à l'occasion des fiançailles de Renée de
Lorraine avec le Duc de Bavière, on y donne des fêtes
magnifiques : tournois, courses de bagues, combats à la
barrière, festins, danses, etc.. fête qui entraînent
des dépenses considérables.
En 1593, la Reine Catherine de Médicis avait séjourné
à Blâmont, avec le Roi Henri II, le Duc d'Anjou, le
futur Henri Ill, et le Duc d'Alençon.
Blâmont a subi trois sièges, J'ai déjà parlé de celui
que lui fit René II, en 1477.
Siège de 1587. - Le Duc de Bouillon avec des reîtres
allemands, protestants, envahit la Lorraine et se présente
devant Blâmont. Mathias Klopstein, issu d' une famille
noble et catholique d'Allemagne, qui avait servi, dans ce
pays, sous les ordres du Comte de Vaudemont, fils de
Charles III, se porte au secours du Gouverneur Thomas
Koecler et amène dans la Place deux compagnies de gens
d'armes. En vain, les ennemis, en grand nombre tentent
l'assaut du Château : ils sont repoussés et continuent
leur marche vers l'Ouest du pays.
Siège de 1636, - Le Duc de Saxe Weimar, à la tête
d'une Armée Suédoise, atteint Blâmont. C'est encore
un Klopstein, le neveu de Mathias, qui défend la Place.
Il fait mettre le feu à la ville, pour en ruiner les réserves.
L'ennemi le presse; il donne plusieurs assauts, qui sont
repoussés. Les Suédois éprouvent des pertes cruelles.
Ils finissent par se rendre maîtres du château, si
vaillamment défendu. Furieux d'avoir éprouvé une si
grande résistance, ils massacrent les défenseurs et
pendent Klopstein à la porte du Château.
Blâmont avait, au XVIe siècle, plusieurs enceintes ; une
pour le Château Fort et ses dépendances, une pour le
bourg et une pour le faubourg. Chaque enceinte avait ses
Portes et ses Tours. Lepage nous parle des Portes d'Azie,
d'en Bas, d'en Haut, de Vesse, Vaize ou Voize (Vezouze) ;
des Tours de la Vènerie, Jacquot, Régnault, de
l'Horloge, du Quartier du Châtelain. Il y avait deux
ponts; l'un réunissait les deux faubourgs.
Les principaux défenseurs du Château Fort étaient des
Archers, formant une Compagnie de 50 hommes, maîtres et
compagnons compris. Ces Archers, pour continuer à
s'exercer au maniement de leur arme, reçoivent une
somme annuelles équivalant à 25 francs et de plus, en
Carême, un demi-cent de carpes à prélever dans les étangs.
La Chronique nous dit qu'il y avait, à Blâmont, de 1555
à 1580, une Fabrique d'Armes et d'Arquebuses, dans
laquelle le Duc de Lorraine Charles III s'approvisionnait.
Nous possédons plusieurs belles gravures représentant Blâmont
et son Château. Pour ma part, j'en connais trois. Elles
montrent l'enceinte de la ville, avec ses murs peu élevés,
flanqués de tours de hauteurs différentes et non
couvertes, ses maisons et ses Couvents (5); puis, sur un
monticule, un groupe de tours très hautes, les unes
rondes, d'autres carrées, couvertes de toitures à pans,
et des dépendances.
Au-dessous du Château Fort, à peu de distance, avec une
façade principale tournée à l'Est, on voit la demeure,
palatiale.
L'enceinte est en partie conservée, avec les deux tours
qui flanquent la porte d'entrée. (6) Entre celle-ci et le
Château Fort, se voient la Maison seigneuriale et des
jardins.
De la Forteresse, il reste à l'Ouest, deux hautes
tours, réunies par des murs élevés, et au Nord, en
bordure de la voie ferrée, trois autres tours robustes,
également réunies par une muraille en partie écroulée.
Avant la guerre dernière, le propriétaire de l'immeuble,
M. Burrus, a eu la bonne pensée de faire assurer des réparations
à la Forteresse, sans en changer le caractère. Il fut
moins heureux pour la restauration de la Maison
seigneuriale. Dans les
Château fort de Blâmont au XVe Siècle
Dessin de E. DELORME, d'après une gravure du temps
Costumes des Habitants du Blâmontois au XVe siècle d'après
des gravures du temps
Dessin de E. DELORME
Ruines du château fort (Etat actuel)
Façade ouest avec ses deux tours, l'une a été restaurée
Façade nord avec deux de ses tours, la troisième est
masquée
Dessin de E. DELORME, d'après nature
tours qui répondent à ses extrémités, on peut se
rendre compte de l'épaisseur primitive des murs. Mais
l'édifice
a perdu son caractère gothique.
Cette demeure seigneuriale est aujourd'hui, grâce à
l'initiative de M. A. de Turckheim, transformée en une
Maison Maternelle, qui, dans des conditions d'hygiène
et d'organisation remarquables, hospitalise de 80 à 100
enfants abandonnés, de 18 mois à 3 ans. Celle oeuvre,
digne d'être visitée, est tout à l'honneur de son créateur
et de ses collaboratrices.
La Demeure Seigneurale (état actuel)
Dessin de E. DELORME
De l'enceinte, de la Ville, du bourg, qui s'était développé
au bas de la colline (le Blanc Mont), sur le haut de
laquelle la Forteresse avait été bâtie, il reste
encore, dans les jardins du côté de l'Est et aussi au
Sud, des vestiges que la Ville aura certainement à coeur
de conserver,
La plupart des maisons de Blâmont accuse les caractéristiques
des reconstructions des XVIIe et XVIIIe siècles.
Quelques-unes ont été édifiées au XVIe. Tout le
faubourg a des maisons du XVIIIe siècle.
Sur la grande place de la ville, la Porte d'un Hôtel est
du XVIe siècle ; deux portes d'une maison du XVIIIe siècle
sont ornées de sculptures hardies, élégantes et
remarquables. Cette maison fait un angle de la grande
place.
En face de l'Eglise est une maison du XVIIIe siècle. Sa
porte d'entrée mérite d'être remarquée. Enfin, dans
une habitation située vis-à-vis du Cimetière, ont été
conservés des débris d'un Établissement Religieux
(statue, socles).
L'église actuelle n'est pas comprise dans « l'ancien
bourg », qui s'arrêtait à la Vezouze. Elle a été élevée,
dans le faubourg de Giroville, à l'emplacement de l'Église
primitive, dont on parlait déjà au XIIIe siècle et qui
avait souffert de l'incendie de 1636. Ce faubourg avait été
alors ruiné.
Porte de l'Hôtel des Vosges
Dessin de E. DELORME, d'après nature
L'Eglise nouvelle est de construction relativement récente,
C'est une ogivale élégante, surmontée de deux tours.
Elle renferme des sculptures sur bois du XVIII" siècle,
qui font partie de nos richesses archéologiques régionales.
La chaire en bois sculpté peut être comparée, quant à
son aspect général et à sa décoration, à la chaire de
l'Église Saint-Jacques de Lunéville, tout en étant
moins majestueuse. C'est la même caisse historiée, le même
ciel ; ce sont les mêmes guirlandes. Le dessin, que j'ai
pris d'après nature et que j'en donne, me, dispense d'une
plus ample description.
Les deux Confessionnaux sont admirables. Ils proviennent
de l'Abbaye de Domèvre et sont l'oeuvre du Sculpteur FRANÇOIS,
que
L'Eglise paroissiale
Chaire provenant de l'Abbaye de Domèvre (XVIlIe siècle)
Confessionnal provenant de l'Abbaye de Domèvre (XVIlIe siècle)
Dessins de E. DELORME, d'après nature
le Monastère avait su s'attacher. Les jours des portes
sont encadrés d'arabesques résolument dessinées et, sur
les montants de ces portes, courent des guirlandes de
fleurs de grandeur naturelles, rendues avec une fidélité,
une habileté étonnantes, qu'il serait difficile de
surpasser. Ces confessionnaux ont été sculptés en
1762-63 (CHATTON).
Je signalerai enfin, dans cette Église, un baptistère en
marbre, du XVIIIe siècle.
La Mairie et la Halle sont comprises dans un même bâtiment
en bordure d'une place.
Un Monument aux Morts, pyramide de granit, a inscrit les
noms des soixante-dix-neuf Victimes de la Grande Guerre.
Blâmont avait autrefois des Etablissements Religieux
importants :
1° Une Collégiale, fondée en 1636, détruite pendant le
siège de la ville, rebâtie en 1666 et aliénée pendant
la Révolution
2° Un Couvent des Capucins, datant de 1627. Dans son
enclos était une tour de 15 mètres de hauteur, dépendant
des anciennes fortifications de la ville. Les Religieux la
firent raser.
3° Un Couvent de Religieuses de la Congrégation, fondé
en 1629, qui était situé probablement à l'emplacement
de la Gendarmerie actuelle, de l'ancien Collège et de l'Ecole
des Garçons. La Chapelle est désaffectée depuis que le
Collège a cessé d'exister (J. COLIN).
4° Un hôpital, dû à la générosité d'un bourgeois de
la ville et qui, depuis 1706, est desservi par les Soeurs
de Saint-Charles, La. Supérieure a mérité la Croix de
Guerre, pour sa belle conduite pendant les quatre années
de l'occupation allemande
5° L'Ecole des Filles est un établissement ancien
restauré.
Bon - Accueil. - L'ancien Couvent des. Capucins qu'on voit
dans la rue de ce nom, est une somptueuse demeure, entourée
d'un parc immense. Elle a été achetée après la
Grande Guerre, par le Comité de la Croix Rouge Américaine
et, grâce aux subsides de cette Société et à l'initiative du Docteur Hanriot elle est devenue une Oeuvre
d'Hygiène Sociale, comprenant : un Dispensaire,
un Centre de Consultations pour les Nourrissons, une Salle
de Réunion avec Bibliothèque, un Théâtre pour 500
places,
une Maison de Retraite payante (J. COLIN).
Si Blâmont a perdu de ses Industries anciennes: une
Fabrique de Draps, des Tanneries, Corroieries, Mégisseries;
il a d'autres Manufactures, qui sont prospères.
En première ligne, il faut citer : l'important
Etablissement de la Maison E. Bechmann & Cie,
comprenant: 1° une filature, un tissage, une teinturerie
de colon, et 2° une fabrique de velours, façon soie.
Les premières datent de 1825, la dernière de 1884.
La fabrication du velours façon soie, due à l'initiative
de M. E. Bechmann, a importé en France une industrie
monopolisée, jusqu'à lui, en Angleterre et en Allemagne.
Elle a pris, dans la région une place considérable et a
nécessité la création d'Etablissements de Coupe, à Blâmont,
Badonviller, Ancerviller, Ogéviller, Harbouey, Domèvre.
Cette coupe, qui s'exécute avec une instrumentation
toute spéciale et curieuse, est particulièrement délicate.
Le lenteur de l'opération explique, pour qui en a été témoin,
le prix élevé des produits obtenus.
Une autre industrie intéressante se consacre à la
fabrication des fourches et outils de jardinage (Maison
Fensh & Labourel).
Détruite par les Allemands, cette fabrique, qui datait de
1878, s'est rétablie avec tous les perfectionnements les
plus récents en machines-outils.
L'industrie de la Broderie Perlée a des représentants à
Blâmont.
Blâmont a 327 maisons. Il en avait 340, en 1836. Il a eu
jusqu' à 924 ménages, en 1526, ayant les guerres. En
1697, il n'avait plus que 327 habitants. Depuis cette époque,
sa population n'a guère dépassé 2.000 habitants.
Son territoire s'étend sur 741 hectares, dont 325 sont
terres labourables, 143 des prés.
PERSONNAGES ILLUSTRES ou DE HAUTE NOTORIÉTÉ
M. KLOPSTEIN. - Michel fait naître à Blâmont, en
1587, MATHIAS KLOPSTEIN, neveu du premier défenseur de la
ville. J'ai rappelé le rôle de ce Gouverneur de Blâmont,
pendant le siège de 1636, lorsque, attendant en vain des
secours, il l'incendia, se retira dans le Château-Fort
et, après avoir résisté à deux assauts soutenus par
des forces considérables, il fut vaincu et supplicié,
sans avoir songé à se rendre.
Lepage nous dit qu'un portrait de Klopstein se trouvait,
en 1853, au Château d'Apremont, près de Saint-Mihiel. Il
est sans doute détruit. Le Château de Châtillon possédait
une autre toile représentant le siège de Blâmont par le
Duc de Saxe Weimar. Une note manuscrite relatait ce siège.
Les Blâmontais avaient des vêtements jaunes et rouges,
un étendard à fond jaune orné de croix et d'alérions
; les soldats suédois, un uniforme bleu et un drapeau à
trois couronnes. (7)
MASSON (CHARLES-FRANÇOIS-PHILIBERT), membre associé de
l'Institut de France, né à Blâmont en 1762, mort à
Paris en 1807, passa très jeune au service de la Russie.
Il y fut nommé Major et Secrétaire des Commandements du
Grand Duc Alexandre, qui devint Empereur de Russie. Paul
Ier le renvoya comme révolutionnaire.
Il a écrit un Cours Mémorial de Géographie à l'usage
du Corps d'Artillerie des Cadets, 1787; des Mémoires
Secrets sur la Russie, 4 vol., 1802 et années suivantes;
des poèmes et un roman: 2 vol, 1802.(8).
LOTTINGER, médecin et naturaliste du XVIIIe siècle,
collaborateur de Buffon.
RÉGNIER (CLAUDE-AMBROISE), né à Blâmont le 5 novembre
1746, mort en 1814, fut l'un des personnages les plus
considérables de l'Empire. Sa dépouille eut les honneurs
du Panthéon, sous la Restauration.
L'ex-avocat de Lunéville et de Nancy, l'ex-conseiller du
Prince de Salm-Salm, fut successivement membre de
l'Assemblée Nationale, de la Constituante, de la Législative,
puis Président du Conseil des Anciens, sous le
Directoire. Il avait été incarcéré pendant la Terreur.
Il devint l'un des principaux instigateurs du Coup d'État
du 18 Brumaire.
Sous l'Empire, il est nommé Président du Corps Législatif,
Sénateur, Ministre de la justice, Duc de Massa,
Grand-Officier, puis Grand-Aigle de la Légion
d'Honneur.
On a loué ses connaissances législatives étendues, ses
capacités administratives, son esprit d'équité, la sûreté
de son jugement, son amour de l'ordre. Il présida
la Commission chargée d'étudier la Constitution Impériale
et contribua à la Réorganisation des Institutions
Juridiques du Pays.
Régnier, Duc de Massa
Dessin de E. DELORME, d'après nature
Les galeries de Versailles, le Musée Lorrain possèdent
de ses portraits, en pied, en costume de Grand Juge. (9)
RÉGNEAULT (CHARLES), né à Blâmont en 1755, avocat à
Lunéville, puis au district de Blâmont, fut élu député
à l'Assemblée Nationale (1789 à 1791). Arrêté pour
avoir protégé la fortune de plusieurs émigrés, il n'échappa
à l'échafaud que par suite de la chute de Robespierre.
Il fut ultérieurement attaché au Ministère de la
Justice et devint collaborateur de Régnier, pendant
quatorze ans. Il mourut en 1811.
KLEIN (DOMINIQUE-LOUIS-ANTOINE), né à Blâmont en 1761,
mort à paris en 1845, se distingua à Jemmapes, et prit
part aux guerres de la Révolution, notamment aux
Campagnes de l'Armée du Rhin. Général de Division en
1799, il est Chef d'Etat-Major de Masséna, à la
bataille de Zurich. Il se signale pendant la campagne de
Prusse (1806-1807), en particulier à la Bataille
d'Eylau. Il prit sa retraite en 1808, fut nommé Sénateur
et Comte de l'Em-
Le Général de Division Klein
Dessin E. DELORME, d'après une gravure
pire. Appelé, sous la Restauration, à la Chambre des
Pairs, il y siégea jusqu à sa mort. (10)
Ecarts, - A quelque distance de Blâmont, une Usine, dite
Usine des Champs, installée sur la Vezouze, a fabriqué
de la grosse quincaillerie.
Ses bâtiments servent actuellement à une exploitation
agricole.
Les autres écarts sont:
LE CLOS ou CHALET SAINT-PIERRE.
LE CHATEAU SAINTE-MARIE détruit par les Allemands, en
1914, est aujourd'hui restauré.
La FERME SAINT-JEAN et la FERME DU CARREAU.
(1) ANNUAIRE DE
LORRAINE, Meurthe-et-Moselle; Nancy, A. Humblot & Cie,
1926.
La Statistique de 1915 attribuait à ce Canton 10.500
habitants.
(2) MARTIMPREY DE ROMÉCOURT: Les Sires et Comtes de Blâmont,
Etude Historique : Journ. Soc. Arch. Lorr. T. XXXIX et
XLI, 4 pl.
LEPAGE, AMBROISE, BERNHARDT: O. C
J. COLIN : Notice sur Blâmont et « Bon Accueil»; 1926.
Mazerand, Cirey.
(3) Un de ces Comtes avait promis. de défier dans quinze
jours la Ville de Metz. Il fut vaincu près de Cirey, par
l'Armée Messine.
(4) René II avait fait élever, au Comte Olry, un beau
tombeau dans la Collégiale de Deneuvre. J'ai dit que, en
1789, ce tombeau avait été brisé et ses pierres dispersées.
(5) Ces gravures ne sont pas seulement précieuses parce
qu'elles reproduisent fidèlement l'aspect de la Ville, le
caractère de son Château et de ses maisons, mais parce
qu'elles figurent des costumes d'habitants (seigneurs et
manants). Elles ont été prises de la Côte de Barbas ou
de la vallée de la Vezouze. Le Musée de l'Arrondissement
montre des reproductions de ces gravures. Mon dessin est
une réduction de ceux que j'ai donnés au Musée.
(6) Des sépias, reproduites par E. Ambroise, ont relevé
les ruines du Château, en 1828. Un dessin de la Bibliothèque
Nationale (Cabinet des estampes) représente les ruines
des deux Tours qui encadrent la porte d'Entrée.
(7) LEPAGE, O.C. LALLEMENT LOUIS : Notes sur deux Tableaux
qui se trouvent au Château de Châtillon, près de Cirey
(Meurthe); Défense de Blâmont, 1636, etc. ; Journ. Soc.
Arch. Lorr., T. VII.
(8) MICHEL, O. C.
NDLR : il s'agit d'une erreur : Charles François Philibert MASSON
n'est pas né à Blâmont (54), mais à Blamont
(25).
(9) PAUL DELAVAL : Un ministre Lorrain sous l'Empire :
Le Grand Juge Régnier, Duc de Massa ; 'Pays Lorrain',
1909, Bilbiographie et Portrait.
MARTIMPREY : Régnier, Duc de Massa, et sa famille ;
Journ. Soc. Arch. Lorr. T. XXXV.
MICHEL, O. C.
(10) P. MARIN: La Grande Encyclopédie; Art. Klein. |