Il existe un étonnant
document dans les archives de l'Université du Wisconsin-Madison
manuscrit daté de 1915, « Société du secours fraternel de
Gérardmer : pour venir en aide aux familles vosgiennes
éprouvées par la guerre ».
Il est écrit en anglais par Henriette Mirabaud-Thorens
(1881-1943), bourgeoise parisienne protestante possédant une
villa à Gérardmer. Membre du comité de l'Union Française pour le
suffrage des femmes, elle est aussi l'épouse du banquier et
président du comité, Robert Mirabaud (1860-1933), par ailleurs
vice-président de la ligue nationale contre l'alcoolisme et
président d'honneur de la croix rouge à Gérardmer.
Parmi les autres membres du comité (le pasteur protestant
aumônier militaire Pierre Jarillon, le notaire Louis Mathieu,
Mme de Barrau de Muratel, Mme Thorens-Dolfuss...), peut être était
elle la plus apte à rédiger ces notes en anglais (elle est aussi
traductrice de divers auteurs de langue anglaise, notamment
Ralph Waldo Emerson et Rabîndramâth Tagore)
On y trouve ces quelques notes :
Blamont. On August the ninth 1914, the whole town was invaded
by the germans. The inhabitants were obliged to support all
their exigencies and brutalities.
Pistol in hand they summed them to open their caves, and,
stricking them with their muskets bulk ends, obliged them to
show the most secret corners of their houses, so as to be sure
that nos arms, no French soldiers were hidden.
All the wines and taverns were pludered by helmeted drunkards
who swallowed alcoohol by bootle full.
The germans soldiers over expected fired at the houses, wounding
and killing the inhabitants ; obeying to their officers,they
continued their depravations, getting hour after hour more
furious and more threatening.
The prince Ferdinand of Bavaria, inhabiting a castel close by,
with his staff, occupied his time in drinking the propreitor”s
wine and spirits.
Mr.B., formaly Mayor of the locality, 86 years old, is shot down
without any excuse. His wife assists, helpless to his execution.
Mr.F. is arrested by the officer he was lodging and killed ; the
brutes interdicted his family to bury him, and the corps
remained lying bloody on the ground.
French ans Germans alternally occupied the town, and the ennemy
is still there.
1rst of March 1915
[...]
Conclusion
A comitee has been just in charge to help the invaded
populations, but the few thousand francs distributed is very
little for the needs. Each inhabitants received 3 f. a head.
What is that ?
Our american friends, so charitable, will help us to releive our
infortunate compatriots, who are united to them by a special tie.
We can remind them of the following hisorical fact : it is at St
Dié, one the principal town of the Vosges department, that
America received the baptism. Where Americus Vespus discover
that country, some monks of a convent in St Dié, were the first
to mark on geographical cards that they alone fabricated. This
fact vas celebrated in 1911, by peaks given in St Dié.
On peut tirer diverses remarques de ce texte :
-
Il n'est pas le reflet de
témoignages directs, mais construit à partir des articles de
presse ;
-
On retrouve l'équivoque
sur le « prince de Bavière » qui occupa le château Burrus
dès le 8 août 1914. En effet, on a vu dans le
témoignage de Fernand Burrus
qu'il dément la présence du Kronprinz Rupprecht de Bavière,
commandant la 6ème armée allemande. L'article de
presse le plus précis (témoignage d'André Lahoussaye dans
l'Est-Républicain du 31 janvier 1915) évoque faussement «
Le prince de Bavière, commandant en chef du 1er
corps bavarois... », et il s'agit donc sans doute non du
Kronprinz, mais du général d'infanterie Oskar von Xylander.
En nommant directement cet officier « The prince
Ferdinand of Bavaria », Henriette Mirabaud-Thorens
s'aventure à désigner faussement Rupprecht sous le dernier
prénom de son appellation officielle « Rupprecht Maria
Luitpold Ferdinand ».
-
On retrouve la même
approximation lorsqu'elle cite (non sans une certaine
finesse pour attirer la compassion américaine envers les
Vosges) le nom de « Americus Vespus » qui aurait été, selon
elle, utilisé pour la première fois par des moines de
Saint-Dié sur des cartes, étonnamment traduites par « cards
» et non par « maps ».
Car il s'agit en réalité de cartes géographiques, du
cartographe Martin Waldseemüller, inventeur du terme America
pour désigner le Nouveau Monde dans son planisphère de 1507,
en hommage à l'explorateur florentin Amerigo Vespucci.
-
Ainsi les notes de
Henriette Mirabaud-Thorens n'apportent aucune contribution à
l'histoire, hormis celle de montrer comment les évènements
de Blâmont ont, une fois de plus, été relatés aux
Etats-Unis, ici dans le but de collecter des fonds de
soutien aux populations civiles françaises.
On ignore cependant si ce but a été atteint...
|