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Chazelles, première paroisse d’Eugène Blumstein - 1879
 


Après son ordination le 16 juillet 1877, Eugène Blumstein (né à Dambach dans le Bas-Rhin le 13 mars 1851, tt décédé à Sainte-Marie-aux-Mines le 20 janvier 1921), devient vicaire à Blâmont le 13 août 1877, et curé de Chazelles le 7 août 1879.
Il deviendra successivement curé à Leintrey le 17 octobre 1885, à Amenoncourt le 10 avril 1890, puis administrateur de la Chapelle d'Avricourt le 16 août 1899, avant de se retirer à Amenoncourt le 22 mars 1908.
Il écrira divers articles dans «  Le Ban de corcieux », concernant sa fortune, l'église d’Avricourt...


Le Ban de Corcieux : bulletin religieux mensuel des paroisses de Corcieux, La Chapelle, La Houssière, Gerbépal et Saint-Jacques-du-Stat
Éd. Saint-Dié)
Août 1915

J’aime Saint-Jacques, J’aime La Houssière, Mais pourquoi ?
A mon grand regret, je n’ai pas encore pu réaliser ma première promesse et vous dire pour quelles raisons intimes j’aime Sainte-Madeleine de La Houssière et Saint-Jacques-du-Stat.
Je voudrais aujourd’hui tenir ma promesse, en partie du moins et pour le compte de La Houssière seulement.
Mais pourquoi vous faire tant languir ?
Voici le mystère en deux mots : J’aime les deux paroisses sœurs parce que chacune d’elles me rappelle de touchants souvenirs.
Pour procéder par ordre chronologique, je dois d’abord parler de Sainte-Madeleine de La Houssière, et cela suffira pour ce mois. Viendra ensuite le tour de Saint-Jacques pour le bulletin suivant, et l’Apôtre ne perdra rien d’attendre, car il vous révélera son rôle et son influence sur quarante années de ma vie sacerdotale.
- J’aime du fond du cœur La Houssière, parce que cette paroisse me rappelle deux chers souvenirs : ma mère et ma première paroisse.
La première paroisse ! Quel beau souvenir pour un prêtre !
Mais, c’est sa première affection, sa première charge, sa première responsabilité, ses premières relations avec les âmes et leur délicate culture, aussi variée que la grâce qui les touche et les élève.
La première paroisse est encore, si vous voulez me permettre cette comparaison, la fiancée du prêtre, qui la reçoit des mains et du cœur de son Evêque, pour l’épouser en Jésus-Christ et pour Jésus-Christ. Le prêtre la reçoit dans sa pureté virginale, pleine de charmes et de fraîcheur, comme l’Epouse des Cantiques, et c’est auréolée de cette jeunesse et de cette virginité que la première paroisse apparaîtra toujours au prêtre fidèle à sa haute mission.
Et quand, par obéissance aux ordres de son Evêque, le jeune pasteur sera obligé de prendre congé de ses premières ouailles pour en conduire d’autres, alors, malgré la distance et le temps qui fuit, malgré les honneurs reçus et les triomphes remportés ailleurs sur un plus grand théâtre, la pensée du prêtre, dans une heure de calme et de recueillement, revient sans cesse à sa première petite paroisse, parce qu’il y a laissé la meilleure partie de lui-même : ses premiers généreux efforts pour la conquête des âmes et son cœur d’apôtre. Quoique les précieux souvenirs de la première paroisse dérivent principalement du premier ministère responsable du prêtre, le site dans lequel se trouve placée cette paroisse ajoute encore son charme particulier à ces chers souvenirs. Il ne sera donc pas indifférent de vous faire connaître le cadre dans lequel se trouve placée ma première petite paroisse.
Transportons-nous dans le diocèse de Nancy, non loin de la frontière d’Avricourt-Blâmont.
Un ruisseau, au nom poétique qui rappelle les premières années de la Rome antique,l’Albe, coule du Nord au Sud vers la Vezouse et forme le fond d’une petite vallée d’environ huit kilomètres de long.
A l’Est de cette vallée, sont les hauteurs boisées de Verdenal et le château de Grand’Seille, dans le domaine de même nom, qui rappelle les premières fondations monastiques de Saint Bernard dans le comté de Salm et de Blâmont.
Sur le versant Ouest, se trouve ma coquette paroisse, avec Gondrexon, son annexe, toutes deux assises entre deux bois communaux et environnées d’une ceinture de hagis, si bien que mes deux églises et les groupes de maisons qui les entourent sont comme deux clairières au milieu de nombreux bosquets.
Le haut de la vallée de l’Albe est fermé par la paroisse d’Amenoncourt, assise sur la haute colline d’Igney-Avricourt, qui forme le dernier éperon français, d’où l’on domine toute la Lorraine annexée et notre front actuel, depuis Avricourt jusqu’à Arracourt.
Je cite quelques noms de lieux désormais historiques :
En pays annexé : Réchicourt, Deutsch-Avricourt, Dieuze, Morhange, Vic, Château-Salins sur la Seille, et toute la plaine de Metz ;
En pays de France : Emberménil, Leintrey, le fort de Manonviller, la forêt de Parroy, le canal de la Marne-au-Rhin, l’étang de Parroy, enfin Arracourt. Tel est le cadre de ma première paroisse et le pays que j’habitais pendant trente-deux années.
Mais rentrons, de cette excursion, dans ma chère paroisse : «  Sainte-Marie-Madeleine de Chazelles », pour y trouver et y savourer un autre souvenir, «  le pieux souvenir de ma mère ».
Le dernier dimanche du mois d’août 1879, je fis mon entrée officielle dans ma paroisse de Chazelles-Gondrexon.
L’église était alors bien pauvre, mais très propre.
Une seule statue, placée dans une niche, dominant le maître-autel, décorait le petit sanctuaire.
C’était une belle statue de sainte Marie-Madeleine, patronne de la paroisse, patronne aussi de ma bonne mère.
C’en était assez pour m’attacher aussitôt à Chazelles.
Oui, cette unique statue me suffisait ; elle renfermait un aimant qui m’attirait et me retenait près d’elle ; elle avait un charme qui me séduisait : par elle, par les traits de sainte Marie-Madeleine, je me sentais aux côtés de ma pieuse et tendre mère.
Quel grand vide était comblé par la vivante pensée de ma mère !
Je me trouvais si loin du pays natal, éloigné et hors des yeux de mon cher doyen de Blâmont, éloigné, enfin, du cercle de mes amis intimes du pays blâmontais.
Quel vide était fait soudainement, autour de moi, par mon départ de Blâmont pour Chazelles ! Pourrais-je m’y faire ? Pourra-t-il s’y faire ? répétaient tous mes amis.
Hé bien ! oui ; je m’y suis fait bien vite : car, l’absence de tous mes chers amis, et l’absence même de ma bonne mère, n'étaient-elles pas amplement compensées pour moi par la présence de sainte Marie-Madeleine, qui incarnait pour moi celle, qui est tout pour un fils, et pour laquelle tout fils bien né doit tout oublier ?
Par cette image de la patronne de Chazelles ma vigilante mère était près de moi ; je sentais sa présence et le jour et la nuit ; son regard me suivait partout ; j’entendais sa voix maternelle et son autorité me subjuguait.
Ma mère était, comme assise, sur un tribunal, au pied duquel je venais journellement pour être jugé, conseillé, louangé ou encouragé. Ainsi, hier je lui demandais des conseils pour une affaire importante; aujourd’hui elle m’a donné des éloges et des encouragements pour mon ministère ; un autre jour il fallut bien m’incliner et recevoir ses remontrances, sages mais sévères, et lui promettre de me corriger bien vite : car une mère garde toujours ses droits sur son fils, fût-il élevé aux plus hautes dignités.
Ma mère, une chrétienne de vieille roche, m’avait voué à Dieu et au sacerdoce ; elle m’avait formé à la piété et avait beaucoup secondé ma vocation. Tout allait bien jusqu’alors ; déjà, elle entrevoyait pour moi l’autel, mais dans un lointain si désespérant. Elle ne désespérait pourtant pas de me voir dire la Sainte Messe pour son âme et d’apprendre que je donnais l’absolution aux pauvres pécheurs, car déjà elle me donnait de sages conseils pour attirer les pécheurs au Saint Tribunal de la Pénitence et pour diriger les âmes dans les voies de Dieu, disant que son expérience devait me servir à l’avantage des âmes que Dieu me confiera plus tard.
Les temps sont accomplis : voilà que ma mère a un fils prêtre ; son vœu est réalisé. Mais cela ne la tranquillise pas encore : son prêtre, elle le veut tel que la foi le lui a fait entrevoir.
Je le sais ; à moi maintenant de reproduire le prêtre parfait. Alors, quand je me sentais en dessous de ma tâche de pasteur des âmes, j’allais me posterner aux pieds de la belle image de sainte Marie-Marie-Madeleine, lui demander, comme à ma mère, conseil et force, pour amener à Jésus quelque brebis égarée et aussi pour réjouir l’âme de mon excellente mère.
Quand, pour obéir aux ordres de mon Evêque, je dus quitter sainte Marie-Madeleine de Chazelles, j’y laissais le fruit de six belles années de ma vie et tout mon cœur. Mon cœur y est toujours en attendant que mon corps y soit déposé dans le vieux cimetière, où reposent de chers amis.
N’ayant pu vivre, rêver et mourir à Chazelles, j’irai un jour, y dormir mon dernier sommeil jusqu’au jour de la Résurrection glorieuse.

Il y a quelques années, je vins dans le beau pays du Ban de Corcieux. J’eus bientôt le plaisir d’apprendre que La Houssière possédait un sanctuaire, dédié à sainte Marie-Madeleine. Je n’ai pas manqué de visiter votre belle église, d’y prier, d’y répandre mon âme devant Dieu et devant sainte Marie-Madeleine.
N’avais-je pas le devoir de remercier ici le Bon Dieu de toutes les grâces, dont il lui a plu de combler l’âme de ma pieuse mère ?
Mais, comme je crois ma sainte mère déjà heureuse et puissante au Ciel, je lui ai demandé et lui demande encore, de prier pour ses enfants, de veiller sur eux, et en particulier sur moi ; et de nous aider à vivre saintement, et à pieusement mourir, pour reformer dans le Ciel la famille dispersée sur la terre.
Le souvenir de ma mère et celui de ma première paroisse, voilà ce que me rappelle sainte Marie-Madeleine de La Houssière. Pourrais-je ne pas m’attacher à une paroisse qui me rappelle des amours si chastes et si touchants ?

 

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