Voir aussi
Les
assassins de la forêt de Maîtrechet - 14 octobre 1944
En 1944, le
Parti Populaire Français
(créé en 1936 par Jacques Doriot) organise des Groupes d'action pour la justice sociale, afin
de protéger les familles des militants, et de pourchasser
les réfractaires au Service du Travail Obligatoire. Très
vite, ces Groupes d'Action (GAPPF) échappent au contrôle du Parti pour ne plus travailler qu'au profit du Sicherheitsdienst. Ils livrent des résistants et des juifs à la Gestapo. et mi-août 1944, les membres du PPF se regroupent à Nancy pour échapper aux représailles, avant de prendre la fuite vers l'Allemagne. Des membres du GAPPF de Rennes vont séjourner dans la région de Cirey, au siège de la Gestapo (château de Cirey sur Vezouze).
On trouve ainsi dans l'interrogatoire d'Armand Lussiez le 4 décembre 1945 (membre du GAPPF de Rennes, condamné à mort), les propos suivants
:
« En quittant Lunéville, mon groupe a gagné Blâmont,
Cirey, l'Allemagne, puis est revenu à Cirey où il est resté environ un mois et demi. Durant le séjour du groupe dans cette localité, l'activité à laquelle il se livra contre la Résistance, en collaboration avec la SD de Rennes fut grande. Des enquêtes eurent lieu tant à Cirey que dans les environs, notamment à Val-ès-Chatillon, à Badonviller, à Petitmont le 8 octobre 1944 en Moselle. J'ai participé à Cirey à l'arrestation de deux gendarmes qui furent remis aux allemands et d'un épicier nommé Valentin qui fut dévalisé.
J'étais présent aussi lors du pillage du « Café Lorrain ». Mes camarades se livrèrent de leur côté à diverses opérations, c'est ainsi que fut arrêté à Val-es-Chatillon un nommé Thomas. Il fut exécuté avec trois autres prisonniers dans les bois proches de Cirey. J'avais creusé leurs fosses avec Pottier sur ordre d'Imbert. En définitive une vingtaine de personnes furent arrêtées à
Cirey et dans la région par le Groupe d'Action du PPF et les Allemands. Elles furent déportées en Allemagne et envoyées d'abord à Schirmeck.
C'est à Neustadt que les membres du groupe furent mis
en demeure de choisir entre différentes solutions :
engagement dans la Légion Brandebourg, dans les Waffen
SS, dans une école d'espionnage ou enfin travail dans
les usines avec mission de mouchardage.»
On peut citer aussi le témoignage de Gaston Guglielminotti, envoyé au camp de Schirmeck,
transféré à Dachau, libéré par les Américains, et rentré
en France le 29 mai 1945 : « Après être passé dans
différentes localités, le groupe est arrivé à Cirey où
le séjour fut prolongé. Toujours sous les ordres de la
SD des enquêtes furent menées dans cette ville et dans
les environs. Notamment à Blâmont et Badonviller, par
Tilly, Gallais, etc. Elles eurent pour conséquence
l'arrestation d'un grand nombre de personnes par Imbert,
Chaperon et Lussiez. Parmi les personnes arrêtées, je
peux citer le curé de Petitmont, l'abbé Père, deux
gendarmes de Cirey, dont un fut maltraité par Gallais.
Toutes ces personnes furent déportées en Allemagne. J'en
ai retrouvé plusieurs au camp de Schirmeck et de Dachau.
C'est le 13 octobre 1944 que j'ai été arrêté sur ordre
d'Imbert et envoyé à Schirmeck avec les autres
prisonniers du groupe. Imbert donna comme motif de mon
arrestation le fait que je lui ai escroqué une certaine
somme d'argent. En réalité c'était là l'aboutissement
d'une vieille rancune qu'il gardait contre moi. »
Quant au peloton d'exécution de la
forêt de Maîttrechet, il aurait été, selon Roger
Welvaert, membre du GAPPF, commandé par deux officiers
allemands, Brower et Winzel, et composé de Lucien
Imbert, Chaperon, Tilly, Terrier et Gonzales.
De
nombreux compléments d'informations sur ces
nationalistes bretons sont données dans l'ouvrage de
Kristian Hamon sur le "Bezen Perrot" :
Le Bezen Perrot : 1944 :
des nationalistes bretons sous l'uniforme allemand
2004 - ISBN 2-9521446-1-3
Kristian Hamon
« Lorsque les Allemands
décident d'une opération contre un réseau de
Résistance ou un maquis, ceux ci ont déjà fait
l'objet d'une infiltration ou d'un repérage par des
agents Français du SD. Dans ces bas fond de la
collaboration se distingue tout particulièrement la
quinzaine de membres du groupe d'Action du PPF.
A son origine au mois de mai 1944, le groupe
d'Action placé sous l'autorité du Service Allemand
de la main d'oeuvre était chargé de dépister et
arrêter les réfractaires au STO. Il va très vite
passer sous le contrôle du SD et participer aux
opérations contre la Résistance. Ses membres sont
rétribués 3 600 F par mois, plus diverses primes.
Ils sont armés et disposent de carte de police.
Certains d'entre eux se livrant à des trafics en
tous genres reconnaîtront gagner jusqu'à 20 000 F
par mois. Tout ce beau monde loge au 25 Rue
d'échange à Rennes. La discipline y est apparemment
plus souple qu'au Bezen puisque ces hommes vivent
avec leurs femmes ou maîtresses. Le groupe d'Action
est dirigé par un certain Rollin et Maurice Imbert,
dit "Le Caïd", employé au garage Hopmann de Saint
Malo, comme son acolyte Chappron qui se distinguera
contre le maquis de Broualan. |
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Ils ont tous été recruté
par le docteur Daussat, responsable du PPF à Saint
Malo. Ce docteur qui est également le médecin de
l'organisation. Todt, pour un secteur s'étendant de
Granville à Saint Brieux rencontre Lainé le 24 mai
1944 à Rennes et lui de confie son projet de
constituer à Saint Malo une formation militaire
semblable à l'unité Perrot. Daussat lui manifeste
également son désir de voir leurs hommes rendre
communes leurs actions anti-terroristes. Composé
essentiellement d'éléments du PPF de Saint Malo, la
section la plus importante du département avec 165
adhérents, le groupe s'installe à Rennes le 8 juin
1944.
S'il fallait établir une graduation sur l'échelle
des horreurs commises sous l'occupation, les
exactions du groupe d'action du PPF dépassent de
loin celles du Bezen. D'après un membre du groupe
qui ne passe pas pour être lui même un enfant de
coeur, il faut reconnaître que Imbert s'est retrouvé
à la tête d'une bande de gangster qu'il n'a pas pu
toujours maîtriser. Parmi ces gangster qui ont fait
la une dans la presse à la Libération, le cas de
Georges Tily est intéressant car c'est un transfuge
du Bezen. Avant guerre il travaillait dans une
carrière de granit de la Clarté en Perros Guirec.
Sous l'occupation, on le retrouve employé à la
Kriegsmarine. Recherché par les Allemands pour une
histoire de vols de pneus il se dissimule en
rejoignant le maquis de Priziac dans le Morbihan.
Tout du moins, c'est sa version des faits. En
réalité, il semble bien qu'il était déjà au service
de l'occupant lorsqu'il fut accueilli par ce maquis.
Affecté à la surveillance d'un carrefour, il se fait
prendre les armes à la main par les allemands. Sur
ses indications, le maquis est neutralisé le 8 juin
1944.
De si bonnes dispositions le font évidemment
remarquer par le SD qui stationne alors à Guémené
sur Scorff avec le Bezen. Georges Tily participe
ensuite à diverses opérations dans la région aux
côtés du Bezen. "C'est vers le 14 juin 1944 que j'ai
adhéré au SD de Rennes. Les bureaux auxquels j'étais
rattachés étaient installés à Guémené sur Scorff. Le
2 juillet j'ai été envoyé à Uzel jusqu'au 8
juillet." De retour à Rennes, il devient garde au QG
de Lainé. Finalement, il ne sera pas accepté au
Bezen à cause de son vol de pneus. Il entrera au
Groupe d'Action.
Le 24 juillet 1944, avec un autre membre, il arrête
le patron d'un café du boulevard Chezy à Rennes
suspecté de relations avec la Résistance. Emmené rue
d'Echange, le pauvre homme est torturé dans la cave.
L'interrogatoire ne donnant rien, Tilly et deux
autres acolytes vont chercher la femme du cafetier
et la violent à tour de rôle devant lui. Reconduite
à son domicile, ils lui volent 30 000 f. De retour
rue d'Echange ils retrouvent le prisonnier trop
esquinté pour l'interroger de nouveau et lui tire
une balle dans la tête puis ensuite vont jeter le
corps dans le canal d'Ile de Rance face au Bd de Chezy..
L'un des participants qui a participé à la scène du
viol, un GMR (Groupe Mobile de Réserve) et qui
devient trop compromettant est emmené dans la forêt
de Saint-Aubin-du-Cormier par ses deux camarades
puis égorgé. La sentence sera sans appel pour ces
deux hommes à la libérations. Ils seront fusillés.
Le groupe d'Action quittera Rennes pour l'Allemagne
en août 1944. Ses membres intègreront l'école de
sabotage et d'espionnage de Reuntlingen à côté de
Tübingen, ou bien finiront dans la Waffen. » |
Article de
l'Est-Républicain du 29 octobre 2011 (avec une "légère"
erreur de calcul dans le titre)
Rédaction : Thierry Meurant |
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