Il n'existait pas à notre
connaissance de version en mode texte de ce document,
permettant recherche et manipulation aisée : le présent
texte est issu d'une correction apportée après
reconnaissance optique de caractères, et peut donc,
malgré le soin apporté, contenir encore des erreurs. Pour cette raison, vous pouvez consulter en PDF le
document d'origine ci-contre.
Par ailleurs, les notes de bas de page ont été ici
renumérotées et placées en fin de ce document.
|
|
Avec les importants et remarquables
travaux de l'église de Nomeny s'achèvera, dans quelques
semaines, le programme de la Société Coopérative de
reconstruction des églises du diocèse de Nancy; dès maintenant
son oeuvre est virtuellement terminée, si on considère que les
quelques centaines de mille francs, restant à payer sur les
indemnités allouées, concernent des marchés de mobilier ou
d'ornements, à répartir sur l'ensemble des communes adhérentes.
P. F.
Nancy, le 30 mars 1927.
Les Eglises dévastées du
diocèse de Nancy
Premiers secours
Au lendemain de l'armistice, le diocèse de Nancy, qui a les
mêmes limites que le département de Meurthe-et-Moselle, avait
419 églises atteintes par faits de guerre ; le coefficient de
destruction variait de 0.45 à 100 %; 90 édifices étaient à peu
près complètement détruits. Les indemnités allouées, pour la
réparation de ces dommages, représentent la somme de 70 millions
334.000 fr.
Avant même le vote de la loi du 17 avril 1919, qui garantit aux
victimes de la guerre la reconstitution de leurs biens
sinistrés, l'État prit des dispositions immédiates et
provisoires pour assurer l'exercice du culte, partout où se
trouvaient des églises dévastées; avec un empressement qu'il est
juste de louer, des baraques provisoires furent installées par
le Service des Travaux de première urgence.
Pendant que l'État préparait ces locaux de fortune, la charité
des catholiques reconstituait l'indispensable du mobilier
cultuel et, sous le patronage de Mgr Ruch, évêque de Nancy, M.
le grand vicaire Jérôme, directeur de l'oeuvre des Églises
dévastées, faisait, en avril 1919, une première distribution de
350 ornements, de plus de 100 vases sacrés, et d'une abondante
lingerie d'autel, qui avait été exposée à la Maison-Mère des
Religieuses de la Doctrine Chrétienne.
En présentant à Mgr Ruch les résultats du généreux élan de la
charité privée, M. le grand vicaire Jérôme fit un tableau
saisissant des désastres accumulés par la guerre: « Ce n'est
pas sans une profonde émotion que je m'acquitte de cette tâche.
Un peu de cette émotion que vous ressentiez vous-même,
Monseigneur, au cours de ces années de guerre, alors que vous
vous penchiez au chevet de nos blessés; aussi bien nos pauvres
églises ne sont-elles pas aussi des blessées, des mutilées,
frappées au champ J'honneur, et trop souvent, comme eux,
mortellement atteintes, nobles vidimes d'une barbarie qui, à la
destruction brutale, a joint le sacrilège voulu. Ce n'est paS
sans émotion que nous inclinons notre piété et notre pitié sur
ces grandes, sur ces saintes blessées de la guerre ; nous avons
été au premier rang dans l'épreuve du martyre, nous voulons
l'être aussi dans la réparation » (1).
Ce fut le mot d'ordre de la campagne qui commençait et la
consigne de tous ceux, clergé et fidèles, qui répondirent
courageusement à l'appel de Mgr Ruch et de M. le grand vicaire
Jérôme. La voie était déjà tracée sur des pistes sûres, et
l'intrépide pionnier, que son activité, son expérience et sa
sagesse avaient déjà placé à l'avant-garde de la reconstitution,
avait commencé, depuis deux mois, la création au réseau de
Coopératives qui furent d'un si grand secours aux sinistré» (2).
La Coopérative des
Eglises
Sa constitution
Les municipalités, qui presque toutes, en Meurthe-et-Moselle,
étaient propriétaires des églises dévastées, ne pouvaient avoir
aucune inquiétude; les églises, aussi bien que les mairies et
les écoles, devaient être reconstruites aux frais de l'État; la
loi du 17 avril 1919 y a pourvu d'une façon particulièrement
vigilante. Dans le souci de garantir aux édifices publics,
civils et cultuels, la restauration intégrale, et de veiller à,
la spécialisation de l'indemnité, le législateur les a soumis à
un régime spécial. D'après l'art. 12, « l'indemnité consiste
dans les sommes nécessaires à la reconstruction d'un édifice
présentant le même caractère, ayant la même importante, la même
destination et présentant les mêmes garanties de durée que
l'immeuble détruit. »
Il est bien évident que, dans l'ordre d'urgente du relèvement
des régions dévastées, les locaux agricoles et industriels et
les habitations particulières devaient occuper le premier rang.
Sans retarder un seul instant le reconstruction des fermes et
des usines, ne serait-il pas possible de trouver une combinaison
financière, qui permettrait de commencer parallèlement la
construction des églises ? Telle est la question qui fut posée
en Meurthe-et-Moselle, dès la fin de 1920.
Un matin d'octobre 1920, M, le chanoine Thouvenin était
consulté, par un administrateur de coopérative, sur
l'opportunité de constituer, dans une région où l'entrepreneur
avait déployé une merveilleuse activité, un syndicat
intercommunal, qui contracterait un emprunt gagé sur les
indemnités dues par l'État, pour la construction des églises des
communes intéressées.
Pour toute réponse, le président de l'Union des Coopératives du
département demanda à son visiteur d'attendre quelques jours,
pendant lesquels il réfléchirait; mais déjà il avait sûrement
son idée, car, vingt-quatre heures plus tard, la conversation
était reprise, et M. le chanoine Thouvenin avait déjà conçu le
projet d'une coopérative spéciale pour la reconstruction des
églises.
Monseigneur de la Celle, évêque de Nancy, bénit et encouragea ce
projet, dont il confia la réalisation à celui dont il appréciait
l'autorité acquise par les services rendus, la compétence
incomparable dans les questions sociales et l'exercice de la
charité dans son sens le plus chrétien.
M. le Préfet, de son côté, marqua nettement que les Pouvoirs
Publics appuieraient et faciliteraient cette initiative, qui
rendrait service à la fois à l'État et aux communes.
L'idée fut lancée et le projet esquissé, le 16 janvier 1921,
dans une grande assemblée des catholiques de Nancy, réunie à la
Salle Poirel. Un tableau saisissant de M. l'abbé Renault, un des
vaillants pionniers de la reconstitution dans la vallée de la
Vezouze, montra la misère, et même temps que l'intensité la vie
religieuse, dans les villages dévastés. M. Louis Marin, député
de Meurthe-et-Moselle, fit un éloquent exposé du projet qui, du
reste, fut commenté parr M. le chanoine Thouvenin lui-même. Nous
avons à craindre, dit-il, que la reconstruction de nos églises
soit ajournée, que les municipalités soient submergées par les
formalités à remplir et les difficultés spéciales que présente
l'application de l'art. 12 de la loi du 17 avril 1919; nous
avons à craindre encore que les baraques cultuelles
d'aujourd'hui ne se désagrègent rapidement, ce qui nécessiterait
de nouvelles dépenses pour du provisoire, et donc un gaspillage.
D'autre part, la construction de l'église, qui serait confiée de
préférence à l'entrepreneur de la Coopérative locale,
constituerait un volant lui permettant d'avoir de nombreux
ouvriers (préparation et avancement des chantiers, fourniture
des matériaux), qui pourraient aller des maisons particulières à
l'église et inversement, ce qui accélérerait la reconstruction
du village (3).
L'urgence s'impose donc d'une Coopérative diocésaine, dont le
but serait la reconstitution des édifices du culte. Monseigneur
l'Evêque de Nancy en prendrait l'initiative; il offrirait aux
communes de les délivrer de cette lourde tâche, moyennant la
délégation de l'indemnité allouée par l'Etat pour la
reconstruction de l'église. La Coopérative accepterait cette
délégation, ferait établir les plans et les devis, les
soumettrait au Conseil municipal et au Curé, à la Commission
diocésaine des Monuments religieux, à la Commission spéciale, et
suivrait à la Commission cantonale la fixation de l'indemnité.
Ensuite, elle commencerait et dirigerait les travaux. Approuvée
par l'Etat, conformément à l'article 14 de la loi du 15 août
1920, la Coopérative des Eglises jouirait de tous les avantages
légaux reconnus aux Coopératives de Reconstruction.
Comment se procurer de l'argent ? Les catholiques, émus de la
détresse de leurs églises, pourraient bien donner quelques
milliers, ou quelques centaines de milliers de francs; mais
qu'était-ce pour reconstruire plus de cent églises ? Il Fallait
compter sur l'indemnité de l'Etat.
Pour l'instant, il était mieux de laisser les ressources du
Trésor au relèvement des exploitations agricoles et
commerciales, et la Coopérative recourrait à un emprunt, gagé
par les indemnités de l'Etat. La mobilisation de ces indemnités
est prévue et réglementée par les articles 150 et suivants de la
loi de finances du 31 juillet 1920. Moyennant l'échelonnement
des paiements sur quinze ou trente annuités, l'Etat sert un
intérêt de 6 % sur les sommes empruntées pour lui permettre ce
long crédit.
Cet emprunt serait recommandé aux catholiques de la Lorraine, de
l'Alsace, de la France entière, et des pays étrangers; le succès
de cet appel ne serait pas douteux. Cet emprunt rendrait service
aux catholiques des régions dévastées, aux communes, dont il
reconstituerait une partie du domaine public, à l'Etat, auquel
il permettrait d'échelonner ses versements, aux sinistrés
particuliers, qui seraient payés avec d'autant plus de facilité
que la part des églises serait retardés.
Monseigneur l'Évêque entra pleinement dans les vues de M. le
chanoine Thouvenin, et confia au Président de l'Union des
Coopératives de Meurthe-et-Moselle, la fondation de la
Coopérative de reconstruction des églises dévastées du diocèse
de Nancy.
Le 27 janvier, Monseigneur l'Evêque envoyait aux Municipalités
des communes dévastées la circulaire suivante:
MONSIEUR LE MAIRE,
Nous avons l'honneur de vous envoyer le compte-rendu de la
réunion du 16 janvier dernier, dans laquelle, après avoir
entendu lm curé des régions dévastées, M. Louis Marin, député de
Meurthe-et-Moselle, et M. le chanoine Thouvenin, directeur des
oeuvres diocésaines, nous avons, aux applaudissements unanimes
d'une grande assemblée de catholiques, décidé de prendre
l'initiative de créer une Coopérative pour la reconstruction des
églises de notre diocèse, qui ont été détruites par la guerre.
L'autorité civile est tout à fait favorable à ce projet.
Déjà, plusieurs maires nous ont demandé la mise en train de
cette Société.
Pour en réaliser la création, nous vous demandons de nous
envoyer, après avoir consulté officieusement votre Conseil
municipal, une adhésion provisoire, en ce qui concerne votre
église, à la Coopérative de reconstruction des Eglises du
diocèse de Nancy. Cette société n'aura pas à s'intéresser aux
églises classées, dont la réfection est confiée au service des
Beaux-Arts.
Elle aura pour objet essentiel la reconstruction des églises
totalement ou partiellement détruites,
Toutefois, elle s'occupera aussi des églises réparables, bien
que les services de reconstitution du département aient déjà
accordé les avances nécessaires pour les travaux urgents.
Vous nous obligeriez en nous envoyant, dans la quinzaine, une
réponse officieuse.
Nous avons hâte de voir bientôt reconstruire ces églises dont
nous avons vu, le coeur serré et les larmes aux yeux, les ruines
lamentables, quand nous avons visité nos trop nombreuses
paroisses dévastées par la guerre.
Veuillez agréer, etc ...
Toutes les Municipalités, sauf une, s'étant déclarées favorables
au projet, une assemblée constitutive fut convoquée, pour le 15
mars, dans la galerie Nord de la Salle Poirel.
Autour de Monseigneur l'Evêque, prirent place: MM. Michaut,
sénateur; Bégue, secrétaire général de la Préfecture pour la
reconstitution; Préaud, chef du Contrôle des Coopératives par
l'Etat; Barbier et Jérôme, grands vicaires ; chanoine Thouvenin,
président, et abbé Fiel, secrétaire de l'Union des Coopératives;
Malval, conseiller municipal; Frébillot, sous-directeur de la
Société Nancéienne de Crédit, MM. Lebrun et Michel, sénateurs;
Marin, de Wendel, de Warren, Ferry, députés, s'étaient excusés.
Après une allocution liminaire, dans laquelle Monseigneur
l'Évêque souligne l'accueil favorable, qui, de tous côtés, a été
fait à l'initiative proposée le 16 janvier, l'assemblée écouta,
avec un vif intérêt, l'exposé, par M. le chanoine Thouvenin, du
plan d'organisation de la Coopérative des églises (4).
Ce document substantiel, tout à fait remarquable dans sa netteté
et ses conclusions, constitue, au regard des témoins et surtout
des acteurs de l'oeuvre de la reconstitution des régions
dévastées, comme un récit prophétique de la reconstruction des
églises. Selon son humeur habituelle, le 15 mars 1921, M. le
chanoine Thouvenin avait l'assurance d'un éclairé et d'un
convaincu. L'enthousiasme avec lequel ses propositions et son
exposé furent accueillis par l'auditoire, composé des
représentants de l'Etat et des Municipalités, des curés et des
administrateurs de Coopératives locales, était raisonné et fondé
sur des hases de tout premier ordre. Comme toujours, celui qui
allait prendre en mains l'oeuvre colossale en projet, avait vu
juste; son optimisme fut même en deçà de la réalisation.
Sur le champ, ln Société fut constituée par les Maires qui
étaient en mesure de donner leur adhésion définitive; les
statuts types du Ministère des R. L. furent adoptés et adaptés,
un Conseil d'administration provisoire fut nommé, M. le chanoine
Thouvenin fut nommé directeur, avec M. l'abbé Fiel comme
adjoint; diverses formalités préliminaires furent remplies. La
Coopérative de reconstruction des églises du diocèse de Nancy
venait de vivre intensivement sa première journée d'existence.
En principe, on avait décidé de n'accepter mandat que pour les
églises totalement, ou du moins en grande partie détruites;
elles étaient au nombre de 90; les autres pouvant être réparées
dès le lendemain de l'armistice, par application de la
circulaire du 14 octobre 1917, devaient, ou tout au moins
pouvaient l'être, sans autre formalité qu'une demande aux
Services de la Reconstitution, qui payaient les travaux après
réception, et faisaient même des avantages pour les exécuter.
Dans quelques cas, heureusement fort rares, où les autorités
locales n'avaient pas utilisé cette précieuse ressource, le
Conseil d'administration de la Coopérative des églises accepta
l'adhésion de ces communes. De ce fait, en tenant compte de deux
monuments historiques de Longwy et de Nomeny, qui furent
acceptés dans la suite, le nombre définitif des adhérents fut de
100 communes représentant 104 églises.
Premières ressources de la
Coopérative
L'Emprunt des Eglises
Le constructeur de l'Evangile
fut loué par le Maître d'avoir adapté ses projets à ses
ressources financières.
Les dirigeants de la Coopérative n'oublièrent pas ce conseil.
Par une lettre circulaire, en date du 9 avril 1921, à tous ses
diocésains, Mgr de la Celle, évêque de Nancy, ouvrit une
souscription, et prescrivit une quête dans toutes les églises du
diocèse. Le Pape Benoît XV figura en tête des souscripteurs,
pour une somme de 25.000 francs, et grâce à la générosité de
l'évêque, du clergé, des fidèles, des communes et des paroisses
du diocèse, les dons s'élevèrent à la somme de 360.000 francs.
Mais qu'était cotte somme en regard des besoins, qui se
chiffraient par plus de 50 millions ? Selon l'engagement pris de
ne pas puiser pour l'instant dans les caisses de l'Etat, il
fallait, avant tout, financer la signature de la France, afin de
faire appel au crédit public.
Obtenir un certificat provisoire de créance sur l'Etat avant la
fixation de l'indemnité, signer une convention avec les
Ministres des Finances et des Régions libérées, obtenir la date
conventionnelle (c'est-à-dire fixer la prise en charge par
l'Etat du paiement d'intérêts à 6 % des sommes empruntées),
négocier avec les Banques de la place de Nancy, organiser un
véritable plan de campagne pour le lancement de l'emprunt,
calculer approximativement quelles seraient les charges de
l'emprunt, furent un jeu pour la passion mathématique et
financière de M. le chanoine Thouvenin.
Le 11 juillet 1921, l'Officiel publiait l'annonce de l'emprunt,
et le même jour, le Crédit National remettait à la Coopérative
des églises un titre de trente annuités correspondant au
certificat provisoire de 15 millions.
L'émission fut ouverte, le 15 juillet, par une notice suggestive
dont les sentiments élevés trahissent le président de la
Coopérative :
Le diocèse de Nancy a particulièrement souffert de la guerre :
sans compter les ecclésiastiques mobilisés, qui sont morts pour
la France, onze prêtres ont été fusillés par les Allemands ;
quatre sont morts dans les geôles germaniques, ou à la suite de
mauvais traitements ; d'autres ont été faits prisonniers, ou ont
été emmenés en captivité. Les églises, ces écoles de l'âme, ont
été incendiées ou ont été jetées bas par les obus: c'est par la
chute des clochers que les Allemands voyaient s'ils frappaient
juste au coeur des villes ou des villages. Soixante-quinze de ces
temples sont entièrement détruits par la, guerre, plusieurs
centaines d'autres sont plus ou moins endommagés. Déjà la
France, par ses propres ressources, a donné l'argent nécessaire
aux premières réparations urgentes ; sans faire disparaître
certaines blessures de guerre, qui ne portent atteinte ni à la
solidité, ni à l'architecture de l'édifice, elle a restauré
plusieurs églises réparables, afin de les rendre au culte: mais
il faut des millions pour rebâtir toutes nos églises.
Aujourd'hui,- laissant aux particuliers sinistrés, (ouvriers,
propriétaires, cultivateurs, commerçants et industriels),
l'argent que l'Etat peut mettre à leur disposition ; voulant
soulager momentanément les finances de l'Etat, alors que ses
charges sont particulièrement lourdes; cherchant à assurer, du
travail aux entrepreneurs et aux ouvriers du bâtiment, alors
qu'ils sont menacés par le chômage, - la Coopérative des
Eglises, fondée par Monseigneur l'Evêque de Nancy, demande au
public les 15 millions nécessaires pour construire le gros oeuvre
des édifices du culte, afin que les prêtres et les fidèles ne
soient pas obligés d'assister aux offices religieux dans les
pauvres baraques qui leur servent de chapelles provisoires.
Cet appel sera entendu, nous en avons pour gage, et les lettres
des maires demandant à l'Evêque de Nancy de créer la Coopérative
de reconstruction des églises, et les nombreuses et généreuses
offrandes envoyées à l'Evêché pour cette Société.
Beaucoup de fidèles ont pleuré sur leur église en ruines, et se
sont promis de tout faire pour la relever.
Les chrétiens, même peu pratiquants, demandent la reconstruction
de l'église, témoin de leurs joies et de leurs deuils, de leur
baptême, de leur première communion, de leur mariage, de
l'enterrement de parents et amis.
Beaucoup d'indifférents désirent qu'au centre de nos villes et
de nos villages se dresse à nouveau au-dessus des habitations
communes, la haute et belle maison que nous avons reçue de nos
ancêtres, et que nous devons transmettre à nos descendants.
Tous veulent que se relève, dans toutes les paroisses, l'église,
qui proclame et transmet, de générations en générations, les
notions d'honneur, de justice, de bonté, de charité, qui
caractérisent la France chrétienne.
Un vibrant appel de Mgr l'Evêque, lu dans toutes les églises du
diocèse, remerciait à l'avance les pasteurs et les fidèles de
l'esprit de foi et de patriotisme, avec lequel ils
participeraient aux moyens financiers de relever les églises
dévastées.
Bien que limité au département de Meurthe-et-Moselle, pendant
une période où les capitalistes étaient en villégiature, à une
saison, où les cultivateurs n'avaient pas encore réalisé leurs
récoltes, « l'Emprunt du bon Dieu », comme le qualifia un grand
quotidien de la capitale, fut couvert en six semaines. Plus d'un
quart des obligations avait été souscrit, tant au Siège social
de la Coopérative qu'au Secrétariat de l'Evêché et dans les
bureaux de la Croix de l'Est. Au témoignage des Banques
elles-mêmes, le rôle du clergé a été prépondérant dans les
magnifiques résultats de l'emprunt, et les villages dévastés ne
figuraient pas pour les chiffres les moins élevés, sur la liste
des souscripteurs; c'était un véritable plébiscite en faveur de
la reconstruction des églises.
En attendant que le montant de l'emprunt soit employé, il allait
porter intérêt dans les établissements financiers, où il était
déposé; cette bonification diminuerait d'autant les frais de
l'emprunt, qui devaient être imputés sur les titres de créance
destinés à la construction des églises.
La fixation de l'indemnité pour la reconstruction des églises
La dette de l'Etat envers 100 communes sinistrées, pour la
reconstruction des édifices civils et cultuels, est établie
d'après les règles fixées par l'article 12 de la loi du 17 avril
1919. Il était impossible d'entreprendre aucun travail sérieux,
avant de connaître les crédits dont disposerait chaque église.
A la vérité le Conseil d'administration de la Coopérative
tâtonna, pendant plusieurs mois, avant de trouver une méthode
efficace pour l'application de l'article 12. Chose singulière,
la formalité de principe, qui permit de débloquer cette grave
question, n'était pas prévue par la loi. Une commission
extra-légale, approuvée verbalement par M. le Préfet, se rendit
dans chaque commune, afin d'examiner, avec le Conseil municipal,
le curé et l'architecte choisi, les bases de l'indemnité,
l'emplacement proposé pour l'église, et définir sommairement le
caractère du nouvel édifice. Cette commission, imaginée par M.
Deville, architecte en chef de ln Reconstitution, et présidée
par lui, était composée de M. l'abbé Fiel, secrétaire de la
Coopérative des églises, et d'un expert spécialement désigné,
dans chaque arrondissement, pour l'évaluation des dommages aux
édifices civils et cultuels. A la suite de cette réunion à la
mairie, l'architecte étudiait le projet, le soumettait à
l'agrément définitif du Conseil municipal, et l'adressait au
président de la Coopérative, qui de son côté le présentait à la
Commission diocésains des Monuments religieux. Après ce premier
examen, c'est encore M. le chanoine Thouvenin qui, avec
l'Architecte en chef, déposait et commentait le dossier devant
le Comité départemental des Bâtiments civils; des instructions
ministérielles permettaient de substituer ce Comité à la
Commission spéciale prévue par l'article 12, pour les communes
qui y renonceraient. Les conclusions de ce Comité, signées par
M. le Préfet, et adressées aux Commissions cantonales par
l'Agent administratif, représentant l'Etat spécialement pour les
édifices civils et cultuels, ont été adoptées S'ans discussion
dans la plupart des cas. En moins de quatre mois, ce travail
d'évaluation fut terminé.
Pour les 104 églises confiées à la Coopérative, l'indemnité
immobilière bâtie est de 44 millions, Cette somme, répondant à
l'esprit de l'article 12, a permis de reconstruire des édifices
cultuels, de même importance et de même durée que ceux qui ont
été détruits.
Formation d'un groupement des Coopératives diocésaines
Nous ne fûmes pas, hélas, les seuls sinistrés, et partout le
zèle des évêques des diocèses ravagés, en liaison avec les
préfets, se préoccupa de la reconstruction des églises. De son
côté, l'Oeuvre de Secours aux églises dévastées des régions
envahies, dont la pieuse charité est venue en aide à l'Oeuvre
similaire fondée en 1915, par Mgr Turinaz et dirigée par M. le
grand vicaire Jérôme (5), suivait attentivement l'organisation
de la Coopérative des églises de Nancy. Informée de la réunion
du 15 mars 1921, elle y avait délégué son président, M,
Deshouilières
Dès la semaine suivante, l'oeuvre de la rue Oudinot convoquait
les évêques des diocèses dévastés, et diverses personnalités
catholiques, pour examiner ce qui pouvait être tenté en faveur
des églises, et entendre un exposé de M. le chanoine Thouvenin,
qui fut loué publiquement par MM. Groussau et Marin. Lé sujet
était trop nouveau, pour permettre une discussion fructueuse.
La question fut reprise le 8 avril 1921, dam; une réunion
composée de la même façon que la première. Un exposé juridique
de M. Groussau montra que la Coopérative diocésaine des églises
dévastées, telle que l'avait imaginée M. le chanoine Thouvenin,
avec un emprunt auprès des catholiques de France et de
l'étranger, lui semblait seule capable de permettre la
reconstruction rapide des églises, Sur l'invitation du cardinal
Luçon, président de la réunion, M. le chanoine Thouvenin donna
lecture du rapport qu'il avait présenté, le 15 mars, à
l'assemblée constitutive de la Coopérative des églises de Nancy,
Le projet fut approuvé à l'unanimité, et les évêques, avec
l'assentiment de Mgr de la Celle, prièrent M. le chanoine
Thouvenin de recevoir, à Nancy, des délégués de leurs diocèses
respectifs, pour les initier à la constitution et au
fonctionnement d'une Coopérative diocésaine. Avant de se
séparer, les évêques décidèrent le principe d'une Union des
Coopératives diocésaines, et d'un emprunt collectif. Dès
maintenant, Nancy allait faire une première expérience avec une
tranche de quelques millions, et, afin de ne pas émousser le
sentiment religieux, qui serait un grand élément de succès, le
placement des obligations ne dépasserait pas les bornes du
diocèse. Dans un esprit de concorde et de solidarité, les
représentants de Nancy acceptèrent ces restrictions.
Des Coopératives, sur la forme de celle de Nancy, furent fondées
à peu près dans tous les diocèses, et dans des réunions
successives, le 1er juillet, le 11 août et le 25 septembre 1921,
les évêques et les directeurs de Coopératives prirent la
résolution de fonder une Union des Coopératives de
reconstruction des églises dévastées de France. Le Conseil
d'administration de la Coopérative de Nancy avait délégué M. le
chanoine Thouvenin à ces réunions, et l'avait proposé comme
membre du Conseil d'administration de cette Union, avec les
directives suivantes :
1° Pour les emprunts, chaque Coopérative diocésaine groupera les
certificats provisoires, ou les titres de créance de ses
adhérents, passera une convention d'annuités avec le Ministre
des Finances, et apportera ses titres d'annuités à l'Union, qui
fera l'emprunt, et en répartira le produit et les charges au
prorata des indemnités apportées;
2° Pour les reconstructions, chaque Coopérative diocésaine
dirigera les travaux dans sa circonscription;
3° Si une Coopérative diocésaine confie à l'Union son
administration, la gestion de sa tranche d'emprunt et la
direction de ses travaux, aucun frais, ni aucune responsabilité
ne pourront en résulter pour l'Union.
Après la réunion du 25 septembre, d'autres idées se firent jour,
et le projet d'Union des Coopératives fut remplacé par celui
d'une Société anonyme, dont le but serait de faire un emprunt
global pour la reconstruction des églises dévastées de France,
et de centraliser l'administration des Coopératives diocésaines.
A l'unanimité, le Conseil d'administration de Nancy jugea ces
tendances inquiétantes, et considéra qu'il serait imprudent
d'abandonner l'instrument légal, qu'était l'Union des
Coopératives, pour la reconstruction des immeubles. En
conséquence, il décida que la Coopérative de Nancy conserverait
sa complète indépendance, et n'entrerait pas dans le groupement
en formation. Cette décision fut notifiée le 11 novembre 1921.
Les Marchés
Pour les raisons exposées à l'assemblée constitutive, et en
conformité complète de vues avec les Municipalités et les
dirigeants de la Coopérative de reconstruction locale, presque
partout la Coopérative des églises choisit l'entrepreneur qui
travaillait à la reconstruction du village. Dans le souci de
commencer immédiatement les travaux, on fit, dès la fixation de
l'indemnité, un marché de principe pour une partie de l'édifice.
D'après cette convention, le règlement des travaux se ferait sur
la série de prix adoptés par le Comité départemental des
Bâtiments civils. Un certain nombre d'églises furent commencées
dans ces conditions.
Le Conseil d'administration expérimenta bien vite le grave
danger de dépassements financiers, que présentaient les marchés
à la série. Les indemnités allouées par l'Etat aux communes,
pour la reconstruction de leurs édifices détruits, constituant
un crédit à limite rigoureuse, il fallait, dès le départ,
aménager en conséquences le programme des dépenses,
En raison des surprises que pouvaient amener le creusement des
fondations, ou de l'incertitude du degré de sauvetage dans les
édifices qui n'étaient pas totalement détruits, il était
difficile, sinon impossible de conclure un marché à forfait, au
début des travaux; une fois la construction au niveau du sol, ou
bien après l'arasement des pans de mur pouvant être conservés,
il n'en n'était plus de même.
Par la circulaire ci-dessous, le président de la Coopérative
pressa la transformation du forfait du marché primitif,
profitant de l'occasion pour dissiper les illusions de ceux qui
auraient compté sur la Coopérative des églises pour couvrir les
dépassements.
Le Président de la Coopérative des Eglises, à Messieurs les
Mares, Curés, Architectes et Entrepreneurs des églises des
communes adhérentes.
MESSIEURS,
L'esprit de justice qui a marqué la procédure de l'article 12 de
la loi du 17 avril 1919 et l'évaluation des dommages cultuels,
garantit la reconstruction « d'édifices présentant le même
caractère, ayant la même importance que les immeubles détruits
».
Nous vous rappelons que le montant des dépenses pour l'immeuble
bâti, y compris les honoraires et les vitraux, doit rester
strictement dans les limites de la somme allouée par application
de l'article 12. Parfois même, les indemnités pour immeubles par
destination étant insuffisantes, il sera nécessaire de prendre
une partie de ces objets sur les crédits de l'immeuble bâti, à
moins que la générosité privée permette de parer à cette
insuffisance. A ce propos, nous vous signalions que la
Coopérative des églises peut recevoir des indemnités entières,
ou même des reliquats de titres de créance, par donation devant
notaire, avec affectation spéciale à une église déterminée. Vous
vous exposeriez à de graves mécomptes si vous étendiez vos
espoirs de subvention de la part de la Coopérative des églises
au delà des donc faits à l'intention de votre église, ou de la
partie de l'escompte sur les marchés excédant 5 %. Ces 5 %,
ainsi que le produit des offrandes faites à Monseigneur l'Evêque
pour la Coopérative des églises, sont absorbés et au delà, par
les frais d'emprunt.
Pour ce qui concerne la construction de l'édifice, nous
percevons très nettement, de divers côtés, la crainte fondée
d'un dépassement des crédits; les graves conséquences d'une
telle situation ne sauraient vous échapper. Il est de notre
devoir d'écarter ce danger, quand nous en avons encore la
possibilité. Dans l'intérêt de tous, nous considérons comme un
impérieux devoir de vous prier d'étudier la transformation des
marchés à la série en marchés à forfait. Il en résultera, il est
vrai, pour les architectes et les entrepreneurs, une obligation
de revoir en détail les projets et les devis; mais, par contre,
ils n'auront plus de mémoires à établir ou à vérifier, d'où une
sérieuse économie, la suppression de toute cause de
contestation, et le paiement immédiat, Nous avons tous besoin de
cette sécurité, qui intensifiera l'activité déjà remarquable de
la construction de nos églises.
Agréez, Messieurs, etc ...
Presque partout le marché est devenu un forfait ; dans les rares
communes où on ne l'obtint pas, on exigea le mémoire des
travaux exécutés et de le devis estimatif de ceux qui restaient
à faire; en plus de cette sage précaution, on immobilisa, dans
la proportion de 50 %, la somme allouée pour les immeubles par
destination.
Ainsi toute surprise serait évitée, et les dirigeants de la
Coopérative furent délivrés du cauchemar des dépassements
financiers.
Le Mobilier des églises
A l'assemblée constitutive de la Coopérative des églises, des
curés et des maires avaient demandé si la Société prendrait
également la charge de reconstituer le mobilier cultuel. La
question avait paru prématurée, et il fut répondu qu'avant tout,
il fallait construire les édifices, afin de sortir des baraques,
dut-on momentanément utiliser, dans les nouvelles églises, le
mobilier sommaire des chapelles provisoires.
En sus de l'indemnité nécessaire pour relever les édifices
cultuels, les communes, comme les sinistrés individuels, ont
obtenu un titre de créance pour la. reconstitution du matériel
et des objets nécessaires à. l'exercice du culte, Ce mobilier a
été diversement classifié; tantôt on a fait une distinction
entre le mobilier proprement dit (ornements, linge et vases
sacrés, chandeliers, etc ... ), et le matériel ou immeubles par
destination (bancs, autels, chaire, chemin de croix, orgue,
cloches, horloge, etc ... ), et établi, pour chacune de ces
catégories, deux titres séparés, l'un mobilier, l'autre
immobilier. Ailleurs, les Commissions cantonales jugeant que les
ornements, linges, vases et autres objets du culte, peuvent être
assimilés au matériel servant à une exploitation, les ont
classés immeubles par destination, et confondu avec le matériel
fixe des églises. Il serait difficile de soutenir que cette
dernière procédure n'est pas fondée sur la loi du 17 avril 1919.
Dans la plupart des cas, les immeubles par destination et le
mobilier des églises ont été évalués en dehors de l'intervention
de la Coopérative des églises.
L'Etat ne pourra pas être accusé de largesse, et, sans la
générosité des fidèles, un certain nombre de communes n'aurait
reconstitué que partiellement le mobilier cultuel. La somme
totale allouée à ce titre aux 100 communes adhérentes est de 9
millions,
Il était bien évident que les Municipalités désiraient déléguer
à la Coopérative des églises les indemnités mobilières, à charge
par elles de reconstituer, après entente avec le maire et le
curé, le mobilier cultuel.
Cette question, différée jusqu'au moment où la construction des
édifices fut assurée, put être reprise, et recevoir une solution
affirmative, à l'assemblée générale du 30 janvier 1923. Une
seule Municipalité préféra se réserver la reconstitution du
matériel et du mobilier (6).
La Visite des chantiers
La liaison entre la Coopérative et les communes adhérentes a été
faite par les maires, curés, entrepreneurs et architectes, qui
toujours conférèrent fructueusement au bureau de la Salle Déglin.
Toutefois un certain nombre de questions ne pouvaient être
étudiées et résolues que sur place, soit que la présence du
maire, ou même de tout le Conseil municipal, fut nécessaire,
soit qu'une expertise des lieux paraisse indispensable.
Indépendamment des déplacements pour des cas spéciaux, le bureau
de la Coopérative a visité cinq fois les communes adhérentes. Au
cours de la première, les Conseils municipaux: ont été réunis,
pour établir les bases de l'indemnité à demander à l'Etat, et le
projet de reconstitution de l'église, d'après ce qui a été
exposé plus haut (7); la seconde a été une sorte de contrôle de
l'organisation des chantiers ; la troisième, une campagne pour
demander que les marchés à la série soient transformés en
forfait; la quatrième a eu pour but l'aménagement des crédits
destinas aux immeubles par destination et au mobilier. Au cours
de la cinquième tournée, le président en personne avait pris le
crayon du comptable, afin d'exposer, par l'éloquence des
chiffres, la situation du compte de la commune à la Coopérative
des églises, et proposer une solution aux difficultés
rencontrées.
Pour chacune de ces visites, les délégués du Conseil
d'administration de la Coopérative des églises furent
accompagnés par M. Deville, architecte en chef de la
reconstitution, qui, avec un empressement exquis, faisait un
généreux apport de son autorité, de son goût artistique et de sa
vaste expérience.
Pour la dernière de ces visites, l'évêché fut représenté tantôt
par M. le grand vicaire Barbier, tantôt par MM. les chanoines
Eugène Martin, Simon, Loevenbruck, Prévot, Boulanger. Au retour
d'une de ces tournées, le Directeur de la Croix de l'Est la
décrivait dans les termes suivants:
« Depuis quelques semaines, M. le chanoine Thouvenin, le grand
artisan de la reconstitution, fait, en compagnie de M. Deville,
le distingué architecte départemental, de M. l'abbé Fiel, le
dévoué secrétaire de la Coopérative des églises et le
collaborateur infatigable de M. le chanoine Thouvenin, la visite
par étapes successives des chantiers où ressuscitent nos églises
...
« Une autre chose m'a frappé: c'est l'union intime et féconde
entre les divers éléments qui devaient assurer le succès.
Liaison avec le bureau central de la Coopérative; union étroite,
confiante, du curé et de la municipalité, sans distinction
d'opinion, pour l'oeuvre commune qui, à divers points de vue,
intéresse si vivement l'un et l'autre ; collaboration des
architectes, des entrepreneurs, des ouvriers, qui ont apporté
non seulement leur talent, mais leur coeur, et pour la plupart
leur esprit de foi ; ils considèrent ln construction d'une
église, moins comme une affaire que comme un chef-d'oeuvre qui
doit durer, rappeler aux générations de demain les temps graves
que nous venons de traverser et qui font époque dans l'histoire
d'une localité et d'un peuple. Proportions gardées, ils sont les
dignes continuateurs de ceux qui, autrefois, bâtirent nos
cathédrales et qui travaillaient, non pour la fortune, mais pour
la gloire ... pour le pays et pour Dieu. Je proposerais
volontiers qu'à l'Evêché comme à la Préfecture, soit conservé
précieusement, pour être exhumé dans les siècles futurs, le nom
de tous ces bons artisans de la résurrection de la Lorraine.
« Les dirigeants de la Coopérative des églises me permettront
bien une dernière constatation, qui risque de blesser leur
modestie, mais qui est un acte de justice: c'est le travail
formidable qu'assume et fournit le bureau central. J'assistais,
en profane, à ce petit conseil qui, au milieu des matériaux et
du va et vient des ouvriers, se tenait dans chacune des églises,
entra MM. les abbés Thouvenin et Fiel, M. Deville, MM. les Curés
et Maires, architectes et entrepreneurs. On y vérifiait les
plans, les devis, les sommes engagées, on y étudiait les moyens
de remédier à de généreuses imprudences qui, dans le seul désir
de faire beau et bien, avaient quelque peu outrepassé les
crédits. Et quand je multipliais ces jongleries de chiffres, par
90, total des églises en reconstruction, j'admirais la somme de
travail représentée par cette tenue à jour des dossiers, les
démarches, les correspondances, les opérations financières
indispensables, En d'autres administrations, c'est tout le
personnel d'un ministère qu'on jugerait nécessaire. lci, deux
hommes suffisent à la tâche, mettant les bouchées doubles, pour
que rien ne reste en souffrance et que cependant soient ménagés
les frais d'administration, en l'espèce, les deniers de l'Etat.
« Chers lecteurs, regrettez-vous maintenant d'avoir souscrit à
l'emprunt des églises dévastées.» (8)
Donations
Sur l'initiative et la recommandation de Monseigneur l'Evêque,
une souscription publique avait, en quelques jours, fourni à la
Coopérative une somme de 360.000 francs. C'est un fonds de
roulement, qui a déjà rendu d'appréciables services.
Mais, comme nous le verrons dans un chapitre spécial, les
charges sont très élevées, et, sous peine de laisser incomplète
l'organisation intérieure des églises, il fallait trouver un
moyen d'atténuer les frais.
Ce problème fut résolu en grande partie par des donations
d'indemnités. Des sinistrés, âgés ou sans charges de famille,
vinrent au secours de la Coopérative, en lui donnant des
indemnités de dommages de guerre, dont ils ne jugeaient pas
à-propos de faire eux-mêmes le remploi. La loi du 15 août 1920
facilitait ce geste généreux en exemptant de tous droits les
actes de cette nature.
Dans bien des cas, le donateur ne formula pas d'intention ou
d'affectation spéciales. Il arriva cependant que l'acte de
donation précisait l'église bénéficiaire.
D'autre part, certaines communes jugeant insuffisantes la
sonnerie on l'horloge qu'elles avaient auparavant, disposèrent,
pour les améliorer, de fonds libres ou d'indemnités de dommages
sans affectation spéciale, Il s'agissait ici d'un service civil,
que les communes pouvaient subventionner sans se heurter à la
loi de Séparation des églises et de l'Etat. Souvent ces
améliorations nécessitaient un clocher plus important, et un
aménagement complémentaire dans la construction de la tour ;
d'où dépense supplémentaire, qui fut naturellement à la charge
des communes.
Il arriva aussi, dans quatre centres industriels du bassin de
Briey, que les églises étant notoirement insuffisantes, les
indemnités ne permettaient pas de bâtir un édifice pour une
population décuplée. Les Sociétés Minières, ou des groupements
de catholiques, désirant remédier à cette insuffisance,
donnèrent des sommes importantes, qui permirent d'acheter, pour
le compte des communes, les indemnités nécessaires.
Les Paiements
Les indemnités déléguées ou données à ln Coopérative pour la
construction et l'aménagement de 104 églises se répartissent de
la façon suivante:
Immeuble bâti: 45 millions, 200 mille francs,
Matériel et mobilier: 9 millions 300 mille francs.
Les dirigeant» de la Coopérative avaient pris l'engagement moral
de payer les travaux au comptant, et pratiquement aucun marché
ne fut signé sans que les ressources soient assurées pour en
régler le montant: ce qui permit de satisfaire, dans les 48
heures, les demandes de paiement.
Par application de la loi du 17 avril 1919, le sinistré qui
remployait, devait être payé par l'Etat, dans les deux mois qui
suivaient le dépôt de sa demande et de justification de travaux.
Mais il était bien évident que la France, supportant seule le
poids de la reconstitution des régions dévastées, devrait sérier
les paiements, et même les retarder au delà du délai légal.
Aussi les fondateurs de la Coopérative des églises avaient bien
précisé qu'on demanderait peu à l'Etat, tant que la
reconstruction des villages ne serait pas virtuellement
terminée.
Les premiers paiements furent faits sur l'emprunt de 15 millions
contracté par la Coopérative des églises, ensuite sur une
tranche de 11 millions prise sur l'emprunt de 90 millions
contracté en 1922 par le Département de Meurthe-et-Moselle pour
la reconstitution et enfin une nouvelle tranche de un million et
demi dans l'emprunt départemental 1926.
Vue de loin et du point de vue patriotique, la thèse des
emprunts de reconstitution est très séduisante, mais la
réalisation offre beaucoup moins d'attraits. D'abord le Trésor
ne prend en charge le paiement des intérêts qu'à une date
conventionnelle, bien postérieurs à l'émission; d'où nécessité,
pour l'organisme emprunteur, de payer le montant d'un ou
plusieurs coupons. Ensuite la cherté de l'argent a obligé de
fixer le prix d'émission au-dessous du pair (485 pour l'emprunt
de la Coopérative des églises; 475 pour l'emprunt départemental
1922; 430 pour l'emprunt départemental 1926; le taux de
l'intérêt payé aux prêteurs, qui fut de 6 % aux deux derniers
emprunts, dut être porté à 7 % pour l'emprunt 1926, tandis que
l'Etat ne donne que du 6 au Groupement emprunteur).
Ainsi, tout compte fait, l'emprunt des églises a couté 7,61 %;
l'emprunt 1922, 9,30 %, et l'emprunt 1926 ne coûtera pas moins
de 23 %. Le montant de ces frais est imputé sur les titres de
créance du sinistré qui, pour une somme équivalente, est
dispensé de fournir des justifications de remploi; mais cette
opération diminue d'autant la somme destinée à réparer le
dommage ; donc la réparation n'est plus intégrale.
Il faut en dire autant du mode de paiement en obligations de la
défense nationale, qui a été institué par la loi de finances du
28 février 1923. Ces titres productifs d'un intérêt annuel de 5
% étaient émis et débités au compte du sinistré au taux de 96 %
environ, et leur valeur en bourse, toujours inférieure, est
descendue jusqu'à 67 %. Pas plus que le sinistré individuel, la
Coopérative des églises n'avait le moyen d'attendre le
remboursement au pair de ces obligations décennales ou
sexennales, et la réalisation de ces valeurs, compte tenu des
variations des cours, aurait représenté une perte considérable.
Cette perte, à la vérité, était imputable sur les titres de
créance appartenant ou délégués à la Coopérative, mais c'était
l'impossibilité de terminer l'aménagement intérieur des églises.
Confiant dans la générosité des catholiques, et sûr de précieux
agents de propagande, le président de la Coopérative imagina de
placer dans le public des obligations décennales au cours
d'émission, en bonifiant chaque coupon de 2 fr, 50. A lui seul
le directeur de la Croix de l'Est en a vendu pour quatre
millions. C'était pour les preneurs un placement sur l'Etat et
un acte de charité. Avec cette atténuation et la participation
des entrepreneurs au déficit, on put envisager l'avenir sans
trop d'inquiétudes.
Le nouveau mode de paiement par annuités décennales on titres
quadriennaux est aussi peu intéressant et beaucoup plus
encombrant. La loi autorise l'inscription des nouveaux titres
décennaux au nom de bailleurs de fonds; la Coopérative a utilisé
cette faculté, qui lui a procuré une souscription d'un million.
Les pertes (9), à la vérité, se sont trouvées atténuées par les
intérêts en banque de l'emprunt de 15 millions, par les marchés
payables en O.D.N., par les donations faites à la Coopérative;
mais il a fallu cependant en imputer une partie au compte des
communes adhérentes, par imputation sur l'indemnité de dommages.
Sur les titres de créance délivrés par l'Etat, pour la
reconstruction de l'église, l'abattement a été de 5 %, qui s'est
trouvé compensé pat: les escomptes et les ristournes des
architectes, entrepreneurs et fournisseurs. Pour les donations
et titres autres que l'eux de l'église délégués par les
communes, il a été retenu une somme plus élevée.
L'Art dans les églises
Bien que le présent travail s'inspire exclusivement de
l'objectivité des événements et des faits, il ne semble pas
possible de négliger la physionomie que présentent les nouvelles
églises, vues du côté artistique. La question est délicate, dès
lors qu'elle relève, pour une grande part, du tempérament et du
sentiment de chacun.
L'architecte de l'édifice a été choisi sur une liste d'agréés
spécialement par la Préfecture, pour la construction des
édifices civils et cultuels, sur avis du Comité départemental
des Bâtiments civils. Le projet, dressé par cet homme de l'art,
était présenté par le président de la Coopérative à la
Commission diocésaine des Monuments religieux, qui, dans bien
des cas, imposa des retouches indispensables pour conformer les
édifices aux règles de la liturgie.
Le dossier était ensuite transmis et présenté au Comité des
Bâtiments civils, par le président de la Coopérative, qui, avec
l'architecte en chef, commentait l'étude présentée, devant un
aréopage de maîtres de l'Art et du Bâtiment. Il n'a pas dépendu
que d'eux que les nouvelles constructions fussent toutes
marquées d'un style personnel, et surtout d'un caractère
régional, qui les adaptât au cadre et aux horizons lorrains.
Trop souvent, pour des raisons de temps et d'opportunité, il a
fallu accepter du pastiche ou des copies, à la vérité fort
honnêtes, mais dont le moins qu'on puisse dire, est que le
talent de l'auteur n'aurait pas été embarrassé de faire mieux.
Quelques projets, sous l'impulsion de M. Deville, architecte en
chef de la Reconstitution, se sont nettement élevés jusqu'à des
conceptions tout à fait personnelles, qui donneront une belle
originalité artistique à notre époque. La plupart des édifices
sont très présentables, et ont belle allure. Il est futile de
compter ceux qui seront réputés médiocres.
Le même contrôle aurait pu s'exercer sur l'aménagement intérieur
et l'ameublement des églises. L'article 14 des Statuts de la
Coopérative laissait au Conseil d'administration le choix des
architectes et des entrepreneurs, Il eut donc été conforme au
mandat donné par les Municipalités, que la Coopérative choisisse
elle-même les sculpteurs, ébénistes, peintres-verriers,
décorateurs, statuaires, etc ... Une Commission technique et
artistique, nommée par le Conseil d'administration de la
Coopérative, aurait éclairé et dirigé le choix de l'ameublement,
éliminé sans pitié la statuaire polychromée fabriquée en série
et les chemins de croix burlesques. En faisant appel à de
véritables artistes du bois, de la pierre, du verre et du fer,
on aurait eu, par suite d'importantes commandes, des prix de
revient souvent, inférieurs à ceux des commerçants spécialistes.
Cette grave question n'a pas été méconnue du Conseil
d'administration, toutefois c'est la thèse de la liberté
complète, laissée aux autorités locales, qui a prévalu. Libre à
chacun de juger où était la vérité.
Le vitrail, qui du reste joue un rôle important dans l'édifice,
a été particulièrement discuté. Tout en ayant sur ce point une
conviction nettement marquée, les dirigeants de la Coopérative
ne l'ont imposée à personne. Le temps, du reste, qui, disent les
Italiens, est « un galant homme », uniformisera les jugements;
et dès maintenant il est impossible de ne pas être impressionné
par la Iecturz des chroniques et des revues d'art. Dans l'une
d'elles on lisait récemment :
« L'oeuvre du XIXe siècle a été considérable. Il a remis le
verrier en possession de tous les secrets de son métier et de
tous ses moyens d'expression. La science a même ajouté aux
couleurs et aux matériaux connus par les anciens verriers.
Cependant le XIXe siècle restera une pauvre époque dans
l'histoire du vitrail, parce que les restaurateurs de cet art
ont fait absolument fausse route, en prenant beaucoup trop à la
lettre l'expression décevante de peinture sur verre. Le vitrail
ne doit pas être un tableau avec ombre et lumière, plans
successifs, perspective et relief; le vitrail est éminemment un
décor translucide, une mosaïque transparente, une fête de la
couleur, une harmonie colorée. L'art du verre n'est rentré dans
sa voie que le jour où fut retrouvée et réadmise cette
fondamentale vérité: la peinture salit le verre. Un vitrail sera
donc d'autant plus logiquement construit et d'autant plus beau
qu'il sera moins peint. »
Les Collaborateurs de la Coopérative
La Coopérative a trouvé, dès sa fondation, dei; appuis et des
sympathies qui lui sont restés fidèles : il est juste que les
annales de la Société en perpétuent le souvenir.
Avant tout, elle a rencontré de précieux encouragements auprès
de Mgr de la Celle, Il serait déplacé de le louer, puisque, par
ses fonctions, l'évêque est le défenseur des biens d'église, et
qu'il doit veiller sur le « lieu saint ». Toutefois, la
confiance dont l'évêque de Nancy a honoré les dirigeants de la
Coopérative, comme aussi la charité apostolique avec laquelle il
s'est incliné sur les misères des populations sinistrées, ne
sont pas un moindre titre à la reconnaissance de ses diocésains.
Les Pouvoirs Publics, soit dans le département, soit au
Ministère des Régions libérées, dignes représentants de la
France, ont admirablement secondé les efforts de la Coopérative
des église,;. Monsieur le Préfet, ou le Secrétaire général à la
Reconstitution, ont assisté à toutes les assemblées générales de
la Société. Dans les différents services, au Génie rural chargé
du Contrôle des Coopératives, au Contrôle financier ordonnateur
des paiements et vérificateur des comptes, au Service
d'architecture contrôleur technique des travaux, à la Trésorerie
générale, à la 3e Division de la Préfecture chargée des affaires
communales, et chez le Préfet en personne, pour les questions
les plus importantes, le président et le secrétaire de la
Coopérative ont rencontré, sans aucune défaillance, un
dévouement, un empressement que seule peut égaler la plus
parfaite gratitude. Il en fut de même pour les affaires
spéciales, qui durent être traitées aux Ministères des Régions
libérées, des Finances, et au Crédit National. sur le chantier
de chaque église, MM. les Maires et MM. les Curés furent des
collaborateurs vigilants du bureau de la Coopérative. Un hommage
public leur fut rendu par le délégué de la Coopérative à la
cérémonie officielle d'inauguration de l'église de Herbéviller,
le 20 décembre 1923.
« Nous entourons de la plus vive gratitude MM. les Maires, qui
nous ont aidés dans les formalités administratives, dans l'étude
et la solution des questions artistiques, techniques et
financières. Mais il nous plait, par dessus tout, et nous
éprouvons une fraternelle jouissance de proclamer devant leur
chef, que les pionniers de la reconstruction des églises ont été
les curés des paroisses sinistrées. La génération qui nous a
précédés, prononçait avec admiration le nom du curé qui
bâtissait une église, en administrant paisiblement une seule
paroisse; il semblait que cette oeuvre suffit à meubler
somptueusement toute une existence. La grande guerre nous a
familiarisés avec les gestes et les actes héroïques, et on est
tenté de trouver tout naturel qu'après quatre almées de
tranchées ou d'ambulance en première ligne, des hommes, armés de
la charité du Christ et des grâces sacerdotales, aient les
premiers montré le chemin du retour aux malheureux évacués, et
partagé avec eux le dénuement, les souffrances et le dur labeur
de la reconstitution; tout en rétablissant la vie spirituelle,
ils ont étendu les ressources de leur charité jusqu'aux misères,
ou plutôt l'effroyable détresse de leurs paroissiens; presque
tous ont deux, trois, et jusqu'à quatre églises à construire. »
L'année suivante, au banquet qui suivit la bénédiction de
l'église de Harbouey, le 6 novembre 1924, ce fut le tour des
architectes et des entrepreneurs.
Au nom de la Coopérative des églises, M. le chanoine Fiel exposa
la tâche importante accomplie par les architectes et
entrepreneurs, Ce toast, faisant suite à celui d'Herbéviller,
constitue une page de l'histoire de la Coopérative des églises:
« MONSEIGNEUR,
« Il y aura tantôt un an, tout près d'ici, en pareille
circonstance, le Conseil d'administration de la Coopérative des
églises réjouissait votre coeur paternel en soulignant les
efforts héroïques et les mérites incomparables de MM. les Curés
des églises sinistrées. Votre Grandeur elle-même n'a pas ménagé
les éloges à ces vaillants, dont plusieurs ont déjà livré au
culte jusqu'à trois et quatre églises neuves. Collaborateurs
précieux de la Coopérative, ils ont été ses agents de liaison
auprès des municipalités, dont nous tenons notre mandat de
gestion, et dans cette action étroitement conjuguée des
autorités locales, religieuse et civile, notre Conseil
d'administration a trouvé une autorité féconde en résultats.
« Le moment semble venu, Monseigneur, d'associer à cet
état-major des mairies et des presbytères, les reconstructeurs
eux-mêmes, sans lesquels les préliminaires, si brillants
soient-ils, n'auraient pas donné la moindre réalisation.
« Les architectes ont fort bien accepté les instances, parfois
importunes, toujours tenaces, du délégué de la Coopérative des
Eglises, qui les pressait d'étudier un projet et d'établir un
devis, afin de soumettre le dossier au comité des bâtiments
civils et d'obtenir, en temps utile, la fixation de l'indemnité
par la commission cantonale.
« La plupart ont suivi, avec une passion d'artiste, la naissance
et le développement de leur oeuvre. L'opiniâtreté bien lorraine,
avec laquelle certains ont défendu les moindres détails de leur
projet, serait un sujet d'admiration si, en se dérobant à toute
solution d'économie, elle n'avait rendu difficile l'aménagement
des crédits, et créé de réel embarras financiers. L'architecte
qui a su joindre à la conscience et au talent professionnels des
qualités d'administrateur prudent, a obtenu de MM. les Maires et
MM. les Curés un large crédit d'autorité. Il a pu ainsi donner
des conseils heureux pour l'étude de l'ameublement, écarter les
fabricants en série, et conseiller un choix distingué d'artistes
comme celui dont nous avons admiré les oeuvres ici même.
« Jusqu'alors, Monseigneur, nous avons parlé discrètement des
entrepreneurs ; il eût été prématuré de les louer avant le plein
achèvement de leurs travaux.
« Vous venez de bénir la 55e église rendue au culte par la Coopérative; sur les 89 complètement détruites, trois seulement
ne seront pas couvertes pour l'hiver; quatre auront
difficilement leurs voûtes terminées; il suffirait d'un effort
sérieux, appuyé sur un désir énergique, pour que les 27 autres:
fussent livrées au culte avant Noël prochain.
« Au soir de cette fête grandiose qui sera, cette année, l'une
des dernières solennités permises par la température, nous
sommes autorisés à formuler un jugement d'ensemble: c'est un
tableau d'honneur de la reconstruction des églises que la
Coopérative présente à Votre Grandeur.
« Il est loin de nous déplaire que cette manifestation ait lieu
à Harbouey, car l'entreprise Pagny, Colin et Bouf est une de
celles qui nous ont donné le plus de satisfaction. Comme ses
deux voisines, qui se sont partagé les deux rives de la Vezouze
la Maison France-Lanord et Bichaton et l'entreprise Vercelli,
elle a construit six églises neuves, sans compter les grandes
blessées qu'elle a réparées.
« Les pierres elles-mêmes de nos églises diront la valeur
professionnelle des entrepreneurs, la qualité des matériaux, le
soin de les préparer, la consciencieuse exécution des projets,
et le souci désintéressé de faire des édifices dignes de leur
noble destination.
« N'est-ce pas vous, Monsieur Bouf, qui, au cours d'une visite
de vos chantiers, alors que par un mutuel effort nous venions
d'établir la base d'un marché à forfait, me citiez
spirituellement le proverbe alsacien : « Quand un entrepreneur a
logé trois fois le bon Dieu, il est mis hors de chez lui.» Je
crois bien vous avoir répondu que, ce jour-là, les
administrateurs de la Coopérative des églises faciliteraient
votre admission dans un asile de bienfaisance.
« Toute boutade à part, nous avions la pleine notion du gros
effort demandé aux entrepreneurs par la substitution d'une
convention à forfait au marché à la série, dont les surprises
auraient parfois côtoyé la catastrophe. Ils sont entrés
complètement dans nos vues, envisageant généreusement de ne
trouver dans la construction de l'église d'autre profit que la
satisfaction morale d'avoir couronné la reconstruction du
village par un édifice qui leur fait grand honneur. Tout en
construisant bien, ils ont fait vite. En payant au comptant, et
en espèces, les entrepreneurs du gros oeuvre, la Coopérative a
maintenu une grande activité sur les chantiers, et les savantes
études financières, qui ont permis ces facilités de paiement, ne
sont pas un des moindres mérites, parmi tant d'autres, de M. le
grand vicaire Thouvenin.
« Monseigneur,
« En son nom, au nom de tout le Conseil d'administration de la
Coopérative de reconstruction des églises dévastées du diocèse
de Nancy, je bois à la santé et à la prospérité des architectes
et des entrepreneurs. »
A cet état-major, ou plutôt à cette troupe d'attaque, qui fut
constamment en première ligne, il faut ajouter le service du
ravitaillement, sans lequel toutes les autres valeurs techniques
et morales eussent été vaines. Au tableau d'honneur de la
reconstruction des églises doivent figurer les souscripteurs aux
différents emprunts, les établissements émetteurs, les
propagandistes et, parmi ces derniers, M. le chanoine Boulanger,
qui, à lui seul, tant par son influence que par la puissance de
son organe hebdomadaire, a remis au trésorier de la Coopérative
des églises une somme de près de quinze millions.
Il serait injuste de ne pas louer l'unique employée de la
Coopérative qui, admirablement formée à l'esprit de travail et
de méthode du maître de la maison, a rempli à elle seule les
fonctions de secrétaire, de comptable et de dactylographe. Les
frais de ce bureau, ainsi que tout ce qui concerne la gestion,
imprimés, correspondance, déplacements, etc ... sont remboursés
par l'Etat . Pour son programme de 54 millions la Coopérative
des églises avait un crédit de 142.000 francs qu'elle sera loin
d'épuiser, et pour l'instant les frais généraux à la charge de
l'Etat sont loin d'atteindre ce chiffre.
Cérémonies officielles
Sur le terrain doublement français de nos villages dévastés,
dans les plaines et les vallées sanctifiées par le dernier
sommeil de nos héroïques défenseurs, on a respiré à pleins
poumons l'atmosphère vivifiante de l'union la plus complète.
Les cérémonies, auxquelles ont donné lieu la mise en chantier et
l'inauguration des églises, ont été marquées de cette note de
concorde nationale. Soit qu'il s'agisse de la pose de la
première pierre de l'église, du baptême des cloches, ou de
l'inauguration de l'édifice, la plupart de ces cérémonies ont
été organisées par les Municipalités et MM. les Curés, avec un
soin tout particulier, et empruntèrent à l'enthousiasme
populaire un caractère d'émotion intense. Monseigneur l'Evêque
présida la plupart de ces fêtes, et partout il fut reçu
officiellement à la Mairie, où du reste était offert le banquet
ou le vin d'honneur clôturant la fête.
Plusieurs manifestations grandioses furent symboliques, et
dissipèrent, au delà de nos frontières, plus d'une prévention
contre notre pays. Telles les paroles que prononça M. Duponteil,
Préfet de Meurthe-et-Moselle, le 30 octobre 1921, au moment de
poser la première pierre d'une église, que, par un geste
simultané, allait bénir l'Evêque de Nancy: « Quand un bâtiment
est terminé, on place, au faîte, un bouquet. Eh bien, à la
reconstruction de votre village, nous allons mettre le bouquet,
en posant la première pierre de son église. Et cette pierre, je
la poserai avec une émotion profonde et un respect infini, au
nom de la France républicaine, abri tutélaire des croyances et
des libertés.»
Ce fut encore pour réfuter les prophètes de malheur, dénonçant
notre pays comme une nation païenne, vouée à la décadence, que
Monseigneur l'Evêque donna une solennité exceptionnelle, à la
consécration de l'église d'Ancerviller et à la bénédiction de
celle de Halloville, le 20 novembre 1923, en y invitant le Nonce
apostolique Mgr Ceretti (10). Au cours d'un banquet, le
représentant du Saint-Siège eut occasion de féliciter le
Gouvernement français, dans la personne de M. André Magre,
Préfet de Meurthe-et-Moselle; et les représentants de la presse
étrangère purent donner à leurs compatriotes l'assurance que la
France reconstruit les églises en même temps que les écoles, les
hôpitaux, les usines et les édifices privés. Le sens de cette
manifestation de propagande nationale fut excellemment traduit
par une déclaration au président de la Coopérative des églises.
Ce sera notre conclusion :
« Le représentant du Pape en France consacrant une nouvelle
église construite avec l'argent de la France, à la place d'une
église détruite par les faits de guerre, - l'Evêque de Nancy
disant à l'ambassadeur du Saint-Siège tout le concours apporté
par le Gouvernement français et ses représentants dans la
reconstruction des églises, - le Nonce rapportant au Chef de
l'Eglise catholique que la France, en s'imposant de très lourds
sacrifices, relève les temples de Dieu aussi bien que les
mairies et les écoles, les usines et les maisons de commerce,
les fermes et les habitations particulières, voilà des gestes et
des paroles capables d'impressionner tous les bons Français,
tous les Etrangers sincères et de détruire les préjugés et les
erreurs engendrés par la propagande de nos anciens ennemis.
« Monseigneur l'Evêque a exposé ces idées au Nonce apostolique
et lui a demandé de faire au diocèse de Nancy l'honneur de
présider la première consécration d'église relevée des ruines de
la guerre.
« Monseigneur Cerretti, entrant dans les vues de notre Evêque,
accepte l'invitation. Nous avons tout lieu de croire que ce sera
pour le bien de la France et de l'Eglise. »
Comité de Patronage
Président d'Honneur :
Monseigneur DE LA CELLE, évêque de Nancy.
Membres :
MM. LEBRUN, MICHAUT et MICHEL, sénateurs de Meurthe-et-Moselle;
MM. FERY, MARIN, MAZERAND, DE WARREN et DE WENDEL, députés de
Meurthe-et-Moselle;
M. le général DE CASTELNAU;
M. le général BALFOURIER.
Conseil d'Administration
Président :
M. l'abbé THOUVENIN, représentant de Sainte-Geneviève.
Vice-Président :
M. HENRIO'l', maire de Chambley.
Secrétaire :
M. l'abbé FIEL, représentant d' Ancerviller.
Trésorier :
M. le Comte DE MAHUET, représentant d'Arraye.
Membres:
M.. DARDAlNE, maire de Manoncourt-sur-Seille ;
M. GODFRlN, représentant de Gerbéviller;
M. LEHALLE, maire de Fey;
M. de METZ-NOBLAT, représentant de Bey.
Commission de
Surveillance
M. DEIDELON, directeur de la Caisse
d'Epargne de Nancy;
M. BOHlN, ancien notaire.
Siège Social
Nancy, Salle Déglin, 6 rue Léopold
Lallement
Communes adhérentes
COMMUNES |
NATURE DES TRAVAUX
EXÉCUTÉS |
Abaucourt |
Reconstruction totale |
Aix |
- - |
Ancerviller |
- - |
Angomont |
- - |
Anthelupt |
Réparation |
Armaucourt |
Reconstruction partielle |
Arracourt |
- totale |
Arraye |
- partielle |
Auboué |
- - |
Audun-le-Roman |
Réparation importante |
Baccarat |
Réparation |
Bathelémont |
Reconstruction partielle |
Beaumont |
- - |
Bornécourt |
- - |
Bey |
- totale |
Bezange |
- - |
Blâmont |
Réparation |
Blémerey |
Reconstruction totale |
Bouxières-aux-Chênes |
- - |
Bouxières-sons-F'roidmont |
- partielle |
Brin |
- totale |
Bruley |
Réparation |
Bures |
Reconstruction totale |
Cercueil |
Réparation |
Chambley |
Reconstruction totale |
Champenoux |
- partielle |
Charey |
- totale |
Chazelles |
- - |
Chenicourt |
- - |
Clémery |
- partielle |
Cutry |
- totale |
Dampvitoux |
Reconstruction totale |
Domêvre-sur-Vezouze |
- partielle |
Dommartin-la-Chaussée |
Reconstruction totale |
Doncourt-les-Beuveille |
- - |
Ecuelle |
- - |
Einville |
Reconstruction partielle |
Emberménil |
- totale |
Eply |
- - |
Fey |
- - |
Flirey |
- - |
Gerbéviller |
- partielle |
Gondrecourt |
Réparation |
Gondrexon |
Reconstruction totale |
Hagéville |
- - |
Halloville |
- - |
Hamonville |
- - |
Han |
- partielle |
Harbouey |
- totale |
Hénaménil |
- - |
Herbéviller |
- - |
Hussigny |
- - |
Jeandelize |
- - |
Joudreville |
- partielle |
Laix |
- - |
Landres |
Réparation |
Lanfroicourt |
Reconstruction partielle |
Leintrey |
- totale |
Lesménils |
- - |
Létricourt |
- - |
Leyr |
- partielle |
Limey |
- totale |
Lironville |
- - |
Longwy-Haut (Beaux-Arts) |
- partielle |
Longwy-Bas |
- - |
Magnières |
- - |
Manoncourt.sur-Seille |
- totale |
Merviller |
Réparation |
Mignéville |
Reconstruction partielle |
Moncel-sur-Seille |
Reconstruction totale |
Montreux |
- - |
Morfontaine |
- partielle |
Morville-sur-Seille |
- totale |
Mouacourt |
- - |
Mousson |
- - |
Neuviller-les-Badonviller |
- - |
Nomeny (Beaux-Arts) |
- partielle |
Nonhigny |
- - |
Noviant-aux-Prés |
Réparation |
Pannes |
Reconstruction partielle |
Parroy |
- totale |
Parux |
- - |
Phlin |
- partielle |
Port-sur-Seille |
- totale |
Prény |
- - |
Raucourt |
- - |
Réchicourt |
- - |
Reillon |
- - |
Réméréville |
- partielle |
Rouves |
- totale |
Saffais |
Réparation |
Saint-Baussant |
Reconstruction totale |
Saint-Julien |
- partielle |
Sainte-Geneviève |
- - |
Seicheprey |
- totale |
Serres |
- - |
Sornéville |
- partielle |
Thézey-Saint-Martin |
Réparation |
Thiaucourt |
Reconstruction partielle |
Vacqueville |
Réparation |
Vaucourt |
Reconstruction totale |
Vého |
- - |
Vittonville |
- - |
Xousse |
- - |
FAC-SIMILE D'UN PROCÈS-VERBAL déposé dans la première pierre
d'une Eglise
|