Bulletin mensuel
de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique
lorrain
1914-1919 et 1920
Le Pays des Baronnies.
Emile AMBROISE
2e PARTIE - BARONNIES DE LORQUIN ET DE SAINT-GEORGES
I. - François,
comte de Vaudémont (1601-1632).
Le commencement du XVIIe siècle marque l'époque du démembrement
définitif de la terre de Turquestein.
Nous avons vu que le dernier des d'Haussonville, qui s'éteignit
en 1607, avait, deux ans auparavant, élu comme héritier de son
nom et de ses biens, son petit-neveu Nicolas de Nettancourt,
enfant en bas âge, dont les intérêts étaient gérés par son père,
Jean de Nettancourt- Vaubécourt, qui tenait résidence à
Gerbéviller (1).
Cette extinction de la maison d'Haussonville favorisa les
desseins d'un nouveau venu dans la vallée de la Vesouze :
François, comte de Vaudémont. Il avait épousé en 1598 Christine
de Salm, fille de Paul VIII, sur la tète de laquelle se
réunirent par l'effet de diverses donations et partages, toutes
les parts que possédaient dans les domaines de Salm, son père et
son oncle Jean IX (2).
Il était naturel que le comte de Vaudémont, devenu par sa femme
seigneur en partie de Badonviller; Pierre-Percée, Fénétrange,
Viviers, Puttelange, Ogéviller, etc., cherchât à profiter du
démembrement de Turquestein pour se constituer dans ces parages
un brand fief seigneurial.
En 1601, et dès avant la mort de Jean IV d'Haussonville, il
achetait aux héritiers de Jean Ill, c'est-à-dire aux
représentants de ses filles mariées l'une à Gaspard de Marcous
sey, vicomte d'Étoges, l'autre à Jean de Saviny, vicomte de
Rusne, la portion de Turquestein échue à cette ligne par le
partage de 1567. C'était Lorquin, Fraquelfing, La Neuveville.,
Neufmoulin, Lafrimbolle (3). Cette acquisition fut faite pour
172622 francs 9 gros (4).
Tout de suite après la mort de Jean V (1607), le comte de
Vaudémont, poursuivant son dessein, acquit la portion léguée au
jeune de Nettancourt, c'est-à-dire la baronnie de Saint-Georges.
Il l'acquit, le 8 juillet 1608, par voie d'échange avec le comte
de Nettancourt-Vaubécourt, au nom de son fils mineur, contre la
seigneurie de Choiseuil qu'il possédait en Champagne (5) et
devint ainsi seigneur et baron de Saint-Georges, Hattigny,
Landange, Hablutz., Richeval, Bertrambois et Laforêt.
Le nom d'Haussonville et le souvenir de cette antique maison
s'effacent dès lors dans le pays de la Vesouze. Il n'en subsiste
d'autre trace qu'une humble ferme isolée entre lbigny et
Richeval, à laquelle est resté le nom d'Haussonville.
François de Vaudémont acquit encore des parts dans la dernière
portion de Turquestein, celle de Gaspard, dite de Châtillon, que
le partage de 1567 avait attribuée indivisément à Anne d'Haussonville,
épouse de Georges de Nettancourt, et à Marguerite, épouse de
Jean du Chàtelet. Nous n'avons pas l'acte qui constate cette
acquisition, mais il est plus que vraisemblable que François de
Vaudémont l'obtint du père de Nicolas de Nettancourt, Jean V, et
de son frère Henry, qui possédaient ces parts en leur nom
personnel, comme petit-fils de Georges de Nettancourt, époux
d'Anne d'Haussonville, fille de Gaspard, et avaient sur
Châtillon les mêmes droits que Jean-Philippe de Nettancourt leur
oncle, conjointement avec Érard et René du Châtelet. Puisque le
père de Nicolas de Net tancourt jugeait à propos de ne pas
garder à son fils l'importante seigneurie de Turquestein-Saint-Georges,
il était naturel qu'il se défit aussi de la petite part indivise
qu'il avait personnellement dans Châtillon (6).
Nous ne savons pas ait juste quelles furent les propriétés qui,
dans les sous-partages de Châtillon, formèrent le lot du prince
lorrain. Il y a lieu de croire qu'il y trouva une prérogative
très précieuse attachée de temps immémorial à la possession de
ce fief le droit, en commun avec les comtes de Salm, de convoyer
les voyageurs au col du Donon et par conséquent de garder cet
important passage.
Nous devons croire aussi que le village de Harbouey fit partie
du lot acquis par le comte François, puisque c'est à dater de
cette époque qu'on le trouve énuméré parmi les possessions
ducales, et quelquefois aussi qualifié de baronnie (7).
François de Vaudémont acquit aussi en 1606, d'un bourgeois de
Metz, la seigneurie d'Angomont et du Ban-le-Moine, territoire
qui appartenait originairement à l'abbaye Saint-Symphorien de
Metz (8), et qui comprenait, outre le village d'Angomont, ses
forêts et ses écarts, la portion des territoires de Neuviller et
Bréménil qui n'était pas lorraine, et que depuis l'annexion de
l'évêché, et de nos jours encore, on appelle la France.
La guerre de 30 ans devait bientôt ruiner tout ce pays de fond
en comble (3).
François de Vaudémont avait ainsi réuni deux des parts taillées
dans le domaine primitif de Turquestein, Saint-Georges et
Lorquin, plus 1/6 du troisième lot dit de Châtillon. Il ne put
acquérir le surplus que conservèrent toujours les familles de
Nettancourt et du Châtelet, et qui, par conséquent, n'appartint
jamais au prince lorrain ni aux ducs ses héritiers.
De toutes ses acquisitions, François de Vaudémont fit un grand
domaine seigneurial, qu'il unit à la part des possessions échues
à sa femme Christine de Salm par les partages de 1598. Puis en
1613, il demanda à l'empereur Mathias le privilège des droits
régaliens qu'il avait déjà acquis sur le comté de Salm, avec le
titre de prince. Les fonctions de « gouverneur et
lieutenant-général pour le roi de France ès villes et places de
Verdun, Toul, etc.) qu'il avait exercées sous Henri IV, ne
parurent pas un obstacle à l'obtention de ces faveurs impériales
(9). Ce privilège des droits régaliens était la source de gros
profits. Il conférait d'abord les droits les plus étendus de
justice et de prééminence, le monopole de l'exploitation des
minières et mines de cuivre, de fer, d'étain, de plomb les
droits de chasse et de pèche de battre monnaie « de la même
manière que le duc de Lorraine ou l'évêque de Metz » d'exploiter
les eaux salées qui pourraient être découvertes et d'en tirer
profit; enfin de pouvoir frapper les sujets de corvées
gratuites, pourvu qu'elles soient raisonnables, et de taxer tous
les charrois qui se faisaient par les chemins (10). L'importance
de ces droits régaliens était encore rehaussée par la pompe dont
s'entourait le personnel administratif et judiciaire de la
seigneurie.
Le châtelain y prenait le titre de haut-officier un procureur
d'office l'assistait, et les forestiers, personnages très
importants dans ce pays couvert de bois, portaient des
Enseignes, nous dirions aujourd'hui insignes, en argent, aux
armes du prince et des médailles d'or à son effigie (11).
Ce grand domaine ainsi constitué fut immédiatement soumis à la
fiscalité lorraine. On le voit figurer dès l'année 1615 au
registre des tailles, savoir
Landange, pour 380 francs.
Aspach, - 120
Saint-Quirin, - 50
Petitmont, - 240
Hattigny, - 520
Niederhoff, 170
Saint-Georges, - 47
Hablutz, - 80
Rogern (Richeval), - 130
Bertrambois, - 130
Fraquelfing, - 155
La Neuveville et Neuf-Moulin, - 150
La Frimbolle, - 45
Au total 2 642 francs (12).
Ces tailles n'étaient pas précisément imposables à merci mais
seulement une fois l'an au bon plaisir du seigneur. Ajoutées aux
autres ressources du domaine, elles produisaient un revenu qui,
durant l'époque de prospérité qui précéda l'invasion française,
varia de 13 000 à 18000 francs (13).
Les autres obligations féodales des manants étaient analogues à
celles que nous trouvons dans toute la contrée elles
comportaient bien entendu la garde du château de Turquestein,
pour laquelle on recrutait des arquebusiers dans les villages
d'alentour.
Toutefois, et en dépit de ces diverses prérogatives, les
juridictions établies dans lés baronnies par le prince de
Vaudémont, et maintenues par le duc Charles IV n'étaient et ne
pouvaient être souveraines. Elles étaient soumises au contrôle
du bailliage épiscopal de Vic, puis en dernier ressort à la cour
impériale de Spire.
Vic était le véritable centre du petit état féodal constitué par
le temporel des évêques de Metz. La vieille cité messine se
gouvernait elle-même, et n'était que rarement d'accord avec son
évêque. L'occupation française commencée en 1552 faisait subir à
cette indépendance des échecs de plus en plus graves. Cependant,
tant que les princes lorrains furent tout-puissants à la cour de
France, et qu'ils purent user de leur pouvoir pour installer sur
les sièges de Metz, Toul et Verdun, des prélats de leur famille,
les magistrats du bailliage de Vic conservèrent d'importants
vestiges de leur indépendance et en usèrent volontiers au profit
de la politique lorraine.
Ils formaient cependant un tribunal fort imparfait. Les juges
pouvaient cumuler les fonctions de trésorier, de chancelier, de
gouverneur des salines ; ils étaient pris dans la bourgeoisie
locale ; ils recevaient des épices dont les procureurs
répondaient pour leurs clients.
La chambre de Spire était une institution surannée où la
procédure ne se faisait qu'en latin, et où les procès étaient
ruineux et « immortels ».
Au moment où le prince de Vaudémont venait d'acquérir les
baronnies, de grands événements politiques changeaient
brusquement cette situation. La défaite de la Ligue, la
conversion d'Henri IV ruinaient les espérances des princes
lorrains. Dès lors ils durent abandonner tout rêve de conquête
sur les évêchés, et la domination française qui jusque là ne
s'était exercée que sur les villes, commença à s'étendre pas à
pas sur tout le pays.
En 1609, Henri IV décidait que le gouverneur français de Metz
ferait seul fonction de gouverneur dans toutes les places de
l'évêché. En 1631, le maréchal de La Force entrait à Vic, dont
il faisait sa place d'armes pour envahir l'Allemagne enfin, en
1633, Richelieu créait le Parlement de Metz (14), et lui
conférait juridiction sur tous les bailliages sans en excepter
celui de l'évêque à Vic, auquel cependant, et par concession
spéciale, on laissa son titre de bailliage seigneurial ou cour
féodale de l'évêché.
La France toléra de même l'existence d'une justice particulière
à Turquestein, laquelle, nominalement tout au moins siégeait
dans les ruines du vieux château, et en réalité à Lorquin où
s'élevait le signe patibulaire. Elle relevait bien entendu du
bailliage de Vic (15).
On dit communément que le château de Turquestein fut un de ceux
dont Richelieu ordonna la destruction en 1634. En réalité,
château et seigneurie avaient. été dévastés dès le XVIe siècle
par la peste et les guerres religieuses, avant d'en arriver,
lors de la guerre de Trente ans, à la ruine définitive, Le
souvenir de ces guerres apparait dans les documents du
commencement du siècle. Elles avaient tellement bouleversé la
vie rurale, qu'en 1612 il avait fallu, à la suite d'un long
procès, rétablir transactionnellement le système des dimes de
Saint-Georges où tout était confondu; et dans leurs plaintes,
qui figurent aux pièces du procès, les communautés intéressées
rappellent « que les divisions de religion ont ruiné les biens
ecclésiastiques du temps de messire African d'Haussonville »
(16). C'est un souvenir du passage des reitres en 1587.
La peste avait sévi en 1611. Le village de Turquestein était à
peu près détruit dès cette époque, puisqu'il ne figure même pas
au rôle des tailles de l'année 1615. Cent soixante-quinze ans
plus tard, en 1790, il n'avait encore recouvré que 70 habitants,
hommes, femmes et enfants, en sorte qu'on ne put y former le
corps des notables prévu par la loi municipale (17).
Zufall, le château qu'avait habité African, a lui-même
complètement disparu, et rien ne prouve que sa destruction ne
soit pas antérieure au passage des Suédois. Il n'en reste
aujourd'hui aucun vestige. Seul un sentier rural porte encore le
nom de « Sentier du château », bien qu'il n'aboutisse à aucune
construction.
Dès 1631, des orages, des tempêtes qui sévirent les 13, 14 et 15
novembre, emportèrent 12 pieds environ de murs au corps de logis
du château (18). Tout ce domaine était donc déjà fort appauvri
avant le commencement des grandes guerres.
Il convient cependant de signaler quelques traces d'activité
industrielle qui s'y manifestèrent au début du XVIIe siècle,
Deux frères, Claude et Barthélemy Jacquemin, qui résidaient à
Hattigny, y avaientt installé une fabrique de « mirotters en
bosses ». A diverses reprises, ils s'adressèrent au prince de
Vaudémont et au duc, leur exposant qu'ils manquaient des moyens
de faire revivre un art qui, disent-ils, a été admirablement
pratiqué du temps passé, et que, pour lui rendre sa pristine
renommée, il leur faudrait quelques subsides. Ils en reçurent de
Charles Ill, de Henri Il, du prince de Vaudémont, qui leur
fournirent de quoi acheter des outils, des pierres, des
fourneaux. Ils furent même autorisés à établir leur usine aux
abords de la forêt de Bousson (19), au comté de Blâmont, afin
d'y puiser les bois nécessaires à l'alimentation de leurs fours.
Mais les guerres qui suivirent ont anéanti cette intéressante
industrie. On en chercherait en vain la trace et le souvenir
(20),
Il. - Le duc Charles IV (1632-1675)
Le prince de Vaudémont mourut en 1632. Il laissait pour
héritiers Charles IV et Nicolas-François qui tous deux furent
successivement ducs de Lorraine, et c'est ainsi que le
territoire des baronnies entra dans le domaine de nos ducs. Ils
le possédèrent donc non à titre de souverains, puisqu'il
relevait toujours de l'évêché de Metz, c'est-à-dire de la
France, mais à titre de propriétaires et de vassaux, situation
dont les conséquences devaient se manifester longtemps, soit
après la réunion définitive de l'évêché à la France, soit après
l'annexion de la Lorraine, soit même après la Révolution
francaise, par de longs et retentissants débats (21).
Les événements politiques allaient encore compliquer cette
équivoque, En 1583, le duc Charles III avait acquis la
principauté de Phalsbourg et les six villages (22) qui
entouraient celle petite ville. Phalsbourg avait été bâti au
XVIe siècle par Georges-Jean, comte palatin et duc de Bavière.
Cette acquisition que le duc de Lorraine réalisa pour 400 000
florins, avait pour lui une importance politique de premier
ordre, parce qu'elle le rendait maître du col de Saverne.
Charles IV, après les malheurs de ses premières guerres avec la
France, ne put conserver Phalsbourg. Par le traité de Vincennes
(1661) il dut en consentir la cession au roi Louis XIV, avec
celle d'une bande de territoire jalonnant la route de Metz en
Alsace (23).
D'autre part, la France restant maitresse du pays de la Sarre
comme de l'évêché de Metz, y affirma sa souveraineté par
l'organisation d'une administration centralisée, dont tous les
rouages ressortirent en définitive au Parlement de Metz, et dont
nous avons vu plus haut les principaux éléments.
C'est dans ces conditions confuses et compliquées que Charles
IV, rentrant dans son duché de Lorraine, retrouva les baronnies
de Turquestein, Lorquin et Saint-Georges.
A une situation politique amoindrie, s'ajoutaient les ruines
accumulées par près de trente années de désastres.
Dès la première année de ces guerres, en 1633, Lavallée,
capitaine de Turquestein, signalait les ravages causés par le
passage des douze compagnies du régiment lorrain de Bassompierre
à Hattigny, et d'un corps de cavalerie qui s'était logé au
château (24). On voit en effet que les troupes du duc Charles,
notamment les compagnies de de Lenoncourt, du Châtelet,
Lignéville, s'étaient concentrées à Blâmont et Ogéviller (25).
Il en fut de même pendant tout le cours des guerres, et l'on ne
peut s'étonner de trouver en 1661 le moulin de Xouaxange ruiné,
sans meule ni attachement, le village de Neufmoulin, ruiné et
complètement abandonné, Il n'y a plus de porcs à Aspach, il
reste six chevaux à Frémonville(26). On ne perçoit par
conséquent ni dimes, ni impôts.
On ne sème rien dans les terres depuis plusieurs années; les
vignes, car il y en avait à Neufmoulin, à Fraquelfing, à
Niderhof, ont disparu depuis longtemps ; les haies, les
buissons, les aulnes ont pris leur place.
Le duc est propriétaire d'un grand nombre de rentes constituées
à 5 0/0, mais « les débiteurs sont tous morts il y a longtemps,
personne n'a souvenir d'eux ni de leurs héritiers, et il y a
plus de cinquante ans qu'on n'en a rien tiré ».
Beaucoup de terres sont acensées, mais les propriétaires ne
peuvent payer. L'un « ne jouit pas de son domaine, ains les
Français »; l'autre invoque sa pauvreté et l'occupation
étrangère (27). La métairie de Turquestein est acensée pour 50
ans, à raison de 60 francs, à la condition d'en relever les
bâtiments détruits, et de les remplacer par une construction à
chaux et sable (28).
Quant au château « qui était an paravant les guerres d'une belle
et ample circuit, il a été démoli en l'an 1634 par ordre de sa
majesté Louis XIII ». On ne l'a jamais reconstruit. Le
comptable, n'y trouvant même plus un gîte, s'est réfugié à
Hattigny. Il supplie qu'on lui accorde pour cela quelque
indemnité (29).
Il reste sept habitants et une veuve à Niderhof, trois
laboureurs et cinq manoeuvres à Fraquelfing, deux laboureurs et
cinq manoeuvres à Aspach, un seul habitant à Lafrimbolle. Les
tailles de ces villages qui donnaient, en 1615, 640 francs sont
réduites à 116 francs et voici un fait qui montre avec quelle
âpreté on traitait les malheureux survivants : dix-sept
bourgeois de Saint-Quirin furent convoqués pendant huit jours,
dans les ruines du château, pour affirmer la persistance du
droit de garde qu'ils devaient avant sa destruction. Les revenus
bruts du domaine affermés d'abord pour 3 120 francs étaient
tombés à 384, puis à 251 francs. Les dépenses excédaient les
recettes et l'on redevait 89 francs au comptable (30).
Tel est le sombre tableau, plus tragique que toute description,
que mettent sous nos yeux les comptes officiels de 1665 et 1667
qui sont, croyons-nous, les premiers qui aient été rendus à la
Chambre des comptes depuis le retour de Charles IV.
Au lieu de songer à réparer le désastre qui a ruiné le domaine
de Turquestein, Charles IV l'appauvrit encore en le démembrant
au gré de son caprice.
Dès 1665 il en détache, sous le nom de fief de !a Tour, toute la
baronnie de Saint-Georges, en sorte que le comptable constate
avec amertume « qu'ayant plu à son altesse gratifier le sieur
Roussel des rentes, revenus et usufruit des baronnies de
Saint-Georges sans aucune exception », il ne peut y faire aucune
recette (31). Le sieur Roussel avait rendu de grands services à
Charles IV. Mais l'aliénation de Lorquin au profit de M. de
Thiard de Bissy est un fait plus surprenant (32).
Le marquis Claude Thiard de Bissy, gentilhomme bourguignon,
servit pendant de longues années en Lorraine, dans l'armée
royale que commandait le maréchal de Créqui. D'abord colonel
d'un régiment de cavalerie, puis lieutenant-général, gouverneur
de Nancy en 1670, commandant pour le roi « aux troupes étant en
Lorraine » en 1672, il devint gouverneur des Trois Évêchés
lorsque, après la paix de Ryswick, la Lorraine fut rendue à
Léopold.
Il avait eu, comme lieutenant de M. de Créqui, sa part de
responsabilité dans les rigueurs qui avaient sévi sur la
Lorraine, et dont Charles IV devait conserver un juste
ressentiment. Le duc n'en détacha pas moins la baronnie de
Lorquin pour la lui donner vers 1665. Cette libéralité en faveur
d'un général ennemi serait inexplicable, si l'on rie connaissait
la politique indécise et cauteleuse de Charles à l'égard de la
France et de ses agents en Lorraine. En comblant de faveurs le
général français, il se sera proposé sans doute d'obtenir pour
lui et ses sujets un traitement moins rigoureux.
L'administration de M. de Bissy fut en effet plus humaine que
celle de M. de Créqui. A sa mort, arrivée en 1701, Saint-Simon
put dire qu'il fut fort regretté « pour son équité, sa
discipline, et la netteté de ses mains ». La baronnie de
Lorquin, ainsi que nous le verrons, fut rachetée plus tard par
le prince de Beauvau ; mais la famille de Bissy demeura en
Lorraine où elle posséda, au XVIIIe siècle, des fiefs à
Burthecourt, à Velaine, à Frolois (33). Un des fils de M. de
Bissy, pour lequel son père obtint l'évêché de Toul, fut auprès
du roi un ardent et redoutable adversaire de la politique du duc
Léopold (34).
Charles IV aliéna aussi Petitmont et Harbouey au profit de
Pierre-Alexandre Hilaire, l'un de ses conseillers; en sorte que
dès 1665 il ne pouvait plus se dire seigneur haut-justicier dans
l'ancien domaine de Turquestein qu'à Niderhof, Fraquelfing,
Aspach, Neufmoulin et Lafrimbolle, et nous avons vu dans quel
état lamentable la guerre et l'occupation française avaient
laissé ce dernier lambeau des baronnies.
Nous allons rechercher comment elles se sont relevées et
reconstituées sous le règne de Léopold.
Ill. - Les Français, le duc Léopold (1675-1721).
Le territoire de Turquestein était, comme nous l'avons vu, un
fief dle l'évêché de Metz. Le prince de Vaudémont en était
devenu propriétaire, mais non souverain. Ce n'était pas une
partie intégrante de la Lorraine. C'est ce qui explique comment
Charles IV, dans son imprévoyance, et Léopold, dans ses
largesses, ont pu l'entamer à plusieurs reprises par des
concessions gratuites ou des acensements, sans soulever d'aussi
vives protestations que s'il s'était agi d'aliénations du
domaine ducal.
On sait avec quelle munificence Léopold qui, de retour dans ses
états, avait à la fois tant de ruines à réparer et tant de
dévouements à récompenser, reconstitua, aux dépens de son
domaine, les biens des grandes familles qui avaient servi son
père et son grand-oncle, et dont plusieurs s'étaient ruinées
pour la cause nationale. Toutefois, ces libéralités
s'inspirèrent aussi de motifs moins respectables, et l'on ne
connaît que trop le scandale causé à la cour de Lorraine par la
passion du duc pour la femme de son chambellan, la séduisante
Anne-Marguerite de Lignéville, marquise de Beauvau, dame
d'honneur de la duchesse et surintendante de sa maison (35).
Déjà en 1712, Léopold avait, en faveur de Marc de Beauvau, érigé
en marquisat le village d'Haudonviller, aujourd'hui Croismare,
sous le nom de Craon, qui était celui d'un ancien fief que cette
famille avait possédé en Anjou (36). Le 5 mars 1721, il lui
donnait à titre purement gratuit les terres et seigneurie de
Turquestein et Saint-Georges, ainsi que toutes leurs dépendances
(37). En 1726, Léopold ajoutait. ces largesses la terre et
seigneurie d'Angomont dite le Ban-le-Moine, naguère acquise par
François de Vaudémont et qui provenait de l'abbaye de
Saint-Symphorien de Metz (38). Le marquis de Beauvau, qui devint
prince de l'Empire en 1721, compléta ce beau domaine par des
acquisitions particulières. La baronnie de Lorquin, autre
démembrement de Turquestein, avait été, nous l'avons vu, aliénée
par Charles IV au profit du marquis de Bissy. Il l'acheta à son
fils en 1725 (39). Il acquit de même la seigneurie d'Harbouey
également aliénée par le domaine au profit de Pierre-Alexandre
Hilaire, conseiller (40).
Ainsi se trouvait reconstituée entre les mains du prince de
Beauvau la seigneurie de Turquestein, à l'exception toutefois de
celles des terres de Saint-Georges qui avaient été données à
Claude Roussel par Charles IV et qui, ayant fait retour ait
domaine par voie de reversion, avaient été échangées avec M. du
Châtelet (41).
Il conviendrait d'en excepter aussi l'emplacement et les ruines
du vieux château de Zufall, ancienne demeure d'African d'Haussonville,
que Léopold donna en 1718 à Simon-Melchior Labbé, baron de
Coussey, l'un de ses conseillers d'État (42).
Mais la famille de Beauvau en fit l'acquisition plus tard, et
les possédait encore en 1834 (43).
IV. - La famille de Beauvau (1721-1835).
L'étonnante faveur dont avait joui la famille de Beauvau faillit
sombrer à la mort de Léopold. Au lendemain de son décès, la
duchesse régente, obéissant au cri public autant qu'à son
légitime ressentiment contre sa rivale, révoquait toutes les
aliénations faites au détriment du domaine depuis 1697. Les
terres achetées par l'État pour être données ou cédées à des
particuliers durent être restituées en nature ou en argent. Un
édit du f4 juillet 1729 les réunissait à la couronne et en
soumettait la gestion au contrôle de la Chambre des comptes.
Le prince de Beauvau s'exécuta d'abord. On trouve aux Archives
les comptes de la seigneurie, y compris Harbouey et le
Ban-le-Moine, pendant plusieurs années (44). Il y avait mis tant
de bonne grâce apparente que non seulement il s'était déporté de
toutes les donations qu'il avait reçues de Léopold, mais qu'il
avait encore cédé au nouveau duc la baronnie de Lorquin et la
seigneurie de Harbouey, acquises cependant sur des particuliers
(45).
Cette soumission n'était toutefois qu'apparente. Dès qu'il en
trouva l'occasion favorable, Marc de Beauvau réclama contre ces
désistements. Très habilement, il invoqua cette situation
particulière des baronnies, dont nous avons étudié les causes,
situation qui les laissait en dehors du domaine de la couronne
ducale comme n'étant et ne pouvant être que des fiefs du
temporel de l'évêché de Metz, dont les ducs n'étaient que les
propriétaires à titre purement privé. Pour cette raison, les
édits de 1729 n'avaient pu les atteindre.
Ce raisonnement, juridiquement exact, finit par triompher devant
la chancellerie lorraine par contrat du 16 mai 1736, François
III rétrocédait au prince de Beauvau et à la princesse, les
baronnies et toutes les terres qui en dépendaient (46), et dans
le traité de Vienne signé l'année suivante, le roi Louis XV, par
faveur toute spéciale, ratifiait cette restitution (47).
Ainsi furent provisoirement consolidées les possessions de la
famille de Beauvau dans le pays de la Vesouze. Elle n'y fixa
cependant pas sa résidence, et s'en remit du soin de leur
administration à des intendants dont les procédés soulevèrent
plus d'un mécontentement. Marc de Beauvau suivit d'ailleurs la
fortune de François Ill, qui le fit gouverneur de son
grand-duché de Toscane, sous l'administration effective du comte
de Richecourt. A Florence, son exquise politesse, ses manières
de grand seigneur, les fêtes qu'il donna et que rehaussaient la
grâce et l'esprit de la princesse, lui concilièrent pendant
quelque temps les sympathies des Toscans. Mais François Ill,
devenu empereur le 13 septembre 1745, lui ayant témoigné quelque
froideur, il revint en Lorraine en 1 749, affligé de sa disgrâce
et plus encore de la mort de son fils Alexandre, glorieusement
tombé à Fontenoy, et en définitive appauvri par les dépenses
qu'il avait faites pour le service de son maître. Il vécut dès
lors assez retiré à Nancy, puis à Haroué plutôt qu'à Lunéville,
où, en dépit du crédit de sa fille, madame de Boufflers, on lui
pardonnait difficilement son attachement à la famille ducale. Il
mourut à Haroué en 1754, à l'âge de 74 ans. La princesse vécut
jusqu'en 1772. Nous la retrouvons en 1766, alors âgée de 80 ans,
suppléant à Herbéviller (48) au baptême d'un enfant de son
parent, le comte de Lignéville, la princesse Anne-Charlotte de
Lorraine, abbesse de Remiremont, choisie comme marraine du
nouveau-né (49).
Sur le caractère du prince de Beauvau, nous avons un témoignage
qui n'est pas suspect. C'est celui du bouillant abbé de Domèvre,
qui lui fit tant de procès et dut lui restituer 413 arpents de
forêts. « C'est, dit l'abbé, le seigneur qui aime le plus la
justice et l'équité, qui hait les chicanes et les mauvais
procès, qui est le plus poli, le plus gracieux, le plus
débonnaire, le plus désintéressé, le plus chrétien, en un mot le
plus accompli qui se voie (50). » Après Marc de Beauvau, et dès
avant son décès, qui survint en 1754, son fils, Marc-Just, né à
Lunéville le 10 novembre 1720, devint propriétaire des baronnies
par l'effet d'une donation de ses parents.
Il devait être un des grands seigneurs de l'époque et l'une des
gloires de l'armée royale. Maréchal de France, membre de
l'Académie française, ministre de la guerre en 1790, il n'habita
pas la contrée de Cirey. Il avait loué les ruines de Turquestein
avec soixante jours de terres environnantes, par bail
emphytéotique.
Après la mort de Stanislas, le maréchal était devenu à peu près
étranger à la Lorraine, et avait vendu en 1768 le château de
Haudonviller (Croismare) dont Léopold avait fait pour ses
parents le marquisat de Craon (51). Conjointement avec sa mère
douairière, il présenta alors au roi Louis XV une supplique dans
laquelle il exposait qu'ayant vendu Craon, eu vertu d'une
sentence du Châtelet de Paris du 9 janvier 1768. il se trouvait
dépouillé de la seule terre qui portât ce nom, dont il lui
importait de conserver la mémoire, et il demandait de changer le
nom de l'ancienne baronnie d'Ormes-Haroué, dont Léopold avait
déjà fait un marquisat (28 juillet 1723) et François III une
prévôté bailliagère (24 mai 1736).
Louis XV y souscrivit, en accompagnant son consentement des
motifs les plus flatteurs pour la vanité du maréchal et de sa
famille, car il rappela dans ses lettres patentes du 22 février
1768, qu'ils avaient l'honneur d'appartenir à sa personne royale
par Isabeau de Beauvau, dame de Champigny et Roche-sur-Yon,
laquelle épousa Jean de Bourbon, comte de Vendôme, qui fut
bisaïeul du roi Henri IV, et que d'ailleurs les princes de
Beauvau, qui sont les premiers de la noblesse d'Anjou, sont
issus du côté maternel de Jeanne de Craon, petite-fille au
vingtième degré de l'empereur Charlemagne (52).
Les biens du maréchal de Beauvau à Cirey étaient administrés par
des régisseurs ou hauts-officiers, au nombre desquels on
rencontre M. Benoit de Sailly qui construisit le château de
Risholz près Hattigny, chef-lieu de la baronnie de Saint-Georges
(53).
Le maréchal mourut en 1793, et plus heureux que les autres
possesseurs de l'ancien domaine de Turquestein, il n'eut à
défendre ni sa personne, ni ses biens, contre l'effet des lois
révolutionnaires. Il acheta même des biens nationaux, notamment
la principauté de Lixheim, à l'adjudication du 13 avril 1792. Il
put transmettre sa fortune à sa fille Anne-Louise-Marie, épouse
de Philippe-Louis-Marie-Antoine de Noailles et de Mouchy, prince
de Poix, qui, par elle-même ou ses héritiers, les conserva
jusqu'en 1837, mais au prix de graves et intéressants démêlés
avec le fisc impérial et la régie des domaines sous les deux
restaurations (54).
V. Démembrement de la baronnie (1835).
C'est alors qu'eut lieu le démembrement définitif de cet immense
domaine forestier, dont l'exploitation provoqua dans la contrée
une fièvre de spéculation, et à la suite duquel s'édifièrent des
fortunes, ou se consommèrent des ruines qui ont laissé dans le
pays un souvenir presque légendaire.
Les premiers acquéreurs furent deux étrangers, Jean-Édouard et
André-Jules Naville, tous deux membres du conseil souverain de
la ville de Genève, qui versèrent 600.000 francs, coupèrent de
grandes quantités de bois, et bâtirent le château de
Sainte-Catherine, dans la vallée qui sépare Turquestein de
Chatillon (55). Puis ils revendirent en détail les forêts
exploitées. L'un des lots, qui comprenait « une partie des
propriétés connues sous le nom de baronnies, situées sur le
territoire de Turquestein » fut acquis par Georges-François
Auguste Chevandier de Valdrôme, sous-directeur de la manufacture
de glaces de Saint-Quirin.
On sait le rôle considérable que cette famille a depuis.lors
joué dans le pays. Jean-Auguste Chevandier fut député de
Sarrebourg, pair de France (56). Son fils, Georges, qui se fixa
de préférence à Abreschviller a été l'une des physionomies les
plus populaires de la contrée ; son second fils, Eugène, était
ministre de l'Intérieur en 1870 sa veuve a laissé à Cirey un
souvenir vénéré. Auguste Chevandier avait réussi à rentrer en
possession des ruines du château de Turquestein, en rachetant
pour cinq mille francs le bail emphytéotique consenti autrefois
par le maréchal de Beauvau. :Mais l'histoire du vieux manoir
avait été close en 1791 par un étrange incident.
L'imagination populaire, surexcitée par les premiers événements
de la révolution, troublée par la menace d'une invasion
étrangère, animée d'ailleurs du même souffle de rancune qui
avait déterminé l'année précédente le sac de l'abbaye de
Haute-Seille (57), cherchait dans le souvenir des vieilles
légendes qui hantaient les murs délabrés de Turquestein, un
aliment à ses angoisses patriotiques. Elle se figura que, dans
ces débris d'un autre âge, des gens mal intentionnés
assemblaient des amas de munitions en vue d'entreprises
criminelles contre la constitution. Les gardes nationaux de
Lorquin, d'Abreschviller, de Saint- Quirin y firent des rondes
et des patrouilles. Ceux de Blâmont, plus zélés encore,
s'ébranlèrent à l'appel de leur commandant qui avait, à force
d'instances, obtenu l'autorisation d'y faire une descente sous
sa propre responsabilité. Fusiliers, sapeurs et tambour, après
une marche secrète « dans le silence le plus absolu en cernaient
toutes les avenues le 11 septembre 1791, chargeaient leurs armes
et abordaient la roche par deux issues différentes. Ils
trouvaient là deux bourgeois de Strasbourg, installés pour y
passer l'été, et qui entre-temps faisaient confectionner par des
ouvriers d'alentour, quelques lits pour un hôpital. On leur en
montra deux, ainsi que dix chaises et des fagots. Ils
éventrèrent un mur, parce que, frappé d'un coup de crosse, il
avait sonné le creux mais ni dans les caves ni dans « toutes les
ruines de cette antique demeure ils ne trouvèrent rien qui pût
éveiller les soupçons. Enfin, satisfaits et rassurés, ils
rentrèrent à Blâmont à dix heures du soir, et dressèrent pour la
postérité, un récit officiel de leur exploit ridicule (58).
Depuis lors, les orages et les vents achèvent de niveler les
ruines de Turquestein. Elles ne reçoivent plus que de rares
visiteurs, le plus souvent indifférents et ignorants du passé,
mais qui du moins ne troublent plus le mystère de cette solitude
solennelle, mélancolique et douloureuse, comme les souvenirs
lorrains qu'elle abrite.
APPENDICE
18 septembre 1613. Requête présentée au nom de François, comte
de Vaudémont, à l'Empereur Mathias, à l'effet d'obtenir le
privilège des droits régaliens sur la baronnie de Turquestein.
Potentissimo Invictissimoque Principi ac Domino, Dno Matthiaex
Romanorum Imperatori semper Augusto.
Caesareae Majestati vestrae supplex exponit Franeiseus a
Lotharingiae, Marchio Hattonis-Castri, Comes Vaudemontensis se
ab hinc paucis annis allodia quoedam Comitatui Salmensi ex una
parte, ex altera vero Episcopatui Metensi contermina liberrimo
titulo acquisivisse, nempe ditione et Baronatum Turquesteinis et
Sancti-Georgii, territorium d'Angomont et partem territorii
Castillionensis, quae quidem allodia quamvis juribus amplissimis
sint decorata, quia tamen honorifleum sibi esse duceret, si ea
ijsdem Regalibus dotata essent quibus Comitatus Salmensis qui
pro dimidià parte ad eum pertinet, ut ratione ipsorum inter
Vasallos et Clientes vestrae Majestatis Caesareae connumerari
possit, Idcirico obnixe eam rogat uti dignetur in feudum sibi
conferre jura regalia sequentibus expressa : vectigalia nimirum
vix quae ducit ad pagos Rougernt, Landange, Sti Georgii et
Neufmoulin. et quae ex oppido de Blâmont, Falsebourg usque sese
extendit, sicut et via quae ex Ciré et Nidrehauf porrigitur in
Baudonviller et Fatsebourg, et tria semitum quae appellantur
semita de boutelliers, quarum una lambit arcem de Turquestein
altera transit per pagum Saint-Quirin et per Haichapron (Lafrimbolle-Laxenborn)
descenditque in hajeto, et tertia quae transit super la Chette,
est que in dominatu de Dorbo (Dabo) quae quidem viae sitoe sunt
omnes in Baronatu Turquestenio et Sti Georgii; videlicet pro
quolibet equo, mulo vel majori quadrupede mercibus onusto vel
atiis rebus quatuor denarios, item pro singulis minoribus
pecoribus uti capris, ovibus, porcis, aliisque similibus
denarios duos, item pro singulis Charris onustis sicut supra
quatuor denarios ; item pro singulis curribus onustis octo
denarios monetae argentinensis ; Praeterea jus omne justitiae
exercendae jurisdictionis absolutae, superioritatis et potestatis
supremae, sicut et effossionis omnis generis metalli, auri,
argenti, argenti vivi, mineralium, minii, cupri, ferri, stanni
et plombi ; venationis, piscationis, aucupit in omnibus
libertatibus, jurisdictionibus, auctoritatibus ; nec non
potestate exigendi ac obligandi subditos ad operas gratuitas, et
rationabiles ; similiter potestatem cudendi in praedictis
Territoriis et Baronatibus monetam auream et argenteam ex
materià et metallo, eodem quo Lotharingiae dux et Episcopus
Metensis in sua utuntur, ijsque valorem assignare secundum
Imperii praescripta. Ad haec ut tam praefatus supplicans quam sui
haeredes, successores futuri praedictorum territoriorum et
Baronatum, in casu quod reperirentur in suis vel subditorum
terris, aliquae aquae saleae, possint salinarias officinas erigere
et in perpetuum laborare cum iisdem immunitatibus, privilegiis
et usibus sive consuetudinibus quibus alii utuntur, qui
salinarlas officinas possident, nec non fructum et emolumentum
suum quaerere optimo quo poterit modo, cum facullate eas
vendendi, impignorandi, commutandi et faciendi quod ipsis bonum
videbitur. Cujus beneflcii causa affirmat se fidem et homagium
praestiturum, eaque omnia facturum, quibus ratione dictorum
Jurium regalium erga Caesaream vestram Majestatem astringetur.
Concordat cum archiva Imperiali aulico, id quod hinc attestor.
Vienna, 26 julii 1701. Rab Herm de Bertram secretarchiv. - avec
sceau.
(Arch. M.-et-M., B. 463, n° 30.)
(à suivre)
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