HISTOIRE GÉNÉRALE
DES CRIMES COMMIS PENDANT LA RÉVOLUTION FRANCAISE, SOUS LES
QUATRE LÉGISLATURES
Paris, 1795
Marchal, femme de Charles-Jacquet (Marie-Thérèse), marchande
fayencière, âgée de 38 ans, née à Hebervillers, dép. de la
Meurthe, dom. à Domèvre, même dép., cond. à mort, le 3 ventôse,
an 3, par le trib. révol. de Paris, comme convaincue d'avoir
pratiqué des manoeuvres et intelligences avec les ennemis de
l'état, tendantes à détruire la fortune publique, par un
commerce de faux assignats.
Histoire du
tribunal révolutionnaire de Paris : avec le journal de ses
actes.
Tome 6
Henri Wallon
1880-1882
Opérations du nouveau
tribunal une condamnation pour fabrication de faux assignats;
acquittements significatifs Lacoste et Guilbert (29 pluviôse an
III, 17 lévrier 1795).
Une véritable révolution s'était donc opérée dans l'esprit des
juges plus encore que dans le système des lois et dans les
formes du tribunal. Aussi, depuis son installation en pluviôse
jusqu'au 8 germinal, époque où recommence le jugement de
Fouquier, le tribunal ne fit-il guère que prononcer des
acquittements ou des renvois. Sur quatre-vingt-un prévenus,
trente-sept furent renvoyés devant la justice ordinaire; six
condamnés à la détention et vingt-deux mis en liberté par
jugements rendus en chambre du conseil. Seize seulement furent
réservés pour les assises du tribunal, et sur les seize, quinze
furent acquittés (1).
La sentence de mort ne frappa donc qu'une seule tête, une femme,
Marie-Thérèse Marchal-Jacquet : elle fut condamnée le 3 ventôse
an III (21 février 1795), pour avoir « pratiqué avec des
intentions contre-révolutionnaires des manoeuvres et des
intelligences avec les ennemis de l'État par un commerce de faux
assignats et contribué sciemment à l'introduction de ces faux
assignats sur le territoire français (2) ; crime de fausse
monnaie rigoureusement puni dans toutes les législations, et
qui, avec les circonstances visées dans le jugement, devait, à
cette époque surtout, attirer toutes les sévérités de la
justice. Elle avait sur elle pour 6000 livres de faux assignats
quand on l'arrêta revenant de la Suisse (3).
Quinze autres avaient paru, après interrogatoire, pouvoir
mériter un sort pareil, puisqu'ils avaient été mis en accusation
et renvoyés devant le tribunal. C'est dans ces cas réservés et
suivis d'acquittement que l'on peut surtout apprécier le
contraste entre la cruauté des lois révolutionnaires et l'esprit
nouveau qui animait les juges.
1. Voyez Campardon, t. II, p. 157, et le Journal
pour cette période
2. Moniteur du 6 ventôse an III (24 lévrier 1795).
3. Archives, W 490, n° 517, pièce 6 (interrogatoire); cf. pièce
8 (paquet de faux assignats).
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