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						Couvay à Plombières en 1770 C'est sans doute en 
						effectuant des recherches sur Ancerviller, que le 
						chanoine Paul Fiel s'est 
						intéressé aux terribles inondations de Plombières, dont 
						celle où décède Claude Deveney, curé de Couvay
						(sur lequel A. Dedenon tient ces propos « 
						Certains prêtres, même dans le Blâmontois, ont aussi 
						mérité l'épithète de mondains, à cause de leurs allures 
						trop libres et de leurs opinions avancées. Les plus 
						incriminés furent : Deveney, curé de Couvay, peu 
						soucieux de sa paroisse et trop assidu à la Cour de 
						Lunéville. » - Histoire du 
						Blâmontois dans les temps modernes) 
 Le 
						Pays lorrain1931
 
 Chronique des Vosges
 PLOMBIÈRES: LES TRAVAUX DES ROMAINS; LES «  DÉLUGES »
 Les canalisations 
						thermales de Plombières remontent à l'occupation romaine 
						en Gaule; elles étaient robustes, au point d'avoir 
						résisté à des cataclysmes de la violence de ceux que 
						nous décrirons. Des travaux exécutés, l'hiver dernier, 
						par la Compagnie fermière des eaux de Plombières, sous 
						la direction d'un Comité médical de tout premier ordre, 
						et avec les encouragements de l'Etat, ont mis à nu ces 
						canalisations deux fois millénaires. Dans les Vosges 
						thermales et climatiques, M. Pommier les définit ainsi : 
						«  formidables par la profondeur des fouilles, et 
						admirables par la technique qui y a présidé ». Les 
						Romains ont décapé le sol jusqu'au granit thermal d'où 
						sortent les sources; ils y ont établi une couche de 
						béton «  qui mesure 110 mètres de longueur, 30 mètres de 
						largeur, et jusqu'à 10 mètres d'épaisseur ». 30.000 
						mètres cubes de déblais furent remplacés, par autant de 
						béton, et, chose tout fait curieuse, le coffrage en bois 
						de hêtre et de chêne à été retrouvé en état de pleine 
						conservation.Des fragments de ce bois viennent d'être déposés au 
						Musée Louis Français ; ils voisineront avec d'autres 
						vestiges de la même époque: une borne fontaine 
						représentant une déesse distribuant de l'eau thermale, 
						des bijoux, des monnaies romaines, et surtout le moulage 
						du robinet adapté au griffon qui alimente encore la 
						célèbre étuve du pavillon des chanoinesses de 
						Remiremont. Ce robinet en bronze, mis à jour par les 
						fouilles, de Jutier, en 1856, fut alors transporté au 
						Musée des Vosges. Maintenant que Plombières à son Musée, 
						du reste remarquablement installé dans la maison du 
						peintre Louis Français, la place de ce précieux vestige 
						de l'époque romaine y est tout indiquée. Le Comité du 
						Musée départemental des Vosges et son conservateur 
						averti, ont un sens trop élevé du régionalisme pour ne 
						pas partager ce sentiment.
 L'aménagement actuel du cours de l'Augronne, dans la 
						traversée de Plombières, et la facilité avec laquelle 
						les plus abondantes arrivées d'eau s'écoulent dans la 
						vallée, ne laisseraient pas soupçonner les ravages 
						causés par les inondations dans les siècles passés.
 Grâce à de précieuses découvertes dans le fonds notarial 
						de Plombières, M. Jean Kastener, sous-archiviste 
						départemental des Vosges, vient d'apporter 
						d'intéressantes précisions sur l'une de ces 
						catastrophes. On connaissait, par les historiens. de 
						Plombières, notamment par Rouveroy, Dom Calmet et 
						Haumonté-Parisot., l'inondation du 21 décembre 1660 ; on 
						savait aussi qu'un
						voeu avait été fait par la population pour conjurer le 
						péril, et qu'a perpétuité «  une messe haute, décorée de 
						diacre et de sous-diacres devait être célébrée audit 
						jour (22 décembre) lendemain de la feste de saint Thomas 
						».
 Cette catastrophe fut désignée sous le nom de Déluge de 
						la Saint-Thomas, et c'est par devant J.-P. Parisot, 
						tabellion général au duché de Lorraine, en présence de 
						Henry Poirson, chanoine de l'église Saint-Pierre de 
						Remiremont, et de Jacques Moulin, religieux d'Hérival, 
						que fut dressé, le 22 décembre 1661, l'acte de 
						fondation, par les notables de Plombières, d'un service 
						perpétuel. M. Kastener le publie in extenso; nous 
						possédons ainsi les détails angoissants de ce cruel 
						naufrage «  La plus part des maisons situées sur le 
						ruisseau furent ruynées et parties tombées et emmenées 
						du derrier, les parapets du grand bain renversés du 
						costé de la maison où pend pour enseigne le
 Lyon ronge, le bassin rempli de sable, les fontaines et 
						les ponts communaux rompus. les rues dépavées à 
						profondeur de six pieds en certains endroicts, les 
						prairies qui sont au dessoub dudit village totalement 
						dévastées, et la rivière y ayant changé son cours en 
						plusieurs lieux, et comme il n'y
						avoit point d'apparence que cest orage fust prest à 
						cesser, il ne restoit plus que de recourir à la 
						miséricorde de Dieu et implorer de lui un asyle dans ce 
						cruel naufrage ; de faict, la plus part du monde qui 
						pust se dégager des eaux se transportèrent en lesglise 
						paroissiale dudit lieu.... »
 D'autres inondations avaient précède «  le déluge de, 
						Saint-Thomas en 1565 et en 1594, et le suivirent en 1734 
						et 1740, mais celle du 25 juillet 1770 fut une 
						catastrophe sans pareille. On l'appelle encore le «  
						déluge de Sainte- Anne ».
 
 Le récit de ce cataclysme, qui du reste ravagea te sud 
						du duché de Lorraine et une partie de la Comté, a été 
						donné par Haumonté et Parisot. Ils en ont fait une 
						tableau dramatique, d'après le manuscrit du descendant 
						d'un témoin de la catastrophe. L'ensemble est sans doute 
						exact, et concorde avec la tradition. Les documents 
						officiels,qu'on peut consulter aux archives 
						Municipales de Plombière, et le rapprochement des divers 
						récits apportent cependant certaines précisions, et 
						rectifient quelques détails.
 Trois orages successifs, dans la même soirée et la même 
						nuit, du 23 au 26 juillet démolirent dix sept maisons, 
						dont la papeterie située à l'emplacement actuel des 
						Usines de Boisfleury. La promenade des Dames, qui avait 
						été aménagée par Stanislas, en 1762, en l'honneur de ses 
						petites filles, Mesdames Adelaïde et Victoire, fut 
						labourée jusqu'au roc, ainsi que le cimetière. Les 
						installations thermales des Romains, furent mises à nu, 
						et dans le premier mouvement de désarroi on se demanda 
						ce qu'allaient devenir les captations d'eau chaude.
 Toutes ces ruines accumulées, mais réparables, étaient 
						peu de chose en regard de la perte des vies humaines 
						qu'accusait le bilan de la catastrophe.
 La sinistre nuit de la Sainte-Anne 1770, fit sept 
						victimes. Robert-François Montargon, en religion Père 
						Hyacinthe de l'Assomption, augustin, fut écrasé sous les 
						ruines de la maison de Claude Parisot; est-ce l'étranger 
						que Parisot fait monter «  sur un toit, tendant sa bourse 
						à celui qui viendrait à son secours » ? Sous les ruines 
						de la maison de Claude-Joseph Rouveroy, perruquier, 
						furent engloutis cinq de ses enfants avec un prêtre qui, 
						en dépit des objurgations de courageux sauveteurs, les 
						retint près de lui en leur disant; «  restez, mes 
						enfants, ce que Dieu garde est bien gardé ». II semble 
						que ce prêtre était Claude Deveney, ancien curé de 
						Couvay, qui d'aprés les documents officiels fut «  écrasé 
						sous les ruines de la maison de M. Jos. Rouveroy ». 
						Couvay était la principale des trois communautés formant 
						la paroisse de ce nom; les deux autres étaient Josain et 
						Ancerviller; pour des raisons dont la meilleure ne vaut 
						pas cher, la commune formée par ces trois 
						agglomérations, fut appelée du nom de la plus petite, 
						Ancerviller, qui du reste n'est qu'un hameau par rapport 
						aux deux autres.
 Claude Deveney, que l'acte de sa sépulture à Plombières 
						appelle Jean-Charles, était né à Lunéville, où son père 
						était régent d'école. Il était curé de Couvay depuis 
						1730. Un travail manuscrit de M. l'abbé Edouard Sérardin 
						sur l'Histoire de Couvay nous le fait connaitre. Il 
						résida peu, faisant administrer la paroisse par des 
						vicaires. Dès 1746, sous prétexte de l'insalubrité du 
						presbytère, il se retira complètement à Lunéville, où il 
						fut nommé chapelain ordinaire du roi Stanislas. 
						Cependant Deveney ne résilia sa cure qu'en 1768. En lui 
						donnant comme dernière demeure la paisible vallée de l'Augronne, 
						la Providence a sans doute voulu épargner à ses 
						funérailles les incidents dont fut marqué, à Lunéville, 
						un service pour le repos de son âme.
 D'après une relation de François Géhin, fermier des 
						Bains de Plombières, en 1770, «  les deux prêtres furent 
						retrouvés, l'un tout habillé, au bas de la Forge ; en 
						hâte on le porta à l'église, et il fut enterré sans 
						cercueil ; c'était horrible de le voir. L'autre on ne le 
						trouva qu'à une lieue ; il était tout nu. Les gens d'une 
						maison tout près eurent la charité de lui faire un 
						cercueil et l'amenèrent pour l'enterrer ». Lequel des 
						deux était Deveney ? Il est à présumer que c'était le 
						second, si, comme nous le croyons, c'est le curé de 
						Couvay qui était avec les enfants Rouveroy. Ces derniers 
						en effet «  deux
						grandes filles et trois garçons, furent trouvés tout nus 
						», comme Claude Deveney. D'après Géhin «  les paysans qui 
						trouvèrent les enfants Rouveroy, leur coupèrent les 
						oreilles pour avoir leurs boucles d'oreilles qui étaient en or ». Et il ajoute «  les paysans de ce 
						village n'ont jamais eu de bonne réputation ». Il s'agit 
						évidemment des habitants du village où ont été trouvés 
						les corps, loin dans la vallée. D'après un autre 
						contemporain, Leduc, «  les corps des demoiselles de 
						Rouveroy furent retrouvés près de Corbenay, dans la 
						prairie de François Bige, qui les fit enterrer à ses 
						frais et rapporta les bijoux à M. de Rouveroy. En effet, 
						d'après les archives de la Mairie de Plombières, tandis 
						que les deux prêtres furent enterrés à Plombières, les 
						cinq enfants Rouveroy, âgés respectivement de 12, 9, 25, 
						22 et 10 ans, «  furent enterrés dans les villages 
						voisins ».
 Plombières ne fut pas abandonné dans son malheur. Le roi 
						Stanislas n'était plus, mais ses petites filles vinrent 
						au secours des victimes de l'inondation. Mesdames 
						Adélaïde et Victoire avaient été brillamment accueillies 
						dans la station vosgienne, en 1761 et 1762. Elles 
						reçurent à Versailles le maire Parisot et le curé 
						Husson, et leur accordèrent un subside de 300.000 écus. 
						En même temps, une ordonnance de Louis XV prescrivait 
						les mesures indispensables pour éviter le retour d'une 
						pareille catastrophe, accordait une indemnité de 50.306 
						francs à répartir entre les habitants au prorata de 
						leurs pertes et établissait une imposition de 166.000 
						francs sur la province de Lorraine, pour la construction 
						du bain tempéré. La bienveillance du roi et de Mesdames 
						Adélaïde et Victoire, consola les habitants de 
						Plombières de la dureté du chancelier de La Galaizière, 
						qui, même dans cet effroyable malheur, ne fut pas 
						capable de donner à son intervention les formes de la 
						bonté.
 L'expérience à prouvé que les précautions prises contre 
						les crues de l'Augronne ont été et demeurent efficaces. 
						C'était déjà le sentiment de Durival: «  les rues furent 
						disposées et élargies en sorte que les inondations même 
						plus considérables ne peuvent y causer un pareil malheur 
						».
 
 P. FIEL.
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