Annales de
la Société d'émulation du département des Vosges
1847
De l'émigration des populations rurales dans les villes et des
motifs qui doivent rattacher la jeunesse à l'agriculture (*)
Par M. LESAING,
Docteur en médecine, membre correspondant
O fortunatos nimium, sua si
bona norint
Agricolas ! (Virg. Georg, 11, lib. 2)
(*) Au
moment où l'impression de ce remarquable travail se terminait,
nous apprenions la mort prématurée de son auteur. Cette perte si
inattendue d'un collègue jeune encore, et qui nous avait déjà
donné tant de preuves de zèle et de capacité, nous impose une
tâche dont s'acquittera, au nom de la Société, celui de nos
collègues qui est chargé du compte rendu des travaux de 1848;
mais nous croirions manquer à l'un de nos plus pressants
devoirs, si nous ne profitions de cette occasion pour payer par
avance un tribut de regrets à notre digne collaborateur. Le
docteur Lesaing, à peine âgé de 45 ans, a succombé aux suites
d'une maladie aiguë contractée dans l'exercice de ses fonctions
médicales, auxquelles il était si profondément dévoué, et dont
il s'est acquitté avec tant de zèle et de distinction jusqu'à
son dernier moment. C'est une perte immense, non-seulement pour
les habitants de Blâmont, dont il était si bien apprécié, et
auxquels il a rendu tant de services, mais encore pour tous ceux
qui l'ont connu ou ont eu avec lui quelques relations.
Note du docteur Haxo,
Secrétaire perpétuel de la Société d'Emulation.
A une époque où la diffusion des lumières, les conquêtes de
l'industrie et l'influence de, nos révolutions successives ont
déplacé toutes les existences, et assis le monde entier sur des
bases nouvelles, il nous parait utile de signaler quelques-unes
des erreurs qui menacent d'envahir les masses et peuvent
entraîner le pays tout entier dans les voies d'une fatale
décadence.
Effrayés des symptômes qui apparaissent dans les profondeurs de
la société, les hommes sages, les observateurs, éclairés ont
jeté le cri d'alarme en cherchant à résoudre le difficile
problème de l'avenir. Leurs plaintes nous paraissent exagérées,
car ils n'ont aperçu qu'un bien-être factice dans la prospérité
générale dont on se glorifie aujourd'hui, et ils comptent parmi
les chances périlleuses les habitudes, les jouissances et les
nécessités longtemps inconnues, qui ont été communiquées aux
classes ouvrières, aux prolétaires de la France. Mais il
faudrait mettre aussi dans la balance les progrès incontestables
de la civilisation et les conditions d'aisance qui sont devenues
plus accessibles à ceux même qui vivaient autrefois dans
l'indigence (1).
Du reste, nous n'avons point la prétention d'examiner cette
haute question dans les phases nombreuses qu'elle a présentées à
tous les économistes de nos jours. Nous voulons seulement jeter
un coup d'oeil sur les faits qui s'accomplissent autour de nous
afin d'en tirer quelques déductions plus favorables aux
populations des campagnes.
Dans ce travail, qui nous est inspiré par l'unique pensée
d'épargner à quelques-uns de nos concitoyens des fautes ou des
regrets amers; nous osons compter sur les bienveillants
suffrages de nos lecteurs, Ils accueilleront tous les
méditations et les vues que nous leur soumettons avec le vif
désir de contribuer, selon nos forces, à leur repos et à leur
bien-être.
Quelle est aujourd'hui la situation de nos campagnes? Le bonheur
qui nait de la concorde et de la satisfaction des besoins les
plus modestes repose-t-il véritablement sous le toit de la
chaumière? C'est ce qu'il importe de rechercher. On ne saurait
le nier : il s'opère actuellement, dans les idées et les moeurs
des habitants des villages-, une transformation, déplorable.
Parmi ceux qui n'ont pas encore dépassé l'âge de la virilité, il
en est un grand nombre qui se hâtent d'abandonner la vie des
champs, pour se livrer aux jouissances et à l'oisiveté de nos
riches cités. Quelques-uns, dominés par l'orgueil d'une
instruction incomplète, rougiraient de s'adonner aux travaux
agricoles; ils auraient honte de salir leurs mains au rude,
contact de la charrue paternelle. D'autres ont rêvé une fortune
plus haute ; ils espèrent fermement rencontrer sur la route des
chances moins pénibles que celles de la culture du sol, et, à
peine au matin de leur existence, ils disent un long adieu à
leur clocher rustique, pour conquérir dans les villes un gain
proportionné à l'ambition qui les dévore.
Un sage écrivain a dit naguère, dans un ouvrage qui n'est pas
assez connu : « Une ambition démoniaque saisit le jeune
campagnard et le traîne aux villes, tête baissée... Les enfants
quittent la maison paternelle, s'éparpillent et laissent le père
avec une femme âgée. L'égoïsme, comme la vanité, dépeuple les
maisons rurales (2). »
Il est aisé de comprendre les conséquences d'un pareil état de
choses; l'exemple entraîne, et s'il est des contrées où l'homme
des champs reste encore attaché au toit qui l'a vu naître, il en
est d'autres où la manie d'émigrer devient une épidémie.
On commence par se lasser de l'humilité d'une position qui ne
rapporte pas d'immenses bénéfices, mais qui offre du moins
sécurité et bonheur. On prend en aversion les soins et-les
travaux périodiques de l'agriculture, sans tenir compte des
pures jouissances qu'elle procure; on laisse courir
l'imagination vers un Eldorado qu'on rêve au sein des villes,
et, sur la foi de quelques individus, les familles se déplacent,
elles vont tenter un autre avenir, en délaissant la paix et
l'obscurité du hameau. Qui pourrait nous dire les regrets qui
les consument et les larmes qu'elles répandent loin de leur
première patrie ?
Les idées qui attirent vers les grands centres de population
certains individus de nos campagnes, ne tardent pas aussi à les
précipiter dans la dissipation et les ennuis d'une vie nomade.
Vous les voyez qui s'absentent quelques mois : ils reviennent
pour s'éloigner encore et se réfugier dans le silence de leur
village. Ils ne font que passer à travers les chantiers de
travail et ne trouvent de repos, nulle part, quoiqu'ils aient
banni de leur coeur l'amour du sol natal. Pauvres exilés qui
sentent le besoin de respirer l'air si pur de leur berceau et
que le souffle des passions rejette au loin sur d'autres rivages
(3) !
Ce n'est pas tout. En quittant, jeunes encore, la maison de
leurs pères, nos émigrants finissent par, s'en détacher
entièrement; le nom si doux de la patrie ne peut plus les
émouvoir ; ils s arrêtent au hasard et s'établissent loin des
contrées qui réclamaient le secours de leurs bras.
Nous voyons même se briser tous les jours les liens les plus
serrés de la famille, sous les efforts du temps et de l'absence,
Que d'enfants dénaturés on pourrait, nommer ici, qui semblent
avoir oublié jusqu'à leur pauvre mère ! Que de frères et-de
soeurs qui n'ont plus rien, à se dire ! Une séparation absolue,
complète, irrémédiable, s'établit entre les parents et plus
encore entre les fils du même hameau ; ils sont morts les uns
pour les autres ; quelquefois on apprendra par hasard qu'ils
traînent, çà et là, leur chétive existence, mais n'attendez pas
de nouvelles positives et régulières. Il faudra même que le
parquet d'un tribunat établisse des poursuites judiciaires - et
vienne sommer quelque part ces tristes émigrés de faire une
réponse-authentique ou d'envoyer leur procuration pour terminer
quelques affaires de succession et de partage (4)
Ils ne comprennent pas même qu'ils peuvent être un obstacle au
repos et au bien-être de leurs proches. Or, je le demande, quand
les affections filiales ou celles de la patrie sont arrivées à
ce degré d'indifférence, ne doit-on pas envisager l'avenir avec
inquiétude et peut-on admettre que ce soit là un état de choses
régulier ?
Nous ne dirons absolument rien sur la conduite de nos émigrants
pendant ces longues années d'absence; nous laisserons cette
pénible tâche aux moralistes dont les plaintes sont assez
connues. Admettons ici, si l'on veut, que le travail soit plus
généreusement rétribué dans les, villes, mais il ne dure pas
toujours : il y a ce qu'on appelle une saison morte, pendant
laquelle on voit disparaître les économies, lorsque les ouvriers
ont eu la sagesse d'en faire quelques-unes. Ainsi les
expériences de fortune sont une chimère, et vous devrez conclure
que ces malheureux ne désertent le hameau que par égoïsme, par
des vues ambitieuses et pour obéir à des instincts de vanité et
à des passions plus coupables encore. L'expérience vient
confirmer tous les jours, par de nouveaux exemples, la vérité de
nos assertions, et, en épanchant ici le sentiment d'une juste
douleur, puissions-nous être assez heureux pour arrêter quelques
démarches imprudentes, pour dissiper des illusions trompeuses et
pour fixer d'une manière plus durable au foyer paternel, tant
d'infortunés qui vont chercher au loin des regrets et d'amères
déceptions !
Si les émigrants rencontrent rarement la fortune ou l'aisance
qu'ils espèrent, les villes, de leur côté, n'ont rien à gagner
de ces flots de population qui les envahissent. En effet, ce
sont des jeunes gens, des ouvriers et des pauvres qui
s'entassent dans les grandes cités où ils viennent demander de
l'ouvrage et des emplois. Lorsque, par suite de l'encombrement
des chantiers du des administrations, ils ne peuvent obtenir ce
qu'ils désirent, alors, ils végètent, ils errent çà et là, sans
but, ils dépensent ce qu'ils ont reçu de leurs parents, et
forment ensuite une classe mécontente, remuante et difficile à
contenir aux jours de l'orage.
De là nous pouvons conclure que si l'émigration ne profite pas
au bien-être des campagnards, sauf quelques rares exceptions,
elle ne produit dans les villes qu'un engorgement inutile et
dangereux. Mais n'oublions pas le point essentiel que nous
voulons atteindre, c'est que la désertion qui est signalée dans
les villages, ne s'opère qu'au détriment de l'agriculture.
N'est-ce pas en effet la portion valide et intelligente de la
population qui abandonne les travaux des champs? Que reste-t-il
maintenant dans certaines communes pour aider le cultivateur à
fertiliser le sol ? Des personnes âgées ou des enfants; des
hommes épuisés ou des ouvriers qui exercent d'autres professions
utiles. Comment faire? On hâtera la besogne ; on abrégera les
labeurs; les terres ne recevront qu'une seule préparation
annuelle, et aux époques de la moisson, il faudra bien attendre
que les manoeuvres de la Lorraine allemande ou des autres
contrées de la France viennent offrir leurs services. Dans les
villages peu considérables où de pareils secours n'arrivent
jamais, on paie chèrement les aides quotidiens qui veulent bien
se présenter et on s'impose encore, pour les satisfaire, des
frais et des sacrifices immenses.
Nous ne voulons rien exagérer, nous pensons même qu'il est
raisonnable de faire droit à quelques-unes de ces nouvelles
exigences; mais, il n'en reste pas moins avéré qu'elles viennent
ajouter une gêne et une souffrance de plus à toutes celles qui
pèsent fréquemment sur les agriculteurs. Ecoutez leurs plaintes,
prêtez l'oreille aux réclamations et aux murmures qui s'exhalent
de nos campagnes ; et vous comprendrez alors que nous ne sommes
qu'un écho bien faible des gémissements qui attristent la
chaumière.
On a cherché un remède à cette pénurie des bras et aux
prétentions des ouvriers à gage ; des machines ont été
construites ; elles attestent le génie bienfaisant des
inventeurs ; parmi lesquels nous devons nommer au premier rang
l'illustre Mathieu de Dombasle. Mais ces instruments utiles et
ces chefs-d'oeuvre de mécanique ne sont pas assez répandus: ils
ne peuvent appartenir qu'aux propriétaires qui jouissent d'une
certaine aisance, et s'Ils remplacent le travail de l'homme, ils
enlèvent aussi des ressources précieuses à nos manoeuvres,
surtout dans la saison de l'hiver ; et ils les forcent pour
ainsi dire à chercher ailleurs un labeur assuré. De, là encore
les émigrations périodiques et toutes les misères dont nous
avons esquissé le sombre tableau.
Résumons ces réflexions générales. Il y a déplacement dans nos
campagnes; des pensées ambitieuses, des goûts de luxe et de
vanité, un entrainement fatal vers des idées de jouissances
immodérées, précipitent un grand nombre de campagnards dans les
grandes villes. On veut arriver à l'aisance par une route moins
pénible, que celle de l'agriculture. Il en résulte le plus
souvent déception, indigence. D'un autre côté, ces émigrations
font souffrir le laboureur, non seulement par l'absence des bras
qu'elles enlèvent, mais encore par les charges nouvelles
qu'elles imposent. Qu'il nous soit permis de clore ces premières
observations par les graves paroles d'un savant publiciste de
nos jours : « Gare aux1 populations qui abandonnent les travaux
des champs pour ceux incertains des villes : de grandes
catastrophes les menacent (5) ! »
Pour échapper aux: malheurs qui sont dans la prévision des
esprits les plus sages, il convient de rechercher, selon notre
capacité, les moyens ou les raisons qui peuvent rattacher les
habitants des campagnes, et surtout la jeunesse, à
l'agriculture.
Et d'abord, nous devons signaler énergiquement la déplorable
tendance qui porte certaines familles à donner à leurs enfants
une instruction bien supérieure à celle qu'elles ont reçue
elles-mêmes.
Certes, nous sommes partisans des lumières, nous voyons avec une
satisfaction véritable que l'instruction descend largement dans
les rangs les plus infimes du peuple. Mais nous blâmons les
habitants des villages et l'humble marchand des bourgades de
s'imposer les plus rudes privations pour donner à leurs fils ou
à leurs filles une instruction trop étendue. Il est de mode
aujourd'hui que le propriétaire de quelques hectares ne laissera
pas ses enfants dans la condition où il est placé lui-même: il
rêvera pour eux une destinée plus haute et, en attendant que ses
utopies se réalisent un jour, il se ruinera en frais pour le
latin, le grec et pour les arts d'agrément.
Qu'en résulte-t-il ? Ces jeunes gens, ne pouvant toujours lutter
avec avantage contre ceux des villes, se rebutent facilement;
après quelques années d'étude, ils reviennent à la maison
paternelle ; ils ont assez feuilleté de livres pour mépriser la
charrue, et n'ont pas assez travaillé pour acquérir une science
véritablement solide. Égarés dans leur marche dès leur première
enfance, ils se consument en loisirs honteux, et attristent
quelquefois par leurs désordres la vieillesse des parents qui
ont placé en eux les plus belles espérances
Que les cultivateurs, que les ouvriers écoutent un conseil ami :
lorsqu'ils n'ont point de fortune indépendante ou que leurs
enfants n'annoncent pas des dispositions rares pour l'étude,
qu'ils épargnent des frais inutiles et des sacrifices qui
seraient le remords de leurs derniers jours ; qu'ils gardent
leurs fils près d'eux -; qu'ils leur donnent cette instruction
élémentaire, proportionnée à leurs besoins futurs; c'est un
devoir pour eux et c'est aussi un droit que les enfants peuvent
revendiquer. Mais que les parents ne courent pas les chances
d'une éducation recherchée; qu'ils ne fassent pas apprendre à
leurs fils les langues anciennes dont ils n'ont que faire pour
parler et pour écrire convenablement l'idiome national.
D'ailleurs, c'est un malheur d'inspirer à la jeunesse des idées
et des habitudes qui pourront devenir le tourment de son
existence.
Nos réflexions doivent être saisies dans leur généralité, nous
ne voulons pas condamner des exceptions brillantes : ceux qui
ont du talent, du génie, de la fortune, suivent avec assurance
la route de l'étude. Mais nous disons qu'on a trop aujourd'hui
la manie de pousser les enfants hors de leur condition native.
Toutes les carrières sont encombrées : la médecine, le barreau
et les écoles savantes regorgent d'élèves. Pourquoi donc ajouter
encore à cet envahissement général, en vidant les campagnes et
en éloignant les enfants des travaux champêtres qui réclament
leurs secours (6) ?
Ces aberrations que nous reprochons aux familles ont encore une
autre cause : elles viennent de l'idée mesquine, et injuste
qu'on se forme de l'agriculture. On ne sait pas que c'est le
premier des arts et que, sans elle, comme le dit Raynal : «
Toute puissance est artificielle et précaire, soit dans le
physique, soit dans le moral (7). » Ai-je besoin d'invoquer le
témoignage des peuples héroïques dont le nom occupe la plus
large place dans l'histoire ?
Portons nos regards vers les siècles écoulés ; interrogeons les
annales du monde, et toutes-les nations nous répondront que
l'agriculture est la plus féconde ressource des empires, le plus
paisible des états et l'un des plus honorables.
En effet, nous la voyons poindre au berceau, des sociétés
humaines, et c'est elle qui, appuyée sur les croyances
religieuses, a coordonné les familles en tribus et en nations.
Remontez aux premiers jours du monde et dites-nous quelle a été
la vie des plus célèbres patriarches ? N'est-ce pas dans les
champs paternels que les prophètes sont allés chercher les rois
fondateurs de ces dynasties qui ont régné sur les Juifs ? On
sait avec quelle solennité la moisson était ouverte parmi les
tribus de l'antique Judée. Quand le moment était venu, où l'on
devait cueillir la gerbe des nouvelles orges, il se faisait un
concours immense ; les habitants des villes voisines se
rassemblaient pour être témoins de la cérémonie, et, les
premières qui étalent tombée sous trois faucilles différentes,
étaient présentées le lendemain au temple de Jéhovah. La moisson
du blé ramenait des fêtes nouvelles et la même offrande était
placée sur les autels, le jour de la Pentecôte.
Les autres peuples, qui furent longtemps plongés dans les
ténèbres du polythéisme, avaient cependant attribué l'invention
de l'agriculture à leurs divinités. C'est ainsi que les épis
dorés qui couvrent nos sillons se personnifiaient dans la blonde
Cérès. On connait tous les détails du culte, pompeux que la
Grèce et Rome avaient consacré à la bienfaisante déesse. Les
réjouissances annuelles se prolongeaient pendant dix jours chez
les Siciliens; mais c'était particulièrement à Éleusis que les
mystères étaient célébrés avec la plus grande magnificence.
Les Romains avaient les Ambarvales cérémonies qui ont une
singulière analogie avec les Rogations instituées par le
Christianisme; elles avaient lieu deux fois chaque année et à
des intervalles qui ne sont pas désignés d'une manière précise.
Les Égyptiens, que nous aurions dû nommer avant tous les autres,
dans l'ordre chronologique, avaient poussé le respect et l'amour
de l'agriculture jusqu'à rendre les honneurs divins, aux animaux
qui sont employés aux travaux de la terre.
A côté dés croyances religieuses, remarquons aussi quelques-uns
des usages des nations primitives et citons le témoignage de
leurs écrivains et de leurs poètes.
Nous lisons que les Chaldéens passaient pour les cultivateurs
les plus habiles -, et qu'ils avaient tellement accru la
fertilité des campagnes de Babylone, qu'on y récoltait 300
grains pour un seul.
Les Perses avaient établi, dans chaque province, des intendants
qui veillaient à la culture du sol, et Cyrus le, jeune se
plaisait à pratiquer lui-même quelques travaux agricoles : il
ornait et plantait son jardin de ses mains royales.
Dans la Chine, l'empereur va tracer lui-même, avec la charrue,
le premier sillon de l'année, afin d'inspirer à tous les sujets
de son vaste empire le respect et l'amour de l'agriculture.
Hésiode a composé un poème où il célèbre les occupations et les
soins de la, campagne; il les représente comme le plus sûr moyen
de subsister et d'acquérir une honnête aisance.
Nous voyons aussi, par l'Économique de Xénophon, que, dans la
période la plus brillante de leur civilisation, les Grecs
n'avaient rien perdu de leur vénération pour l'art de cultiver
les terres.
Chez les Romains, qui ont été si longtemps avides de conquêtes
et qui ont régné sur le monde ancien, les tribus rurales
jouissaient d'une haute estime, et on vouait au déshonneur les
hommes des champs qui venaient habiter, les villes. « Après là
noblesse, dit un écrivain moderne, le laboureur tenait le
premier rang dans la république, et Caton croyait ne pouvoir
mieux louer quelqu'un qu'en l'appelant un bon cultivateur. »
Nous avons encore les traités que le célèbre Caton et Varrou
l'érudit ont publiés sur l'économie rurale : ces hommes, dont la
renommée était si belle, n'ont pas rougi de s'occuper de ces
questions pratiques. Caton surtout, qui avait rem pli
glorieusement les charges les plus éminentes, parle, avec une
expérience consommée, des divers assolements et des soins qu'il
faut donner aux terres, aux vignes, aux étables, etc.
Le génie de Cicéron ne pouvait pas oublier un art aussi utile et
aussi noble. Il emploie les- termes les plus magnifiques pour le
louer dans quelques-uns de ses ouvrages. « Rien s'écrie-t-il,
n'est comparable à l'agriculture, il n'y a rien de plus doux et
de plus convenable à un homme libre. Je ne sais pas, dit-il
encore, s'il peut exister une vie plus heureuse que celle des
personnes, qui sont livrées aux travaux des champs. » Il cite
ailleurs l'exemple de ces personnages fameux, de ces héros qui,
tenant en main les rênes de l'État, venaient cependant présider
eux-mêmes à la culture de leurs terres.
Valère-Maxime et Pline ont fait l'éloge de M. Attilius qui
semait un champ, quand la députation du sénat vint le supplier
de se mettre à la tête de la république. Il fut surnommé le
semeur ; mais ses mains calleuses raffermirent l'état ébranlé,
et elles eurent la gloire de tenir les rênes du char triomphal.
Faut-il ajouter encore que Cincinnatus, le vainqueur des Eques,
n'était qu'un laboureur, et qu'il vint retrouver sa charrue,
après avoir sauvé Rome dans les fonctions dictatoriales.
Virgile, ce poète bien-aimé, a cultivé les terres; il ne les a
quittées que pour obéir à Mécènes, et c'est à la prière de ce
protecteur illustre que le cygne de Mantoue a fait entendre ces
admirables chants que nous appelons les Géorgiques et les
Églogues.
Mais la France peut nous offrir aussi de grandes leçons et de
beaux exemples. Les intérêts agricoles occupent une large place
dans les capitulaires de Charlemagne; et nos rois, depuis cet
illustre conquérant, n'ont pas cessé de publier des lois
nombreuses pour favoriser la condition du laboureur. Aujourd'hui
surtout, les gouvernements s'inspirent des plus nobles pensées
et provoquent des tentatives nouvelles pour hâter les progrès de
la science rurale. Les sociétés d'agriculture se multiplient let
attirent dans leur sein les hommes les plus recommandables de
nos provinces. De nombreux comices viennent passer en revue les
travaux de l'année, rendre hommage aux découvertes utiles et
couronner les essais qui sont tentés pour sortir des vieilles
routines, C'est là qu'on proclame souvent les précieux résultats
obtenus dans la culture du sol, et pour l'amélioration des races
de nos animaux domestiques. Voyez ensuite les concours qui se
renouvellent périodiquement dans ces luttes intelligentes et
glorieuses, l'adresse, l'habileté, le savoir, les expériences
remarquables, les succès persévérants et les sacrifices offerts
à l'utilité générale, reçoivent les plus douces et les plus
honorables récompenses. Là, des primes, dont le nombre
augmentera sans doute, vont distinguer dans la foule un modeste
garçon de ferme aussi bien que le riche propriétaire, et
relèvent ainsi, devant le pays tout entier, le mérite obscur et
des travaux longtemps dédaignés (8).
D'un autre coté, les hommes versés dans les connaissances et
dans la pratique de l'économie rurale, se plaisent à communiquer
leurs lumières, à hâter les progrès dans la classe des
cultivateurs et à déraciner les vieux préjugés qui entravent
encore la marche de la science. Les sociétés académiques ont
leurs publications mensuelles et leurs mémoires; des journaux
d'une spécialité exclusive s'occupent des intérêts agricoles,
propagent les bonnes méthodes et parlent avec un remarquable
talent, sur toutes les questions qui intéressent nos campagnes.
Les circulaires ministérielles viennent encore activer le zèle
des premiers magistrats, et partout, les dispositions arrêtées
par les préfectures sont autant de preuves honorables de la
considération qui entoure maintenant le laboureur, et de l'essor
plus étendu qu'on veut imprimer à la culture du sol.
Nous ne saurions oublier les récompenses plus hautes et plus
flatteuses qui sont décernées dans quelques circonstances
exceptionnelles.
Un citoyen vertueux et bienfaisant, M. de Moyton a confié à
l'institut national la douce mission de distribuer, chaque
année, un prix de quelque valeur aux innovations et aux progrès
utiles, Ainsi les instruments qui viennent faciliter les travaux
de l'ouvrier, doubler ses forces ou suppléer même le travail de
ses bras, toutes les améliorations enfin sont l'objet de cette
ovation solennelle qui est décernée aux applaudissements de la
France entière.(9).
Dans une sphère moins élevée, quels honneurs n'ont pas été
accordés autour de nous à des hommes dont le génie a créé des
ressources nouvelles ou modifié les anciennes méthodes ! C'est
ainsi qu'un modeste valet de ferme, Grangé, a vu donner son nom
à une charrue qui lui doit un perfectionnement remarquable. Le
Gouvernement lui-même a voulu reconnaître le mérite de cet
obscur- laboureur en le décorant de l'étoile du mérite, plus
tard des souscriptions nombreuses ont été réalisées dans
plusieurs départements, et Grangé est maintenant pourvu d'une
place et de ressources qui approchent de l'aisance.
Les- Olivier de Serre, les Gilbert, les Rozier, les Parmentier,
etc, reçoivent aujourd'hui les témoignages d'une vénération
profonde, et la voix des peuples les confond dans la même
admiration, avec les plus grandes renommées qui aient jamais
occupé le monde.
Mais près de nous vécut un homme dont l'intelligence créatrice a
des droits plus nombreux et plus légitimes à l'estime publique :
le savant Mathieu de Dombasle, une des gloires de la Lorraine, a
dévoué sa vie toute entière aux progrès de la science agricole.
Ce n'est pas ici le lieu de rappeler les éminents services
rendus aux cultivateurs par le plus célèbre de nos agronomes ;
les oeuvres qu'il a laissées immortalisent sa mémoire. La mort
nous l'a ravi, et maintenant qu'il n'est plus, voici que les
plus glorieux hommages lui sont décernés dans toute la France ;
chacun de nos départements se plaît à lui payer un tribut de
regrets et d'éloges ; des comités sont organisés pour élever à
notre illustre compatriote un monument qui éternise la
reconnaissance nationale. Quelle autre célébrité plus pure et
plus désirable que celle qui est aujourd'hui l'objet de ces
manifestations solennelles ? En présence de pareils faits,
croirez-vous encore que l'agriculture n'ouvre pas une carrière
assez haute et assez vaste à l'ambition la plus exaltée?
Nous avons longuement insisté sur les témoignages qui nous
démontrent l'excellence et la noblesse des travaux de campagne;
heureux si nous pouvons dissiper quelques-uns des préjugés
défavorables qui règnent encore dans les familles !
Hâtons- nous de passer maintenant à des considérations d'un
autre genre et qu'il importe de méditer.
La santé est un bien qui surpasse toutes les jouissances et
qu'on doit conserver en s'imposant les plus pénibles sacrifices.
Or, la vie des champs n'offre-t-elle pas des garanties de durée
qui ne se rencontrent pas dans nos villes ? Rappelez-vous que
les anciens cultivateurs comptaient plus de cent hivers ayant de
s'endormir dans la tombe. N'est:-ce pas au sein des populations
rurales que se trouvent encore les tempéraments les plus
robustes et de nombreux exemples d'une longévité prodigieuse? On
respire un, air si pur dans nos campagnes ! L'imagination y est
constamment rafraîchie par délicieux tableau des beautés de la
nature. L'azur du ciel, la fraîcheur des ombrages, le murmure
des fontaines, la verdure émaillée des prairies, la brise
embaumée du soir: tout vient raviver les plus doux sentiments de
l'âme et offrir sans cesse des images de paix et de bonheur.
Les travaux actifs des diverses saisons contribuent au
développement des forces physiques, ils donnent au corps
l'énergie et la vigueur dont il est susceptible. Nulle part les
conditions hygiéniques ne sont aussi favorables que dans nos
villages, Pourquoi donc les abandonner et s'agglomérer dans une
mansarde ou dans une échoppe de nos cités, pour y perdre cette
fraîcheur et cette constitution robuste qui permettent de braver
toutes les fatigues ?
Je trouve même que des raisons d'économie devraient souvent
détourner les habitants des campagnes du séjour des villes. En
effet, quel est le bénéfice évident après quelques années
d'émigration ? Ils ont obtenu, je le suppose, un salaire plus
avantageux, mais la dépense est quelquefois doublée, tandis
qu'au village, la vie est simple et n'exige que peu de frais.
D'ailleurs, c'est ici une question d'ordre social, « Il est
évident, comme le dit un savant économiste (10), que, par la
concentration d'un grand nombre d'individus sur un même point,
le prix des objets de consommation de première nécessité, s
élève rapidement, et d'un autre côté, la concurrence fait
baisser le prix du salaire. De là, le malaise des classes
laborieuses au sein des villes. La famille de l'ouvrier
subsisterait dans des conditions meilleures hors de l'enceinte
des cités, avec son salaire réduit d'un tiers, qu'au dedans de
leurs murs, avec le salaire entier. Les denrées sont moins
coûteuses; les occasions de dépense et de débauches y sont plus
rares; une commune rurale offre enfin plus d'économie pour les
enfants en bas âge, plus de moyens de les utiliser, et plus de
ressources à l'industrie domestique d'une bonne ménagère. »
C'est donc une mauvaise spéculation de s'entasser dans les
villes pour s'enrichir; il me semble que l'industrie agricole
peut, seule résoudre le problème et prévenir le mal, en
disséminant les masses compactes d'ouvriers.
Vous êtes guidés par le désir bien légitime de préparer une
certaine aisance aux jours de la vieillesse, pourquoi ne pas y
arriver par l'agriculture? C'est là aussi une carrière qui peut
donner la fortune, et, certes c'est la plus noble et la plus
solide. Consultez les témoignages de l'antiquité et des temps
modernes : vous trouverez partout, la même réponse; aussi
Columelle disait-il-que la vie rustique et la sagesse véritable
se tiennent par une parenté étroite.
Pour mieux vous en convaincre; rappelez-vous ce que Cicéron nous
raconte des laboureurs de la Sicile, qui étaient si riches et
qui déployaient une telle magnificence, que leurs maisons
étaient ornées, de statues d'un grand prix et qu'ils avaient à
leur usage des vases d'or et d'argent ciselés.
Mais, sans interroger les âges lointains, ne voyons-nous pas
dans nos contrées de grandes fortunes immobilières qui sont dues
à l'habile et persévérante culture du sol (11)? Les travaux des
champs ont leurs peines, leurs fatigues et leurs cruelles
vicissitudes, je ne le conteste pas; mais qu'on découvre donc
sur la route de la vie une carrière qui soit à l'abri des
afflictions et des épreuves de l'humanité; si nous examinons
attentivement chacune des conditions de la société et si nous
voulons sonder la profondeur de leurs plaies, nous serons forcés
de convenir, avec un ancien philosophe, que le sort du
cultivateur est encore le plus paisible et le plus heureux.
C'est avec un sentiment de joie indicible que nous arriverons à
cette conclusion, et nous espérons qu'elle sera goûtée dans un
pays où l'agriculture-a toujours gardé une place honorable. La
France aujourd'hui semble mieux comprendre l'avenir qui lui est
réservé, et elle demande à grands cris les moyens de répandre
utilement ses richesses territoriales. Déjà, dans l'ouest
surtout, un grand nombre de propriétaires se sont placés à la
tête des exploitations rurales, et leur noble exemple a
développé dans ces contrées les progrès de la science agricole.
Ce n'est pas l'intelligence qui manque à la jeunesse, mais elle
a besoin d'une direction plus sage, plus éclairée, plus en
rapport avec les vrais intérêts du pays.
Nous n'avons pas la prétention d'apporter dans celle grave
question des vues nouvelles ou supérieures; nous allons
simplement émettre nos idées de réforme, signaler quelques abus
et indiquer des améliorations nécessaires, afin de prévenir,
autant que possible, les dégoûts et les répugnances qui
s'emparent de nos populations rurales. Heureux si nous pouvons
leur inspirer un amour plus exclusif pour la condition que la
Providence a daigné leur assurer dans la vie.
Déjà nous avons démontré la malheureuse manie de ces familles
qui s'épuisent en efforts, pour donner aux enfants une
instruction vaste et superficielle, en les arrachant à une
condition où ils auraient pu trouver le bonheur.
On me répondra que les jeunes gens conçoivent d'ambitieuses
pensées et réclament l'instruction. Je dirai que les parents et
les maîtres doivent les contenir alors et les arrêter au début
de la vie, à moins qu'ils ne se distinguent réellement par des
facultés éminentes. Dans l'intérêt de leur avenir, il est plus
sage de leur montrer que la paix, et les travaux de la campagne
sont préférables au brillant esclavage et aux déceptions des
autres carrières sociales.
Mais la difficulté est de populariser aujourd'hui ces idées
pratiques, et de les insinuer aux habitants des campagnes, afin
de prévenir la désertion qui s'accroît tous les jours.
Il me semble qu'un des moyens principaux de changer la fausse
direction où s'égarent maintenant quelques classes de la
société, c'est de réformer, avant tout, l'enseignement des
écoles et d'inspirer aux enfants l'amour de l'agriculture, dès
le moment où ils sont initiés aux premières connaissances
humaines. De sages observateurs l'ont remarqué : on veut donner
au peuple une instruction qui n'est pas en rapport avec ses
besoins et qui est impuissante à le sauver des périls de
l'avenir. A quoi bon, dans nos villages; ces leçons d'histoire
de France, d'analyse logique et d'astronomie où nos petits
écoliers ne comprennent rien ? Ne pourrait-on pas abandonner ces
études à l'instruction secondaire et les remplacer, dans les
écoles rurales, par des lectures et des commentaires plus utiles
sur l'agriculture ? Nous avons entre les mains des ouvrages
spéciaux rédigés par des maitres habiles, et qui offriraient aux
enfants les données les plus précieuses (12). Qu'il nous soit
permis de leur adresser en passant une seule observation
critique : c'est qu'en formulant les règles et les conseils de
la science, ils ne disent rien des douceurs et des avantages que
le laboureur peut trouver dans sa condition ; ils
n'intéressent pas le coeur aux occupations de la vie des champs,
ils ne s'inspirent jamais du sentiment exprimé par ce beau vers
du premier des poètes latins : O fortunatos nimium, etc.
Or, c'est là une tâche importante à remplir, quand on écrit pour
la jeunesse des campagnes. Nous demandons alors que, dans ces
livres élémentaires, à côté des préceptes, on place quelques
pages brûlantes où l'amour de la nature se manifeste à chaque
ligne, où l'on fasse comprendre le bonheur d'une existence qui
s'écoule paisiblement dans les travaux rustiques, à l'ombre des
arbres qu'on a plantés et près des champs fertiles qu'on a tant
de fois arrosés -de ses sueurs.
Qui empêcherait. également que, sur les bancs des écoles
normales, on gravât profondément ces idées salutaires dans l'âme
des jeunes maîtres qui doivent plus tard présider a l'éducation
de l'enfance ?
On rendrait un service immense aux familles, et l'on
préviendrait les illusions déplorables qui peuvent germer dans
le hameau. C est là un texte fécond et dont les développements
chaleureux, tracés dans les livres ou répétés dans les leçons
orales, amèneraient bientôt les plus sages convictions et les
résultats les plus avantageux.
Ainsi, montrer les inconvénients et les funestes abus de
l'émigration dans les villes, citer les exemples particuliers à
chaque localité pour les besoins de l'agriculture; élever la
dignité de cet art; rappeler la vénération que tous les peuples
lui ont conservée depuis l'origine des siècles et l'essor plus
rapide qu'on veut lui inspirer en France ; citer, les honneurs
qu'on se plaît à décerner aux hommes remarquables par leurs
travaux, leurs découvertes et leurs perfectionnements dans
l'économie rurale; exalter les charmes de la vie champêtre et
ses avantages sous le rapport de la santé, des soins
hygiéniques, de l'économie et de la moralité publique; enfin,
insister sur cette vérité expérimentale, qu'on peut arriver à
l'aisance et même à la fortune par l'agriculture, plus sûrement
et d'une manière aussi honorable que dans les autres conditions
de la vie sociale : voilà, nous le croyons, des leçons. et des
faits qui doivent porter leurs fruits dans un avenir peu
éloigné; ce sont là des observa lions que les bornes de ce
travail ne nous ont pas permis de présenter dans leurs vastes et
utiles développements.
A côté de cet enseignement préliminaire donné à l'enfance et
répandu largement dans les masses, il reste encore à réaliser de
nombreuses et importantes améliorations. Déjà d'utiles réformes
et de grands perfectionnements sont venus adoucir insensiblement
la position du cultivateur.
Nous placerons en première ligne la nécessité d'écarter au plus
tôt de notre législation, les obstacles qui s'opposent aux
progrès de l'art agricole et qui déterminent quelquefois les
jeunes gens à embrasser d'autres carrières.
Pourquoi maintenir le droit de vaine pâture qui porte des
atteintes si graves à la prospérité du sol et qui rend illusoire
l'indépendance de celui qui possède ?
Pourquoi sanctionner la division extrême de la propriété et le
fractionnement indéfini de ces parcelles inabordables, qui se
trouvent à la fin enchevêtrées les unes dans les autres, en
sorte qu'il devient impossible de les cultiver?
Pourquoi tant de lenteurs dans la publication d'un code rural,
qui est attendu par le pays avec une grande impatience?
Pourquoi cette élévation constante du prix du sel, impôt le plus
absurde et le plus inique, surtout dans une contrée où la nature
a répandu ce minéral avec profusion ? Le prix de cette utile
substance empêche d'en faire usage pour les bestiaux et pour
l'amendement du sol, malgré ses effets précieux et
incontestables.
Pourquoi la suppression, opérée en, 1834, d'une loi bien
modeste, mais intelligente, « qui exemptait des droits de fisc,
les échanges conclus entre voisins, pour agglomérer des champs
juxta posés ? »
Pourquoi l'esprit actuel du système financier qui régit la
France tend-il à briser l'essor de l'agriculture, et se
pose-t-il en ennemi de la propriété foncière? On enlève au
laboureur les moyens de réunir des capitaux disponibles; alors,
comment acquérir du bétail, comment élever les bâtiments
nécessaires pour étendre l'exploitation, et quel peut être le
résultat définitif de l'introduction des combinaisons et des
plantes nouvelles ? Il est malheureusement avéré que pour un
grand nombre de nos cultivateurs, l'impôt absorbe le superflu ;
et nous leur conseillerons toujours, au nom de leurs intérêts
les plus chers, de ne pas recourir au crédit et aux emprunts. «
Nul doute que la propagation des méthodes réfléchies n'eût été
plus rapide, sans la pénurie des capitaux dont la formation,
dans l'état, présent de nos lois, est impossible à
l'agriculture. »
Enfin pourquoi les entraves qui sont imposées au commerce des
céréales? « Pense-t-on que les propriétaires s'amuseront
longtemps à semer du blé, pour l'unique plaisir de voir onduler,
comme une vague agitée par le doux zéphyr, une mer d'épis
vainement dorés ? ». La même oppression pèse encore sur les
vins; les débouchés nous échappent tous les jours, et la
sévérité du fisc semble augmenter en raison inverse de la vente
annuelle.
L'agriculture française ne produit pas assez de laine pour les
besoins des fabriques; il faudrait donc encourager la
multiplication de s troupeaux et ne pas diminuer le prix des
laines, ni permettre une sorte de concours entre les laines
indigènes et les laines étrangères. Nous ne parlerons pas des
tentatives infructueuses, incomplètes, qui ont été essayées pour
améliorer la race de nos chevaux et celle des mulets, On sait
que nous sommes toujours tributaires des pays voisins; cependant
la France offre aussi les races de chevaux les plus estimés. Il
faudrait seulement une intelligence assez éclairée et assez
puissante pour établir l'organisation nécessaire et remédier à
tous les abus que nous venons d'esquisser à grands traits.
Il serait temps enfin de comprendre que les ressources les plus
précieuses de l'État ne sont pas seulement renfermées dans la
fabrication. L'industrie aujourd'hui reçoit presque tous les
hommages, et l'agriculture, à part quelques primes, ne voit
guère fondre sur elle qu'un nombre prodigieux de centimes
additionnels qui menace encore de s'accroître (15).
Certes, notre Gouvernement, en travaillant à opérer ces utiles
réformes, méritera bien du pays, et s'assurera des titres
immortels à la reconnaissance nationale.
Nous lui demanderons encore avec les mêmes instances de
multiplier les fermes modèles, et, à l'appui de nos
réclamations,-nous invoquerons le témoignage de M. Passy, dont
la haute capacité est assez connue. « De tous les moyens de
faire avancer l'agriculture, dit-il, le plus sûr, le plus
puissant, c'est l'établissement des fermes-modèles bien
conduites, où les jeunes gens qui se destinent aux carrières
rurales, viennent chercher à la fois une instruction théorique
et pratique, qu'ils ne sauraient trouver ailleurs aussi complète
(16) ».
Ces aveux sont précieux à recueillir, et nous espérons que la
voix de cet ancien ministre aura la puissance de réaliser la
création de ces fermes, qui deviendront un immense bienfait pour
la classe entière des cultivateurs. Les théories qui auraient
été apprises dans les écoles, recevraient une application
immédiate dans ces grands centres d exploitation, et ce double
enseignement ne tarderait pas à donner au pays de savants et
habiles agronomes. Avec les fermes modèles, où les épreuves
seraient soumises à des calculs rigoureux, on pourrait répandre
les plus vives lumières sur tous les points de la France. Il est
vrai que les sociétés, les comices et les concours s'efforcent
de remplacer, autant que possible, l'instruction pratique et
théorique des fermes-modèles, mais on comprend ai sèment que ces
institutions, d'ailleurs si recommandables, n'auront jamais la
même influence ni les mêmes succès que les établissements de
grande exploitation, qu'il serait urgent de multiplier dans nos
provinces.
Que si les difficultés paraissent insurmontables, ne pourrait-
on pas suppléer à l'école expérimentale des fermes-modèles par
la formation d'un institut agricole? C'est une idée de
l'honorable M. Lahalle, qui, par ses connaissances pratiques et
par ses sacrifices personnels, a exercé une si heureuse
influence sur l'agriculture de nos contrées (17).
Il demandait, 1° qu'on établît au chef-lieu du département un
cours élevé d'instruction théorique et pratique ; sous la
direction immédiate de la société centrale d'agriculture, avec
la surveillance de J'université et du ministre du commerce. Là,
on réunirait quatre chaires principales pour le cours de
culture, le cours de mécanique et de construction rurale, le
cours de chimie agricole et le cours d'application, au moyen des
visites et des expériences qui seraient faites par les élèves
dans une ferme voisine ;
2° Au chef-lieu d'arrondissement, il y aurait une école
secondaire, dans laquelle on embrasserait par un seul cours la
plus grande partie des matières désignées pour l'institut
supérieur. Enfin, dans le chef-lieu de Canton, un membre du
comice agricole tiendrait, les jours de congé, des conférences
spéciales, auxquelles seraient invités les instituteurs du pays.
On voit, combien ces vues sont lumineuses et quelle sagesse
intelligente se fait remarquer dans ces plans de réforme. M.
Lahalle a porté l'esprit de détail, et la rigueur de ses
démonstrations jusqu'à prouver que trois millions suffiraient
pour doter la France de ces établissements précieux.
Au reste, la pensée de ces établissements n'est pas nouvelle :
on sait que l'abbé Rozier a proposé le premier au Gouvernement,
dès l'année 1775, la fondation d'un institut national
d'agriculture.
Un savant agronome contemporain a essayé de ramener l'attention
publique sur le plan de l'abbé Rozier, il a publié un programme
et nous voyons reparaître, 1° une école centrale, dont le but
serait de former des maîtres et qui comprendrait un cours de
trois années sur toutes les parties de la science; 2° quatre
écoles normales, réparties aux quatre zones de la France; ces
écoles préparatoires formeraient des maîtres, des fermiers
instruits et des régisseurs capables; 3° il réclame aussi des
écoles initiales, qui serviraient de foyers communs pour
répandre les procédés utiles et les bonnes méthodes dans la
classe ordinaire des cultivateurs.
Nous ne savons pas à quelle époque il sera possible de soumettre
à l'épreuve de l'expérience des idées aussi fécondes en
résultats pratiques: il nous, semble que les objections
s'évanouiraient bientôt devant l'argument irrésistible des
faits, Ce ne sont point là des utopies, frivoles: et sans
garantie d'avenir. Aurions- nous donc oublié les immenses
bienfaits que l'école de Roville a fait rejaillir sur le pays,
soit par les élèves instruits et habiles qu'elle a formés, soit
par les perfectionnements qu'elle a introduits, dans
l'agriculture de nos contrées (18).
M. Chrétien, dont le mérite est incontestable, qui a puisé ses
vastes connaissances dans les hautes leçons des Berthier et des
Dombasle, est maintenant chargé d'initier les jeunes
instituteurs de l'école normale à tous les secrets de
l'intelligente culture du sol. Espérons que la chaire qu'il
occupe d'une manière si remarquable obtiendra, dans nos
campagnes, l'heureuse influence qui lui appartient.
En attendant, il faut se rappeler qu'il est difficile de changer
la marotte des vieux laboureurs, qui sont ennemis des
innovations et qui ne parlent qu'avec ironie des nouvelles
théories sur l'art agricole. C'est donc par la jeunesse
uniquement qu'il est permis de régénérer une science qui est
encore loin d'avoir atteint, parmi nous, le degré de prospérité
où elle est parvenue chez les peuples voisins.
On trouvera peut-être que, nous avons trop insisté sur tous ces
plans de réforme dans l'éducation du peuple. Mais là est
l'avenir de l'agriculture : c'est pour elle une question de vie
ou de mort; si l'on favorise les progrès, si, par des
améliorations importantes dans l'instruction et dans notre
législation, on rattache les habitants des campagnes au sol qui
les nourrit ; si on leur enseigne en même temps les meilleurs
procédés et les perfectionnements nouveaux dans les écoles
théoriques et pratiques, alors on aura aussi préparé aux
générations futures un avenir plus heureux.
Il est temps d'y songer, au nom des intérêts mêmes dé
l'industrie ; car c'est dans la population rurale qu'elle
trouvera ses meilleurs consommateurs, alors, comme le dit un
écrivain moderne, « il ne faut pas ruiner le grand peuple
agricole, ni empêcher les progrès, afin que le petit peuple
industriel vende beaucoup à qui ne peut rien payer. C'est un
peuple riche et non un peuple pauvre qui consomme. » Maintenant
le propriétaire aisé renonce à vivifier de sa présence les
domaines qu'il abandonne à des manoeuvres, et dans lesquels il
pourrait essayer les plus heureuses tentatives pour
l'agriculture.
D'un autre côté, gênés par des obstacles nombreux, les
cultivateurs se déplacent, abandonnent le sol, et il en résulte
l'agitation, la pauvreté, la décroissance ou les révoltes d'une
population affamée. Il y a près de nous depuis des siècles, un
exemple terrible de la rétroaction funeste opérée sur une grande
nation par la détresse, de l'agriculture': nous voulons parler
de l'Espagne. Autrefois elle contenait trente millions
d'habitants et elle avait mérité les nobles épithètes de
populosa, dives et ferax ; aujourd'hui on y trouve à peine douze
millions d'habitants, dans quelle situation !
Concluons, 1° qu'il faut diriger l'éducation et l'instruction
dans une voie plus en rapport avec nos besoins, nos moeurs et
notre industrie; que les arts mécaniques et agricoles doivent
être enseignés comme les belles-lettres et la philosophie ;
2° Qu'il importe souverainement d'honorer l'agriculture comme le
plus utile des arts ;
3° Qu'il convient alors d'en enseigner les éléments dans nos
écoles primaires ;
4° Qu'il serait urgent de créer une chaire d'agriculture dans
les écoles supérieures et dans les collèges ;
5° Qu'on doit établir dans chaque département un institut
agricole, où la théorie et la pratique soient démontrées dans
leurs détails.
Nous ajouterons encore »que l'étude d'une, science donne sou
vent le goût de la mettre en pratique ; ») alors les jeunes gens
qui appartiennent à des familles riches, et qui ont, reçu
d'ailleurs une instruction générale, se détourneront des
carrières de la médecine et du droit, qui sont depuis longtemps
envahies ; ils viendront, avec des notions acquises
d'agriculture, s'asseoir au foyer domestique et chercher, dans
des travaux utiles et honorés, la paix, l'aisance et le bonheur
de la vie champêtre.
Qu'on nous permette un dernier voeu, dont l'accomplissement
aurait les conséquences les plus désirables et qui ne serait pas
le moins efficace pour rattacher les populations des villages à
la carrière agricole : c'est la création de banques
territoriales, uniquement dévouées aux besoins et aux
transactions des cultivateurs ou des marchands de denrées
rurales. Avec ces caisses de prêt et d'escompte ajoutées aux
caisses d'épargnes, que je voudrais également rencontrer dans
tous les chefs-lieux de canton, il est évident que l'aisance, la
sécurité et toutes les jouissances de la vie se répandraient
largement- dans nos campagnes. La France n'aurait plus rien à
envier aux nations voisines, elle ne redouterait r point les
périls de la disette, et le sol mieux travaillé ne refuserait
point de nourrir une population plus considérable encore, sans
que le Gouvernement fût obligé d'ouvrir ses ports aux blés
étrangers.
Après ces considérations, que nous n'avons pu développer dans
toute leur étendue, nous serions heureux d'inspirer, ne fût-ce
qu'à un seul de nos compatriotes, l'amour des travaux rustiques.
Si des voix bien autrement. puissantes que la nôtre, se font
entendre à leur tour, et si les entraves qui pèsent encore, sur
l'agriculture, disparaissent devant la volonté du Gouvernement
et sous les efforts de riches propriétaires, alors nous verrons
la condition des laboureurs honorée et appréciée et recherchée
comme la voie la plus sûre vers l'aisance et le bonheur. Alors,
cette activité nationale qui nous distingue, s'éloignera des
idées et des illusions de la politique ; elle désertera aussi le
domaine de cette philosophie nébuleuse, qui n'est propre qu'à
égarer la marche de l'homme sur la route de la vie. On se
dirigera vers les entreprises et les améliorations utiles; on y
recueillera profit, aisance, considération et félicité.
Mais, en indiquant ce but suprême à la noble ambition des
habitants des campagnes, nous avons besoin de leur adresser
directement un avis salutaire, et nous les conjurons de le
méditer avec le calme de la raison, dans l'intérêt de leur
avenir. Certains cultivateurs, pressés d'agrandir un modeste
héritage, ne veulent pas attendre qu'ils aient réuni des
capitaux suffisants : ils empruntent de l'argent pour acheter un
champ, un pré, une vigne qui se trouvent à leur convenance. Les
intérêts seuls de la somme leur deviennent onéreux, ils
s'endettent, et, pour opérer plus tard le remboursement, il faut
vendre souvent à vil prix une partie de leurs biens. C'est ainsi
que nos laboureurs arrivent à une ruine complète. Qu'ils soient
plus sages et qu'ils ne cherchent à augmenter leur domaine que
lorsqu'ils auront une ressource disponible pour solder ces
acquisitions, Après cc dernier conseil, nous terminerons ici la
tâche que nous avons essayé de remplir. Effrayé des tendances
qui se manifestent dans la société, nous appelons à notre aide,
pour les combattre, les hommes qui occupent les hautes régions
du pouvoir ou celles de la fortune et de la science. Témoin des
souffrances de l'agriculture, nous demandons qu'elles soient
promptement adoucies et qu'on ait le noble courage de réaliser
complètement les améliorations et les perfectionnements qui
viennent d'être tentés depuis plusieurs années. Il est
malheureux pour la France de n'avoir pu atteindre encore le
degré de prospérité où sont arrivées les nations voisines dans
l'art agricole.
Nous avons cherché à peindre les funestes résultats du
dépeuplement des campagnes, nous avons dit les conséquences
déplorables qui en résultent pour les émigrants et pour nos
cultivateurs. Nous avons signalé quelques-uns des remèdes qu'on
pourrait employer, soit dans l'éducation, soit pour hâter les
progrès de l'économie rurale. L histoire nous a fourni les
preuves de ce respect universel que tous les peuples
intelligents ont toujours voué à l'agriculture, et des
faits-contemporains nous ont permis de constater un revirement
salutaire vers les mêmes idées et les mêmes résultats. C'est
maintenant au Gouvernement et à la haute propriété foncière à
faire le reste, pour déterminer les masses à embrasser avec
ardeur les travaux agricoles. Alors nous verrons le premier des
arts élevé à son ancienne splendeur et versant d'une main
prodigue ses intarissables bienfaits sur la terre de France !
C'est aux habitants des campagnes à hâter la réalisation de ces
magnifiques espérances ; qu'ils ferment leur coeur aux amorces
trompeuses que les passions leur présentent, qu'ils détournent
leurs regards des jouissances frivoles et corruptrices des
cités. Au lieu d'abandonner les travaux qui ont honoré
l'existence de leurs pères, qu'ils s'attachent à les continuer,
et qu'ils n'oublient pas que la condition où la Providence les a
placés est encore la plus paisible et la plus heureuse. Dans les
autres carrières de la société, ils trouveraient plus de luxe,
plus de raffinement, plus de sensualité., mais ils auraient
aussi a subir plus de servitude, plus d'exigences, plus de
caprices; ils auraient plus de devoirs à remplir, plus de
dépenses à supporter, avec moins de paix, de sécurité et de
bonheur. Qu'ils restent donc sous le toit qui les a vus naître;
qu'ils conduisent la charrue paternelle et qu'ils donnent leurs
enfants le même héritage, à moins que des talents éminents et
d'impérieuses vocations ne les appellent sûrement vers une autre
carrière.
C'est aux jeunes Français, l'espoir de l'avenir, qu'il
appartient surtout d'assurer les bases de la prospérité
nationale. Qu'ils dirigent leurs goûts et leurs études vers
l'agriculture ; qu'ils viennent présider aux travaux de nos
fermes et couvrir les sillons de moissons dorées. Que leur
sert-il d'épuiser l'énergie et les facultés de leur intelligence
dans les rêves dangereux de la politique et dans les vaines
abstractions, de la philosophie ? Pourquoi dissiper
follement-leurs plus belles années à la poursuite de ces places
que vingt concurrents se disputent ? Qu'ils voient tous les
chemins inondés par la foule qui se presse aux portes des palais
où la fortune distribue les honneurs et les charges sociales !
Nous ne manquons ni d'avocats, ni de médecins, ni
d'administrateurs, ni de fonctionnaires de tout grade ; l'armée
regorge d'officiers ; le commerce et l'industrie sont écrasés
par les rivaux qui s'élèvent tous les jours.
L'agriculture seule est, abandonnée; elle leur tend les bras
pour leur restituer au centuple le prix de leurs sueurs et de
leurs sacrifices. A côté de la fortune qu'elle peut leur donner,
ils trouveront les douceurs et les agréments de la vie des
champs ; ils y puiseront de pures délices, que le séjour des
villes ne leur présentera jamais, Heureux., mille fois heureux
le laboureur, car :
Les caresses des rois, les faveurs populaires,
La discorde agitant et divisant les frères,
Les trônes s'écroulant, ne troublent point sa paix.
Dans d'utiles travaux passant sa douce vie,
Son coeur n'est attristé de douleur ni d'envie.
Ainsi, la raison, l'expérience, le témoignage des siècles, la
voix des poètes et des philosophes, l'intérêt des familles,
l'intelligence réelle du bonheur le plus évident et le plus sûr,
tout enfin doit rattacher l'homme sage à la culture du sol et à
la vie douce et paisible des champs (20).
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