Annales de la
Société d'émulation du département des Vosges
1849
Notice sur le Caulopteris Lesangeana (C. LESAING),
fougère fossile trouvée dans les carrières de baccarat,
Département de la Meurthe,
par le Docteur LESAING, de Blâmont
Avec des observations du docteur Ant. MOUGEOT, de Bruyères, sur
le même végétal.
Avant d'aborder la
description de cette plante fossile, qu'il me soit permis de
dire qu'elle a été rencontrée dans les carrières de Baccarat;
petite ville du département de la Meurthe, et qu'elle nous été
offerte très-gracieusement par notre ami, M. Hasselot,
propriétaire de cette exploitation.
Cette découverte nous a paru très-intéressante sous le point de
vue de la science géologique, et nous avons adressé ces restes
précieux à MM. Schimper et Mougeot, savants botanistes de nos
contrées.
Accueillis avec joie, ces rares débris ont été
consciencieusement étudiés et habilement décrits par ces
excellents naturalistes, dans une monographie très-remarquable,
récemment publiée, sur les fossiles du grès bigarré de la chaîne
des Vosges.
Notre but en répétant aujourd'hui la description du Caulopteris, est uniquement d'appeler l'attention des géologues sur une des
plus belles découvertes paléontologiques qui ail jamais été
faite dans le grès bigarré de la Meurthe.
Nous sommes heureux de trouver ici l'occasion d'exprimer notre
vive gratitude à MM. Schimper et Mougeot, qui ont eu l'extrême
bienveillance de nous dédier cette espèce considérée par eux
comme nouvelle, et qui, d'après leur opinion, est une des plus
curieuses de la flore fossile du grès bigarré.
Voici, en quelques mots, ce que nous pouvons en raconter. Ces
débris appartiennent à des tiges de fougères arborescentes,
ayant pour caractères des cicatrices allongées, espacées,
disposées en forme dé rhombes, laissant voir aux cicatrices les
traces des faisceaux vasculaires ressemblant à un fer à cheval,
que les auteurs de la monographie ont placés dans le genre
Caulopteris, pour les
distinguer des fougères à souches horizontales, à pétioles
persistants et disposés en spirale, auxquelles ils ont donné le
nom de Cottaea,.
Avant de parler de ces fragments de tiges, nous croyons qu'il
sera utile de décrire aussi l'aspect des terrains dans lesquels
ils étaient enfouis depuis un temps qu'on ne saurait déterminer.
La carrière où le Caulopteris a été découvert, se trouve située
au nord-est de Baccarat, jolie petite ville assise dans la
vallée de la Meurthe.. Cette rivière a son lit creusé dans le
grès des Vosges qui forme sur les côtés des escarpements
surmontés par le grès bigarré. En allant de cette ville à la
colline qui renferme ces débris de végétaux fossiles, on marche
sur le grès vosgien, puis on traverse la jonction de ce grès et
du grès bigarré, pour arriver ensuite à un plateau, du haut
duquel on découvre un horizon magnifique et le paysage le plus
ravissant. On remarque à cet endroit, au milieu d'un joli
bosquet, emplanté d'arbres verts, d'arbustes et de fleurs
très-variées, l'excavation formée par la carrière où l'on
exploite une excellente pierre de taille servant à la
construction des édifices publics. Cette carrière laisse à
découvert des couches épaisses de grès d'un grain fin,
blanchâtre et parsemé de paillettes de mica. Au-dessous et entre
les stratifications se trouvent des lits d'un grès marneux
feuilleté, très-friable, renfermant des empreintes végétales
dont la couleur d'un brun jaunâtre, est due à la présence de
l'hydrate de fer qui s'y trouve en grande quantité.
On n'a jamais rencontré de coquilles dans les couches de ce grès
qui se prolongent vers le nord-est jusqu'à Phalsbourg, en une
zone étroite, continue, enclavée entre le grès vosgien et le
muschelkalk.
Pour compléter cette description, nous croyons qu'il ne sera pas
sans intérêt de donner un aperçu de la série des bans et de la
succession des couches qui composent cette localité, à partir de
la partie supérieure :
1° Terre végétale de qualité médiocre. 25 centim.;
2° Terre de sable mêlée de petits fragments de grès bigarré. 1 m
66 c ;
3° Feuilletage appelé calistenie par les carriers. 50 cm.
Dans ce lit ont été trouvées des portions de bois fossiles d'une
grande dimension.
4° Grès fin et blanc de bonne qualité. 8 m.
Vers le milieu de ce ban, la pierre est moins dure, elle est
fendillée, accidentée, sans doute par suite du retrait; mais à
la partie inférieure, elle acquiert une qualité remarquable.
5° Argile schisteuse, tendre, de couleur rouge et grise. 2m 33
c.
C'est sur cette couche qu'on a rencontré une espèce de votlzia
et les belles fougères que nous signalons.
6° Grès bigarré. 7 m.
Sa couleur est la même que celle du banc supérieur; il est
cependant moins dur et son tissu devient d'autant plus grossier
que l'on descend plus bas, c'est-à-dire que l'on est plus près
de son contact avec le grès vosgien.
La direction de ce dépôt de grès bigarré s'étend du sud au
nord-est parallèlement à l'axe de la chaîne, ses strates
s'inclinent du sud au nord, sous un angle de 4 degrés. Le
propriétaire de la carrière nous a assuré que la pente des lits
inférieurs ne s'éloigne pas davantage de la ligne horizontale.
Il nous resterait maintenant à donner nous-mêmes la structure de
ces curieux fossiles; mais la description qui été publiée par
MM. Schimper et Mougeot est tellement exacte que nous croyons
devoir la citer textuellement, afin de lui conserver sa clarté
et sa précision.
Nous prions ces habiles naturalistes de recevoir encore nos
remercîments pour l'emprunt que nous faisons à leur savant.
travail. C'est un hommage qui est dû à l'éminence de leur
savoir, et nous croyons qu'en reproduisant quelques-unes de
leurs observations, nous atteindrons plus directement notre but.
« Parmi les différents restes de cette espèce, trois troncs sont
d'une conservation si parfaite qu'on peut les supposer entiers;
vers le haut on y distingue parfaitement encore les bases
persistantes des pétioles, et vers le bas ils indiquent par une
légère obliquité que c'était là le point de contact avec la
terre. Les cicatrices sont parfaitement exprimées et se laissent
poursuivre sur les deux spirales obliques secondaires tout
autour de l'axe, ce qui fait qu'on peut en déterminer avec
exactitude la disposition numérique.
« La longueur moyenne du tronc doit avoir été de 25 à 30
centimètres, son diamètre de 4 à 5 centimètres, l'uniformité des
cicatrices fait supposer que c'était un tronc dressé et. que les
feuilles s'étalaient régulièrement de tous les côtés.
« Les spirales secondaires qui, vues de face, se dirigent à
droite, sont assez rapides et au nombre de 13; celles qui se
dirigent à gauche sont assez obliques et au nombre de 8; leur
angle d'intersection forme presque un angle droit. Les
quinconces constituent des rhombes allongés dans le sens de
l'axe de la tige, leur diagonale longue varie de 14 à 16
millimètres et la diagonale courte, de 10 à 12 millimètres. Ces
longueurs relatives, du l'este, sont fort peu constantes. Les
cicatrices pétiolaires elles-mêmes sont arrondies, ovales,
limitées par un sillon qui parait répondre à la partie ligneuse
ou vasculaire du pétiole; ce sillon est entouré par un
bourrelet; le milieu du disque est occupé par un mamelon
tronqué, présentant un sillon en demi-lune, plus ou moins
exprimé. La proéminence presque cylindrique qui se voit au
centre, est sans doute un reste de la masse qui remplissait
l'axe creux du pétiole.
« Aucun échantillon de notre Caulopteris portant des feuilles, n'ayant encore été rencontré, nous n'osons faire aucune
conjecture sur l'espèce qui pourrait y avoir appartenu. Les
seuls débris foliacés de fougères bien caractérisées qui aient
été observés dans les carrières de Baccarat, sont ceux de l'Anomopteris
Mougeotii. Or, il est impossible que les rachis de ces feuilles
gigantesques aient laissé des cicatrices aussi petites que
celles qui recouvrent la tige qui nous occupe. »
Dans l'énumération que nous allons faire des autres restes
fossiles, inconnus, extraits de la carrière de Baccarat, il ne
sera pas question de ces débris de l'Anomopteri sMougeotii que
je n'ai pu observer ni sur les lieux, ni dans la collection de
M. Hasselot qui cependant met le plus grand soin à recueillir
tout ce qui paraît intéressant ; d'où il résulterait que jusqu'à
présent, l'Anomopteris Mougeotil, n'aurait pas été observée
dans cette localité, et que les débris du genre Voltzia qu'on y
rencontre entre la quatrième et la cinquième couche, auraient
été confondus avec les feuilles de cette superbe fougère.
Nous citerons un échantillon complet _ et vraiment magnifique du
Caulopteris Voltzii, savant géologue qui, Je premier, a fait
connaître ce fossile;
Un roseau de grande dimension, auquel le savant Joeger a donné le
nom de Calamites arenaceus;
Un échantillon de Voltzia brevifolia parfaitement conservé ;
Une empreinte ressemblant à une touffe coronale de Yuccites ;
Une espèce de fougère grosse comme un oeuf, ayant la forme d'une
poire légèrement aplatie; elle a la surface couverte de petites
cicatrices triangulaires, enfoncées, entourées d'un bourrelet,
rapprochées et disposées en spirales obliques autour de l'axe de
la tige. Ce fossile diminue sensiblement de grosseur aux deux
extrémités dont l'une laisse apercevoir le collet de la racine
et l'autre la terminaison de la tige. Cette petite fougère a
beaucoup de rapport avec le genre Zamia des Cicadées (1);
Une empreinte de fougère dont les cicatrices sont surmontées
d'une élévation conique aplatie latéralement, et disposées en
quinconces allongés et alternes (2);
Une cicadèe avec une touffe de feuilles à son sommet,
Une empreinte de fruit ovale aplati, très-difficile à
déterminer;
Enfin des bois fossiles d'une assez grande dimension, des
fragments de Yuccites et de plantes de la famille des
équisétacées (3).
Ces différentes espèces et celle de notre Caulopteris sont
complètement éteintes aujourd'hui; elles ont paru vivre dans nos
contrées à une époque où la température chaude et humide donnait
lieu,
d'après M. Brongniart, à une végétation analogue à celle des
îles des régions équinoxiales du globe. Doit-on assigner pour
cause de sa disparition, le refroidissement de la température de
notre continent? N'en existe-t-il pas une plus puissante à
laquelle on pourrait l'attribuer ? Nous allons nous permettre
ici une simple conjecture que nous donnons sans prétention
aucune; ainsi les terrains secondaires semblent avoir été formés
lentement par des dépôts de couches successives de matériaux qui
paraissent tirer leur origine de la désagrégation des roches
primitives. Ces amas de gravier et d'argile se seraient
solidifiés par la précipitation au moment de l'évaporation des
eaux ou de leur retrait, et alors tous les corps organiques
qu'ils contenaient ou qui végétaient sur les terrains envahis
par la mer, auraient été enveloppés dans leur masse énorme;
c'est donc là qu'ils auraient été changés en pierre par voie
mécanique ou chimique aidée de l'action du temps. Les géologues
ont émis à cet égard, différents systèmes que nous ne voulons
point discuter ici .. Notre unique but en publiant cette
esquisse a été de populariser la connaissance de quelques
plantes fossiles que nous avons été assez heureux de découvrir
dans nos contrées.
(1) L'état de conservation de cette petite ltge
ne permet pas d'en étudier l'organisation. Elle semble
appartenir à un jeune bulbe de Caulopteris, peut-être à
l'espèce que nous avons appelée micropeltis. (Note du docteur
Ant. Mougeot.)
(2) C'est une empreinte de notre Caulopteris Voltzii. (Idem.)
(3) On voit par cette énumération exacte et minutieuse de tous
les fossiles végétaux trouvés jusqu'à présent dans les carrières
de Baccarat, qu'il ne s'y rencontre aucune fronde de fougère
connue.
Le C. arenalcus des rameaux de Voltzia ee des fragments de ces
conifères, les tiges bulbeuses des C. Vol tzii et Lesangeana,
avec des touffes de feuilles de Yuccites, voilà de quoi se
composait cette végétation: or n'est-il pas déjà présumable
d'après ce, seul aperçu que les feuilles que nous avions
comparées à celles des Yucca appartiennent plutôt aux tiges
remarquables qui font le sujet de ces observations qu'à toute
autre tige monolotyledonée, dont on n'a jusqu'ici découvert dans
les carrières aucun vertige ?(Note du docteur Ant. Mougeot.)
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