Reconstruction
- 1921-1931
Voir aussi
La
reconstruction dans l'arrondissement de Lunéville - 1923
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
15 septembre 1921
Les grands travaux de
l'Entreprise
L'extrême abondance des adjudications ne nous, a pas
permis, dans notre dernier numéro, de faire passer notre
chronique locale et régionale, à notre plus vif regret.
Aujourd'hui nous laissons de côte l'article préparé sur
les questions du jour concernant l'entreprise et le
crédit à la petite propriété, pour parler très
brièvement des grands travaux annoncés - et déjà amorcés
- par le gros emprunt de 15 millions pour les églises
dévastées du diocèse de Nancy
Cet emprunt a été largement et rapidement couvert et
nous croyons savoir que ces 15millions - sur les 50
nécessaires - vont servir incessamment à rendre au culte
toutes les églises réparables de la région.
Les. crédits ouverts à chaque coopérative serviront à
entretenir les chantiers, et donneront ainsi du travail
assuré à nos entrepreneurs et aux ouvriers de nombreux
corps de métiers.
Il importe, avant tout et par tous les moyens,
d'empêcher l'arrêt des travaux dans nos campagnes, la
désertion des chantiers et le chômage forcé de nos
ouvriers.
C'est ce qu'ont très bien compris les promoteurs hardis
de cet emprunt. L'argent étant disponible, ils vont en
faire la répartition, d'accord avec la Préfecture et les
Coopératives des églises, entre les communes qui ont
adhéré à la Fédération.
Ce sont les communes suivantes, comprises dans les
certificats globaux provisoires du Ministère des Régions
libérées et dans les conventions d'annuités du Ministère
des Finances :
Abaucourt, Armaucourt, Arracourt, Arraye,
Audun-le-Roman, Bathelémont, Beaumont, Bernécourt, Bey,
Bezange, Bouxières-sous-Froidmont, Brin, Bures, Chambley,
Charey, Chazelles, Chenicourt, Clémery, Domèvre-sur-Vezouse,
Dommartin, Doneourt, Euvezin, Fey-en-Haye, Gerbéviller,
Hagéville, Halloville, Hamonville, Harbouey, Herbéviller,
Jeandelize, Laix, Leintrey, Létricourt, Leyr, Limey,
Magnières, Manoncourt-sur-Seille, Moncel, Montreux,
Morville, Mouacourt, Mousson, Neuviller, Nonhigny,
Pannes, Parroy, Parux, Phlin, Port-sur-Seille, Prény,
Raucourt, Réchicourt, Reillon, Réméréville, Rouves,
Serres, Sainte-Geneviève. Saint-Julien, Thiaucourt,
Vaucourt et Xousse.
Avant de commencer les travaux de ces 63 églises, des
formalités doivent être remplies et des études sérieuses
faites par les architectes et les entrepreneurs.
Mais, dès aujourd'hui, nous tenons à bien prouver qu'il
y a « du pain sur la planche » et que, d'ici peu, les
grands travaux de reconstruction seront commencés dans
toute l'étendue du département de Meurthe-et-Moselle.
Ce sera bénéfice pour tous.
20 novembre 1921
L'Union des Coopératives de Reconstruction
L'assemblée générale de l'Union des Coopératives de
Reconstruction de Meurthe-et-Moselle, qui ne s'était pas
tenue depuis le mois de mars 1921, a eu lieu lundi
dernier, dans l'une des Galeries Poirel, sous la
présidence de M. le chanoine Thouvenin, assisté de MM.
Michaut, sénateur ; Marin, député ; Gustave Simon,
président du Syndicat des Entrepreneurs.
Dans la salle, très remplie, nous avons remarqué nombre
d'architectes et d'entrepreneurs de Nancy et de là
région.
Après les excuses de personnages officiels et les
congratulations d'usage - rhubarbe et séné de tout
groupement d'hommes aux honneurs - M. l'abbé Paul Fiel,
secrétaire, a lu, d'une voix chaude, son rapport sur la
situation de l'Union coopérative des régions dévastées.
Il ressort de ce rapport que notre département est en
avance de deux ans sur les autres régions libérées, que
la confiance règne, absolue, entre toutes les parties de
la reconstruction et que le but des coopératives est de
grouper les architectes et les entrepreneurs, pour faire
sortir de leurs ruines, nos bourgades et villages
dévastés.
Oeuvre gigantesque à coup sûr... mais oeuvre qui se fait
et se fera, puisque, en 1922, notre département sera - à
peu près - reconstruit.
M. Loucheur avait dans ce but (ah ! le bon apôtre... et
nous l'avons dit à ce moment-là !) promis 23 millions
par mois pour la reconstruction en Meurthe-et-Moselle !
Cette somme a été réduite à un total de 111 millions,
qui ont servi à payer, purement et simplement, l'arriéré
de 1920 (sic !).
Grâce à l'énergie du chanoine Thouvenin, on put obtenir
20 millions, grâce à des opérations financières et aux
obligations sexennales.
L'Etat en affecta, au dire de M. de Mahuet, trésorier de
l'Union,: 17 millions et demi pour la reconstruction non
industrielle, en vue de liquider le passé, et dont le
remboursement pouvait se faire avec des titres
d'emprunts de l'Etat Ces obligations sexennales sont
donc de véritables Bons de la Défense nationale ou mieux
du Travail national. Les entrepreneurs les ont acceptées
par patriotisme, comme mode de paiement.
M. Gustave Simon, très applaudi, dit que le montant des
Obligations sexennales s'élève ou s'élèvera pour
Meurthe-et-Moselle à 60 millions en tout, 56 millions
affectées à la reconstitution non industrielle, dont 14
millions aux isolés et 42 millions aux coopératives. Sur
323 millions à dépenser en 1922, il y aura 260 millions
à répartir en obligations.
Le Syndicat des Entrepreneurs met en vente les
obligations sexennales.
M. Simon assure que l'organisme créé dans ce but, grâce
à la publicité faite, a atteint presque entièrement son
but, puisque l'ensemble des obligations sont souscrites.
Un million (sur les trois demandés) a été vendu à la
Coopérative des églises dévastées. D'autres sociétés en
réclament encore, ainsi que les Caisses d'épargne, dont
M. Didelon se fait alors le fougueux apologiste.
M. Simon dit que les entrepreneurs peuvent vendre
eux-mêmes ces obligations qui sont d'un excellent
rapport.
L'assemblée passe ensuite à la grosse et importante
question des avances en nature aux coopératives,
matériaux chez les fournisseurs du Ministère des Régions
libérées et matériaux allemands.
M. Jacquemin fait un très long mais très compliqué
rapport sur ce sujet. Ce rapport est ardu... il y est
parlé des accords de Wiesbaden entre Loucheur et
Rathenau, du rôle des architectes et des entrepreneurs,
d'un double organisme français et allemand à créer pour
ces échanges de matériaux, etc.
Ce que l'on a retenu de ce rapport, c'est qu'il y a
quatre sortes de matériaux à utiliser : 1° dans les
divers magasins de la zone dévastée (matériaux en stock
à solder) ;
2° Une quantité infinie de matériaux commandés, à grands
frais, par le Ministère des Régions libérées, matériel
tout neuf;
3° Fournitures allemandes surtout en bois ;
4° Matériaux disponibles fournis en nature par
l'Allemagne.
Tout cela est très beau en théorie... mais que
difficultés de tout genre pour les sinistrés et les
entrepreneurs, les communes et les coopératives, le jour
où il faudra entrer en possession de ces divers
matériaux.
Et surtout que de paperasseries en perspective, que de
bureaucrates à payer grassement !
Nous reviendrons sur toutes ces questions, qui sont du
plus grand intérêt actuel.
Mais ce bloc enfariné Loucheur-Rathenau ne nous dit rien
qui vaille, et il nous semble, à nous et à beaucoup
d'entrepreneurs présents à l'assemblée, que le vieil
adage du fabuliste est plus vrai que jamais.: «
Aide-toi, le Ciel t'aidera ! ».
Tous ces beaux parleurs des ministères et des
préfectures plaident d'abord pro domo... les sinistrés
auront à se partager ce qu'ils pourront... s'il en
reste.
C'est le mot de la fin de cette assemblée... où les
muets avaient raison, mais n'osaient le dire..
E.B.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
27 novembre 1921
La Reconstitution
L'autre jour, par devoir professionnel, j'ai donc
assisté à cette Assemblée générale de l'Union des
Coopératives de reconstitution du département de
Meurthe-et-Moselle.
On y a beaucoup parlé, beaucoup lu de rapports, beaucoup
discuté dans le vide.
Des fonctionnaires de l'Etat exaltaient la toute
puissante vertu de l'Etat-patron, industriel et
commerçant; avec une fougue et une grandiloquence dignes
d'un meilleur sort, des parlementaires faisaient à leur
tour le procès de l'Etat, pendant, qu'amènes et
souriants, des ecclésiastiques paraissaient optimistes
en répétant la seule phrase de circonstance : «
Aide-toi, le ciel t'aidera ! »
Il a semblé à tous que les paroles les plus justes et
les plus exactes avaient été prononcées par M. Gustave
Simon, au nom du Syndicat des Entrepreneurs de la région
lorraine.
M: Gustave Simon ne se perd pas en considérations ni en
vagues hypothèses ; il sait ce qu'il veut et il le veut
bien... et. il a prouvé une fois de plus qu'il était un
véritable homme d'action, ne se payant ni de mots, ni de
promesses ministérielles.
M. Simon a déblayé tout d'abord le terrain des
obligations sexennales, en montrant que l'organisme
spécial créé par le Syndicat des Entrepreneurs, pour
valoriser immédiatement ces millions d'obligations
sexennales, avait -vite et bien - mené son oeuvre à
bonne fin.
Il faut de l'argent aux entrepreneurs pour acheter les
matériaux et payer la main d'oeuvre ; il convient donc
que les obligations sexennales soient immédiatement
converties en billets de monnaie courante, si l'on veut,
que la campagne de 1922 soit efficace et productive.
On vient nous dire que l'Etat a mis cette année 237
millions d'obligations sexennales entre les mains des
sinistrés pour payer l'entreprise.
C'est quelque chose assurément... mais ce n'est pas
assez, et ce n'est pas cela, avec toutes les
chinoiseries administratives qui compliquent, les
travaux des entrepreneurs, les plans des architectes et.
viennent assommer littéralement les pauvres sinistrés
qui n'y comprennent plus goutte.
Il fallait, entendre les doléances si justifiées de ces
représentants autorisés des coopératives de
reconstruction. Beaucoup sont découragés et veulent
donner leur démission.
On leur cite des cas exceptionnels de rapide
reconstruction : Vitrimont (l'or américain),
Sainte-Geneviève, Ancerviller, etc.
Sans doute... mais les hommes énergiques et habiles qui
siègent au bureau des Coopératives, se sont d'abord
remués pour leur petite patrie et. ont obtenu largement
les fonds nécessaires à ces importantes reconstitutions.
Qui pourrait les en blâmer?
D'aucuns maugréaient à. l'assemblée et disaient : «
Honneurs et. Profits ! » C'est aller un peu loin.
L'humanité est toujours la même, et ces Messieurs
coopérateurs ont voulu mélanger l'intérêt particulier à
l'intérêt général.
Mais la grosse question- qui sera résolue comment ?-
question jugée très grave par M. Gustave Simon, est
celle des matériaux. On a vu ce qu'en a dit. M,
Jacquemin. C'est très élastique et surtout cela est bien
compliqué.
On avait cru, sur la foi des accords Loucheur-Rathenau à
Wiesbaden, que l'Allemagne allait nous fournir
gratuitement, et à titre de paiement en nature de ses
132 milliards de dettes, tous les matériaux dont
la-France avait besoin pour sa reconstitution
industrielle, immobilière ou agricole.
Si l'on a bien compris les discussions de
l'Assemblée,... nos entrepreneurs devront acheter ces
matériaux en Allemagne... à un prix moindre qu'en
France, c'est entendu... et alors, ce sera la fermeture
forcée de nos usines.
M. Simon l'a affirmé avec vigueur.
Il y a en France des stocks innombrables de marchandises
achetées par l'Etat - sans parler des- stocks
américains, gaspillés comme on sait - et ces stocks vont
être vendus par l'Etat à des prix inférieurs... comme
toujours.
L'Allemagne payera... ne cesse-t-on de nous dire, dans
les discours ministériels, préfectoraux, parlementaires,
etc. Payer quoi et comment, puisqu'elle parle de faire
faillite à sa créance ?
Non, l'Allemagne ne payera pas... ou si peu.
On l'a bien vu jusqu'à présent... et nous sommes même
contraints d'inscrire au budget de la guerre (6
milliards !) une forte somme pour l'entretien des
troupes d'occupation en Rhénanie et en Cilicie.
En attendant.que, dans dix ou quinze ans- peut-être -
les alouettes tombent toutes rôties du ciel boche, sous
formes d'indemnités, de pensions, de dommages de guerre,
débrouillons-nous comme nous pourrons, et travaillons de
notre mieux à toutes les oeuvres de reconstitution de
nos régions dévastées.
Que tel ou tel département se recueille et attende la
manne gouvernementale, c'est son affaire ! Nous autres,
ici, allons de l'avant et oeuvrons sans relâche, imitant
l'initiative hardie et féconde de l'oeuvre des églises
dévastées, demain celle des écoles et des mairies;
remuons-nous, trouvons de l'argent par emprunts, par
prêts, par pression constante sur le Gouvernement.
Mais avant tout agissons, vite et bien.
Les entrepreneurs lorrains ont montré les premiers
l'exemple et ont ainsi prouvé ce que peuvent l'audace;
la ténacité, le labeur sans trêve ni relâche.
Ils sont loin d'être au bout de leurs moyens d'action...
la réussite de la valorisation immédiate des obligations
sexennales en est une magnifique preuve.
C'est à eux, à leurs architectes connus, à tous nos gens
de métier et de bâtiment, que les sinistrés doivent
avoir recours, sans passer - ou le moins possible - par
toutes ces complications administratives qui entravent
le travail par des circulaires se contredisant toutes
les semaines.
Le mot de la fin, le voici... cueilli à la sortie :
« Je voudrais, disait un gros sinistré de la région de
la Seille, que le Ministère des Régions Libérées soit au
diable, avec tous ses fonctionnaires, qui drainent pour
leurs énormes traitements le plus gros des ressources de
la reconstruction !»
Beaucoup de sinistrés et d'entrepreneurs lorrains seront
évidemment de cet avis.
ÉMILE BADEL.
Les voeux suivants ont été adoptés par l'Assemblée des
Coopératives de reconstruction :
« Considérant que l'expérience a démontré que l'Etat ne
peut être ni constructeur, ni fabricant, ni acheteur, ni
même détenteur de stocks, l'assemblée émet les voeux
suivants : a) Que les magasins de l'Etat ne se
réapprovisionnent plus en quoi que ce soit ; b) Que les
stocks existants soient liquidés, au plus tôt, notamment
par des cessions aux coopératives de reconstruction, aux
sinistrés, et même à tous les acheteurs indifféremment ;
c) Que pour les matériaux de construction, les
entrepreneurs achètent directement chez les fournisseurs
de l'Etat les matériaux ouvrés.
Considérant que, en Allemagne, les usines, les
manufactures et les forêts sont intactes, l'assemblée
émet le voeu que, grâce à une souple réglementation des
bons de cession, les entrepreneurs des coopératives et
leurs fournisseurs, groupés eu syndicat ou non,
commandent directement en Allemagne les matériaux non
ouvrés, et même parfois ouvrés, nécessaires à une
prompte reconstruction des bâtiments détruits par la
guerre. »
« Que pour les matériaux demandés par les coopératives
avant le 15 décembre, le prix de facture soit celui en
vigueur à la date où les matériaux seront effectivement
expédiés par les fournisseurs du ministère dés R.L.,
conformément aux demandes des acheteurs ; les dates
d'expédition devant, en tous cas, être fixées dans les
trois mois à compter du jour de la remise de la commande
au ministère. »
Rendant compte de cette importante assemblée de nos
sinistrés de Meurthe-et-Moselle, le Bulletin de la
Banque Renauld apprécie ainsi l'effort lorrain :
« Présidée par M. le chanoine Thouvenin, cette réunion
aurait pu donner à un observateur étranger l'aspect le
plus complet, du tempérament lorrain.
Fierté légitime des résultats obtenus, désir énergique
de poursuivre la tâche jusqu'au bout : voilà ce qui se
dégage du beau rapport de M. l'abbé Fiel
Recherche de l'effort utile, élimination des mouches de
coche, coordination de toutes les bonnes volontés,
officielles ou bénévoles, et surtout un profond bon sens
: voilà ce que reflète la discussion, parfois serrée,
toujours sérieuse et féconde en utiles suggestions.
Dans le beau pays de France, il n'est pas de plus beau
pays que le beau pays meurtri de Lorraine. »
Nous souscrivons entièrement à ces conclusions de notre
grand confrère financier, qui aurait pu
ajouter-toutefois « que les Lorrains (et non les
étrangers), sont plus qualifiés que quiconque pour
reconstituer leur beau pays de Lorraine, dans tous les
ordres de reconstitution. »
On l'oublie trop en haut lieu.
Toujours concernant cette si importante question de la
reconstruction, voici deux notes officielles très
intéressantes :
« Le groupe des maires des communes dévastées a tenu son
assemblée générale à Paris. Il a été décidé de créer un
Syndicat de Communes selon la loi de 1834, pour émettre
un emprunt important, dont la première tranche serait
réservée à la reconstruction des bâtiments scolaires et
hospitaliers.
M. Loucheur, recevant les délégués des Maires, a
approuvé leur initiative et leur a demandé de lui
fournir dans la quinzaine des indications précises. Il
espère pouvoir mettre à leur disposition les crédits
nécessaires. Parlant du délai de reconstruction, il a
déclaré qu'il entendait que tout fût fini dans 6 ans,
mais qu'on ne pouvait raisonnablement espérer,
l'abréger. »
« M, Loucheur,. ministre des Régions libérées, vient de
déposer un projet de loi tendant à faciliter
l'application des dispositions sur le paiement par
annuités des indemnités de dommages de guerre.
Aux termes de ce projet, tout sinistré ou groupement de
sinistrés dont le montant de l'indemnité a été fixé,
peut obtenir le paiement par annuités (15 à 30) si la
somme fixée est au moins de 200.000 fr.
Le projet dispense de l'autorisation du tribunal civil
pour la délégation des titres définitifs aux groupements
constitués pour lancer des emprunts gagés sur les
annuités. »
Malheureusement, il faut bien l'avouer, beaucoup
d'entrepreneurs, beaucoup de sinistrés, n'ont plus guère
confiance dans les paroles dorées et les promesses trop
faciles du ministre Loucheur. Des actes vaudraient
beaucoup mieux !
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
15 janvier 1922
La Coopérative des
églises. - La Commission diocésaine des Monuments
religieux, s'est réunie le 22 décembre, au siège social
de la Coopérative.
Elle a accepté définitivement les projets de
reconstruction des églises de Bures, Magnières et
Réchicourt-la-Petite, que M. l'abbé Munier va présenter
à l'approbation du Comité départemental des Bâtiments
civils.
Elle a examiné des avants-projets pour les églises de
Chambley (2e examen), Chazelles (2e examen), Parroy,
Parux, Thiaucourt, et Vaucourt. Diverses observations
ont été formulées, qui seront transmises aux
architectes.
Depuis le 1er janvier, M. l'abbé Munier reçoit au siège
social de la Coopérative (6, rue Léopold-Lallement), le
vendredi, de 10 heures à midi, MM. les architectes qui
auraient des communications à lui faire au sujet des
projets d'églises.
C'est également au siège social de la Coopérative que
doivent être adressés les projets et toutes les pièces
administratives.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
29 janvier 1922
Pour les Églises
dévastées
L'assemblée générale de la Coopérative de reconstruction
des églises dévastées du diocèse de Nancy et de Toul
s'est ténue la semaine dernière dans une des galeries
Poirel, sous la présidence de Mgr de la Celle, assisté
du sénateur Michel, du chanoine Thouvenin. le deus ex
machina et d'un secrétaire-général de la préfecture.
55 communes sur 73 inscrites à la Coopérative étaient
représentées. Dans l'assistance, nous avons remarqué de
nombreux architectes et entrepreneurs, qui n'attendent
que le moment voulu pour commencer les travaux, malgré
toutes les entraves et chinoiseries administratives.
Le chanoine Thouvenin a signalé toutes ces formalités,
qui feraient reculer les plus intrépides constructeurs,
s'il n'y avait pas l'urgente nécessité.
Comme si le moindre clerc ne savait pas tout ce qu'il
faut pour construire une église convenable et pratique !
Mais non! Il faut commissions sur commissions, civiles,
religieuses, cantonales, préfectorales, etc., etc. C'est
la misère pour nos braves architectes et pour nos
entrepreneurs, énervés par toutes ces chinoiseries.
M. l'abbé Fiel, secrétaire de la Coopérative, a-fait
l'historique de l'année écoulée et de l'emprunt de 15
millions (en plus de 280.000 francs de dons et un
prochain héritage) couvert en six semaines. Un autre
emprunt doit avoir lieu cette année pour les écoles et
mairies détruites en notre département.
On assure que les travaux vont être entrepris pour les
églises de Gerbéviller. Clémery, Ancerviller et
Halloville.
Un emprunt collectif est lancé actuellement à Paris pour
les églises des autres diocèses dévastés. M. le chanoine
Thouvenin a donné lecture de l'état financier de l'oeuvre
et M. le sénateur Michel â assuré la Coopérative de
toute la sympathie de nos parlementaires.
M. Didelon a affirmé qu'il y avait au moins pour 5
millions de dégâts aux seuls bâtiments départementaux,
en dehors dés églises.
Le chanoine Thouvenin espère que les accords de
Wiesbaden joueront cette année et que l'on pourra
obtenir pour 4 ou 5 millions de produits en nature
allemands.
Sera-ce gratuitement ? Il y a lieu de l'espérer sans
trop y croire. Qu'on se rappelle la récente assemblée
des sinistrés de Meurthe-et-Moselle. Il faut agir...
mais avec des garanties sérieuses et efficaces !
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
12 mars 1922
L'Exposition des
Régions Dévastées
Ce fut pour beaucoup de visiteurs une véritable
révélation au cours de cette première semaine. On
n'aurait jamais cru à tant de dégâts tout d'abord, à
tant d'efforts sérieux ensuite pour la reconstitution de
nos villages. Seulement - de l'aveu de bien des gens -
il aurait fallu, pour qu'une telle exposition fût
complète, que l'on s'adressât à toutes les compétences,
à tous les architectes et artistes lorrains, à tous nos
industriels, à nos sculpteurs, à nos peintres-verriers,
à nos écrivains et auteurs... au lieu d'appeler tant
d'étrangers à la rescousse.
On voit bien, des maquettes de statues, de monuments, de
villes, d'églises, de vitraux... mais de qui sont ces
maquettes et ces dessins ? Où sont les oeuvres des
Janin, des Benoît, des Robert, des Huel, des Finot, des
Burlin, etc.? Qui donc a-t-on convoqué - des gens de
chez nous - à cette importante manifestation de la
reconstitution? Ces réserves faites (elles nous ont été
soumises par nombre d'artistes et de praticiens qui,
sans doute ne sont pas persona grata dans les fameux
bureaux de la Préfecture et des Régions libérées), il
convient de dire que l'Exposition de la Salle Poirel qui
a rempli entièrement les trois galeries et qui fermera
ses portes le 20 mars est une leçon de choses bien
intéressante.
Il faudrait presque un volume pour raconter cette
Exposition par le détail. Plusieurs numéros de l'lmmeuble
n'y suffiraient pas, et nous devons nous borner et
résumer en quelques lignes cet ensemble artistique,
architectural, documentaire.
Les murs des galeries sont tapissés de plans, de
tableaux, de cartes, de pièces de recensement, etc. On a
pu se rendre compte ainsi des désastres causés et des
travaux déjà accomplis depuis trois ans, malgré les
entraves des commissions cantonales, des services
administratifs, contre lesquels ne cessent de protester
architectes et entrepreneurs... et surtout ministres.
Ou a vu comment le maire de Pont-à-Mousson a reçu
l'autre jour M. Charles Reibel,l'actuel ministre des
Régions libérées, lui demandant s'il y avait aujourd'hui
deux catégories de Français, s'il y avait des sinistrés
de droite et des sinistrés de gauche, et lui rappelant
que certaines commissions cantonales- cette invention
plus que stupide - traitaient les sinistrés en
véritables accusés. Que n'a-t-il pas dit également
contre le malheureux sort réservé aux isolés,
c'est-à-dire aux milliers et milliers de sinistrés qui
ne veulent pas passer par les fourches caudines des
Coopératives ?
De ces Coopératives de reconstruction, les uns en disent
beaucoup de bien, en font la panacée universelle et
comme le pivot de l'avenir de la bâtisse. Soit, et nous
ne contredirons pas les personnes très autorisées qui
ont bien voulu nous montrer les avantages de ces
Coopératives. Mais qui n'entend qu'une cloche n'entend
qu'un son... et beaucoup d'isolés de Meurthe-et-Moselle
- et non des moindres - sont venus nous déclarer que les
Coopératives étaient le fléau et le poison des
sinistrés.
Nous ne savons plus auquel entendre.
Il est certain qu'il y a du vrai dans la défense et dans
la critique. Ne connaissant pas M. le préfet de
Meurthe-et-Moselle, ne l'ayant jamais vu ni rencontré
nulle part, nous n'avons pu connaître son opinion à ce
sujet ni celle de notre jeune ministre qui, cependant, à
la Chambre, a paru, défendre les droits des isolés, tous
si intéressants et si sincères en leur fière
indépendance.
Pour en revenir à notre Exposition des Galeries Poirel,
nous y avons vu surtout l'effort des architectes se
traduisant par des plans de villages, d'écoles,
d'églises, de mairies. Il y a même un très beau plan en
relief du futur Longwy-Haut, dû à M. Le Bourgeois, qui
est un petit chef d'oeuvre.
J'avoue que les tableaux si instructifs de la première
galerie ont longuement retenu mon attention. Tout
serait, à publier, tout serait matière à de nombreux
enseignements. C'est l'histoire de toute la
reconstitution de notre département ravagé ; c'est la
balance de ce qui existait en 1918 et de ce qui est en
1922. Tâche énorme.et qui fut l'oeuvre des maires, des
curés, des architectes et des entrepreneurs de chez
nous.
On doit s'incliner bien bas devant de pareils résultats
et, malgré tant de justes critiques adressées par les
sinistrés aux bureaux de la Préfecture, il convient,
d'admirer ce travail de synthèse, accompli par les
services d'architecture de cette même préfecture.
A la Galerie centrale de l'Exposition, on se croyait
revenu aux beaux jours des Salons de peinture. Il y
avait là tant de panneaux artistiques de nos
architectes.
On a beaucoup admiré les projets d'églises de Jules
Criqui, passé maître en la matière, la reconstitution de
Longwy, certains cartons de vitraux, à côté d'autres,
plutôt fantaisistes.
Nous avons remarqué également des oeuvres fort
intéressantes des architectes Hornet,Cordier et Simonin,
de Lunéville, Moitrier, J. Pilain, Deville,- Durieux,
André, Marchal,. Mienville, Boileau, Rougieux, Thiébaut
Berg, Schreiner, Vally, Fernand César, de Nancy, Varin,
de Longuyon, Villemont, de Domèvre-sur-Vezouse, et des
entreprises Giovannini Vercelli, Gayet et Fauvet,
France-Lanord, etc.
Toutes ces oeuvres témoignent d'une grande maîtrise et
d'efforts, considérables.
La troisième Galerie était une véritable exposition
industrielle : meubles élégants de Majorelle, vases de
Daum, de Gallé, grès de Mougin, faïences de Longwy et de
Badonviller, cristaux de Nancy, etc.
Nos industries du fer avaient également envoyé de
beaux-spécimens de leurs produits : Pompey, Perbal de
Dombasle, Dieulouard, Joeuf, même du chocolat, même des
cornets et bibelots de Mazerand, de Cirey, etc.
En somme cette belle exposition à montré ce qu'était
notre département il y a.dix ans, ce qu'il est
aujourd'hui et ce qu'il aspire à redevenir bientôt, sous
l'impulsion puissante de nos architectes, de nos
artistes, de tout le monde de l'entreprise et du
bâtiment, sans oublier les admirables conseils
municipaux de ces pauvres régions dévastées.
Je m'en voudrais d'oublier aussi les grands panneaux des
églises dévastées du diocèse de Nancy, qui appartiennent
à l'Evêché et qui ont été prêtés gracieusement à cette
Exposition officielle.
A signaler également la très jolie et très confortable
« baraque » à quatre pièces, installée dans la galerie
centrale... et qui, modèle du genre, ne manque
naturellement de rien.
Des architectes nancéiens disaient, en la détaillant : «
Bien des ménages à Nancy seraient heureux d'en avoir une
pareille !»
Je suis entièrement de leur avis, car l'ensemble en est
porté à sa perfection... et, ma foi, l'on ne peut que
souhaiter le sort de tous nos sinistrés... si,
réellement, on les a dotés partout d'une pareille
demeure provisoire.
Ce serait bien le cas pour eux de retourner alors la
phrase célèbre : « Nous n'avons pas à chercher une
demeure future, car nous avons une habitation convenable
et qui satisfait tous nos désirs et nos ambitions ».
Espérons que M. le ministre Reibel tirera des
conclusions pratiques en visitant par le menu cette
exposition nancéienne et lorraine. Ce sera la meilleure
récompense de tous ceux qui ont coopéré à cette oeuvre
si intéressante et si vraiment utile.
EMILE BADEL.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
12 mars 1922
Liste des
Coopératives de Reconstruction approuvées dans le
département de Meurthe-et-Moselle
Chaque coopérative a généralement son siège social à la
mairie ; dans le cas contraire, où pour celles groupant
plusieurs commues, nous indiquons le siège social en
italique.
Abaucourt, Alamont, Amance, Amenoncourt, Ancerviller,
Angomont, Ansauville, Anthelupt-Hudiviller-Deuxville-Flainval
(mairie d'Anthelupt), Armaucourt, Arnaville, Arracourt,
Arraye, Athienville, Audun-le-Roman, Autrepierre.
Baccarat, Badonviller, Barbas, Bathelémont-les-Bauzemont,
Bayonville-Vandelainville (mairie de Bayonville),
Ban-de-Bazailles (mairie de Bazailles), Beaumont,
Bernecourt, Bey-sur-Seille, Bezange-la-Grande, Bionville,
Blémerey, Bonviller, Bonvillers-Mont (mairie de
Bonvillers), Bouillonville, Bouxières-aux-Chênes,
Bouxières-Lesménils (presbytère de Bouxières-s.-Froidemont),
Bréménil, Brin, Bruville, Bures.
Chambley, Champenoux, Champy-Vittonville (mairie de
Champey), Charey-Dommartin (mairie de Charey), Chazelles,
Chenicourt, Chenières, Cirey, Clémery, Coincourt,
Courbesseaux, Crevic, Cutry.
Dampvitoux, Deneuvre, Dieulouard, Domêvre-sur-Vezouse,
Domjevin, Domprix-Avillers (mairie de Domprix), Doncourt-Beuveille
(école de Doncourt), Doncourt-les-Conflans, Drouville.
Ecoles et mairies du département (préfecture de M.-et-M.
Nancy), Eglises du diocèse (26, rue Léopold-Lallement,
Nancy), Emberménil, Eply, Essey-et-Maizerais, Eulmont,
Euvezin.
Fenneviller, Fey-en-Haye, Fillières, Flirey, Fraimbois,
Fresnoye-la-Montagne.
Gerbéviller-Haudonville (mairie de Gerbéviller),
Glonville, Gondrecourt-Aix-Affleville-Bechamps (mairie
de Gondrecourt-Aix), Gondrexon, Grand-Failly,
Grosrouvres.
Hagéville-Champs, Halloville, Hamonville, Han-sur-Seille
(mairie de Arraye-et-Han), Hannonville-au-Passage,
Haraucourt, Harbouey, Hénaménil, Herbéviller-St-Martin,
Hériménil, Hoéville, Hussigny-Godbrange.
Igney.
Jarny, Jeandelincourt, Jeandelize, Jezainville.
Laître-sous-Amance, Landres, Laneuvelotte, Laneuveville-aux-Bois,
Lanfroicourt, Leintrey, Létricourt, Leyr, Limey,
Lironville, Lixières (n° 4, à Lixières, chez M.
Lombard), Longwy.
Maidières-Montauville, (presbytère de Maidières), Mailly-Phlin,
(mairie de Mailly), Maixe, Malavillers, Mamey, Mandres-aux-Quatre-Tours,
Manoncourt-sur-Seille. Mars-la-Tour, Mazerulles,
Migneville, Moivrons, Moncel-sur-Seille, Montigny,
Montigny-sur-Ghiers, Montreux, Mont-Saint Martin-Longlaville,
(Mont-Saint-Martin, chez M. Thomas), Mont-sur-Meurthe,
Motfontaine-et-Laix (mairie de Morfontaine), Morville-sur-Seille,
Mouacourt Mouaville, Murville.
Neuviller-les-Badonviller, Noers, (mairie de Longuyon),
Nomeny, Nonhigny, Norroy-les-Pont-à-Mousson.
Ogéviller - Reclonville- Fréménil (mairie d'Ogéviller),
Olley, Onville, Ozerailles.
Pagny-sur-Moselle, Pagny-sur-Mosëllë « La Pagnotine »,
(mairie de Pagny-sur-Moselle), Panne, Parroy, Parux,
Petit-Failly, Petitmont, Pierre-Percée;Pont-à-Mousson «
Fonderies», (bureau du président aux Fonderies),
Pont-à-Mousson « Saint-Jean » et Pont-à-Mousson «
Saint-Laurent» (mairie de Pont-à-Mousson),
Pont-à-Mousson, « Saint-Martin », (34, rue Gambetta,
Pont-à-Mousson), Port-sur-Seille, Preny, Puxieux.
Raucourt, Rechicourt-Juvrecourt, (mairie de Rechicourt-la-petite),
Rehainviller, Rembercourt-Jaulny (mairie de Rembercourt),
Remenoville, Rémérèville, (ancienne, école de
Réméréville), Remoncourt, Repaix, Rogéville, Romain,
Rouves, Rozelieures.
Saint-Ail, Saint-Baussant, Sainte-Geneviève,
Saint-Julien-les-Gorze, Saint-Marcel, Saint-Maurice;
Saint-Pancre-Gorcy, Saint-Pôle, Saint-Supplet, Sancy,
Saulnes, Seicheprey, Serres, Sornéville, Sponville.
Thézey-Saint-Martin, Thiaucourt, Thumeréville, Tronville.
Union des Coopératives, (6, rue Léopold-Lallement,
Nancy).
Val-et-Châtillon-Saint-Sauveur, (Mairie de
Val-et-Châtillon), Valhey, Vallois-Magnières, (mairie de
Vallois), Vandières, Vaucourt, Vého-Reillon, (mairie de
Vého), Verdenal, Viéville-Vilcey, (mairie de Viéville),
Villers-la-Montagne, Villers-les-Moivron; Villers-sous-Preny,
Ville-sur-Yron.
Waville-Villecey, (mairie de Waville).
Xammes, Xonville, Xousse.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
19 mars 1922
La 2e aux Architectes
Il nous faut revenir sur cette Exposition si
intéressante de la Reconstitution dans nos Régions
dévastées, car elle comporte de nombreuses leçons de
choses, à Nancy et ailleurs. Il y a d'abord-un hommage à
rendre à nos architectes lorrains - que nous avons cités
- et parmi lesquels tous les visiteurs ont distingué les
oeuvres si prenantes et si vivantes de MM. Charbonnier,
Deville, Mienville, Lavocat, Le-Bourgeois et Rougieux.
C'est ensuite un regret à formuler, regret très amer de
voir le peu d'empressement des Nancéiëns à visiter ces
galeries Poirel, pourtant gratuites et publiques tous
les jours.
On y rencontrait à peine une vingtaine de personnes au
cours des longues après-midi, alors qu'on aurait dû en
voir des centaines. Mais cette exposition était trop
sérieuse pour la masse qui n'aime que les jeux, danses,
sports et spectacles... tout, sauf ce qui est vraiment
intéressant et digne d'élever les esprits et les coeurs.
N'insistons pas sur ce pénible sujet dans le
détraquement universel où nous vivons et nous agitons...
in ipso movemur et sumus !
Il convient mieux d'exalter la haute maîtrise de nos
vaillants architectes nancéiëns et lorrains, qui ont
entrepris avec tant de foi et d'ardeur la reconstruction
dé nos pays en ruines, églises, écoles, mairies, maisons
de fermé ou d'habitation, etc.
Il faut donc s'arrêter longuement devant les plans de
reconstitution de Igney, Amenoncourt, Autrepierre, etc.,
si bien présentés par M. Lavocat.
J'ai déjà signalé et j'y reviens aujourd'hui avec
plaisir... les deux plans, magnifiques et complets, de
la reconstitution de Longwy. Cette vieille forteresse
lorraine, de l'extrême pointe de notre département de
Meurthe-et-Moselle, a été anéantie par un ouragan de
mitraille boche. Il faut la relever de ses ruines, pas
la forteresse, mais la ville haute, et créer une cité
moderne, une ville-type, là même où il y avait des
remparts, de vieux -bastions, tout un appareil militaire
des temps préhistoriques de Louis XIV et de Vauban.
C'est pourquoi il convient de féliciter les architectes
qui vont créer un Longwy tout neuf au sommet de l'éperon
jadis emmuré par Vauban.
M-. Le Bourgeois et M. Antoine ont exposé deux plans, un
en relief qui situe fort bien l'ensemble de toute
l'agglomération longovicienne, un autre à là sépia, avec
toutes les indications nécessaires, l'emplacement des
maisons, des monuments, des places publiques et des
larges avenues plantées d'arbres.
Voici la Mairie, le Palais de Justice, l'église
Saint-Dagobert II, roi d'Austrasie et fils de saint
Sigisbert; voici le Théâtre fort élégant, le Collège,
l'Hôpital, les Ecoles, même un Stade et un vaste terrain
des Sports, en dehors de la ville - Messieurs les
massacreurs de la Pépinière de Nancy.
L'ensemble de ce plan du futur Longwy séduit et charme
le regard, et l'on n'a guère l'idée de supputer le
nombre considérable de millions qu'il faudra pour
arriver à mener à bien ces projets grandioses. Pourtant
c'est bien à quoi il faudra songer avant même
d'entreprendre une seule levée de terre et la
construction du premier monument public.
On avait parlé des matériaux boches, des produits en
nature boches et de la main d'oeuvre boche:., mais,
d'une part, nos Lorrains et nos sinistrés n'en veulent
point... et ils ont bien raison... et d'autre part, les
fameux accords de Wiesbaden entre Loucheur et Rathenau
ne jouent pas... et ne joueront guère, a dit M.
Poincaré.
N'avons-nous pas assez de nos ouvriers français dans le
bâtiment et dans tous les métiers de l'entreprise?
Au lieu de dire un peu naïvement à la Chambre qu'il
manquait en France plus de 300.000 ouvriers du
bâtiment, le bon Charles Reibel aurait mieux fait dé se
renseigner auprès de nos divers Syndicats nancéiëns...
et il aurait vu qu'il faisait fausse route. Il a « tapé
» tant qu'il a pu sur les bureaux de son ministère, mais
il n'a supprimé aucun poste, n'a remercié aucun
budgétivore.
Aussi, tenons-nous de source sûre qu'une - dirons-nous
cabale ? non - certaine effervescence se produit chez
les sinistrés dits « isolés » contre le ministère des
R.L. et que M. le ministre Reibel pourrait s'en
apercevoir avant peu.
Pas de matériaux boches pour reconstruire, pas
d'ouvriers boches non plus, puisque nos entrepreneurs,
ont assez de main d'oeuvre française et italienne, assez
de gens expérimentés et bons travailleurs qui veulent se
donner tout entiers à la remise en état de nos régions
dévastées.
Pour en revenir à notre exposition et à nos architectes,
il y a lieu de signaler encore les intéressants projets
de fermes et établissements agricoles, les redressements
de villages lorrains (si faire se pourra!) les
remembrements de cadastre, etc.
Il y a aussi beaucoup de projets d'églises neuves. On
leur a fait le reproche de ne pas être assez dans le
style lorrain, de trop sacrifier à l'élégance, aux
fioritures. Ce reproche est assez fondé pour d'aucuns.
Les architectes qui ont dressé, ces beaux plans
d'églises d'humbles petits villages, ont-ils jamais su
ce qu'était une église de village, en ont-ils étudié le
symbolisme liturgique, en ont-ils jamais construit une
seule ? J'en doute un peu, envoyant certains projets
d'intérieur, certaines sacristies, plus vastes que la
moitié de l'église, certains clochers d'une élégance
raffinée et quelque peu grêle. Je sais bien qu'il faut
faire du moderne, ne pas toujours créer, du néo-gothique
à la Vautrin, ni du romano-byzantin qui ne cadre guère
avec le ciel de notre pays, témoins les églises
Saint-Nicolas et Saint-Mansuy de Nancy, très
intéressantes en elles-mêmes, mais pas de chez nous.
Une église de village ne comporte pas tant de splendeurs
architecturales. Il faut consulter les curés, les gens
qui pratiquent les églises, sans retomber cependant dans
ces pauvres églises-granges dont nos villages ont été
infestés après la guerre de trente ans et pendant tout
le 18e siècle.
M. Paul Charbonnier, qui est notre architecte
départemental et des Monuments historiques et qui
connaît tant de vieilles églises si intéressantes
pourrait, à cet égard, donner à ses honorables
confrères, bien, des renseignements et bien des conseils
expérimentés.
Refaites nos églises, Messieurs les architectes, mais
avec foi, avec art, avec amour et en vous inspirant
surtout des traditions de chez nous.
EMILE BADEL.
P. S.- Ces lignes étaient écrites lorsque nous avons
reçu une lettre de M. Deville, architecte en chef des
Régions libérées nous disant, qu'à son grand regret, il
n'avait pu obtenir le concours d'autres artistes
lorrains que MM. Prouvé, Colle et Gorre.
Nous le regrettons autant que M. Deville,.. mais si l'on
avait demandé directement à chaque peintre ou sculpteur
lorrain sa précieuse collaboration- par l'intermédiaire
de la Société des Artistes lorrains - tous l'auraient
accordée de grand coeur.
Nous pouvons dire que telle ou telle maquette de
Monument aux Morts de la Guerre: était prête pour la
Salle Poirel... si on l'avait demandée. Nous en parlons
certes assez souvent.
Quant à dire que le Ministère des Régions libérées, avec
ses innombrables, coûteux et inutiles services facilite
la reconstruction.:, des milliers de sinistrés lorrains
se permettent d'en douter. J'arrive de Dieulouard où
j'ai vu et touché du doigt, l'incurie, l'incohérence, la
lenteur dans les travaux... où l'on dépense cent francs
pour rectifier un chiffre de 0 fr. 80 sur une quittance
des fameuses Coopératives, etc.,.etc. !
E.B.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
4 juin 1922
Les Coopératives des
Églises dévastées
La Commission des Monuments religieux, dans une récente
réunion, a étudié, en deuxième ou troisième examen, les
projets des églises de Bouxières-aux-Chénes, Bouxières-sous-Froidmont,
Brin, Chazelles, Mouacourt, Réméréville et Vaucourt,
modifiés suivant ses indications, et les avants-projets
du premiers projets des églises de Bérnécourt, Moncel-sur-Seille
et Raucourt.
Dans la même séance, elle a examiné et approuvé le
projet d'agrandissement de l'église d'Auboué, et étudié
les monuments aux morts de la guerre projetés pour
l'église Saint-Vincent-Saint-Fiacre de Nancy et pour
l'église de Clémery.
Sur la convocation de M. l'abbé Thouvenin, président de
la Coopérative, les Conseils municipaux de Bathelémont,
Parroy, Mouacourt, Bezange, Vaucourt, Leintrey,
Gondrexon et Vého, se sont réunis, pour examiner avec
les Curés, M. Deville, architecte départemental, M.
Hornet, architecte expert spécialisé près des
commissions cantonales de l'arrondissement de Lunéville
et M. l'abbé Fiel, secrétaire de la Coopérative, les
projets de reconstruction des églises de ces communes
(emplacement, plans, devis et, s'il y a lieu,
participation financière de la commune).
Pour l'Emprunt départemental, la Coopérative a envoyé
aux maires des communes dont les églises sont dévastées
une circulaire, des formules d'engagement et des
bulletins de renseignements. Copie de cette circulaire a
été adressée aux curés.
Le Conseil a approuvé là demande provisoire du président
qui a fait inscrire à la préfecture la Coopérative des
églises pour 10 millions ; cette somme sera, même
insuffisante si tous les maires adhèrent à la
proposition ; il faudrait près de 15 millions pour
achever les 63 églises de la première série environ 6
millions pour les 16 églises de la seconde série et 2 ou
8 millions pour celles qui pourraient encore venir à l'a
Société. On ne compte pas les églises réparables.
Les frais de l'emprunt seront d'environ 7 0/0; les
entrepreneurs et les architectes consentent une
commission de 5 0/0 sous la condition du paiement dans
le mois. Les 2 0/0 restants seront couverts
partiellement par les offrandes, les dons, les legs, la
subvention de l'Union et les autres bonis de la
Coopérative.
Aussi, la Coopérative des Eglises a-t-elle demandé dix
millions sur le produit de l'emprunt départemental, car
cet emprunt est destiné à hâter la reconstruction de
tous les bâtiments non industriels : maisons
particulières, mairies, écoles ou églises.
D'ailleurs, les frais de l'emprunt qui seront à la
charge des sinistrés seront très faibles, surtout pou
les membres des Coopératives.
Aussi la participation au produit de l'emprunt
départemental paraît avantageuse pour la reconstruction
de toutes les églises, même de celles qui bénéficient de
l'emprunt diocésain de 1921.
Puisque la Coopérative demande des fonds sur le produit
de l'emprunt, elle fera une grande propagande en faveur
de l'émission publique et, après entente avec
l'administration, elle organisera, comme pour l'emprunt
diocésain, des bureaux de souscription auxquels les
catholiques sont invités de préférence à souscrire des
obligations, dès que les formalités seront remplies.
Aux 79 églises déjà confiées à la Coopérative vient
s'ajouter celle du Sacré-Coeur de Nancy dont la demande
est agréée. Quelques autres adhérions sont encore
possibles.
Les opérations d'emprunt en 1921 se solderont par un
bénéfice. Mais on a à craindre parfois des insuffisances
dans les indemnités fixées par les commissions
cantonales ou des dépassements dans l'embellissement ou
l'agrandissement des églises. Pour éviter tout déficit,
la Coopérative a présenté, devant les tribunaux civils,
cinq demandes d'achat d'indemnités de dommages de guerre
: déjà trois autorisations ont été données; Volontiers
la Coopérative
achèterait encore des indemnités, à condition que le
remploi soit imposable ou du moins difficile pour les
titulaires et que le prix de vente soit avantageux. La
loi autorise même la Coopérative à recevoir, sans frais
de timbre ou d'enregistrement, les indemnités à titre de
dons ou de legs.
Dans une autre séance, MM. Deville, architecte
départemental, Janniaud, architecte spécialisé près des
commissions cantonales et l'abbé Fiel, secrétaire de la
Coopérative des églises, ont été reçus par les Conseils
municipaux de Port-sur-Seille, Clémery, Manoncourt-sur
Seille, Raucourt, Abaucourt, Létricourt, Chenicourt,
Arraye et Leyr, qui, d'accord avec les curés et les
architectes, ont approuvé le projet de reconstruction
des églises de ces communes.
La Commission des bâtiments civils s'est réunie à la
préfecture et a approuvé les plans de reconstruction et
les devis des églises de Blémerey, Parroy, Hénaménil,
Mouacourt et Vaucourt.
Le montant de l'indemnité a été définitivement arrêté
par la Commission cantonale de Lunéville-Nord pour les
communes d'Arracourt, Bures, Serres et Rechicourt, et
par la Commission cantonale de Blâmont pour les églises
d'Emberménil, Xousse et Herbéviller. Pour ces sept
communes, on attendra le projet de marché, pour
commencer les travaux.
Une assemblée générale des adhérents de la Société
coopérative de reconstruction des Eglises du Département
de la Meuse à laquelle assistaient un grand nombre de
délégués des communes sinistrées et des prêtres
desservant les paroisses dont la plupart n'ont plus
d'églises, a eu lieu ces jours derniers à Verdun.
M. Schleiter, Président de la Coopérative, a donné
quelques détails sur les opérations de l'Emprunt de 200
millions qui fut couvert en cinq jours.
La Coopérative de la Meuse s'est vu allouer sur le
montant de cet Emprunt la somme de 15 millions qui, tout
en étant une faible partie des dommages causés aux
églises, permettra néanmoins de remettre en état toutes
celles qui sont debout et ne demandent que des
réparations et aussi de commencer à construire
quelques-unes de celles qui sont détruites.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
16 juillet 1922
Les Coopératives des
Eglises
Plusieurs réunions ont eu lieu ces jours derniers où
l'on a rappelé aux architectes les formalités
préliminaires à là fixation de l'indemnité, par les
Commissions cantonales :
1° Soumettre un avant-projet à la Commission diocésaine
des monuments religieux;
2° Après approbation, le projet doit être soumis au
Comité des Bâtiments civils avec un devis descriptif et
estimatif;
3° Sur le rapport de ce Comité, signé par le Préfet, la
Commission cantonale fixe l'indemnité nécessaire pour un
édifice « de même caractère, de même importance, de même
destination, et offrant les mêmes garanties de durée » ;
4° Dès que la Commission cantonale a statué,
l'architecte prépare un marché pour l'entrepreneur avec
un escompte ou rabais minimum de 5 0/0 pour paiement au
comptant. Ce marché est signe par le président de la
Coopérative des Eglises.
La Coopérative, la Préfecture et les Commissions
cantonales font toute diligence, dès qu'elles ont les
dossiers ; par contre, elles ne peuvent que constater et
déplorer le retard d'un certain-nombre d'architectes. Si
les projets et devis, étaient fournis, toutes les
indemnités devraient être fixées par les Commissions
cantonales, pour le 15 juillet prochain.
Communes pour lesquelles l'indemnité de l'église est
fixée, et où les travaux sont commencés ou vont
commencer :
Ancerviller, Arracourt, Arraye, Bernécourt, Blémerey,
Bures,.Cercueil, Chenicourt, Clémery, Domèvre-s.-Vezouse,
Emberménil, Gerbéviller, Haîloville, Héhaménil,
Herbéviller, Laix, Lesménils, Leyr, Manoncourt-sur-Seille,
Mouacourt, Neuviller-les-Badonviller, Nonhigny, Parroy,
Port-sur-Seille, Réchicourt-la-Petite, Sainte-Geneviève,
Serres, Sornéville, Thiaucourt, Vaucourt, Veho, Xousse.
Communes dont l'église doit passer à la Commission
cantonale sous huitaine :
Abaucourt, Armaucourt, Brin, Chazelles, Harbouey,
Montreux, Réméréville.
Communes dont le projet d'église a été soumis à la
Commission diocésaine :
Angomont, Audun-le-Roman, Bathelémont, Bouxières-aux-Chênes,
Bouxières-sous-Froidmont, Chambley, Fey-en-Haye,
Gondrccourt-Aix, LétricouiL'Magnières, Moncel-
sur-Seille, Morville-sur-Seille, Parux, Raucourt
Dès que les architectes de ces dernières églises auront
conformé leurs projets aux observations de la Commission
diocésaine, ils devront les adresser, accompagnés d'un
devis, à celui des trois experts spécialisés.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
30 juillet 1922
Les Travaux des
Églises dévastées
La Commission diocésaine des Monuments religieux a
examiné les projets des églises de Bey, Bezange-la-Grande,
Cutry, Eply, Gondrexon, Haraucourt, Jeandelize,
Lanfroicourt et Reillon.
La Commission chargée d'étudier, avec les municipalités
et les Curés, les préliminaires de la fixation de
l'indemnité pour les églises (emplacement, projet,
devis, etc...) vient de terminer sa mission. Les
Conseils municipaux de Pannes et de Hussigny et les
Curés de ces paroisses ont délibéré avec MM. Deville,
architecte en chef de la Reconstitution, l'abbé Fiel,
secrétaire de la Coopérative des Eglises, Janiaud et
Sirven, experts spécialisés, sur des questions
particulières dont la solution est en bonne voie.
Dans ses deux dernières réunions, la Commission
départementale des Bâtiments civils a examiné et accepté
les projets des églises d'Angomont, Audun-le-Rôman,
Bathelémont,Bôuxières-aux-Chênes,Bouxières-sous-Froidmont,
Cutry, Gondrecourt-Aix, Gondrexon, Létricourt,
Morfontaine, Reillon. Ces dossiers ont été envoyés aux
Commissions cantonales qui fixeront l'indemnité
définitive.
Cette dernière liste porte à 60 le nombre des églises
pour lesquelles toutes les formalités sont terminées, et
où les travaux peuvent et doivent être commencés. C'est
le fait des architectes qu'il n'en soit pas ainsi pour
toutes les églises, et c'est le voeu de tous, comme l'a
rappelé le ministre Reibel.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
29 octobre 1922
La Commission départementale des Bâtiments civils a
admis les projets de reconstruction des églises de
Champenoux, Charey, Dampvitoux, Hamonville, Leintrey,
Létricourt, Lironville, Pannes, Parux, Phlin, Prény,
Rouves et Saint-Julien-les-Gorze.
Elle a ajourné l'examen du projet de l'église de Limey.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
5 novembre 1922
La Mitoyenneté dans
les Régions dévastées
Avant la guerre, les procès de mitoyenneté soulevaient
rarement des discussions de principes : tout avait été
plaidé; les décisions étaient nombreuses et il suffisait
d'ouvrir un recueil de jurisprudence pour y trouver la
solution des contestations que peut faire naître
l'existence d'un mur séparant deux voisins.
Mais la hausse des prix, les dévastations ont tout
bouleversé. Les lecteurs de ce journal se souviennent du
problème qui se posa à propos du rachat de la
mitoyenneté : l'acheteur devait-il rembourser la valeur
actuelle du mur ou le coût de construction ? La Cour
d'appel de Paris vient de clore la discussion. Le
ministre des Régions libérées, dans une réponse adressée
à un parlementaire, fait allusion à certaines
difficultés que la réparation des dommages de guerre
peut faire naître entre copropriétaires d'un mur mitoyen
: allusion discrète et peu compromettante qui n'est que
le conseil aux deux copropriétaires de se mettre
d'accord et, à défaut d'entente, de s'en rapporter aux
tribunaux... qui résoudront conformément au Code civil
le problème suivant :
« Lorsqu'un mur mitoyen a été détruit par les faits de
la guerre et que chacun des propriétaires a reçu une
indemnité égale à la moitié de la valeur de ce mur, le
sinistré qui veut reconstituer le mur peut-il
contraindre l'autre attributaire à coopérer à la
reconstruction, lorsque ce dernier
veut remployer dans un autre lieu ? »
Ici deux articles du Code semblent s'opposer : l'article
655, qui porte que « la réparation et la reconstruction
du mur mitoyen sont à la charge de tous ceux qui y ont
droit et proportionnellement au droit de chacun », et
l'article 656, qui ajoute : « Cependant tout
copropriétaire d'un mur mitoyen peut se dispenser de
contribuer aux réparations et reconstructions, en
abandonnant le droit de mitoyenneté, pourvu que le mur
mitoyen ne soutienne pas un bâtiment qui lui
appartienne. »
Voici un sinistré qui est copropriétaire avant la guerre
d'un mur mitoyen et qui veut remployer dans un autre
lieu. Ne pourra-t-il pas alléguer que la liberté de
remploi est absolue et qu'elle ne doit pas subir
d'autres restrictions que celles qui résultent de la loi
sur les dommages de guerre ?
Cette solution paraît contraire à la notion juridique de
l'indemnité de dommages de guerre.
Lorsqu'un individu abandonne son droit de mitoyenneté
sur un mur existant, il cesse d'être copropriétaire du
mur. Or, d'après les principes certains de la loi du 17
avril 1919, l'indemnité touchée par le sinistré qui veut
remployer, remplace en quelque sorte la moitié du mur
dont il était propriétaire avant la guerre : on-dit
qu'en cas de remploi, il y a subrogation de l'indemnité
allouée à l'objet remployé.
Et de même qu'avant la guerre un copropriétaire n'aurait
pu renoncer à la mitoyenneté sans abandonner la
propriété de la moitié du mur, il ne pourra le faire en
notre cas sans renoncer à l'indemnité ; sinon, tout se
passerait juridiquement comme s'il emportait sa moitié
de mur.
Un sinistré qui reçoit l'indemnité afférente à sa part
de mitoyenneté devrait donc l'affecter à la
reconstruction du mur mitoyen, si le propriétaire voisin
qui veut reconstruire un mur identique au mur détruit
veut le contraindre à coopérer à la reconstruction de ce
mur.
Cette solution paraît conforme au droit et à l'équité :
il est juste que si l'un des sinistrés, quoique ayant
touché les frais supplémentaires correspondant à sa part
de mur, décide de s'éloigner, il coopère à la
reconstruction du mur et n'en laisse pas toute la charge
à son voisin.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
12 novembre 1922
[...] M. Deville,
architecte des Régions libérées, n'est pas de chez nous,
mais de Nantes en Bretagne, et cela se voit tout de
suite à ses reconstitutions d'églises pour Halloville et
Ancerviller, églises qui seront bien dépaysées en
Lorraine, tout comme son phare destiné à un Monument aux
Morts pour Baccarat.[...]
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
11 février 1923
Dans le même ordre
d'idées, et pour son dévouement aux oeuvres de
reconstruction, M. l'abbé Paul Fiel, aumônier de l'Ecole
Professionnelle de l'Est, secrétaire-général des
Coopératives de reconstruction a été, en moins d'un an,
nommé : chevalier du Mérite agricole, Officier
d'Académie et chevalier de la Légion d'honneur. Honneurs
rapides mais combien justifiés, en attendant le
canonicat que lui a annoncé publiquement le sénateur
Michel le jour de l'inauguration du village d'Ancerviller,
reconstitué par sa ténacité. Il n'est, en effet, que de
vouloir, pour arriver.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
15 avril 1923
On vient de poser la
première pierre de l'église de Harbouey, près de
Blâmont. Cette église, brûlée en 1914, sera reconstruite
sur les plans,de M. Joseph Lhôte et l'entreprise est
confiée aux soins de la maison Pagny, Colin et Bouf, qui
a promis d'aller très vite.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
6 mai 1923
Les Eglises en
reconstruction
A l'heure où va être lancé un nouvel et dernier emprunt
pour la reconstitution des églises, il est intéressant
de voir où en sont, en mai 1923, les travaux déjà
effectués par la Coopérative des Eglises dans
l'arrondissement de Lunéville.
Sont commencés et plus ou moins avancés les travaux dans
les églises de Serres, Arracourt, Bezange-la-Grande,
Réchicourt, Parroy, Hénaménil, Bathelémont, Vaucourt,
Blémerey, Veho, Reillon, Gondrexon, Chazelles, Nonhigny,
Angomont, Harbouey.
Sont presque terminés les travaux de maçonnerie, et même
de couverture, dans les églises de Bures, Mouacourt,
Emberménil, Xousse, Ancerviller, Herbéviller, Halloville,
Neuviller, Gerbéviller.
Sont terminées et livrées au culte les églises de
Domèvre et Magnières.
Les travaux ne- sont encore pas commencés dans les
églises de Leintrey, Parux, Badonviller.
Nous ne parlons pas des églises qui furent restaurées,
comme Petimont, par les coopératives locales, sans
l'intervention de la Coopérative des Eglises.
C'est là, on le voit, un formidable travail accompli.
L'an prochain, les édifices religieux seront à peu près
entièrement terminés partout en Meurthe-et-Moselle.
Il est bien probable que les églises dévastées de nos
villages seront plutôt rétablies que celles de Nancy,
Saint-Nicolas, Varangéville, Dieulouard, Pont-à-Mousson,
qui ont surtout souffert dans leurs belles verrières,
entièrement détruites par les bombardements allemands.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
20 mai 1923
La Reconstitution en
Meurthe-et-Moselle au 31 Mars 1923
COMMISSIONS CANTONALES
Six commissions cantonales seulement restent en exercice
: celle de Nancy-Nord, qui est devenue commission
départementale de liquidation et à laquelle seront
renvoyées toutes les affaires non résolues par les
commissions dissoutes ; celles de Domèvre-en-Haye (2e)
et de Blâmont (2e), chargées de la fixation des
indemnités, en matière d'expropriation dans la zone
rouge; en plus celles-d'Audun-le-Roman, de Briey et de
Conflans, qui disparaîtront sous peu.
Les commissions ont rendu 185.245 décisions, qui
attribuent comme indemnité 982 millions en perte subie
et 3.130 millions en frais supplémentaires et qui se
rapportent à des demandes
s'élevant à 1.472 millions en perte subie et 4.625
millions en frais supplémentaires.
Il reste à examiner 2.389 demandés se montant à 703
millions en perte subie et. 2.174 millions en frais
supplémentaires; ces demandes concernent surtout de gros
dommages industriels,
miniers, forestiers, etc.
TRIBUNAUX DE DOMMAGES DE GUERRE
Ils ont rendu 13.362 décisions: il reste à statuer sur
3.187 affaires concernant principalement des mineurs.
Seuls subsistent encore les tribunaux de Nancy (pour
Nancy, Lunéville et Toul) et de Briey.
EXTRAITS DE DÉCISIONS - TITRES
179.546 extraits de décisions sont parvenus à la
préfecture; ont été envoyés à Paris, 173.008 extraits
concernant 3.021 millions d'indemnités. Les titres reçus
représentent 2.879 millions.
INDEMNITÉS PAYÉES
Reconstitution industrielle 1.257.000.000
Mines 128.000.000
Reconstitution non industrielle 1.552.000.000
Total : 2.937.000.000
Dans la reconstitution non industrielle, nous trouvons :
788 millions en espèces pour les immeubles bâtis, 20
millions en indemnités converties en titres de rente, 29
millions en titres payables par annuités, etc.
EMPRUNT DÉPARTEMENTAL 1922
En chiffres ronds, le montant des frais est de 13
millions, celui des ressources générales de 4 millions;
il reste 9 millions à répartir sur 94.050.000 francs de
titres de créance, soit 9,59 %.
L'adhérent qui ne bénéficie pas de ristourne
d'entrepreneur et d'architecte subit, une perte de 9,59
%; celui qui profite de toute la ristourne (5 % de
l'entrepreneur et 0,50 % de l'architecte) supporte 4 %
de frais. Ces chiffres pourront subir quelques
modifications lors de l'arrêté des comptes.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
5 août 1923
La Coopérative des
Eglises
Les membres de la Coopérative des Eglises dévastées de
Meurthe-et-Moselle se sont réunis ces jours derniers, à
Nancy, pour entendre le rapport annuel.
Nous en extrayons ce passage, qui est de nature à
intéresser nos lecteurs :
Situation financière. - Dans le premier semestre, il a
été versé six millions et demi pour la construction,
actuellement on paye près de deux millions par mois ;
néanmoins la trésorerie est régulièrement alimentée par
les fonds d'emprunt et les crédits d'Etat qui arrivent à
peu près normalement. Les entrepreneurs apprécient
beaucoup ces paiements au comptant, c'est-à-dire
ordinairement dans les 48 heures et parfois dans les 24
heures du dépôt de la demande. Au 30 juin, on disposait
de treize millions en espèces, en bons et en
obligations.
Situation morale. - La Coopérative a admis Dampvitoux,
1922; Authelupt, Flirey et Mignéville en 1923. De
nombreuses demandes d'affiliation viennent de lui
parvenir. Elle a admis Lanfroicourt, Morfontaine, Saint-Baussant
et Seicheprey et les églises d'Einville, Gondrecourt,
Landres, Longwy-Bas, Noviant-aux-Prés, Pierre-Percée et
Saffais, dont la réparation ou la reconstruction n'est
pas terminée.
Toutefois, le produit des emprunts étant réservé aux
églises pour lesquelles l'émission a été faite, les
travaux pour les églises nouvellement admises devront
être payés surtout en obligations décennales et la perte
qui en résultera devra être supportée par la commune et
par l'entrepreneur et l'architecte qui seront payés au
comptant. On a écarté certaines demandes concernant du
mobilier ou des immeubles par destination : les communes
non admises pourront sans doute obtenir de l'argent sur
les nouveaux crédits accordés par l'Etat à notre
département.
On a examiné ensuite la situation nouvelle des églises
classées comme monuments historiques, situation révélée
par une récente discussion au Parlement.
Un sénateur avait demandé pourquoi on ne réparait pas
rapidement les monuments historiques classés parmi
lesquels sont rangées beaucoup d'églises.
Voici la réponse du ministre Reibel : « Si un monument
est classé comme historique, il appartient au service
des Beaux-Arts seul d'en assurer la restauration à
l'aide de fonds qui sont votés par le Parlement à cet
effet... Il est absolument impossible que les
Commissions cantonales donnent aux communes des
indemnités au titre des dommages de guerre pour réparer
les édifices classés comme monuments historiques...
Chaque fois que je trouve des églises, classées alors
qu'elles n'auraient pas dû l'être, je conseille aux
communes d'en demander le déclassement au service des
Beaux-Arts. Quand elles seront déclassées, les
Commissions cantonales pourront accorder des indemnités
de dommages de guerre et on pourra faire les réparations
nécessaires. »
Honoraires d'architectes. ~ Les architectes reçoivent 5
% d'honoraires pour la construction. Faut-il les leur
accorder pour les vitraux, les bancs, les autels,
l'installation électrique, l'horloge, les cloches, etc.?
« En principe, toutes les fois que la fourniture n'a pas
exigé des travaux spéciaux, tels que dessins, devis,
surveillance, en un mot, ce que l'architecte doit faire
dans l'exercice de sa profession, aucun honoraire ne lui
est dû... Si le concours de l'architecte a été demandé,
l'honoraire peut être modéré quand il s'agit d'objets ne
nécessitant qu'un dessin mais se répétant un grand
nombre de fois, comme c'est le cas pour les bancs...
Il ne peut y avoir de règle générale, mais il faut une
entente avec l'architecte à propos de chaque édifice. »
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
11 novembre 1923
Au Salon de Nancy
D'une nouvelle visite aux Galeries Poirel, nous
rapportons des impressions intéressantes... mais
diverses.
[...]
M. Georges Janin sait depuis longtemps tout le bien que
nous pensons de son vigoureux talent de peintre-verrier:
L'Immeuble, depuis plus de trente ans, n'a cessé de
s'intéresser à la vieille et si renommée maison Höner et
Janin père et fils.
M. Janin - qui nous prépare de fort belles
reconstitutions historiques et artistiques pour l'église
de Dieulouard - expose à l'entrée des galeries une vaste
composition de style moderne, pour l'église restaurée de
Xousse. C'est, d'une part, saint Paul devant l'Aréopage
d'Athènes (belle scène à riche composition) et, d'autre
part, le Reniement de saint Pierre.
D'aucuns ont été un peu durs pour ces deux grandes
scènes ; avouons qu'elles sont mal placées et qu'elles
gagneront à être vues en place et de haut. Mais ce genre
nouveau ne plaît guère en Lorraine, où l'on n'est pas
pour les initiatives trop hardies, mais pour les belles
traditions des siècles passés.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
27 janvier 1924
La Commission des
Monuments religieux a examiné les plans du clocher de
Bruley, du mobilier des églises de N.-D. de Lourdes,
Bouxières-sous-Froidmont, Hénaménil, Herbéviller,
Lesménils, Arracourt, Bernécourt, Brin, Chenicourt, Fey-en-Haye,
Serres et Montreux.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
15 juin 1924
15 juin 1924
L'importante Maison France Lanord et Biçhaton a terminé
les travaux de reconstruction de la plupart des villages
de la région de Blamont, notamment Emberménil, qui a été
solennellement inauguré l'autre semaine.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
6 décembre 1925
Les Eglises
reconstruites
On annonce qu'après les églises de Flirey, Seicheprey et
Badonviller, inaugurées ces jours derniers, il n'en
reste plus que cinq à ouvrir au culte en 1926, peut-être
même dans quelques semaines.
Il y avait 373 églises sinistrées en Meurthe-et-Moselle,
dont 89 à peu près détruites. Toutes sont maintenant
reconstruites ou restaurées.
Les cinq en retard sont: l'église de Flussigny, l'église
Saint-Dagobert à Longwy-Haut, l'église de Leintrey,
l'église de Mousson, enfin l'église de Nomeny, qui est
un monument historique, confié au talent bien connu de
M. Paul Charbonnier.
Cette dernière reconstruction sera terminée au cours de
1926.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
28 mars 1926
L'Assemblée des
Coopératives des régions dévastées
Mercredi ont eu lieu a la Salle Poirel, les deux
assemblées générales de l'Union des Coopératives de
reconstruction en Meurthe-et-Moselle et de la
Coopérative des Eglises dévastées.
De nombreux rapports, très ardus, il faut bien le dire,
ont été lus et âprement discutés ; M. le préfet Magre a
longuement parlé du prochain emprunt de cent millions et
des 300 millions nécessaires pour terminer l'oeuvre de
la reconstitution en Meurthe-et-Moselle.
Mais que de chinoiseries administratives ont été
dénoncées, par MM. Thouvenin. Jacquemin et Voinier ! Et
que de coups d'encensoir à l'adresse de Pierre, Paul,
Jacques et Jean ! On est sorti de la Salle Poirel la
tête bourrelée de chiffres et de billevesées, avec
toutes les histoires fantastiques des subventions,
titres, obligations de l'Etat.
Nous reviendrons longuement sur ces deux-assemblées, en
ce qui concerne les architectes et les entrepreneurs,
mis sur le gril dans tous les rapports.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
4 avril 1926
La Reconstruction en
Meurthe-et-Moselle
Des entrepreneurs et des architectes, singulièrement
agacés, des coups d'encensoir exagérés, assénés le
mercredi 24 mars, sur la tête de tel ou tel «
reconstituant », ne se gênaient pas pour crier bien
haut, à la sortie de la Galerie Poirel !
« Mais le moindre grain de mil,
« Ferait bien mieux notre affaire ! »
Nous sommes entièrement de leur avis. Tous les orateurs
de la réunion des Coopératives, au début ou à la fin de
leurs rapports si ardus, ont cru intéressant de
s'encenser mutuellement de
parfums délétères quoique doux.
Mais autant en emporte le vent, l'aigre bise de notre
pays lorrain, qui soufflait ces temps derniers et ne
disposait pas les pauvres sinistrés à de bucoliques
rêveries, comme à Toulouse, Carcassonne ou Bordeaux.
Certains Lorrains du bureau de ces Coopératives de
Reconstruction - depuis qu'ils se croient des as,
cultivent à leur tour l'hyperbole, que nos gens de la
Meurtrie accueillent avec une ironique froideur, très
significative. N'en disons pas plus qu'eux et restons
avec eux. Donc l'Assemblée générale des Coopératives de
reconstruction en Meurthe-et-Moselle a eu lieu le 24
mars dans une des galeries Poirel.
Il y avait 113 coopératives dûment représentées sur 183
en Meurthe-et-Moselle. Il y avait aussi de nombreux
architectes et entrepreneurs, qui sont intéressés, à
divers titres, à ces travaux de reconstitution que l'on
voudrait voir terminés d'ici un an, au plus tard.
Mais pour cela, il faudrait encore 300 millions. L'Etat,
d'une façon ou d'une autre, en titres, obligations,
crédits divers, a promis 200 millions. Il reste au
département à lancer un emprunt de 100 millions, avec
tout d'abord, une première tranché de 65 millions, dont
les modalités, un peu compliquées, ont été exposées en
des rapports publiés par les journaux quotidiens.
On a appris qu'en 1925, une somme de 22 millions avait
été seulement dépensée chez nous pour la réparation des
dommages de guerre, alors que 207 millions avaient été
consacrés à ces fins de 1921 à 1924.
Les différents rapports ont tous protesté contre les
nouvelles mesures législatives qui réduisent et
restreignent la part des sinistrés; on a protesté
surtout contre les lenteurs administratives du contrôle
et contre certains architectes et entrepreneurs qui
tardent à donner les règlements définitifs.
L'activité des diverses coopératives de reconstruction
en 1925 a plutôt été médiocre, alors qu'on aurait pu
très bien liquider définitivement de nombreuses
affaires. Quoi qu'il en soit, 1.700 comptes, sont déjà
entièrement liquidés, et pour aboutir plus rapidement,
un voeu a été émis par l'Assemblée, voeu que nous
reproduisons ici :
« Que l'Etat ni l'administration ne prenne aucune
décision à effet rétroactif détruisant les décisions
antérieures.
« Que nul n'exige de formalité en dehors de celles qui
résultent inévitablement des dispositions de la loi.
« Que les services de contrôle simplifient et facilitent
le règlement de toutes les affaires par une large
interprétation des textes, n'hésitent pas - dans la
mesure où cela n'augmente pas les charges de l'Etat - à
engager leur responsabilité pour résoudre en équité
toutes les difficultés de détail, surtout quand elles
portent sur des sommes minimes, et aident par tous les
moyens à la liquidation rapide des Coopératives de
reconstruction de Meurthe-et-Moselle ».
En effet, et ce fut l'avis de tous les assistants, il
convient d'en finir cette année avec toutes les
Coopératives de Meurthe-et-Moselle, et avec cet énorme
boulet de la reconstitution, que tous
nos malheureux sinistrés traînent depuis une dizaine
d'années déjà.
Il est vrai que Meurthe-et-Moselle est un des
départements les plus avancés, parmi les dix si
gravement atteints par la guerre.
Une grosse question traitée ensuite, ce fut celle des
dépassements de crédits. On constata que trop souvent il
y avait eu des abus, surtout chez les gros sinistrés, au
détriment des petits.
On a annoncé alors que le budget de l'Etat pour 1926
avait compris une somme totale de 6 milliards pour les
régions dévastées, dont 1 milliard sera affecté
exclusivement pour la reconstruction des bâtiments
communaux, mairies, écoles, églises, etc.
M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, dans une de ces
allocutions très serrées et très fines à la fois, dont
il a le secret, avec son éloquence coutumière et
pressante, a longuement parlé du projet d'emprunt
départemental de 100 millions, voté récemment par le
Conseil général.
Il a d'abord protesté - très malicieusement, du reste -
contre le voeu de l'Assemblée, essayant avant tout de
couvrir et de défendre l'Etat, en rappelant que l'Etat
était bien forcé d'échelonner les payements sur une
quinzaine d'années... alors que chez nous on a été trop
vite.
M. Magre estime qu'avec les 300 millions mis, cette
année même, entre les mains des sinistrés, on pourra
régler enfin architectes et entrepreneurs, et en finir
tout à fait avec l'oeuvre de la reconstruction de nos
régions dévastées.
L'orateur a signalé aussi quelles avaient été les
erreurs des sinistrés à différents points de vue,
surtout lorsque beaucoup avaient cru devoir éluder les
questions administratives, toujours si compliquées. D'où
leurs embarras actuels avec le fisc qui, lui, ne perd
jamais ses droits, et surtout n'oublie rien.
M. Magre annonce enfin qu'il a pu obtenir du ministre
des Régions Libérées, pour l'exercice 1926, 35 millions
en espèces, et environ 146 millions en obligations et
titrés divers, sur les 300 millions nécessaires à l'oeuvre
de la reconstitution en Meurthe-et-Moselle.
L'emprunt départemental de 100 millions (une tranche.de
65 millions tout d'abord, une autre de 35 millions
ensuite) fera le reste, et Meurthe-et-Moselle sera le
premier département fortement sinistré, ayant terminé
toute sa reconstitution.
La question de cet emprunt a été l'objet d'un rapport
très ardu de M. le chanoine Thouvenin, président des
Coopératives de Meurthe-et-Moselle.
Le rapporteur a constaté que, si la reconstitution était
fort avancée chez nous, le payement des travaux et des
factures l'était beaucoup moins, au grand dommage de nos
entrepreneurs.
Que peuvent ces Messieurs, pour payer les matériaux et
leur main-d'oeuvre, avec des obligations qui sont fort
dépréciées en banque ? Cette liquidation nécessaire est
la raison principale pour laquelle le Conseil général a
voté, une emprunt départemental, en titres d'annuités de
quinze ans, correspondant à 100 millions d'indemnités.
Voilà donc un emprunt en cours, avec deux tranches, de
65 millions et de 35 millions. Ces 100 millions (une
fois recueillis par l'adhésion des souscripteurs),
seront répartis de la façon suivante par un groupement
de sinistrés.
Ces sinistrés seront répartis en trois catégories dont
la première à la priorité sur la seconde et la seconde
sur la troisième.
Première catégorie. - Sinistrés directs qui ont subi des
dommages en Meurthe-et-Moselle et qui reconstruisent
dans le département des bâtiments non industriels.
Deuxième catégorie. - Cessionnaires réalisant les mêmes
conditions.
Troisième catégorie. - Sinistrés directs (non
industriels), qui ont des titres, de créance inscrits à
la Meurthe-et-Moselle et qui remploient en immeubles par
destination.
Les communes, même pour les indemnités déjà acquises,
sont classées dans la catégorie des sinistrés directs.
Tout cela paraît bien compliqué... et c'est un rude
travail de répartition qui va être à la charge du
groupement en question, afin de mettre au point les
droits de tous les adhérents.
Mais il faut d'abord souscrire à l'emprunt; et c'est le
devoir immédiat de tous les sinistrés, coopératives et
entrepreneurs.
Il y aura des frais à payer par les sinistrés, qui
s'élèveront de 18. à 23 %, frais qui pourront être
atténués, croit-on, par des ristournes accordées
bénévolement par les architectes et les entrepreneurs.
Comme conclusion pratique, pour payer - tous ces frais
d'emprunts, il y aura lieu d'y consacrer les boni des
coopératives - et l'Union s'inscrit pour 1000.000 francs
- et de déposer ces boni en banque.
Ajoutons que cette souscription toute spéciale, en
faveur des coopératives adhérentes à l'emprunt, est
ouverte au public, aux coopératives agricoles et
naturellement aux sinistrés, même industriels, déjà
payés en espèces depuis plusieurs années.
Toutes ces questions d'emprunt, de répartition, de
frais, intéressent avant tout les 183 coopératives de
Meurthe-et-Moselle.
Les modalités du prochain emprunt de 65 millions n'ont
pas été données officiellement; elles le seront
incessamment, avec le taux de l'intérêt offert aux
souscripteurs.
En ce qui intéresse surtout nos lecteurs dans cette
Assemblée des Coopératives de Meurthe-et-Moselle, nous
avons été aises de voir-que l'on songe enfin à se
liquider des travaux depuis longtemps exécutés par nos
entrepreneurs. C'est évidemment fort intéressant, pour
de nombreux sinistrés, d'avoir fait bellement
reconstruire leurs immeubles en leurs propres villages
et d'employer le surplus des dommages accordés, d'une
façon très libérale (alors que ceux de bien des
habitants de Nancy n'ont jamais été payés !) à faire
construire de riches maisons de rapport en ville.
Mais faudrait-il tout d'abord régler les travaux
terminés et payer les factures de nos entrepreneurs !
Nous en connaissons un - et combien sont peut-être dans
ce cas - à qui il est redû de 200.000 francs par des
sinistrés, aujourd'hui très à l'aise. Alors ?
C'est l'entrepreneur qui « trinque » et qui est presque
acculé à la faillite, comme certain du nord du
département, à qui il était redû des centaines de mille
francs et que l'on menaçait d'exécuter.
On voit que la question du futur emprunt est liée à de
nombreuses considérations de justice et d'équité,
vis-à-vis de tous les travailleurs du bâtiment. Oui,
vraiment, le moindre grain de mil fera mieux l'affaire
de nos gens, que tous les balancements d'encensoir qui
ont fait hausser les épaules à toute l'assemblée du 24
mars dernier.
Emile BADEL.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
5 septembre 1926
La Reconstitution des
Eglises en Meurthe-et-Moselle
Sur 120 églises dévastées durant la guerre, dans le seul
département de Meurthe-et-Moselle, il n'en reste plus
qu'une seule, à l'heure actuelle, qui n'est pas encore
livrée au culte, la belle et grande église à cinq nefs
de Nomeny-la-Martyre, confiée aux soins des Monuments
historiques et de leur dévoué architecte, M. Paul
Charbonnier. Toutes les autres ont été reconstruites, en
tout ou en partie par nos architectes lorrains, et
certaines sont de petites merveilles d'art, le tout
admirablement compris comme construction, aménagement,
décoration.
Nous aurions voulu, au fur et à mesure qu'elles étaient
solennellement inaugurées, décrire par le menu ces
édifices grandioses, exalter l'oeuvre des architectes,
des entrepreneurs, des divers artistes du bois, du fer,
de la pierre, du verre; etc.
A défaut de ces invitations qui ont manqué, nous avons
pensé tout de même que l'heure était venue de faire un
tour dans toutes ces églises, en dépouillant simplement
les dossiers, épures et plans de nos principaux
architectes nancéiens, dont la maîtrise est reconnue de
tous.
Et déjà, cette semaine, avant son départ pour quelques
jours de vacances, nous avons eu le plaisir de voir, en
ses bureaux du faubourg Stanislas, l'excellent
architecte Jules Criqui, l'auteur de la nouvelle
basilique de N.-D. de Lourdes au Montet, dont il compte
élever la tour à près de 40 mètres l'an prochain, et le
continuateur et restaurateur de l'église du Sacré-Coeur,
si gravement endommagée par les obus de 380 de Hampont.
M. Criqui nous a confirmé ses travaux en ciment armé aux
deux dômes du Sacré-Coeur, l'achèvement des tympans du
portail, la restauration du pavé gonflé, la mise au
point des fissures du côté est, des autels et du tombeau
grandiose de Mgr Turinaz, qui va enfin avoir sa rue aux
environs de N.-D. de Lourdes
Puis M. Criqui nous parle des vingt églises dévastées
qu'il a restaurées ou entièrement reconstruites et
toutes livrées au culte à l'heure actuelle.
Sous la dictée du maître architecte, nous voyons ainsi -
comme en un brillant faisceau - apparaître les églises
de la Seille, les régions de Toul, Lunéville et Briey.
Voici l'église d'Arraye, dont il restait un bas-côté
roman, datant de 1872, et que M. Criqui a reconstituée
en style roman avec abside, rayonnante, reconstruction
des voûtes et. du clocher.
A côté, la chapelle de Han, entièrement refaite; puis
l'église de Chenicourt, toute neuve sur plan carré, avec
colonnes ; église romane avec bas-côtés, abside
circulaire à cinq fenêtres, etc., un véritable joyau
d'art dans cette vallée de la Seille qui subit toutes
les dévastations les plus terribles.
Plus loin que Chenicourt, voici Armaucourt, avec la
reconstruction totale du clocher et des voûtes sur
l'ancien plan ; et puis Brin-sur-Seille, dont l'église
fut complètement détruite et que M. Criqui a rétablie
avec un curieux clocher à balcon, avec deux rampes
latérales, église à trois nefs dans le beau style ogival
du XIIIe siècle.
C'est enfin Champenoux, église autrefois si banale, qui
a été refaite par M. Criqui, en collaboration avec M.
Martin, architecte. Une seule nef, très large et fort
élégante, de style gothique, avec toute une ossature en
ciment armé, et dont l'habile et dévoué entrepreneur fut
notre ami M. Gény.
Après la région de la Seille, le zèle et l'ardeur de M.
Criqui se sont donnés large carrière dans la région de
Pont-à-Mousson avec les églises de Lesménils, de Fey-en-Haye
et la chapelle de Notre-Dame de Bouxières-sous-Froidmont.
Les Ménils, au lieu de son église-grange, a vu se
construire une très belle église gothique, sans
chapiteaux, sur plan carré avec des rudiments de
transept, propices à la décoration sculpturale.
Fey-en-Haye, on le sait, grâce au zèle bouillant de
l'abbé Christophe, est devenue comme la basilique du
Bois-le-Prêtre et des milliers de poilus morts pour la
patrie dans ces combats de géants qui durèrent quatre
années.
L'église, très vaste, est du gothique flamboyant à trois
nefs, avec un curieux clocher de côté qui donne un
caractère tout spécial à cette oeuvre, admirée de tous.
C'est vraiment et avant tout la grande église des
Soldats et des Héros du Bois-le-Prêtre.
Enfin, M. Criqui a refait entièrement, en stylé-roman,
et en style gothique à trois nefs, l'église historique
de Bouxières-sous-Froidmont, avec ses souvenirs antiques
de la Vierge du Sureau et de Saint-Bernard.
De plus, en collaboration avec M. Schreiner, M. Jules
Criqui reconstruit actuellement la chapelle du
pèlerinage du Froidmont, au faite de la montagne, face à
la vallée de la Moselle et à Pont-à-Mousson.
Cette chapelle, avec sa Madone, que vient de restaurer
bellement Victor Huel, sera inaugurée le 8 septembre
prochain. Elle est édifiée au-dessus de la fontaine
miraculeuse de Sainte-Claire, dont la statue a disparu
depuis la guerre.
Le zèle intrépide et l'érudition grande du bon lorrain
qu'est le curé Balland, ont réussi à rétablir, cet
antique pèlerinage de chez nous.
Nos bons architectes ont édifié une charmante chapelle
gothique, très solide, avec autel pour la Madone de
pierre polychromée, avec auvent porté sur deux colonnes,
porte vitrée massive en fer, bancs de repos, etc.
Plus bas, dans le rocher, on rétablit aussi, au-dessus
de la source millénaire où a bu saint Bernard, lors de
la fameuse bataille du XIIe siècle, la chapelle de
Sainte-Claire. On assure que des milliers de Messins
s'apprêtent à venir, le 8 septembre, à cette
restauration d'une grande tradition historique messine,
barroise et lorraine.
Les travaux de M. Criqui, pour la reconstruction de nos
églises dévastées, se sont poursuivis également dans la
région de Lunéville-Blâmont, avec les églises d'Arracourt,
style ogival du XIIIe siècle en grès gris; d'Herbéviller,
près de Blâmont; de Serres, aussi en grès gris, de style
roman avec-abside circulaire, la grande église d'Einvîlle-aux-Jards,
dont le clocher a seul subsisté, église refaite en grès
rose et à trois nefs ; les églises de Hénaménil, toute
entière en grès rose, sur l'ancien plan, mais modifiée
comme voûtes; d'Anthelupt, dont M. Criqui a refait les
voûtes et tout le mobilier.
Dans le Toulois, le même architecte a refait les églises
de Bernécourt et d'Hamonville: Bernécourt, de style
roman à trois nefs, en collaboration avec M. Maurice
Stein, l'architecte si connu de Toul ; Hamonville, une
seule nef ogivale. Enfin le beau clocher de Bruley, en
avant de l'église neuve des Demange, Migot et
Loevenbruck, clocher qui n'a pas coûté moins de 200.000
fr. et qui vient de se terminer le 15 août, par la pose
solennelle du magnifique tympan sculpté par Victor Huel.
Signalons enfin les deux églises refaites au pays de
Briey par M. Criqui : Chambley, en collaboration avec M.
Ferrand, architecte à Briey, une seule nef avec ossature
en béton armé, de style ogival sans chapiteaux ; puis
Auboué, dont le clocher de côté a été reconstruit
totalement avec agrandissement de la nef.
Telles sont les belles oeuvres architecturales
accomplies par M. Jules Criqui en moins de six années et
qui ont consacré, une fois de plus, la haute maîtrise de
l'excellent architecte nancéien, qui ne s'arrêtera pas
en si beau chemin. Nous l'avons dit plus haut.
Combien nous aurions voulu assister à l'inauguration de
tous ces édifices, les décrire par le détail, les
reproduire même ici successivement et rendre ainsi à
chacun l'hommage qui lui était dû.
Du moins, en attendant la suite, que ces lignes rapides
redisent à tous les Lorrains notre admiration en
présence de ces beaux édifices religieux, si rapidement
reconstitués par la foi et la ténacité de tous sur le
sol mutilé de notre chère Lorraine.
E. B.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
15 mai 1927
L'Oeuvre de la
Reconstruction des Eglises en Meurthe-et-Moselle
On se rappelle encore, surtout dans le monde des
architectes et des entrepreneurs, qu'au lendemain de
l'armistice du 11 novembre 1918, il y avait en
Meurthe-et-Moselle des dégâts immobiliers, immenses,
causés par la guerre, et évalués à des centaines de
millions.
Rien que pour le diocèse de Nancy, 419 églises étaient
détruites, mutilées, saccagées en tout ou en partie. 90
édifices étaient complètement en ruines, le tout pour
une valeur estimée à plus de 70 millions.
On sait ce qui se passa ; comment nos architectes et nos
entrepreneurs agréés se groupèrent pour la
reconstruction des fermes, des villages, des maisons,
des mairies, des écoles et des églises, et comment fut
créée, grâce au zèle ardent et réfléchi du chanoine
Thouvenin la Coopérative des Eglises de
Meurthe-et-Moselle, alors qu'il était déjà président des
Coopératives de reconstruction des villages.
M. le chanoine Fiel, de Nancy qui fut aussi, depuis
1920, l'une des chevilles ouvrières de ces Coopératives
vient justement de publier une brochure très
substantielle sur l'oeuvre merveilleuse accomplie par la
Coopérative dé reconstruction des Eglises du diocèse de
Nancy.
Nous y puiserons largement dans cet article pour bien
montrer à nos lecteurs tout ce qui a été fait par cette
coopérative qui va voir sa tâche à peu près terminée
avec l'achèvement des travaux de reconstruction de la
très belle église ogivale de Nomeny, monument
historique.
L'idée de la Coopérative des Eglises fut lancée et le
projet esquissé, le 16 janvier 1921, dans une grande
assemblée, réunie à la Salle Poirel. Un tableau
saisissant de M. l'abbé Renauld, un des vaillants
pionniers de la reconstitution dans la vallée de la
Vezouse, montra la misère, en même temps que l'intensité
de la vie religieuse, dans les villages dévastés.
M. Louis Marin, député de Meurthe-et-Moselle, fit un
éloquent exposé du projet qui, du reste, fut commenté
par le chanoine Thouvenin lui-même. « Nous avons à
craindre, disait-il, que la reconstruction de nos
églises soit ajournée, que les municipalités soient
submergées par les formalités à remplir et les
difficultés spéciales que présente l'application de la
loi du 17 avril 1919; nous avons à craindre encore que
les baraques cultuelles d'aujourd'hui ne se désagrègent
rapidement, ce qui nécessiterait de nouvelles dépenses
pour du provisoire, et donc un gaspillage ».
D'autre part, la construction de l'église, qui serait
confiée de préférence à l'entrepreneur de là Coopérative
locale, constituerait un volant lui permettant d'avoir
de nombreux ouvriers (préparation et avancement des
chantiers, fourniture des matériaux), qui pourraient
aller des maisons particulières à l'église et
inversement, ce qui accélérerait la reconstruction du
village.
La coopérative des Eglises une fois fondée, le 15 mars
1921, on se mit à l'oeuvre pour trouver les ressources
nécessaires, emprunts et indemnités de dommages de
guerre.
Le 11 juillet 1921, l'Officiel publiait l'annonce de
l'emprunt, et le même jour, le Crédit National remettait
à la Coopérative des églises un titre de trente annuités
correspondant au certificat provisoire de 15 millions.
L'émission fut ouverte, le 15 juillet, par une notice
suggestive dont les sentiments élevés trahissaient le
président de la Coopérative. Il fut couvert en six
semaines.
Une commission extra-légale, approuvée verbalement par
le Préfet, se rendit dans chaque commune, afin
d'examiner, avec le Conseil municipal, le curé et-
l'architecte choisi, les bases de l'indemnité,
l'emplacement proposé pour l'église, et définir
sommairement le caractère du nouvel édifice. Cette
commission, imaginée par M. Deville, architecte en chef
de la Reconstitution, et présidée par lui, était
composée de M. l'abbé Fiel, secrétaire de la Coopérative
des églises, et d'un expert spécialement désigné, dans
chaque arrondissement, pour l'évaluation des dommages
aux édifices civils et cultuels.
A la suite de cette réunion à la mairie, l'architecte
étudiait le projet, le soumettait à l'agrément définitif
du Conseil municipal, et l'adressait au président de la
Coopérative, qui de son côté le présentait à la
Commission diocésaine des Monuments religieux.
Après ce premier examen, c'est encore le chanoine
Thouvenin qui, avec l'architecte en chef, déposait et
commentait le dossier devant le Comité départemental des
Bâtiments civils ; des instructions ministérielles
permettaient de substituer ce Comité à la Commission
spéciale prévue par l'article 12, pour les communes qui
y renonceraient. Les conclusions de ce Comité, signées
par le Préfet, et adressées aux Commissions cantonales
par l'agent administratif, représentant l'Etat
spécialement pour les édifices civils et cultuels, ont
été adoptées sans discussion dans la plupart des cas. En
moins de quatre mois, ce travail d'évaluation fut
terminé.
Pour les 104 églises confiées à la Coopérative,
l'indemnité immobilière bâtie était de 44 millions.
Cette somme, a permis de reconstruire dés édifices
cultuels de même importance et de même durée que ceux
qui avaient été détruits.
Le succès de cette première Coopérative des Eglises de
Meurthe-et-Moselle, incita les- autres départements sinistrés à faire de même et à former une sorte de
fédération des coopératives.
On prit les directives suivantes:
1° Pour les emprunts, chaque coopérative devait grouper
les certificats provisoires, ou les titres de créance de
ses adhérents, passer une convention d'annuités avec le
ministre dès Finances, et apporter ses titres d'annuité
à l'Union, qui ferait l'emprunt et en répartirait -le
produit, et les charges au prorata des indemnités
apportées;
2° Pour les reconstructions, chaque coopérative
diocésaine dirigerait les travaux dans sa
circonscription ;
3° Si une coopérative diocésaine confiait: à l'Union son
administration, la gestion, de sa tranche d'emprunt et
la direction de ses travaux, aucun frais, ni aucune
responsabilité ne. pourraient en résulter pour l'Union.
Après la réunion du 25 septembre, d'autres idées se
firent jour, et le projet d'Union des Coopératives fut
remplacé par celui d'une Société anonyme, dont le but
serait de faire un emprunt global pour la reconstruction
des églises dévastées de France, et de centraliser
l'administration des coopératives diocésaines.
A l'unanimité, le Conseil d'administration de Nancy
jugea ces tendances inquiétantes, et considéra- qu'il
serait imprudent d'abandonner l'instrument légal,
qu'était l'Union des Coopératives, pour la
reconstruction des immeubles. En conséquence, il décida
que la Coopérative de Nancy conserverait sa complète
indépendance, et n'entrerait pas dans le groupement en
formation. Cette décision, fut notifiée le 11 novembre
1921.
Alors notre Coopérative de Nancy commença à passer les
marchés avec les architectes et les entrepreneurs.
Presque partout le marché devint un forfait; dans les
rares communes où on ne l'obtient pas, on exigea le
mémoire des travaux exécutés et le devis estimatif de
ceux qui restaient- à faire ; en plus de cette sage
précaution, on immobilisa, dans la proportion de 50 %,
la somme allouée pour les immeubles par destination.
Ainsi toute surprise serait évitée, et les dirigeants de
la Coopérative furent délivrés du cauchemar des
dépassements financiers.
La liaison entre la Coopérative et les communes
adhérentes a été faite par les maires, curés,
entrepreneurs et architectes, qui toujours conférèrent
fructueusement au bureau de la Salle Déglin.
Toutefois un certain nombre de questions ne pouvaient
être étudiées et résolues que sur place, soit que la
présence du maire, ou même de tout le Conseil municipal,
fut nécessaire, soit qu'une expertise des lieux paraisse
indispensable.
Indépendamment des déplacements pour des cas spéciaux,
le bureau de la Coopérative a visité cinq fois les
communes adhérentes. Au cours de la première, les
Conseils municipaux ont été réunis, pour établir les
bases de l'indemnité à demander à l'Etat, et le projet
de reconstitution de l'église, d'après ce qui a été
exposé plus haut; la seconde a été une sorte de contrôle
de l'organisation des chantiers ; la troisième, une
campagne pour demander que les marchés à la série soient
transformés en forfait; la quatrième a eu pour but
l'aménagement des crédits destinés aux immeubles par
destination et au mobilier. Au cours de la cinquième
tournée, le président en personne, avait pris le crayon
du comptable, afin d'exposer, par l'éloquence des
chiffres; la situation du compte de la commune à la
Coopérative des églises, et proposer, une solution aux
difficultés rencontrées.
Pour chacune de ces visites, les délégués du Conseil
d'administration de la Coopérative des églises, furent
accompagnés par M. Deville, architecte en chef de la
reconstitution, qui, avec un empressement exquis,
faisait un généreux apport de son autorité, de son goût
artistique et de sa vaste expérience.
Les indemnités déléguées ou données à la Coopérative
pour la construction et l'aménagement de 104 églises se
répartissent de la façon-suivante :
Immeuble bâti: 45 millions 200.000 francs.
Matériel et mobilier: 9 millions 300.000. francs.
Les dirigeants de la Coopérative avaient pris
l'engagement moral de payer les travaux au comptant, et
pratiquement aucun marché ne fut signé sans que les
ressources soient assurées pour en régler le montant :
ce qui permit de satisfaire dans les quarante-huit
heures les demandes de paiement.
Par application de la loi du 17 avril 1919, le sinistré
qui remployait, devait être payé par l'Etat, dans les
deux mois qui suivaient le dépôt de sa demande et de
justification de travaux. Mais il était bien évident que
la France, supportant seule le poids de la
reconstitution des régions dévastées, devrait sérier les
paiements, et même les retarder au delà du délai légal.
Aussi les fondateurs de la Coopérative des églises
avaient bien précisé qu'on demanderait peu à l'Etat,
tant que la reconstruction des villages ne serait pas
virtuellement terminée.
Les premiers paiements furent faits sur l'emprunt-de 15
millions contracté par la Coopérative des églises,
ensuite sur une tranche de 11 millions prise sur
l'emprunt de 90 millions contracté en 1922 par le
Département de Meurthe-et-Moselle pour, la
reconstitution et enfin une nouvelle tranche de un
million et demi dans l'emprunt départemental 1926.
Il y a, dans la brochure de M. l'abbé Fiel, une page
fort intéressante sur la question tant controversée de
l'art dans nos églises et sur celle des vitraux
religieux où sont passés maîtres, et maîtres de plus en
plus appréciés, les artistes nancéiens Georges Tanin et
Joseph Benoît et ses fils.
Citons quelques phrases de M. l'abbé Fiel :
« L'architecte de l'édifice a été choisi sur une liste
d'agréés spécialement par la Préfecture, pour la
construction des édifices civils et cultuels, sur avis
du Comité départemental des Bâtiments civils. Le projet,
dressé par cet homme de l'art, était présenté par le
président de la Coopérative à la Commission diocésaine
des Monuments religieux, qui, dans bien des cas, imposa
des retouches indispensables pour conformer les édifices
aux règles de la liturgie.
Le dossier était ensuite transmis et présenté au Comité
des Bâtiments civils, par le président de la
Coopérative, qui, avec l'architecte en chef, commentait
l'étude présentée, devant un aréopage de maîtres de
l'Art et du Bâtiment. Il n'a pas dépendu que d'eux que
les nouvelles constructions fussent toutes marquées d'un
style personnel, et surtout d'un caractère régional, qui
les adaptât au cadre et aux horizons lorrains. Trop
souvent, pour des raisons de temps et d'opportunité, il
a fallu accepter du pastiche ou des copies, à la vérité
fort honnêtes, mais dont le moins qu'on puisse dire, est
que le talent de l'auteur n'aurait, pas été embarrassé
de faire mieux...
Quelques projets, sous l'impulsion de M. Deville,
architecte en chef, de la Reconstitution, se sont
nettement élevés jusqu'à des conceptions tout à fait
personnelles, qui donneront une belle originalité
artistique à notre époque. La plupart des édifices sont
très présentables et ont belle allure. Il est facile de
compter ceux qui seront réputés médiocres. »
Le même contrôle aurait pu s'exercer sur l'aménagement
intérieur et l'ameublement des églises. L'article 14 des
Statuts; de la Coopérative laissait au Conseil
d'administration lé choix des architectes et des
entrepreneurs. Il eut donc été conforme au mandat donné
par les Municipalités, que la Coopérative choisisse,
elle-même lés sculpteurs, ébénistes, peintres-verriers,
décorateurs, statuaires, etc.. Une Commission technique
et artistique, nommée par le Conseil d'administration de
la Coopérative, aurait éclairé et dirigé le choix de
l'ameublement, éliminé sans pitié la statuaire
polychromée fabriquée en série et les chemins de croix
burlesques. En faisant appel à de véritables artistes
du. bois, de la pierre, du verre et du fer, on aurait
eu, par suite d'importantes commandes, des prix de
revient souvent inférieurs à ceux des commerçants
spécialistes. Cette grave question n'a pas été méconnue
du Conseil d'administration, toutefois c'est la-thèse de
la liberté complète, laissée aux autorités locales, qui
a prévalu. Libre à chacun de juger où était la vérité.
(Evidemment ce fut un grand tort!)
Le vitrail, qui du reste joue un rôle important dans
l'édifice, a été particulièrement discuté. Tout en ayant
sur ce point une conviction nettement marquée, les
dirigeants de la Coopérative ne l'ont imposée à
personne. Le temps, du reste, qui, disent les Italiens,
est « un galant homme », uniformisera les jugements.
Nous pourrons revenir ici quel que jour sur cette
importante question de l'ameublement des églises. Nous
avions à Nancy assez d'artistes en tous genres :
peintres décorateurs, sculpteurs, maîtres verriers,
menuisiers d'art, ébénistes, ciseleurs en bronze,
marbriers, etc., etc. sans qu'il fût besoin de
s'adresser ailleurs, surtout à cette odieuse «
bondieuserie sulpicienne » qui continue à exercer ses
ravages partout et qui fait pousser des cris de rage à
tous les hommes sensés et à tous les gens de goût.
M. l'abbé Fiel termine sa brochure en rappelant la
plupart des cérémonies officielles de la reconstruction
des églises, notamment celle d'Ancerviller, son pays
natal. Et il termine ce travail, historique au premier
chef, par l'émouvante énumération des 104 églises
reconstruites totalement ou partiellement, parmi
lesquelles les églises classées de Longwy-Haut et de
Nomeny.
Ce petit livre est une excellente contribution à
l'histoire de la guerre en Lorraine et de la
reconstruction en Meurthe-et-Moselle. Le savant, dévoué
et très distingué chanoine doit en être chaudement
félicité. Il a coopéré largement depuis sept ans à tous
ces travaux, et il vient de mettre le sceau définitif à
son oeuvre en publiant l'historique de cette
reconstruction.
Architectes et entrepreneurs des régions libérées liront
cette brochure avec le plus vif intérêt et ils la
conserveront précieusement dans leurs archives. C'est
une Page d'histoire émouvante entre toutes dans le
martyre de la Lorraine, de 1914 a 1918.
Emile BADEL.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
29 mars 1931
La Société
Coopérative de Reconstruction de Barbas a été dissoute
par délibération de l'assemblée générale du 19 mars
1931.
Le Conseil d'administration est chargé de la liquidation
de la Société.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
19 août 1931
La Société
Coopérative de reconstruction d'Emberménil a été
dissoute par délibération de l'assemblée générale du 4
août 1931. La liquidation de la société deviendra
définitive si, dans le délai d'un mois, à dater de la
présente publication, aucune opposition n'est faite par
les voies légales.
L'Immeuble
et la construction dans l'Est
4 octobre 1931
DISSOLUTION DE LA
SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE DE RECONSTRUCTION D'AMENONCOURT
La Société Coopérative de Reconstruction d'Amenoncourt a
été dissoute par délibération de l'assemblée générale du
24 septembre 1931.
Le Conseil d'administration est chargé de la liquidation
de la Société. |