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Tirailleurs et travailleurs indochinois - 1916-1919


La photographie après l'armistice d'un «  camp chinois » à Gogney soulève bien des interrogations, auxquelles les documents consultés n'apportent aucune réponse.
Car, comme Blâmont, Gogney est situé durant toute la guerre en zone d'occupation allemande, et toute installation d'éléments militaires ou civils français, britanniques ou américains sur cette zone, ne peut être intervenue qu'après le 17 novembre 1918.
Vue prise au lendemain de l'armistice - Camp chinois
Vue prise au lendemain de l'armistice - Camp chinois
Autant l'annoncer immédiatement au lecteur : nous n'avons pas été en mesure de répondre à la question, et l'énigme du «  camp chinois » reste entière.
Mais voici les pistes suivies :
Depuis l'écriture de cet article, l'énigme est résolue : Voir Camp chinois de Gogney - 1919

En effet, en 1916, la France est impliquée dans une guerre qu'elle sait encore longue, et  cherche de nouvelles forces, tant pour renforcer le front que pour faire tourner les usines d'armements, ou même renforcer la production agricole de l'arrière :
- Elle se tourne donc vers son empire colonial, et en Asie vers l'Union Indochinoise constituée de différentes conquêtes : la Cochinchine (1859), le Cambodge (1863), l'Annam et le Tonkin (1883),  et le Laos (1893). On verra ainsi arriver en France en 1916 des combattants indochinois et des travailleurs (travailleurs coloniaux).
- Ces conquêtes avaient aussi entrainé la guerre franco-chinoise de 1881 à 1885, mais après la révolution chinoise de 1911, la toute jeune République Chinoise passe des accords en 1916 pour l'envoi de contingents de travailleurs chinois vers la France (travailleurs volontaires sous contrat).

Pour le camp de Gogney, s'agit-il de ces travailleurs chinois ?
Ou s'agit-il de travailleurs indochinois, encadrés ou non par des tirailleurs ?

Nous ne disposons d'aucune information sur l'hypothèse, très peu probable, de travailleurs indochinois (48 991 travailleurs) sur le Blâmontois, principalement affectés aux usines d'armement.

Au début de l'année 1916, divers bataillons de tirailleurs Indochinois vont rejoindre la France (pour un total de 43430 tirailleurs). A l'aide des Journaux de marches et opérations, nous avons recherché la présence éventuelle de ces unités militaires sur le Blâmontois, notamment après l'armistice.
On peut ainsi signaler la présence
- du 7ème bataillon à Lunéville le 10 novembre 1918,
- du 11ème bataillon  du 20 août au 15 octobre 1917 sur les positions Herbéviller, Saint-Martin, Bois Banal.
- du 21ème bataillon sur Ancerviller en septembre 1918.

Subsiste donc uniquement l'hypothèse de travailleurs chinois...


  • 1er bataillon de tirailleurs indochinois

Ce bataillon intervient dans les Balkans, de son débarquement à Salonique le 10 mai 1916 et son réembarquement au même port le 31 janvier 1919.

  • 2ème bataillon de tirailleurs indochinois

Arrivé à Salonique le 17 mai 1916, le bataillon est encore dans la Balkans en mai 1919.

  • 3ème bataillon de tirailleurs indochinois

Arrivé à Marseille le 20 juin 1916, le bataillon y rembarque le 11 février 1919, sans jamais avoir été affecté en Lorraine.

  • 6ème bataillon de tirailleurs indochinois

En Rethel lors de l'armistice, n'a jamais mis pied en Lorraine jusqu'à sa dissolution le 26 janvier 1919.

  • 7ème bataillon de tirailleurs indochinois

Débarqué à Marseille le 5 octobre 1916, le bataillon rejoint le front des Vosges le 15 juin 1917. Après une activité principalement dans le secteur de La Chapelotte, Moyenmoutier, Pierre-Percée, le bataillon gagne la Marne en janvier 1918. Le 26 août il est de retour à Remiremont.. A Baccarat le 13 septembre, le bataillon se déploie dans le secteur Vacqueville-Badonviller. Le 10 novembre, il reçoit l'ordre de rejoindre Lunéville en prévision d'une attaque possible dans la forêt de Parroy en cas de refus de l'armistice. Le 12, il retourne à Fontenoy la Joute, puis Nompatelize le 17, et gagne l'Alsace par le vallée de le Bruche et Rothau. Après un retour par les Vosges en janvier 1919, le bataillon repart vers Marseille le 17 février, où il s'embarque le 15 mars.

  • 11ème bataillon de tirailleurs indochinois

Le 7 juin 1917, le 11eme bataillon (9 officiers, 44 soldats européens et 1309 indigènes, partis de Haïphong le 21 avril 1916) arrive à Baccarat, et est mis sous les ordres du Chef du service télégraphique de 1re ligne de la VIIIème armée, où 800 tirailleurs exécutent le creusage des tranchées et la pose de fils télégraphique et téléphonique souterrains. Les cantonnements seront Brouville, Bertichamps, Vacqueville, Reherrey, jusqu'au 19 août, où le bataillon reçoit ses affectations : Bois-Banal, Saint-Martin (Notre Dame de Lorette), Herbéviller, Ancerviller. Après divers mouvements entre ces différentes positions, le bataillon est regroupé à Baccarat et part le 15 octobre 1917 pour effectuer des travaux à Affracourt, Toul, Lunéville Portieux...

  • 12ème bataillon de tirailleurs indochinois

Ce bataillon semble n'avoir jamais opéré dans le Blâmontois.
Note : le JMO du 12ème bataillon contient de curieux «  certificats de bien-vivre » délivrés par les maires des communes pour attester du bon comportement des tirailleurs : Compertrix (15 octobre-13 novembre 1916), Souilly (mai 1919), Autrécourt (su 22 septembre 1918 au 6 mai 1919), Fleury sur Ain (6 avril 1919), Nicey (30 avril au 1er octobre 1918), Veuhaulles (11 août au 29 septembre 1918), Daucourt (19 juin 1917 au 13 juillet 1917), Saponay (25 avril au 18 juin 1917), Vaires sur marne (6 novembre 1916 au 24 avril 1917), Autrécourt (10 juillet au 22 septembre 1916).

  • 13ème bataillon de tirailleurs indochinois

Le bataillon serra affecté dans le pas de Calais et dans la Somme en septembre 1916 pour divers travaux.
Il n'apparaît pas jusqu'à sa dissolution le 5 juin 1919, que le bataillon ait mis pied en Lorraine.

Note : Le JMO du 13ème bataillon, nous raconte l'effarant voyage vers la France de son effectif de 1023 hommes, embarqué à Haïphong le 29 mars 1916. Le 30 mars, un tirailleur décède à bord du Choléra. Le 3 avril, le bataillon débarque à Saïgon : deux tirailleurs décèdent le 5, l'un du tétanos, l'autre du choléra, et le 15, nouveau décès par tétanos.
Le 19 avril, après 15 jours d'isolation, «  l'état sanitaire est devenu passable », et le bataillon s'embarque en laissant à l'hôpital de Saïgon «  1 européen, 33 indigènes ». Le 20 avril, embarquent sur le même navire 1268 ouvriers indigènes, et le JMO contient cet extrait du rapport du Capitaine Berger du 2 juin 1916 :
«  Dès les 1er jours du voyage, il a été manifeste que l'effectif était beaucoup trop considérable. Les tirailleurs logés dans les faux ponts 1 et 2 à l'avant étaient assez bien, mais les faux ponts 3 et 4 et le spardeck arrière occupés par les ouvriers sont beaucoup moins habitables. La température à proximité de la chambre des machines est de 40° au moins ; le spardeck est obscur, ce qui rend la surveillance très difficile pour ne pas dire impossible. Enfin, le pont arrière déjà exigu, est encombré d'une part par le bétail sur pied, de l'autres par les cuisines et les latrines ce qui empêche les ouvriers de monter sur le faux pont pour respirer ; 200 hommes environ sur 1200 pouvaient trouver place successivement sur la dunette arrière et sur les panneaux.
Cuisines - Sont placées sur le pont arrière à bâbord ; elles occupent la plus grande partie de l'espace libre et sont malgré cela, beaucoup trop petites. La distribution des aliments est longue et difficile, ne permettent pas de faire cuire en une seule fois la quantité de riz nécessaire, ce riz est le plus souvent mal cuit, tantôt brûlé tantôt insuffisamment cuit. De plus, les marmites en fonte sont fragiles ; au bout de 3 ou 4 jours, 2 étaient cassées et inutilisables, on a du les remplacer à Colombo. Entre Colombo et Suez, 3 autres se sont cassées. Pendant la majeure partie du voyage, il a fallu assurer la cuisine avec 3 ou même 2 marmites seulement, aussi la distribution n'était terminée le plus souvent qu'à 14 h pour le repas du matin et quelquefois à 22 h le soir.
Latrine - Nombre de places tout à fait insuffisant pour l'effectif. Pendant les 1res heures de la journée, les hommes se pressaient aux abords et plusieurs ne pouvant pénétrer faisaient leurs ordures à l'extérieur ou dans les faux ponts. D'autres se postaient sur le bordage arrière malgré la défense et quelques chutes à la mer peuvent être attribuées à cette insuffisance de place. »
30 avril : 1 décès par choléra. Arrivée à Colombo.
1er mai : 1 décès par dysenterie.
3 mai : le navire repart de Colombo
Le choléra commence ses ravages : 1 décès le 4 mai, 1 le 5, 2 le 6, 1 le 8, 1 le 13, 1 le 14, 1 le 16.
Après deux jours de grosse chaleur en mer rouge, 4 décès le 17 mai.
Le 18 mai le navire arrive à Suez : 4 décès le 18, 4 le 19, et 6 cadavres impossible à immerger dans la rade restent 24 heures à bord. Deux cholériques se jettent à la mer...
Le navire appareille Pour le lazaret de Tor, dans le golfe de Suez ; durant le trajet, 3 nouveaux décès.
Le 25 mai au soir, le décompte depuis Saïgon indique 9 tirailleurs décédés (dont 7 de choléra) et 90 travailleurs (dont 73 par choléra).
Au 12 juin 1916, le décompte est de 12 tirailleurs et 104 ouvriers décédés, et de 226 cas en traitement.
Le 18 juin, l'effectif qui réembarque n'es plus que de 61 européens, 957 soldats indigènes et 1044 ouvriers. Le 29 juin le navire accoste en rade de Bizerte : durant cette traversé, 1 tirailleur et 9 ouvriers sont décédés dont 7 du béri-béri.
Du 30 juin au 6 juillet, on débarque 165 malades atteints d'oreillons ou de béri-béri.
Le décompte des décès depuis Saigon s'établit ainsi : 1 européens 13 tirailleurs, 115 ouvriers.
Le 6 juillet, départ de Bizerte et arrivée à Marseille le 9 juillet.

  • 14ème bataillon de tirailleurs indochinois

En Artois et Champagne, iIl n'apparaît pas que jusqu'à sa dissolution le 5 juin 1919, le bataillon ait mis pied en Lorraine.

  • 16ème bataillon de tirailleurs indochinois

Le 25 février 1917, un détachement de 250 hommes avec 6 sergents indigènes et 9 caporaux part pour Nancy pour être employé au service automobile. Hormis ce détachement, il n'apparaît pas jusqu'à sa dissolution le 6 juin 1919, que le bataillon ait mis pied en Lorraine.

Note : Le JMO comprend l'information suivante :
«  Note relative à la formation du 16è Btn de Tirailleurs indochinois
Les caractéristiques de ce Btn de volontaires est qu'il fut le premier en date fourni par l'Annam (recrutement commencé en 1916) et que la cour d'Annam, en raison des événements politiques qui ont mené la destitution - pour trahison - du jeune empereur Duy-Than, a cherché à rendre le recrutement du Btn aussi facile et sérieux que possible, en faisant engager pour l'exemple des membres de la famille royale et des parents de hauts fonctionnaires de la Cour ; on s'efforça aussi à y faire entrer le plus possible d'élèves des écoles. Ces indigènes (pièce n° 2 jointe) presque tous déjà gradés, jouissent sur leurs compatriotes d'une autorité incontestée.
Malgré les offres qui leur avaient été faites par les révolutionnaires les recrues ne livrèrent pas leurs armes distribuées quelques jours avant les évènements en question, et sauf quelques cas isolés qui ont été réprimés, le tirailleurs ne prirent pas part à cette tentative de mouvement anti-dynastique et anti-français. On se rendra compte de l'esprit de ces tirailleurs quand on saura qu'il n'u eut qu'une seule défection au moment du départ pour la France en mai 1916 ; cependant ce départ avait été annoncé plusieurs fois à l'avance puis retardé, ce qui avait pour conséquence la distribution anticipée de la 2ème partie de la prime d'engagement. Des tirailleurs au moment de toucher leur prime demandèrent à les verses pour les blessés.
Des tirailleurs de la famille royale et des familles lettrées réunies dans la 1re compagnie sous les ordres du capitaine de complément Délétie, chef du service de l'Enseignement en Annam, sont la pépinière des gradés du bataillon. »

  • 18ème bataillon de tirailleurs indochinois

Il n'apparaît pas jusqu'à sa dissolution le 5 juin 1919, que le bataillon ait mis pied en Lorraine.

  • 21ème bataillon de tirailleurs indochinois

Dans les Vosges depuis 9 mois, le bataillon, à Fraize le 31 août, 1918, fait mouvement par Etival, Raon-l'Etape, Baccarat, et atteint Glonville le 13 septembre. Le 15 septembre, il relève à Reherrey le 147ème régiment d'infanterie US. Puis le 19 septembre le bataillon se porte sur Montigny, Ancerviller où il subit un violent bombardement le 28 septembre et engage un combat à la grenade. Le 30 septembre, reconnaissance sur le hameau d'Ancerviller, trouvé désert. Après relève, le bataillon est réparti le 1er octobre entre Merviller, Reherrey, Baccarat et Glonville. Le 8 octobre, le bataillon remonte sur Montigny, et tentent diverses embuscades (route de Jesain-Domèvre, hameau d'Ancerviller, cimetière d'Ancerviller). Le 1er novembre, le bataillon est relevé et part pour Nossoncourt. Le 10 novembre, il part pour Moyen, par Baccarat, Xaféviller, St Pierremont, Magnières ; à Moyen lors de l'armistice, le bataillon reçoit le 12 l'ordre de retourner à Nossoncourt. Puis il est dirigé vers Jeanménil et Housseras, et enfin vers l'Alsace, où il cantonne le 21 dans la forteresse Mutzig-Molsheim (pillée auparavant par les habitants, puis mise à sac par les prisonniers russes et roumains). Il ne quitte l'Alsace que le 20 janvier 1919 pour rejoindre Epinal par Sainte-Marguerite. Après avoir été employé à la remise en état des sols et à la récupération, le bataillon part d'Epinal en train le 18 février, et atteint Marseille le 20. Le 18 avril 1919, il embarque à destination de l'Indochine, et le bataillon est dissous.

  • 23ème bataillon de tirailleurs indochinois

Le 11 novembre 1918, le 23ème bataillon est en Flandres, jusqu'à sa dissolution le 20 janvier 1919.

  • 24ème bataillon de tirailleurs indochinois

Il n'apparaît pas jusqu'à sa dissolution le 31 décembre 1918, que le bataillon ait mis pied en Lorraine.


Tirailleurs indochinois
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Cartes postales colonialistes présentant les tirailleurs indochinois comme futiles
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Travailleurs indochinois
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Rédaction : Thierry Meurant

 

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