Voici deux exemples de l'activité économique
générée par la frontière franco-allemande à Avricourt entre 1873 et 1914, et où les noms toujours
actuels des rues rappellent les entreprises qui y prospéraient : « rue du
Printemps », pour une entreprise française exportant vers l'Allemagne, « rue de
la Cérésite », pour une entreprise allemande exportant vers la France.
Rue du Printemps
Le11 mai 1865, Jules Jaluzot et Jean Alfred Duclos créent la société « Au
Printemps », et inaugurent leur premier magasin Boulevard Haussmann le 3
novembre de la même année. Dès 1866, le Printemps invente les soldes pour
écouler les stocks invendus. Mais la guerre de 1870 ralentit l'essor du magasin,
qui ne parvient à reprendre une activité sérieuse qu'en 1873.
En 1874, le
magasin s'agrandit encore, absorbant au fil des ans les immeubles voisins,
jusqu'au 9 mars 1881 où un incendie détruit totalement le magasin. Dès 1882, les
bâtiments sont reconstruits, et le Printemps Haussmann reprend son activité,
dont une grande partie repose sur les catalogues et les expéditions.
On comprend
donc l'intérêt pour Gilles Jaluzot d'avoir implanté à Avricourt
(1887 ou avant ?) un
magasin-entrepôt tant pour ses ventes, que pour ses achats (voir par exemple les
avantages allégués de la main d'oeuvre allemande dans le journal
Gil Blas du 11 mars 1883)
Avricourt - Etablissement du 'Printemps' |
Avricourt - Magasin 'Au printemps' |
Avricourt - Magasin 'Au printemps' |
Le Gaulois
17 décembre 1887
[...] La création de ces grands magasins, de date
assez récente, a porté un coup terrible au petit commerce parisien.
L'énorme quantité des produits, la variété incessamment renouvelée des
objets mis en vente, l'innombrable clientèle permettent à ces géants
commerciaux de livrer à des cours bien inférieurs à ceux de l'humble
boutiquier.
De même que les chemins de fer ont tué la diligence, de même les grands
magasins écrasent sous leurs roues tout ce qui vivotait, à Paris, du
culte de la femme. Ils ont vulgarisé l'élégance, en la rendant
accessible aux bourses les plus étroites.Le bas de soie, inconnu à la
bourgeoise d'autrefois, est en circulation parmi les plus humbles; ce
sont des tentations toujours nouvelles, d'autant plus dangereuses que
les petits y peuvent atteindre. De même, dans les campagnes la
Belle-Jardinière a, depuis longtemps, tué la blouse brodée du paysan
endimanché et remplacé ce vêtement primitif par une confection livrée
presque au même prix.
[...] Le point de départ de Jaluzot se rapproche beaucoup plus de celui
de Boucicaut, duquel, d'ailleurs, il fut l'employé le plus apprécié
pendant cinq années. Jaluzot débuta aux Villes-de-France; puis, voyant
le magasin péricliter, n'ayant pas confiance en son avenir, il alla
frapper à la porte du Bon-Marché, sûr d'avance du succès. Il y entra à
quinze cents francs par an et un minime intérêt; il en gagnait vingt
mille environ lorsqu'il se sépara de Boucicaut pour venir fonder les
magasins du Printemps.
Ah ! ce ne fut pas sans longues traverses qu'il arriva au niveau de ses
ainés; on commença par n'avoir que le rez-de-chaussée de la maison;
l'année suivante, on prit l'entresol, puis le premier, le second, le
troisième; toute la maison. On marchait à pas de géant; la maison en
absorba une seconde, une troisième à l'heure actuelle, c'est tout un
magnifique pâté de constructions, au centre du boulevard Haussmann, qui
appartient au Printemps et montre la fortune de ces établissements entre
les mains d'un homme d'affaires, intelligent, actif, ayant de
l'initiative et de l'audace.
C'est Jaluzot qui a, le premier, fondé une succursale du Printemps à
Yokohama. A l'heure actuelle, il en établit une autre à Tanger. Non
content de la clientèle parisienne, il fait d'immenses affaires
d'exportation ; il a des magasins pour le service des expéditions en
douane à toutes les frontières, et, lorsqu'on a passé la frontière
allemande, le premier nom français qui saute à l'oeil sur les murailles
d'Avricourt, écrit en gros caractères, est celui de JULES JALUZOT ET C°.
Signe des temps ! |
Rue de la Cérésite
Hans Wunner dépose en 1898 un brevet pour un matériau d'étanchéité bitumineux
destiné à la la fabrication de ciment imperméable à l'eau.
Après une première entreprise en 1905, est créée en 1907 la société allemande
Wunnersche Bitumen-Werke G.m.b.H, à Unna en Westphalie
Elle met au point en
1908 un procédé hydrofuge, la Cérésite, permettant d'assécher caves et murs.
En Lorraine, l'usine d'Igney-Avricourt est déjà installée en 1913, permettant de
présenter le produit comme un « Hydrofuge français », avec un siège avenue de la
Garenne à Nancy.
L'Immeuble et la construction dans l'Est
24 septembre 1922
(note : la publicité pour le siège avenue de la Garenne figure encore dans ce
journal en 1938)
Au pays d'Avricourt (ancienne frontière d'Alsace-Lorraine) une grande usine
s'est installée pour la production de la Cérésite. Cette Cérésite est un produit
qui se mélange au mortier pour combattre l'humidité, qu'elle supprime
radicalement et dont elle est pour toujours victorieuse. Ce produit a déjà
obtenu 5 grands prix, des références hors ligne, et nous pouvons dire sans
aucune hésitation qu'elle défie toute concurrence.
Les bureaux de la Cérésite à Nancy sont situés au 49 de l'avenue de la Garenne
des anciens ducs de Lorraine. On peut donc facilement s'y rendre et constater de
visu. |
Revue Le Ciment - Mai 1910 |
Revue textile - 31 décembre 1913 |
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