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Emberménil - 5 novembre 1914
 


Voici deux nouvelles relations du crime commis par les Allemands à Emberménil, le 5 novembre 1914, en fusillant Marie Masson et Louis Dime. Les évènements ont été rapportés par par de nombreux journaux (voir par exemple La Croix - 19 juin 1924, L'armée du crime - 1915, Bourreaux par Ordre - 1914, 1914 - L'Etoile Noëliste, etc), et les rapports officiels décrivent les faits par témoignage :
«  Le 5 nov., j'ai, comme tous les habitants d'Emberménil, assisté à l'exécution par les Allemands de Mme Masson et de Louis Dime. Malgré nos supplications, les Allemands l'ayant fait asseoir sur un banc à côté de L. Dime, l'ont fusillée sous nos yeux, ainsi que ce dernier. - Signé : Olympe Guise, veuve Granvalet, 56 ans, à Emberménil. »

Citons aussi la relation des événements donnée dans la Liste des personnes désignées par les Puissances alliées pour être livrées par l'Allemagne :
«  Le 5 novembre, vers 10 heures, un peloton du 4e landwehr bavarois pénétrait dans Emberménil. Tous les habitants furent réunis et parqués devant l'église. Un lieutenant parlant fort bien le français, leur dit : «  Une femme de ce village a renseigné faussement une de nos patrouilles, il y a quelques jours. Celle qui a dit... (le propos ci-mentionné) est-elle ici ? Philmène Masson se déclara immédiatement. «  Vous allez être fusillée, poursuivit l'officier; mais le colonel ordonne qu'il y ait au moins deux exécutions.
« Et aussitôt il fit saisir Louis Dime, malgré les supplications de la mère de ce dernier présente, qui s'accrochait désespérément au cou de son fils. Les habitants (en majorité des femmes et des enfants), en particulier la mère de Louis Dime voulurent s'enfuir en voyant les bavarois mettre en joue les deux malheureux. Ils furent maintenus à coups de crosse et de baïonnette, et durent assister à l'exécution jusqu'au bout.»
Début de novembre 1914 (Emberménil [Meurthe-et-Moselle]).


Mais les deux articles ci-dessous, s'ils font tous deux porter la responsabilité sur le colonel bavarois Von Vallade, présentent des versions bien différentes (hormis les erreurs de noms, Masson nommée Husson, et Dime, Bème) :

  • dans la version allemande madame Masson, interrogée sur la présence de troupes françaises à Emberménil, «  ne sait pas ». Dans la version française, «  N'écoutant que son patriotisme, Mme Husson refusa de trahir nos soldats », laissant fortement penser à une omission volontaire.

  • dans le version allemande, le capitaine Rexroth annonce préalablement qu'il a ordre de fusiller des habitants ; dans la version française, il le cache.

  • pour les allemands, c'est le maire d'Emberménil qui désigne Louis Dime comme victime ! ... hormis que la maire, Joseph Eugène Alison, ne pouvait être présent ce 5 novembre, puisqu'emmené comme otage le 12 septembre 1914.

  • «  nos soldats bavarois refusèrent de tirer et dans leur horreur ils se cachèrent derrière les maisons », tente de faire croire la version allemande. Mais les comportements déjà rencontrés à Parux, Badonviller, Nonhigny dès août 1914, sont plus proches de la version française : «  Par un incroyable raffinement de férocité, le peloton d'exécution tirait à trois reprises sur les malheureuses victimes dont les cadavres furent criblés de balles »


L'ouest-Eclair
5 février 1920

L'un des crimes allemands
Le drame d'Embermenil raconté par un officier bavarois

Paris, 4 février. - Sous le titre «  L'Heure des Révélations et de la Reddition des Comptes », la revue Marienburg, organe des officiers bavarois en disponibilité publie la note suivante qu'on lira avec intérêt au lendemain de la démission tapageuse de von Lersner :
Le 27 octobre 1914, le sous-officier Ebert, du 4e régiment de Landwehr, fut fait prisonnier par les Français dans le village d'Emberménil, près de Lunéville. Il y avait pénétré après avoir demandé une femme si l'ennemi ne s'y trouvait. pas. La femme avait répondu : «  Je ne sais pas. »
En guise de sanction, de colonel von Vallade fit tirer des obus sur le village. Mais, dix jours plus tard, trouvant que cette sanction était insuffisante, il publia un ordre de régiment où il prescrivait une nouvelle punition «  sans pitié » pour les habitants d'Embermenil. Plusieurs maisons seront à incendier ou à détruire et deux à trois habitants seront à fusiller au milieu du village. On enlèvera, si possible, des chevaux, du bétail, des voitures. des outils. Il y aura lieu de dire aux habitants pourquoi il est procédé à cette mesure. »
C'est le capitaine Rexroth qui reçut l'ordre de procéder à cette exécution militaire. Il en fut épouvanté. Il rassembla les habitants et demanda qui, dit jours auparavant, avait induit le sous-officier Ebert en erreur. Comme personne ne se présentait, le capitaine dit qu'il était obligé de fusiller plusieurs habitants. A ce moment, une française enceinte se présenta et dit que C'était elle qui avait fait la réponse au sous-officier.
Mais Rexroth devait avoir au moins deux coupables. Ses camarades l'avaient prévenu qu'en cas de non-exécution de l'ordre, Vallade le traduisait devant un conseil de guerre pour désobéissance. Le capitaine, dans son désespoir, demanda au maire d'Emberménil de lui désigner au moins un de ses administrés «  pour qui ce ne serait pas dommage ». On lui désigna alors un faible d'esprit, l'idiot du village.
Ces, ainsi que les deux victimes furent collées contre le mur du cimetière. Mais nos soldats bavarois refusèrent de tirer et dans leur horreur ils se cachèrent derrière les maisons. Ce ne fut que sur la prière instante Au capitaine que quelques-uns se décidèrent de fusiller la femme et le jeune homme ».
La revue Marienburg ajoute : «  Il appartient à M. le colonel Vallade qui habite, 9, Ludwigstrasse à Wurtzbourg, de se défendre. Il est maintenant encore au service de la République de Bavière comme chef d'un groupe de démobilisation. »
Le gouvernement français ne manquera pas de tirer cette histoire au clair. Le colonel von Vallade aura comparaître devant un conseil de guerre. Si les faits sont reconnus exacts, la sanction finale s'impose «  sans pitié ».
Le lieu de l'exécution est tout Indiqué. Ce sera à Emberménil même.


Le Matin
18 juin 1924

LES ATROCITÉS ALLEMANDES EN LORRAINE
COLONEL BAVAROIS VON VALLADE
condamné à mort par contumace
LES CRIMES HORRIBLES DE CE SOUDARD

[DE NOTRE CORRESPONDANT PARTICULIER]
NANCY, 17 juin. Le conseil de guerre de la 20e région a condamné à mort aujourd'hui par contumace, le colonel von Vallade, commandant le 4e régiment de landwehr bavaroise, inculpé de meurtre, incendie volontaire, pillage en bandes armées et violences.
Au début d'octobre 1914, des patrouilles de soldats bavarois pénétraient dans Embermesnil, commune alors située entre les lignes allemandes et les lignes françaises. Leur chef demanda à une jeune femme du pays, Mme Husson, 28 ans, où étaient les Français.
N'écoutant que son patriotisme, Mme Husson refusa de trahir nos soldats. Les Bavarois alors envahissaient Embermesnil, mais à peine avaient-ils pénétré au coeur du village qu'une fusillade nourrie jetait le désarroi dans leurs rangs, et les nôtres, au cours d'un brillant assaut, parvenaient à faire de nombreux prisonniers, dont le chef des patrouilleurs.
Le 5 novembre, malheureusement, un détachement du 4e bavarois réoccupait village alors, ayant été rassemblés devant l'église, un officier, parlant fort couramment le français, demanda si la personne qui avait le mois précédent renseigné faussement les Allemands, était présente.
Spontanément, Mme Husson se dénonça. L'officier la fit alors sortir du rang et annonça à la pauvre femme, sur le point d'être mère, qu'elle allait être fusillée.
En outre, un jeune homme de 24 ans, Louis Bème, fut également condamné être fusillé, malgré les supplications de sa mère. Et la double exécution eut lieu sous les regards épouvantés des habitants d'Embermesnil.
Par un incroyable raffinement de férocité, le peloton d'exécution tirait à trois reprises sur les malheureuses victimes dont les cadavres furent criblés de balles.
Ce meurtre ne devait d'ailleurs pas suffire aux Bavarois qui incendièrent ensuite la maison de M. Etienne Husson, beau-frère de Mme Husson.



Photographie publiée dans «  Le Miroir » n° 154 du 5 novembre 1918 :
«  Témoignage des crimes de Réméréville, Emberménil et Vitrimont : [...] la troisième photo représente une plaque de marbre apposée par nos soldats sur une maison d'Emberménil »

La plaque ci-dessus est erronée, tant en ce qui concerne la date (5 novembre, et non le 4) que le prénom et le nom de jeune fille de Madame Masson : le vrai nom de jeune fille de Madame Eugène MASSON est Marie Philomène CAMSAT, née le 29 avril 1886 à Leintrey (fille de Désiré Bernard CAMSAT et Marie-Louise Philomène QUERTAT).

On notera aussi qu'aucune de deux versions précitées ne nie que Madame Masson ait été interrogée par les Allemands, le 27 octobre selon les uns, début octobre selon les autres. Ce fait, qui semble donc acquis, ne paraît cependant pas assez héroïque pour les écrivains propagandistes :

La Grande guerre par les grands écrivains - Messidor
20 mars 1917

L'Héroïsme des Femmes

De l'héroïsme, encore de l'héroïsme et toujours de l'héroïsme féminin, pendant 300 pages en texte serré ! Corneille lui-même demeurerait stupide, et non pas seulement à la manière de ses héros, s'il lisait les Françaises et la Grande Guerre de Mme Berthem-Bontoux.
«  C'est plus beau que l'antique ! » se serait écrié Corneille devant la mort de Mme Masson, d'Emberménil.

«  A Emberménil, sous prétexte que la veille une femme l'a induit en erreur, touchant la présence de soldats français aux alentours du village, un officier saxon convoque les 200 habitants à l'église, et somme la prétendue coupable de s'avouer pour telle, faute de quoi, cinq minutes après tous les gens de la commune seraient passés par les armes.
«  Il escomptait la frayeur de ces braves gens pour les porter au besoin à dénoncer au hasard une des femmes présentes ou absentes. Vain et odieux calcul aussitôt déjoué ; une femme se lève, sort de la foule et crie très haut :
«  C'est moi ! »
«  Cinq minutes après, elle était fusillée. Or, au dire de tous les témoins, Mme Masson était pure de ce mensonge. Mais il fallait préserver la vie de ces deux cents personnes, et elle s'était présentée la première en holocauste. »

Je livre ce trait à la méditation de nos dramaturges de l'avenir.
Il y a ainsi cent traits, il y en a mille, tous authentiques. Héroïsme des femmes, des mères, des jeunes filles, des enfants mêmes. [...]

 

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