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Porte sculptée du XVIe siècle à Domêvre-sur-Vezouse
(notes renumérotées)


Bulletin mensuel de la Société d'archéologie lorraine et du Musée historique lorrain
1921

Note sur une porte sculptée du XVIe siècle à Domêvre-sur-Vezouse

Sur le flanc sud d'une petite colline que baignent les eaux de la Vezouse, au bas du village de Domêvre (1), le parc de la propriété Keller s'étend sur les anciennes terres de l'abbaye. C'est au milieu de ce parc que l'on remarquait encore avant la dernière guerre, à demi enfouis dans une abondante végétation, les restes d'une porte sculptée présentant une coquille au-dessus de laquelle se détachait en relief la date 1541.
Assez maltraité par le temps, fendillé et disjoint, cet assemblage de blocs de grès rouge, tirés des contreforts vosgiens, restait isolé, solidement rivé aux fondations d'un mur disparu, dont les vestiges se devinaient courant au travers du parc. C'était tout ce qui avait survécu de l'ancien prieuré de Saint-Remy, annexe de l'abbaye de Saint-Sauveur-en-Vosges.
A l'époque où cette porte fut construite, le prieuré paraissait jouir de la vie la plus calme et la plus heureuse un chanoine l'habitait; y célébrant quotidiennement la messe. L'abbé lui-même, quittant l'âpre région forestière où s'élevait son monastère, y faisait de fréquentes apparitions pour surveiller de plus près l'exploitation du domaine qui alimentait la table de ses religieux (2). Ces visites ne pouvaient manquer d'entraîner quelques modifications dans le décor extérieur de l'hospitalière maison. La porte en question en est un exemple : elle remonte à l'année qui suivit la nomination de Jean- Jean VII (Jacquot ou Jacob) au gouvernement de l'abbaye (1540-1552).
II ne reste, à notre connaissance, aucun document dans les archives qui puisse nous éclairer sur les origines du prieuré de Saint-Remy; il est probable qu'il s'éleva aux abords de bâtiments destinés, au début, à servir pour l'exploitation des parcelles possédées en ces lieux par Saint-Sauveur. L'évêque Berthold, en fondant l'abbaye en 1010, lui avait légué la terre de Domêvre avec les hommes qui l'exploitaient (3).
En faisant apporter tant de soin à l'exécution des sculptures de la porte, l'abbé Jean-Jean VII ne se doutait pas qu'un jour l'adversité obligerait son successeur à chercher un refuge dans l'humble prieuré. Au début de la seconde moitié du XVIe siècle, les soulèvements religieux, éclatant un peu partout, avaient amené les calvinistes jusqu'à l'abbaye de Saint-Sauveur, qui fut pillée et totalement incendiée en 1568. La maison de Domêvre reçut les religieux chassés de leur monastère, et, en 1569, la translation était accordée par une bulle du pape Pie V (4). Nous n'entrerons pas dans le détail des polémiques engagées entre l'abbé Nicolas Malriat et l'évêque de Metz, à propos de la nouvelle installation des religieux; disons cependant que Saint-Remy était situé sur la rive droite de la Vezouse, dans le diocèse de Metz, et que l'évêque de Toul, Pierre du Châtelet, n'entendait pas que ses religieux allassent s'établir hors des terres de son spirituel. Enfin, un accord intervint et le duc Charles III donna, le 14 mai 1570, l'autorisation de construire une nouvelle abbaye en ces lieux.
Le prieuré perdit son nom et probablement ses bâtiments, absorbés par la toute neuve abbaye; l'ancien mur de clôture disparut en partie, car la nouvelle enceinte fut reportée bien plus bas, près de la route qui fut l'ancien chemin de Blâmont. La nouvelle grande maison, qui avait conservé intacte sa porte sculptée devait, à son tour, subir les violences des envahisseurs. Dix-sept ans plus tard, le 3 septembre 1587 (5), les reîtres du capitaine Jean de Guitry, furieux de leur échec au siège du château de Blâmont, se ruaient sur une proie plus facile, mettaient à sac l'infortunée abbaye et l'incendiaient. La porte fut encore une fois sauvée de la destruction, mais abandonnée dans sa solitude, se rongeant petit à petit sous l'action du temps. M. l'abbé Chatton présume, dans son Histoire de l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domêvre, que «  le blason en a été martelé probablement à l'époque de la Révolution, quand l'ordre fut donné de faire disparaître tous les signes de la féodalité et du fanatisme » (6). Le blason des abbés, si toutefois il y fut reproduit, ne pouvait qu'être situé à la partie supérieure, de chaque côté de la date. Nous avons un exemple de cette disposition dans la porte d'entrée de l'église de Bénaménil, contemporaine de celle de l'abbaye (1534). Un type à peu près unique semble avoir été adopté pour les édifices religieux de cette époque.
La dislocation de la porte d'entrée du prieuré faisait entrevoir sa chute dans un avenir peu éloigné; à notre dernière visite, nous ne l'avons plus retrouvée ; le sol était criblé de trous d'obus et fouillé par de profondes tranchées. C'est un lieu de désolation que nous avons parcouru; les reîtres de 1914-1918 furent encore plus funestes que leurs prédécesseurs de 1587.

JEAN DIVOUX.

(1) Meurthe-et-Moselle, arr. Lunéville, cant. Blâmont.
(2) Ed. CHATTON, Hist. de l'abbaye de Saint-Sauveur et de Domêvre, Nancy, 1897, in-8.
(3) Chron. de RICHER DE SENONES, l. II, ch. XVI.
(4) Arch. de M.-et-M., H. 1382.
(5) Arch. de M.-et-M., H. 1472. p. 219.
(6) Ed. CHATTON, Op. cit., p. 219.


NDLR : ce que Jean Divoux ne pouvait pas savoir après la première guerre mondiale, et ce que nous ignorions aussi avant qu'un de nos lecteurs assidu ne nous le signale, c'est que cette porte du prieuré de Saint-Rémy n'avait pas totalement disparu ! Elle avait été conservée, et n'est réapparue que tout récemment, mise en exposition par la mairie de Domèvre devant l'hôtel de ville : elle porte toujours son dessin en forme de coquille et la date de 1541.


 

 

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