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Reillon - Le monument des bras de chemise

Voir aussi :
19 et 20 juin 1915

15 juillet 1923 - Inauguration du monument de Reillon (217e)
15 juillet 1923 - Photos de l'inauguration du monument des bras de chemise
18 mai 1929 - Visite au monument des bras de chemise

Dans l'article 19 et 20 juin 1915, nous écrivions «  Les 19 et 20 juin 1915 voient d'importants combats se dérouler à proximité de Reillon, sur la côte 303 marquée aujourd'hui par le monument dit des Bras de Chemise (?... aucune source ne permet à ce jour de confirmer l'origine de cette appellation locale), ».

La relation ci-dessous du voyage fait en 1929 sur les champs de bataille par les anciens du 217ème régiment d'infanterie, permet de mettre enfin un terme aux différentes allégations qui fleurissent deça, delà, sur les origines de ce terme de «  bras de chemise », puisqu'on y lit :

«  Puis, c'est le tour de celui qui est resté pour nous, le commandant Villlemin. D'une voix forte, dominant son émotion, il retrace l'héroïsme des poilus du 5e bataillon du 217 qui, dans la soirée du dimanche 20 juin 15, montèrent à l'assaut en bras de chemise, tant il faisait chaud et finirent par rester maîtres de cet observatoire qui paralysait tous nos mouvements dans la plaine du côté est de la forêt de Mondon. »
Cette information, donnée directement par l'ancien commandant du 5ème bataillon du 217ème régiment d'infanterie, confirme que pour la troisième contre-attaque du 20 juin 1915, lancée à 16 heures contre l'observatoire allemand du point d'appui 293,7 (cote 303), ses soldats ont été autorisés, vue la chaleur, à attaquer en bras de chemise, pour parvenir à 17 h à la capture de l'observatoire.

Il reste cependant étonnant que le texte ci-dessous n'évoque pas l'existence du monument, qui porte aujourd'hui la mention «  érigé par la Société des Anciens Combattants du 217e R.I., Lyon, juillet 23 ». Une partie de l'énigme subsiste donc... (Note : l'énigme est résolue depuis l'écriture de cet article par les photographies prises ce 18 mai 1929, qui montrent une cérémonie se déroulant au monument. Il demeure cependant étonnant que le chroniqueur ne relate pas cette cérémonie dans son récit).


Le Réveil des A.P.G du Centre : bulletin de l'Association des anciens prisonniers de guerre du Centre (Puy-de-Dôme, Allier, Cantal, Creuse )
Avril/mai 1929


Pèlerinage au Secteur
(18 - 19 Mai 1929)

Quatre heures du matin. La fraîcheur du petit jour me tire de ma somnolence. Où sommes-nous ? Je baisse la glace de la portière du wagon et tout à coup comme au cinéma, un nom quelconque mais qui, pour moi, est un souvenir, passe en vitesse devant mes yeux: Dounoux !! C'est bien là en effet que le matin du 6 août 1914, mon régiment a débarqué. Le paysage ne me paraît pas avoir changé, les bois alternent avec les prairies, ci et là une ferme fait tache. Je n'ai pas le temps de rassembler tous mes souvenirs que déjà le train s'arrête. Epinal. Nous voilà arrivés. Il est quatre heures et demie. Les autres camarades venus de Lyon sautent également du train. On se cherche du regard. Les années ont passé et les visages ont changé. On se reconnaît tout de même et on a plaisir à se revoir. Mais dans ce voyage, la hiérarchie n'existe plus. Ex-officiers et ex-soldats font montre d'une fraternité agissante. Il y a quand même un protocole. C'est l'ami Gélin qui, papiers en mains, répond du mieux qu'il peut aux multiples questions qui lui sont posées. Tout en dégustant un jus qui nous rappelle - en plus mal - celui de la roulante, on se donne rendez-vous à sept heures.
Une courte visite aux rives de la Moselle et retour au point de ralliement dans la cour de la gare. De confortables autocars sont là. C'est supérieur aux meilleures voitures des T. M. Tout l'équipement consiste en appareils à photos, cartes et trench coat. Il fait frais pour ne pas dire froid.
Mais voilà le commandant Villemin, toujours aussi bon papa, qui embrasse tout le monde et a un mot aimable pour tous. D'abord capitaine, il commanda le 5e bataillon, puis passa colonel au 103 à Paris. Les présentations sont faites. Les souvenirs rapidement évoqués et chacun se case dans les voitures qui nous emmènent bon train, à Rambervillers. Nous traversons- la ville plus gaiement que dans la nuit du 10-9-14 et nous entrons dans le Bois Béni - par qui? pas par nous sûrement ! A la sortie, halte, tout le monde en bas. M. Villemin explique où nous étions, telle compagnie ici, là cette autre et à 100 mètres en face, les barbelés et les tranchées allemandes. Ce paysage calme que nous avons vu si défiguré, nous émotionne. Les dames - car il y en avait une douzaine qui avaient tenu à accompagner leurs maris - s'intéressent particulièrement à cet exposé des faits qui se sont déroulés si tragiquement là même où nous sommes, il y a 15 ans !
Mais le temps passe. En voiture et en route pour Baccarat où nous arrivons à 10 heures. Une messe est dite spécialement à 11 heures pour les morts du 217e. Nous y assistons tous. La petite église est bondée, mais nous ne reconnaissons plus Baccarat. Tout est rebâti, propre, net et du plus gracieux  effet.
A Midi, un repas substantiel et parfaitement servi a lieu à l'Hôtel de l'Agriculture. Les patrons sont heureux de reconnaître ceux d'entre nous qu'ils ont particulièrement connus pendant notre séjour dans la petite ville aux cristaux fameux.
Comme une volée de moineaux, tout le monde s'éparpille et tâche de retrouver soit un ancien cantonnement, soit un ancien poste d'issues. Les casernes sont dans le même état qu'en 1914.
Toujours inachevées, mais un peu plus délabrées et avec beaucoup d'herbes hautes dans les cours.
Cependant il est l'heure. Chacun regagne son car et nous voilà repartis par un temps couvert, mais un peu moins froid. Voilà Merviller, puis Montigny, le bois Banal et Domèvre qui, en 15, n'était occupé ni par les uns ni par les autres. On y allait en patrouille et prudemment. Nous filons sur Saint-Martin, la bise est aigre, un coup de volant à droite et nous voilà à Reillon, but de notre pèlerinage. Nous laissons à gauche le cimetière où reposent tant des nôtres. Les tombes allemandes sont également nombreuses et de nombreux habitants des villages voisins sont là qui nous attendent.
M. Clayette, président de l'Amicale des Anciens du 217, rappelle les faits qui se sont déroulés le 20 juin 1915 et qui ont coûté la vie à tant de nos camarades pour s'emparer de l'observatoire allemand de la côte 303.
Puis, c'est le tour de celui qui est resté pour nous, le commandant Villlemin. D'une voix forte, dominant son émotion, il retrace l'héroïsme des poilus du 5e bataillon du 217 qui, dans la soirée du dimanche 20 juin 15, montèrent à l'assaut en bras de chemise, tant il faisait chaud et finirent par rester maîtres de cet observatoire qui paralysait tous nos mouvements dans la plaine du côté est de la forêt de Mondon. Il fait l'appel des morts et termine en maudissant les guerres qui, dit-il, ne rapportent rien à ceux qui les font, mais qui ont le triste apanage de faire pleurer les mères dans tous les pays qui y participent !
Dans la foule, les yeux se mouillent en nous tournant du côté du cimetière tout près où nous pourrions, nous aussi, dormir aux côtés de tous ceux qui sont là sous les petites croix blanches à l'ombre du drapeau qui flotte au sommet du grand mât. Une palme est déposée.
Une minute de recueillement et nous repartons par Vého, Leintrey, le Rémabois, Emberménil et le fort de Manonvillers démoli à jamais. Un léger arrêt et nous filons sur Domjevin et Fréménil où on fait une légère pause. On retrouve des visages amis. On prend des nouvelles. Celui-là est mort, l'autre est parti. D'autres sont revenus que nous n'avions pas connus, mais qui sont heureux de faire notre connaissance.
En voiture, et par Bénaménil. Thiébauménil, Laronxe et St-Clément, on revient à Baccarat. Là, Gélin, Beïlet et Pesseto distribuent les billets de logement. On soupe et chacun cherche un repos réparateur à la nuit précédente passée dans des trains bondés.
Le lendemain, à 10 heures, départ pour Badonvillers où nous arrivons vers midi. Le temps est superbe, visite au cimetière et déjeuner succulent servi à l'Hôtel de la Gare. Badonvillers qui avait été détruit dans la proportion de 72 pour cent est complètement reconstruit.
Nous nous rendons au monument aux morts du 358e, un bouquet de fleurs est déposé. Quelques instants de recueillement et on s'apprête à repartir. Les abris et tranchées sont encore là. Les abris se sont effondrés, mais tout est encore bien apparent. Les dames se rendent compte du confortable de ces habitations forcées !
Suivant l'itinéraire prévu, nous repartons et filons sur Raon-l'Etape, puis le col de la Chipotte où dans une clairière se trouve un cimetière qui comprend prés de 2.000 soldats dont la moitié de non-identifiés. Comme à ReilIon, tout est parfaitement tenu, mais le spectacle de cette nécropole, au milieu des sapins des Vosges est saisissant. On repart pour Rambervillers, une légère halte puis retour à Epinal. Après un très bon dîner à l'Hôtel de la Gare, a lieu la dislocation. On se sépare à regret, tout en emportant le meilleur souvenir de ce voyage que tout le monde a trouvé trop court.
Qu'il me soit permis d'adresser mes plus vives félicitations aux organisateurs de cette belle randonnée. Il m'est impossible de les nommer tous, mais je me dois de citer au passage, d'abord,
Clayette, l'animateur du groupement, puis les amis Gélin, Bellet, Jacob, Pesseto qui n'ont plaint ni leur temps, ni leur peine, mais qui peuvent être certains que tous ceux qui ont fait partie du voyage en ont emporté un souvenir inoubliable.
F. CAILLOU.

 

 

Rédaction : Thierry Meurant

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