Si l'on connait le ministère à Blâmont de Nicolas François
Pierre Saucerotte (1763-1834) à compter de 1806, il y a dans la
table des Prêtres officiants à Blâmont,
un absent d'importance, Nicolas-Antoine Mathieu.
Sur la date de sa nomination à Blâmont comme doyen cantonal, les
sources diffèrent : ainsi, Alphonse Dedenon écrit dans
Histoire du Blâmontois dans les temps
modernes :
« C'est seulement en 1804 que fut nommé le premier doyen, en
la personne de Mathieu, ex-curé de Chamagne, émigré et zélé
missionnaire dans les Vosge »
Mais les textes ci-dessous évoquent 1803. Par ailleurs Alphonse
Dedenon nous décrit une cérémonie en 1816 au retour des Bourbons
:
« C'est avec une joie sincère qu'on vit, chez nous, Louis
XVIII remonter sur le trône des Bourbons. [...] A l'anniversaire
du 21 janvier, il y eut une émouvante cérémonie de réparation,
que relate le registre des délibérations. Les dignitaires et la
population y assistèrent sans exception. Le 25 février suivant,
se présenta le sous-préfet pour apporter un drapeau à la Garde
nationale. La fête fut grandiose. Après la revue du bataillon et
la remise de son insigne, toute l'assistance se rendit à
l'église. Le curé Mathieu expliqua longuement le sens de la
bénédiction qu'il allait donner au drapeau blanc, et recommanda
la fidélité à son égard ; la foule répondit à sa harangue, en
chantant à pleine voix : Domine salvum fac regem. Toute la
soirée se passa ensuite en festins, en danses et en multiples
réjouissances »
On comprend mieux, à l'aide des textes ci-dessous, l'engouement
de Nicolas-Antoine Mathieu pour le retour de la royauté, lui
qui, curé insermenté de Chamagne, connut l'émigration et des
activités clandestines dans les Vosges : les archives
départementales des Vosges regroupent d'ailleurs pour les années
1794-1796 des actes de baptêmes et mariages célébrés
clandestinement par Nicolas Antoine Mathieu, dans les paroisses
d'Arches, Bellefontaine, Le Clerjus, Hadol, Plombières, Saint-Nabord
et Remiremont ; Luxeuil et Magnoncourt, paroisse de Saint-Loup,
Sainte-Marie en Chanois et Fougerolles (Hte-Saône), et Le
Val-d'Ajol.
Quant au remerciement impérial qui lui est adressé pour avoir
soigné les blessés de la grande armée (1806), il constituera,
malgré l'intervention de l'évêque auprès de la chancellerie de
la légion d'honneur, « les arrhes d'une récompense » qui
ne viendra jamais.
Jean Louis Nicolas
de Thumery, chanoine de la cathédrale et Provicaire du Diocèse
de Saint-Dié
Ch. Chapelier
Ed. Epinal, 1920
Le coup d'Etat de fructidor
jette, une deuxième fois Nicolas Antoine Mathieu (1) sur les
routes de l'exil. Il gagne la région de Constance, peut-être
même Straubingen (Bavière), où réside L. Didelot. Il peut alors
se présenter à son évêque qui apprend à le connaître et
l'apprécie. M. de Thumery, avant sa déportation presque subite,
n'avait pu déléguer ses pouvoirs. Mais cette fois, N. A.
Mathieu, agréé par Mgr de Chaumont, rentre clandestinement au
pays natal avec son brevet de provicaire. Une lettre de M. de
Thumery - 6 juillet 1799 - donne ces faits comme récents.
(1) Mathieu Nicolas Antoine, né à Remiremont, le 23 juillet
1752, de Jacques Colin Mathieu, régent d'école et d'Anne Agathe
Rennepont, prêtre de 1776, vicarie d'abord au pays natal, puis
devient curé de Chamagne, alors diocèse de Nancy. Insermenté et
dépossédé de sa cure, il rentre à Remiremont et s'y dévoue à
l'œuvre des missions. Aussi, dès le 16 mai 1791, Poullain-Grandprey,
procureur général, le dénonce pour ministère dangereux, à Maudru,
afin d'obtenir contre lui une suspense a divinis. L'évêque,
cette fois, a la pudeur de ne pas répondre. Le 25 mars 1792, les
municipaux remiremontais ordonnent une enquête contre Nic. Ant.
Mathieu, qui s'éloigne forcément de la paroisse le 9 mai
suivant. Il y rentre un peu plus tard, muni de pouvoirs pour les
diocèses de Saint-Dié et de Besançon ; il signe des actes
religieux au Val-d'Ajol de 1794 à 1797, et à Plombières, en 1794
et en 1796. La police connaît sa présence, puisque, le 16
prairial - 4 juin 1795 - le procureur général écrit au procureur
syndic du district de Remiremont : « Il est pressant de faire
arrêter, même par la garde nationale, N. Mathieu. » En juin
1801, N. Ant. Mathieu est à Remiremont où il institue L. Didelot
administrateur de la paroisse ; mais il continue à se cacher. En
attendant la loi d'amnistie, on l'envoie en surveillance à
Bruyères, et déjà il dessert la cure cantonale de Blâmont, quand
est signé, le 18 germinal XI - 8 avril 1803 - son certificat
d'amnistie. Dans ce nouveau poste, il prodigue ses soins aux
blessés de la grande Armée ; l'empereur le sait et le félicite
par l'organe du ministre des cultes. Au décès de M. Perrin, curé
de Mirecourt, M. Mathieu lui succède, le 14 juin 1816, et meurt
en fonctions dans cette ville, le 3 avril 1821.
Vie épiscopale de
Mgr Antoine-Eustache Osmond, évêque de Nancy
Par M. L'abbé Guillaume
Ed. Nancy 1862
[...] Pendant que l'Evêque de
Nancy envoyait ces lettres au Ministre des Cultes, le
Grand-Chancelier de la Légion-d'Honneur Lacépède lui demandait
des renseignements sur M. Frimont, curé de Langatte,
arrondissement de Sarrebourg, pour lequel on sollicitait
l'admission dans la Légion-d'Honneur, comme récompense de son
zèle à secourir de malheureux incendiés. On faisait valoir en
outre, auprès du Grand-Chancelier, les témoignages de
satisfaction donnés, par les autorités du département de la
Meurthe, au même ecclésiastique, pour le dévouement dont il
avait fait preuve envers les braves militaires revenus blessés
de la Grande-Armée (1).
En répondant à M. Lacepède, Monseigneur Osmond n'oublia pas le
grand-vicaire, pour lequel il sollicitait directement une
distinction honorifique. Il songea, en même temps à d'autres
ecclésiastiques qui s'étaient signalés par leur dévouement, en
des circonstances exceptionnelles, et, dirigé par l'esprit de
sagesse et de prudence qui le caractérisait, il fit part de ses
appréciations personnelles au Grand-Chancelier, qui trouva sa
lettre digne d'un Prélat qui honorait l'Eglise gallicane et
qu'il comptait avec tant de satisfaction dans les rangs des
décorés. Aussi ce haut dignitaire ajoutait-il, en remerciant
Monseigneur de sa lettre confidentielle:
« Vous pouvez être sûr qu'à moins d'un ordre spécial de Sa
Majesté Impériale et Royale, la première présentation
ecclésiastique que j'aurai l'honneur de soumettre à S. M.
comprendra M. Brion, votre respectable grand-vicaire. Il y a
longtemps que le travail est prêt à cet égard (2). »
Voici la lettre dans laquelle Monseigneur de Nancy traite de M.
l'abbé Frimont, elle est datée du 19 janvier 1807:
» Monseigneur, l'on n'a pas trompé Votre Excellence lorsqu'on
lui a dit que M. Frimont, curé desservant la commune de Langatte,
s'était conduit envers les braves militaires français revenant
blessés de la Grande-Armée, de manière à mériter les suffrages
des autorités constituées. J'ai uni ma voix à la leur pour le
louer de son zèle et le remercier des soins qu'il avait donnés,
à ses concitoyens, dans une circonstance aussi intéressante.
» En outre M. Frimont est homme d'esprit, ayant de la
représentation, remplissant très-bien les devoirs de son état,
contre lequel je n'ai rien à dire. Si V. Exe., dans cette
occasion, croit devoir le présenter comme digne d'obtenir une
marque signalée de faveur, les bienfaits de S. M. I. ne
tomberont pas à faux.
« Je crois cependant devoir faire observer à V. Exe. que pour
pareille conduite et à la même époque M. Mathieu
(Nicolas-Antoine), curé cantonal de Blâmont, très-voisin de
Langatte, reçut du Ministre des Cultes une lettre d'approbation
écrite par ordre de l'Empereur et pour lui marquer la
satisfaction de S. M. Par cette lettre presque royale, le
modeste M. Mathieu s'était cru plus que récompensé des soins
qu'il s'était donnés et qui font partie de notre ministère.
« Si Votre Excellence n'était pas instruite de cet incident,
peut-être sera-t-elle bien aise que je lui en aie donné
connaissance, afin de ne pas priver d'une distinction accordée
au desservant le curé cantonal qui déjà a reçu, pour ainsi dire,
les arrhes d'une récompense de ce genre, par une lettre aussi
expressive. [...] »
(1) Lettre du Grand-Chancelier à Monseigneur
Osmond, du 9 janvier 1807.
(2) Lettre du Grand-Chancelier à Monseigneur Osmond, du 26
janvier 1807. |