Dans l'article
Ducs de Lorraine sous le pseudonyme «
Comte de Blâmont », nous avons évoqué l'utilisation du
pseudonyme « comte de Blâmont » par les ducs de Lorraine lors de
certains déplacements.
En fin d'article nous évoquions le passage à Berlin du déchu roi
Stanislas Leszczynski à Berlin « fin 1735 » selon la
source : il apparait que ce séjour à Berlin s'est en réalité
déroulé du 16 au 21 mai 1736.
Ce détail du « pseudonyme » n'est pas aussi insignifiant qu'il
puisse paraître : car ce faisant, Stanislas s'inscrit dans la
tradition de Léopold (en 1718) et François III (en 1730 et
1731), s'affirmant ainsi dans la lignée des ducs de Lorraine,
alors même qu'en 1736 il n'est que roi déchu de Pologne, que la
convention préliminaire de Vienne pour la cession du duché ne
sera signée que le 28 août 1736, et que l'acceptation par
François III de Lorraine n'interviendra que le 13 décembre 1736.
Ainsi, si en mai 1736 François III de Lorraine règne encore en
son duché (et est donc le seul héritier du titre de comte de
Blâmont par la donation d'Orly de
Blâmont en 1503), il apparait qu'aux yeux de Stanislas tout est déjà
acquis...
Historia
Magazine mensuel illustré - 5 janvier 1914
Visites princières
[...] Le roi-sergent [Frédéric-Guillaume Ier
de Prusse] reçut encore d'autres visites princières, mais les
chroniques en font à peine mention. Très vraisemblablement, ces
personnages de moindre importance, tels, par exemple. le duc
François-Etienne de Lorraine, le fiancé de l'archiduchesse
Marie-Thérèse ou le duc de Brunswick-Bevern, furent traités plus
simplement que le roi de Pologne et durent se contenter du bœuf
de première qualité, des volailles, etc., etc.
De tous les étrangers de distinction qui furent ses hôtes,
Frédéric-Guillaume n'en apprécia qu'un seul, l'ex-roi de Pologne
Stanislas Leczinski, dont il avait fait la connaissance
autrefois, à Kœnigsberg. Au risque de mécontenter l'électeur de
Saxe, il accueillit à merveille, en 1756, le souverain détrôné
qui voyageait incognito sous le nom de comte de Blamont. Le jour
même de son arrivée, il lui offrit « un carrosse doré, capitonné
de velours rouge, valant plus de 4 000 thalers, et un attelage
de huit chevaux superbes ». M. de Manteuffel, ambassadeur de
Saxe, qui rapporte ce fait, ajoute que, « vu la parcimonie du
roi, celui-ci avait du faire effort sur lui-même ».
A quoi tenait cette extraordinaire sympathie? Eadem velIe, eadem
nolle..., a dit Cicéron. Effectivement tous deux avaient une
affinité de goûts remarquable, spécialement en matière de tabac.
C'était à se demander lequel des deux était le plus enragé
fumeur. Cependant, soit dit en passant, la palme devait revenir
à Stanislas, car. d'après Fassmann, « lorsqu'il était contraint
de rester quelques heures sans fumer sa pipe, son visage se
couvrait d'une sueur froide ».
Il séjourna à Berlin du 16 au 21 mai 1756 et passa toutes ses
soirées (de sept heures à deux heures du matin) en compagnie du
roi, à la « tabagie », soutenant contre lui une lutte où il n'y
eut ni vainqueur ni vaincu, puisque l'un et l'autre fumèrent à
chaque séance de « trente à trente-deux pipes a. Un record !
Le « Tabakscollegium » occupait une telle place dans l'existence
du roi-sergent que celui-ci devait tout naturellement se sentir
attiré vers un partenaire aussi convaincu et, inversement,
éprouver de l'aversion pour ceux qui ne fumaient pas.
La chose était d'ailleurs si notoire que le vieux prince de
Dessau, qui n'usait point de tabac, mais qui était un habitué de
ces réunions, avait toujours à la bouche une pipe, laquelle
n'était point allumée, il est vrai. L'ambassadeur impérial,
comte de Seckendorf, également un ennemi du tabac, allait même
plus loin que le précédent. Non seulement il avait sa pipe, mais
encore il faisait incessamment avec les lèvres le simulacre
d'expulser la fumée. La diplomatie a de ces obligations....
Et quand Stanislas repartit de Berlin, Frédéric-Guillaume,
désireux de lui prouver toute son estime, lui offrit un «
service de tabagie » dont l'impératrice lui avait fait cadeau
lors de son séjour à Prague.
BARON HECKEDORN. |