Ancerviller est aujourd'hui
la réunion de trois anciennes communes : Ancerviller, Couvay et
Josain. Et comme le dit Emile Ambroise
« par une étrange bizarrerie, c'est le plus petit groupe qui
a donné son nom à la Commune tout entière. », ce que
relevait déjà Grosse en 1836 : «
ANCERVILLER, Anservillare, portion la moins considérable, et
cependant par une étrange bizarrerie, la seule qui donne son nom
à la commune toute entière. »
Car effectivement il apparait qu'Ancerviller n'était à l'origine
que le « hameau d'Ancerviller », dont Durival dit en 1779 «
il est de la paroisse de Couvay » .
Mais quand ces trois parties ont-elles été réunies ?
Dans son Histoire de la Lorraine (1757), Calmet indique
que dépendait du comté de Salm « la mairie de Couvay &
Ancerviller, consistant ès village de Couvay, Ancerviller,
Josain, Ste Agathe, ».
L'Abrégé Chronologique de l'Histoire de Lorraine (1775)
indique « Les lieux cédés à la France [par la principauté de
Salm] sont, Pexonne, Josain, Ancerviller, Ste Agathe [...] »
: car une convention entre le roi de France et le duc de
Lorraine Stanislas du 21 décembre 1751, fait cesser certaines
indivisions, et transfère à la Lorraine la pleine propriété de
Josain, Ancerviller et Sainte-Agathe, modifiant ainsi le
baillage de Lunéville.
On lit dans Seigneurs et Laboureurs dans le Blâmontois
(T. 2, p. 312, Antoinette Aubry-Humbert, 2001) : « A la
révolution, le hameau d'Ancerviller (La Grande Maison) et Josain
furent englobés dans le canton de Blâmont, mais Couvay fut
rattaché au canton de Badonviller. vers 1793, tous les habitants, préférant être du canton de Blâmont, décidèrent d'appeler
Ancerviller tout le groupe qui constitua une seule commune. Ils
firent valoir qu'ils étaient plus rapprochés de Blâmont que de
Badonviller et eurent gain de cause. », en citant Dedenon
comme référence.
Car c'est dans son Histoire du
Blâmontois que Dedenon place Couvay dans le canton de Badonviller
et écrit en notes (p. 111) « Vers 1793, plusieurs hameaux
perdirent leur titre de commune, tels que : Les Rappes,
Ancerviller, Josain, etc... Ces deux derniers furent unis à
Couvay. Mais comme les habitants préféraient être du canton de
Blâmont, ils décidèrent d'appeler Ancerviller tout le groupe,
firent valoir qu'il était plus rapproché de Blâmont que de
Badonviller et obtinrent ainsi gain de cause. »
Dans les corrections qu'ils a
apporté ultérieurement, Dedenon ne revient pas sur cette
affirmation.
Mais d'où Dedenon tient-il sa source ?
Il l'indique, en note, comme issue de la liste donnée page 72 des
Communes de la Meurthe (1843) de Lepage : or, la liste
donnée par Lepage ne place pas Couvay dans le canton de
Badonviller comme l'indique pourtant Dedenon (« Badonviller,
avec douze communes : Angomont, Bréménil, Couvay, [...] »,
là où Lepage ne cite que onze communes).
Et on trouve ailleurs cette erreur : en 1802, la Géographie
de la France (Armand du Couëdic) indique que Couvey dépend
du canton de Baccarat, et ne forme qu'une commune avec
Saint-Maurice, alors qu'Ancerviller dépend du canton de Blâmont
: or rien ne confirme cette affirmation, que Lepage (Département
de la Meurthe ) résume ainsi concernant Couvay : « Il
est désigné dans la statistique de 1802 comme village rattaché à
Saint-Maurice ».
Mais si la fusion s'était effectuée en 1793 comme l'indique
Dedenon, alors l'information de la statistique de 1802 (du
préfet Marquis) perd tout sens. Ce
n'est d'ailleurs pas la seule anomalie de cette statistique de
1802 : car dans l'édition donnée à Paris en l'an XIII, on relève
cette confusion
:
- p. 46 : « ANCERVILLER [...] Les censes de Sainte-Agathe et
Jozain en dépendent »
- p. 70 : « MAURICE (Saint) [...] Le village de Couvay et la
cense de Jozin dépendent de cette commune. »
Ce double rattachement erroné de Josain démontre le peu de fiabilité de
la statistique de Marquis, et l'on constate au final que si
Lepage n'a jamais placé Couvay dans le canton de Badonviller, il
s'est aussi bien gardé d'accorder, en citant explicitement sa
source, un total crédit à la statistique de Marquis.
Il en va
différemment de Dedenon, qui ajoute spontanément Couvay au
canton de Badonviller sur la seule base de Marquis, alors
qu'aucun document officiel ne corrobore son affirmation (nous
n'avons retrouvé trace d'aucun décret, débat, loi, etc... sur
des modifications territoriales): cet ajout permet à Dedenon
d'accréditer sa version bien peu précise de la requête des
habitants « Vers 1793 », requête qui s'apparente donc à
une légende locale.
Car si l'on remonte à Calmet en 1757, on a bien « la mairie
de Couvay & Ancerviller » comme entité entière, rattachée de
Salm à la Lorraine en 1751.
Ajoutons qu'en 1802 on ne trouve trace que de l'érection d'Ancerviller
en succursale avec comme annexe les anciennes paroisses de
Couvay et Josain, situation religieuse désormais inverse à celle
décrite par Durival en 1779. Car avant le concordat de 1801,
l'ensemble dépendait du diocèse de Metz, doyenné de Badonviller
: est-ce là l'origine d'une confusion entre les circonscriptions
administratives et religieuses ?
Enfin, pour être complet, dans un article de
l'Est-Républicain du 22 août 1925, Raymond Crémel écrit : «
La commune d'Ancerviller, peu éloignée des montagnes des Vosges,
est située a 30 kilomètres Est de Lunéville, chef-lieu de
l'arrondissement; elle est formée de la réunion des villages de
Josain, Couvay et Ancerviller Ce dernier étant le plus ancien.
donna son nom à l'agglomération, à laquelle il faut d ailleurs
ajouter la ferme de Sainte-Agathe.
Le décret de formation de la commune fut signé à Vilna par
Napoléon Ier, durant la campagne de Russie. ».
Or Napoléon
séjourne à Vilna du 28 juin au 18 juillet 1812. Nous
n'avons pas à ce jour trouvé trace d'un tel décret, qui devrait
apparaître dans le Bulletin des Lois du second semestre de 1812
: mais aucun des décrets, dans la numérotation continue du n° 8211 à 8254, ne concerne Ancerviller.
Comme on le voit donc, les années 1793, 1802, 1812 ne
fournissent aucune preuve d'un quelconque rattachement
administratif, qui aurait donc pu se réaliser de manière tacite
dès la convention du 21 décembre 1751.
Car à défaut de preuves contraires, Ancerviller-Couvay-Josain
semblent déjà former une seule entité administrative bien avant la
révolution. Et si « par une étrange bizarrerie, c'est le plus
petit groupe qui a donné son nom à la Commune tout entière »,
ne serait-ce pas par une simplification utilisant l'ordre
alphabétique ?
La carte d'Etat Major dressée au XIXème siècle sépare
d'ailleurs encore les quartiers (pour des raisons géographiques), alors même qu'ils
ne forment déjà qu'une seule entité administrative : la superposition
avec la vue aérienne et la carte actuelle nous montre cependant comment
les quartiers de Couvay et Josain sont par habitude devenus le
bourg d'Ancerviller, et le quartier d'Ancerviller devenu le
hameau.
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