Correspondance inédite de Stanislas Leszczynski, duc de
Lorraine et de Bar avec les rois de Prusse
Frédéric-Guillaume Ier et Frédéric II (1736-1766)
Pierre Boyé
Ed. Berger-Levrault, 1906
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FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Les sentiments de justice et
d'équité dont Votre Majesté fait profession,
m'autorisent a Lui recommander la prétention légitime
que le grenadier de mes Gardes, Hauberdon, natif de
Lorraine, forme à la charge de sa mère et de son frère
aîné, auxquels il a prêté les arrhes de son enrôlement
montant à 700 livres de France, sous la condition
expresse que si le capital et les intérêts ne lui
étaient pas remboursés au bout de quatre ans, le bien
paternel qu'on lui avait assigné pour la sûreté de
ladite somme, lui appartiendra en propriété, ainsi que
Votre Majesté pourra le voir plus en détail par la
requête ci-jointe en copie dudit grenadier (1).
Comme il s'est écoulé quinze ans sans qu'il ait pu rien
tirer jusqu'ici, ni du capital, ni des intérêts, sa
demande me paraît si juste à tous égards, que j'ai lieu
de me persuader qu'indépendamment de mon intercession,
Votre Majesté trouvera chez Elle des motifs plus que
suffisants pour La porter à faire la grâce au suppliant
d'ordonner qu'il soit entièrement satisfait. Je saisirai
de mon côté avec empressement les occasions qui pourront
se présenter pour Lui en marquer ma reconnaissance,
aussi bien que la parfaite considération avec laquelle
je suis, etc. Berlin, 1er février 1751.
D'après la minute des Archives d'État de
Berlin.
(1) Cette pièce ne s'est pas retrouvée.
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STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Monsieur mon Frère, J'aurais répondu plus tôt à la
lettre que Votre Majesté s'est donné la peine de
m'écrire le 1er février, s'il ne m'avait fallu du temps
pour prendre des informations touchant l'affaire qu'Elle
s'est fait un plaisir de me recommander. Ne trouvant
rien de si juste que la prétention du grenadier des
Gardes de Votre Majesté, Hauberdon, j'étais sur le point
de faire contraindre sa mère et son frère aîné ou à lui
rembourser le capital et les intérêts des arrhes de son
engagement montant à la somme de 700 livres au cours de
France, ou à lui céder le bien paternel qui lui a été
assigné pour la sûreté de cette somme. Mais, sur le
point d'agir, j'ai été informé que le lieu d'Albus,
auprès de Blâmont, où est situé le bien que j'allais
donner ordre de saisir, appartient à la France, ainsi
que plusieurs autres de tout temps enclavés dans nos
États (1). Dans cette conjoncture, j'ai écrit à M. de
Greil, intendant de Metz (2), dans le département duquel
est le village d'Albus, et je l'ai prié de prendre en
main les intérêts d'Hauberdon et de lui faire rendre
incessamment la justice qu'il mérite. Je ne doute point
qu'il ne réponde à mes désirs avec autant d'empressement
que j'en avais d'obliger Votre Majesté en une chose si
légitime et qui m'a fait voir avec plaisir combien Elle
s'affectionne à tous ceux qui ont l'honneur de La
servir. Tout ce que je vois en Votre Majesté contribue a
augmenter la haute estime que j'ai de ses vertus, et la
parfaite considération avec laquelle je suis, Monsieur
mon Frère, de Votre Majesté le bon frère.
Stanislas Roy.
A Lunéville, ce 10 mars 1751.
A Sa Majesté le Roi de Prusse.
D'après l'original des Archives d'État de
Berlin.
(1) Blâmont (chef-lieu de canton, arrondissement de
Lunéville) était alors chef-lieu d'une prévôté qui fut
précisément érigée en bailliage royal au mois de juin
suivant. Cette localité est désignée dans d'anciennes
chartes sous le nom d'Albus mons. Quant au « lieu d'Albus
», qu'un peu plus loin Stanislas qualifie de « village
», il ne figure dans aucune nomenclature topographique
et il nous a été impossible de l'identifier. Ce n'était
tout au plus qu'une cense située non loin de Blâmont, en
sol évêchois.
(2) Le marquis de Creil-Bournezeau, conseiller d'Etat
ordinaire, occupa avec honneur cette place importante de
1721 à 1754.
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STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Monsieur mon Frère, Je n'ai point perdu de vue l'affaire
de Nicolas Hauberdon, grenadier des Gardes de Votre
Majesté (1). Ayant fait écrire par mon chancelier, le
sieur de La Galaizière, au sieur de Creil, intendant de
Metz, pour avoir à cet égard les informations
nécessaires, j'ai eu la satisfaction d'apprendre que ce
Nicolas Hauberdon peut recouvrer aisément les 700 livres
de son engagement, qu'il avait prêtées à sa mère. La
lettre de l'intendant de Metz, dont je joins ici copie,
et l'acte qu'il a envoyé en même temps et que je joins
ici pareillement (2), tel qu'il a été fait à Lorquin
(3), achèvera de convaincre Votre Majesté de mon
empressement à La satisfaire. Je souhaite avoir souvent
des occasions de Lui marquer la parfaite considération
avec laquelle je suis, Monsieur mon Frère, de Votre
Majesté le bon frère.
Stanislas Roy.
A Lunéville, ce 5e avril 1761.
D'après l'original des Archives d'État de
Berlin.
(1) Cf. lettres 22 et 23.
(2) Ces pièces ne se sont pas retrouvées.
(3) En allemand Lœrchingen, bourg des Trois-Evêchés,
bailliage de Vic. Aujourd'hui Lorraine allemande, et
avant 1871 chef-lieu de canton de l'arrondissement de
Sarrebourg (Meurthe).
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FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Les soins obligeants que Votre
Majesté a bien voulu prendre en faveur du grenadier
Hauberdon de mon Régiment-Gardes, et du succès desquels
il Lui a plu de m'informer par ses lettres du 10e mars
passé et du 5e du mois courant, m'engagent à Lui en
témoigner ma reconnaissance.
Comme par les bons offices que Votre Majesté a eu la
bonté d'employer dans cette affaire, Elle m'a donné un
nouveau gage de son amitié pour moi, je La prie d'être
persuadée que je compterai parmi les moments les plus
agréables de mon règne, ceux où je pourrai convaincre
Votre Majesté de mon empressement à cultiver une amitié
qui m'est si chère, et à Lui marquer, par des preuves
essentielles, les sentiments de considération avec
lesquels je ne cesserai point d'être, Monsieur mon
Frère, de Votre Majesté le bon frère.
Federic R.
A Berlin, ce 19e avril 1751.
A Sa Majesté le roi Stanislas de Pologne.
D'après l'original du Musée historique
lorrain, à Nancy. - La minute aux Archives d'État de
Berlin.
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FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Monsieur mon Frère, Je m'étais flatté que depuis les
ordres que Votre Majesté a eu la bonté de donner en
faveur du grenadier de mes Gardes, Hauberdon, au sujet
de sa prétention en Lorraine, on n'aurait pas tardé à
lui rendre prompte et bonne justice. Il s'y est attendu
avec d'autant plus de confiance que l'intendant de Metz
a non seulement trouvé rien à redire à la demande du
suppliant, mais qu'il a marqué encore que les biens de
la famille de celui-ci étaient suffisants pour le
satisfaire. Cependant les espérances dudit Hauberdon
n'ayant point été réalisées jusqu'ici à cet égard, je
compte trop sur l'amitié de Votre Majesté pour penser
qu'Elle voudra bien continuer à le protéger dans une
affaire qui, par un seul mot de sa part, ne manquera pas
d'être terminée aussitôt. J'ai l'honneur d'être avec la
considération la plus parfaite, etc.
A Berlin, ce 1er de février 1752.
D'après la minute des Archives d'État de
Berlin.
[...]
36
STANISLAS A FRÉDÉRIC II
Très haut, très excellent et très puissant Prince, notre
très cher et très amé bon Frère.
Nous n'avons point perdu de vue l'affaire du nommé
Nicolas Hauberdon, l'un des grenadiers des Gardes de
Votre Majesté, qu'Elle Nous recommanda par une de ses
lettres en 1751, à dessein de lui faire restituer une
somme de 700 livres qu'il avait prêtée à Madeleine
Stenier, sa mère.
Le soin que Nous eûmes de lui faire rendre justice,
engagea ledit Hauberdon à confier ses intérêts par
procuration à Nicolas Mansuy, son tuteur, résidant au
village de Lorquin. Aujourd'hui ce tuteur Nous marque
avoir besoin pour le soutien des droits de son pupille,
d'une assurance qu'il vit encore, et il demande une
attestation des officiers de l'état-major du régiment où
il a servi jusqu'à présent. N'ayant rien tant à cœur que
de contribuer au bien de tous ceux en qui Votre Majesté
s'intéresse, Nous prenons la liberté de Nous adresser
directement à Elle et de La prier d'ordonner que cette
attestation Nous soit envoyée.
Après l'attention qu'Elle donne au moindre de ses
sujets, Nous ne pouvons rien négliger de tout ce qu'Elle
désire pour leur avantage, et Nous prions Dieu qu'il
vous ait, très haut, très excellent et très puissant
Prince, notre très cher et très amé bon Frère, en sa
sainte et digne garde.
Fait à Commercy, ce 22 août 1763 (1).
Le bon frère:
Stanislas Roy.
D'après l'original des Archives d'État de
Berlin.
(1) Stanislas séjournait à. Commercy depuis le début de
juillet. Il en repartira le 3 septembre.
37
FRÉDÉRIC II A STANISLAS
Très haut, etc., Il n'y a rien de plus généreux que la
manière obligeante dont Votre Majesté a bien voulu se
souvenir de notre intercession de 1751, en faveur de
Nicolas Hauberdon, grenadier du premier bataillon de nos
Gardes. Nous y reconnaissons d'un côté ces grands
sentiments d'humanité que Nous avons toujours admirés en
Votre Majesté; et Nous y trouvons de l'autre une
nouvelle marque bien agréable de l'amitié qu'Elle Nous a
conservée et qui Nous est toujours infiniment précieuse.
Mais Nous regrettons que le susdit Hauberdon ne peut
plus profiter des gracieuses intentions où Votre Majesté
est à son égard. II est mort sans héritiers, de ses
blessures, à Czaslau, en Bohême, au mois de juillet
1757, et pour en mieux constater la vérité, Nous en
avons fait dresser l'extrait mortuaire ci-joint en bonne
et due forme.
Nous ne sommes cependant pas moins obligé à Votre
Majesté de l'attention qu'Elle a bien voulu prêter a
notre intercession, et Nous ne manquerons jamais d'en
user avec une parfaite réciprocité dans toutes les
occasions qui se présenteront. En attendant, Votre
Majesté peut être très persuadée qu'on ne saurait rien
ajouter aux sentiments de considération et d'amitié que
Nous Lui portons; et que c'est de bien bon cœur que Nous
prions Dieu qu'il vous ait, très haut, etc.
Berlin, ce 14 d'octobre 1763.
D'après la minute des Archives d'État de
Berlin. |