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Louis Dominique Lottinger (1753-...),
espion ?
Si parmi les fils du docteur Antoine Joseph Lottinger
(1725-1794 ), Charles François Xavier (1751-1798), devenu
Dom Antoine, chartreux, a été fusillé a Nancy le 1er mai
1798, Louis Dominique (1753- ?) a eu aussi un étrange
destin, qui reste bien énigmatique, et a échappé de peu à la
pendaison en 1779.
Son acte de naissance indique :
« Louis Dominique, fils légitime du Sieur Joseph Antoine
Lottinger Docteur en médecine et de Mlle Louise Vaultrin son
épouse est né le cinq avril mil sept cents cinquante trois.
Baptisé le même jour, ... »
Après (selon lui) des études de droit, il devient militaire,
affecté à Saint-Domingue. Etait-il déjà dans cette colonie
lorsqu'en début d'année 1774, un détachement de deux cents
hommes, sous les ordres de M. de Favrot, lieutenant en
premier du régiment de l'Amérique, rejoint Saint-Domingue
sur la flute « la bricole » ? Car dès cette arrivée, Louis
Dominique Lottinger, malade, est embarqué sur ce navire pour
l'hôpital de Port-Royal, où il arrive le 22 avril 1774. Il
est alors indiqué « soldat de Montaut ». (compagnie de
Montaud).
Puis on perd sa trace...
Mais il réapparait étrangement en Géorgie en 1779.
Car dès 1775, s'est engagée la guerre d'indépendance des
États-Unis, entre les colons américains et la
Grande-Bretagne. Dans ce conflit, la France, après avoir
fourni armes et matériel, s'engage officiellement en 1778.
Cette année là, la ville de Savannah, capitale de la colonie
de Géorgie, est investie par le corps expéditionnaire
britannique du lieutenant-colonel Archibald Campbell. La
coalition franco-américaine organise donc une tentative de
reprise de Savannah en l'assiégeant. La flotte française de
l'amiral d'Estaing appareille de Cap Français, capitale de
Saint-Domingue, le 16 août 1779, avec 30 000 soldats.
A peine les troupes françaises débarquées, Louis Dominique
Lottinger est arrêté comme espion devant Savannah, dans le
camp du comte d' Estaing.
Cette arrestation intervient dès « le surlendemain du
débarquement des troupes françaises » (14 septembre 1779 ?)
sur le soupçon d'avoir entretenu une correspondance secrète
avec le Général Prévot (général suisse Augustin Prévost,
commandant l'armée britannique), des enfants duquel il
prétend être précepteur.
Le comte d' Estaing précise :
« La déposition de plusieurs Américains qui ont dit le
connoître, des papiers qu'il portoit, des lettres
interceptées, et enfin les interrogatoires dans lequel il
s'est coupé, le rendoient pendable. Comme le bien du service
du Roi ne paroissois pas exiger un exemple, et qu'il m'a
semblé qu'il m'étois permis de n'écouter que l'humanité et
de désirer des preuves plus complètes quoique celles dont on
m'avait rendu compte ne fussent que trop suffisantes, j'ai
pensé, Monseigneur, que ce seroit assez d'ôter tout moyen de
nuire au nommé Lottinger. Il a été en conséquence
soigneusement détenu et conservé à vue à la garde du camp, il a été ensuite embarqué, et j'avois recommandé qu'on le
fit repasser aux anglois par le premier Parlementaire. Comme
on m'a observé que cet homme étoit adroit, et que ce serois
rendre aux ennemis un instrument utile, il vaudroit peut
être mieux qu'il sortit du Royaume sans leur être
directement renvoyé. »
Le prisonnier, qui « sans être d'un état distingué, paroissoit être élevé au dessus du commun », est alors
envoyé à Saint-Domingue, puis en juin 1780, ramené à
Bordeaux sur le navire Le Victor. Incarcéré au château
Trompette, où il est nécessaire « de lui donner deux
chemises, un gilet de laine, une paire de grandes culottes
et des souliers ; il n'avoit absolument, que ce qui le
couvrait, fort mauvais et trop léger pour ce climat. »,
il est libéré le 22 juin 1780, avec ce document de
soumission que lui fait signer le Comte de Fumel :
« Je soussigné, Louis Dominique Lottinger, fils légitime su
Sr Joseph Antoine Lottinger, Docteur en médecine, et de
Demoiselle Louise Vaultrain, né à Blâmont le cinq avril
mille sept cent cinquante et trois, conformément à mon
extrait Baptistaire, que j'ai montré à Mr. le Major du
Château Trompette détenu actuellement dans les prisons du
dit château Trompette de Bordeaux où j'ai été transféré de
celle du Cap St Domingue après avoir été arrêté comme espion
des ennemis dans de camp de Mr. le Comte d'Estaing devant
Savannah, en conséquence des ordres de sa Majesté je me
soumets et promets de sortir du Royaume de France dans le
délay de quinze jours a peine d'être puni comme espion en
foi de quoi j'ai écrit et signé la présente déclaration.
Fait à Bordeaux dans les prisons du Château Trompette ce
vingt et deux juin mille sept cent quatre vingt. Louis
Dominique Lottinger Licencié en Droit. »
Sur le même document figure le signalement :
« Louis Dominique Lottinger fils du Sieur Antoine Joseph
Lottinger Docteur en Médecine, et de feu Mlle Louise
Vaultrain, natif de Blamont en Lorraine, âgé de vingt sept
an, taille de cinq pieds un pouce, visage rond, menton
petit, bouche du même, nez aquilain, les yeux gris, cheveux
et sourcils chatain brun, une marque de petite vérole sur la
joue gauche. »
Ensuite, on perd sa trace. Tout comme on ignore son parcours
entre 1774 et 1779.
Tout cela reste donc bien mystérieux,...
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