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Presse antisémite - 1900-1904
 


Il eut été peu vraisemblable d'imaginer que la paisible communauté juive de Blâmont n'ait pas été la cible des mouvements antisémites extrêmement violents qui ont particulièrement agité la France lors de l'affaire Dreyfuss.

En juin 1899, le président Émile Loubet appelle Pierre Waldeck-Rousseau à former un gouvernement. Rapidement, il engage des poursuites contre les dirigeants des ligues nationalistes, accusés de complot contre la sûreté de l'État (notamment dû au procès en révision d'Alfred Dreyfus ouvert à Rennes le 7 août 1899).Dès le 12 août 1899, il fait arrêter Paul Déroulède, les dirigeants de la Ligue des patriotes, les chefs des Jeunesses royalistes et ceux de la Ligue antisémitique de France.
Mais Jules Guérin, président de la Ligue antisémitique et directeur du journal hebdomadaire L'Antijuif, refuse de se livrer à la police et se retranche au «  Grand Occident de France », 51 rue de Chabrol à Paris. Il s'y retrouve assiégé par la police du 12 août au 20 septembre 1899, dans ce qui restera connu comme l'épisode de «  Fort Chabrol ». Après sa reddition, Jules Guérin sera condamné à dix ans de prison

Mais en Province, des presses régionales antisémites se développent immédiatement après «  fort Chabrol ».
A Nancy «  Le Petit antijuif de l'Est : organe hebdomadaire des sections de l'Est du GOF (Grand Occident de France) » sort son premier numéro le 20 mars 1900. Le dernier numéro sortira en 1909, et son activité principale aura été de tenter d'influer sur les élections municipales, cantonales, etc., comme on le voit ci-dessous avec la promotion du général Emile Marin opposant à Charles Bentz pour les élections au Conseil Général de Meurthe-et-Moselle de juillet 1904.

Mais dès le n° 2 du journal, le ton est donné...


  • Le Petit antijuif de l'Est
    27 mars 1900 (N° 2)

BLAMONT
On nous écrit :
Un des plus brillants youpins de notre localité, dont le courage est proverbial à Blâmont, se venge sur des enfants, des camouflets qu'il reçoit chaque jour.
Ces jours derniers, en passant en voiture dans une des principales rues de la ville, il faillit écraser un enfant. Sans s'émouvoir, notre youpin ordonna à son cocher de continuer sa route, son temps était trop précieux pour s'arrêter un instant à pareille futilité.
Qu'est-ce en effet pour un youtre qu'un enfant de goym.
Quel sale Juif tout de même, que ce youtre crasseux.


  • Le Petit antijuif de l'Est
    28 avril 1904

Les Nouveaux Candidats
M. BUSSELOT
Né à Blâmont en 1844. Engagé volontaire en 1870. Commerçant papetier. Vice-président de la 24e Section des Vétérans des Armées de Terre et de Mer. Membre du comité des Sauveteurs et des Soupes populaires, vice-président de l'Harmonie nancéenne. Cordial, dévoué et très populaire.


  • Le Petit antijuif de l'Est
    16 juillet 1904

BLAMONT
M. le général Marin dont nous publions ci-dessous les brillants états de service adresse, aux électeurs du canton de Blâmont la très claire, très nette, très vibrante, très française proclamation suivante :
Messieurs les Electeurs,
Je viens solliciter de votre patriotisme le grand honneur de vous représenter au Conseil général.
Ma profession de foi sera celle d'un soldat, claire et nette.
Je suis et j'ai toujours été Républicain Libéral.
Je veux pour tous la Liberté de conscience la plus entière. I
Je veux le respect de toutes les croyances religieuses, celui de toutes les opinions politiques, pourvu qu'elles soient sincères et animées du plus pur patriotisme.
Je veux une armée respectée, puissante, car elle est la sauvegarde de notre indépendance. Je la veux sévèrement soustraite aux influences de la politique qui déprime les consciences, amollit les caractères et sème la division là où l'union est la principale force.
Je veux une magistrature honorée, indépendante, qui rende des arrêts et non des services.
Je veux une agriculture prospère, qui soit l'objet des légitimes préoccupations des pouvoirs publics.
Je veux l'amélioration du sort des déshérités de la fortune, des travailleurs de toutes catégories, aussi bien de ceux des champs que de ceux des villes et des usines, et je soutiendrai toutes les mesures destinées à assurer, en dehors des utopies socialistes, une retraite à leur vieux jours.
Je veux enfin la disparition d'un régime d'oppression, de délation, en un mot de désorganisation nationale, qui conduira fatalement à leur ruine la France et la République.
Mes Chers Concitoyens,
Après 44 ans de services militaires qui m'ont amené, moi, Enfant du Peuple, presque au sommet de la hiérarchie militaire, je comptais jouir d'un repos bien mérité ; mais, blessé dans mes sentiments les plus intimes de patriote et de républicain, je reprends du service pour la défense de la belle devise de la République :
LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE, que foule impudemment aux pieds la coterie jacobine et sectaire qui détient actuellement le pouvoir.
Tout le dévouement, toute l'énergie, toute la conscience que j'ai apportés dans l'accomplissement de mes devoirs militaires, je les apporterai dans la défense des intérêts du Canton de Blâmont : j'y suis né ; j'y ai vécu jusqu'à mon départ pour l'armée ; j'y suis toujours revenu avec bonheur chaque fois que les exigences de ma carrière me l'ont permis, et, revenant m'y fixer, je serai heureux de lui consacrer les dernières années de ma vie.
Patriotes de la frontière,
Affirmez sur mon nom votre profond amour pour la France et pour la Liberté. Aux urnes ! Pas d'abstention !
Vive la France ! Vive la République !
Général MARIN, Commandeur de la Légion d'honneur.

Le futur conseiller général du canton de Blâmont, qui, le 31 juillet prochain, succédera au blocard Bentz, est M. Marin général de brigade en retraite, commandeur de la Légion d'honneur, né à Blâmont le 26 mars 1836. En 1853, à 18 ans, il entrait à l'Ecole de Saint-Cyr. Nommé sous-lieutenant le 1er octobre 1856 au 12e dragons, il demeura dans ce régiment jusqu'au grade de chef d'escadrons. Il fut détaché ensuite, comme instructeur de cavalerie, de 1863 à 1867, à l'Ecole de St-Cyr.
Toujours avec le 12e dragons, comme capitaine-adjudant-major d'abord, puis comme capitaine-commandant, il fit la campagne de 1870 à l'armée du Rhin, et prit part à toutes les batailles livrées autour de Metz, notamment à celle de Forbach ou le 12e dragons subit de nombreuses pertes, et à celle de Rezonville où son régiment poussa contre la brigade allemande cette fameuse charge, qu'on a surnommée la «  Chevauchée de la mort ».
Prisonnier de guerre à la suite de la reddition de Metz, le capitaine Marin fut ensuite nommé chef d'escadron au 8e hussards, en 1875.
A la suite de ses rapports fort documentés sur les manoeuvres impériales allemandes, qu'il avait suivies en 1879, le commandant Marin fut nommé secrétaire du Comité de la cavalerie, sous la présidence du général de Gallifet.
En 1880, il fut désigné, de nouveau, pour suivre les manoeuvres de la cavalerie allemande aux environs de Cologne.
Lieutenant-Colonel en 1884 au 13e dragons, Colonel au 6e hussards en 1885, il fut appelé en 1890 au commandement par intérim de la brigade de cavalerie du 3e corps. Général de Brigade en 1891, il fut maintenu dans ce commandement, jusqu'en 1898, où il passa au cadre de réserve.
M. le général Marin a été promu, Chevalier de la Légion d'honneur en 1879, officier en 1891, et, enfin, commandeur en 1897.
La physionomie franche, jeune, bien française et bien lorraine de M. le général Marin, son allure cavalière, souple, martiale semblent protester contre le fait de sa mise au cadre de réserve, par l'inexorable limite d'âge.
La première fois que nous le vîmes, nous pensions avoir devant nous un commandant de cavalerie en bourgeois.
Il est d'ores et déjà certain que M. le général Marin, sera choisi par les électeurs patriotes, bons Français et bons Lorrains du canton de Blâmont, pour prendre le soin de leur intérêts au Conseil général ; il y mettera toute sa verdeur militaire, tout son zèle, toutes ses forces, toute son activité ; M. Bentz sera ainsi rendu à ses chers loisirs. Et ce sera justice !
L'A.

M. Bentz et le Chemin de fer de Blâmont.
Plusieurs électeurs du canton de Blâmont nous demandent si c'est sur les instances de M. Bentz, conseiller général sortant, que l'assemblée départementale a voté le principe de construction du chemin de fer de Lunéville à Blâmont.
Pour répondre à leur curiosité, nous avons compulsé les comptes rendus officiels du Conseil général, depuis que cette question a été mise à l'ordre du jour, et voici ce que nous avons trouvé :
Le 22 août 1901, M. Florentin, rapporteur, demande qu'on réunisse les fonds nécessaires pour l'étude de l'avant-projet.
M. Bentz. - «  Pour que l'étude puisse être faite, il est nécessaire que le Conseil général vote le crédit indispensable pour en solder les frais ».
M. Florentin. - Les études doivent être faites par ceux qui demandent la rétrocession et à leurs frais...
M. Bentz. - «  Dans ces conditions les études ne pourront jamais être faites ».
M. Florentin conclut en disant que les communes et les particuliers doivent payer les frais d'étude, et ses conclusions sont adoptées par le Conseil sans que M. Bentz s'y oppose.
Le 20 août 1903, le Conseil vote 2.000 francs pour l'étude du tracé.
M. Fénal demande qu'on étudie aussi le prolongement Gerbéviller-Badonviller.
M. Bentz. - «  Je ne m'oppose pas à cette proposition, mais je crois pouvoir dire que le génie s'oppose à ce que Badonviller soit relié à Cirey ».
M. de Klopstein s'étonne de cette prétendue interdiction de la part du ministère de la guerre.
Aussi grand stratège que brillant orateur, M. Bentz réplique : «  Parce que cette ligne créerait un circuit continu qui permettrait de contourner le fort de Manonviller ».
Le Conseil passe outre et vote l'étude demandée par M. de Klosptein.
Un ingénieur intelligent et actif se met immédiatement à l'oeuvre et présente un projet, qui est adopté par le Conseil général, sur la proposition de M. Florentin, le 13 avril 1904.
Dans la délibération qui a précédé le vote, M. Bentz, qui était cependant directement intéressé, n'a pas pris la parole.
Voilà maintenant les électeurs de Blâmont édifiés sur cette affaire de chemin de fer. Ils peuvent voir que, si la ligne doit être faite, ce n'est guère l'intervention de M. Bentz qui a amené ce résultat.
- Dans les autres questions traitées au Conseil général on n'entend jamais M. Bentz prononcer un mot.
Il aura d'autant plus de facilité de se taire désormais que les braves électeurs patriotes et libéraux du canton de Blâmont vont, le 31 juillet, le rendre à ses chers loisirs, et affirmeront, sur le nom du sympathique et vaillant général Marin, leurs convictions indépendantes, lorraines, bien françaises.
UN CHERCHEUR.

M. Bentz et les Christs.
Après avoir été bien renseignés sur le chemin de fer Lunéville-Blâmont, les électeurs catholiques se demandent si M. Bentz a protesté avec la majorité du Conseil général contre l'enlèvement des Christs des tribunaux et des justices de paix.
Réponse: M. Bentz s'est abstenu (séance du 13 avril 1904).
Les conseillers généraux de l'arrondissement de Lunéville, à l'exception de MM. Denis et Ribierre absents, avaient tous voté la motion demandant que les Christs des prétoires, propriétés départementales, soient remis à leur place.
Ces conseillers sont MM. Fenal, Bichat, de Klopstein, Michaut, Nicolas, Molitor.
M. Bentz s'est donc séparé de tous ses collègues, en se réfugiant ainsi dans une lâche abstention.
Les électeurs jugeront !

Procédés et patriotisme blocards.
Le président du Conseil, sans doute pour stimuler le zèle et la servilité de ses agents vient de faire connaître, urbi et orbi, que la promotion dans la Légion d'honneur du 14 juillet était arrêtée en principes mais ne serait publiée qu'après les élections aux Conseil général.
Nul doute qu'il ne comprenne dans cette promotion M. le maire de Harbouey qui vient de se signaler par un acte de patriotisme que nous nous empresserons de porter à la connaissance de tous les patriotes allemands.
Le général Marin, candidat au Conseil général pour le canton de Blâmont, avait écrit au maire de Harbouey, pour l'informer qu'il se présenterait dans cette commune le vendredi 27 juillet, pour y faire une conférence, et, il lui demandait de mettre à sa disposition une salle de la mairie et d'en prévenir les électeurs.
Quand le général se présenta à Harbouey, le maire était absent, la mairie fermée et la conférence pas annoncée.
Il est vrai que ce maire, blocard avéré, venait d'être informé (touchante coïncidence de la libéralité gouvernementale avec la date des élections), qu'une subvention de 5,600 fr. était accordée à la commune pour construction d'un service des eaux.
La conduite de ce maire envers tout candidat de l'opposition quelqu'il soit, eût déjà prouvé son manque complet de libéralisme. Mais, envers un général français, enfant du canton, à deux pas de la frontière elle semble peu digne à l'égard de l'armée, du drapeau de la France.
Electeurs de Harbouey ! si vous ne voulez pas devenir un objet de mépris pour tous les patriotes, vous montrerez au scrutin du 31 que vous réprouvez la conduite de votre Maire.
Vous prouverez que vos consciences ne sont pas à vendre quelque prix qu'y mette le gouvernement, en votant pour le brave soldat, pour le grand honnête homme, pour le bon Lorrain, pour l'excellent Français qu'est votre compatriote M. le Général Marin.
L'A.
 

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