Il eut été peu vraisemblable
d'imaginer que la paisible communauté juive de Blâmont n'ait pas
été la cible des mouvements antisémites extrêmement violents qui
ont particulièrement agité la France lors de l'affaire Dreyfuss.
En juin 1899, le président Émile Loubet appelle Pierre
Waldeck-Rousseau à former un gouvernement. Rapidement, il engage
des poursuites contre les dirigeants des ligues nationalistes,
accusés de complot contre la sûreté de l'État (notamment dû au
procès en révision d'Alfred Dreyfus ouvert à Rennes le 7 août
1899).Dès le 12 août 1899, il fait arrêter Paul Déroulède, les
dirigeants de la Ligue des patriotes, les chefs des Jeunesses
royalistes et ceux de la Ligue antisémitique de France.
Mais Jules Guérin, président de la Ligue antisémitique et
directeur du journal hebdomadaire L'Antijuif, refuse de se
livrer à la police et se retranche au « Grand Occident de France
», 51 rue de Chabrol à Paris. Il s'y retrouve assiégé par la
police du 12 août au 20 septembre 1899, dans ce qui restera
connu comme l'épisode de « Fort Chabrol ». Après sa reddition,
Jules Guérin sera condamné à dix ans de prison
Mais en Province, des presses régionales antisémites se
développent immédiatement après « fort Chabrol ».
A Nancy « Le Petit antijuif de l'Est : organe hebdomadaire des
sections de l'Est du GOF (Grand Occident de France) » sort son
premier numéro le 20 mars 1900. Le dernier numéro sortira en
1909, et son activité principale aura été de tenter d'influer
sur les élections municipales, cantonales, etc., comme on le
voit ci-dessous avec la promotion du
général Emile Marin opposant à
Charles Bentz pour les élections au Conseil Général de
Meurthe-et-Moselle de juillet 1904.
Mais dès le n° 2 du journal, le ton est donné...
BLAMONT
On nous écrit :
Un des plus brillants youpins de notre localité, dont le courage
est proverbial à Blâmont, se venge sur des enfants, des
camouflets qu'il reçoit chaque jour.
Ces jours derniers, en passant en voiture dans une des
principales rues de la ville, il faillit écraser un enfant. Sans
s'émouvoir, notre youpin ordonna à son cocher de continuer sa
route, son temps était trop précieux pour s'arrêter un instant à
pareille futilité.
Qu'est-ce en effet pour un youtre qu'un enfant de goym.
Quel sale Juif tout de même, que ce youtre crasseux.
Les Nouveaux Candidats
M. BUSSELOT
Né à Blâmont en 1844. Engagé volontaire en 1870. Commerçant
papetier. Vice-président de la 24e Section des Vétérans des
Armées de Terre et de Mer. Membre du comité des Sauveteurs et
des Soupes populaires, vice-président de l'Harmonie nancéenne.
Cordial, dévoué et très populaire.
BLAMONT
M. le général Marin dont nous publions ci-dessous les brillants
états de service adresse, aux électeurs du canton de Blâmont la
très claire, très nette, très vibrante, très française
proclamation suivante :
Messieurs les Electeurs,
Je viens solliciter de votre patriotisme le grand honneur de
vous représenter au Conseil général.
Ma profession de foi sera celle d'un soldat, claire et nette.
Je suis et j'ai toujours été Républicain Libéral.
Je veux pour tous la Liberté de conscience la plus entière. I
Je veux le respect de toutes les croyances religieuses, celui de
toutes les opinions politiques, pourvu qu'elles soient sincères
et animées du plus pur patriotisme.
Je veux une armée respectée, puissante, car elle est la
sauvegarde de notre indépendance. Je la veux sévèrement
soustraite aux influences de la politique qui déprime les
consciences, amollit les caractères et sème la division là où
l'union est la principale force.
Je veux une magistrature honorée, indépendante, qui rende des
arrêts et non des services.
Je veux une agriculture prospère, qui soit l'objet des légitimes
préoccupations des pouvoirs publics.
Je veux l'amélioration du sort des déshérités de la fortune, des
travailleurs de toutes catégories, aussi bien de ceux des champs
que de ceux des villes et des usines, et je soutiendrai toutes
les mesures destinées à assurer, en dehors des utopies
socialistes, une retraite à leur vieux jours.
Je veux enfin la disparition d'un régime d'oppression, de
délation, en un mot de désorganisation nationale, qui conduira
fatalement à leur ruine la France et la République.
Mes Chers Concitoyens,
Après 44 ans de services militaires qui m'ont amené, moi, Enfant
du Peuple, presque au sommet de la hiérarchie militaire, je
comptais jouir d'un repos bien mérité ; mais, blessé dans mes
sentiments les plus intimes de patriote et de républicain, je
reprends du service pour la défense de la belle devise de la
République :
LIBERTE, EGALITE, FRATERNITE, que foule impudemment aux pieds la
coterie jacobine et sectaire qui détient actuellement le
pouvoir.
Tout le dévouement, toute l'énergie, toute la conscience que
j'ai apportés dans l'accomplissement de mes devoirs militaires,
je les apporterai dans la défense des intérêts du Canton de
Blâmont : j'y suis né ; j'y ai vécu jusqu'à mon départ pour
l'armée ; j'y suis toujours revenu avec bonheur chaque fois que
les exigences de ma carrière me l'ont permis, et, revenant m'y
fixer, je serai heureux de lui consacrer les dernières années de
ma vie.
Patriotes de la frontière,
Affirmez sur mon nom votre profond amour pour la France et pour
la Liberté. Aux urnes ! Pas d'abstention !
Vive la France ! Vive la République !
Général MARIN, Commandeur de la Légion d'honneur.
Le futur conseiller général du canton de Blâmont, qui, le 31
juillet prochain, succédera au blocard Bentz, est M. Marin
général de brigade en retraite, commandeur de la Légion
d'honneur, né à Blâmont le 26 mars 1836. En 1853, à 18 ans, il
entrait à l'Ecole de Saint-Cyr. Nommé sous-lieutenant le 1er
octobre 1856 au 12e dragons, il demeura dans ce régiment
jusqu'au grade de chef d'escadrons. Il fut détaché ensuite,
comme instructeur de cavalerie, de 1863 à 1867, à l'Ecole de
St-Cyr.
Toujours avec le 12e dragons, comme capitaine-adjudant-major
d'abord, puis comme capitaine-commandant, il fit la campagne de
1870 à l'armée du Rhin, et prit part à toutes les batailles
livrées autour de Metz, notamment à celle de Forbach ou le 12e
dragons subit de nombreuses pertes, et à celle de Rezonville où
son régiment poussa contre la brigade allemande cette fameuse
charge, qu'on a surnommée la « Chevauchée de la mort ».
Prisonnier de guerre à la suite de la reddition de Metz, le
capitaine Marin fut ensuite nommé chef d'escadron au 8e
hussards, en 1875.
A la suite de ses rapports fort documentés sur les manoeuvres
impériales allemandes, qu'il avait suivies en 1879, le
commandant Marin fut nommé secrétaire du Comité de la cavalerie,
sous la présidence du général de Gallifet.
En 1880, il fut désigné, de nouveau, pour suivre les manoeuvres
de la cavalerie allemande aux environs de Cologne.
Lieutenant-Colonel en 1884 au 13e dragons, Colonel au 6e
hussards en 1885, il fut appelé en 1890 au commandement par
intérim de la brigade de cavalerie du 3e corps. Général de
Brigade en 1891, il fut maintenu dans ce commandement, jusqu'en
1898, où il passa au cadre de réserve.
M. le général Marin a été promu, Chevalier de la Légion
d'honneur en 1879, officier en 1891, et, enfin, commandeur en
1897.
La physionomie franche, jeune, bien française et bien lorraine
de M. le général Marin, son allure cavalière, souple, martiale
semblent protester contre le fait de sa mise au cadre de
réserve, par l'inexorable limite d'âge.
La première fois que nous le vîmes, nous pensions avoir devant
nous un commandant de cavalerie en bourgeois.
Il est d'ores et déjà certain que M. le général Marin, sera
choisi par les électeurs patriotes, bons Français et bons
Lorrains du canton de Blâmont, pour prendre le soin de leur
intérêts au Conseil général ; il y mettera toute sa verdeur
militaire, tout son zèle, toutes ses forces, toute son activité
; M. Bentz sera ainsi rendu à ses chers loisirs. Et ce sera
justice !
L'A.
M. Bentz et le Chemin de fer de Blâmont.
Plusieurs électeurs du canton de Blâmont nous demandent si c'est
sur les instances de M. Bentz, conseiller général sortant, que
l'assemblée départementale a voté le principe de construction du
chemin de fer de Lunéville à Blâmont.
Pour répondre à leur curiosité, nous avons compulsé les comptes
rendus officiels du Conseil général, depuis que cette question a
été mise à l'ordre du jour, et voici ce que nous avons trouvé :
Le 22 août 1901, M. Florentin, rapporteur, demande qu'on
réunisse les fonds nécessaires pour l'étude de l'avant-projet.
M. Bentz. - « Pour que l'étude puisse être faite, il est
nécessaire que le Conseil général vote le crédit indispensable
pour en solder les frais ».
M. Florentin. - Les études doivent être faites par ceux qui
demandent la rétrocession et à leurs frais...
M. Bentz. - « Dans ces conditions les études ne pourront jamais
être faites ».
M. Florentin conclut en disant que les communes et les
particuliers doivent payer les frais d'étude, et ses conclusions
sont adoptées par le Conseil sans que M. Bentz s'y oppose.
Le 20 août 1903, le Conseil vote 2.000 francs pour l'étude du
tracé.
M. Fénal demande qu'on étudie aussi le prolongement
Gerbéviller-Badonviller.
M. Bentz. - « Je ne m'oppose pas à cette proposition, mais je
crois pouvoir dire que le génie s'oppose à ce que Badonviller
soit relié à Cirey ».
M. de Klopstein s'étonne de cette prétendue interdiction de la
part du ministère de la guerre.
Aussi grand stratège que brillant orateur, M. Bentz réplique : «
Parce que cette ligne créerait un circuit continu qui
permettrait de contourner le fort de Manonviller ».
Le Conseil passe outre et vote l'étude demandée par M. de
Klosptein.
Un ingénieur intelligent et actif se met immédiatement à l'oeuvre
et présente un projet, qui est adopté par le Conseil général,
sur la proposition de M. Florentin, le 13 avril 1904.
Dans la délibération qui a précédé le vote, M. Bentz, qui était
cependant directement intéressé, n'a pas pris la parole.
Voilà maintenant les électeurs de Blâmont édifiés sur cette
affaire de chemin de fer. Ils peuvent voir que, si la ligne doit
être faite, ce n'est guère l'intervention de M. Bentz qui a
amené ce résultat.
- Dans les autres questions traitées au Conseil général on
n'entend jamais M. Bentz prononcer un mot.
Il aura d'autant plus de facilité de se taire désormais que les
braves électeurs patriotes et libéraux du canton de Blâmont
vont, le 31 juillet, le rendre à ses chers loisirs, et
affirmeront, sur le nom du sympathique et vaillant général
Marin, leurs convictions indépendantes, lorraines, bien
françaises.
UN CHERCHEUR.
M. Bentz et les Christs.
Après avoir été bien renseignés sur le chemin de fer
Lunéville-Blâmont, les électeurs catholiques se demandent si M.
Bentz a protesté avec la majorité du Conseil général contre
l'enlèvement des Christs des tribunaux et des justices de paix.
Réponse: M. Bentz s'est abstenu (séance du 13 avril 1904).
Les conseillers généraux de l'arrondissement de Lunéville, à
l'exception de MM. Denis et Ribierre absents, avaient tous voté
la motion demandant que les Christs des prétoires, propriétés
départementales, soient remis à leur place.
Ces conseillers sont MM. Fenal, Bichat, de Klopstein, Michaut,
Nicolas, Molitor.
M. Bentz s'est donc séparé de tous ses collègues, en se
réfugiant ainsi dans une lâche abstention.
Les électeurs jugeront !
Procédés et patriotisme blocards.
Le président du Conseil, sans doute pour stimuler le zèle et la
servilité de ses agents vient de faire connaître, urbi et orbi,
que la promotion dans la Légion d'honneur du 14 juillet était
arrêtée en principes mais ne serait publiée qu'après les
élections aux Conseil général.
Nul doute qu'il ne comprenne dans cette promotion M. le maire de
Harbouey qui vient de se signaler par un acte de patriotisme que
nous nous empresserons de porter à la connaissance de tous les
patriotes allemands.
Le général Marin, candidat au Conseil général pour le canton de
Blâmont, avait écrit au maire de Harbouey, pour l'informer qu'il
se présenterait dans cette commune le vendredi 27 juillet, pour
y faire une conférence, et, il lui demandait de mettre à sa
disposition une salle de la mairie et d'en prévenir les
électeurs.
Quand le général se présenta à Harbouey, le maire était absent,
la mairie fermée et la conférence pas annoncée.
Il est vrai que ce maire, blocard avéré, venait d'être informé
(touchante coïncidence de la libéralité gouvernementale avec la
date des élections), qu'une subvention de 5,600 fr. était
accordée à la commune pour construction d'un service des eaux.
La conduite de ce maire envers tout candidat de l'opposition
quelqu'il soit, eût déjà prouvé son manque complet de
libéralisme. Mais, envers un général français, enfant du canton,
à deux pas de la frontière elle semble peu digne à l'égard de
l'armée, du drapeau de la France.
Electeurs de Harbouey ! si vous ne voulez pas devenir un objet
de mépris pour tous les patriotes, vous montrerez au scrutin du
31 que vous réprouvez la conduite de votre Maire.
Vous prouverez que vos consciences ne sont pas à vendre quelque
prix qu'y mette le gouvernement, en votant pour le brave soldat,
pour le grand honnête homme, pour le bon Lorrain, pour
l'excellent Français qu'est votre compatriote M. le Général
Marin.
L'A.
|