Anthelme Mangin
Le 1er février 1918, un soldat français rapatrié d'Allemagne est retrouvé errant à la Gare de Lyon-Brotteaux, totalement amnésique et sans aucun papiers permettant de l'identifier. Interrogé, il balbutie un nom, où l'on croit discerner « Anthelme Mangin », ainsi qu'une adresse « rue Sélastras » à « Vichy ». C'est donc sous ce nom qu'il est interné dès le 22 mars 1918 à l'asile d'aliéné de Clermont-Ferrand, bien qu'il n'existe officiellement ni d'Anthelme Mangin ni de rue Sélastras. Le directeur de l'établissement, croyant résoudre aisément l'énigme, fait publier fait publier sa photographie dans le « Petit Parisien » du 10 janvier 1920.
Car la grande guerre a compté 300 000 soldats « portés disparus », et les familles, croyant identifier Anthelme Mangin, affluent en effet à l'asile de Clermont-Ferrand. Seules cependant
madame et mademoiselle Mazenc, originaires de Rodez reconnaissent catégoriquement
Anthelme comme le fils et le frère, Albert Mazenc, porté disparu en octobre 1915 à Tahure dans la Marne. Anthelme Mangin est alors transféré à Rodez, mais le préfet de
l'Aveyron, après diverses confrontations avec les amis et employeurs de Mazenc, conclut à une erreur d'identification (le tribunal de Rodez statuera d'ailleurs le 26 juillet 1921 sur le décès à l'ennemi le 28 octobre 1915 du soldat Albert Mazenc).
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Le Petit Parisien - 10 janvier 1920
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En février 1922, se pose le problème des pensions de guerre qui ne
peuvent être attribuées que nominativement, et le ministère fait afficher dans toutes les mairies de France la photographie de l'inconnu de Rodez. Plus de 300 familles reconnaissent Anthelme Mangin comme un des leurs, et la presse suit de près ce feuilleton sur celui qu'on surnomme désormais le « soldat inconnu vivant ».
Après de nombreux rebondissements, et 13 années d'expertises, seules deux familles présentent en 1935 les prétentions les plus solides :
- La famille « Lemay », où Madame Lucie Lemay affirme qu'Anthelme Mangin est son mari
Emile.
- La famille « Monjoin », de Saint-Maur-sur-Indre. N'ayant pas vu reparaître son fils après sa captivité, le père s'était renseigné, et avait apprit que son fils Octave avait été rapatrié d'Allemagne le 31 janvier 1918 avec un convoi de commotionnés destinés à l'asile de Lyon.
Les juges décident d'emmener Anthelme Mangin à Saint-Maur, qui reconnaît son village.
Le 16 novembre 1937, le tribunal de Rodez rend donc à Anthelme Mangin son identité d'Octave Monjoin, ce que confirmera la Cour d'Appel de Montpellier le 8 mars 1939 : la famille Lemay saisira la cour de cassation, mais la guerre et le décès d'Octave Monjoin mettront un terme à ce duel judiciaire.
Car le retour en famille d'Octave Monjoin est de courte durée, puisque son frère et son père meurent dans un accident fin 1938, et Octave est alors replacé en asile, à l'hôpital Sainte-Anne à
Paris. Il y meurt le 10 septembre 1942 et est jeté dans la fosse commune. En 1948 pourtant, un ancien combattant fortunée de la
grande guerre, fait exhumer sa dépouille et lui offre un sépulture au cimetière de Saint Maur sur Indre.
L'histoire d'Anthelme Mangin/Octave Monjoin a, dans la pièce Le Voyageur sans bagage de Jean Anouilh, (créée à Paris le 16 février 1937),
servi de base au personnage de Gaston/Jacques Renaud, retrouvé amnésique à la fin de la
première guerre mondiale,
recueilli par le directeur d'un asile, et réclamé par plusieurs familles.
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