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Colonies lorraines et alsaciennes en Hongrie


Mémoires de l'Académie de Stanislas
1878

LES COLONIES LORRAINES ET ALSACIENNES EN HONGRIE
Par le Dr L. Hecht
PROFESSEUR A LA. FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

Peu de pays en Europe, plus que l'Autriche et spécialement la Hongrie, présentent un mélange de nations si dissemblables, d'éléments ethniques si divers au triple point de vue de la race, de la langue, de la religion. Aux trois grandes races de l'Europe moderne, à des Germains, à des Slaves, à des Latins, se trouvent mêlé en Hongrie, dès le moyen âge, un peuple de race touranienne (ougro-finnoise), les Magyares. Arrivés en Europe a. la suite de l'invasion des Huns, convertis au christianisme, puis gagnés, en partie du moins, à la civilisation occidentale, ils s'établirent définitivement dans les pays qu'ils avaient conquis.
Bien souvent, depuis lors, des groupes de familles chrétiennes, serbes ou croates, viennent chercher un refuge sur le sol de la Hongrie actuelle pour échapper à la domination des Musulmans. Bien des fois encore, après les incursions des Turcs qui laissaient des districts entiers sans chaumières et sans habitants, les souverains d'Autriche furent forcés de faire appel à des colons de toute provenance et de tous pays pour repeupler leurs possessions dévastées. C'est ainsi que des Roumains de la Moldo-Valachie, des Serbes, des Bulgares, des Ruthènes et jusqu'à des Albanais, arrivèrent sur les territoires de la Couronne de Saint-Étienne. D'autre part, des Allemands, des Saxons, et notamment des Badois et des Wurtembergeois (d'ou le nom de Schwab qui sert à les désigner encore aujourd'hui en Hongrie), puis encore des Luxembourgeois et des Lorrains vinrent fournir leur contingent à la colonisation de la Hongrie (1).
C'est sur ce dernier élément, qui nous intéresse plus directement, que je voudrais appeler l'attention.
Rechercher la part, quelque faible qu'elle puisse être, que prirent les Lorrains à la colonisation de la Hongrie, déterminer les causes qui les ont sollicités a s'expatrier, leurs lieux d'origine, décrire l'état actuel des colonies lorraines, enfin signaler les traits originels que leurs habitants ont pu conserver et qui les distinguent des populations voisines, tel est le but que je me suis proposé.
Des documents intéressants qu'il m'a été donné de consulter dans les archives de la Chambre Aulique à Vienne, une visite que je fis récemment dans les colonies lorraines de la Hongrie, m'ont permis de le réaliser.
Quand on considère une carte de la Hongrie, on est bientôt frappé de la disproportion avec laquelle la population est répartie. Au centre de la Hongrie, en effet, se trouve un espace de forme quadrangulaire mesurant environ 60 lieues du nord au sud (de Kersch à Neusatz), un peu plus de 40 lieues de l'est à l'orient (d'Arad à Baja). Ce sont les vastes plaines de la Hongrie, dans lesquelles le regard s'étend à perte de vue, et qui depuis longtemps étonnent les voyageurs. Limitées à l'ouest et au sud par le Danube, à l'est et au nord par une ligne de collines, ces plaines sont traversées par la Theiss et la Maros; ces deux rivières importantes se réunissent à angle droit à Szegedin (capitale de la Koumanie), qui est à peu près au centre de la région. De rares villages y sont parsemés; leurs noms disparates forment une bigarrure étrange, sans qu'on puisse toujours conclure avec certitude du nom du village à la nationalité de ses habitants. Toujours est-il qu'au milieu de noms hongrois, serbes et roumains apparaît un îlot de villages dont les noms sont allemands et français. Des villages situés dans le Banat de Hongrie (2), au nord-ouest de Temesvar (la ville de la Temes), sa capitale, à l'est-sud-est de Szegedin, dans une région limitée au nord par la Maros et au sud par le chemin de fer de Vienne à Basiaz, sont les colonies lorraines et alsaciennes de Saint-Hubert, Charleville, Seultour, Trübswetter, Ostern, Gottlob (3), fondées par l'impératrice Marie-Thérèse.
Les noms des trois premiers restent le témoignage historique de l'immigration de colons lorrains-français en Hongrie.
C'est de 1762 à 1773 que furent fondées ces colonies, presque uniquement peuplées de Lorrains qui avaient quitté leur sol natal. Le mouvement d'émigration qui à cette époque se manifesta parmi les populations de la Lorraine, nous paraît pouvoir, en partie du moins, s'expliquer par la situation de ce pays dans la seconde moitié du règne de Stanislas. Il faut bien le reconnaître, pendant que le roi Stanislas transformait sa capitale en l'ornant de ces nombreux monuments dont elle est fière à juste titre, dotait Nancy d'institutions qui devaient développer et nourrir le goût des belles-lettres et des sciences, les populations des campagnes succombaient sous le poids des charges les plus lourdes appels répétés de contingents militaires pour combler les pertes éprouvées par les régiments et les milices lorraines pendant la guerre de Sept Ans (4), réquisitions d'approvisionnements pour l'armée d'Allemagne !, demandes de subsides adressées par Louis XV à son beau-père, d'où comme conséquence forcée la progression rapide des impôts (5).
A tous ceux qui à des titres divers frappaient déjà les produits du sol, Stanislas, en 1756 et 1757, dut en ajouter de nouveaux (6). Émue de la misère du peuple, la cour souveraine de Lorraine et du Barrois, tout en protestant de sa soumission aux ordres du roi, refusa d'enregistrer l'édit. Des lettres de cachet, l'exil des magistrats, au premier rang desquels était M. de Chateaufort, leur dispersion dans toute la Lorraine, furent la réponse à cette courageuse résistance. Pendant ce temps, le chancelier de Lorraine, M. de la Galaizière, dont l'administration vicieuse et oppressive achevait d'épuiser le pays, continuait ses ruineuses prodigalités les habitants de plus de deux cents communes étaient forcés de venir travailler à son château de Neuviller-sur-Moselle, au parc, aux jardins, à la chaussée qui de Nancy y conduisait.
Toujours sollicité par les ministres de Versailles obligés de faire face aux dépenses de la guerre, Stanislas, dès 1759, fut forcé d'établir de nouveaux impôts (7). La cour souveraine et la chambre des comptes de Lorraine protestent. Outre les remontrances qu'elle présenta, la cour souveraine ordonna une enquête sur l'état des duchés celle-ci, entre autres résultats navrants, apprit que 23,590 cultivateurs avaient été réduits par la misère à descendre à la condition de simples manoeuvres ou à fuir leur patrie (8). Émigrer au loin pour améliorer leur sort, tel est le parti auquel pendant des années durent se résoudre bien des Lorrains le malheur seul peut pousser les populations à quitter définitivement leur sol natal !
C'est dans le bailliage de la Lorraine allemande que l'émigration paraît avoir fait ses premières recrues. Peu nombreux à l'origine, les faits d'émigration deviennent plus fréquents en Lorraine par la contagion de l'exemple et la continuité des causes qui les ont provoqués. Un arrêt de la cour souveraine de Lorraine et Barrois du 1er juin 1769 (9), concernant le fait d'émigration, reconnaît «  qu'il s'est annoncé dans la province de Lorraine des mouvements d'émigration qui ont paru mériter l'attention même du gouvernement ». Mais au lieu d'en signaler les causes réelles, l'arrêt attribue l'émigration «  à l'exemple des colons que l'Espagne tire des pays étrangers et qui ont libre passage dans les Etats de Lorraine, à l'idée de liberté qu'on a prise de l'abrogation réciproque du droit d'aubaine, à la facilité que trouvent les émigrants soit à l'égard de la vente de leurs biens, soit dans la négligence des officiers de justice ». Pour arrêter l'abus dans son principe, l'ordonnance recommande «  de présenter au peuple la vue des punitions attachées à la transgression des devoirs de sujet et de citoyen, afin de contenir ceux qui sans ce frein essayeraient de rompre les liens de leur engagement naturel et se rendre par la coupables du crime d'infidélité envers le Roi et l'État ».
Ces mesures furent bien peu efficaces, car dès le 5 décembre 1769 (10), un nouvel arrêt, plus sévère, prescrivait «  d'arrêter les émigrants, de saisir leurs meubles et d'avertir les substituts du procureur général dans les bailliages, de l'intention où pourraient être certains particuliers d'émigrer ».
Peu de mois après (17 mai 1770), la cour souveraine de Lorraine et Barrois rend un arrêt qui autorise ceux qui ont émigré à rentrer sans frais dans leurs biens (11).
A la même époque, un courant semblable se produisait dans la province d'Alsace ; son importance en grandissant ne laissa pas que de préoccuper les autorités. Le conseil souverain d'Alsace rendit, le 28 septembre 1769, un arrêt «  condamnant un juif de Biesheim, pour avoir engagé plusieurs particuliers d'Algolsheim, près Neuf-Brisach, à émigrer, à être sévèrement réprimandé et en 100 livres d'amende (12) »; - en 1769 et 1770, trois arrêts dont l'un «  fait défense à tous sujets du Roi de sortir du royaume et d'aller s'établir en pays étrangers sans permission expresse et par écrit de Sa Majesté » - et dont l'autre ordonne de surveiller les embaucheurs et «  fait défense de donner des passeports à ceux qui seront suspectés d'émigration, et déclare nulles toutes ventes faites trois mois avant l'émigration des vendeurs et lesdits biens confisqués (13) ».
On est donc autorisé à penser que vers cette époque, en Lorraine comme en Alsace (14), les campagnes étaient depuis quelque temps déjà parcourues par des embaucheurs qui, exploitant le mécontentement et la situation malheureuse des populations, les excitaient à émigrer en pays étrangers et leur achetaient à vil prix leurs immeubles. Parmi ces agents, quelques-uns étaient étrangers, et c'est vers la Hongrie qu'ils dirigeaient les familles qui s'étaient décidées à quitter leur patrie.
Dans l'origine, ce furent des familles isolées qui partirent secrètement et entreprirent à leurs risques et périls le long et difficile voyage vers ces pays lointains. Les premiers arrivés en Hongrie y ayant prospéré, engagèrent des groupes plus importants à aller les y rejoindre.
Marie-Thérèse occupait alors le trône impérial d'Autriche; dès 1763, elle avait conçu le dessein de peupler les vastes étendues de ses États dont les guerres prolongées entre les Hongrois et les Turcs avaient fait un désert. Ses efforts se portèrent tout d'abord sur le Banat de la Hongrie et surtout sur le pays de Werschetz ; l'entreprise était ardue, la plus grande difficulté résidait dans le manque absolu de bois de construction et de chauffage. Pour y obvier, Marie-Thérèse eut la pensée de transformer en forêts les collines de sable qui, dans le sud-est du Banat, émergent au milieu des plaines. Les premiers colons envoyés dans ces régions dépeuplées étaient d'anciens soldats ayant accompli leur temps de service militaire, des prisonniers de guerre prussiens; tous devaient être de religion catholique.
Pénétrée de l'importance que pourrait avoir pour son oeuvre de colonisation l'arrivée d'éléments agricoles et informée du malaise dont souffraient certaines populations de l'Europe occidentale, Marie-Thérèse résolut de détourner le courant d'émigration qui s'établissait vers ses États. Des instructions sont envoyées aux résidents autrichiens dans plusieurs villes d'Allemagne pour attirer vers les États autrichiens le flot des émigrants.
En 1766, Marie-Thérèse établit à Cologne, Francfort-sur-le-Mein, Schweinfurt, Ratisbonne et Ulm, des commissaires qui auront pour mission d'attirer à eux les colons, de faire imprimer et de répandre des écrits faisant connaître les avantages accordés à tous ceux qui s'établiront dans le Banat de Hongrie. Pour stimuler l'activité de ces commissaires, une prime en argent (1 florin 30 kreutzers) leur était allouée pour chaque famille d'émigrants qu'ils avaient recrutée. Une prime plus forte leur était accordée dans les villes où les émigrants pouvaient être sollicités par les offres d'une puissance étrangère.
C'est dans ces conditions qu'un service d'émigration fut institué aux portes de la France. Dans la petite forteresse de Kehl, qui alors faisait partie des possessions de l'Autriche sur la rive droite du Rhin, résidait un notaire impérial chargé de recevoir les colons, de leur donner des instructions sur la conduite et l'itinéraire qu'ils auraient à suivre, de les munir de secours de route, de passeports, etc. (15).
L'émigration commença vers 1764 et dura jusque vers 1772. En avril 1764, un général-major commandant la forteresse de Philippsbourg informait le gouvernement autrichien que des gens enrôlés pour la colonie de la Guyane, manquant d'argent et de ressources, étant chassés de plusieurs lieux, demandaient les passeports nécessaires pour arriver à être admis dans les colonies de la Hongrie. Un mois plus tard, nouvelle lettre qui annonce un convoi de trois cents émigrants de la Lorraine allemande. «  Ces gens, écrit-il, quittent leur pays et demandent l'autorisation de s'établir en Hongrie. » Ce qui leur fut accordé (16). De 1763 à 1769 (17) bien des familles lorraines émigrèrent (v. tableau n° II) en Hongrie et furent réparties dans les localités du district de Bacs. C'est ainsi que, dans la petite ville d'Apathin et dans les villages de Gajdobva, Neopalanka, Karavukova, les noms de Rizar, Merschi, Hardi, Pekar, Moinar, etc., sous lesquels il n'est pas difficile de reconnaître ceux de Richard, Marchal, Picard, Meunier, témoignent de l'immigration de colons de langue française. En 1769, de nombreuses familles venant de la Lorraine allemande et notamment du comté de Dabo, de la Lorraine française des environs de Foug, des familles alsaciennes originaires de Strasbourg, de Honen, Schoenau, Marckolsheim, Sainte-Marie-aux-Mines et deSaint-Hippolyte, petite ville qui, bien que située en Alsace, au pied des Vosges, appartenait au duché de Lorraine, sont signalées comme arrivant dans les colonies de la Hongrie.
C'est en 1770 que l'émigration atteignit son maximum d'intensité. En février et mars,.127 familles de la Lorraine allemande, et en avril 1770, 930 familles dont les trois quarts étaient des Lorrains de langue française, viennent s'établir dans les colonies de la Hongrie. D'août il décembre 1770, des familles lorraines originaires de Commercy, Pompey, Blâmont, Avricourt, Thionville (18) passaient par Kehl pour aller rejoindre ceux de leurs compatriotes qui les avaient précédées. Comme dans toutes les émigrations, ce sont surtout les éléments jeunes de la population qui, confiants dans leurs forces, partent pour chercher en pays inconnu un sort meilleur. La plupart ont de 25 à 30 ans, beaucoup sont de jeunes époux ou des célibataires isolés; parmi eux se trouvent quelques adolescents.
Nous avons eu sous les yeux un état nominatif duquel il résulte que du 25 août au 31 décembre 1770, 203 familles alsaciennes provenant de 80 localités différentes passèrent par Kehl pour se rendre en Hongrie (V. tableau n° I). A quelques exceptions près, toutes ces localités sont situées dans la basse Alsace; les gens de la haute Alsace préféraient une voie plus courte et passaient par Bâle.
Le 24 avril 1771, les autorités autrichiennes de Fribourg en Brisgau (Vorderoesterreichische Regierung) informent la chancellerie impériale «  qu'un grand nombre de familles pauvres, en raison de la misère qui règne en France, quittent ce pays et demandent des passeports pour se rendre en Hongrie. Leur misère est sans bornes, mais leur activité et leur zèle religieux sont connus. Ils ont préféré continuer leur vie pleine de soucis plutôt que de se laisser enrôler comme colons prussiens par le prince de Wurtemberg qui règne à Montbéliard, et de passer ainsi sous la domination d'un prince qui n'est pas catholique. Des passeports ont été accordés à ces gens habitués au travail et qui seront d'une bien plus grande utilité que beaucoup d'autres qui ne vont en Hongrie que par horreur du travail et pour y trouver un sol fertile B. (Archiv. de chamb. auliq. : Protocoll der oesterr. Hofkanzlei, 18 mai 1771.)
Le 6 mai 1771, M. de Nagel, résident autrichien à Bâle, informait le prince de Kaunitz, chancelier de la cour d'Autriche, que «  tous les jours des familles venant de la Lorraine passent par Bâle et les environs pour gagner le Danube et la Hongrie. Outre les cultivateurs, ce sont des artisans, des ouvriers en laine, des vignerons. Ils quittent le pays, écrit-il, malgré la défense qui a été faite d'émigrer en secret, persuadés qu'on constituera des villes et des villages entièrement habités par des gens de leur nation ils assurent que l'émigration ne cessera pas de sitôt, ceux qui sont restés au pays étant informés du bon accueil qu'ont reçu les premiers colons (19) ». - Ces communications reçurent des réponses favorables.
Les émigrés voyageaient par groupes composés de plusieurs familles ordinairement de la même localité; chacun d'eux devait être accompagné d'un guide qui, entre autres fonctions, avait celle d'empêcher que pendant le voyage les colons ne fussent, dans les pays qu'ils traversaient, embauchés pour le compte de quelque autre puissance. (A cette époque la Prusse, la Saxe, la Russie cherchaient à recruter des colons dans l'Europe occidentale.) Des secours en argent leur étaient accordés. Outre la prime que touchaient les familles qui se présentaient spontanément sans l'intermédiaire d'un commissaire, il était alloué au début par jour de voyage aux pères et aux mères de famille, 6 kreutzers (20), à chaque enfant, petit ou grand, 3 kreutzers, ce chiffre fut réduit a 2 kreutzers pour les enfants au-dessous de 18 ans, quand plus tard, en 1769, le nombre des immigrants étant devenu plus considérable, il ne fut plus autant nécessaire de les attirer par les avantages qu'on leur offrait. Ces sommes étaient payées à des stations déterminées, établies le long des routes suivies par les colons, chaque station pouvant être éloignée de l'autre par la distance de quatre jours de voyage. Lors de leur passage à Vienne, capitale de leur nouvelle patrie, chaque immigrant recevait la somme de trois florins (21). Plus tard, en 1772, la coIonisation cessa de se faire par voie administrative et les colons durent accomplir à leurs frais le voyage pour le Banat.
Quant à la route qu'on leur assignait, les colons lorrains et alsaciens étaient dirigés de KehI sur UIm, dans le Wurtemberg; dans cette ville, ils étaient embarqués sur le Danube dont ils descendaient le cours par Passau, Vienne, Presbourg et Pesth, jusque dans le Banat. Ils débarquaient sur la rive gauche du Danube, dans les points les plus rapprochés des terres qui étaient désignées comme centres de colonisation.
En même temps que les colons lorrains et alsaciens affluaient vers la Hongrie, des gens venus des pays les plus divers de l'Europe occidentale, le Luxembourg, les pays rhénans, notamment les environs de Trêves et de Mayence, le grand-duché de Bade (22), le Wurtemberg, enfin les différents Etats de l'Autriche, fournirent les contingents les plus importants. Pour fusionner ces éléments ethniques si divers, pour créer et faire prospérer ces colonies, une organisation puissante était nécessaire.
Marie-Thérèse, secondée par son fils Joseph, qui, d'abord corégent, devait plus tard lui succéder sous le nom de Joseph II, y apporta tous ses soins. Une section de la chambre aulique (Kaiserliche Hofkammer) était chargée d'une façon spéciale de la direction des affaires du Banat de Temesvar, de sa colonisation et de tout ce qui, d'une façon générale, était désigné sous le nom de inBanaticis. Elle fut présidée par le comte de Khevenmïller-Metsch, conseiller intime.
En 1766, Marie-Thérèse crée à Vienne une Impopulations-Commission, sous la présidence du comte Lamberg. Le comte Festeticz et plus tard le comte d'Urbna en furent les membres les plus importants. La ville de Temesvar était le siège de l'administration du pays. Le comte de Perlas en fut le président jusqu'en 1768. Le comte Charles de Clary lui succéda en 1769 et conserva ces fonctions jusqu'en 1774 (23).
Sous leur dépendance agissait toute une hiérarchie de fonctionnaires et employés, contrôleurs, secrétaires, trésoriers, surveillants, chargés de l'administration des colonies et de la gestion des sommes considérables dont elles nécessitaient la dépense.
La situation des colons qui arrivèrent dans le Banat varia sous plus d'un rapport. Dans la première période de l'immigration, de 1762 à 1766, les colons furent répartis dans des localités déjà existantes, dans lesquelles des habitations nouvelles furent construites pour eux et des terres mises à leur disposition. 28 villages situés dans les districts de Temesvar, de Lippa et de Csanad, grandirent ainsi rapidement en population et en importance. Plus tard, le nombre des nouveaux immigrants augmentant toujours, il devint nécessaire de créer des villages nouveaux (24) 31 colonies furent ainsi fondées de 1766 à 1772; 7 reçurent des noms hongrois, 21 des noms allemands et 3 des noms français. (Voir le carte.)
Les premières colonies nouvelles fondées sur des terres appartenant à la couronne (Hungarische-Cameral-Herrschaften) dépendaient directement de la chambre aulique. Ce furent les plus prospères. Mais, dès 1770, «  le nombre des colons arrivés dans le Banat était si grand, qu'il était à craindre que ceux qui les suivraient ne pussent plus être placés » (25). Un appel fut adressé aux seigneurs pour les inviter à recevoir des colons sur leurs domaines, dont quelques-uns avaient assez d'étendue pour pouvoir facilement offrir un asile à cinq cents personnes. L'avantage pour les colons admis sur ces terres seigneuriales (Particular-Berrschaften) de trouver un asile immédiat fut plus que contrebalancé par la situation qui leur fut imposée; ils furent moins bien partagés en général que ceux qui avaient été admis sur les domaines de la couronne (26).
Quel fut le sort de nos compatriotes alsaciens et lorrains ? Marie-Thérèse voyant venir dans ses États des anciens sujets de son époux, naguère le duc François III de Lorraine, devait avoir à coeur de les bien recevoir. Par décision prise en séance du conseil aulique (27) que souvent elle se plaisait elle-même à présider, l'Impératrice ordonna de prendre toutes les mesures propres à favoriser l'activité des colons et pour cela de les pourvoir de tout ce qui leur était nécessaire. Les colons lorrains furent en grande partie réunis dans cinq villages rapprochés les uns des autres. De vastes étendues de terres fertiles leur furent attribuées qui, par un singulier hasard, réalisaient les mêmes qualités que le sol de certains villages lorrains dont quelques immigrants étaient vraisemblablement originaires (28). L'exemption de tout impôt fut assurée aux colons pour une période de dix années. En vertu d'une décision prise le 31 août 1772 par Joseph, corégent, ceux des colons qui, étant ouvriers, préféraient se fixer dans les villes pour y exercer leur profession, furent exemptés d'acquitter les droits de bourgeoisie et de maîtrise.
Dans chaque village furent construits, aux frais de la couronne ou du seigneur, une église, un presbytère, des écoles, des moulins à blé, une auberge, une boucherie, un magasin.
Chaque famille fut mise en possession d'une maison; des bestiaux, des instruments aratoires, des semences, le mobilier domestique et jusqu'à des ustensiles de cuisine furent donnés aux colons. Quelques familles reçurent même des allocations en argent qu'elles devaient rembourser par termes dans le délai de trois ans. Chaque famille reçut en outre en toute propriété (als unumschränktes Eigenthum) un lot de terres, d'un seul tenant, désigné sous le nom de cession qu'il conserve encore aujourd'hui, et dont l'importance ne laissait pas que d'être notable.
L'étendue des cessions varia un peu dans les différentes colonies. A Grabatz, une cession entière se composait de
12 hectares (29) de champs;
3 hectares de prairies;
1 hectare et demi de pâturages.
En moins grand nombre furent distribuées des demi-cessions constituées par :
6 hectares de champs
2 hectares de prairies
1 hectare de pâturages.
Dans quelques colonies seulement furent alloués des quarts de cessions composés de :
3 hectares de champs
1 hectare et demi de prairies
1 hectare de pâturages.
Autour de chaque maison se trouvait en outre un jardin de la contenance d'un demi-hectare.
Dans certaines colonies établies sur des terres seigneuriales, comme à Mastort et à Heufeld, l'Impératrice ajouta à chaque cession, à titre de don (Kaiserliches Geschenk), un hectare et demi de terres.
Dans le territoire de chaque village, la jouissance de prairies spéciales était réservée au curé et à l'instituteur (Pfarr-und Lehrerwiese). De même ceux qui, moyennant une redevance annuelle (30), détenaient du seigneur de chaque village le droit exclusif de vendre la viande et de tenir l'auberge (Herrschafts-Wirthshaus) acquéraient par la même la jouissance de prairies déterminées (Fleischbankau. Wirthswiese). En dehors des pâturages appartenant en propre à chaque famille, il existait dans chaque colonie un pâturage commun dont la superficie était parfois considérable (300 hectares à Grabatz). Le seigneur de chaque village affermait aux colons les terres qui ne leur avaient pas été concédées (Ueberland).
Les cessions primitivement concédées aux colons n'ont relativement guère été morcelées; on s'efforce dans la liquidation des héritages d'en maintenir l'intégrité.
De nos jours encore, dans les colonies lorraines, on compte par cession et on évalue les fortunes immobilières par le nombre de cessions dont elles se composent.
Tous les colons pourvus d'une cession étaient considérés comme établis (angesiedelt) certains d'entre eux auxquels on n'avait pu, dès l'abord, en donner, étaient provisoirement mis en subsistance (einquartirt). Les colons étaient libres d'ailleurs de choisir, selon leurs convenances, le village où ils désiraient se fixer. En retour de tant d'avantages, l'autorité supérieure se réservait certains droits: celui de transférer, dans des cas déterminés, les colons d'un village dans un autre; les colons ne pouvaient quitter leurs villages que moyennant un congé, et même ne s'absenter pour quelque temps sans une permission spéciale. Les colons qui, prenant la fuite, abandonnaient leur résidence, et cela arrivait quelquefois, étaient signalés comme déserteurs enfin les familles qui quittaient le pays pour retourner dans leur patrie ne pouvaient le faire qu'en remboursant la valeur des secours et des allocations que, par anticipation, elles avaient reçus.
C'est dans ces conditions et sous ce régime que furent fondés dans le district de Csanad, en 1771, les villages de
St-Hubert pour 75 familles avec 69 cessions, 4 demi-cessions.
Charleville pour 62 familles avec 50 cessions
Seultour pour 62 familles avec 60 cessions
en 1772, les villages de
Trübswetter pour 200 familles avec 104 cession entières et 96 demi-cessions.
Gottlob pour 200 -
Ostern (31) pour 250 -
Séparés à peine par la distance d'environ 1 kilomètre, les trois villages de Saint-Hubert, Charleville et Seultour furent presque exclusivement peuplés par des Lorrains de langue française, comme le prouvent les noms qu'ils portent encore aujourd'hui (v. tableau n° III). Les premiers colons, presque tous agriculteurs, aussitôt arrivés, se mirent courageusement à l'oeuvre et ne tardèrent pas à acquérir un degré de prospérité qui excita la jalousie des Hongrois et des Roumains habitant les villages voisins. Leurs cultures furent ravagées, leurs bestiaux enlevés. Pour mettre fin à ces déprédations, les Lorrains firent bonne garde, fusillèrent sans merci et enterrèrent sur place quiconque était de nuit rencontré sur leur territoire, vêtu d'une bunda (32). Ces mesures énergiques furent efficaces. Des secours de toute nature continuaient d'ailleurs a être fournis avec sollicitude, par l'administration supérieure, aux colons nécessiteux. On leur remplaçait les voitures hors d'usage, les pièces de bétail qui avaient péri, les chevaux volés, etc.
Les Lorrains se firent bientôt remarquer par leur ardeur au. travail. En 1772, un rapport sur l'État des colonies, les signale comme des «  cultivateurs laborieux et entendus ». La population s'accrut rapidement dans la paroisse de Saint-Hubert, à laquelle dans l'origine deux villages voisins, Heufeld et Mastort (33), également peuplés de Lorrains et d'Alsaciens, avaient été affiliés, il y eut, du 23 mars au 31 décembre 1771, 31 naissances; en 1772, 92 naissances, et en 1773, 129 naissances (34).
Les Lorrains de ces villages étant en très-grande majorité de langue française, durent être pourvus de prêtres français. Parmi les ecclésiastiques (35) attachés à l'église de Saint-Hubert, nous avons relevé les noms suivants en 1772, Roka, prêtre originaire de Bohême, mais parlant la langue de ses ouailles; en 1797, Eustache, curé; en 1798, Breton, chapelain; en 1801, Porée, chapelain; en 1806, Petitjean, chapelain. Le premier curé de Seultour (ou Soltour), en 1773, du nom de Pierre-François Leclère, était d'origine luxembourgeoise; en 1793, ce fut Joseph-François-Silvestre Maillot. L'église de Seultour, en construction dès 1771, fut consacrée au culte le 24 septembre 1774. S'il faut ajouter foi à une tradition, le village de Seultour devrait son nom (propter solam turrim) à l'existence d'une tour élevée autrefois, pendant les guerres contre les Turcs, à peu de distance du village. Lors de la construction du village, cette tour aurait été rasée et les briques employées à l'édification du presbytère et des écoles.
Bien que portant des noms allemands, les villages de Trübswetter, Ostern et Gottlob furent principalement peuplés de Lorrains et d'Alsaciens.
La colonie deTrübswetter (ou Triebsvetter) fut presque exclusivement composée de Lorrains de langue française: sur les 192 familles qui, à l'origine, y furent installées, toutes étaient lorraines, sauf 8 qui venaient de la frontière bavaroise, aux environs de Pilsen. Les colons allemands se groupèrent dans une rue qui porte encore aujourd'hui le nom de «  Deutsche Gasse (rue Allemande). Ils donnèrent le nom de «  Wolfsgasse » (rue des Loups) à une rue habitée par quelques familles françaises qui manifestaient à leur égard des dispositions peu bienveillantes. Au point de vue ecclésiastique, Trübswetter fut rattaché dans l'origine à un bourg hongrois, Szent-MikIos (Saint-Michel), situé à 8 kilomètres, mais fut érigé en paroisse dès 1773. La première église fut construite en briques sèches (36). L'église actuelle date de 1846. Parmi les prêtres qui y ont exercé le saint ministère, nous avons trouvé les noms de François Leclère (1773-1777), Germain (1777-1778), Blaise Collignon (1787-1789), Forstner (1787-1798), Louis Breton (1798-1802), prêtre émigré de France, qui avait étudié à Besançon, enfin celui d'Antoine Bonnaz, originaire du pays de Gex, élève du séminaire d'Annecy, qui, d'abord chapelain et administrateur de la paroisse, fut installé comme curé de Trübswetter en 1804 et y resta jusqu'à sa mort, en 1837.
La colonie de Gottlob fut principalement peuplée d'Alsaciens, auxquels furent joints des Lorrains de langue allemande et des Luxembourgeois. Par suite des relations constantes qui existaient entre les colonies alsaciennes et lorraines, s'établirent à Gottlob un certain nombre de familles dont les noms, qui subsistent encore aujourd'hui, révèlent l'origine française (v. tableau n° II). Le premier curé de la paroisse, du nom de Baumgartner, y arriva avec les premiers colons. L'église fut construite en 1773.
La colonie d'Ostern (ou Osztern d'après la prononciation hongroise) fut peuplée d'Alsaciens, de Lorrains et de Wurtembergeois. Les registres paroissiaux datent de 1773, bien que la commune n'ait été érigée en paroisse qu'en 1785.
Dans les églises de Saint-Hubert, Charleville, Seultour, Trübswetter, les chants d'église lorrains étaient encore en usage en 1802. Jusqu'en 1830, l'évangile dans les églises était lu d'abord en allemand, puis en français, tous les troisièmes dimanches du mois, le sermon était tenu en français. Dans les premières années de la colonisation, l'enseignement dans les écoles fut donné concurremment en langue française et en allemand. Aujourd'hui, en vertu d'une loi portée le 8 juin 1868, l'enseignement et l'étude de la langue hongroise sont obligatoires, dans toutes les écoles du royaume de Hongrie, pour tous les enfants, quelle que soit leur nationalité.
Si, par une conséquence forcée des choses, l'usage du français dans les colonies s'y perdit progressivement, nos anciens compatriotes n'en ont pas moins pieusement conservé quelque souvenir, et ce n'est pas sans fierté que les plus âges d'entre eux, dans la visite que nous leur fîmes, sont arrivés à s'exprimer avec nous dans la langue de leurs aïeux.
Quand on visite les colonies lorraines de la Hongrie (v. tableau n° IV), la similitude qui règne entre elles, la régularité géométrique des rues, la symétrie, l'uniformité de construction suffisent pour indiquer qu'elles ont toutes été établies en une fois et d'après le même plan, si bien qu'une même description peut presque s'appliquer à toutes.
Le village a la forme d'un vaste rectangle allongé, traversé par quatre à six larges rues plantées d'acacias sur les côtés, qui se coupent à angle droit. Au centre du village, l'église avec le presbytère et l'école; non loin se trouvent une ou deux auberges, la boucherie, le magasin dans lequel se trouvent réunis les objets les plus usuels l'éloignement des villes, la difficulté de s'y rendre, le rendaient indispensable. Plusieurs colonies conservent, à l'entre-croisement des deux rues médianes, un auvent sous lequel se trouvait autrefois la cloche qui réglait militairement la vie et les occupations des colons. A l'entrée du village, la rue principale est flanquée de deux moulins à farine mus par des chevaux, dans lesquels chaque habitant a le droit, moyennant un prix fixé à l'avance, de faire moudre son grain.
Perpendiculairement à la rue, s'élèvent les habitations à toits en tuiles ou en chaume, dont les murs sont construits en pisé (ce nom a été conservé) ou en briques sèches et recrépis à la chaux; elles n'ont en général qu'un rez-de-chaussée; précédées d'une galerie couverte donnant sur la cour, elles n'ont que deux ou trois chambres d'habitation. Tout y est propre, bien tenu et indique une très-grande aisance (37). Sous le même toit sont situées les étables; quelquefois, au fond de la cour, une grange pour renfermer quelques récoltes. La cour est soi-disant fermée par une clôture à peine à hauteur d'appui constituée par une rangée de fagots recouverts de pisé. Ce mode primitif de clôture n'a rien qui doive étonner dans les vastes plaines de la Hongrie, le bois et les briques coûtent cher. Sauf quelques arbres fruitiers que les habitants nous montraient avec orgueil dans les vergers qui entourent leurs maisons, nous n'avons guère rencontré que des acacias qui acquièrent en peu de temps un beau développement. La rareté du bois fait que le plus souvent, pour le chauffage, on le remplace par des tiges de maïs, de tabac ou même de la paille; force était autrefois de recourir au fumier comme combustible. Le dépérissement prématuré des arbres est dû à l'imperméabilité et à la pauvreté en éléments nourriciers du sous-sol argileux (38) sur lequel repose la couche superficielle d'humus, d'épaisseur du reste très-variable.
Quant aux pierres, elles sont presque inconnues : cela est si vrai que, lors de la construction du chemin de fer de Pesth à Temesvar, on vit au début des terrassiers employés aux travaux de ballast de la voie, emporter le soir les plus grosses pierres qu'ils pouvaient trouver, pour les montrer dans leurs villages à titre de curiosité.
Autour de chaque village s étendent, souvent à perte de vue, ces champs de céréales dont la fertilité bien connue a plus d'une fois sauvé de la disette l'Europe occidentale. Ils alternent avec de vastes étendues couvertes de maïs (Kukurutz) qui atteint souvent plus de deux mètres de hauteur, et au milieu desquelles, la nuit venue, il n'est pas difficile de se perdre, nous avons failli en faire l'expérience. Sur le pâturage communal paissent en liberté de nombreux troupeaux de chevaux, de race estimée, tous de robe uniforme (alezans); il est des villages qui en possèdent plus d'un millier; puis encore de grands boeufs de race hongroise, au pelage gris, de forte charpente, aux cornes allongées et gracieusement arquées plus loin enfin, de retentissantes clameurs trahissent la présence de troupeaux d'oies qui ont prospéré malgré l'absence de cours d'eau où elles eussent pu prendre leurs ébats.
Si les noms de famille d'origine française, les seuls, on le comprend, à la recherche desquels nous ayons pu nous attacher, se rencontrent assez souvent dans des villages hongrois ou allemands (39) situés autour du groupe formé par les colonies lorraines, c'est dans les villages de Saint-Hubert, Charleville, Seultour et Trübswetter, qu'ils sont prédominants. C'est dans ces localités que, grâce à sa supériorité numérique et à son agglomération, l'ancienne population lorraine a pu conserver quelques-uns de ses caractères originels.
Les habitants de Saint-Hubert, Charleville et Seultour aiment à désigner leurs villages sous le nom de Wälsche Dörfer (villages welches); leurs voisins les appellent encore aujourd'hui die Franzosen. Ils savent qu'ils sont venus de la Lorraine et de l'Alsace, et bon nombre connaissent les localités d'où étaient originaires leurs ancêtres parmi celles qui nous furent indiquées citons Arracourt (désigné par son nom patois de Rako) (40) Francheville (41) ; Moyenvic, Rhodes, Torcheville, Leining, Altroff (42) ; Oberstinzel, Niederstinzel (43), etc. (V. tableau n° II.)
Les noms de famille sont d'origine française, beaucoup sont très-répandus en Lorraine et se retrouvent encore aujourd'hui dans nos villes et nos villages. Les altérations qu'ont subies la plupart s'expliquent aisément par ce fait que ce furent des employés autrichiens, parfois d'origine bohème, qui prirent les noms des colons lorrains à leur arrivée; ceux-ci, pour la plupart, ne savaient pas écrire, ainsi que le témoignent les nombreuses croix qu'en place de signature nous avons trouvées au bas de leur acte d'engagement comme colons. N'oublions pas d'ailleurs que dans les langues slaves, en allemand et en hongrois, les lettres n'ont pas la même valeur phonétique qu'en français.
Si, dans l'origine, des rapports ont continué à se maintenir entre les colons et leurs parents restés au pays natal, ils ne paraissent pas avoir été fréquents ni avoir duré longtemps. L'éloignement, la difficulté des communications, l'oubli réciproque ne l'expliquent que trop aisément. Cependant un habitant de Trübswetter nous raconta qu'à propos d'un héritage qui, il y a une quinzaine d'années, lui était échu en partage à Rhodes, il avait été vivement sollicité par les membres de sa famille qui y résidaient de venir revoir son pays d'origine.
Dans les colonies lorraines, le français n'est plus compris et parlé que par quelques vieillards qui l'ont appris de leurs parents les premiers colons. Cependant ici comme partout, au Canada, à la Nouvelle-Orléans, comme dans les colonies des réformés français réfugiés en Allemagne, s'est manifesté, à l'inverse des autres peuples, l'attachement des Français pour leur langue maternelle. Bien que perdus au milieu de populations étrangères, éloignés et sans rapports avec leur ancienne patrie, les Lorrains ont pendant longtemps fidèlement conservé leur langue. En 1872, succombait à Charleville, à l'âge de 92 ans, une Lorraine qui ne pouvait remplir ses devoirs religieux qu'en s'exprimant en français. Dans le même village, trois braves vieillards tinrent à honneur de converser avec nous en un français qui, malgré les archaïsmes et les mots empruntés au patois lorrain dont il était émaillé, était cependant intelligible. Une femme âgée fut heureuse de pouvoir me dire la prière qu'en français elle récitait tous les soirs. Ce n'est pas sans émotion que, loin de la France, nous recueillîmes ces témoignages de la fidélité des Lorrains à leur langue maternelle.
Outre l'allemand, qui rappelle le dialecte usité en Alsace et dans le Wurtemberg, la jeune génération commence à parler le hongrois, qu'elle a appris tant dans les écoles des villages que dans celles de Szegedin dans cette ville importante existent de bonnes écoles dans lesquelles l'enseignement est surtout donné par des religieux. La diffusion de la langue hongroise est encore favorisée par une coutume féconde en heureux résultats, autrefois en usage entre la Lorraine et l'Alsace, et encore aujourd'hui très-répandue entre la Suisse romande et la Suisse allemande, l'échange des enfants (Kindertausch). Deux familles de langue différente se confient réciproquement leurs enfants pour leur apprendre une langue nouvelle.
Réputés pour leur activité, leur vivacité et leur caractère jovial, nos anciens compatriotes se distinguent par plus d'un trait des éléments avec lesquels depuis plus d'un siècle ils sont en contact. Nous leur avons trouvé l'air franc et ouvert polis sans être serviles, ils sont éminemment sociables. Un peu obstinés dans leurs idées, ils engagent facilement des procès; ils aiment à discuter, le font avec logique et animation sans être querelleurs ni vindicatifs. Ils sont courageux à la guerre où un grand nombre d'entre eux se distinguent; la plupart servent dans les hussards, l'arme nationale des Hongrois (44). Bien qu'un peu exclusifs et sortant peu de leurs villages, auxquels ils sont très-attachés, les habitants des colonies lorraines éprouvent une sympathie spéciale pour les Hongrois, tout en étant en bons rapports avec ceux des villages limitrophes. (Dans les écoles, les enfants font preuve d'une compréhension facile et plus rapide que leurs condisciples d'autre origine.)
Les Lorrains sont laborieux et économes aussi n'y a-t-il pas de pauvres parmi eux; tous jouissent de l'aisance, quelques-uns sont riches.
Les familles d'origine française vivent et s'allient le plus souvent entre elles. Comme parmi toutes les populations agricoles, les unions se font de bonne heure; peu de mois après leur rentrée du service militaire, les jeunes hommes se marient. D'après une ancienne coutume empruntée aux Saxons, les nouveaux époux sont tenus de demeurer pendant un an encore sous le toit des parents de la jeune femme, qu'ils sont obligés de servir comme valets. Le produit d'un joch de terre (57 ares) leur est alloué pour leur entretien.
Les sentiments moraux et religieux ont conservé chez eux toute leur puissance les grandes fêtes chrétiennes, Noël, Pâques, Pentecôte, sont célébrées avec éclat. A Trübswetter, la Saint-Sylvestre et le jour de l'an sont célébrés comme en France et sont l'occasion d'échanges de cadeaux. Menant une vie calme et monotone comme les plaines au milieu desquelles ils sont perdus, les Lorrains de Hongrie saisissent avec empressement les événements de famille pour en faire l'occasion de fêtes prolongées et bruyantes. Dans les cortèges qui, lors des mariages, parcourent les villages, pendant que sur leur passage retentissent des coups de feu, ils aiment à se faire précéder de corps de musique pour laquelle ils sont d'ailleurs peu bien doués. Aux baptêmes, comme lors des fêtes, des dragées sont distribuées aux enfants à la sortie de l'église. Cet usage dans ces contrées ne se rencontre que parmi les colons lorrains.
Ils sont passionnés pour la danse, les jeux d'adresse, comme le billard, et aussi les jeux de hasard, parmi lesquels ils ont conservé pendant longtemps l'usage d'un jeu de cartes, la préférence, autrefois répandu en France. De sens droit et pratique, d'une prudence qui touche à la méfiance, peu disposés à accueillir les idées ni les inventions nouvelles, les colons lorrains, comme les populations agricoles vivant dans l'isolement, n'ont guère qu'une préoccupation travailler pour eux et leurs plus proches et augmenter leur bien.
Quand des parents meurent laissant des enfants mineurs, tous leurs biens sont vendus. Le produit, partagé en autant de parts qu'il y a d'enfants, est confié à une commission spéciale chargée dans chaque commune d'administrer lesbiens des orphelins; les intérêts servent à l'entretien d'enfants jusqu'à l'âge de douze ans, à partir duquel ils sont obligés de servir comme valets. Leur fortune leur est remise à l'âge de leur majorité (45).
Dans les villages lorrains, la race est forte et robuste les conditions hygiéniques favorables, l'abondance dans laquelle vivent les habitants, les travaux exclusivement agricoles auxquels ils se livrent, permettaient de le prévoir. La durée de la vie moyenne est au-dessus de la normale, beaucoup de personnes atteignent un âge très-avancé. Les maladies sont relativement rares. Il n'existe pas de maladies endémiques dans la contrée. Toutefois, après les années pluvieuses surviennent assez souvent des fièvres et affections paludéennes qu'expliquent la facilité avec laquelle se forment sur un sol sans nulle déclivité des mares d'eau croupissante et la propriété que possède le sol très-riche en humus de retenir l'eau pendant très-longtemps (46).
Les colons lorrains excellent à cultiver la terre; aussi dans leurs villages la terre vaut-elle quatre fois plus que dans les localités environnantes par leurs soins ont été créées des pépinières d'arbres fruitiers qu'ils montrent avec orgueil. A côté de l'agriculture, ils se livrent avec succès à l'élève du bétail et du cheval; leurs produits, généralement des chevaux de demi-sang, sont estimés sur les marchés de Temesvar.
Telles sont aujourd'hui les colonies lorraines en Hongrie. A-t-on conservé quelque souvenir dans les villages de Lorraine de ceux qui, il y a plus d'un siècle, quittèrent leur sol natal pour aller s'établir au loin ? Les noms de famille que nous avons retrouvés à Saint-Hubert, Charleville, Seultour, Trübswetter, etc., existent-ils encore dans nos villages lorrains ? Autant de questions qu'il était naturel et intéressant d'élucider.
Des recherches faites par nous dans d'anciens registres communaux, des renseignements recueillis auprès des municipalités, des ecclésiastiques, nous permettent d'y répondre.
Le nom de Charleville que porte l'une des colonies lorraines pouvait faire supposer qu'il lui avait été donné par des colons en souvenir d'un village de ce nom situé dans l'ancien département de la Moselle, dans le canton de Vigy, à 40 kilomètres au nord-est de Metz. Renseignements pris, il s'est trouvé que parmi les habitants les plus âgés de Charleville n'existe aucune tradition relative à l'émigration de familles pour la Hongrie il y a cent ans ? Une ferme importante aux environs de Metz porte aujourd'hui le nom de Saint-Hubert. Serait-ce en souvenir d'elle que quelques colons originaires du pays messin auraient donné son nom à leur nouvelle résidence en Hongrie ?
Sur d'autres points, nos recherches ont été plus fructueuses. Dans le département de Meurthe-et-Moselle, à Moncel (village ayant appartenu à un ancien bailliage de l'évêché de Metz), quelques personnes savent qu'il y a un siècle des membres de leurs familles ont émigré pour la Hongrie (47). A Arracourt (autrefois Auralcourt, village situé dans l'ancien bailliage de Lunéville, près de la frontière actuelle), on sait qu'un nommé Lacouture, en partant pour la Hongrie, a laissé en propriété à la commune un terrain qui, depuis 1780, est devenu le cimetière de ce village (48). Dans les villages de Bezange-la-Grande, Moncel, Arracourt, à un moindre degré dans ceux de Sornéville, Valhey, Bathlémont, Parroy, Pettoncourt, tous situés dans le département de Meurthe-et-Moselle, dans la Lorraine annexée à Moyen-Vie, Château-Salins, Chambrey, Aulnoy-sur-Seille, existaient, de 1751 à 1770 et existent encore en partie aujourd'hui, un grand nombre de familles dont nous avons retrouvé les noms dans les colonies lorraines de langue française de la Hongrie (comparer entre eux les tableaux III et V). Les résultats auxquels ont abouti nos investigations, rapprochés des renseignements rapportés de Hongrie, nous autorisent à penser que c'est de la région comprise entre Nancy et Metz qu'un grand nombre de ces colons furent originaires.
Des recherches analogues pour déterminer les points précis d'où émigrèrent les colons lorrains de langue allemande et les Alsaciens eussent présenté des difficultés trop grandes pour que nous ayons pu les entreprendre.
Quoi qu'il en soit, il reste démontré qu'il existe dans le sud-est de la Hongrie, à quatre cents lieues de la mère patrie, un groupe important de colonies lorraines et alsaciennes bien que leur fondation remonte à plus d'un siècle, quelques-unes d'entre elles ont conservé, avec le souvenir de leur origine, des caractères spéciaux qui m'ont paru dignes d'appeler l'attention sur elles.


TABLEAU N° I
Consignations-Tabelle über 266 teutsche Familien so ich Fr. Anton Leutner, Kays. Notarius, vom 25. August bis 3. Decemb. 1770 in der Reichsfestung Kehl aufgebracht und zu allerhöchst K.K Dienst mit besondern Verhaltungs-Unterrichte, Marschroutten und Geleilhsbriefen als Banatische Colonisten an die hochgräfliche von Kevenmullerische Kanzley nach Wien abgeschickt habe (49).
Diese Familien sind aus

Achenheim 1
Beblenheim 1
Benfelden 1
Bergbieten 2
Bischheim 1
Bischofsheim 2
Boersch 2
Buxweiler 1
Brumath 1
Colmar 3
Dachstein 1
Dahteuheim 1
Dangolsheim 4
Dinsheim 7
Düppigheim 5
Ebersmùnster 1
Ergersheim 2
Epflg 1
Errnolsheim 8
Fessenheim 1
Flexburg 2
Forstheim 2
Gambsbeim. 4
Geispolsheim 1
Gumbrechtshoffen 1
Hagenau 2
Haslach 1
Heiligenberg 1
Herrlisheim 9
Hozheim 1
Illkirch 1
Kertzfelden 2
Klein!andau 2
Kintzheim 1
Kirchheim 1
Killstett 1
Largitzen 1
Lochweiter 1
Lùtzelburg 1
Mariakirch(Ste Marie-a--Mines) 2
Suffelweversheim 1
Marlenheim 2
Meistratzheim 1
Mertzwiller 1
Molsheim 1
Müblbach 3
Mutzig 2
Neugartheim 1
Niederbronn 1
Niedernai 4
Oberbergheim 1
Oberbronn 1
Obernai 5
Offendorf 1
Ostheim. 1
Ostwald 2
Ottrot 1
Reitwiller 1
Reicbshoffen 1
Rumersheim 1
Ruprechtsau 2
Schäffolsheim 2
Scharrachbergheim 1
Singrist 1
Strassburg 37
Staffelfelden 3
Still 3
Stotzheim 2
Tränheim 4
Tùrckheim 4
Wantzenau 9
Wasslenheim1
Wendenheim 1
Westhausen 1
Westhoffen 4
Weissenburg 1
Willgottheim 3
Wittersheim 2
Wolfisheim 3
Wolxheim 6
203 (50)

TABLEAU N° Il.
Etat des villages lorrains d'où furent originaires les colons qui du 1er janvier à la fin d'août 1765, furent établis en Hongrie à (51) :
Saint-Ivan :d'Ebringen, Lemberg, Rohrbach, Saaralbe, Welferdingen, Wollmünster (Moselle).
Gaidobva : de Bettingen, Biningen, Bitsche, Grossrederchingen, Remelingen, Uckingen (Moselle); Finstingen (Fénétrange), Marbach (Meurthe); Biedertha!, Niederseebach, Urbeis (Alsace).
Apathin : de Billingen (Moselle); Rixingen (Réchicourt) (Meurthe).
Bukin : de Betteringen, Halleringen, Roppweiler (Moselle).

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(1) Au XVIIIe siècle, le général Mercy, premier gouverneur du Banat de Hongrie après la délivrance de ce pays de la domination turque, y appela des Espagnols originaires de la Catalogne et de la Biscaye, et, en 1728, des Italiens qui, réunis à Mercydorf (comitat de Temesvar), s'adonnèrent à la culture du riz et de la soie. Ces colonies ont disparu sans laisser de traces. (Gesch. des Temeser Banata v. Schwicker. Pest., 1872, p. 462.)
Pourquoi les Turcs qui, pendant des siècles, ont tenu sous leur joug une partie de la Hongrie (Pesth eut une longue série de pachas pour gouverneurs [1603-1686], Temesvar resta en leur pouvoir de 1522 à 1716), en ont-ils absolument disparu ? C'est à peine si de nos jours un vrai croyant vient tous les ans une fois prier sur la tombe d'un marabout vénéré, enterré sur une colline des environs de Bude. Les événements dont nous sommes les témoins en Bulgarie et en Roumélie, la hâte que, dans bien des districts, ont mise les Musulmans à suivre les armées du Sultan dans leur retraite vers Constantinople, autorisent à penser que, lors de l'évacuation de la Hongrie par les Oamanlis, l'ensemble de la population civile musulmane, probablement peu nombreuse, a obéi aux mêmes sentiments que de nos jours elle a repassé en masse le Danube plutôt que de continuer à vivre au milieu de peuples ennemis dont les séparaient si profondément sa religion et son état social.
(2) On comprend sous le nom de Banat le territoire qui correspond de nos jours aux comitats de Temesvar, Torontàl et Krasso. Le nom de Banat, du mot slave ban, seigneur, signifie seigneurie il a été, arbitrairement du reste, donné au Banat de Temesvar qui n'a jamais eu de Ban. - Les comitate ont: été érigés et organisés en Hongrie en 1780.
(3) Les colonies lorraines sont situées entre 18° et 19° longit. est, mérid. Paris (30°10 et 38°20 longit. est., mérid. d'Islande), et entre 45°,42 et 46°, lat. nord le 46° passe un peu au nord de Trübswetter.
Saint-Hubert est éloigné de Vienne de 593 kilomètres, Pesth de 255 kilomètres, Szegedin de 65 kilomètres, Temesvar de 47 kilomètres.
Saint-Hubert est à 80m,86 d altitude au-dessus du niveau de la mer Adnatique
Vienne. à 197m,05, Pesth. à 105m,48, Szegedin à 89m,86, Temesvar. à 86m,9S
(4) Des levées supplémentaires furent faites en 1759, 1760, 1761, 1762. (V. Digot, Histoire de la Lorraine, t. VI, p. 306, 310.)
(5) V. d'Haussonville, Histoire de la réunion de la Lorraine à la France, vol. IV, p. 287, et Pièces justificatives, p. 442.
Traité secret de Meudon du 30 septembre 1736, par lequel Stanislas, roi de Pologne, duc de Lorraine, abandonne à Sa Majesté Très-Chrétienne Louis XV, dans les duchés de Lorraine et de Bar, les revenus, droits, impositions de quelque nature qu'ils soient ou puissent être à l'avenir.
(6) Aux droits seigneuriaux qui existaient partout, soit au profit du Roi dans les terres domaniales, soit au profit des seigneurs ecclésiastiques ou laïques, à la dime qui atteignait tous les fruits de la terre, aux frais résultant de l'entretien des églises, aux droits des curés, aux impositions indirectes perçues aux portes ou sur les marchés des villes, Stanislas dut ajouter un impôt nouveau en établissant, en 1756, un second vingtième, auquel il ajoutait dès 1757 quatre sols pour livre au vingtième déjà perçu depuis quelques années.
(7) Ce furent un troisième vingtième et deux sols pour livre. (V. Digot, Histoire de Lorraine, t. VI, p. 291 à 293.)
(8) V. Digot, Histoire de Lorraine, t. VI,, p. 291-310.
(9) V. Dictionn. historique des ordonnances et des tribunaux de Lorraine et Barrois, par de Rogéville, Nancy, 1777 t. XI, p. 499.
(10) V. de Rogéville, Ordonnances de Lorraine, t. XI, p. 605.
(11) De Rogéville, Ordonnances de Lorraine, t. XII, p. 49.
(12) V. Ordonnances du Conseil souverain d'Alsace, t. II, p. 851.
(13) Idid. - Arrêts du 20 avril 1769, des 25 juin et 28 septembre 1770 ; in t. II, p. 839, 868 et 870.
(14) Le 6 juin 1757, quatre paysans alsaciens, appartenant à des villages dépendant de la ville de Strasbourg, demandent au gouvernement autrichien la permission de se rendre avec leurs familles dans le Banat de Hongrie comme colons. Il leur est répondu que pour être accueillis, ils devront se légitimer par un permis d'expatriation (.Entlassungsurkunde) et un passeport. (K. K. Reichsfinanz-Archiv, Wien archives de la chambre aulique à Vienne : Acta banatoca).
(15) V. tableau n° I.
(16) Lettres du 16 avril et du 16 mai 1764, du général-major von Schmid de Philippsbourg. (Archives de la chambre aulique.)
(17) Sur une des nombreuses Consignations-Tabellen de 1768, nous avons relevé les noms de Dillschneider, Morolt, Herbino, Russel, Bucher, Aubertin, Poulet, Levéque, tous désignés comme colons lorrains. (Arch. de chamb. auliq. Status impopulationis in regio camerali district. Bachiensi ab anni 1763 usque diem 16 mensis marcii 1768)
(18) Archives de la chambre aulique. Nous avons trouvé ces localités indiquées sur les listes de colons (Colonisten-Transports-Consignationes); le lieu d'origine du plus grand nombre n'eat indiqué que d'une façon générale par les termes de : aus Lothringen (venant de Lorraine) ou Gallus.
(19) Archives de la chambre aulique.
(20) A cette époque, le florin autrichien (Conventionsgulden) avait la valeur de 2 fr. 60 c. il était divisé en 60 kreutzers. (V. Becker, Der oesterreich. Münzwesen Jahre 1524-1838.)
(21) D'après les pièces conservées dans les archives de la chambre aulique à Vienne.
(22) L'Autriche possédait encore a cette époque, sous le nom de Vorderoesterreich, tout le Brisgau et les districts désignés sous les noms d'Ortenau et Hanauerland, formant la partie nord et moyenne du grand-duché de Bade actuel. Fribourg, Offenbourg, etc., en étaient les villes principales. On comprend dès lors que les populations de ces contrées se soient plus facilement décidées à émigrer en Hongrie.
(23) Geschichte des Temeser Banats, par L. Böhm, t. I, p. 266.
(24) La construction des villages était spécialement confiée à. Hildenbrand et Neumann le premier portait le titre de Landesadministrations-Rath; tous deux contribuèrent puissamment par leur activité au succès de la colonisation de la Hongrie.
(25) Lettre de l'impératrice Marie-Thérèse au comte Esterhazy, du 12 septembre 1770.
(26) Une lettre du résident autrichien à Cologne adressée, le 30 novembre 1766, au prince de Kaunitz, premier ministre de Marie-Thérèse, et qui exprime les plaintes élevées par des colons rhénans établis dur des terres relevant des seigneurs, autorise à le penser.
(27) Séance de la chambre aulique du 6 juin 1769. (Archives de la chambre aulique.)
(28) Dans le territoire de la commune de Champenoux et dans la plus grande partie du territoire de Bezange-Grande (Meurthe-et-Moselle), on trouve une terre noire, très-analogue à la terre noire de Hongrie et comme celle-ci très-fertile.
(29) Dans l'évaluation des cessions en mesures françaises nous avons admis 1 joch de superficie comme égal à un demi-hectare. La valeur exacte du joch est de 57 ares 55 centiares. En Autriche, le joch = 1600 klafter carrés (mesure de Vienne), le klafter carré = 3mq,60. En Hongrie, le joch = 1200 klafter carrés.
(30) Les droits seigneuriaux (droits d'étal, d'auberge, dont les communes commencèrent à se libérer par voie de rachat dès 1840, furent définitivement abolis en Hongrie par la diète de Presbourg de 1848.
(31) A Ostern, 50 cessions furent accordées en 1773, 51 cessions en 1785, 1 cession entière et 49 demi-cessions en 1792.
(32) On appelle bunda le long manteau en peau de mouton que portent dans les campagnes les Hongrois et les Roumains. Les colons lorrains l'ont également adopté.
(33) Heufeld et Mastort furent construits, en 1770 et 1771, chacun pour 78 familles. Heufeld fut érigé en paroisse en 1789 ; l'église actuelle fut construite de 1812 à 1816.
(34) Extrait du protocole des naissances, mariages et décès de la paroisse de Saint-Hubert.
(35) Les seigneurs terriens exerçaient et ont conservé jusqu'à une époque récente sur les églises le droit de patronat, en vertu duquel il leur appartenait de nommer aux cures des villages situés sur leurs domaines.
(36) Les deux premiers baptêmes y furent célèbres les 22 et 23 février 1773; tous les parents et parrains des enfants portaient des noms français.
(37) A Saint-Hubert, nous avons vu encore deux des maisons assez spacieuses, mais basses et couvertes en chaume, qui furent primitivement construites sous Marie-Thérèse pour recevoir les colons.
(38) Toutes les colonies sont situées sur le loess diluvien dont la puissance varie de 7 à 20 mètres le loess, encadré au nord, a l'ouest et au sud par des alluvions modernes apportées par les fleuves (la Maros au nord, la Theisa à l'ouest, la Bega et la Ternes au sud), s'étend à l'est jusqu'à des collines de terrains tertiaires appartenant au myocène supérieur. (V. Wolf, Geol.- Geogr. Skisse der Ebene Niederungarns, in Jahrb. der geol.Reichsanst B. XVII, 1867, p. 517.)
(39) Des colons lorrains et alsaciens furent encore installés en nombre considérable à Hatzfeld (à 8 kilomètres de Saint-Hubert), village établi en 1767 pour 40 familles lorraines des colons luxembourgeois et rhénans y furent introduits plus tard ; une rue y conserve encore le nom deLothringer Gasse (rue des Lorrains); - à Caatad, village construit en 1767 pour 202 familles ; - à Grabatz, établi en 1768 ; - à Mastort et Heufeld, établis en 1770, chacun pour 78 familles; en 1785, à Lovrin où les Lorrains et les Alsaciens furent réunis dans une rue qui s'appelle encore Neue Gasse (rue Neuve) en 1794, à Cathrinenfeld, un canton rural y porte encore le nom de Richardsflur (Ausatz über die im Temesvarer Banat ab anno 1762 bis ultimo novemb. 1772, ganz neu gebauten u. theils zugebauten Colonisten-Dorfschafften; pièce des Archiv. de chamb. auliq.) Voir tableau n° VI. - De toutes ces colonies nous n'avons visité que celles de Mastort et Heufeld.
(40) Chef-lieu de canton du département de Meurthe-et-Moselle, arrondissement de Nancy.
(41) Dans le département de Meurthe-et-Moselle, arrondissement de Toul, canton de Domèvre.
(42) Cinq villages de l'ancien département de la Meurthe, arrondissement de Château-Salins, cantons de Vie et d'Albestroff.
(43) Deux villages de l'ancien département de la Meurthe, arrondissement de Sarrebourg, canton de Fénétrange.
(44) Il existait à cette époque dans l'armée autrichienne un régiment d'infanterie qui portait le nom d'un prince lorrain, celui de de Salm. La principauté de Salm, médiatisée en 1802, était enclavée entre la Lorraine et l'Alsace, sur le versant oriental des Vosges, au pied du Donon elle avait pour capitale Senones, où résida Dom Calmet.
(45) D'après la loi hongroise, les hommes sont majeurs à 24 ans, les femmes à 18.
(46) Je dois ces renseignements à l'obligeance de M. le Dr Vétyé, médecin à Trübewetter, dont la famille (Vautier) est originaire de Pignan, arrondissement de Brignoles (Var).
(47) Communication verbale de M. le maire de Moncel.
(48) Communication verbale de M. le curé d'Arracourt.
(49) Pièce des archives de la Chambre aulique, à Vienne.
(50) Soixante-trois familles non alsaciennes complétant cette liste étaient originaires de pays allemands den bords du Rhin.
(51) Copia designationis der Colonisten die vom 1ten Januar bis Ende August 1765 theils mit Königlichen Pässen, theils selbst hier zur Impopulation angekommen sind. (Pièce des archives de la Chambre aulique.)

 

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