Le Précurseur, Journal
constitutionnel de Lyon
24 janvier 1831
VOYAGE DU ROI.
Phalsbourg, 18 juin.
La garde nationale de Lunéville et des communes environnants, au nombre
de 9,000 hommes, s'était d'abord portée au champ de manoeuvres, où le roi
devait la passer en revue, mais la pluie l'obligea à se retirer sous les
arbres de l'avenue du château. S. M. est montée à cheval à une heure, et
a parcouru toutes les lignes ; le défilé s'est fait en bon ordre dans la
cour du château, aux cris mille fois répétés de vive le roi !
S. M. est partie immédiatement après la revue, traversant la ville à
cheval et recueillant sur son passage les témoignages les plus vifs de
l'affection d'une population empressée.
Le roi a mis pied à terre à Blamont et à Sarrebourg, où se trouvait
réunie une belle et nombreuse garde nationale que S. M. a passée en
revue ; elle y a reçu les autorités.
Le roi est arrivé à 8 heures à Phalsbourg. S. M. a fait, comme dans
toutes les autres villes son entrée à cheval : ou avait beaucoup de
peine à retenir la foule qui se pressait sur ses pas, en la saluant de
ses acclamations.
La garde nationale et le 18e régiment de ligne étaient en bataille sur
la place d'armes. S. M. les a passés en revue et les a fait défiler
vis-à-vis la maison qui avait été disposée pour la recevoir.
Le roi a reçu aussitôt les autorités, les officiers de la garde
nationale et de la troupe de ligne.
S. M. s'est mise à table a 9 heures, elle y a admis les principaux
fonctionnaires et les officiers supérieurs.
Après le dîner, elle a honoré de sa présence le bal donné par la ville.
(Moniteur.) |
Rappelons aussi ce passage de Dedenon dans
son Histoire du Blâmontois dans les temps modernes
:
Louis-Philippe affectait des manières bourgeoises qui contribuèrent beaucoup
à sa popularité et lui valurent un chaleureux accueil dans toutes les visites
qu'il fit en inaugurant son règne. Nos régions eurent le bonheur de le recevoir,
en juin 1831. A Lunéville, ce fut le 16. La principale cérémonie fut une revue
de toutes les troupes qui composaient son remarquable camp de cavalerie ; le
défilé des cuirassiers fut particulièrement impressionnant. Aux côtés du Roi
figuraient les jeunes ducs d'Orléans et de Nemours, ses deux fils, le maréchal
Soult, ministre de la guerre, le maréchal Gérard, le comte d'Argout, ministre du
commerce, les généraux Baudrand et Athalin, ses aides de camp.
En se rendant à Phalsbourg, le lendemain, la Cour traversa Blâmont et s'y
arrêta. La réception que lui fit la petite ville est restée légendaire dans le
pays, et les circonstances de cette journée mémorable ont fait l'objet de maints
récits pittoresques, bien capables d'émerveiller nos jeunes oreilles. Une foule
immense se massait sur la place; les villages atteignaient alors le chiffre
maximum de leur population ; toutes les rues étaient encombrées de calèches, de
chars-à-bancs, des véhicules les plus divers. La Garde nationale au grand
complet et revêtue de son imposant uniforme présentait les armes. Quand le Roi
fut descendu de son carrosse, le maire, Adrien Lafrogne, se présenta pour lire
son compliment.
Les politesses du Roi à l'égard de deux notables de Montreux, Aubert et
Fromental, à qui Sa Majesté serra la main, furent très remarquées. Ce dernier,
en guise de salutation; avait récité cette stance, qui n'a rien du lyrisme de
Lamartine :
Fêtons le passage
Du Roi juste et sage.
C'est l'ami des hommes.
Oui, tous, tant que nous sommes,
Fêtons le passage
Du Roi juste et sage.
Un autre assistant, s'adressant à Mlle de Montauban, avait imaginé un quatrain
non moins lyrique:
Vive Louis-Philippe et son auguste race !
Adoptons pour toujours le chemin qu'il nous trace;
Avec les sciences, la paix, les bons beaux-arts,
Nous aurons du commerce aussi les bonnes parts.
Le Roi entendit avec bonhomie et sans sourciller ces poésies naïves, pendant que
son entourage se déridait franchement. Chaque jour, du reste, lui donnait
l'occasion de savourer ces improvisations populaires. La fête fut trop courte en
sa sincère cordialité. Le brillant cortège reprit aussitôt sa marche, au milieu
des vivats enthousiastes.
L'auteur du quatrain est d'ailleurs encore
Marc Antoine Fromental
(1773-1852) ; en effet,
en 1836, il publie (chez Hinzelin à Nancy) un petit Essai sur la
pacification, la colonisation, la civilisation, la sécurité, la prospérité, la
force et la gloire de l'Algérie, [...] par M. A. Fromental, Ancien capitaine,
ex-receveur des finances, à Montreux, près BLAMONT, qu'il complète de
poésies diverses, dont ce quatrain :
Il y replace aussi son compliment à Louis-Philippe :
La même année, l'aspect burlesque de ces poésies, n'échappe pas à Etienne Grosse, dans son
Dictionnaire statistique du Département de la Meurthe,
à l'article article sur Montreux :
Dans le village, on voit un château qui n'a rien de remarquable et qui
présente des traces de dégradation. Il est habité par la famille Fromental, dont
le chef, ancien militaire et ancien administrateur, est connu par quelques
opuscules drolatiques. |