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Corps-francs de la Meurthe - 1815

Voir aussi


Biographie des hommes du jour, Volume 4
Auteur Germain Sarrut et B. Saint-Edme
Paris, 1838

[NDLR : notes renumérotées]

BRICE (JOSEPH-NICOLAS-NOEL, le colonel).

En première ligne parmi les braves qui, après avoir versé leur sang sur les champs de bataille où s'immortalisèrent nos armées impériales, se dévouèrent noblement au pays, corps et biens pendant les jours de nos désastres, et ne trouvèrent pour prix de leur brillant courage et de leur patriotique abnégation que les condamnations aux galères et à la mort, nous devons placer le colonel Brice. Les états de service de nos plus braves généraux ne sont pas plus riches en traits de courage et en faits d'armes que les siens, et cependant, quoique vieille de services, mais encore jeune d'âge, l'épée du colonel Brice est rentrée dans son fourreau.
Abstenons-nous de réflexions. Disons les faits : les titres du colonel Brice à l'affectueuse reconnaissance de la patrie se dérouleront d'eux-mêmes.
Né, le 24 décembre 1783, à Lorquin (Meurthe), Joseph-Nicolas-Noël BRICE, fils d'un instituteur, fut élevé par son père. Il n'attendit pas l'appel de la conscription, et, le 9 mars 1805, s'engagea comme volontaire dans le quatorzième régiment de chasseurs à cheval. Distingué bientôt de ses chefs pour sa bonne tenue et son aptitude militaire, il fut successivement promu aux grades de brigadier (6 juillet 1805), de fourrier (15 septembre 1803), de maréchal-des-logis (23 novembre 1803), de maréchal-des-logis-chef (29 juillet 1804). Il fit d'abord la campagne des côtes, et, plus tard, celle d'Italie, à la suite de laquelle il fut appelé dans les chasseurs à cheval de la garde impériale.
Passé dans ce corps d'élite, Brice se retrouva simple chasseur ; mais en peu de temps il eut reconquis ses galons, gagné ses épaulettes, et, dès 1809, il était lieutenant en second, décoré de l'étoile de la Légion d'Honneur (14 avril 1807) ; il avait fait les campagnes de Prusse, de 1806 et 1807, la campagne d'invasion en Espagne, en 1808, et se retrouvait à Wagram, où il fut blessé de deux coups de sabre. (1)
Nous aurons occasion de signaler plus tard comment, à cette époque, il appela sur lui l'attention de l'empereur; ce n'est point notre plume qui tracera l'éloge de Brice, nous laisserons ce soin au général Michel Orloff, juste appréciateur des services de son intrépide adversaire.
Le lieutenant Brice fit les campagnes d'Autriche, de Russie, en qualité de lieutenant en premier et déporte-étendard. En 1814, il fut nommé adjudant-major, et, quelques mois plus tard, capitaine, chef d'escadron.
Vers la fin de la campagne de 1814, il fut chargé par l'empereur d'une mission en Lorraine et dans les Vosges, et d'y provoquer une levée en masse, pour agir sur les derrières de l'ennemi. Il justifia, autant que les événemens le permirent, la confiance de l'empereur (2); mais il dut céder au torrent, et mettre bas les armes à la suite de la capitulation de Paris. (3)
Maintenu dans son grade après la rentrée des Bourbons, M. Brice tenait garnison à Cambray, sous les ordres du lieutenant-général Lefebvre-Desnouettes. A la première nouvelle du retour de Bonaparte, ce général, secondé par quelques officiers dévoués, se porta, à la tête des chasseurs, sur La Fère, et de là sur Compiègne. Dans cette marche rapide, M. Brice ne resta point inactif; Lefebvre-Desnouettes, ex-général des chasseurs de la garde, avait appris à le connaître ; il lui donna diverses missions de confiance, que ce chef d'escadron remplit avec autant d'intelligence que de succès ; mais les chasseurs de Berri, en garnison à Compiègne, ne s'étant point réunis spontanément à leurs frères d'armes, et les nouvelles que les généraux Lefebvre et Lallemant reçurent du comte d'Erlon n'étant point satisfaisantes, ces deux généraux durent songer à leur sûreté, et Lefebvre-Desnouettes, protégé dans sa retraite par le chef d'escadron Brice, il se réfugia d'abord à Epernay, d'où Brice rejoignit son régiment qui s'était reporté à Cambray; il ne tarda point à apprendre qu'une dépêche télégraphique avait ordonné son arrestation ; il se rendit aussitôt à la caserne, et se plaça sous la protection de son régiment. L'ordre ne fut point exécuté, on dut craindre de donner motif à un mouvement général. Le duc d'Orléans, accompagné du maréchal de Trévise, passa, le 17 mars, la revue de ce corps qui avait brisé les insignes de la royauté bourbonnienne, et, malgré tous leurs efforts, ils ne purent parvenir à obtenir aucune sympathie : un seul officier fit écho au cri de: Vive le roi ! (4)
Quelques jours plus tard, le régiment était de nouveau en marche sur Paris, au cri de : Vive l'empereur !
Lorsqu'on 1814 le commandant Brice avait reçu mission de soulever la Lorraine et les Vosges, il avait dû traverser, déguisé, l'armée ennemie, et avait réussi dans cette hardie expédition (5); Napoléon ne l'avait point oublié ; aussi, peu de jours après son arrivée à Paris, chargea-t-il le chef d'escadron Brice d'une mission pareille à celle qu'il lui avait donnée en 1814, et lui confiat-il pendant la guerre le commandement du deuxième corps des chasseurs volontaires de la Meurthe.
Le mal que ce corps fit à l'ennemi fut incalculable; les chasseurs de Brice étaient devenus la terreur des troupes coalisées, qu'ils battirent par nombreux détachemens en diverses circonstances. Le prince de Wrede crut pouvoir opposer une digue à leur courage, en les mettant hors la loi, et, après avoir fait, le 24 juin, une proclamation énergique, il se résolut à publier, le 30 du même mois, l'ordre du jour suivant :

ORDRE
Le nommé Brice, domicilié à Lorquin, arrondissement de Sarrebourg, département de la Meurthe, s'étant, encore hier, trouvé à la tête d'une bande de brigands, est conformément à l'article 1er de ma proclamation du 21 juin, déclaré hors de la loi. Il sera arrêté partout où il sera trouvé, traduit devant une commission militaire, et jugé dans les vingt-quatre heures. Ses biens seront confisqués pour la caisse des hôpitaux militaires des armées alliées, sa maison sera rasée dans les vingt-quatre heures par les habitans de Lorquin, que je rends responsables de l'exécution.
MM. les préfets et les sous-préfets du département de la Meurthe donneront, sous leur responsabilité personnelle, suite au présent arrêté, qui sera imprimé et affiché dans toutes les communes des départemens de la Meurthe, des Vosges et de la Moselle.
Fait au quartier-général, à Nancy, le 30 juin 1815.
Le feld maréchal.
Prince DE WREDE.
Pour copie conforme :
Le général, chef de l'état-major général,
Comte DE RECHBERG.


Les menaces du chef bavarois ne produisirent sur le brave chef des chasseurs et sur ses soldats d'autre effet que de redoubler leur énergique persévérance (6). Les dispositions du colonel Brice devinrent stratégiques, savantes, et si Napoléon, investi des pleins pouvoirs de la nation, eût repris la campagne, les chasseurs de la Meurthe lui auraient été du plus utile secours, pour jeter le désordre dans les rangs du septième corps de l'armée russe qui occupait la Lorraine, briser ses colonnes, et les rejeter sur les troupes encore nombreuses que Napoléon pouvait reporter sur l'ennemi (7); mais il n'en fut point ainsi : l'empereur avait abdiqué, pour la seconde fois, ce sceptre qu'il tenait de la volonté nationale. Le colonel Brice n'en persista pas moins à demeurer en ligne, et ce ne fut que le 19 juillet qu'il signa avec le général Orloff la capitulation suivante :
Entre le colonel Orloff, commandant un détachement du septième corps d'année de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, dans les Vosges, au nom des hautes puissances alliées d'une part;
Et le chef d'escadron Brice, commandant le deuxième corps des chasseurs volontaires de la Meurthe, au nom du gouvernement français d'autre part.
Art. 1er. Dès ce moment toutes les hostilités cessent entre les troupes alliées et celles commandées par le chef d'escadron Brice.
Art. 2. Le chef d'escadron Brice s'engage à déposer les armes à Fremonville, et à dissoudre son corps dans les vingt quatre heures de la ratification de la présente convention par le commandant du septième corps d'armée le lieutenant-général Sabanieff Quant aux partis détachés de son corps, M. Brice enverra les ordres en conséquence, et nommera les chefs qui les commandent et les lieux où ils se trouvent.
Art. 3. Le chef d'escadron Brice, et messieurs les officiers sous ses ordres, dont les noms suivent, savoir : etc., etc.
S'engageront, chacun sous leur parole d'honneur, en rentrant dans leurs foyers, autres que les places fortes qui n'ont point encore arboré le pavillon blanc, à ne rien entreprendre contre les hautes puissances alliées, a moins qu'ils n'y soient autorisés par leur gouvernement légitime, reconnu des puissances alliées. Ils conserveront leurs armes et bagages.
Art. 4. Le chef d'escadron Brice et les officiers sous ses ordres désigneront les endroits de leurs domiciles où ils désirent rentrer après la dissolution du corps; et si quelques-uns de ces officiers préféraient se retirer ailleurs que dans leurs domiciles, il leur sera délivré des passeports à Nancy.
Art. 5. Le délai de vingt-quatre heures expiré, ceux qui seraient trouvés en armes, attaquant quelques individus appartenant aux puissances alliées, seront regardés comme brigands et traités comme tels.
Art. 6. Il ne sera fait aucune recherche contre ceux qui ont servi dans le deuxième corps des chasseurs volontaires de la Meurthe, non plus que contre leurs parens, soit dans leurs personnes, soit dans leurs propriétés.
Fait double à Fremonville, le 19 juillet 1815.
Signé : ORLOFF (Alexis),
Commandant dans les Vosges un détachement du septième corps d'armée de Sa Majesté l'empereur de toutes les Russies,
et BRICE, chef d'escadron.
Vu et approuvé par moi, commandant le septième corps d'armée,
Signe : le général SABANIEFF.
Par Son Excellence le lieutenant-général, commandant le septième corps d'armée russe, le général major, chef d'état major,
Signé : ORLOFF (Michel).


La force des corps francs avait été justement appréciée par le gouvernement ; car nous lisons dans le Moniteur du 9 août 1815. un article ainsi conçu :
«  Les corps francs qui occupaient les Vosges, et qui s'étaient renforcés par beaucoup de paysans insurgés, étaient plus considérables qu'on ne l'avait cru; leur force réunie pouvait aller à 25,000, qui n'étaient pas ensemble, à la vérité, mais qui pouvaient se réunir au premier signal. C'est en employant à la fois la modération et la fermeté que les généraux russes et le ministre d'Alopeus ont obtenu le résultat important de dissoudre cette force. »
La dissolution de cette force ne fut point due, comme le dit l'auteur de l'article, à la modération et à la fermeté des généraux. russes, mais bien à la force des circonstances, puisque l'armée avait fait sa soumission ; ce qui rendait la résistance des corps de partisans sans objet en prolongeant la défense du territoire.
Protégé par l'honorable capitulation qu'il avait signée, le colonel Brice devait se croire à l'abri de toute poursuite ultérieure; il devait se considérer comme placé dans la catégorie commune (8), et sous la protection des lois. Il n'en fut point ainsi. (9)
Après une double condamnation, dont l'une à mort, le colonel Brice parvint à s'évader et à se rendre à Bruxelles, où il vécut pendant quelques mois tranquille et honoré ; mais la police inquisitoriale des coalisés le contraignit à quitter cette retraite. Il dut se rendre en Allemagne, où les regrets de ses frères d'armes l'accompagnèrent. (10)
Le général Michel Orloff ne crut point devoir rester indifférent au sort de son ennemi malheureux, mais non vaincu, et il plaida chaleureusement sa cause auprès de la princesse royale des Pays-Bas, dans une lettre que nous nous estimons heureux de reproduire :

MADAME,
Si je pouvais croire que ma qualité de Russe ne fût pas aux yeux de Votre Altesse Impériale une recommandation suffisante. j'oserais rappeler ici, pour excuser ma démarche, les bontés personnelles dont vous avez jadis honoré les témoignages de mon respect et dont je ne perdrai jamais le consolant souvenir. L'accueil favorable que Votre Altesse Impériale a toujours daigné m'accorder vous serait un sûr garant de mon dévouement, si ce dévouement n'était encore plus inné dans mon coeur, qu'acquis par les preuves multipliées de votre auguste bienveillance.
Ce n'est pas pour moi que j'ose aujourd'hui implorer les faveurs de Votre Altesse Impériale, mais pour un Français, auquel je suis lié par l'amitié et par des rapports politiques officiels. L'exposition simple et véridique des faits montrera jusqu'à quel point je suis moi-même intéressé à cette affaire.
Le ci-devant chef d'escadron Brice, chargé de la présente supplique, est le client pour lequel j'ose implorer la protection de Votre Altesse Impériale. Né presque ensemble avec la révolution, il n'a jamais connu d'autre patrie que la France, république ou empire. Attaché à son pays avec cette ardeur qui caractérise les âmes généreuses, il se dévoua au métier des armes et servit la France de tout son pouvoir.
En 1809, au moment où les armées françaises tout entières employées en Espagne, ne paraissaient pas pouvoir venir à temps au secours de la frontière orientale, menacée par l'Autriche, les provinces de l'Alsace et de Lorraine formèrent avec l'autorisation du gouvernement, le projet d'une résistance nationale: le lieutenant-colonel Brice, natif du département de la Meurthe, accéda à l'armement général et se dévoua à la défense de la frontière; mais l'activité de Bonaparte rendit inutiles les efforts de la nation, et les projets d'organisation d'une défense nationale restèrent dans le portefeuille de M. Brice.
En 1814, l'Europe armée pour son indépendance envahit la France. Brice, possesseur du travail fait en 1809, offrit son influence dans son pays. Cette offre, alors légitime, fut accueillie, et Brice fui expédié. Mais avant que ses opérations eussent pu prendre un caractère décisif, l'abdication de Bonaparte vint déjouer ses efforts, et le rejeta dans la carrière simple de l'étal militaire.
En 1815. il était chef d'escadron aux chasseurs de la ci-devant garde impériale. A la rentrée de Bonaparte, Brice suivit l'impulsion de son régiment et celle de la France entière ; aucun acte particulier ne peut lui être reproché, et il ne se soumit que lorsque sa patrie lui eut donné l'exemple de la soumission : ce fut là le commencement de ses malheurs. Bonaparte se préparait, avec une armée insuffisante en nombre, à résister à l'Europe. Il avait acquis à ses propres dépens l'expérience qu'une guerre nationale était la plus puissante de toutes les barrières. Il chercha a l'organiser. Chaque département eut ordre de constituer un corps volant à la tête duquel il mit un chef de sa dévotion ; son choix se porta naturellement, pour les partisans de la Meurthe sur l'officier qu'il avait jadis chargé avec succès de la même organisation. La France entière obéissait, Brice obéit à son tour et partit pour sa destination.
A cette époque, moi-même, nommé chef d'état-major du 7e corps d'armée aux ordres du général-lieutenant Sabanieff, je me trouvais à Nancy, opposé à M. Brice. Je dois attester, à son honneur, que, soit dans les rapports politiques et militaires, soit dans sa conduite envers les prisonniers, il déploya toujours tant de franchise et d'humanité qu'il mérita l'estime des ennemis et ne cessa jamais d'avoir des droits à celle des habitans du département. A l'appui de cette assertion, je citerai des noms qui ne seront pas inconnus à Votre Altesse Impériale : ceux de M. le gouverneur-général Alopeus, de M. le général de division Heudelet, commandant pour le roi, de M. le comte d'Olonne, général russe; le mien enfin, qui n'a jamais été signé à la suite d'une assertion équivoque. Je suis extrêmement persuadé qu'il n'est pas un seul de ces personnages qui n'atteste avec moi que M. le chef d'escadron Brice est incapable des actions infâmes pour lesquelles il a été condamné.
Cependant, mon frère, le colonel Orloff. maintenant aide-de-camp de Sa Majesté l'empereur, mon auguste maître, fut spécialement chargé de chercher et de combattre M. Brice. Après plusieurs engagemens assez vifs, mon frère parvint à conclure une convention également honorable pour les deux contractans, par laquelle Brice, d'un côté. déposa les armes et licencia sa troupe ; et le colonel Orloff, de l'autre, garantit la cessation de toutes poursuites pour les actes et faits politiques qui avaient précédé la conclusion de la convention.
Cette pièce passa depuis à la ratification du général Sabanieff et obtint l'approbation du maréchal Barclay de Tolly, ainsi que celle de Sa Majesté l'empereur; revêtue de toutes les sanctions, la convention conclue dut dès lors acquérir la force d'un traité véritable.
Depuis, M. Brice rentra à son régiment. Au licenciement de l'armée, on lui témoigna la plus haute confiance en le chargeant île la comptabilité du régiment. Après avoir terminé ses affaires, il paraissait tranquille à Paris, dont il avait fait son séjour; à cette époque je fus atteint d'une maladie très grave, et je perdis de vue cette affaire ; je m'étais contenté de l'exposer sous son véritable jour a M. le général Pozzo di Borgo, qui me répondit qu'il ferait de ma pièce l'usage le plus avantageux. En effet, il entretint les ministres, qui, tous d'accord, protestèrent que la convention serait respectée, et cette réponse me fut rendue de vive voix par Son Excellence : j'avais rempli mon devoir, reçu des assurances positives. j'avais droit à être tranquille sur le sort de M. Brice, lorsque j'appris presqu'à la fois l'accusation, le jugement, la condamnation et l'évasion forcée de mon client. J'allai aux enquêtes; je parvins à savoir qu'il avait été accusé de délits particuliers, devant la cour d'assises de Nancy, jugé incontinent et condamné par contumace à la peine capitale ; et. comme si cette condamnation n'était point encore suffisante, un autre jugement, sur une nouvelle accusation, le condamna de nouveau à quinze années de travaux forcés. Je cherchai à me procurer les pièces officielles du procès. Elles sont toutes dans ce moment-ci entre les mains de M. Brice, qui peut les remettre a Votre Altesse Impériale. si vous daignez vous intéresser a cette affaire. J'y trouvai avec indignation des accusations infâmes de vol et d'assassinat dirigées contre un homme incapable de tout ce qui est contraire à l'honneur, et qui ne possède d'autre bien qu'une conduite irréprochable dans la vie privée, dévouée à la patrie dans la carrière militaire. Brice est accusé.
1° D'avoir fait arrêter un cultivateur nommé Jean-Baptisle, Gérard, de lui avoir fait essuyer des tortures affreuses et d'avoir ordonné son meurtre.
Cet homme était taxé d'espionnage ; il fut conduit chez Brice, qui véritablement ordonna de lui infliger une punition corporelle légère, et de le reconduire chez lui. Qu'arriva-t-il ? Ceux qui étaient chargés de le ramener le maltraitent et le tuent, lis sont accusés et pour se disculper rejettent tout l'odieux sur l'ordre de leur chef. Depuis quand de semblables dépositions sont-elles reçues dans les tribunaux européens ? Si un accusé dans tous les pays du monde a droit de récuser le témoignage de ceux qu'il prouve être ses ennemis, ne doit-il pas à plus forte raison être autorisé par la loi à se mettre au dessus d'une imputation de gens qui étaient évidemment, pour leur propre salut, intéressés a le perdre !
Mais ces justes considérations ont peu de poids dans les temps de troubles et de révolution, et Brice fut jugé et condamné par contumace, sur la déposition de témoins récusables.
2° D'avoir fait essuyer des traitement vexatoires à Ernest Timothée Kampemann, de lui avoir volé ses habits et son argent.
Le fait se réduit à ceci. Kampmann, fuyard de Waterloo, arrive à ses avant-postes : il est saisi et amené; les soldats l'accablent d'injures; Brice le défend, mais lui fait infliger une punition. Il lui fait ôter son habit militaire et le donne à sa troupe, le déclare fuyard, indigne de porter l'uniforme et le renvoie déshonoré chez lui : voilà le vol, voilà les vexations. Kampmann accuse, Brice est jugé et déshonoré par la condamnation, autant qu'un honnête homme peut l'être, c'est-à-dire aux yeux de ceux qui ne le connaissent pas.
Outre ces raisons, que j'ai pris la liberté d'exposer aux yeux de Votre Altesse Impériale, Brice oppose encore à la condamnation deux raisons ou moyens préjudiciels, dont l'une se rapporte à son état, et l'autre doit intéresser tous les Russes en général.
1° Brice est militaire et ne saurait par conséquent être jugé par une cour d'assises.
Mais, jugé par ses camarades d'armes, Brice pourrait être absous; pour le perdre il fallait le livrer aux tribunaux, tous composés de gens entièrement opposés au système politique de M. Brice.
2° Brice s'est fié à la convention conclue et ratifiée par des officiers et généraux russes.
Ici, j'ose le dire, l'intérêt de Votre Altesse Impériale est commandé. C'est en vain qu'on opposerait que la convention le garantit de toutes poursuites contre ses actions politiques, mais ne saurait interrompre le cours de la justice dans les délits particuliers. Ici, les délits qu'on lui impute sont des exécutions militaires et, par conséquent, politiques. Certes, s'il avait à choisir entre une condamnation pour ses opinions ou actions politiques. condamnation qui peut perdre, mais ne diffama jamais. et une autre pour vol et assassinat, il aurait avec bonheur choisi la première et aurait préféré d'être fusillé comme Ney, que supplicié. comme Cartouche. Ainsi la convention, au lieu de le protéger, n'a pu qu'aggraver l'horreur de sa destinée, et, au lieu d'être utile à son existence, a servi de prétexte pour fouler et flétrir son honneur.
Je connais trop bien le coeur généreux de Votre Altesse Impériale pour croire que cette affaire puisse jamais rester indifférente à vos yeux. Pour moi, je l'avoue, déterminé à soutenir toutes les démarches que M. Brice compte faire près de Sa Majesté l'empereur, pour faire casser son jugement, j'ai placé dans Votre Altesse Impériale tout mon espoir, et j'ai cherché à relever le courage de Brice, en lui offrant moi-même de solliciter votre puissante protection. C'est en vain que sans un intérêt majeur, que daignerait manifester Sa Majesté, on voudrait adresser des réclamations devant des juges qui prennent la réaction de leur parti pour la première des lois : pour les faire valoir, il faut comparaître, et comparaître c'est se livrer entre les mains de ses ennemis. Pour moi, je ne prendrai jamais la responsabilité de donner ce conseil à M. Brice; trop de haines politiques se sont attachées à sa perte. Heureux le peuple qui n'a jamais connu de révolution ! Heureux sont les sujets d'un souverain qui peuvent réunir l'amour du prince à celui de la patrie !
En un mot, réfugié à Bruxelles, sans patrie, sans ressources, frappé d'une condamnation dont la honte rejaillit sur toute sa famille, le colonel Brice n'a pour amis que des compagnons d'infortune, proscrits comme lui, ou menacés de proscription, et moi dont le devoir est de le protéger. Impuissant auprès d'un gouvernement qui marche dans un système de sévérité qu'il croit nécessaire à son existence, j'ai renoncé à la poursuite d'une affaire où ma faible autorité ne pouvait que compromettre la sûreté personnelle de Brice, en le mettant dans l'obligation de comparaître, et j'ai pris le parti de le servir provisoirement dans le pays qui lui accorde l'hospitalité. Heureusement le ciel, en plaçant si près du trône des Pays-Bas une princesse si digne de l'occuper, m'a donné lui-même le moyen de lui être utile.
Madame, j'ose espérer que Votre Altesse Impériale daignera me rendre assez de justice pour me croire incapable de pouvoir signaler à sa bonté un homme que j'en aurais jugé indigne. Si l'accusation était moins odieuse, je n'oserais pas peut-être prendre la liberté d'implorer votre appui; mais ici, l'énormité et l'infamie du crime supposé parlent pour l'innocence de mon client; et je n'hésite pas à prononcer que M. Brice est aussi incapable que moi-même des imputations odieuses qui pèsent sur sa tête.
Quant à moi, en osant implorer cette faveur de Votre Altesse Impériale, je regarderai toujours comme un bienfait personnel tout ce que votre générosité daignera accorder à M. Brice ; je n'oublierai jamais que ma voix, en parvenant à vous, a pu émouvoir votre bonté, et que mon humble prière, déposée à vos augustes pieds, n'a pas été rejetée. Madame, daignez agréer ma demande, et les expressions de la soumission avec laquelle je suis de Votre Altesse Impériale le serviteur soumis et dévoué.
Michel ORLOFF, général au service de de Russie
Bruxelles, ce 29 septembre 1816.


Cette lettre, aussi honorable pour le comte Orloff que pour M. Brice, ne produisit aucun résultat.
De son côté, M. Brice ne restait point inactif; il en appelait à l'opinion publique; le 9 mai 16, il adressa au Mercure surveillant la lettre suivante, que l'histoire doit conserver; car elle nous retrace douloureusement les souvenirs d'une époque qui flétrit à jamais la cause des monarchies.

A Messieurs les rédacteurs du Mercure Surveillant.
MESSIEURS,
Dans les tablettes historiques du numéro 15 du Nain Jaune, il est question du corps des chasseurs volontaires de la Meurthe que je commandais pendant la dernière guerre, et qui se trouvait, à cette époque, faire partie des troupes françaises opposées au septième corps de l'armée russe, commandée par M. le lieutenant-général Sabanieff. Cet article ayant été rédigé d'après des considérations générales, et les faits particuliers n'y étant cités que comme preuves à l'appui, il n'est pas étonnant que ceux qui me concernent n'aient été relatés qu'en partie, et qu'on ait omis totalement ceux qui sont relatifs à mes compagnons d'armes. Je crois devoir, messieurs, vous prier de m'aider à réparer cette omission qui prouvera d'autant plus la perfidie des agens du gouvernement actuel en France, à l'égard des hommes qui ont pris part à la défende de la patrie.
Parce que les journaux de Paris, qui ne s'écrivent que sous la dictée de la police, se gardent bien de révéler les iniquités de ses vils agens, on s'imagine dans l'étranger et même en France, que la hache des bourreaux n'a frappé que des tètes illustres, tandis que quantités de têtes obscures roulent sur la poussière. Je puis citer, relativement à ma troupe seule, trois condamnations à mort, dont une a déjà reçu son exécution. Quand on ne condamne pas à mort, on y supplée par la marque et les galères, Pardonnez cette digression, je reviens aux faits.
Dans le cours de la campagne dernière, j'envoyai à M. de Chatillon, ex-maire de la commune du Val (Meurthe), deux officiers de hussards, MM. le capitaine l'Été, du 8e régiment, et le sous-lieutenant Parmentier du 3e. Ces messieurs avaient mission, de ma part, d'inviter M. de Chatillon, ancien noble et riche propriétaire, à faire préparer les vivres nécessaires au rafraîchissement de ma troupe. M. de Chatillon les prit pour deux officiers autrichiens, leur témoigna toute la joie qu'il éprouvait de leur entrée sur le territoire français, et leur fit des offres de service, non seulement en vivres et rafraichissemens, mais encore en armes et munitions. Il avait en sa possession, outre une vingtaine de fusils, deux pièces de canon.
Un de mes deux officiers étant venu me communiquer la méprise de M. de Chatillon, j'ordonnai sur-le-champ au lieutenant Deveney, du 55* régiment de ligne, de se rendre avec plusieurs hommes près de lui, et de le sommer, de ma part, de faire la remise de toutes les armes qu'il avait cru offrir à des officiers autrichiens.
Cet ordre fut exécuté.
Croirait-on que maintenant cette action a été considérée comme vol avec violence, que le lieutenant Deveney, officier des plus recommandables, et les militaires qui lui ont obéi ont été recherchés, traduits devant le tribunal criminel de Nancy et condamnés, savoir : le lieutenant Deveney à la marque et aux galères, et ses compagnons d'armes, à la marque également et à vingt ans de travaux forcés.
Cependant le lieutenant Deveney était nommément cité dans la convention que j'ai conclue avec le colonel russe Orloff, convention ratifiée par M. le général en chef Sabanieff, relatée dans le Moniteur du 2 août 1815, et portant art. 6 : «  II ne sera fait aucune recherche contre ceux qui ont servi dans le deuxième corps des chasseurs volontaires de la Meurthe, non plus que contre leurs parens, soit dans leurs personnes, soit dans leurs propriétés. »
II est à remarquer que dans la défense du lieutenant Deveney, M. l'avocat Bresson, son défenseur, fit valoir, en sa faveur, qu'il n'avait agi que d'après mes ordres, moi-même étant commissionné par le ministre de la guerre, et M. Demetz, procureur du roi répondit : Belle commission d'un ministre qui ne l'était pas ! Sur quoi M. Bresson répliqua qu'il était étonnant que M. le procureur du roi, connaissant toute l'importance de ses fonctions. eut siégé également comme procureur impérial, du temps de l'usurpateur, en vertu des ordres d'un ministre qui ne l'était pas.
Maintenant on instruit la procédure de dix chasseurs volontaires qui, se trouvant aux avant-postes de mon corps, et m'ayant amené deux déserteurs français, ont administré, par mes ordres, une correction fraternelle à l'un d'eux, canonnier à cheval du 2e régiment, qui avait déserté de devant Paris avec armes et bagages, et avait vendu son cheval à un habitant de la campagne ; ma position ne me permettait pas de le traduire devant un conseil de guerre. J'ordonnai, en outre, que ses vêtemens militaires fussent distribués aux braves de ma troupe.
Ce fait est considéré, aujourd'hui, comme abus de pouvoir et vol.
C'est ainsi qu'en France les passions changent en délits criminels les devoirs les plus sacrés de la guerre.
Si la conduite que j'ai tenue à l'égard de M. de Chatillon et du canonnier déserteur est trouvée répréhensible, qu'on me dise quel traitement aurait encouru, en Russie, en Allemagne et en Angleterre, un déserteur arrêté en flagrant délit, et un de Chatillon qui se fût réjoui de l'invasion des ennemis, et leur eût offert des armes et des munitions contre sa patrie !
Il y a plus, je voulais le taire ; mais puisque l'injustice me force à parler, je dirai que, malgré l'odieux des offres, de M. de Chatillon, j'ai eu l'attention de lui envoyer une sauve-garde pour soustraire à la juste fureur des soldats sa personne et ses propriétés.
Et cependant c'est moi qu'ils ont condamné à mort...
J'ai l'honneur d'être, etc.
L'ex-chef d'escadron aux chasseurs à cheval de l'ex-garde impériale,
BRICE. (11)


En 1819, les passions politiques étaient calmées. M. Brice se décida à rentrer en France, et à venir purger sa double contumace. Par arrêt de la cour de cassation, du 23 décembre 1819, toute la procédure relative à ce brave officier fut cassée et renvoyée devant le conseil de guerre séant à Metz, qui l'acquitta à l'unanimité (22 avril 1820).
Libéré de sa double condamnation, M. Brice fut admis, le 16 août 1820, au traitement de réforme, en qualité de chef d'escadron, la Restauration ne pouvant pas reconnaître comme valables les grades accordés pendant les Cent-Jours, et, le 13 mars 1822, il fut mis à la retraite.
Jusqu'en 1830 M. Brice vécut dans la vie privée, et nous n'avons à recueillir aucun fait dont le biographe puisse s'emparer. Lorsqu'éclata le mouvement national de juillet, M. Brice était en Angleterre; il se hâta de rentrer en France ; le 2 août, il était à Paris. Il fut l'un des premiers officiers remis en activité ; le maréchal Gérard lui confia le commandement du troisième régiment de cuirassiers. Cette nomination fut accueillie par les vrais patriotes avec un profond sentiment de joie. On croyait à la guerre, et chacun se félicitait de voir à la tête de nos troupes des hommes d'une bravoure éprouvée et d'un noble caractère. Un journal se rendit l'organe des sentimens que les populations de la Meurthe éprouvaient pour M. Brice, et publia l'article suivant :
On écrit de Dieuze, Meurthe :
«  Au premier bruit de guerre on a répété avec enthousiasme le nom de Brice. chef de corps-francs en 1815, tant redouté des alliés et condamné a mort par la cour royale de Nancy. Tous les jeunes gens, tous les chasseurs sont prêts à suivre sous lui les conseils de Paul Louis Courier. Beaucoup déjà sont fournis d armes et de munitions. Dans les premiers villages de la Lorraine allemande, à la première agression intérieure ou extérieure, il ne restera plus dans les villages que ceux des vieillards, femmes ou enfans qui ne pourraient absolument pas porter les armes ; car je crois qu'une grande partie d'entre eux se réunirait a la masse.
«  Les corps-francs causaient tant de crainte aux Russes, qu'en 1814 la présence de quelques hommes, dans un bois qui bordait la route, a suffi pour arrêter 3,000 Russes, une nuit et un jour. »


Le colonel Brice avait pris le commandement du troisième de cuirassiers, à Lille ; il arriva au milieu de ses soldats comme un ami ; il les réunit, et leur adressa l'allocution suivante :
MES CAMARADES,
Je m'honore d'être appelé à vous commander, et je m'en honore d'autant plus, que dans les événemens qui viennent de se passer vous avez su allier l'amour de la patrie a vos devoirs. Persistez à marcher dans ces principes.
Nous devons tous fidélité et dévouement au gouvernement que la France s'est choisi. Le gouvernement déchu nous avait été imposé deux fois par l'étranger : son existence ne pouvait durer. Le roi Louis-Philippe Ier a été placé au trône par le voeu et par l'acclamation de l'immense majorité des Français : c est un roi citoyen ; soyons fiers de l'avoir à notre tête.
Nous devons tous également obéissance aux lois. Sans l'observation des lois, il ne peut exister d'ordre, et c'est de l'ordre d où dérive le bien.
«  Mes camarades, continuez à obéir à vos chefs lorsqu'ils vous commanderont pour le bien du service. Si vous leur devez l'obéissance, ils vous doivent justice et protection, et vous avez droit de l'attendre d'eux. Je ne tolérerai aucun acte d'insubordination, de quelque part qu'il vienne. Un militaire se déshonore lorsqu'il en commet. L'honneur est le guide du soldat. N'êtes-vous pas jaloux, lorsque vous rentrez dans vos foyers, de pouvoir dire à vos pères et mères, à vos parens et amis, que pendant tout le temps que vous vous êtes trouvés sous les drapeaux, vous vous y êtes conduits sans peur et sans reproche Les mots : sans peur et sans reproche ont été, de tous temps, la devise du soldat français : qu'elle soit toujours la vôtre ! Ceux qui vous affectionnent éprouvent de la satisfaction, lorsqu'ils apprennent que vous vous conduisez bien. Une bonne conduite de votre part, les rassure sur vitre absence.
«  Je vous recommande de vivre en bonne Harmonie avec les habitans des villes où vous vous trouverez en garnison, n'importe la classe à laquelle ils appartiennent : vous êtes leurs concitoyens, et ils sont les vôtres. N'oubliez jamais que vous êtes citoyen avant d'être soldat, et qu'étant soldat, vous ne perdez pas ce titre. Ne faites, dans aucun cas, usage de vos armes contre vos concitoyens. Il y a lâcheté de la part d'un militaire qui se sert de son arme contre quelqu'un désarmé ; honte éternelle a celui qui d'entre vous se conduirait ainsi ! vous devez vous faire respecter, mais jamais craindre. Ce n'est que contre l'ennemi de la patrie que vos armes doivent être employées, si jamais cet ennemi osait attenter à nos droits et à notre liberté.


Le troisième de cuirassiers comprit son brave et patriotique colonel; bientôt il lui fut dévoué à la vie et à la mort.
De Lille, le régiment vint à Lunéville (8 octobre 1830), où M. Brice fut accueilli avec enthousiasme ; il avait aussi été reçu à son passage à Nancy avec toutes les démonstrations de la plus sympathique affection : plus de trois mille hommes de la garde nationale, en tête desquels se trouvaient le maire, le général Drouot et le commandant de cette milice citoyenne, s'étaient portés à la rencontre du régiment, et avaient complimenté le colonel. Ce fut un grand jour : les patriotes de Nancy en conserveront un long souvenir; ce fut une fête de famille, une fête nationale.
De Lunéville, le troisième de cuirassiers se rendit, en 1833, à Beauvais, et vint à Paris pour assister à l'inauguration de la statue de Napoléon sur la grande Colonne. Le colonel Brice se fit remarquer, dans cette circonstance, par l'élan avec lequel il salua militairement la statue du héros, lors du défilé.... «  Prince, disait-il, le soir, au jeune duc d'Orléans, si j'avais connu la position de la statue, j'aurais commandé le salut militaire à mon régiment. - Vous auriez bien fait, colonel, répliqua le prince. Nous affirmons la réponse.
Appelé successivement à tenir garnison à Tours et à Gray, le troisième de cuirassiers se trouvait dans cette dernière ville en janvier 1836. A cette époque, par une température des plus rigoureuses, il reçut ordre de se rendre à Haguenau (12) ; il s'y trouvait lorsqu'éclata la tentative de Strasbourg. Le colonel Brice avait eu occasion de voir à Bade le prince Napoléon-Louis; mais nous pouvons affirmer qu'il était étranger à toute conspiration; toutefois, le 30 octobre, il reçut, par l'entremise d'un émissaire inconnu, la lettre suivante :
Colonel,
Je viens de me rendre maître de Strasbourg, ce qui doit vous surprendre; la France va enfin secouer le joug honteux du juste milieu; dans un jour aussi solennel, le concours d'un vieux soldat comme vous le rendrait encore plus éclatant.
«  Accourez donc avec votre beau et brave régiment, la liberté et la patrie vous appellent par ma voix.
«  NAPOLÉON-LOUIS. Strasbourg, 30 octobre 1836.


Le colonel Brice ne tint aucun compte de cette lettre; il congédia l'émissaire, et conserva pour lui le secret d'une communication qu'il dut considérer, soit comme un piège tendu à sa loyauté et à son patriotisme, soit comme l'avis d'une tentative hardie, mais non encore menée à son terme. Il n'entra pour rien dans une conspiration en action dont il avait ignoré la trame, et cependant, peu de jours après, il fut, sans enquête préalable, enlevé à son régiment, et mis en retrait d'emploi. M. Brice vint à Paris, vit le ministre; l'injustice fut reconnue, mais non réparée; toutefois, il fut remis en activité, et, en mai 1837, envoyé en Afrique qualité de commandant de place à Bone, avec tous les droits de son grade. Bientôt l'arbitraire ministériel pesa sur lui, et M.Brice fut de nouveau mis en retrait d'emploi. Nous n'entrerons personnellement dans aucun détail, nous bornant à reproduire deux articles, publiés l'un par la Sentinelle de l'Armée, et l'autre par le National.
On se rappelle qu'à l'époque des événemens militaires survenus à Strasbourg. M. le colonel Brice, commandant le 3e régiment de cuirassiers, alors en garnison à Haguenau, fut tout à coup, et sans enquête préalable, enlevé à son régiment, et mis en retrait d'emploi. Mais qui croit-on qui proposa et fit ordonner, en conseil des ministres, la révocation de ce colonel ? Le ministre de la guerre, sans doute ? - Eh bien ! non ; celle révocation n'a eu lieu que sur le rapport de M. l'avocat Persil, garde des sceaux d'alors, sans autre réclamation que celle de M. Rosamel, le ministre de la marine; car M. le général Bernard laissa briser impunément la carrière de cet officier supérieur, avant même de l'avoir vu et entendu, comme le prescrivait cependant le simple principe d'équité.
Aussi, que de reproches sa conscience n'a-t-elle pas dû lui faire, lorsque M. le colonel Brice, à son arrivée à Paris, lui eut exposé sa conduite honorable dans ces graves circonstances, et surtout sa réserve délicate, en ne donnant pas de publicité à certaine lettre que lui avait écrite le prince Napoléon, et dont il se borna à dicter le contenu à M. le général Bernard lui même. Le replacement immédiat du colonel Brice à la tête de son régiment eût donc dû être le résultat de la vérité connue, aussi bien que de la délicatesse de son procédé.
Voyons ce qu'a fait M. le général Bernard, malgré les vives sollicitations des notables et des officiers de la garde nationale de Haguenau, consignées dans leur pétition adressée à M. le ministre, le 27 novembre 1835; malgré encore les expressions les plus nobles et les plus touchantes des regrets du corps d'officiers de ce beau et brave régiment.
Le 13 mai 1836, le colonel Brice est nommé au commandement de la place de Bone; il l'accepte, parce que c'était en Afrique, mais sous la réserve expresse qu'il conserverait son titre de colonel de cavalerie, et qu'il serait employé comme tel en Afrique; ce qui devait lui conserver le droit d'être inscrit dans le cadre ou hors cadre de cette arme, comme cela a eu lieu et a encore lieu, en ce moment, pour les commandans des places d'Alger et d'Oran. Mais bientôt survint un échange de lettres entre M. le colonel Brice et M. le général Cubières, directeur du personnel, à l'occasion de sa lettre de service, qui ne faisait mention que de l'emploi qu'il était destiné à remplir. Toute cette correspondance, dont nous avons les copies, n'est autre chose qu'une série de fins de non-recevoir à la façon des bureaux de la guerre : aussi, profondément blessé de ne pouvoir obtenir justice, M. Brice a préféré rentrer dans sa position de colonel en retrait d'emploi que de faire aux exigences de M. le ministre de la guerre le sacrifice de ses justes prétentions.
Voici en quels termes on lui a signifié son retour en France : «  Puisque M. Brice persiste à demander la conservation de son titre de colonel de cavalerie, je suis disposé à autoriser sa rentrée en France; mais alors il devra être replacé dans sa précédente position, c'est-à-dire en non-activité par retrait d'emploi, jusqu'au moment où il aura le temps de service voulu POUR ETRE ADMIS A LA RETRAITE. »

(Sentinelle de l'armée.)

De son côté le National s'exprimait en ces termes :
Plusieurs journaux ont annoncé dernièrement que le colonel Brice. commandant de la place de Bone, vient d'être mis en retrait d'emploi. Le colonel Brice a un nom connu dans nos fastes militaires : aux jours de l'invasion, chargé par l'empereur d'organiser des corps de partisans dans les Vosges, il s'acquitta de cette tâche difficile avec habileté, et fit preuve, par des mouvemens qu'il exécuta, de beaucoup d'intelligence et d'une audace peu commune. Condamné à mort, à la rentrée des Bourbons, pour le fait même de cette conduite brillante, il échappa à l'exécution de cette sentence terrible ; mais il fut rayé des contrôles de l'armée, où il n'a été replacé qu'après la révolution de juillet. A celle époque, sa nomination au commandement d'un régiment de cuirassiers fut accueillie arec joie par les populations de la Lorraine, qui gardaient bon souvenir de Brice le Partisan, et ce fut un jour d«  triomphe que celui où il entra dans Nancy, sa ville natale, à la tête du régiment qui venait de lui être confié.
La mesure prise à l'égard du colonel Brice est donc un fait grave, puisqu'elle exclut de l'activité un militaire capable, un citoyen dévoué à son pays. A ce titre, nous avons voulu en connaître les causes avec certitude, et nous donnons les renseignemens suivans que nous avons pris à bonne source, et qui ne seront pas contestés.
Lors de l'insurrection de Strasbourg, le colonel Brice se trouvait avec son régiment à Haguenau. Ni ce régiment, ni aucun individu lui appartenant, n'ont pris part au mouvement bonapartiste; cependant le colonel Brice fut, peu après, mis en retrait d'emploi.
Ainsi que la loi sur l'état des officiers en donne le pouvoir au ministre de la guerre, aucun motif ne fut donné de cette disgrâce éclatante; mais le colonel Brice se rendit à Paris, eut une audience de M. Bernard, et il apprit qu'il était soupçonné d'avoir trempé dans l'affaire du 30 octobre ; le garde-des-sceaux. instruit par des rapports de police, avait provoqué contre lui la punition qui venait de lui être infligée. Quelques explications eurent bientôt fait justice de ces délations de bas étage; M. Bernard reconnut qu'il avait été induit en erreur, et il donna au colonel l'assurance d'une prompte réparation. Peu de temps après, en effet, il rappela le colonel Brice à l'activité ; mais au lieu d'un régiment, il lui confia le commandement de la place de Bone. La guerre était aux portes de cette ville, on préparait déjà la seconde expédition de Constantine, le colonel accepta cet emploi, mais sous la réserve expresse qu'il ne cesserait pas de compter dans son arme, qu'il ne figurerait que momentanément dans l'état-major des places. On ne pouvait accorder moins à un homme victime d'une erreur, que de lui laisser l'espérance de reprendre le poste dont il avait été injustement dépossédé. Cependant M. Bernard en décida autrement : il voulut que le colonel Brice fui incorporé dans l'état-major des places, corps fort honorable, mais dont les fonctions, exigeant peu d'activité, sont un acheminement à la retraite, et où il n'y a pas d'avancement. Celui-ci a réclamé à plusieurs reprises sans succès, et enfin il a reçu une lettre ministérielle qui se termine par ces mots : «  Puisque M. Brice persiste à demander la conservation de son titre de colonel de cavalerie, je suis disposé à autoriser sa rentrée en France, mais alors il devra être replacé dans sa précédente position, c'est-à-dire en non-activité, par retrait d'emploi, jusqu'au moment où il aura le temps de service voulu pour être admis à la retraite. »
Le colonel Brice a mieux aimé profiter de cette autorisation que défaire une concession aux prétentions ministérielles : il a été mis en retrait d'emploi.
Ainsi cet officier supérieur, qui compte de longs, de brillans services, qui a subi les colères de la restauration, qui est encore plein de vigueur, ne sera plus employé activement. On lui avait promis, on lui devait une réparation ; il ne peut l'obtenir; bien plus, on le condamne à la retraite par anticipation ! Pourquoi cet interdit jeté sur sa carrière ? quels sont les motifs qui le font exclure à tout jamais du service actif ?
Ces questions ne seront pas difficiles à résoudre pour qui saura que le colonel Brice a constamment gardé la plus noble indépendance ; qu'il a SU se faire obéir et se faire aimer des officiers et des soldats ; qu'il n'a jamais paru dans les antichambres de ces généraux adolescens qui font et défont les fortunes militaires au gré de leurs caprices, et qu'il est resté fidèle au culte de la patrie.


Nous n'ajouterons rien à ces deux articles : ils disent quelle impression a produit sur les patriotes, sur tous les hommes honorables, sur l'armée, la conduite arbitraire du ministre de la guerre, ou mieux, de celui qui inspire ses actes.
Le pouvoir peut arrêter dans sa carrière un de nos plus braves officiers, il ne lui enlèvera jamais l'estime des hommes nationaux, l'affection de l'armée. M. Brice est un de ces braves sur lesquels le pays comptera toujours dans les momens de crise.


(1) Il avait aussi reçu une blessure grave à Eylau en 1807 en dégageant le général d'Alhman, qui, blessé lui-même, était tombé au pouvoir des Russes (Victoires et Conquêtes). Deux mois avant cette affaire, M. Brice avait rendu un important service à l'armée, en enlevant et en conduisant à l'empereur deux cosaques porteurs de dépêches adressées à un général russe.

(2) Dès son arrivée à Saint Dizier, M. Brice fit répandre à profusion la proclamation suivante, qui produisit l'effet le plut avantageux sur l'esprit des populations.
HABITANS DE LA MEURTHE !
L'empereur m'a ordonné de me rendre dans le département de la Meurthe, afin d'y réunir tous les militaires en retraite, ceux prisonniers qui se seraient échappés des mains de l'ennemi, et que votre attachement pour vos compatriotes vous a mis dans le cas de réfugier ; ceux, depuis vingt jusqu'à quarante ans, de la levée des 300,000 hommes qui n'ont point rejoint; les gardes forestiers et les employés du gouvernement non en exercice, pour concourir à la défense de la patrie, et pour vous mettre à l'abri du sort qui vous est préparé, et que vos concitoyens de la Champagne, de la Bourgogne, de la Brie et de la Picardie, ont éprouvé par les armées coalisées. J'aurais trop à dire si je traçais le tableau de ces quatre provinces ; les soldats ennemis te sont portés à des excès que la civilisation française n'a jamais conçus.
Invitez-les donc à se réunir a moi ; je les conduirai où l'honneur (guide du soldat français), l'intérêt de la nation entière, la tranquillité de leur famille et celle de leurs compatriotes, et enfin leur sûreté à venir les appellent. Rappelez-vous que vous êtes Français ; quoique envahis ! ne vous laissez point anéantir par les menaces des autorités alliées.
La patrie est une cause bien honorable à défendre ! C'est un devoir qu'en naissant la nature impose à l'homme ; et il contracte envers elle cet engagement dès qu'il prend rang parmi les citoyens.
Je vous invite à m'apporter les armes que vous avez par devers vous ; je vous fais connaître l'usage que la fidélité à notre souverain, l'amour pour ma patrie, ses intérêts et l'honneur, m'inspirent d'en faire. N'aidez point, en remettant vos armes à nos ennemis, à tuer vos enfans, vos parens et vos compatriotes.
Lorsque l'ennemi sera hors du territoire français, tous ceux qui ne sont point militaires en activité seront libres de retourner dans leurs foyers.
BRICE aîné.
Capitaine aux chasseurs à cheval de la garde impériale, chevalier de la Légion-d'Honneur et de la Réunion, commandant an détachement de troupes françaises en partisan dans les départemens envahis.
Au bivouac, près Saint-Dizier, le 27 mars 1814.

(3) Nous lisons dans le journal le Temps, du 29 décembre 1833, une lettre que nous croyons de voir reproduire, parce qu'elle caractérise très bien les réactions de 1814 et le servilisme dont les autorités françaises se rendirent coupables envers les officiers des puissances coalisées. Cette lettre se rattache du reste à un fait personnel relatif aux persécutions dont M. Brice fui victime.
MONSIEUR,
En lisant le numéro du 23 décembre de votre journal, mon attention s'est principalement portée sur l'article qui s'y trouvait inséré, commençant par ces mots : «  Nouveau genre de procès dans la Pologne soumise à Nicolas Des généraux, des officiers, des fournisseurs de vivres russes, qui ont éprouvé dans la dernière campagne des pertes quelconques, réclament maintenant des dédommagemens aux officiers polonais, commandans les troupes, qui se sont emparés de leurs effets pendant la guerre. Il s'est trouvé des tribunaux civils qui n'ont pas eu le courage de résister aux insinuations et aux menaces employées par l'oppresseur pour protéger les demandes les plus absurdes formées par les sujets de l'autocrate. C'est ainsi que le général Bystroem a intenté un procès au général Casimir Skarsynoky, etc., etc. »
Les faits rapporté: dans cet article ne m'ont pas surpris, monsieur, car ils présentent an caractère de vérité à l'appui duquel je vais en ajouter d'autres. Ce système d'indemnité, dont l'article fait mention, s'observe eu Russie, a ce qu'il paraît, depuis bien des années. Je vais vous en donner une preuve bien authentique, puisqu'elle m'est personnelle ; car j'ai entre les mains les pièces qui en font foi. Vers la fin de la campagne de 1814, des partisans qui n'étaient point encore sous mes ordres, et qui agissaient par le seul amour de la patrie et de son indépendance, à l'époque où j'ai été appelé par l'empereur à me rendre en Lorraine et dans les Vosges pour y former un corps de partisans, et provoquer une levée en masse, afin d'agir sur les derrières de l'ennemi ; ces partisans, dis-je, firent prisonnier le major russe de Krivsky, auquel ils rendirent la liberté; mais ils s'emparèrent de ses bagages, dans lesquels ils trouvèrent beaucoup d'objets, entre autres des vases sacrés, qui, probablement provenaient de quelques églises du pays envahi.
Ce fait militaire, qui ne présentait rien de contraire aux lois de la guerre, a cependant été considéré comme vol à l'égard des partisans qui l'ont commis, par M. le comte d'Alopeus, nommé gouverneur de la Lorraine et du Barrois par les puissances alliées, qui a enjoint à M. P qui remplissait les Fonctions de préfet de la Meurthe lors de la première invasion, au nom de ces mêmes puissances, de prendre un arrêté qui a été rendu le 13 avril 1814, après la cessation des hostilités, portant :
«  Que les pertes évaluées à 23,236 fr. éprouvées par le major russe M. de Krivsky, qui a été dépouillé par un corps de partisans commandé par le nommé Brice, de Lorquin, seraient remboursées sur les biens de la famille dudit Brice, et, en cas d'insuffisance, par les habitans de ladite commune. »
Pour sûreté du paiement de cette somme, le maire de Lorquin, mon endroit natal, homme très recommandable et bon citoyen, fut incarcéré jusqu'à ce que les 23.236 fr. fussent acquittés. La commune de Lorquin et celle de Blamont, lieu du domicile des partisans qui avaient fait prisonnier le major russe, la payèrent chacune par moitié, et en 1818, le gouvernement la remboursa en reconnaissance de liquidation, ayant décidé qu'elle serait portée à la charge de l'Etat, et considérée comme frais de guerre. Ce qu'il y a de plus remarquable dans l'iniquité et la déloyauté de cette mesure contraire à toutes les lois de la guerre, c'est que M. le major Krivsky fut fait prisonnier le 22 mars 1814, et que ce n'est que le 26 du même mois que j'ai quitté à Saint-Dizier l'armée et le régiment des chasseurs à cheval de la garde impériale où je servais, pour me rendre dans la Meurthe et dans les Vosges, ayant été par conséquent tout à fait étrangère l'affaire qui y a donné lieu.
En rapportant tous les faits qui ajoutent à ceux que renferme l'article précité, j'ai pensé qu'eu les retraçant je donnerais à réfléchir à mes compatriotes, quelle que soit leur opinion, et principalement à mes compagnons d'armes. Quel pourrait être le sort réservé à notre belle patrie si nos efforts, en cas de lutte, ne tendaient pas à repousser un ennemi qui pourrait abuser ainsi de la victoire?
Si vous jugez ma lettre susceptible d'être insérée dans un des prochains numéros de voire estimable journal, je vous prie, monsieur, de vouloir bien le faire, et d'agréer, etc.
Beauvais, le 24 décembre.
Le colonel du 3e cuirassiers, BRICE.

(4) A la suite de cette revue les soldats, rentrés à la caserne, menacèrent de se porter sur l'archevêché, où était logé le prince, qui courut un vrai danger. Le calme et l'ordre furent rétablis par l'influence du chef d'escadron Assant (aujourd'hui lieutenant-colonel au 1er carabiniers), et du chef d'escadron Brice.

(5) Son frère puiné avait partagé les dangers de cette audacieuse tentative, et pendant ce temps, son jeune frère, lieutenant au 21e régiment des chasseurs à cheval, succombait sur le champ de bataille de Nimègue (26 décembre 1813).

(6) Le colonel Brice ne s'appropria jamais les nombreuses prises faites à l'ennemi par ses troupes ; il les partagea toujours publiquement avec ses soldats ; c'est ainsi qu'ayant saisi un caisson contenant environ 30,000 fr., il fit former le carré à ses hommes ; et, ayant fait jeter la somme intégrale sur un manteau, il la fit distribuer aux officiers et soldats. Il est de notoriété dans la Meurthe que cette campagne enleva au colonel Brice la plut grande partie de sa fortune privée.

(7) Le général Guillaume de Vaudoncourt nous apprend dans son Histoire des campagnes de 1814 et 1815 que le quartier-général des armées coalisées, c'est-à-dire les empereurs d'Autriche et de Russie et le roi de Prusse, étant arrivés le 2 juillet à Sarrebourg, et y ayant séjourné le 5, il s'en fallut peu qu'ils ne fussent enlevés par le corps-du colonel Brice..


(8) Le 25 juillet 1815, le général-major, chef d'état-major du septième corps de l'armée russe, engageait M. Brice à se rendre au quartier-général russe, à Nancy, où le général Sabanieff lui témoignerait l'estime qu'il faisait de sa personne. Il le priait en même temps d'indiquer comment il désirait que fussent conçues les cartes-patentes de sûreté à livrer à ses officiers.
En même temps, des ordres étaient donnés au commandant russe a Sarrebourg, pour qu'il eût à fournir au colonel Brice les escortes et sûretés nécessaires à sa personne.

(9) Nous n'entrerons ici dans aucuns détails. Ils sont consignés dans une lettre du comte Orloff à la princesse royale des Pays-Bas (soeur de l'empereur de Russie) que nous donnons plus bas.

(10) Nous ne pouvons résister au désir de reproduire les adieux que lui adressèrent ses frères d'armes proscrits, par la voix d'un journal de Bruxelles, le Vrai Libéral :

«  Adieu ! brave, adieu ! noble et honorable victime d'une persécution qui ne laisse point de repos à ceux que la haine a une fois signalés, et d'une vengeance hideuse qui livre aux bourreaux sans pitié tous ceux que sa fureur peut atteindre.... Adieu ! brave.
«  Quand tu quittas ton ingrate patrie pour dérober ta tête aux assassins, tu crus avoir touché au terme de les maux. Tes premiers pas s'arrêtèrent sur le sol de l'hospitalité: tu le saluas avec transport ; tu te livrais au bonheur de vivre avec des hommes justes, et de partager avec eux la sainte protection de leurs lois ; mais tes lâches ennemis ne te perdaient pas de vue. Leurs regards te suivaient dans la retraite, comme ceux du vautour qui plane de loin sur sa proie, et qui choisit, pour fondre sur elle, l'instant où elle ne se croit pas en danger : leur rage à la fin t'a surpris Adieu! brave.
«  Oh ! que d'amers regrets tu laisses à tes amis, à ceux qui t'avaient ouvert leurs bras hospitaliers, comme aux malheureux compagnons de ton exil ! Le jour de ton départ est pour eux un jour de deuil. Il renouvelle les cruelles séparations qui ont déjà brisé leurs coeurs; il leur en présage d'autres qui ne seront pas moins funestes.... Adieu ! brave.
«  Tu faisais revivre parmi nous les vertus des anciens héros et tous les glorieux souvenirs de la pairie. Nous admirons ton modeste courage, tes actions guerrières dont tu ne parlais jamais, ton âme au dessus de tous les revers, et bravant toutes les injustices, ta haine généreuse des tyrans, ta noble franchise, ta loyauté pure et ton coeur compatissant Adieu! brave.
«  Maintenant assis sur le rivage où l'iniquité t'a forcé de fuir, et où les soupçons inquiets de tes persécuteurs te surveillent encore, tu demandes aux vents qu'ils t'éloignent, et te conduisent sur la terre de la liberté. Arrive bientôt sur cette terre heureuse !
là lu trouveras des hommes dignes de loi. La terre de la liberté peut, seule servir d'asile aux hommes vertueux... Adieu ! brave.
«  Une sorte d'adoucissement se mêle aux regrets qui doivent déchirer ton âme. Tu n'as pas de mère qui t'attendrisse par ses larmes; tu ne crains point le spectacle d'une épouse au désespoir accusant la tyrannie, ni la vue d'enfans éplorés redemandant un père injustement proscrit. Mais n'étions-nous pas tous tes frères ? Nos vieillards ne s'enorgueillissaient-ils pas de te regarder comme leur fils ? Et si, dans les familles où tes vertus te faisaient chérir, quelque jeune beauté avait senti pour toi battre SON coeur, n'est-elle pas en ce moment occupée du soin de cacher sa douleur, et les larmes qui inondent ses joues brûlantes... Adieu ! brave.
«  Mais ne nous livrons point à de trop sombres pensées ; que ce ciel, témoin de nos regrets, le soit aussi de nos espérances et de nos voeux! L'adversité ne doit point ébranler des âmes qu'enflammé l'amour de la liberté et de la patrie. Pourquoi notre séparation serait-elle éternelle ?.... Adieu ! brave. »

(11) Le Mercure Surveillant fit suivre cette lettre de l'annotation suivante :
N. B. M. le chef d'escadron Brice est trop modeste pour citer tous les honorables dédommagemens qui adoucissent sa position. Nous savons qu'il a entre les mains plusieurs lettres d'officiers des puissances alliées, qui, ayant été faits prisonniers par sa troupe, le remercient des bons traitemens qu'ils ont éprouvés de sa part. M. le major baron Mertens est de ce nombre. Cet officier, attaché à M. le général Deboyen, ministre de la guerre en Prusse, en écrivant à M. le chef d'escadron Brice, lui dit : «  Monsieur, S. Exc. le ministre, Iui-même, me charge d'ajouter ses remercimens aux miens pour tous vos bons procédés envers les prisonniers prussiens qui sont tombés en votre pouvoir, etc. » Un colonel anglais, attaché à l'état-major du prince de Schwartzenberg, non moins sensible aux attentions délicates et généreuses de M. le chef d'escadron Brice, ne s'est pas donné de repos, à Paris, qu'il ne l'ait retrouvé pour lui témoigner sa vive reconnaissance Ce sont là de douces compensations.

(12) Nous reviendrons peut-être plus tard sur ce que cette mutation de garnison offre d'extraordinaire ; aujourd'hui nos renseignemens ne sont pas assez positifs.

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