Annales de
la Société d'Emulation du département des Vosges. 1903
Albert SONRIER
Maréchal-des-logis au 8e bataillon d'artillerie à pied à Epinal
UN DÉFENSEUR DES VOSGES EN 1814-1815
LE GENERAL BRICE
(1783-1851)
- De quel pays es-tu ?
- Du pays des braves !
- Tu es donc Lorrain ?
- Oui, Sire!
(Brice et Napoléon)
ÉPINAL 1903
Bibliographie
1° Archives municipales de Lorquin et de Nancy;
2° Michel. - Biographie historique et généalogique des hommes
marquants de l'ancienne province de Lorraine. Nancy, 1825;
3° Général Guillaume de Vaudoncourt. - Histoire des campagnes de
1814 à 1815 en France;
4° J. Nollet-Fabert. - La Lorraine militaire, 4 vol. in-80,
1859;
5° Historique des régiments;
6° Collection des journaux nancéiens;
7° Actes de l'état-civil de Nancy;
8° Correspondance avec Lorquin et Nancy;
9° Journal de la Meurthe, 1815 à 1851;
10° Moniteur officiel de 1815;
11° Lepage. - Annuaire de la Meurthe, 1848 à 1852;
12° Annuaires royaux et impériaux;
13° Bibliographie de la presse française;
14° Alexandre Rembowski. - Histoire du régiment des
chevau-légers de la garde de Napoléon Ier, 2 tomes grand in-8°,
1902.
Avant- Propos
Messieurs,
Il y a quelques mois, au cours d'une promenade à la fontaine des
Trois-Soldats, si connue et aimée des Spinaliens et des belles «
Pinaudrères » je lisais la belle histoire de Nomexy, récemment
publiée par M. l'Abbé Olivier, membre de la Société d'Emulation
des Vosges, et j'étais agréablement surpris du nombre
considérable de soldats glorieux que cette bourgade industrielle
avait fournis à la France.
Quelques jours après, je visitais à Nancy l'importante nécropole
de Préville, et l'un de mes amis, qui est aussi des vôtres, me
signalait les tombes de Drouot, le Sage de la Grande-Armée, et
du Général Brice, un hardi défenseur des Vosges en 1814 et 1815.
L'idée me vint alors de consacrer mes rares loisirs de jeune
soldat et toutes mes journées de liberté à étudier la vie de ce
héros lorrain, trop oublié aujourd'hui, à peine signalé dans les
Biographies générales et les recueils d'illustrations
militaires. (1)
C'est le résultat de ces longues recherches que je soumets
aujourd'hui avec confiance, Messieurs, à votre haute
bienveillance.
J'ai essayé de faire revivre de mon mieux la figure si
sympathique de Brice, un général de valeur, un républicain
ardent, un enthousiaste et un vaillant, et un glorieux défenseur
de nos chères Vosges Heureux, si j'ai pu n'être pas trop indigne
d'un si grand sujet et louer comme il convenait un si grand nom.
Epinal, le 30 mai 1902
Albert Sonrier,
Ancien maitre-répétiteur au collège d'Epinal, Maréchal-des-Logis
au 8e bataillon d'artillerie à pied à Epinal.
Le Général Brice
La Lorraine, terre de héros
et de grands cœurs, s'honore d'avoir vu naître !e général Brice,
dont je vais essayer de retracer la noble carrière, faite tout
entière de dévouement et d'abnégation et consacrée jusqu'à la
mort au service de la patrie.
Homme d'une singulière et rare énergie, âme d'élite et des mieux
trempées, caractère intrépide et loyal, esprit chevaleresque et
entreprenant, Brice, le lorrain sans peur et sans reproche,
possédait au plus haut degré les admirables et précieuses
qualités qui font les héros, captivent les cœurs et mènent à la
gloire.
Ses brillants faits d'armes, dignes des grands hommes de
l'antiquité, dignes de l'époque révolutionnaire et des guerres
héroïques de la 1re République, sont bien faits pour passer à la
postérité. Son nom, si honorablement connu dans toute notre
région de l'Est de la France, mérite aussi de figurer sur les
listes de notre Panthéon militaire lorrain à côté de Malhortye
et de Varin Doron, de Drouot et de Ney, de Victor et de Georges
Mouton, comte de Lobau, de Lassalle et de Fabert, et de tant
d'autres, qui, des Vosges et de la Meurthe, sont partis tout
jeunes, en 1792, au premier appel de la Patrie en danger.
Son enfance. - Son engagement. - Premiers galons.
Joseph-Nicolas-Noël Brice, naquit le 24 décembre 1783 à Lorquin
(2), petite bourgade de l'ancien évêché de Metz, sur la rive
gauche de la Sarre-Blanche, puis chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Sarrebourg.
Son père y exerçait les modestes, mais honorables fonctions
d'instituteur public. (3)
Ce digne éducateur de la jeunesse sut donner à ses propres
enfants une solide et sérieuse instruction primaire, et, par
l'exemple de ses vertus privées, par ses sages conseils, il mit
tous ses soins à leur inspirer les sentiments de droiture,
d'honneur et de patriotisme qui en ont fait de braves soldats,
d'excellents citoyens et de fidèles serviteurs de la France.
Le jeune Brice demeura à Lorquin (4) pendant toute son enfance
et son adolescence, vivant de cette bonne vie simple et saine de
la campagne, dans ce beau pays où grandissaient alors tant de
futurs héros, capitaines, généraux et maréchaux de l'Empire.
L'imagination enflammée par le récit des victoires des armées
républicaines, par les exploits extraordinaires des Hoche et des
Marceau, des Kellermann et de tant d'autres généraux français,
le jeune Brice, impatient d'être soldat, n'attendit pas l'heure
de la conscription pour servir son pays.
Comme il venait d'atteindre sa dix-neuvième année, le 9 mars
1803 il demanda à son père l'autorisation de partir, de quitter
Lorquin pour une autre destinée, à l'heure où Bonaparte, premier
consul, remplissait le monde entier de sa gloire et de son nom.
Brice s'engagea comme volontaire au 14e régiment de chasseurs à
cheval, régiment qui avait été formé le 5 mars 1792avec les
débris des hussards de l'Égalité, de la Légion des Alpes et des
Hussards de la Mort, et qui, depuis cette époque avait fait avec
distinction les fameuses campagnes de 1793 et 1794, dans l'armée
de l'Ouest.
Le jeune volontaire ne tarda pas à attirer l'attention de ses
chefs par sa conduite régulière, sa bonne tenue, son ardeur au
travail, son air martial et ses réelles aptitudes militaires.
Au bout de quatre mois seulement de service, Brice obtenait - 6
juillet 1803 - les humbles galons de brigadier. C'était le
premier pas dans la hiérarchie... et le brave militaire ne se
doutait sûrement pas alors qu'un jour viendrait où il serait à
son tour brillant général français.
Le 15 septembre suivant, il était brigadier-fourrier, et le 23
novembre de la même année, il était promu maréchal-des-logis.
Ce n'était que le prélude d'autres honneurs successifs, car, le
29 juillet 1804, Brice était nommé maréchal-des-logis-chef,
après seize mois seulement de présence sous les drapeaux
français, qui étaient devenus, le 18 mai 1804, les drapeaux de
l'empire.
A l'armée des Côtes de l'Océan.
Pour servir ses nombreux projets belliqueux contre l'Angleterre,
Napoléon Ier avait formé, dès 1804, le fameux Camp de Boulogne,
qui hérissait de soldats, pour ainsi dire, les côtes de France,
de l'Atlantique à la mer du Nord, tout le long de la Manche
bretonne, normande et picarde.
Le 1er Germinal au XII, l'armée des Côtes de l'Océan fut
officiellement créée, (5) et le 14° régiment de chasseurs à
cheval, où servait le maréchal-des-logis Brice, fut désigné pour
en faire partie.
Ce régiment prit une part très active aux multiples opérations
de cette vaillante armée ; ce qui fournit au jeune sous-officier
lorrain l'occasion de donner plus d'une fois des preuves de sa
bravoure et de son intrépidité.
On sait comment le général Bonaparte, devenu premier consul à
vie, s'était lentement acheminé vers le trône qu'il convoitait.
Le 18 mai 1804, l'Empire était fait ; Bonaparte avait fait place
à Napoléon Ier, et le 2 décembre suivant, célèbre anniversaire,
il avait été sacré à Notre-Dame par le pape Pie VII, pendant
qu'il se couronnait, lui et Joséphine, son épouse, de sa propre
main de nouvel empereur des Français.
Enfin, et comme suprême défi lancé à l'Angleterre, qu'il venait
de déposséder du royaume de Hanovre (devenu depuis province
prussienne) Napoléon, le 26 mai 1805, avait, dans le Dôme de
Milan, posé sur sa tète la fameuse couronne de fer des rois
Lombards, en se proclamant solennellement roi d'Italie.
Le traité de Saint-Pétersbourg (6) surprit l'Empereur dans ses
gigantesques préparatifs du camp de Boulogne et ses projets de
descente en Angleterre ; mais il répondit à la nouvelle
coalition formée contre la France, par la formation rapide de
sept nouveaux corps d'armée, destinés à combattre en Allemagne
sous ses ordres.
Un 8e corps, fort de 50.000 hommes, fut chargé, sous le
commandement de Masséna, d'opérer dans la Haute-Italie.
Brice à l'Armée d'Italie.
Cette armée, dont faisait partie le 14e chasseurs à cheval,
avait son centre à Trévise, tout près de l'Adige; elle avait
pour mission de paralyser les efforts de l'armée autrichienne,
forte de 100.000 hommes et commandée par le célèbre archiduc
Charles.
Il fallait empêcher ces troupes de barrer la route de l'Autriche
à Napoléon, dont le but était d'investir Vienne et d'en chasser
l'empereur. En effet, bientôt les troupes françaises réussissent
à franchir l'Adige et la Piave et le Tagliamento, et à refouler
les soldats autrichiens qui voulaient rallier l'armée
du général Mack.
Brice assista à la prise de Vérone, 18 octobre 1805, par le
général Masséna, puis, les 30 et 31 octobre, il se distingua
spécialement dans l'attaque du camp retranché de Caldiéro.
Les Français, malgré leur valeur, ne purent forcer les lignes de
défense des Autrichiens, mais la nouvelle de la capitulation
d'Ulm (19 octobre 1805) et de l'anéantissement complet de
l'armée de Mack, obligea l'archiduc Charles à battre en
retraite, et à se replier en toute hâte sur la Hongrie, où déjà
l'archiduc Jean, battu dans le Tyrol, par Ney, le tout récent
héros d'Elchingen (14 octobre 1805) avait été obligé de se
retirer.
Le 13 novembre, Napoléon entrait à Vienne, reçu solennellement
et en vainqueur par les habitants, et rejoint quelques jours
après par l'armée d'Italie, avec le vice-roi, le prince Eugène
de Beauharnais et le maréchal Masséna.
Pendant cette mémorable campagne, prélude d'Austerlitz, notre
compatriote, le maréchal-des-logis Brice, avait pris part à tous
les combats et donné à tous ses compagnons d'armes, camarades ou
supérieurs, des preuves abondantes de son courage, de son
énergie, et l'exemple de la plus stricte discipline et de la
plus complète obéissance. -
L'Epaulette de Sous-Lieutenant.
Le 29 juillet 1804, au lendemain de l'établissement de l'Empire,
un décret de Napoléon avait ordonné la création de la Garde
impériale.
Pour être admis dans ce corps d'élite, il fallait avoir au moins
douze années de service actif et avoir participé à plusieurs
campagnes.
Le jeune Brice, qui, en maintes occasions, s'était fait
brillamment remarquer à l'armée d'Italie, demanda à faire partie
de la Garde. Par une faveur spéciale et eu égard à ses bons
états de services, Brice fut accepté dans la Garde... mais comme
simple soldat. C'était la condition essentielle : renoncer à son
grade de maréchal-des-logis, et redevenir un humble cavalier
sans le moindre galon. Brice n'hésita pas un seul instant...; il
avait confiance en son étoile; il rendit ses galons de
maréchal-des-logis de chasseurs, et le 23 juillet 1806 - il
avait à peine 23 ans - l'enfant de Lorquin était immatriculé
simple cavalier au régiment des chasseurs à cheval de la Garde
impériale, commandé par le futur général Lefèvre-Desnouettes.
(7)
S'il est vrai de dire que a l'amitié d'un grand homme est un
bienfait des dieux » on peut ajouter aussi que la confiance et
l'estime des chefs sont pour beaucoup dans l'avancement
militaire.
Lefèvre-Desnouettes, qui savait à quoi s'en tenir sur le jeune
cavalier Brice, lui rendit bientôt, et presque coup sur coup,
ses galons de brigadier, de maréchal-des-logis et de chef... Au
bout d'un an, le cavalier de la Garde était devenu le
sous-lieutenant Brice.
En Pologne.
Un nouveau théâtre s'ouvrait à nos armées victorieuses avec la
4e coalition, formée entre la Prusse, la Russie et l'Angleterre.
Après Iéna et Auerstœdt, Erfurt et la mémorable entrée des
Français à Berlin, Napoléon signa le blocus continental et
reprit sa marche en avant. Les provinces polonaises de la Prusse
lui étaient ouvertes. A Posen et à Varsovie, il fut reçu en
triomphe par les anciens sujets de Sobieski et du roi Stanislas,
qui espéraient voir leur patrie renaître sous la protection des
aigles impériales et secouer bientôt le joug de l'Autriche, de
la Russie et de la Prusse.
Ancienne et fidèle alliée de la France, la Pologne reconstituée
serait pour nous dans l'Europe orientale une sentinelle qui
surveillerait la Prusse et l'Autriche et tiendrait en échec
l'ambition moscovite.
Des troupes s'organisèrent bientôt à Varsovie, troupes de
volontaires polonais, insurgés contre leurs oppresseurs, sous la
conduite des chefs intrépides, les généraux Dombrowski, Wybicki
et Joseph Poniatowski, neveu du roi de Pologne
Stanislas-Auguste.
Napoléon comprit qu'il valait mieux combattre les Russes à
Varsovie, au milieu d'un peuple ami de la France, plutôt que de
les attendre dans les plaines de la Prusse, où le moindre échec
de ses armes pouvait soulever contre lui les populations
germaniques.
Il résolut donc d'aller faire la guerre contre la Russie sur les
bords de la Vistule.
Brice participa largement à cette campagne de Pologne, et s'y
couvrit de gloire. Il se fit particulièrement remarquer au
sanglant combat de Pulstuck (26 décembre 1806) où Lannes délogea
Beningsen, où les Russes perdirent 3,000 tués et blessés, et
laissèrent entre nos mains 2,000 prisonniers et l'artillerie
tout entière.
La veille de cette bataille, Brice avait fait prisonniers et
conduit à l'empereur deux cosaques, porteurs de dépêches
importantes adressées au général russe.
On sait comment, en ce pays pauvre où les vivres manquaient, où
l'hiver était pluvieux, nos armées furent bientôt épuisées de
fatigue. Napoléon fit alors rentrer ses troupes dans leurs
quartiers d'hiver, dans les principales villes de la Prusse,
préparant ainsi, par un repos de quelques semaines, l'immortelle
victoire d'Eylau.
Brice à Eylau. - L'Etoile des Braves.
Le 8 février 1807, toujours sous-lieutenant de la Garde à
l'armée de Pologne, Brice combattit bravement à la fameuse
bataille d'Eylau, où la cavalerie française, entraînée par
l'intrépide Murat, réussit, après des prodiges de valeur, à
enfoncer le centre de l'armée russe. On connaît les épisodes
grandioses ou tragiques de cette mémorable journée, où 40,000
hommes tombèrent morts ou blessés dans la neige qui n'avait
cessé de tomber à gros flocons.
Dès le début de la bataille, Brice avait été légèrement blessé,
aux environs du cimetière où se tenait Napoléon, entouré de
toute sa garde. Malgré sa blessure, le vaillant sous-lieutenant
n'en resta pas moins à son poste de combat, suivant l'héroïque
cavalerie française, entraînée par Murat, Bessières, Grouchy,
Lepic et d'Hautpoul. Il se battit avec intrépidité jusqu'au soir
et coopéra à l'extermination de la colonne des 3,000 grenadiers
russes qui voulaient s'emparer du cimetière d'Eylau.
Dans cette terrible mêlée (qui n'eut d'égales en 1870 que les
charges furieuses de Reischoffen et de Mars-la-Tour), le général
Dahlmann eut son cheval tué sous lui. Ne pouvant se dégager, il
allait être sabré par l'ennemi ; Brice aperçoit son chef, saute
à terre, l'enlève et, aidé d'un chasseur de son escadron, nommé
Dufour, il parvient à le remettre en selle sur le cheval d'un
officier des grenadiers de la Garde, M. Venières, qui venait
d'être grièvement blessé.
Pendant qu'il était ainsi occupé à sauver son général, Brice
reçut par derrière un violent coup de sabre qui lui fendit
l'épaule droite. (8)
Napoléon avait personnellement remarqué la brillante conduite du
lieutenant Brice, et, deux mois après Eylau, le 14 avril 1807,
notre compatriote recevait l'Etoile de la Légion d'honneur qu'il
avait si noblement méritée par sa bravoure.
En Espagne.
Le lieutenant Brice partit ensuite pour l'Espagne avec la garde
impériale. Il se fit remarquer en maintes circonstances,
notamment au passage des défilés de la Sommo-Sierra, position
regardée comme inexpugnable par les Espagnol». (9)
C'est là que la cavalerie française, vaillamment soutenue par
les lanciers polonais, sous les ordres du général Montbrun,
escalada les pentes des montagnes et culbuta, dans une de ces
charges impétueuses, restées légendaires, toute l'infanterie
espagnole qui n'attendait pas l'ennemi. En quelques heures,
cette redoutable infanterie était précipitée dans les ravins,
dispersée, anéantie, laissant aux Français ses canons, ses
fusils et toutes ses munitions.
« Charge brillante s'il en fut, a dit Napoléon lui-même, dans le
10e Bulletin de l'armée d'Espagne, la plus audacieuse dont la
cavalerie ait donné l'exemple, et qui lui ouvrit la route de
Madrid. »
Pendant celle guerre si funeste à l'Empire et à la France,
guerre inexpiable, sans trêve ni merci, au milieu de populations
hostiles, irritées et fanatiques, où les moindres villages, les
couvents et les églises étaient transformés en forteresses à
prendre d'assaut une à une, le lieutenant Brice se montra
constamment à la hauteur des situations les plus délicates et
les plus difficiles.
Ayant à combattre un ennemi presque toujours invisible, caché
derrière les buissons et dans le creux des rochers, embusqué
jour et nuit au creux des ravins ou à la crête des monts, Brice
sut éviter bien des dangers, grâce à son énergie, sa prudence de
tous les instants et sa connaissance de l'art militaire.
Beaucoup de ses soldats durent ainsi leur salut au jeune chef
habile qui les conduisit à travers ce pays, si profondément
hostile à la France.
Brice en Autriche : Wagram. - Lieutenant en 1er.
Mais de nouvelles victoires, sur d'autres champs de bataille,
étaient encore réservées à l'Empire.
L'Angleterre, persévérant dans sa politique de haine, avait noué
les fils d'une nouvelle coalition contre la France, aidée par
l'Autriche qui espérait prendre sa revanche.
Le 12 avril 1809 ou annonça officiellement à Paris la reprise
des hostilités. Napoléon envoya aussitôt Berthier afin de
grouper, en un seul faisceau, toutes les troupes françaises et
alliées, dispersées en Allemagne. Lui-même partit à peu près en
même temps et commença à concentrer ses troupes, rappelant la
Garde d'Espagne.
Le 20 avril, à la bataille d'Abensberg, remportée par Napoléon
lui-même, le 22, à la grande victoire d'Eckmühl, nous retrouvons
le lieutenant Brice, qui va également se couvrir de gloire le 6
juillet, à la fameuse bataille de Wagram. (10)
Dans cette journée mémorable, qui décida du sort de l'Autriche
et amena le traité de Vienne (14 octobre 1809) l'archiduc
Charles abandonnait, en se retirant, 30.000 hommes tués, blessés
ou faits prisonnière, 40 pièces de canon et 10 drapeaux.
Malheureusement, nous perdions 18.000 hommes et le vaillant
général de cavalerie Lassalle (1775-1809) dont la statue
équestre se dresse, depuis 1893, au milieu de la cour d'honneur
du château ducal et royal de Lunéville.
Macdonald, Marmont et un Lorrain, Oudinot, sont faits maréchaux
sur le champ de bataille, et Brice est nommé lieutenant en
premier, signalé nominativement à la bienveillante attention de
l'empereur.
Le 24 octobre, Napoléon Ier rentrait à Paris avec sa Garde,
après avoir signé, dix jours auparavant, le traité de Vienne qui
terminait la 5e coalition de l'Europe monarchique contre la
France et son chef.
Campagne de Russie.
Ce fut comme lieutenant en premier des chasseurs de la Garde
(11) que Brice prit part, en 1812, à la désastreuse campagne de
Russie et à la plus désastreuse retraite qui suivit.
Après les premiers succès ce l'invasion, après Vilna et
Smolensk, Witepsk et Moscou, après l'effroyable tragédie de
septembre 1812 en cette ville sainte de l'antique Russie, il
fallut commencer la retraite, en maintenant l'ennemi et en lui
livrant une série de batailles indécises.
Le 24 octobre, au combat de Malo-Jaroslawetz, Brice se battit
avec une telle impétuosité, que la manche de son habit fut
teinte entièrement du sang des cosaques qu'il avait tués, et qui
étaient commandés par l'hetman Platow.
Je n'ai pas, dans cette biographie si modeste, à rappeler tous
les épisodes lamentables de la retraite de Russie, où devait
périr en grande partie cette merveilleuse armée de Napoléon.
Mais il me faut pourtant signaler la conduite héroïque de Brice
et l'abnégation admirable dont il fit preuve en ces journées
d'angoisse. D'autres lorrains, du reste, lui montrèrent
l'exemple, Ney, le brave des braves, Drouot, (12) le Sage de la
Grande-Armée, le commandant Vaudeville, (13) de
Saint-Nicolas-de-Port, etc..
Dans ces jours si lamentables, où se révélèrent les précieuses
qualités de son cœur, Brice fut constamment préoccupé du sort de
ses soldats ; il partageait leurs fatigues et leurs misères, et,
souvent, les allégeait ; il veillait sur eux avec une vigilance
presque paternelle, ranimant leur courage, relevant leur moral
abattu, et leur faisant entrevoir la fin prochaine de leurs
souffrances, à tous.
Par son exemple si réconfortant et surtout par la confiance
qu'il inspirait à ses hommes, il eut la grande satisfaction de
ramener sains et saufs jusqu'à Vilna, en bon ordre et avec
discipline, une foule de soldats de tous les corps de la Garde.
Il est certain que, sans l'admirable dévouement de Brice, tous
ces pauvres démoralisés qui battaient en retraite devant les
cosaques, comme aussi devant l'hiver et la faim, auraient trouvé
la mort dans les plaines placées de la Russie ou même dans
l'effroyable désastre de Vilna, en décembre 1812.
Invasion en 1814.
L'année 1814 et l'invasion en France des alliés de la 6e
coalition trouvèrent Brice chef d'escadron dans la Garde
impériale.
Quand, après des prodiges de valeur et malgré les victoires
prodigieuses de Champaubert, Montmirail, Château-Thierry
Vauchamps, Moret et Montereau, l'empereur reconnut que la
France n'était plus en mesure de lutter contre les troupes
coalisées, il connut un nouveau plan, plan de hardiesse
extraordinaire.
Napoléon résolut de se jeter sur les lignes de communication de
l'ennemi, de couper ses routes, de détruire ses convois et de
soulever les paysans sur ses derrières. Il voulait ainsi rallier
les garnisons de Lorraine et d'Alsace, barrer les défilés de nos
Vosges, et séparer de l'Allemagne les envahisseurs du
sol français.
C'est à ce moment suprême que Napoléon se souvint de Brice. Il
le fit appeler aussitôt et le chargea de partir sur le champ
pour la Lorraine, muni de pleins pouvoirs et d'instructions
confidentielles, et d'y provoquer une levée en masse de
patriotes dans tous les départements lorrains. Brice accepta
avec enthousiasme cette mission de confiance, mission bien
délicate et bien difficile, mais qui répondait si bien à son
tempérament énergique et audacieux.
Sans perdre un seul jour, Brice, à son bivouac de Saint-Dizier,
adressa à ses compatriotes la proclamation suivante:
Habitants de la Meurthe !
« L'Empereur des Français et roi d'Italie m'a ordonné de me
rendre dans le département de la Meurthe, afin d'y réunir tous
les militaires en retraite, ceux prisonniers qui se seraient
échappés des mains de l'ennemi, et que votre attachement pour
vos compatriotes vous a mis dans le cas de réfugier; ceux depuis
vingt jusqu'à quarante ans de la levée des 300.000 hommes qui
n'ont point rejoint; les gardes-forestiers et les employés du
gouvernement non en exercice, pour concourir à la défense de la
Patrie, et pour vous mettre à l'abri du sort qui est préparé, et
que nos concitoyens de la Champagne, de la Bourgogne, de la Brie
et de la Picardie ont éprouvé par les armées coalisées.
J'aurais trop à dire si je traçais le tableau de ces quatre
provinces: les soldats ennemis se sont portés à des excès que la
civilisation française n'a jamais conçus.
Invitez-les donc à se réunir à moi ; je les conduirai où
l'honneur, guide du soldat français, l'intérêt de la nation
entière, la tranquillité de leur famille et celle de leurs
compatriotes, et enfin leur sûreté à venir les appellent.
Rappelez-vous que vous êtes Français, quoique envahis!
Ne vous laissez point anéantir par les menaces des autorités
alliées!
La Patrie est une cause bien honorable à défendre! C'est un
devoir, qu'en naissant, la nature impose à l'homme, et il
contracte envers elle cet engagement, dès qu'il prend rang parmi
les citoyens.
Je vous invite à m'apporter les armes que vous avez par devers
vous; je vous fais connaître l'usage, que la fidélité à notre
souverain, l'amour pour ma patrie, ses intérêts et l'honneur,
m'inspirent d'en faire.
N'aidez point, en remettant vos armes à vos ennemis, à tuer vos
enfants, vos parents, vos compatriotes!
Lorsque l'ennemi sera hors du territoire français, tous ceux qui
ne sont point militaires en activité seront libres de retourner
dans leurs foyers. »
Signé: Brice, ainé.
Capitaine aux chasseurs à cheval de la garde impériale,
Chevalier de la Légion d'honneur et de la Réunion,
Commandant un détachement de troupes françaises et partisans
dans les départements envahis.
Au bivouac, près de Saint-Dizier, le 27 mars 1814.
Hélas! il était déjà trop tard.... et les efforts héroïques des
braves qui répondirent à cet appel ne pouvaient plus rien.
Le 30 mars à dix heures du soir, Paris avait capitulé. Napoléon
s'était replié sur Fontainebleau. Il signait son abdication le 6
avril, le jour même où le Sénat, après avoir rédigé hâtivement
un semblant de constitution, appelait au trône de France le
comte de Provence, le nouveau Louis XVIII.
Le 20 avril au matin, Napoléon faisait à sa garde les célèbres
adieux de Fontainebleau, et il partait pour l'île d'Elbe,
accompagné jusqu'à Raonne par Lefebvre-Desnouette et ses
chasseurs.
La Restauration et les Cent-Jours.
Le 6 avril 1814, le Sénat impérial avait rétabli la monarchie
des Bourbons, et le 3 mai suivant, Louis XVIII faisait son
entrée solennelle dans sa capitale.
Comme la plus grande partie de ses compagnons d'armes, Brice,
qui n'avait pas à s'occuper des changements de politique, adhéra
au nouveau régime de sa Patrie. Le gouvernement royal maintint
l'officier lorrain dans son grade; mais la garde impériale, qui
était suspecte - et à bon droit - fut éloignée de Paris. Une
partie fut envoyée à Metz, et le régiment des chasseurs, dont
Brice faisait partie, vint tenir garnison à Cambrai, sous les
ordres du général de division Lefebvre-Desnouettes, et sous le
nom de chasseurs royaux.
A la première nouvelle du retour de Napoléon, qui avait
subitement quitté l'Ile d'Elbe le 25 février 1815, Brice se mit
en rapport avec le général Lefebvre-Desnouettes, son ancien
colonel. Ce général, très dévoué à l'empereur, avait conçu, avec
les généraux Lallemand et Drouet d'Erlon, le projet audacieux de
s'emparer du dépôt d'artillerie de La Fère.
Le général Lefebvre-Desnouettes chargea le commandant Brice de
plusieurs missions importantes, celle entre autres de pressentir
les deux corps des chasseurs du Berry et des chasseurs royaux,
en garnison à Compiègne.
Mais l'hésitation qu'il remarqua dans ces deux régiments et les
nouvelles peu favorables que Lefebvre et Lallemand venaient de
recevoir, firent échouer leurs projets et même les
contraignirent à pourvoir au plus tôt, par la fuite, à leur
sûreté personnelle (14).
Déjà Brice avait appris, par une dépêche télégraphique, que son
arrestation était ordonnée ; il se hâta de revenir à Cambrai, se
plaçant sous la protection de son régiment. Et comme, en ces
heures de troubles et d'angoisse pour la royauté, on craignit
que l'arrestation du commandant Brice, au milieu de ses soldats,
n'entraînât un soulèvement général, l'ordre ne fut pas mis à
exécution.
Quelques jours après, le 17 mars, le duc d'Orléans (le futur
Louis-Philippe) et le duc de Trévise, vinrent à Cambrai pour
passer la revue de ce régiment de chasseurs, si suspect aux
royalistes. Déjà tous les insignes de la monarchie avaient été
brisés au quartier et les fleurs de lys arrachées des étendards.
La revue fut passée à pied, dans la cour de la caserne, car on
redoutait les excitations du peuple...; et les soldats, après la
revue, manifestaient l'intention d'aller saccager l'archevêché
où était descendu le prince.
Heureusement, Brice et Assant, les deux chefs d'escadron,
s'interposèrent, firent fermer les portes du quartier, mettre
des sentinelles partout, ramenant ainsi leurs hommes dans le
calme et le devoir. Mais, à la nouvelle des événements de Paris,
le régiment des chasseurs de la Garde quittait Cambrai à marches
forcées, se dirigeant vers la capitale aux cris de: « Vive
l'Empereur ! »
Brice Colonel. - Les Partisans dans les Vosges.
Napoléon, qui n'avait pas oublié les services importants que
Brice lui avait rendus en 1814, lui confia bientôt une nouvelle
mission. Il le nomma d'abord colonel, avec le commandement du 2e
corps de chasseurs volontaires dans la Meurthe.
Muni des pleins pouvoirs de l'empereur, Brice accourut dans les
Vosges, pour y organiser une vigoureuse résistance (15).
Il adressa un nouvel appel au patriotisme des départements
limitrophes, et c'est avec ces héroïques volontaires, hommes
dévoués et intrépides, la plupart gardes-forestiers, anciens
soldats, vétérans mutilés des guerres de la République et de
l'Empire, tous armés simplement de carabines et de fusils de
chasse, que, pendant plusieurs mois, notre vaillant compatriote
fit une guerre de partisans aux Allemands qui occupaient le
pays. - Guerre sans trêve ni merci, que vous avez revue,
Messieurs, aux heures terribles de 1870-1871, et dont plusieurs
épisodes se sont passés dans cette glorieuse avant-garde de la
Délivrance, dont votre confrère, M. Merlin, a récemment retracé
les exploits.
Brice avait devant lui un corps de Bavarois commandé par le
marchai-prince de Wrède.
Il le harcelait sans cesse, l'attirait dans des embuscades
habilement préparées, lui enlevait ses convois et ses munitions,
et, par de très hardis coups de main, exécutés simultanément sur
plusieurs points à la fois, il lui fit éprouver tant d'échecs,
il lui fit subir des pertes si considérables, que de Wrède
résolut d'en finir (16).
Le maréchal allemand, irrité de cette résistance opiniâtre,
recourut aux mesures les plus rigoureuses contre Brice et ses
volontaires.
Dans une proclamation, datée du 24 juin 1815, pleine de menaces
pour nos populations lorraines, de Wrède traitait de « vils
brigands» les braves défenseurs des Vosges et déclarait Brice «
hors la loi ».
Six jours après, le 30 juin, le prince allemand publiait et
faisait afficher dans toutes communes l'ordre suivant:
Ordre:
Le nommé Brice, domicilié à Lorquin, arrondissement de
Sarrebourg, département de la Meurthe, s'étant, encore hier,
trouvé à la tète d'une bande de brigands, est, conformément à
l'article 1er de ma proclamation du 24 juin, déclaré hors la
loi.
Il sera arrêté partout où il sera trouvé, traduit devant une
commission militaire et jugé dans les vingt-quatre heures, par
les habitants de Lorquin, que je rends responsables de
l'exécution.
MM. le Préfet et les Sous-Préfets du département de la Meurthe
donneront, sous leur responsabilité personnelle, suite au
présent arrêté, qui sera imprimé et affiché dans toutes les
communes des départements des Vosges, de la Meurthe et de la
Moselle.
Fait au quartier général à Nancy, le 20 juin 1815.
Le Feld-Maréchal,
Prince de Wrède.
Pour copie conforme:
Le général, chef de l'état-major général,
Comte de Rechberg.
Ces menaces terribles n'eurent d'autre effet que d'exaspérer de
plus en plus ceux à qui elles s'adressaient. La lutte n'en
devint bientôt que plus acerbe et plus violente.
Les corps francs qui occupaient les Vosges et le Jura avaient
été renforcés de beaucoup de paysans insurgés; leurs forces
réunies étaient d'environ 25,000 hommes, disséminés, il est
vrai, mais qui pouvaient être réunis au premier signal.
L'armée coalisée fut longtemps arrêtée sur la route de
Strasbourg à Metz, encaissée dans une forêt, par crainte des
partisans, qu'on s'imaginait cachés en nombre dans les bois,
sous les ordres de Pierre de Lagarde, lieutenant de Brice. Quand
enfin les alliés se décidèrent à franchir le fameux défilé, ils
ne trouvèrent personne au passage... et alors, pour se venger,
ils mirent le feu à une maison, rebâtie depuis, et qu'on nomme
Hogard ou le château-brûlé (17)
L'audace des volontaires lorrains étaient telle que le
quartier-général des armées coalisées, à la tête duquel se
trouvaient le roi de Prusse et les empereurs d'Autriche et de
Russie, étant arrivé le 2 juillet à Sarrebourg et y ayant
séjourné jusqu'au lendemain, il s'en fallut de bien peu qu'ils
ne fussent enlevés par le corps des partisans du colonel Brice
(18).
Pendant cette malheureuse invasion, le colonel Brice, loin de
s'approprier les nombreuses prises faites à l'ennemi, les
partagea toujours avec ses soldats; c'est ainsi, qu'ayant un
jour saisi un caisson renfermant plus de 30,000 francs, il fit
former le carré à ses braves, et la somme intégrale, jetée sur
des manteaux, fut distribuée aux officiers et à leurs hommes
(19).
Le 18 juin 1815, avait eu lieu la fameuse bataille de Waterloo,
qui avait amené la chute de Napoléon et de l'empire.
Louis XVIII, revenu de Gand, avait été replacé sur le trône, et
Brice, toujours dans nos montagnes, n'avait pas encore déposé
les armes.
Le 19 juillet, après des pourparlers entre les généraux russes
et le comte d'Alopéus, chargé de l'administration de la Lorraine
(20), au nom des puissances alliées, le colonel Brice signa
enfin, avec le colonel russe, prince Orloff, la capitulation
suivante:
« Entre le colonel Orloff, commandant un détachement du 7e corps
d'armée de Sa Majesté Impériale de toutes les Russies, dans les
Vosges, au nom des hautes puissances alliées d'une part,
Et le chef d'escadron Brice (21), commandant le 2e corps des
chasseurs volontaires de la Meurthe, au nom du gouvernement
français, d'autre part.
Article Ier. Dès ce moment, toutes les hostilités cessent entre
les troupes alliées et celles commandées par le chef d'escadron
Brice.
Article II. Le chef d'escadron Brice s'engage à déposer les
armes à Frémonville, et à dissoudre son corps dans les
vingt-quatre heures de la ratification de la présente convention
par le commandant du 7e corps d'armée, le général Sabanieff.
Quant aux parties détachées de son corps, M. Brice enverra les
ordres en conséquence, et nommera les chefs qui les commandent
et les lieux où ils se trouvent.
Article III. Le chef d'escadron Brice et MM. les officiers dont
les noms suivent, savoir ... ... s'engageront, chacun sous leur
parole d'honneur, en rentrant dans leurs foyers, autres que les
places fortes qui n'ont point encore arboré le drapeau blanc, à
ne rien entreprendre contre les hautes puissances alliées, à
moins qu'ils n'y soient autorisés par leur gouvernement légitime
et reconnu des puissances alliées.
Ils conserveront leurs armes et bagages.
Article IV. Le chef d'escadron Brice et les officiers sous ses
ordres désigneront les endroits de leurs domiciles où ils
désirent rentrer après la dissolution du corps; et si
quelques-uns de ces officiers préféraient se retirer ailleurs
que dans leurs domiciles, il leur sera délivré des passeports à
Nancy.
Article V. Le délai de 24 heures expiré, ceux qui seraient
trouvés en armes, attaquant quelques individus appartenant aux
puissances alliées, seront regardés comme brigands et traités
comme tels.
Article VI. - Il ne sera fait aucune recherche contre ceux qui
ont servi dans le 2e corps des chasseurs volontaires de la
Meurthe, non plus que contre leurs parents, soit dans leurs
personnes, soit dans leurs propriétés.
Fait double à Frémonville, le 19 juillet 1815.
Signé Orloff (Alexis),
Commandant dans les Vosges un détachement du 7e corps d'armée de
Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies.
Signé : Brice,
Chef d'escadron.
Vu et approuvé par moi, commandant le 7e corps d'armée
Signé : Général Sabanieff.
Par Son Excellence, le lieutenant-général commandant le 7e corps
d'armée russe,
Le général-major, chef d'état-major,
Signé : Orloff (Michel) »
Proscrit!
A la suite de cette honorable capitulation, le colonel Brice
pouvait se croire à l'abri de toute poursuite ultérieure. Mais
il avait compté sans la Terreur Blanche et l'effroyable réaction
qui était si puissante dans les conseils de la nouvelle
monarchie.
Bien des favoris du jour avaient des rancunes personnelles à
satisfaire ; il leur fallait de nombreuses victimes. Ney et le
colonel Labédoyère étaient tombés, véritablement assassinés
juridiquement; Drouot, le sage Drouot n'avait échappé au même
sort qu'à la faveur d'une seule voix.
Brice fut du nombre des soldats de l'Empire condamnés par les
conseils de guerre de la Restauration.
Compris dans l'article Ier de la fameuse ordonnance royale (22)
du 24 juillet 1815, Brice fut immédiatement traduit devant un
conseil de guerre, qui le condamna à mort par contumace, car
notre hardi compatriote avait réussi à s'échapper et à gagner la
frontière.
Il se réfugia tout d'abord à Bruxelles, où, pendant quelque
temps, il vécut honorablement, entouré de l'estime de tous ceux
qui le connaissaient (23). Mais bientôt, les incessantes
tracasseries de la police d'alors, les perquisitions du
gouvernement hollandais (la Belgique ne formait pas encore un
état indépendant), le contraignirent à demander un asile à
l'Allemagne.
Le général russe Michel Orloff, que Brice avait combattu avec
tant d'acharnement en 1815, n'hésita pas à recommander pourtant
son terrible adversaire à la princesse royale des Pays-Bas. Dans
une lettre très élogieuse pour le colonel Brice, le prince
Orloff demandait à la future souveraine son bienveillant appui
envers un soldat malheureux (24).
Mais cette lettre si généreuse n'eut aucun résultat effectif, et
Brice dut quitter Bruxelles, pour errer de ville en ville, à
travers les pays allemands.
La lettre suivante, adressée à un journal de l'époque (25),
indique les principaux points et corps de délit qui avaient
servi aux conseils de guerre de la Restauration pour faire le
procès criminel de Brice:
« A Messieurs les Rédacteurs du Mercure surveillant,
« Messieurs, dans les Tablettes historiques du n° 15 du Nain
jaune, il est question du corps des chasseurs volontaires de la
Meurthe que je commandais pendant la dernière guerre, et qui se
trouvait, à cette époque, faire partie des troupes françaises,
opposées au 7e corps de l'armée russe, commandé par M. le
lieutenant-général Sabanieff.
Cet article ayant été rédigé d'après des conditions générales,
les faits particuliers n'y étant cités que comme preuves à
l'appui, il n'est pas étonnant que ceux qui me concernent
n'aient été relatés qu'en partie, et qu'on ait omis totalement
ceux qui sont relatifs à mes compagnons d'armes.
Je crois devoir, Messieurs, vous prier de m'aider à réparer
cette omission, qui prouvera d'autant plus la perfidie des
agents du gouvernement actuel en France, à l'égard des hommes
qui ont pris part à la défense de la Patrie.
Parce que les journaux de Paris, qui ne s'écrivent que sous la
dictée de la police, se gardent bien de révéler les iniquités de
ses vils agents, on s'imagine dans l'étranger, et même en
France, que la hache des bourreaux n'a frappé que des têtes
illustres, tandis qu'une quantité de têtes obscures roulèrent
sur la poussière.
Je puis citer, relativement à ma troupe seule, trois
condamnations à mort, dont une a déjà reçu son exécution.
Quand on ne condamne pas à mort, on y supplée par la marque et
les galères. Pardonnez cette digression, je reviens aux faits:
Dans le cours de la campagne dernière, j'envoyai à M. de
Chatillon, ex-maire du Val (Meurthe) (26), deux officiers de
hussards, MM. le capitaine l'Eté, du 8e régiment, et le
sous-lieutenant Parmentier, du 3e régiment.
Ces Messieurs avaient mission, de ma part, d'inviter M. de
Chatillon, ancien noble et riche propriétaire, à faire préparer
les vivres nécessaires au rafraîchissement de ma troupe.
M. de Chatillon les prit pour deux officiers autrichiens, leur
témoigna toute la joie qu'il éprouvait de leur entrée sur le
territoire français, et leur fit des offres de service, non
seulement en vivres et rafraîchissements, mais encore en armes
et munitions. Il avait en sa possession, outre une vingtaine de
fusils, deux pièces de canon.
Un de mes deux officiers, étant venu me communiquer la méprise
de M. de Chatillon, j'ordonnai sur le champ au lieutenant
Deveney, du 55e régiment de ligne, de se rendre avec plusieurs
hommes près de lui, et de le sommer, de ma part, de faire la
remise de toutes les armes qu'il avait cru offrir à des
officiers autrichiens.
Cet ordre fut exécuté.
Croirait-on que maintenant cette action a été considérée comme
vol avec violence, que le lieutenant Deveney, officier des plus
recommandables, et les militaires qui lui ont obéi, ont été
recherchés, traduits devant le tribunal criminel de Nancy et
condamnés, savoir: le lieutenant Deveney à la marque et aux
galères, et ses compagnons d'armes, à la marque également et à
vingt ans de travaux forcés.
Cependant le lieutenant Deveney était nommément cité dans la
convention que j'ai conclue avec le colonel russe Orloff,
convention ratifiée par M. le général en chef Sabanieff, relatée
dans le Moniteur du 2 août 1815, et portant, article 6:
« Il ne sera fait aucune recherche contre ceux qui ont servi
dans le 2e corps des chasseurs volontaires de la Meurthe, non
plus que contre leurs parents, soit dans leurs personnes, soit
dans leurs propriétés ».
Il est à remarquer que, dans la défense du lieutenant Deveney,
M. l'avocat Bresson, son défenseur, fit valoir, en sa faveur,
qu'il n'avait agi que d'après mes ordres, moi-même étant
commissionné par le ministre de la guerre (27).
A quoi M. de Metz, procureur du roi, répondit: « Belle
commission d'un ministre qui ne l'était pas! »
Sur quoi M. Bresson répondit: « qu'il était étonnant que M. le
procureur du roi, connaissant toute l'importance de ses
fonctions, eut siégé également comme procureur impérial, du
temps de l'usurpateur, en vertu des ordres d'un ministre qui ne
l'était pas. »
Maintenant on instruit la procédure de dix chasseurs volontaires
qui, se trouvant aux avant-postes de mon corps, et m'ayant amené
deux déserteurs français, ont administré, par mes ordres, une
correction fraternelle à l'un d'eux, canonnier à cheval du 2e
régiment qui avait déserté de devant Paris avec armes et
bagages, et avait vendu son cheval à un habitant de la campagne;
ma position ne me permettait pas de le traduire devant un
conseil de guerre.
J'ordonnai, en outre, que ses vêtements militaires fussent
distribués aux braves de ma troupe.
Ce fait est considéré, aujourd'hui, comme abus de pouvoir et
vol.
C'est ainsi qu'en France les passions changent en délits
criminels les devoirs les plus sacrés de la guerre.
Si la conduite que j'ai tenue à l'égard de M. de Chatillon et du
canonnier déserteur est trouvée répréhensible, qu'on me dise
quel traitement aurait encouru en Russie, en Allemagne et
en Angleterre, un déserteur, arrêté en flagrant délit, et un de
Chatillon qui se fût réjoui de l'invasion des ennemis, et leur
eût offert des armes et des munitions contre sa patrie.
Il y a plus, je voulais le taire, mais puisque l'injustice me
force à parler, je dirai que, malgré l'odieux des offres de M.
de Chatillon, j'ai eu l'attention de lui envoyer une sauvegarde
pour soustraire, à la juste fureur des soldats, sa personne et
ses propriétés.
Et cependant c'est moi qu'ils ont condamné à mort ! (28).
J'ai l'honneur d'être, etc..,
L'ex-chef d'escadron aux chasseurs à cheval de la garde
impériale,
BRICE. »
On le voit, la Restauration n'était pas tendre pour les vétérans
de l'Empire et les fidèles de Napoléon et Brice exilé, dut
attendre des jours meilleurs.
Retour en France. - Mise à la retraite d'office.
Après trois longues années d'exil, qui lui parurent des siècles,
le colonel Brice, voyant peu à peu les passions politiques
s'apaiser, se décida à rentrer en France, afin d'y purger sa
double contumace.
Le 23 décembre 1819, la Cour de cassation, annulant toute la
procédure du conseil de guerre de 1816, renvoyait l'héroïque
soldat lorrain devant les juges ordinaires du conseil de guerre
de la division militaire de Metz.
Le 22 avril 1820, Brice était acquitté, à l'unanimité, et rendu
à la liberté, avec son grade de chef d'escadron et à ses
fonctions militaires. Le 16 août 1821, une ordonnance du roi
Louis XVIII l'admit au traitement de réforme en la qualité et au
titre de simple chef d'escadron, la Restauration ne voulant pas
reconnaître, encore moins valider, les grades conférés par
Napoléon durant les Cent-Jours. Finalement, le 13 mars 1822,
Brice était définitivement admis à la retraite. Il n'avait pas
40 ans.
Le voilà donc, en pleine maturité, rendu à l'inaction forcée
dans la vie privée. Il sut, dans sa retraite (momentanée), vivre
honorablement, entouré de l'estime de tous ceux qui le
connaissaient et savaient ce qu'il avait fait, et de l'affection
de ses nombreux et fidèles amis.
Il se plaisait à entretenir une correspondance très active avec
les personnages politiques et militaires les plus en vue de
l'époque, notamment le célèbre général Lafayette, son
compatriote le maréchal Gérard (29), un illustre Meusien, avec
Casimir-Périer, le grand orateur, le futur ministre de
Louis-Philippe, avec Benjamin Constant, le publiciste si connu,
avec d'autres membres de l'opposition libérale qui voyaient bien
les dangers que la réaction faisait courir à la France sous les
règnes de Louis XVIII et Charles X.
Brice, depuis Paris ou la Lorraine, où il résidait tour à tour,
était également en relations très suivies avec la famille de
Louis Bonaparte (30), l'ex-roi de Hollande, et avec le futur
Napoléon III. Ces relations, fondées depuis longtemps sur une
affection réciproque, embellissaient ainsi les loisirs forcés de
ce vaillant soldat, dont on avait brutalement brisé l'épée, à
l'heure où il pouvait encore rendre de si grands services à la
patrie qu'il chérissait tant.
Révolution de 1830. - Rappel à l'activité.
A l'heure même où la Révolution de Juillet s'accomplissait en
France, où Charles X était obligé de céder et d'abdiquer, Brice
était en Angleterre. Il s'empressa de repasser le détroit et de
se mettre, à Paris, à la disposition du nouveau gouvernement.
Le ministre de la guerre (31) lui rendit ses fonctions et son
grade de colonel, et le rappela immédiatement à l'activité en
lui donnant le commandement du 3e régiment de cuirassiers, qui
était à Lille. En venant se mettre à la tête de ce beau et brave
régiment (32), le colonel Brice publia un ordre du jour
sensationnel, dont voici les principaux passages:
« Mes Camarades,
« Je m'honore d'être appelé à vous commander, et je m'en honore
d'autant plus que dans les événements qui viennent de se passer,
vous avez su allier l'amour de la Patrie à vos devoirs.
Persistez à marcher dans ses principes.
Nous devons tous fidélité et dévouement au gouvernement que la
France s'est choisi. Le gouvernement déchu nous avait été imposé
deux fois par l'étranger; son existence ne pouvait durer.
Le roi Louis-Philippe Ier a été .placé au trône par le vœu et
l'acclamation de l'immense majorité des Français ; c'est un
roi-citoyen; soyons fiers de l'avoir à notre tête.
Nous devons également tous obéissance aux lois. Sans
l'observation des lois, il ne peut exister d'ordre, et c'est de
l'ordre d'où dérive le bien.
Mes camarades, continuez d'obéir à vos chefs lorsqu'ils vous
commanderont pour le bien du service. Si vous leur devez
l'obéissance, ils vous doivent justice et protection, et vous
avez le droit de l'attendre d'eux
Je vous recommande de vivre en bonne harmonie avec les habitants
des villes où vous vous trouverez en garnison, n'importe la
classe à laquelle ils appartiennent; vous êtes leurs concitoyens
et ils sont les vôtres.
N'oubliez jamais que vous êtes citoyen avant d'être soldat, et
qu'étant soldat, vous ne perdez pas ce titre. »
Le ministre de la guerre envoya le 3e cuirassiers tenir garnison
à Lunéville, dans l'ancien et magnifique château des ducs de
Lorraine et du roi Stanislas de Pologne (33).
Pour se rendre à sa nouvelle destination, le régiment dut passer
par Nancy et y faire étape.
Ce jour-là, plus de 3,000 gardes nationaux, suivis d'une foule
considérable, portant des drapeaux tricolores, allèrent
au-devant des cuirassiers et du colonel Brice, pour faire à ce
dernier une réception vraiment digne de lui.
Sur l'un des drapeaux de la garde nationale, on lisait ces mots,
en lettres d'or: « Honneur au colonel Brice, condamné à mort
pour la liberté, en 1815 ».
En tête de la garde nationale, on remarquait et l'on se montrait
avec attendrissement, l'une des plus glorieuses victimes des
procès de la Terreur blanche, l'illustre général Drouot, en
uniforme de simple lieutenant d'artillerie.
Drouot avait tenu à garder ce rang modeste et à prendre ce titre
de lieutenant pour venir saluer et serrer affectueusement la
main de son ami et ancien subordonné, son brave compatriote
Brice.
En 1833, le 3e cuirassiers fut désigné pour venir à Paris,
assister, le 28 juillet, au rétablissement solennel de la statue
de Napoléon Ier sur la colonne Vendôme.
Au soir de cette journée, Brice disait au duc d'Orléans, fils
aîné de Louis-Philippe : « Prince, si j'avais connu ce matin la
position exacte de la statue de l'empereur, j'aurais commandé le
salut à mon régiment ! » A quoi le prince répondit : « Et vous
auriez bien fait, colonel ! »
L'échauffourée de Strasbourg. - Nouvelle disgrâce.
Le 30 octobre 1836, le prince Louis-Napoléon, fils de l'ancien
roi de Hollande et de la reine Hortense de Beauharnais, arrivé
la veille incognito à Strasbourg, avait réussi, par ses
proclamations, à entraîner plusieurs régiments d'artillerie de
cette ville frontière.
Ce mouvement, dans la pensée du prince, devait amener en France
une révolution militaire et politique en sa faveur et en faveur
de la dynastie impériale dont il était alors le chef, le fils
unique de Napoléon, l'infortuné roi de Rome (l'Aiglon) étant
mort en 1832 à Schoenbrünn.
Déjà son audacieuse tentative, grâce au colonel de Vaudrey,
avait reçu un commencement d'exécution; heureusement elle fut
déjouée par la police royale, le 46e de ligne et les efforts du
général Voirol, qui commandait à Strasbourg.
Le prince, arrêté avec ses complices, fut conduit à Paris, et le
21 novembre suivant, sans jugement, le gouvernement de
Louis-Philippe - trop généreux - le faisait embarquer pour
l'Amérique.
Mais, le jour où éclatait à Strasbourg cette sédition militaire,
le colonel Brice, qui tenait alors, depuis peu, garnison à
Haguenau (34), avait reçu un billet singulier:
« Colonel,
« Je viens de me rendre maître de Strasbourg, ce qui doit vous
surprendre. La France va enfin secouer le joug honteux du juste
milieu. Dans un jour aussi solennel, le concours d'un vieux
soldat comme vous le rendrait encore plus éclatant.
Accourez donc avec votre beau régiment; la liberté et la patrie
vous appellent par ma voix.
Napoléon-Louis.
Strasbourg, 30 octobre 1836. »
De son côté, le général Voirol informait le colonel Brice des
événements qui venaient de se passer dans la matinée:
3° DIVISION MILITAIRE
« Strasbourg, le 30 octobre 1836.
Mon cher Colonel,
« Une entreprise criminelle, ayant pour but de changer le
gouvernement a été tramée par quelques militaires; cette
tentative a échoué par la fidélité des troupes. Toutes les
mesures sont prises pour le maintien de l'ordre public.
Je m'empresse de vous donner cet avis, afin que vous teniez
votre régiment dans la main et soyez prêt à exécuter les ordres
que je serais dans le cas de vous donner.
Recevez, mon cher colonel, l'assurance de ma considération
distinguée.
Le lieutenant-général,
commandant la 3e division militaire,
Le lieutenant général Voirol. »
Brice n'avait trempé en rien dans cette affaire dont il ignorait
le premier mot... mais, en haut lieu, on connaissait ses
relations d'amitié avec la famille du prétendant. Malgré ses
dénégations réitérées et sa parole de soldat, Brice fut
gravement soupçonné d'avoir pris une part secrète à la
conjuration et, six semaines après, il était mis en
disponibilité.
Le général Voirol prévenait ainsi de cette mesure rigoureuse le
brillant colonel du 3e cuirassiers:
« Ce 24 novembre 1836.
« Mon cher Colonel,
« J'ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre: vous êtes mis en
disponibilité par retrait d'emploi.
Comme le ministre (35), en m'annonçant cette fâcheuse nouvelle,
me fait connaître qu'il consent-à recevoir, soit de vive voix,
soit par écrit, les communications que vous pourriez avoir à lui
faire, vous êtes autorisé à vous rendre à Paris; en attendant,
j'ai ordre de vous rayer des contrôles et de remettre le
commandement de votre régiment à votre lieutenant-colonel.
Cette mesure rigoureuse est sans doute le résultat des
communications faites par la justice, car, en rendant compte au
ministre de la guerre de la bonne attitude de votre régiment
dans la journée du 30, je me suis borné, pour ce qui me
concerne, à demander que vous puissiez vous-même expliquer votre
conduite à M. le Ministre de la guerre.
Recevez, mon cher colonel, l'assurance de mon attachement.
Le général Voirol. »
A la nouvelle de cette disgrâce imméritée, la population tout
entière avec les notables de Haguenau s'empressèrent de
protester hautement en faveur de la loyauté du colonel Brice.
Mais leurs sollicitations et leurs lettres restèrent sans effet;
la mesure rigoureuse qui frappait Brice fut maintenue et le
colonel de cuirassiers enlevé à son régiment.
Brice en Algérie.
Quelques mois après, cependant, l'injustice dont il était
victime fut reconnue au ministère, et, au mois de mai 1837, le
colonel Brice fut envoyé en Afrique, en qualité de commandant de
la place de Bône, l'ancienne Hippone.
Cependant, comme sa lettre de service ne faisait mention que de
l'emploi à exercer, et non du grade, Brice ne voulut accepter
ces fonctions qu'à la condition expresse qu'il conserverait son
titre personnel de colonel de cavalerie, et qu'il serait comme
tel envoyé en Afrique.
Le général de Cubières, directeur du personnel au ministère de
la guerre (36), refusa nettement d'accéder à ce désir, pourtant
si légitime, et Brice préféra rester dans sa position de colonel
en retrait d'emploi, plutôt que d'accepter ce qu'il croyait être
- et avec raison - une véritable déchéance (37).
Il revint donc en France, et dans le courant de l'année 1838, il
fut chargé de l'organisation du casernement des troupes à
Nantes.
Replacé enfin dans le cadre d'activité, le 10 avril 1841 et mis
à la disposition du maréchal Bugeaud, gouverneur-général de
l'Algérie, Brice fut nommé, le 17 août suivant, commandant
supérieur à Philippeville.
Dans ce poste difficile, il eut maintes fois l'occasion de se
distinguer en plusieurs rencontres avec les Arabes et de prendre
une part glorieuse aux combats qui ont rendu si célèbres nos
armées d'Afrique à cette époque.
En 1842, le colonel Brice, dont l'équité et l'esprit conciliant
étaient fort appréciés des Arabes comme des Français, fut chargé
de régler les différends et les démêlés survenus entre des
tribus rivales. Il partit de Philippeville avec une colonne de
800 hommes, chargée de protéger sa mission, il arriva à Bône
sans avoir été entravé par aucune bande de pillards. Au
contraire, toutes les tribus nomades vinrent s'adresser à lui
avec empressement, désarmées et pleines de confiance, lui
exposant leurs griefs et toutes leurs réclamations.
Brice fit appeler à son tribunal les accusateurs et les accusés,
et, dans l'admirable vallée des Radjettas, il se voit un jour
entouré de près de 500 kabyles, auxquels il adresse ces
remarquables paroles, aussitôt traduites par les interprètes:
« Je ne vous apporte pas une justice turque; il n'y a pas de
bourreau avec moi ; venez à nous sans crainte ; c'est la justice
des peuples civilisés que je vous promets, la protection pour
vos personnes et vos biens, si vous êtes fidèles et dévoués. »
Huit jours après son départ, le colonel Brice rentrait à
Philippeville, après avoir heureusement terminé cette affaire
délicate, où tous les autres avaient échoué avant lui.
Rappelé en France au mois de juin suivant, Brice fut obligé de
renoncer à son commandement de Philippeville. Avant son départ,
la population de cette ville voulut lui donner une marque de son
estime et de son affection respectueuse. Elle lui fit remettre
une adresse conçue dans les termes les plus aimables et les-plus
flatteurs, adresse qui fut couverte d'un grand nombre de
signatures, parmi lesquelles celles des notables suivants: MM.
A. de Nobelly, Calherineau ainé, Boyer, Peisson, Joseph Borde,
Faucher, Olivier, ingénieur civil, etc...
Voici le texte de cette adresse:
« Philippeville, le 18 juin 1842.
« A Monsieur le colonel Brice, la population civile de
Philippeville,
« Colonel,
« L'époque où nous avons joui d'une autorité paternelle et
bienveillante a commencé avec votre administration, et nous ne
pouvons, au moment de votre départ, vous laisser ignorer que
vous emportez nos justes regrets.
Recevez, Colonel, ce pur témoignage de toute une population qui
vous aime et vous vénère, et gardera de vous un bien précieux
souvenir.
Vous avez donné dans ce pays un bel exemple à suivre, car vous
avez su réunir aux qualités qui ont illustré votre carrière
militaire, celles qui distinguent l'administrateur juste et bon,
l'homme de bien par excellence »
(suivent les signatures).
Le commissaire civil de Philippeville, qui tenait le colonel
Brice dans la plus haute estime, lui écrivit également la lettre
suivante, pour lui exprimer ses regrets personnels et ceux de
ses administrés:
« Philippeville, le 24 juin 1842.
« Monsieur le Colonel,
« La nouvelle de votre départ a produit sur la population civile
que j'administre une sensation profonde. Elle vous regrette bien
sincèrement, Monsieur le Colonel; elle avait trouvé en vous
l'homme juste et impartial qui lui était si nécessaire au milieu
des circonstances si difficiles où elle se trouve.
Souvenez-vous bien, Monsieur le Colonel, qu'elle ne vous
oubliera jamais. C'est une bien grande consolation pour l'homme
de bien que la certitude d'avoir rempli sa tâche à la
satisfaction de toute une population.
Mes regrets à moi ne sont ni moins vifs, ni moins sincères.
Mes relations avec vous, Monsieur le Colonel, ont été si
faciles, si agréables; vous y avez mis tant de bienveillance et
tant d'égards I Jamais je ne pourrai vous témoigner toute ma
reconnaissance.
Que nos vœux vous accompagnent, Monsieur le Colonel!
Puissions-nous bientôt apprendre que vous jouissez de tout le
bonheur que vous méritez.
Recevez, je vous prie, Monsieur le Colonel, l'assurance de ma
haute considération et de mes sentiments dévoués.
Le commissaire civil de Philippeville,
A. FENNEL. »
Notre illustre compatriote se montra très sensible à ces
témoignages si louables et si pleins de spontanéité. Ils furent
pour lui une précieuse compensation au milieu des ennuis de tout
genre qui allaient l'accabler à son retour en France.
Les injustices devinrent désormais le lot du colonel Brice; le
maréchal Soult, ministre de la guère (38), lui gardait toujours
rancune depuis l'affaire de Strasbourg, persuadé qu'il était que
Brice avait trempé dans le complot. Ce dernier eut beau se
disculper, par écrit, réitérer de vive voix ses dénégations,
affirmer par serment d'honneur que jamais il n'avait eu vent de
cette affaire, ses supérieurs affectèrent de croire à sa
culpabilité ou du moins à sa connivence tacite (39).
Brice, rentré en France, fut invité par le ministère, dès
l'année 1844, à faire valoir ses droits à la retraite.
Il était âgé de 61 ans et il y avait plus de 40 ans qu'il
servait la France, plusieurs fois blessé en ses nombreuses
campagnes, qui lui donnaient plus de 50 années de services.
Retraité comme colonel, Brice vint alors habiter au numéro 44 de
la rue de l'Equitation, tout près de sa famille, au milieu de
parents et d'amis qui l'entouraient de la plus respectueuse
vénération.
A Nancy, il s'effaça devant son frère, qu'on appelait le
commandant Brice, et qui accepta à la mairie les honorables
fonctions d'adjoint et de commissaire durant les premiers mois
de la seconde République (40).
Un des premiers actes du gouvernement provisoire fut de réparer
les nombreuses injustices du gouvernement de Louis-Philippe à
l'égard du vaillant colonel Brice.
Un décret du 28 février 1848 conféra à notre illustre
compatriote le titre de général de brigade.
Le nouveau ministre de la guerre, Jacques Subervie(41), l'en
informait le lendemain par cette lettre:
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTÈRE DE LA GUERRE
Paris, le 29 février 1848
« Colonel,
Je vous annonce que le Gouvernement provisoire, voulant
récompenser vos honorables services militaires et le patriotisme
dont vous avez donné des preuves réitérées, vous a promu au
grade de général de brigade.
En conséquence, vous êtes autorisé à prendre les marques
distinctives de ce grade.
Recevez, Général, l'assurance de ma considération distinguée.
Le Ministre de la guerre,
Subervie ».
Quelques jours après, le nouveau général Brice était appelé au
commandement de la subdivision des Vosges. Cette nomination, qui
réparait ainsi glorieusement une suprême injustice, fut
accueillie avec joie dans toute l'armée, et surtout par toutes
les populations lorraines qui avaient pour Brice le plus
respectueux attachement.
Le 4 mai 1848, Brice fut transféré au commandement de la 4e
subdivision de la 3e division militaire à Verdun (42).
C'est là que la politique vint le chercher à la fin de sa
brillante carrière.
A la suite de la Révolution de 1848, Louis-Napoléon Bonaparte
était rentré en France, briguant les suffrages de ses
concitoyens. On sait comment il fut élevé à la présidence de la
République, pendant qu'un de nos compatriotes, Boulay-de-la-Meurthe,
en devenait le vice-président.
Brice qui avait conservé des relations d'amitié avec les
Bonaparte (43) et la famille du nouveau Président, lui adressa
cette lettre de félicitations:
« Verdun, le 22 décembre
« Mon cher et digne Président,
« Si je ne suis pas, à cause de mon éloignement de Paris, appelé
à être un des premiers, à titre d'ancien ami de votre famille, à
vous féliciter bien sincèrement sur votre avènement à la
présidence de notre jeune République, cela ne me donne pas moins
le droit de me considérer comme étant un des premiers à
défendre, avec un dévouement éprouvé, le Gouvernement sous
l'égide duquel vous avez été rendu à votre patrie, à vos
affections de famille et à toutes vos sympathies politiques.
Vous avez une sublime et immense mission à remplir; aussi ai-je
la ferme conviction qu'en vous entourant d'hommes politiques
probes, nouveaux surtout, vous ne ferez pas défaut au mandat que
vos concitoyens vous ont décerné à une si grande majorité.
Contribuez de tous vos efforts à faire triompher la prédiction
lancée du haut du rocher de Sainte-Hélène par le Grand homme,
pour que l'Europe, dans un temps donné, soit plutôt républicaine
que cosaque.
En agissant en vue de la réalité de ce pronostic, qui se décèle
déjà, vous aurez un jour droit à la reconnaissance du monde
entier.
En m'exprimant ainsi, j'ai voulu vous donner une nouvelle preuve
de mon vieil et sincère attachement.
Le général Brice. »
Notre compatriote demeura en garnison à Verdun jusqu'au 6 mars
1850, date de son passage forcé à la retraite, par suite de la
loi sur les généraux de brigade ayant 45 années de services.
Mais auparavant, Brice faillit devenir député de la Meurthe et
voici comment:
Les élections pour l'Assemblée législative de 1849 approchaient.
A Nancy, de nombreux comités s'étaient formés dans ce but; et
une commission électorale napoléonienne, section de celle de
Paris, avait préparé un programme et une liste de candidats. Dès
le mois d'avril, cette commission demandait son adhésion au
général Brice, afin de le porter sur la liste. Le 2 mai, le
général écrivait de Verdun au comité électoral de Nancy qu'il
acceptait son programme - sous le bénéfice de la discussion.
La liste fut donc dressée. Elle comprenait neufs noms: 1° le
général Brice ; 2° le général Fabvier, de Pont-à-Mousson; 3°
Messine ; 4° le colonel Girard; 5° Jardot; 6° Charles de
Dombasle, frère du célèbre Mathieu de Dombasle; 7° Grandjean d'Alteville,
fils du général de ce nom; 8° Lefebvre; 9° le colonel de Watry.
Le comité, dans son Manifeste aux électeurs, présentait ainsi le
général Brice;
« 1° Général Brice, de Lorquin. - Le souvenir des corps-francs
en 1815 l'a placé haut dans l'estime de tous les hommes qui ont
admiré les derniers efforts du peuple français pour défendre le
sol, la patrie, contre l'envahissement de l'étranger; l'estime
particulière que lui porte Louis-Napoléon, son exil, ses
services depuis 1830, en France et en Algérie, sont à la fois le
meilleur éloge de son passé et la garantie de son avenir. »
Dans la Meurthe, il n'y eut pas alors moins de 15 listes de
candidats. Brice ne fut porté que sur une seule, celle du comité
napoléonien. Il ne fut pas élu à l'Assemblée législative, mais
il arriva pourtant le 10e sur une soixantaine de candidats. Il
fallait seulement neuf députés. Sur 84,134 volants, Brice obtint
20,153 voix. Le premier élu, M. de Watry, en avait 51,321 et le
dernier, le baron Viard, 20,407.
Mais Brice se consola facilement de ses déboires politiques. Il
n'était pas ambitieux ; il n'avait pas cherché ce mandat..., il
resta donc à son poste jusqu'à l'heure prochaine de l'inexorable
retraite.
Le 6 mars 1850, après 45 années de services effectif, le général
Brice, atteint par la limite d'âge prévue par la loi du 4 août
1839, cessa d'appartenir au cadre d'activité et fut admis,
d'office, à la retraite.
En lui annonçant cette décision du gouvernement de la
République, le ministre de la guerre, le général d'Hautpoul (44)
lui écrivait:
« Par application des dispositions de la loi du 4 août 1839,
tous les généraux de brigade, dès qu'ils atteignent l'âge de 62
ans, sont maintenant admis à la retraite. Cette disposition
n'avait été ajournée à votre égard, que parce que vous n'aviez
pas deux ans de grade, condition que vous remplissez aujourd'hui
; il n'était donc pas possible de faire plus longtemps, en votre
faveur, exception à la règle tracée par la loi.
Je regrette que, par l'effet de ces dispositions, le pays se
trouve privé de vos honorables services et de votre expérience.
»
Le 4 avril 1850, au moment de sa mise à la retraite, le général
Brice fut promu commandeur de la Légion d'honneur. Il était
officier depuis le 30 mai 1837.
Le Retraite et la Mort.
Dès sa mise à la retraite, le général Brice revint à Nancy,
auprès de son frère et de ses nombreux amis. Il avait 66 ans, il
pouvait espérer vivre encore plusieurs années. Mais cet homme
robuste ne put supporter l'inaction forcée...; ses blessures se
rouvrirent et le firent cruellement souffrir, l'amenant
lentement à sa fin. Après quelques mois passés à Nancy, le
général Brice y mourut le 3 février 1851, à l'âge de 67 ans,
après avoir fidèlement servi sa patrie depuis l'âge de 19 ans.
Le lendemain et les jours suivants, on lisait dans l'Espérance
de Nancy:
« Jeudi, 6 février 1851 : M. le général Brice est décédé lundi à
Nancy, à l'âge de 67 ans. »
« Samedi, 8 février: Les obsèques de M. le général Brice,
commandeur de la Légion d'honneur, ont eu lieu mercredi au
milieu d'un grand concours d'assistants, de fonctionnaires, de
militaires de tout grade. Les honneurs militaires lui ont été
rendus par les troupes de la garnison. Deux discours ont été
prononcés sur sa tombe par le colonel Adam et M. Porte. »
« Mardi, 18 février: Etat-civil de Nancy: décès du 3 au 9
février 1851: Jean-Nicolas-Noël Brice, 67 ans, général en
retraite, commandeur de la Légion d'honneur. »
M. le docteur Friot, premier adjoint au maire de Nancy, a bien
voulu me communiquer l'acte de décès du général Brice:
Département de Meurthe-et-Moselle
Ville de Nancy.
Extrait des Registres des Actes civils de la ville de Nancy
Chef lieu du département de Meurthe-et-Moselle
Le trois février mil huit cent cinquante-un, est décédé à Nancy,
rue de l'Equitation n° 44, Joseph-Nicolas-Noël Brice, âgé de
soixante-sept ans, natif de Lorquin, (Meurthe), général de
brigade en retraite, commandeur de la Légion d'honneur,
célibataire, fils des défunts Nicolas Brice et Jeanne-Ursule
Thiry, son épouse.
Pour extrait, délivré sur papier libre par Nous, Maire de la
ville de Nancy, pour renseignements.
A Nancy, le 3 janvier 1902.
Tous les journaux de Nancy, sans distinction d'opinions,
l'Espérance, l'Impartial, le Patriote et le Journal de la
Meurthe consacrèrent des articles très élogieux à la mémoire du
général Brice (45).
C'est au grand cimetière nancéien de Préville, non loin de la
simple dalle de pierre sous laquelle repose le vaillant général
Drouot, le Sage de la Grande-Armée, l'ami de Brice dans les bons
et les mauvais jours, que fut inhumé l'illustre soldat, enfant
de Lorquin.
Au milieu de la sépulture de famille des Claude et des Brice,
une petite pyramide quadrangulaire, en pierre grise, se dresse
au-dessus d'une large dalle tumulaire en marbre.
Cette pyramide, tronquée à son sommet, et très simple, porte
cette brève inscription:
AU GÉNÉRAL BRICE
1783-1851
Sur la pierre tombale, œuvre du marbrier Huyaux, on lit:
LE COMMANDANT BRICE
1785-1866
MARIE-BARBE OCTAVE
VEUVE DU COMMANDANT BRICE
décédée à l'âge de 75 ans.
On ne connaît que deux portraits gravés du général Brice, l'un
de Thorelle, d'après Pauquet; l'autre en lithographie, de Gobert,
d'après Thorelle.
C'est une mauvaise lithographie, éditée par la maison
Christophe, de Nancy.
Appendice.
Notices nécrologiques.
L'Impartial de la Meurthe et des Vosges, journal de l'ordre et
du travail. - 43e année. - Vendredi 7 février 1851. - « Les
obsèques de M. le général Brice ont eu lieu hier, au milieu d'un
grand concours d'assistants, de fonctionnaires, de militaires de
tout grade; des détachements de la garnison précédaient et
terminaient le char funèbre. »
Dimanche 9 février.- « Le général Brice, qui vient d'être enlevé
à notre département, a été un de ces hommes forts, qui, dans les
dernières et désastreuses années de l'Empire, n'a pas un seul
instant désespéré du salut de la France; il a été un des
derniers soldats qui ont fait face à l'invasion victorieuse, et
opposé aux hordes étrangères cette résistance patriotique, qui,
dans un pays moins épuisé que ne l'était la France, à cette
époque, et devant un ennemi moins fort par le nombre et le poids
formidable de ses masses, aurait pu être un moyen efficace de
salut, un gage assuré de victoire ; mais l'Empire avait accompli
ses destinées, l'arrêt de la France était porté.
Une voix plus puissante que toutes les voix humaines l'avait
condamnée à expier sa gloire. Un bras plus fort que celui des
plus forts défenseurs le frappait alors sans pitié, et les plus
forts, les plus braves, les plus victorieux, durent courber le
front, devant cette puissance mystérieuse et déposer les armes.
Brice, alors capitaine de la garde impériale, avait été envoyé
par l'Empereur pour soulever les valeureuses populations de la
Meurthe et des Vosges, afin d'opérer, sur les flancs et les
derrières de l'ennemi, une de ces diversions qui, en Espagne,
nous avaient été si funestes.
Brice traversa, déguisé en paysan, l'armée ennemie, vint dans
les Vosges, et s'acquitta de sa mission avec cette énergie qui
était dans son caractère, et que le génie de l'Empereur savait
développer dans les âmes patriotiques.
Brice parvint à former, conformément aux desseins de l'Empereur,
un corps nombreux de partisans qui harcela les troupes alliées
dans toutes les occasions qui se présentèrent, mais la
capitulation de Paris vint lui arracher les armes des mains.
La Restauration confirmait Brice dans son grade.
Le jeune officier, qui était en garnison à Cambrai, suivit le
mouvement que fit le général Lefebvre-Desnouettes, au moment du
débarquement de l'Empereur. A peine Napoléon fut-il arrivé à
Paris qu'il dut s'occuper de nouveau d'organiser la défense de
la France.
Brice fut encore chargé d'une mission pareille à celle qu'il
avait accomplie en 1814, et investi du commandement des
chasseurs volontaires de la Meurthe.
Ce corps, organisé-et commandé par Brice, fil beaucoup de mal à
l'ennemi, à ce point que le prince de Wrède mit Brice hors la
loi par un ordre du jour en date du 30juin 1815.
Si, comme il le demandait au corps législatif, Napoléon avait
été placé à la tête de l'armée comme simple général, nul doute
que Brice et les chasseurs qu'il commandait n'eussent été d'un
grand secours dans la guerre; mais les événements se pressaient,
Napoléon dut une seconde fois quitter la France, et le colonel
Brice dut de nouveau déposer les armes.
Le 19 juillet, Brice signa une capitulation honorable avec le
général russe Orloff. Le gouvernement de la Restauration ne
respecta pas cette capitulation. Brice fut poursuivi, et pour se
soustraire aux poursuites dont il était l'objet, il se réfugia à
Bruxelles, où néanmoins, la police française lui suscita des
tracasseries nombreuses.
Toute la protection du comte Michel Orloff, qui avait, comme
major-général du 7e corps de l'armée russe, contresigné la
capitulation du 19 juillet, ne put l'affranchir des persécutions
dont il fut l'objet, et il dut se retirer en Allemagne. Pendant
son absence, Brice avait eu à subir deux condamnations, dont une
à mort.
Quand les passions politiques furent calmées, en 1819, Brice
revint en France; il purgea sa double contumace devant un
conseil de guerre séant à Metz. A l'unanimité, il fut acquitté
des accusations que l'on avait portées contre lui, le 22 avril
1820.
Après ce jugement, Brice fut admis au traitement de réforme
comme chef d'escadron seulement, le gouvernement de la
Restauration n'ayant point voulu reconnaître les grades conférés
dans les Cent-Jours.
Ce ne fut qu'en 1830 que Brice fut rendu à son grade et à
l'activité de service par le maréchal Gérard, qui lui donna le
commandement du 3e cuirassiers. Ce régiment était alors à Lille;
appelé à tenir garnison à Lunéville, il dut passer par Nancy, où
Brice recul un accueil des plus sympathiques. Plus de 3,000
gardes nationaux, ayant en tête le maire et le général Drouot,
vinrent au-devant de ce beau régiment pour en complimenter le
colonel.- Brice fut promu au grade de général de brigade en
1848, et mis en retraite en février 1850. Brice était né à
Lorquin en 1783.
Journal de la Meurthe et des Vosges.
Vendredi 7 février 1851 : « M. Joseph-Nicolas-Noël Brice,
général de brigade en retraite, commandeur de la Légion
d'honneur, est mort à Nancy le 3 février 1851 à l'âge de 67 ans.
Ses obsèques ont été célébrées mercredi au milieu d'un nombreux
concours de citoyens. Les honneurs militaires lui ont été rendus
par les troupes de la garnison.
Deux discours, dans lesquels ont été retracés les efforts de
patriotisme qui ont marqué les débuts de la carrière de
l'honorable défunt, ont été prononcés par M. le colonel Adam et
M. Porte. »
Mardi 11 février 1851 : « Nous trouvons dans un journal de la
localité une notice nécrologique sur le général Brice. Nous nous
empressons de reproduire cet hommage rendu à la mémoire d'un
homme dont notre département s'honore à juste titre : (Notice de
l'Impartial du 9 février).
Le Patriote de la Meurt h e et des Vosges (journal républicain).
Vendredi 7 février 1851 : « La France vient encore de perdre un
de ses plus vaillants soldats. Le général Brice est mort lundi
dernier, à Nancy, chez son frère, qui, il y a quinze jours, le
ramenait de Paris dans un état désespéré. Il était âgé de 67
ans. Ses funérailles ont eu lieu mercredi avec une grande pompe
militaire. Un immense concours de citoyens ont accompagné
jusqu'à sa dernière demeure l'intrépide patriote qui défendit si
courageusement et pied à pied, en 1814, le sol sacré de la
patrie contre l'invasion étrangère.
Le colonel Adam a prononcé sur le bord de la tombe un discours
en l'honneur des vertus militaires du défunt. Nous avons été
fort étonné, nous devons l'avouer, de ne pas entendre l'orateur
rappeler le patriotisme et la valeur dont fit preuve le général
Brice lors des désastres de 1814.
Le citoyen Porte a réparé cet oubli en quelques paroles
chaleureuses. Il a promis au héros lorrain que si l'étranger
s'avançait de nouveau pour souiller la terre française de son
odieuse présence, les fils imiteraient l'exemple de leurs pères
et courraient à la frontière pour le repousser.
L'assistance a applaudi à ce patriotique et solennel engagement.
Ch. Lalire. »
Dans le numéro du jeudi 1er février, on peut lire une notice
biographique succincte sur notre général.
Michel. - Biographie historique et généalogique des hommes
marquants de l'ancienne province de Lorraine.
Nancy 1829, 1 vol. in-8°. « Brice, chevalier de la Légion
d'honneur, ex-chasseur à cheval de la vieille-garde, colonel, né
à Lorquin, et nommé, en 1814, commandant d'un corps de
partisans, a pris rang parmi les soldats les plus intrépides de
l'armée. »
A la bataille d'Eylau, tandis que les Russes, etc.. (lire la fin
de l'épisode page 313 du présent travail. Note 1).
Lepage. - Annuaire de la Meurthe, 1852. - Statistique
nécrologique. - Février. - Lepage consacre à Brice une
biographie très résumée en quelques pages.
A. SONRIER.
(1) La Grande Encyclopédie, le Grand Dictionnaire
Larousse, la Biographie universelle, de Michaud, le Dictionnaire
des Contemporains, de Vapereau, ne disent pas un seul mot du
général Brice. C'est une lacune regrettable.
(2) Aujourd'hui Lorchin, hélas! Les quelques communes de
Lorquin, restant à la France, ont formé le petit canton de
Cirey-sur-Vezouse (Meurthe-et-Moselle).
(3) Nicolas Brice, qui avait épousé Jeanne-Ursule Thiry, a eu
trois garçons, nés successivement on 1777, 1783 et 1785. L'un
des deux frères de notre général est devenu chef d'escadron de
cuirassiers ; il mourut à Nancy en 1860 dans une maison de la
rue des Ponts. On l'a enterré à Préville, à côté de son frère.
Son fils, le général de brigade Charles-Nicolas-Louis Brice, est
actuellement en retraite à Nancy depuis le 31 juillet 1184. Il
est commandeur de la Légion d'Honneur. A 30 ans, il comptait
déjà seize campagnes en Afrique, sous Lamoricière.
(4) Lorquin est aussi la patrie d'un autre général lorrain,
Thiéry.
(5) Cette armée des Côtes de l'Océan, réunie en majeure partie à
Boulogne, Ambleteuse et Montreuil, fut soumise à des exercices
continuels pondant près de deux ans, et reçut le nom de
Grande-Armée. Napoléon la commandait en personne, avec Berthier,
comme major-général (Berthier, né à Versailles en 1753,
assassiné à Bamberg en 1815).
(6) 6 novembre 1804, entre l'Angleterre et la Russie, et formant
une alliance défensive, encore fortifiée par la convention
militaire du 11 avril 1805 Ce traité stipulait l'indépendance de
la Hollande, de la Suisse, de Naples, du royaume du Piémont,
l'évacuation du Hanovre, etc ..
(7) Charles Lefebvre-Desnouettes, né à Paris en 1775, mort dans
le naufrage de l'« Albion » sur les côtes d'Irlande, dans son
exil sous la Restauration, le 22 avril 1822.
(8) Dans sa « Biographie des hommes marquants de l'ancienne
Lorraine, » Michel raconte ainsi cet épisode de la carrière
militaire de Brice:
« A la bataille d'Eylau, tandis que les Russes, en colonnes
serrées et par masses, pénétraient dans nos rangs, et y semaient
partout l'épouvante et le désordre, !e général Dahlmann tomba,
démonté et
blessé : le chasseur Brice aperçoit son chef sous les
baïonnettes ennemies ; il court à lui à toute bride, met pied à
terre sous le feu de l'ennemi, relève son général, le place sur
son cheval, et, entouré de chasseurs russes, Brice reçoit
plusieurs coup de sabre, dont un lui désarticule le bras gauche.
Il allait périr, lorsqu'un de ses camarades arrive jusqu'à lui,
l'aide à se faire jour et à gagner les lignes françaises avec
l'intrépide Dahlmann. C'est à l'issue de cette affaire que Brice
eut l'étoile des braves ; Napoléon voulut l'en décorer lui-même;
ils eurent ensemble le colloque suivant:
- De quel pays est-tu, lui dit l'empereur ? -Du pays des braves
! - Tu es donc Lorrain ? - Oui, sire!
(9) Cf. Histoire du régiment de chevau-légers de la garde de
Napoléon Ier, par Alexandre Kembowski. 2 volumes de 1000 pages
avec 89 gravures in couleurs. Nancy. Berger-Levrault 1902. 40 fr.
Magnifique historique du régiment des chevau-légers lanciers
polonais de la garde impériale, qui compte à son actif
l'enlèvement du défilé de Sommo-Sierra.
(10) Dans cette bataille de géants, le lieutenant Brice reçut
deux nouvelles blessures, deux coups de sabre qui lui fendirent
les bras et dont il souffrit beaucoup dans la suite.
(11) Brice fut porte-étendard en 1810 et 1811.
(12) Antoine Drouot, fils d'un, boulanger, né à Nancy le 11
janvier 1774, mort à Nancy le 24 mars 1847. Il a sa statue à
Nancy, oeuvre de David d'Angers et de Giorne Viard.
(13) Le commandant Vaudeville, devenu plus tard prêtre et
chanoine de Nancy, eut une carrière des plus curieuses et des
mieux remplies. Il mériterait une longue notice biographique. M.
Emile Badel a fait ériger, à ce vaillant prêtre-soldat, un
modeste monument de souvenir à Saint-Nicolas en 1807.
(14) Lire dans le Moniteur officiel du 14 mars 1815, une lettre
curieuse du baron Louis, maréchal de camp, major des chasseurs
royaux de France au ministre de la guerre, racontant la
tentative d'embauchage du général Lefebvre-Desnouettes. Cette
lettre se termine ainsi:
« P. S. - M. Brice, capitaine adjudant-major, est le seul qui
ait suivi le sort du général Lefebvre ».
Le 15 mars 1815, le Moniteur officiel annonce que le général
Drouet d'Erlon est arrêté à Lille et que le général Lefebvre, le
colonel d'artillerie Marin et le chef d'escadron Brice, des
chasseurs royaux de la garde, ont pris la fuite.
(15) On assure que Brice, déguisé en paysan, traversa toute
l'armée ennemie pour venir dans les Vosges.
A la même époque, les deux frères de Brice s'illustraient dans
les rangs de notre armée, l'un comme chef d'escadron du 6e
cuirassiers, l'autre comme lieutenant au 24e chasseurs à cheval.
Ce dernier fut tué à Nimègue, d'un coup de feu le 26 décembre
1813.
Le décret impérial organisant les corps francs est daté du 22
avril 1815 II est inséré au Moniteur du jeudi 27 avril.
(16) Il est question, dans les registres des délibérations de la
mairie de Lorquin, d'une aventure, dont on regardait, à tort ou
à raison, « les Messieurs Brice, partisans » comme les auteurs:
Un major de l'armée russe ayant été dépouillé, dans les environs
de Blâmont, d'une somme de 20,230 francs, on imputa ce fait aux
« partisans » et la commune de Lorquin fut sommée de rembourser
la somme (15 avril 1815). La commune ne fut pas d'avis de payer
si cher la gloire de ses enfants... et ne versa pas l'argent.
(17) C'est un rendez-vous de chasse qui appartient à la famille
Jacquot des Vosges.
(18) Cf. Histoire des campagnes de 1814 et 1815 en France, par
le général Guillaume de Vaudoncourt.
(19) Cf. La Lorraine militaire, par Jules Nollet Fabert, tome
lII, page 231.
(20) M. d'Alopéus, diplomate russe, d'un caractère très
conciliant, qui a laissé d'honorables souvenirs à Nancy. A son
départ, les habitants voulurent lui offrirent un témoignage
durable de leur reconnaissance.
(21) La 2e Restauration ne reconnaissait pas le grade de colonel
donné à Brice par Napoléon aux Cent-Jours.
Pourtant le Moniteur officiel du 9 août 1815 reconnaissait la
force des partisans des Vosges, qu'il disait être de 25,000
paysans « insurgés ».
(22) Lire le texte et les noms des généraux dans le Moniteur du
27 juillet. Nous y trouvons les noms de Ney, Lefèvre, Drouot,
Cambronne, Exelmans, Boulay de la Meurthe, Carnot, Lobau et
Forbin-Janson.
(23) Un journal belge, le Vrai libéral, de Bruxelles, saluait en
des termes très élogieux le départ de Brice pour l'Allemagne.
Le Vrai libéral, journal des réfugiés français en Belgique (mars
1817-juillet 1821) devint ensuite le Courrier des Pays-Bas,
avec, pour rédacteurs Arnault, Cauchois, Lemaire et Pocholle.
(24) La Lorraine militaire, dans sa courte biographie de Brice,
donne un extrait de cette lettre du prince Orloff.
« Réfugié à Bruxelles, sans patrie, sans ressources, frappé
d'une condamnation dont la honte rejaillit sur toute sa famille,
le colonel Brice n'a pour amis que des compagnons d'infortune,
proscrits comme lui ou menacés de proscription, et moi, dont le
devoir est de le protéger.. . »
(25) Eugène Hatin, dans sa Bibliographie périodique de la presse
française, parle longuement (pages 320, 821, 322, 323 et 324) du
Mercure surveillant, du Nain jaune et du Nain jaune réfugié. Le
Nain
jaune (1814-1815) ou journal des arts, des sciences et de la
littérature, se composait de tablettes historiques, bruits de
ville et revue des journaux. En 1816, le Nain jaune parut à
Bruxelles (42 nos) et se réunit bientôt au Mercure surveillant.
De cette union naquit, le 12 novembre 1816, une feuille
quotidienne Le Libéral.
(26) La commune de Val, qu'on appelle aujourd'hui
Val-et-Chatillon ou encore Val-de-Bon-Moutier, est une grosse
bourgade industrielle de 1,233 habitants, du canton de
Cirey-sur-Vezouse. Chatillon est un écart du Val, petit hameau
au pied des Vosges. C'était jadis une seigneurie considérable
qui comprenait Cirey, Harbouey, Parux, Val-de-Bon-Moutier et la
célèbre abbaye de Haute-Seille.
(27) Le ministre de la guerre sous les Cent-Jours était le
maréchal Davout, duc d'Auerstaëdt,
(28) Le Mercure surveillant fit suivre la lettre de Brice de la
note suivante:
« M. le chef d'escadron Brice est trop modeste pour citer tous
les honorables dédommagements qui adoucissent sa position.
Nous savons qu'il a entre les mains plusieurs lettres
d'officiers des puissances alliées qui, ayant été faits
prisonniers par sa troupe, le remercient des bous traitements
qu'ils ont éprouvés de sa part. M. le major baron Mertens est de
ce nombre. Cet officier, attaché à M. le général Dehoyen,
ministre de la guerre en Prusse, en écrivant à M. le chef
d'escadron Brice, lui dit : « Monsieur, S. Exc. le Ministre
lui-même me charge d'ajouter ses remerciements aux miens pour
tous vos bons procédés envers les prisonniers prussiens qui sont
tombés en votre pouvoir, etc.. »
Un colonel anglais, attaché à l'état major du prince de
Schwartzemberg, non moins sensible aux attentions délicates et
généreuses de M. le chef d'escadron Brice, ne s'est pas donné de
repos, à Paris, qu'il ne l'ait retrouvé pour lui témoigner sa
vive reconnaissance. Ce sont là de douces compensations. »
(29) Le maréchal de France Etienne-Maurice Gérard, né à
Damvillers (Meuse), le 4 avril 1773, enrôlé volontaire dans le
2e bataillon de la Meuse le 1er octobre 1791, maréchal de France
en 1830, s'est illustré à Austerlitz, Iéna, Wagram, La Moscowa,
Bautzen, Leipzig, campagne de France, etc..., mort le 17 avril
1835. Il a sa statue à Damvillers.
(30) La famille de Brice conserve de nombreuses lettres
adressées à notre héros par le prince Eugène de Beauharnais, la
reine Hortense et le roi de Hollande.
(31) C'était son compatriote, le futur maréchal Gérard, nommé en
1830.
(32) Aujourd'hui en garnison à Vouziers, colonel Vassinhac d'Imécourt.
(33) Avant la Révolution de 1830, le 8e cuirassiers, en garnison
à Lille, portait le nom de Régiment du duc de Bordeaux. Il y
avait 10 régiments de cuirassiers et 12 de dragons. A la fin de
1830, le 1er cuirassiers était à Lille, le 2e à Lunéville,
colonel Nicéville, le 3e à Lunéville, colonel Brice,
lieutenant-colonel Bertaux ; le 4e à Cambrai, le 5e à Verdun, le
6e à Lunéville, colonel Braun.
Il y avait aussi à cette époque 2 régiments de carabiniers, 14
de chasseurs, 6 de lanciers et 6 de hussards.
Le 7e dragons était à Epinal.
(34) De Lunéville, il avait successivement commandé à Rouen et à
Gray.
(35) C'était le baron Bernard, lieutenant-général, qui avait
succédé au maréchal Maison, le 19 septembre 1836 et fut le
prédécesseur du général de Cubières (31 mars 1839).
(36) Depuis ministre de la guerre (1839-1840).
(37) Toute la correspondance officielle existe encore et
témoigne du beau et ferme caractère de Brice.
(38) Jean-de-Dieu Soult, duc de Dalmatie, maréchal de France,
ministre de la guerre (1814-1815) (1830-1834) (29 octobre
1840-10 novembre 1845)
(39) Brice écrivit au ministre de la guerre, au roi lui-même;
rien n'y fit.
(40) Le commandant Brice, frère de noire héros, et père du
général actuel, fut nommé, le 27 février 1848, membre de la
commission provisoire installée a la préfecture de Nancy, pour
diriger le service. Le 13 mars, il fut nommé adjoint en 1er au
maire de Nancy, avec M. Quillen, avoué à la Cour. Enfin, le 28
avril, aux élections pour le conseil municipal de Nancy, le
commandant Brice fut élu 2e de la liste
avec 6,027 voix, sur 35 conseillers. Il demeurait au numéro 44
de la rue de l'Equitation.
(41) Jacques-Gervais, baron de Subervie, lieutenant-général,
nommé le 25 février à la place du général Bedeau, qui n'avait
pas accepté.
(42) Annuaire national: 3e division - Metz, M. Randon (C.L.H.)
général de division, 4e subdivision (Meuse) M. Brice (O.L.H.)
général de brigade, commandant à Verdun, M. Larcher, capitaine
aide-de-camp, M. Gosse de Serlay, sous-intendant militaire.
(43) En 1838, Louis-Napoléon lui avait adressé de Londres une
longue lettre politique.
(44) Alphonse-Henri, comte d'Hautpoul, général de division,
député de la législative, nommé le 31 octobre 1849 ministre de
la guerre.
(45) J'en reproduis les principaux en appendice. |