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Nonhigny - 10 août 1914 - Coup de feu ?


C'est dans l' «  L'Allemagne et le droit des gens d'après les sources allemandes et les archives du gouvernement français », édité à Paris en 1915, que Jacques de Dampierre (1874-1947), donne cette extrait du carnet du Lieutenant M... du 20ème régiment d'infanterie bavaroise (armée du prince Rupprecht), qu'il indique «  relié en moleskine noire, crayon rouge, 63 pages numérotées + 25 pages blanches + 5 pages de notes, écrit en caractères, et daté du 31 juillet au 1er octobre 1914» :

“ In Nonhigny schiessen Einwohner von rückwärts auf die Durchmarsch. Truppen. Komp. beschossen, keiner getroffen. Nonhigny in Brand gesteckt, desgleichen Montreux, Parux.“

«  A Nonhigny des habitants tirent par derrière sur les troupes entrant dans le village ; coups de feu sur notre compagnie ; personne n'est atteint. Nonhigny est incendiée. de même Montreux, Parux »

Encore une fois, on retrouve cette théorie des habitants ayant prétendument tiré sur les troupes allemandes... Si l'officier Bavarois était un véritable témoin de cette journée, alors il ne pourrait qu'être dupe de ses propres affirmations, et on pourrait croire à la version donnée par le Journal «  Le Rappel » en 1925 : «  Un soldat bavarois en état d'ivresse ayant tiré un coup de fusil, les Allemands prétendirent que les habitants avaient fait feu sur leurs troupes ».

Mais cette confusion entre des tirs de Bavarois ivres et les allégations de francs-tireurs est une explication trop facile, qui ne correspond ni à ce qu'on sait des faits historiques, ni aux témoignages locaux... Et cette excuse des habitants tirant sur les troupes est surtout trop utilisée par les Allemands pour qu'on puisse y accorder la moindre crédibilité : ce qui serait ainsi advenu à Nonhigny ce 10 août, se serait donc fortuitement reproduit à Vaucourt le 11 août, puis à Blâmont le 13, etc... puis dans toutes les communes incendiées par les Allemands, y compris à Lunéville le 25 août ?

Reste cependant une interrogation : si dès août 1914 la théorie des francs-tireurs est une constante de la propagande allemande, qui perdurera jusqu'après guerre, pourquoi certains officiers la reproduisent-elle dans leurs carnets personnels ? Sans doute parce qu'ils n'en sont jamais témoins directs, et que certains ne font que recopier la version officielle. Ainsi, dans le cas de Blâmont, on ne peut que comparer deux témoignages contradictoires allemands :

«  Es kam dabei zu einer recht unerfreulichen besoffenen Mette, die in einer allgemeinen Schiesserei im Ort endete. Angeblich sollen auch Einwohner aus den Hâusern geschossen haben. Ein Mann wurde auch verhaftet und sollte am nachsten Tag standrechtlich erschossen werden. Ich war der Überzeugung, dass er ganz unschuldig war und unsere Leute in der Betrunkenheit und Aufregung aufeinander geschossen hatten. »
Otto von Berchem - Aus meinem Leben - Bayerisches-Hauptstaatarchiv-Kriegsarchiv - Munich

«  Il est advenu ici un épisode d'ivresse plutôt désagréable, qui a pris fin avec une fusillade générale dans le village. Des habitants auraient prétendument tiré des maisons. Un homme a également été arrêté et doit être martialement fusillé le lendemain. J'étais convaincu qu'il était complètement innocent et que nos gens dans l'excitation de l'ivresse s'était mutuellement tirés dessus. »
«  Auch auf uns schossen sie aus einer paar Schirr seitwärts gelegenen Ruine, anscheinend mit Floberts und Jagswehren. Im Ort waren einen durschmarschierenden Kolonne einige Pferde erschossen worden. Zum Glück erwischten die Feldgendarmen diesmal einen Franktireur, der dem Kommandierenden General vorgeführt und um Tode verurteilt wurde. 12 Stunde später war das urteil auf dem Marktpkatz vollzogen. Von dem Moment an war Ruhe »
Eugen Von Frauenholz - Erinnerung an meine Soldatenzeit 1901-1918 - Bayerisches-Hauptstaatarchiv-Kriegsarchiv

«  Ils nous tirent aussi dessus depuis une ruines située latéralement à proximité, apparemment avec des floberts et des fusils de chasse. Dans la place, quelques chevaux d'une colonne en marche ont été abattus. Heureusement, la police militaire a cette fois pris un franc-tireur, qui a été présenté au général commandant et condamné à mort. 12 heures plus tard, le jugement a été exécuté sur la place du marché. Depuis ce moment tout est calme. »

Encore faut-il préciser que le capitaine Eugen Von Frauenholz (1882-1949) est l'officier allemand (Rittermeister) qui a photographié l'arrivée des troupes dans Blâmont (voir carte postale rue de gare). Il est donc, comme Von Berchem, indéniablement présent à Blâmont. Mais après la guerre, il écrira de nombreux ouvrages historiques, et participera aux mémoires «  Mein Kriegstagebuches » du Kronprinz Rupprecht von Bayern. On connaît les accusations de crimes portées contre les officiers bavarois après la défaite allemande, et notamment celles contre le prince de Bavière (voir en 7ème page de la Liste des personnes désignées par les Puissances alliées pour être livrées par l'Allemagne). Le témoignage de Von Frauenholz, rédigé après guerre, est sans le moindre doute destiné à minimiser la responsabilité des officiers bavarois.

 

Rédaction : Thierry Meurant

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