On sait qu'après la défaite
française de Foeschwiller, les troupes prussiennes entrent à
Blâmont le 14 août 1870, et n'en
partent que le 31 juillet 1873 ;
hormis quelques combats isolés avec les mobiles de la Meurthe
(dont le combat de la scierie de Lajus
le 23 septembre 1870), l'occupation aura été pacifique.
Mais c'est à travers les avis et proclamations des autorités
prussiennes qu'ont peut reconstituer les premiers mois, d'août
1870 à mars 1871, de cette administration prussienne de La
Lorraine, telle que l'on vécu les habitants, isolés du chaos
national (chute de l'Empire, proclamation de la république,
gouvernement de Bordeaux, capitulation de Paris, traité de
Versailles, etc)
Dès août 1870, l'armée prussienne menace la population de
représailles :
Août 1870
Le 29 août 1870, le général prussien Adolf Albert Ferdinand Karl
Friedrich von Bonin (1803-1872) entre en fonction à Nancy comme
Gouverneur général de la Lorraine. Son avis de nomination est
conclu par des menaces :
29 août 1870
Une seconde proclamation du même jour précise ces menaces, et
établit les règles de réquisitions pour les subsistances
militaires :
29 août 1870
Et le gouverneur de Lorraine ne manque pas de s'intéresser aux
contributions : on voit,
- que l'encaissement des impôts se fait au profit de l'armée
allemande, avec menace de « poursuite militaire »
- que la période d'imposition remonte sans vergogne au 1er aout
1870 : or, si la France a déclaré la guerre à la Prusse le 19
juillet, les Prussiens ne pénètrent en Lorraine que pour la
bataille de Foeschwiller le 6 août.
3 septembre 1870
Le 27 septembre, l'avis relatif aux abonnements de journaux
montre clairement que la censure prussienne sévit, puisque sont
exclus « les journaux qui paraissent dans les territoires
français non occupés par les troupes allemandes ». En moins de
deux mois, on aura ainsi une occupation administrative, fiscale...
et propagandiste.
27 septembre 1870
Puis « dans le but de favoriser les communications écrites »,
s'organise la surveillance du courrier, sous forme de cartes
ouvertes, uniquement à destinations des territoires allemands ou
des zones françaises occupées.
29 septembre 1870
Le 14 octobre 1870, une proclamation martiale annonce la chute
de Toul et Strasbourg, l'encerclement de Paris, et invitent les
habitants, pour « s'assurer des bienfaits de la paix », à ne
perturber ni les trains ni les services télégraphiques.
14 octobre 1870
Mais il y a aussi les affaires quotidiennes, comme l'achat pour
la remonte de l'armée allemande :
9 décembre 1870
L'avis sur le tabac du 4 janvier 1871 semble montrer que la
population se livre à une forme de résistance passive :
4 janvier 1871
L'occupation semble cependant moins pacifique qu'il n'y parait
puisque, sous prétexte de fermeture des cafés avant 23 heures,
s'établit un couvre-feu obligatoire à compter de cette heure,
avec interdiction de circulation :
12 janvier 1871
Le 22 janvier 1871, c'est l'affaire du Pont de Chemin-de-Fer de
Fontenoy-sur-Moselle, où des francs-tireurs ("corps des
chasseurs des Vosges") font sauter le pont de chemin de
fer. |
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22 janvier 1871
Et dès le 23 janvier, la Prusse impose à la Lorraine une amende
de 10 millions de francs pour la destruction du pont de
Fontenoy, portée à la connaissance des habitants le 26 janvier
1871 :
26 janvier 1871
En février 1871, se pose le problème des élections : car la
République a été proclamée le 4 septembre 1870 par Léon
Gambetta, et s'est mis en place un Gouvernement de défense
nationale sous la direction de Trochu, avec entre autres
ministres Jules Favre, Léon Gambetta, Jules Ferry, etc. Paris
est assiégé dès le 18 septembre et Gambetta quitte Paris en
ballon le 7 octobre pour réorganiser la défense nationale depuis
Bordeaux. Resté à Paris, Jules Favre signe un armistice le 28
janvier 1871. Mais Otto von Bismarck désire traiter avec une
autorité française incontestable, et exige l'organisation
d'élections avant trois semaines. Dans l'urgence, Jules Favre
organise les élections pour le 8 février 1871, mais Gambetta a
entre temps fait voter à Bordeaux un décret du 31 janvier pour
proscrire de l'élection certains fonctionnaires de l'ex-empire
français, ainsi que tous ceux qui y ont exercé une charge :
« Article premier. - Ne pourront être élus représentants du
peuple à l'Assemblée nationale les individus qui, depuis le 2
décembre 1851 jusqu'au 4 septembre 1870, ont accepté les
fonctions de ministre, sénateur, conseiller d'État ou préfet.
« Art. 2. - Sont également exclus de l'éligibilité à l'Assemblée
nationale les individus qui, aux élections législatives qui ont
eu lieu depuis le 2 décembre 1851 jusqu'au 4 septembre 1870, ont
accepté la candidature officielle et dont les noms figurent dans
les listes des candidatures recommandées par les préfets au
suffrage des électeurs et ont été publiées au Moniteur officiel
avec les mentions : candidat du gouvernement, candidat de
l'administration ou candidat officiel. »
Le Gouvernement de défense nationale annule alors ce décret
(entraînant ainsi la démission de Léon Gambetta).
5 février 1871
6 février 1871
Le 8 février, l'assemblée nouvellement élue est majoritairement
monarchiste et favorable à la paix (même si les département
occupés de l'Est se sont prononcés pour les républicains et la
poursuite de la guerre), et désigne, le 16 février, Jules Grévy
comme Président le République. Le Gouvernement d'Adolphe Thiers,
nommé le 17 février, engage les pourparlers de paix et aboutit
au traité préliminaire de Paix, signé à Versailles le 26 février
1871, puis ratifié par l'Assemblée le 1er mars 1871 (les députés de
Lorraine et d'Alsace démissionnent immédiatement en signe de
protestation contre l'abandon de leurs départements à
l'Allemagne).
Mais si la convention du 16 mars 1871 pour l'exécution de
l'armistice, entre la République française et le nouvel Empire
allemand, rend à l'administration française la Lorraine occupée,
elle la soumet à l'approbation allemande et permet de
maintenir « l'état de siège » :
« Art. 1 er . Bien que le droit d'administrer les territoires
occupés soit réservé par l'article 8 du traité des préliminaires
à l'autorité allemande jusqu'à la conclusion et la ratification
du traité de paix définitif, cependant les autorités allemandes
consentent à ce que l'administration départementale et
communale, y compris la sûreté générale et le maintien de
l'ordre public dans les départements occupés par les troupes
allemandes, soit dès la ratification de la présente convention
remise à l'autorité française aux conditions ci-après :
» Art. 2. Le gouvernement français pourra rétablir les préfets,
sous-préfets, maires et autres agents administratifs avec les
attributions qui leur sont données par les lois.
» De son côté, l'autorité allemande placera près des chefs de
corps ou partout où elle le trouvera nécessaire, des
commissaires civils qui auront la haute direction dans tout ce
qui concerne les intérêts allemands.
» Les fonctionnaires français sont tenus de se conformer aux
mesures que le commissaire civil jugera nécessaire de prendre à
ce sujet.
» Art. 3. Les tribunaux français reprendront leur service, ainsi
que les juges de paix et les commissaires de police. La
gendarmerie sera réorganisée.
» Néanmoins, l'état de siège avec toutes ses conséquences sera
maintenu par les autorités allemandes dans les départements
occupés.
» Art. 4. Conformément aux prescriptions de l'article 8 des
préliminaires de paix, toutes les autorités administratives
françaises devront se conformer aux mesures que les commandants
des troupes croiront devoir prendre dans l'intérêt de la sûreté,
de l'entretien et de la distribution des troupes.
» Art. 5. Dans le cas où les intérêts de ces dernières seraient
compromis d'ici au jour de la ratification du traité de paix
définitif, les autorités allemandes se réservent le droit de
reprendre en tout ou partie les droits concédés par les articles
1, 2 et 3 aux autorités françaises. »
6 avril 1871 |