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Situation militaire - Août 1870

Voir aussi :
1870 - Passage de l'armée à Blâmont le 2 août
1870 - Repli de l'armée française
1870 - Repli de l'armée française et passage à Blâmont le 8 août
1870 - Repli de l'armée française et passage à Blâmont le 9 août
1870 - Etat-major prussien


1870 - SEDAN
Ernest Picard
Ed. 1912
[notes renumérotées]

[SITUATION FRANCAISE]

Après avoir employé la journée du 7 à rallier et à reconstituer de son mieux ses troupes à Saverne, le maréchal de Mac-Mahon, d'accord avec l'empereur, décide d'abandonner la défense des Vosges et de se replier sur le camp de Châlons (1). Bien que l'ennemi ait cessé toute poursuite, une fausse alerte détermine le maréchal à continuer le soir même sa retraite sur Sarrebourg ; il néglige d'ailleurs de mettre la voie ferrée de Strasbourg à Paris hors de service par la destruction des tunnels qu'elle traverse (2). Après une marche de nuit des plus pénibles, le gros du 1er corps est rejoint le 8 à Sarrebourg par le général Ducrot, arrivé de la Petite-Pierre avec 3 000 hommes environ de divers régiments, et par une partie du 5e corps venue également de la Petite-Pierre par Ottwiller. Contrairement à toute logique et au règlement, les divisions de cavalerie Bonnemains et Duhesme, moins la brigade Septeuil, ont précédé les colonnes de Mac-Mahon à Sarrebourg et repartent dans l'après-midi pour Blâmont (3). Le maréchal de Mac-Mahon et le général de Failly conviennent des dispositions à prendre pour les jours suivants : toutes les troupes marcheront sur Lunéville en trois colonnes : le 1er corps et la division Conseil Dumesnil, du 7e au centre, par Blâmont, encadrés par le 5e corps, combinaison singulière dont on ne s'explique pas le but (4). Dans la soirée du 9, le général de Failly reçoit à Réchicourt un message du major général lui prescrivant de se «  diriger en toute hâte sur Nancy » ; tous ses efforts «  doivent tendre vers ce but », et l'empereur se propose de l'appeler ensuite à Metz (5).
Bien que le mouvement n'offre aucune difficulté, le général de Failly invoque de mauvais prétextes pour ne pas l'exécuter : en réalité, il désobéit, comme le 5 août, cette fois par répugnance à traverser Nancy où il a commandé peu de temps avant la guerre, et à se mettre sous les ordres immédiats du major général à Metz (6). Le maréchal de Mac-Mahon refuse d'ailleurs de donner des instructions au général de Failly, auquel sans doute il garde une rancune justifiée pour sa coupable inertie la veille et le jour de Froeschwiller (7).
Après avoir bivouaqué à Lunéville le 10, Mac-Mahon et de Failly reprennent leur marche le 11 : l'un porte son quartier général à Bayon; l'autre, en dépit d'un nouveau télégramme du major général l'appelant encore une fois à Metz, va s'établira Charmes (8). Le maréchal a l'intention d'accorder à ses troupes un jour de repos, mais il se ravise et juge préférable de les faire passer toutes sur la rive gauche de la Moselle, de façon à leur donner «  des cantonnements plus sûrs (9) ».
Les gîtes d'étape du 12 sont : pour le 1er corps, Haroué; pour le 5e Mirecourt. Au cours de cette marche, le général de Failly reçoit du major général un télégramme lui prescrivant de ne pas se diriger vers l'Argonne, mais de gagner Toul «  aussi vite que possible ». De là, sa destination sera Metz ou Châlons «  suivant les circonstances (10) ». Mais, dans l'après-midi, survient un contre-ordre qui donne au général de Failly Paris comme nouvel objectif et lui laisse le choix de l'itinéraire (11). Désireux d'éviter de nouveaux contacts avec le Ier corps, le général de Failly appuie au sud-ouest et fait un long détour par Vittel, Lamarche, Montigny, Chaumont, tandis que le maréchal de Mac-Mahon se dirigée sur Neufchâteau, d'où il espère faire transporter ses troupes au camp de Châlons par voie ferrée.
[...]

[SITUATION ALLEMANDE]

[...]
Le 7 août, les troupes de la IIIe armée restent, pour la plupart, dans les cantonnements et bivouacs qu'elles ont pris le 6 au soir. Depuis les événements de Forbach, il ne peut plus être question pour le prince royal de se porter sur Sarreguemines, selon le projet primitif du grand quartier général à l'époque où il a voulu livrer sur la Sarre, entre Sarrebruck et Sarrelouis, une bataille décisive aux forces françaises de Lorraine (12). C'est au sud de Bitche que la IIP armée doit franchir les Vosges, afin de se réunir aux deux autres. A cet effet, elle se met en mouvement le 8, traversant la zone montagneuse en cinq colonnes, pour atteindre la Sarre le 12 sur la ligne Sarre-Union, Sarrebourg. Le front de marche ne mesure pas moins de quarante kilomètres; les corps d'armée sont abandonnés à eux-mêmes pendant cinq jours alors qu'on ignore la direction de notre retraite; l'étape moyenne est de quartorze kilomètres seulement; la 4e division de cavalerie est reléguée derrière un des corps d'armée, au lieu de précéder les colonnes d'infanterie et d'arriver sur la Sarre dès le 8 août (13).
A l'extrême droite, la 12e division, débouchant devant Bitche, est accueillie par un feu très vif. Une batterie lance quelques obus sur la ville sans résultat appréciable, tandis que la division fait améliorer de mauvais chemins permettant, à la faveur d'une marche de nuit, de tourner la place par le nord (14). A l'aile opposée de la IIIe armée, la division badoise prend, à Brumath, une position d'observation face à Strasbourg. Le 10, Moltke lui prescrit de s'opposer à tout ravitaillement de la forteresse et de surveiller la direction du sud (15).
Le 9 août, un détachement de la division wurtembergeoise attaque le petit fort de Lichtenberg. La (garnison, sous les ordres du sous-lieutenant Archer, se compose d'une section du 96e de ligne, d'un sous-officier et de cinq canonniers, et d'environ 180 isolés; l'armement consiste en sept pièces anciennes. L'artillerie du fort est bientôt réduite au silence, les bâtiments sont incendiés; les défenseurs continuent néanmoins la résistance à coups de fusil, et c'est le lendemain matin seulement qu'Archer, jugeant la résistance impossible, fait enclouer ses pièces, détruire ses munitions, briser les armes et conclut avec les Wurtembergeois une convention pour la reddition du fort (16).
Sur l'itinéraire du Ve corps prussien, se trouve la place de la Petite-Pierre, occupée par une garnison de même effectif que celle de Lichtenberg. Le sergent-major Boeltz à qui le commandement est échu, par suite de la maladie du capitaine Mouton, se voyant dépourvu de tout moyen sérieux de défense, prend un parti énergique. Il fait enterrer les cartouches, brûler les affûts, noyer les poudres, et, par une marche de nuit, gagne Phalsbourg avec sa faible troupe (17).
Le 10 au matin, le prince royal reçoit, à son quartier général de Mertzwiller, un télégramme de Moltke : «  La Ire et la IIe armée se mettent en marche le 10 pour se porter vers la Moselle. L'aile droite de la IIe armée prendra la direction Sarre-Union, Dieuze. Cavalerie en avant (18). » A cette dépêche succèdent, dans l'après-midi, des instructions plus détaillées, réglant le mouvement des trois armées allemandes, et assignant à la IIIe la route Sarre-Union, Dieuze et les communications au sud (19).
Dans cette même journée, le XIe corps, qui forme l'extrême gauche, se présente devant Phalsbourg. Sommé de se rendre, le chef de bataillon Taillant, commandant la place, oppose un refus formel; menacé d'être bombardé, il se borne à répondre : «  J'accepte le bombardement (20) ». A la tombée de la nuit, soixante bouches à feu ouvrent une violente canonnade et lancent en trois quarts d'heure un millier d'obus sur la ville ; puis, constatant que la garnison ne se laisse pas intimider, le XIe corps reprend sa marche. Une fraction du VIe corps, qui suit, est chargée du blocus. Elle exécutera, le 14 août, un nouveau bombardement plus intense, mais aussi infructueux que le premier.
Le 11 août, le prince royal acquiert enfin, grâce aux renseignements de la population, la certitude que la retraite de Mac-Mahon et de Failly s'est effectuée de Niederbronn et de Bitche sur Sarrebourg. Le VIe corps, de la IIe armée, devant séjourner le 11 aux environs de SarreUnion, oblige l'aile droite de la IIIe d'appuyer au sud, ce qui rétrécit le front et contraint la 12e division et un corps bavarois à passer en seconde ligne. La 4e division de cavalerie atteint Heming avec mission d'éclairer vers Lunéville et Nancy (21). Le lendemain, 12, la IIIe armée termine son déploiement sur la Sarre, occupant une étendue de 15 kilomètres à peine entre Sarrebourg et Fénestrange; de Heming, sa cavalerie gagne Moyenvic et jette un escadron de hussards à Lunéville.
Dans la nuit du 12 au 13, le prince royal reçoit de Moltke des ordres pour la continuation de la marche : la IIIe armée devra se diriger sans désemparer vers la ligne Nancy, Lunéville (22). Ses colonnes se portent donc le 13 sur le front Dieuze, Blâmont, tandis que l'artillerie de la 4e division de cavalerie bombarde Marsal, occupée par 271 hommes seulement du dépôt du 65e de ligne, sans un seul canonnier. Les inondations qui font la principale force de cette petite place n'ont pu être tendues, l'étang de Lindre, qui devait les alimenter, étant en culture en 1870. Néanmoins, le capitaine Leroy rejette à deux reprises les offres de capitulation. Le lendemain, quarante-deux pièces du IIe corps bavarois s'apprêtent à reprendre le feu, et le général von Hartmann menace, en cas de «  résistance frivole », de prendre la ville d'assaut et de «  passer toute la garnison au fil de l'épée (23)». La capitulation est signée dans la journée, bien qu'aucune brèche n'ait été faite aux remparts et, au mépris des règlements, Leroy s'abstient de détruire les armes, le matériel, les vivres, les munitions (24).
Sur ces entrefaites, la 4e division de cavalerie occupe Nancy; les corps de tète de la IIIe armée atteignent le front Moyenvic, Lunéville; la 12e division est à Dieuze, le Ier corps bavarois à Maizières, en deuxième ligne. A Lunéville, les Allemands trouvent des approvisionnements importants et apprennent que Mac-Mahon s'est retiré sur Châlons; le général de Failly se serait dirigé vers le sud dans les Vosges méridionales (25).
Le 15, le Ve corps borde la Meurthe à Saint-Nicolas et à Rozières; le XIe jette deux ponts à Bayon et pousse une brigade mixte jusqu'au Madon; le gros de l'armée stationne sur la ligne Einville, Moncel, Sommerviller, Arracourt. Le VIe corps séjourne à Sarrebourg. La 2e division de cavalerie, qui a franchi la frontière à Wissembourg, le 11 août seulement, atteint Sarrebourg et est chargée de couvrir la gauche de l'armée (26).
Le 16, la majeure partie des troupes reste au repos; le quartier général du prince royal est transféré de Lunéville à Nancy; la 4e division de cavalerie atteint la route de Toul à Colombey.
Une brigade de uhlans bavarois, accompagnée d'une batterie à cheval, s'approche de Toul par Gondreville et, apprenant qu'un combat est engagé au nord de la Moselle et du canal de la Marne au Rhin, elle se porte sur Dommartin, d'où, pour faire diversion, la batterie jette quelques obus dans la place forte.
[...]

 

(1) Le major général au ministre de la Guerre, Metz, 7 août, 3 heures soir; Maréchal de Mac-Mahon, Souvenirs inédits.
(2) Sur la proposition de la Compagnie des chemins de fer de l'Est (18 juillet 1870), des fourneaux de mine avaient été préparés dans ces tunnels et dans de grandes tranchées (Jacqmin, Les chemins de fer pendant la guerre de 1870-1871,). - Le général Le Brettevillois aurait proposé au maréchal de faire sauter ces tunnels, mais Mac-Mahon s'y serait refusé «  en vue de retours offensifs ». Quelques jours après, le ministre ordonna de faire sauter ces tunnels, mais les Allemands les occupaient déjà (De Chalus, Wissembourg, Froeschwiller, Retraite sur Châlons,).
(3) Journal de marche de la division Bonnemains; Observations sur le service de la cavalerie en campagne, 1868, article 2.
(4) Journal de marche du 1er corps, rédigé par le colonel Clémeur; Général de Failly, Opérations et marches du 5e corps.
(5) Journal de marche du 5e corps, rédigé par le capitaine de Piépape.
(6) Note du général de Piépape, 28 décembre 1901 ; Rapport du capitaine de France, 10 août 1870.
(7) Rapport du commandant Foerster, du grand quartier général, 10 août: Général de Failly, doc. cit.,
(8) Le major général au général de Failly. D. T., Metz, 10 août, 2 h. 15 soir; Journal de marche du 5e corps (Clémeur).
(9) Notes sur les opérations du 1er corps... dictées par le maréchal de Mac-Mahon à Wiesbaden.
(10) Journal de marche du 5e corps (Clémeur).
(11) Le général Jarras au général de Failly, D. T., Metz, 12 août, 6 heures soir.
(12) Voir 1870, la Guerre en Lorraine.
(13) Von Hahnke, Opérations de la IIIe armée, 85; Colonel Von Zanthier, Die III. Armée im Elsass, 287, 320-324; General Bonnal, loc, cit., 464-467.
(14) Historique du grand État-major prussien, IV, 378; Capitaine Mondelli, La Vérité sur le siège de Bitche,
(15) Correspondance militaire du maréchal de Moltke, l, n° 129.
(16) Rapport du sous-lieutenant Archer, Ulm, 16 août 1870; Historique du grand Etat-major prussien, IV, 381; Avis du Conseil d'enquête sur les capitulations. Pertes des défenseurs : 63 hommes.
(17) Boeltz, La Petite-Pierre et le siège de Phalsbourg,
(18) Correspondance militaire du maréchal de Moltke, I, n° 128.
(19) Ibid., n° 127. - Voir 1870, la Guerre en Lorraine, I..
(20) Historique du grand Etat-major prussien, IV, 384. - Le prince royal se proposait seulement d'investir la ville; mais l'ordre portait par erreur einschiessen (bombarder) au lieu de einchliessen (bloquer).
(21) Ibid., IV, 385; Von Hahnke, Ioc. cit.,
(22) Correspondance militaire du maréchal de Moltke, I, n° 149.
(23) Journal du commandant de la place de Marsal.
(24) Le Conseil d'enquête sur les capitulations lui infligea un blâme (séance du 18 octobre 1871).
(25) Historique du grand État-major prussien, IV, 392; Von Hahnke, loc. cit.
(26) Ibid., IV, 393. - Le IIe corps bavarois se porte de Moncel à Nancy; le Ve corps jette deux avant-gardes sur la rive gauche de la Meurthe.
  

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