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1794 - Vengeance contre Balthazar Faure


On sait qu'en février 1794, les représentants Lacoste, Baudot et Bar, après le départ du représentant Balthazar Faure, remirent au pouvoir divers extrémistes au sein d'une société populaire. Ils font ainsi sortir de prison Jean-Claude Claudon, cultivateur et propriétaire de l'auberge du Grand-Cerf à Blâmont, puis ancien maire de Blâmont en 1790/91, dont Faure avait obtenu la condamnation (Voir Malversations - 1793) par le tribunal révolutionnaire de Nancy institué le 18 novembre 1793.
(on notera d'ailleurs que l'abbé Dedenon se trompe lorsqu'il écrit concernant la condamnation de Claudon «  Cette dernière aventure acheva de le déconsidérer; tous les comités qui l'avaient encore comme membre le rayèrent et il finit par la faillite ».)

En compléments des articles déjà publiés sur cette période trouble (voir notamment Vie politique dans le département de la Meurthe d'août 1792 à octobre 1795 et Représentants du peuple - 1793-1794), on voit par les documents ci-dessous que dès le départ de Faure, Lacoste et Baudot avaient fait arrêter les proches de Balthazar Faure, dont son secrétaire Gallet qui lui écrit lors de Blâmont lors de son transfert de Nancy à Strasbourg.


Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du conseil exécutif provisoire. Tome 10
F.-A. Aulard
1897

LES REPRÉSENTANTS AUX ARMÉES DU RHIN ET DE LA MOSELLE AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
Strasbourg, 2 pluviôse an II - 21 janvier 1794. (Reçu le 8 février.)
[ J.-B. Lacoste et Baudot critiquent, non les intentions, mais les actes de Faure, qui, à Nancy, a fait arrêter les patriotes sans distinction et relâcher les aristocrates avec complaisance. «  Mauger, républicain prononcé par ses discours, s'est laissé corrompre, et de là on a conclu que ceux qui avaient tenu le même langage avaient participé aux mêmes actions, et, en prenant des mesures terribles contre les chaleureux amis de la liberté, Duquesnoy, ex-constituant contre-révolutionnaire, Fossey, ex-législateur royaliste, jouissaient en paix du fruit de leurs manoeuvres criminelles. Nous avons fait sortir les patriotes de prison, et les aristocrates ont pris leur place. Pour connaître d'une manière certaine l'esprit public, nous avons interrogé le peuple en masse, et il en est résulté que les sans-culottes étaient abîmés sous le poids des riches. Toutes les autorités constituées vont être épurées, et la Société populaire créée de nouveau. Nous nous occupons de l'établissement d'une Commission révolutionnaire, et le peuple, en reprenant son caractère naturel, développera bientôt son énergie tout entière. - Arrivés à Sarrebourg, nous avons trouvé un prêtre, commissaire de Faure, chargé de faire enlever tous les administrateurs de cette ville. Ces citoyens étaient connus pour d'intrépides défenseurs de la République. » Ils ont découvert que ce prêtre était porteur d'une lettre d'un agent des puissances étrangères, nommé Cromer et Allemand d'origine. «  Il appelle les patriotes des anarchistes, et s'annonçait pour le missionnaire de l'ordre et de la paix. Faure s'est laissé tromper par les mots anarchistes et désorganisateurs, et était devenu l'idole des royalistes sans s'en douter. Instruit de ce que nous venons de faire à Nancy, il avait exprimé le désir de le défaire. Enfin, pour asseoir irrévocablement la Révolution dans cette ville et déjouer les auteurs des intrigues, nous avons fait arrêter l'agent des puissances étrangères et cinq de ses complices. Les agents de Faure, qui ont fait la contre-révolution, sont également arrêtés. Nous avons pris en même temps un arrêté pour que les autorités civiles et militaires du département de la Meurthe nous communiquent les arrêtés pris par Faure, et qu'elles ne les exécutent à l'avenir qu'après cette communication, afin que les opérations dont nous sommes chargés réciproquement ne soient point contrariées. » - «  L'esprit public parait s'affaiblir à mesure que nos victoires augmentent. A Besançon, Metz, Nancy et Strasbourg, la loi du maximum est totalement oubliée; les assignats perdent considérablement; dans les campagnes même, on ne veut faire le commerce qu'avec l'argent. Le remède à tous ces maux, c'est une Commission révolutionnaire; nous l'établirons aujourd'hui. » Ils transmettent diverses nouvelles des armées. - Arch. nat., AF 11, 154.]


UN DES REPRESENTANTS A L'ARMEE DE LA MOSELLE AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
Sarrelibre, 3 pluviôse an II - 22 janvier 1794. (Reçu le 30 janvier.)
Je vous adresse, citoyens collègues, 1° la copie d'une lettre que je reçus hier à Nancy, signée Bigelot; je vous invite à la lire (1); 2° une copie de la lettre de l'accusateur public du Tribunal révolutionnaire à Paris, que je vous invite aussi à lire (2).
Une autre lettre que je viens de recevoir de Nancy m'annonce que Lacoste et Baudot viennent de faire arrêter et traduire à Strasbourg le citoyen Dumast, qui a été jusqu'ici mon agent en chef pour la levée de la cavalerie, ainsi que Gallet, mon secrétaire, que j'avais pris à Paris au Comité de correspondance (3). Je ne me permettrai d'autres réflexions, citoyens collègues, que celles qui naissent naturellement, ou de ma conduite, ou de celle de mes collègues, dont le résultat me paraît n'être qu'une division funeste pour la chose publique.
Pour y remédier, citoyens collègues, je pense qu'il est instant que la Convention ou le Comité envoie sans délai un ou deux représentants en commission extraordinaire à Nancy, pour y tranquilliser le peuple, concilier les esprits, qui y sont propres aux meilleures impressions, et prendre des renseignements sur les actions des autres représentants, ainsi que sur les motifs qui les ont dirigés. Je puis être coupable; Lacoste et Baudot peuvent l'être. Nous pouvons les uns et les autres être, ou tous coupables, ou tous innocents; mais il s'agit ici moins de nous que de l'intérêt de la République.
Je me bornerai à vous observer que ce sont les intrigants et les fripons seuls qui veulent dominer; mais ils n'y réussiront pas : les vrais patriotes resteront unis et feront de l'intrigue ce qu'ils ont fait de l'aristocratie.
Salut et fraternité, FAURE.
P.-S. Je crois cependant devoir vous donner une idée plus précise des choses.
D'après un rapport qui me fut remis par Meunier et Jolly, de Nancy, deux délégués d'Ehrmann, Soubrany et Richaud, j'ai donné un mandat contre quatorze prévenus de dilapidations de biens nationaux et de correspondance criminelle. Un nommé Richard, administrateur du département et membre de la propagande, protégé sans doute par Lacoste et Baudot, fut compris dans cet arrêté, et mes collègues en ont été fâchés au point qu'ils ont suspendu l'exécution de mon arrêté à l'égard de ce Richard.
Un nommé Villier, procureur syndic à Sarrebourg, fameux intrigant qui a eu récemment une soeur et un beau-frère émigrés, et qui est en coalition avec l'ex-secrétaire de Houchard, autre intrigant, m'a été aussi dénoncé par un de mes délégués à Sarrebourg; j'ai en conséquence suspendu ce Villier, et ai ordonné son arrestation provisoire. Eh bien, ce Villier est encore un excellent patriote aux yeux de Lacoste, et il en est protégé. Ce Villier (4), intrigant, pour se soustraire à l'arrestation, est parti pour Paris avec la voiture d'Houchard, et j'ai vu aujourd'hui dans un journal qu'un Villier venait de faire à la Convention un don de 100 livres.
Jugez par là des ressources des intrigants, collègues. J'ai fait quelque bien à Nancy, et je vous invite à ne pas être indifférents sur ces derniers événements.
Voici encore la copie de la lettre de Villier. Mon délégué qui m'écrit était cependant aussi de la propagande; je l'ai fait agent national à Bitche.
[Arch. nat., AF II, 154. - De la main de Balthazar Faure.]

(1) Dans cette lettre, datée de Nancy le 1er pluviôse an II, ce Bigelot mande à Balthazar Faure que les représentants J.-B. Lacoste et Baudot ont fait une apparition à Nancy, et qu'ils ont critiqué les opérations de Faure, déclaré que les administrateurs nommés par lui étaient des feuillants, et les ont soumis à un scrutin épuratoire devant le peuple réuni au théâtre ; mais il ajoute que le peuple les a presque tous maintenus.
(2) Cette lettre de Fouquier-Tinville à Faure, en date du 29 nivôse, n'est pas très claire. Je crois comprendre qu'en dépit d'un arrêté de Faure, l'accusateur public persiste à traduire devant le Tribunal révolutionnaire certains détenus transférés de Nancy à Paris.
(3) Voir plus haut, p. 372, la lettre de J.-B. Lacoste et de Baudot du 2 pluviôse an II.
(4) Faure écrit aussi ce nom tantôt Villers, tantôt Villiers.


Recueil des actes du Comité de salut public, avec la correspondance officielle des représentants en mission et le registre du conseil exécutif provisoire. Tome 11
F.-A. Aulard
1897

REPRÉSENTANTS EN MISSION.
UN EX-REPRÉSENTANT À L'ARMEE DE LA MOSELLE AU COMITÉ DE SALUT PUBLIC.
Paris, 21 pluviôse an II - 9 février 1794.
Lisez, lisez, lisez, et hâtez-vous de lire, citoyens collègues (1). D'après cela, je vous en conjure au nom de l'humanité, sauvez la vie à mon secrétaire et à mes agents. Lacoste les a fait tous traduire avec le plus grand éclat près de sa commission formant tribunal à Strasbourg. Les ordres les plus sévères ont été donnés, soyez-en sûrs, pour qu'ils soient guillotinés. Je connais Lacoste, rapportez-vous à moi, faites suspendre toute poursuite provisoirement, mais faites-le sans retard, et que les ordres soient précis et adressés séparément à Lacoste, à Baudot et à la commission; car, sans cela, ils courraient risque que les ordres de suspendre ne fussent donnés qu'après la mort. Justice, citoyens collègues, justice ! Je vous la demande, je la demande à la Convention nationale par votre organe. N'étant pas orateur, je ne puis que m'adresser à vous.
Salut, fraternité. Votre collègue,
FAURE.
Mon rapport (2) va achever de faire tourner la tête à Lacoste ; il tentera tout pour se venger et, ne pouvant exercer sa rage sur moi, il l'exercera sur mes délégués innocents.
Citoyens, si vous n'y prenez garde, le sang de vrais républicains va couler à grands flots, et bientôt nous, purs Montagnards, succomberons sous le poids de l'intrigue. Il en est temps encore, citoyens collègues, sauvez la chose publique, vous le pouvez.
[Arch. nat., AF II, 154. - De la main de Balthazar Faure (3)]

(1) Il s'agit d'une lettre du secrétaire de Balthazar Faure, ainsi conçue : «  Blamont, 11 pluviôse an II. - Citoyen représentant, je suis conduit à Strasbourg, où on me traduira au tribunal révolutionnaire. Quinze autres patriotes de Nancy subissent le même sort, tous les membres du Comité de surveillance, Reynaud, juge de paix, Gehin, officier municipal, et quelques autres. Nous sommes conduits avec éclat : seize carabiniers et gendarmes forment notre escorte et il est bien douloureux pour de bons républicains d'être traités en contre-révolutionnaires; c'est la seule peine que nous ressentions; car, forts de notre innocence, nous sommes d'une sécurité dont rien n'approche. Lyonnais, Faublanc, de Dieuse, et beaucoup d'autres encore, sont en arrestation et traduits à Strasbourg. Tous ces bons républicains gémissent moins du coup qui les frappe que de voir que c'est pour avoir été tes agents qu'on les traite d'une manière aussi rigoureuse. Cependant ils fondent leur espoir sur la justice de ceux qui les ont fait arrêter; ils reconnaîtront sans doute les bonnes intentions de ces agents qui, de concert avec toi, ont voulu faire le bien et sont bien persuadés de l'avoir fait. Ils le conjurent avec moi de ne pas les oublier en le rappelant qu'ils sont une portion de ce bon peuple de Nancy, qui t'aime, te chérit et te respecte au delà de toute expression. Je me trouve dans la situation la plus triste, n'ayant point porté, comme tu le sais, d'argent avec moi, lorsque je suis parti de Paris; et c'est à nos frais que nous sommes transférés à Strasbourg. Ne pourrais-lu pas donner des ordres à Geoffrion pour qu'il me fît passer quelques fonds ? Sans cela, comment me procurerai-je l'existence ? Travaille, vertueux Faure, travaille sans relâche à mettre au grand jour l'innocence de ton secrétaire et celle de tes agents injustement soupçonnés. Quant à moi surtout, tu sais que je n'ai été auprès de toi qu'un être absolument passif, et par conséquent comment pourrais-je être cru coupable, à supposer qu'il y eût eu des fautes de commises par toi? C'est ce qui ne saurait entrer dans mon imagination. Tous mes compagnons d'infortune me chargent de t'assurer de leur respect; ils font avec moi des voeux pour ton bonheur, ta satisfaction et la prospérité de la République- - Salut et fraternité : GALLET." Arch. nat., AF II, 154.
(2) On trouvera ce rapport dans le même carton AF 11, 154. C'est un imprimé intitulé : Rapport et précis justificatif de la conduite de Faure, député de la Haute-Loire, représentant du peuple dans les département de la Meurthe, des Vosges et de la Moselle, imprimé par ordre de la Convention nationale. Impr. nationale, in-8° de 36 pages-
(3) En marge d'une analyse de cette lettre, on lit ces mots : On a écrit.

 

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