Le général
Joffre
ANNONCE
nos succès
En Lorraine, nous
sommes à Château-Salins et arrivons à Fénétrange. -
Notre canon démoralise l'ennemi. - En Alsace, une
grande partie des vallées des Vosges sont à nous.
Paris,
18 août, 21 h. 45.
Télégramme du commandant en chef des armées
françaises au ministre de la guerre
Le ministre de la guerre a reçu du commandant en
chef le télégramme suivant :
Grand Quartier général des armées de l'Est, 18 août,
9 h. 15.
Pendant toute la journée d'hier, 17 août, nous
n'avons cessé de progresser en Haute-Alsace. La
retraite de l'ennemi s'effectue de ce côté en
désordre. Il abandonne partout des blessés et du
matériel.
Nous avons conquis la majeure partie des vallées des
Vosges sur le versant d'Alsace, d'où nous
atteindrons bientôt la plaine.
Au sud de Sarrebourg, ennemi avait organisé, devant
nous, une position fortifiée, solidement tenue avec
de l'artillerie lourde. Les Allemands se sont
repliés précipitamment, dans l'après-midi d'hier.
Actuellement, notre cavalerie les poursuit.
Nous avons, d'autre part, occupé toute la région des
étangs, jusque vers l'ouest de Fénétrange.
Nos troupes débouchent de la Seille, dont une partie
des passages ont été évacués par les Allemands.
Notre cavalerie est à Château-Salins.
Dans toutes les actions engagées au cours de ces
dernières journées en Lorraine et en Alsace, les
Allemands ont subi des pertes importantes.
Notre artillerie a des effets démoralisants et
foudroyants pour l'adversaire.
D'une façon générale, nous avons donc obtenu, au
cours des journées précédentes, des succès
importants et qui font le plus grand honneur à la
troupe dont l'ardeur est incomparable, et aux chefs
qui la conduisent au combat.
Signé : JOFFRE.
RAPATRIEMENT
DES ITALIENS
Nancy,
19 août.
Huit cents Italiens, hommes, femmes et enfants,
arrivés de Meurthe-et-Moselle, sont arrivés à
Montauban.
Un orchestre improvisé a joué la « Marseillaise » et
l'hymne italien, ce qui a déchaîné une manifestation
enthousiaste. Les Italiens ont salué l'hymne
français par de nombreux cris de : « Vive la Les
rapatriés ont été dirigés sur Port-Vendres, où ils
seront embarqués pour.
l'Italie.
A
PAGNY-SUR-MOSELLE
Belle conduite
des Italiens. - La première farine. - Les
patrouilles allemandes ne songent qu'à « bouffer » -
Le premier prisonnier allemand. - Leurs obus. - Les
escarmouches
Nancy,
19 août.
Nous avons rencontré, ce matin, un habitant de
Pagny-sur-Moselle, qui nous a donné des détails
intéressants sur la vie et les épreuves de cette
petite ville de l'extrême frontière; depuis la
déclaration de la guerre. Ce fut d'abord la
mobilisation qui, comme partout, s'accomplit dans le
plus grand calme et avec une parfaite régularité.
Les nombreux Italiens, dont plusieurs sont établis
depuis longtemps dans le pays, apportèrent le plus
grand zèle, notamment dans le refoulement des
bestiaux. Grâce à eux, on n'eut pas besoin de faire
appel aux hommes mobilisables, qui purent rejoindre
aussitôt leurs corps d'affectation.
Les Italiens s'employèrent également à la moisson,
allant dans les champs, bien que n'ignorant point le
danger qu'ils couraient, car les Allemands tiraient
sans cesse dans la direction de la ville. C'est en
grande partie au dévouement d'un entrepreneur
italien, qui prêta son matériel et ses chevaux, que
les récoltes coupées purent être rentrées dans les
granges.
Cet honorable habitant nous dit aussi que tous les
Italiens ont toujours manifesté leurs profonds
sentiments d'amitié pour la France et affirme que si
leur pays nous déclarait la guerre, ils refuseraient
de partir, ne voulant point porter les armes contre
la nation dont les habitants les ont toujours bien
accueillis et leur ont fourni les moyens de gagner
leur vie.
Puis ce fut l'anxiété des premiers jours de la
guerre ; l'absence complète de farine pour faire le
pain. Il fallut alors concasser le blé nouvellement
battu ; c'est avec le produit ainsi obtenu, mélange
de son et de gruau, - qu'on fit du pain. Notre
interlocuteur nous en montre en riant un morceau.
C'est une espèce de galette, de couleur grisâtre,
sans être levée et qui est rien moins
qu'appétissante.
- « Voilà, nous dit-il, ce que, pendant quinze
jours, les habitants de Pagny ont mangé comme pain.
Et encore quand on en avait ! »
Enfin ce fut l'apparition des premières patrouilles
prussiennes. Leurs soldats arrivaient dans les rues,
s'emparaient du premier habitant rencontré, lui
mettaient le fusil sur la poitrine en criant : « De
la viande ». Si l'on faisait mine de ne pas
comprendre, ils tiraient un chargeur de leur
cartouchière, en disant :
- « Voilà pour toi. »
Beaucoup d'entre eux savaient le français, mais
affectaient de ne parler que l'allemand. C'est ainsi
qu'après avoir conduit de la viande hors de la
ville, à un endroit indiqué, un des Allemands dit a
un habitant :
- « Toi, tu es un bon zigue (sic); voilà pour toi. »
Et il lui fit cadeau de deux petites saucisses.
Tout en nous racontant les nombreuses incursions des
Allemands, notre ami nous fait ainsi le récit de la
capture du premier prisonnier allemand. C'était un
fantassin. Il était en extrême pointe des siens
lorsque survinrent nos chasseurs qui étaient encore
à près de deux cents mètres. Plusieurs habitants
s'approchèrent. L'un d'eux lui mit la main sur
l'épaule en disant :
- « Il faut choisir. Là (en indiquant les
Allemands), ici (en montrant les Français) ».
Le fantassin n'eut pas une seconde d'hésitation. Il
se tourna vers nos chasseurs.
Une voiture se trouvait à proximité. L'Allemand y
fut rapidement poussé et, quelques minutes après, il
était remis à nos soldats.
Nous parlons ensuite du bombardement de Pagny. La
réponse est peu banale, bien qu'on l'ait déjà
entendue.
« Les obus allemands ne causent pas grands dégâts.
C'est, déclare notre interlocuteur, de la véritable
camelote, comme tout ce qu'ils font. »
Et pour bien nous montrer que rien n'est plus exact,
il nous raconte que voyant tomber un obus dans un
jardin, il s'y rendit après l'éclatement.
« - L'obus, dit-il, avait fait un trou dans la
terre, où l'on aurait pu à peine enterrer une
lessiveuse, avait tapissé les parois, mais sans
entrer dans la terre qui était pourtant toute molle.
« Du reste, la mitraille des obus tombés dans la
ville n'a fait qu'effleurer le crépi - des murs,
sans faire le moindre dégât à la maçonnerie.
« Chaque jour ce sont des escarmouches dans la ville
ou aux environs. Les Prussiens pénètrent sur notre
territoire. Nos chasseurs répondent par des feux de
salve.
Mais nous ne pouvons voir le résultat de nos coups
de feu, car les Allemands, qui se font suivre de
nombreux fourgons, ramassent aussitôt ceux des leurs
qui tombent à terre, les portent dans les voitures.
De sorte que l'on ne peut dire s'ils sont morts ou
blessés.
Cependant, dans les champs d'avoine, on voit un
certain nombre de chevaux tués, ce qui fait présumer
que leurs cavaliers doivent être tués aussi. On ne
le saura que lorsque l'on ira faire la moisson des
avoines. Mais quand ?
« La canonnade aurait recommencé dans la journée de
lundi et les Allemands auraient anéanti la ferme du
Bel-Air, située sur la rive droite de la Moselle.
« Ils auraient également fait sauter le pont de
l'écluse du canal. Je n'ai pu m'assurer de ces
faits, car j'ai quitté Pagny peu après pour venir à
Nancy chercher de la farine et des
approvisionnements pour les habitants. »
A travers les
rues
DE NANCY
Nancy,
19 août.
Nos rues sont toujours pleines d'animation.
Comme il y a beaucoup de désoeuvrés, il y a
naturellement beaucoup de flâneurs pour discuter sur
la nationalité des avions, qui nous survolent et sur
le moyen le plus efficace de ne pas rater les
aéroplanes ennemis.
On entend des stratèges qui n'ont jamais tenu un
fusil ni lu une carte géographique, exposer
d'admirables plans de bataille, à rendre des points
à un conducteur d'armées.
Il faut convenir cependant que la majorité de ces
habiles tacticiens est assez modeste pour admettre
que jusqu'ici « ça ne va pas mal du tout ».
D'autres se contentent de jouir du spectacle de la
rue et ne se fatiguent pas les méninges à échafauder
des mouvements tournants.
Ils applaudissent lorsque passe quelque convoi de
matériel pris aux Allemands, par exemple des fusils
abandonnés sur le champ de bataille, ou bien tendent
le poing lorsque, derrière la portière d'une auto,
ils aperçoivent un officier ennemi prisonnier.
On doit rendre cette justice à la foule qu'elle
garde son sang-froid et ne se livre pas à des
manifestations déplacées.
Et puis, malgré l'inquiétude qu'on éprouve pour ceux
qui sont partis, et dont les nouvelles sont rares -
ont-ils seulement du papier pour écrire, nos braves
soldats ? - on a le coeur joyeux des succès
quotidiens annoncés par les dépêches officielles et
plein d'espérance dans l'issue finale du duel
gigantesque si avantageusement commencé.
A JARNY
LABRY
DONCOURT
Nancy,
19 août.
Un voyageur, revenu de Metz, mais arrêté depuis dix
jours près de Jarny, est arrivé ce matin. Il a bien
voulu nous conter comment les Allemands avaient
opéré leur entrée dans ce pays, qui ne compte pas
moins de 5.000 habitants, et où s'exploitent des
mines nombreuses.
« Dès mon arrivée, je vis des patrouilles tant à
Jarny qu'à Labry, où le gouvernement a fait
dernièrement construire de nombreux baraquements.
Le lendemain, trois chasseurs ayant rencontré, à la
sortie de la ville, une patrouille de neuf cyclistes
montés sur des machines volées à Doncourt, les
attaquèrent, en tuèrent quatre du corps d'armée de
Francfort, et mirent les autres en fuite.
Pour venger leurs camarades, une centaine de
cavaliers allemands arrivèrent. Ils menacèrent de
mettre le feu à la ville, mais ils se contentèrent
de piller la mairie, de détruire les archives, de
voler la caisse ainsi que celle du receveur
buraliste, et un officier, arrachant de son cadre le
portrait du président Poincaré, le mit en morceaux,
cracha dessus, le piétina et en dispersa les
morceaux en ricanant.
- Le président ! Il n'existe plus ! Dans huit jours,
nous serons à Paris.
Et après avoir pillé la poste, détruit les
appareils, ils s'en retournèrent, emmenant en otage
le maire, M. Henri Génot, et prévenant les habitants
qu'ils auraient quotidiennement à leur apporter au
cantonnement 100 bouteilles de vin bouché, 200
litres de vin ordinaire et 1.200 litres de bière.
« A la mairie, où l'on soignait plusieurs de leurs
blessés, ils violentèrent les femmes de la
Croix-Rouge et frappèrent à coups de baïonnette les
infirmiers.
« Le service de ravitaillement n'existe pas chez
eux. Ils crèvent littéralement de faim et
manifestent la joie la plus exubérante quand ils
peuvent trouver quelques victuailles.
« Les officiers ignorent tout ce qui se passe en
Europe et leur plus grande préoccupation quand ils
pénètrent dans un pays est de savoir s'ils peuvent y
trouver des journaux ou si quelque habitant a reçu
des lettres apportant des nouvelles de l'extérieur.
« A Jarny, Labry et aux environs, ils ont conseillé
aux habitants de faire la moisson.
Dès que les chariots furent chargés d'épis dorés,
ils s'en emparèrent et les expédièrent à Metz, où la
population manque du nécessaire.
« Le 16, entre Doncourt et Jarny, ils s'approchèrent
d'une cantine où logent des Italiens travaillant aux
mines, et sous prétexte - ce qui ne fut nullement
prouvé - que l'un d'eux avait tiré un coup de
revolver, ils en fusillèrent seize. C'est ainsi
qu'ils pacifient le pays. »
LE CAPORAL
PRUDHOMMEAUX
Paris,
19 août.
Le caporal aviateur Prudhommeaux est nommé sergent.
On sait que le caporal Prudhommeaux seul à bord de
son avion, de même que le lieutenant Césari, était
parti de Verdun avec mission de reconnaître et de
détruire, si possible, le hangar de dirigeables à
Metz, sur lequel il put lancer sa bombe.
LE DOSSIER DES
ALLEMANDS
Nancy,
19 août.
Les Allemands ont renouvelé le bombardement de
Pont-à-Mousson où ils ont visé une usine
métallurgique qui fonctionne encore ; il importe de
relever cette singulière façon d'agir des troupes
allemandes.
Un article du règlement de la Haye décide que le
bombardement d'une ville ouverte ne peut avoir lieu
que si les autorités civiles ont été avisées de
cette opération militaire. Or, les Allemands ont à
deux reprises négligé de prendre cette précaution.
Cette atteinte au droit des gens est d'autant plus
grave que la question du bombardement des villes
ouvertes a fait l'objet de graves et sérieuses
discussions à la conférence de la Haye, et les
représentants de l'Allemagne ont non seulement
adhéré aux décisions prises, mais ils y ont apposé
leur signature au nom de leur pays.
Cette violation nouvelle de toutes les règles
internationales fait en ce moment, au ministère des
affaires étrangères français, l'objet d'une étude
attentive, et il paraît vraisemblable que notre
gouvernement dénoncera ces faits aux gouvernements
étrangers.
Des Aviateurs
allemands
SUR PONT-A-MOUSSON
Pont-à-Mousson, 19 août.
Mardi, vers dix heures du matin, des aviateurs
allemands, qui depuis un certain temps survolaient
la ville, ont lancé plusieurs bombes qui,
heureusement, n'ont pas fait de victimes.
L'une de ces bombes est tombée sur la fabrique de
cordages Wilm. Après avoir percé la toiture, le
projectile traversa un plafond et éclata en faisant
un trou de 2 mètres de diamètre dans le plancher.
Les dégâts sont peu importants.
Une autre bombe tomba dans un jardin, à proximité
des cités de Boozeville, à 25 mètres à peine de
l'habitation du gérant.
Aucun dégât.
Leur exploit accompli, les aviateurs allemands
s'enfuirent à tire-d'ailes, en essuyant les coups de
feu de nos troupes.
LES ALLEMANDS
achèvent les blessés et tuent les enfants
Paris,
19 août.
Dans la région de Belfort, un grand nombre de
prisonniers ont été traités avec la dernière
sauvagerie. Les Allemands les ont déshabillés,
poussés en avant de leurs lignes en les exposant
presque nus aux balles françaises. Ils en ont jeté
d'autres dans le canal, pour les en retirer et les y
rejeter encore.
Un de nos blessés, aujourd'hui en traitement à
Besançon, a été frappé à la tête et dans les côtes à
coups de crosse et de talon. Un soldat allemand l'a
traîné sur le sol. A côté de lui, un autre blessé
français a été achevé à coups de baïonnette.
Quelques officiers ont essayé de retenir leurs
hommes. Ils n'ont pas su se faire obéir.
Enfin, à Magny, un enfant de sept ans, s'amusant à
mettre en joue une patrouille, avec un fusil de
bois, a été fusillé sur place.
Les Allemands civils d'Alsace tirent sur nos
troupes.
Dans diverses localités de la Haute-Alsace. lès
immigrés ont tiré (devant Mulhouse, notamment). A
Cernay, une section déployée devant l'ennemi a perdu
trente-huit hommes, tous atteints dans le dos : les
coups de feu avaient été tirés du village, avant
qu'aucun soldat, allemand y eût pénétré.
A Lutrau, l'instituteur a tiré sur une patrouille de
cavalerie, tuant deux chevaux.
LE MAIRE DE
BADONVILLER
Paris,
19 août.
Voici le texte du décret publié par le « Journal
Officiel » nommant M. Benoît (Joseph-Edmond), maire
de Badonviller, au grade de chevalier dans l'ordre
national de la Légion d'honneur :
« Conduite héroïque dans l'exercice de ses
fonctions.
« A la suite des actes de sauvagerie et des meurtres
commis par les soldats allemands dans sa commune, sa
femme ayant été assassinée et sa maison incendiée,
il a, avec un sang-froid et une fermeté admirables,
continué à assurer, sans défaillance, la protection
et la sécurité de la population.
« A sauvé, par la suite, la vie d'un prisonnier
allemand menacé par la juste colère des habitants,
donnant ainsi un magnifique exemple d'énergie et de
grandeur d'âme. »
POUR NOS AMIS
BELGES
Nancy,
19 août.
M. L. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, a
demandé par télégramme et obtenu du ministère de
l'intérieur une subvention de 3.000 fr. qu'il a fait
immédiatement parvenir à la Société belge de
bienfaisance. Cet acte de solidarité, au lendemain
du jour où les soldats belges viennent d'être
assimilés par la loi aux soldats français en ce qui
concerne l'assistance aux soutiens de famille
appelés, engagés ou rappelés sous les drapeaux, est
un nouveau témoignage de l'admiration et de la
gratitude de la nation française pour la vaillance
de la noble Belgique.
EN
ALSACE-LORRAINE
Progrès dans la
Haute-Alsace, - Les Allemands reprennent Villé, mais
les Français occupent Château-Saline, Dieuze, et
s'avancent jusqu'à Delme et Morhange
Communiqué, du ministère de la guerre 19 août, 23
heures En Alsace, la situation est sans grande
changements.
Nous continuons toutefois à progresser en
Haute-Alsace.
Les Allemands ont repris Villé, dans les Vosges, où
nous avions une avant-garde.
Les troupes françaises débouchent sur la Seille,
occupant. Château-Salins et Dieuze.
Mais la progression est forcément très lente devant
des organisations fortifiées solidement tenues.
L'armée française a atteint Morhange.
Les Français ont progressé rapidement au delà de la
Seille, dans la partie centrale.
Ils ont atteint, à la fin de la journée, Delme d'un
côté, Morhange de l'autre.
Sur le front, rien de nouveau en Alsace en Lorraine.
LES LETTRES
ATROCES
Paris,
19 août, 1 heure (Visé).
Les troupes françaises ont saisi de nombreuses
lettres de soldats allemands provenant de
Badonviller, à quelques kilomètres de la frontière.
Dans plusieurs de ces lettres, les Allemands disent
qu'ils ont fait soixante kilomètres en France.
Une autre lettre dit : « Nous serons à Paris à la
fin du mois. »
Dans une troisième, on lit cette phrase : « Nous
sommes au sud de la France. »
La plupart de ces lettres injurient les soldats
français.
Il convient de remarquer que les soldats allemands
qui écrivent ces lettres reculent depuis quatre
jours devant les troupes françaises.
Les soldats allemands déclarent qu'ils ne manquent
pas d'argent, qu'ils en obtiennent sous la menace du
revolver.
Avant d'incendier les villages, les Allemands
emportent tout ce qui est buvable ou mangeable.
Un autre écrit que la première ville rencontrée
après la frontière fut complètement détruite.
Tous les Français appartenant à la population civile
étaient fusillés, s'ils avaient seulement une mine
suspecte ou malveillante. On fusillait tous les
hommes, les jeunes garçons non adultes.
Dans une lettre, un soldat allemand affirme avoir vu
passer trois convois de paysans français
prisonniers.
« Tous seront fusillés », écrit-il.
Dans une autre lettre, se trouve cette phrase : «
Nous fusillâmes des habitants de quatorze à soixante
ans. Nous abattîmes trente pièces.
Vingt-autres lettres portent constamment ces phrases
: « Tout fut fusillé. On tue tout. Nous ne laissons
aucun habitant vivant, sauf les femmes. »
Cette fureur est motivée par l'accusation que des
civils ont tiré des coups de feu sur les soldats
allemands, et que le gouvernement français leur a
fait distribuer des armes et des munitions.
Tout le monde, même en Allemagne, sait que cela est
faux.
Les lettres saisies indiquent que de nombreux
réservistes allemands moururent sur les routes par
suite de la forte chaleur.
Un régiment bavarois engagé dans la région de
Blâmont a subi des pertes colossales.
UN AÉROPLANE
ALLEMAND
au-dessus de Nancy
Nancy,
20 août
Mardi à 5 heures après-midi, un monoplan allemand a
survolé Nancy. Il est arrivé du côté de Jarville et
a suivi à peu près la ligne du chemin de fer en
traversant Nancy.
A la sortie de notre ville, au moment où le monoplan
se trouvait entre la côte de Boudonville et le
plateau de Malzéville, une fusillade nourrie éclata
sur les hauteurs. Immédiatement le monoplan fit
volte-face et rebroussa chemin en suivant la même
route qu'à son arrivée.
A peu près au-dessus de la gare, il s'éleva
rapidement et disparut dans les nuages qui, depuis
quelque temps, arrivaient de l'horizon et qui le
cachèrent à la vue.
L'HORREUR
ALLEMANDE
Paris,
20 août, 0 h. 48.
Les rapports des autorités françaises sur la
conduite des Allemands continuent à signaler de
nombreux actes de brutalité injustifiés des
Allemands sur la population civile dans les communes
de la frontière, meurtres des habitants, incendies
de maisons, etc.
Un général de brigade signale qu'un hussard français
fait prisonnier a été égorgé par des soldats
allemands devant les habitants d'une commune
d'Alsace, qui en ont témoigné.
(Communiqué.)
PREMIER AVEU
Paris,
20 août, 1 h. 25.
DE STOCKHOLM. - Les agences allemandes continuent à
envoyer des informations dont il convient de relever
la suivante :
« Les Allemands avouent l'échec de Schirmeck, et
déclarent que le succès français serait dû à la
connivence de la population civile. (Visé.)
Une Locomotive
de Sarrebourg
Lunéville, 20 août.
Les Lunévillois ont eu, mercredi, un délicieux
frisson de joie patriotique lorsqu'ils ont vu
arriver à la gare une locomotive et plusieurs
fourgons venant de Sarrebourg, ce qui tend à prouver
que cette ville est occupée par nos troupes. Un
artiste qui porte actuellement le fusil avait
dessiné à la craie un portrait fort ressemblant de
M. Poincaré, sur l'avant de la locomotive, décoré de
verdure et d'un trophée de drapeaux.
Du côté de l'Alsace tout va pour le mieux.
Nos troupes ont canonné, mercredi, nous assure-t-on,
Mutzig.
Nos douaniers sont déjà installés en Alsace et l'on
s'occupe depuis deux jours à organiser dans toutes
les localités reconquises les services
administratifs.
Dans ce but, M. le Sous-Préfet de Saint-Dié,
accompagné de M. Schmitt, député, s'est rendu
mercredi à Saales.
SAUVÉS !
Paris,
19 août, 1 heure matin.
Le maire et les notables de Blâmont avaient été
condamnés à mort par les Allemands. L'arrivée rapide
des troupes françaises en provoquant le désordre et
la retraite allemande, leur sauva la vie.
Une lettre
touchante
A NOS SOLDATS
A NOS OFFICIERS
Nous
recevons la lettre suivante que nos soldats, nos
officiers liront avec le coeur plus encore qu'avec
les yeux :
Nancy, le 20 août 1914,
Monsieur le Directeur de l'« Est Républicain »,
Monsieur,
Nous sommes prêtes à faire pour nos maris, pour
leurs frères d'armes, tout ce qu'il nous sera
humainement possible de faire. Il y a quelques jours
vous nous avez demandé pour eux du papier à lettre,
peu de chose en somme, et vous nous assurez que par
vos soins il sera distribué. Nous avons confiance en
vous, il n'en faut pas davantage pour que nous nous
précipitions, de tout notre coeur, vers vous, vous
priant d'être notre intermédiaire pour tout ce que
réclameront nos maris, nos chers aimés, ainsi que
leurs frères auxquels nous voudrions également.
prouver notre sincère affection. C'est bien le moins
qu'on leur fasse voir, que, de loin comme de près,
on les aime ardemment.
Si je vous demande comme une prière cette
obligation, c'est que je suis persuadée que votre
obligeance est inlassable pour tout ce qui touche à
nos braves soldats français ; ensuite c'est aussi
parce qu'une grande confusion va infailliblement se
produire dans le cerveau de ces chers êtres auxquels
nous devons tant d'heures de joie et de bonheur et
qui nous ont quittées si confiants dans l'amour
absolu que nous avons pour eux. Cette confusion est
que plusieurs d'entre nous reçoivent souvent des
lettres de leur mari, lettres remplies de
tendresses, mais accompagnées de sensibles reproches
de ce que nous paraissons les oublier alors qu'ils
auraient plus que jamais besoin de notre affection
et de notre soutien moral ! Notre coeur d'épouse et
d'amante ne saurait qu'être ému à l'excès, devant
ces reproches Immérités.
Pour ma part, voici la « septième » lettre que
j'adresse à mon cher mari, que j'adore de toutes les
forces de mon être, depuis trois semaines qu'il m'a
quittée, et la dernière lettre que je reçois de lui
(ce matin même) est, cette fois, remplie d'amers
reproches m'accusant de ne plus l'aimer et d'être
contente peut-être qu'il est parti se faire tuer.
Je vous fais grâce, Monsieur, de tout ce que j'ai
souffert en lisant cette lettre.
J'étais courageuse jusqu'aujourd'hui, je vous prie
de le croire, j'aurais tout bravé.
Cependant, je sens ce courage m'abandonner devant
cette situation que ma raison se refuse à admettre
comme m'étant dévolue personnellement. Quantité
d'autres jeunes femmes subissent cette alternative
cruelle. Nous souffrons toutes, car, toutes, nous
changerions volontiers de place avec eux pour leur
prouver que nous ne les avons jamais tant aimés
qu'en ces jours de terrible angoisse.
Jamais leur vie ne nous a été plus précieuse et
notre inquiétude est plus grande à cette heure où
ils nous accusent amèrement d'indifférence envers
eux. Ils souffrent de ne rien savoir de nous, au
point de se montrer injustes, mais nous souffrons
bien davantage encore de l'impuissance dans laquelle
nous nous trouvons bien malgré nous de ne pouvoir
nous justifier.
Pourquoi donc, Monsieur le Directeur, nos maris ne
reçoivent-ils pas nos lettres ? Pourquoi, puisque
l'Administration des postes nous en a promis la
circulation et la distribution avec seulement un
retard de 48 heures ? Faites-lui donc savoir, à
cette puissante interprète d'amour, que nos maris
ont absolument besoin de nouvelles de leur foyer
qu'ils ont abandonné si bravement, sans défaillance,
avec l'espoir apaisant qu'ils pourraient communiquer
avec nous. Et ils ne reçoivent rien !. Dites donc à
cette Administration que ce n'est pas seulement un
devoir, mais une nécessité qui s'impose pour elle,
si elle veut que le courage de nos braves soldats se
maintienne en équilibre.
Nos lettres à nos maris, Monsieur, c'est le baume
puissant et régénérateur à la lutte âpre et
démoralisante qui s'engage chaque jour. Assurez-lui
aussi, à cette Administration, que les lettres que
nous leur envoyons ne contiennent que des paroles
répondant à la fière et digne attitude de Françaises
que nous sommes et que nous voulons demeurer
toujours, quoi qu'il advienne.
Aucune lamentation, aucune plainte ne va vers ceux
que notre chère et belle France à appelés dans les
plis de ses drapeaux ! Rien que du courage, de la
patience et de l'espoir ! Si nous avons des larmes
en secret, elles sont pour nous seules, tandis qu'à
ceux que nous aimons si entièrement nous n'envoyons
que des sourires et des baisers : puissant réconfort
moral pour le coeur de l'homme.
J'ose espérer, Monsieur le Directeur, que vous
prendrez notre cause avec toute la chaleur qu'elle
comporte et dont nous vous savons capable. Je vous
le répète. Nous avons confiance en vous, pleine
confiance et resterons pour la vie vos obligées.
Merci beaucoup, beaucoup, d'avance. Merci aussi pour
l'affection bien française que vous nous donnez
chaque jour en exemple, à nous et aux nôtres bien
loin là-bas. Ils se le rappelleront, allez, et leur
reconnaissance s'ajoute déjà à la nôtre.
Veuillez croire, Monsieur le Directeur, à
l'expression de notre profonde et cordiale
sympathie.
UNE FEMME D'OFFICIER.
La vaillante petite Française qui nous écrit avec
une si ardente, une si touchante confiance a mille
fois raison. Malheureusement, il ne semble pas
possible que l'administration des postes, qui a tant
à faire actuellement pour collaborer à la défense de
la Patrie, fasse mieux et plus vite.
Nous publions pourtant cette lettre parce qu'elle
montre à quel héroïsme simple s est élevé tout
naturellement le coeur de nos Françaises.
Et aussi pour que nos soldats, nos officiers sachent
bien, - par le journal, puisqu'ils reçoivent si
irrégulièrement les lettres de celles qu'ils aiment
et qui les aiment, - que loin de les oublier, leurs
mères, leurs épouses, leurs soeurs n'ont de plus
chère, de plus profonde, de plus constante pensée
que pour les défenseurs de la Patrie.
R. M.
EN ALSACE
Mulhouse repris à la baïonnette
Paris,
20 août, 13 h: 40.
Les troupes françaises ont réoccupé Mulhouse, après
un vif combat à la baïonnette.
Paris, 20 août, 17 h. 15.
C'est après un combat très vif, où nos troupes
durent enlever à la baïonnette un faubourg de cette
ville, que nous avons réoccupé Mulhouse.
Six canons et six caissons sont restés entre nos
mains.
Nous occupons aussi Guebwiller
Aux cols des Vosges, notre situation demeure la
même.
Nous avons toutefois occupé Guebwiller.
EN LORRAINE
D'un côté à Sarrebourg de l'autre à Delme
Paris,
20 août, 15 h. 55.
Notre ligne s'étend du nord de Sarrebourg jusqu'à
Delme, en passant par Morhange.
Une
contre-attaque allemande
Paris,
21 août, 23 heures (visé).
La journée fut moins heureuse en Lorraine que les
précédentes.
Les avant-gardes françaises se heurtèrent à des
positions très fortes, et furent ramenées, par une
contre-attaque, sur le gros des troupes françaises,
solidement établies sur la Seille et sur le canal de
la Marne au Rhin.
LES
Allemands en retraite
SUR LE RHIN
Paris,
21 août, minuit 58 (visé).
Les troupes françaises ont remporté de brillants
succès entre Mulhouse et Altkirch.
Les Allemands sont en retraite sur le Rhin.
Ils ont laissé entre nos mains de nombreux
prisonniers.
Nous avons pris 24 canons, dont 6 au cours de la
lutte engagée par l'infanterie française.
Paris, 21 août, 1 h. 05 (visé).
BELFORT, 20 août. - Le combat qui s'est livré dans
les environs de Mulhouse, a été particulièrement
meurtrier pour les Allemands, qui, sachant que les
Français épargnent le plus possible les Alsaciens et
leurs propriétés, se dissimulèrent dans les maisons
protégées par la Croix-Rouge, d'où Ils tirèrent sur
les Français.
Ceux-ci dirigèrent un feu violent d'infanterie et
d'artillerie sur les assaillants, dont ils firent un
véritable, carnage.
Tous les Allemands qui sortaient des maisons furent
tués.
Une batterie de six pièces, avec ses caissons
remplis de projectiles, fut enlevée à l'ennemi.
Ces canons ont été amenés aujourd'hui à Belfort.
Une foule considérable a défilé devant.
Dix-huit autres canons, pris dans la matinée, sont
attendus à Belfort demain, avec une colonne de six
cents prisonniers.
A NOMENY
Le récit de Mlle
Jacquemot. - Les Prussiens ! - Dans la cave. -
Arrosées de pétrole. - Le feu. - Soldats et
officiers, - Les soldats pleurent. - Dans les
champs. - La fusillade. - Vers Mailly. - En
l'absence des chefs. - Quelques maisons restent
debout. - Ce n'est pas l'heure de la pitié
Nancy,
21 août
Les nouvelles que de pauvres gens de Nomeny chassés
par les Allemands de leur cité saccagée et brûlée
ont répandues dans les rues de Nancy ont ému la
population.
On serait ému pour bien moins, car nos ennemis ne
respectent aucune loi, et paraissent se complaire
aux ruines et aux meurtres.
Mais les Lorrains ne tarderont pas retrouver le
sang-froid qui est la forme le plus virile du
courage. A cette heure même ils ont reconquis, dans
leur juste colère la calme énergie que la situation
rend nécessaire.
Ils comprennent que l'incendie de Nomeny et les
assassinats qui l'ont accompagné, les Allemands les
ont voulus pour agir par la terreur sur la
population lorraine. Le trouble n'aura duré qu'un
moment. On s'est ressaisi.
Il faut bien se dire que ceci n'est pas un fait
d'armes, mais un horrible fait-divers, La perte de
Nomeny n'a en rien entamé nos positions. Chacun sait
qu'on ne pouvait point défendre cette ville, et
qu'en effet on ne l'a point défendue.
Les Allemands ne se sont pas comportés en soldats,
mais en bandits.
Ce ne sont point des troupes qui ont combattu, mais
des sauvages qui se sont rués sur des vieillards,
des femmes, des enfants sans armes.
Gardons notre pitié pour les victimes, mais gardons
aussi notre courage pour le véritable combat, celui
où les Allemands armés trouveront des Français
armés.
Il ne faut pas avoir seulement confiance dans la
victoire définitive. Tout nous donne la certitude
que, cette épreuve passée, la France triomphera.
Elle a pour elle la droit, la volonté,
l'enthousiasme patriotique, et aussi les armements
solides et les solides positions.
Que les coeurs s'apaisent, que les yeux restent secs.
Ce n'est pas l'heure de la pitié qui amollit, c'est
l'heure de la décision.
RENÉ MERCIER.
Nomeny n'est plus, car le peu qu'il en reste
désormais ne saurait empêcher que l'on puisse écrire
sur ses ruines : « Ici fut Nomeny. »
Les Prussiens y sont entrés, jeudi, 20 août,
incendiant, pillant, massacrant tout.
Il faut se ressaisir et se cuirasser de tout son
courage pour écrire toutes les horreurs que les
rescapés, arrivés à Nancy vendredi matin, à peine
vêtus, les yeux encore épouvantés, nous ont
racontées.
Une des survivantes, Mlle Jacquemot, au service du
docteur Viller, a été accueillie par M. Bergeret,
qui l'a réconfortée autant qu'il est possible en
d'aussi douloureuses circonstances. C'est chez lui
que nous avons pu l'interviewer.
Mlle Jacquemot est une jeune fille de vingt ans,
originaire de la Lorraine annexée. Ses-yeux sont
agrandis par la terreur de tout ce qu'elle a vu, par
tout ce qu'elle a souffert. Elle a été surprise, en
pantoufles, en tenue de travail, et c'est ainsi
qu'elle est arrivée, avec, pour tout linge; dans un
panier, un fichu. Les larmes tombent sans cesse le
long de son visage, mais elle a tant pleuré qu'elle
ne s'aperçoit plus qu'elle pleure.
C'est un récit entrecoupé de sanglots qu'elle nous
fait. Rien ne saurait être plus éloquent, plus
pathétique. Nous transcrivons simplement ses paroles
:
« Hier matin, jeudi, vers 10 heures, nous dit-elle,
j'étais en train d'écrire à ma patronne - car Mme
Viller et ses deux enfants sont heureusement à
Houlgate, depuis que M. Viller a été mobilisé -
lorsque j'entends crier dans la rue.
« Je sors.
« - Les Prussiens ! Les Prussiens ! Sauvez-vous dans
les caves !
« Craignant un nouveau bombardement, je rentre pour
ouvrir les fenêtres et fermer les persiennes, ainsi
qu'il avait été ordonné
« Puis je décide de ne pas rester seule et, ainsi
qu'il avait été convenu avec une voisine, je
descends dans la rue pour me rendre chez elle.
« Je n'ai que le temps de rentrer. Des cavaliers,
des fantassins prussiens, hurlant, sabre au clair,
revolver au poing, arrivent de tous les côtés.
« Capout ! Capout ! Tous les Français capout ! »
crient-ils.
« Je passe par la grange et, par le derrière des
habitations, j'arrive enfin chez ma voisine.
« D'autres personnes y sont déjà venues. Nous sommes
quatorze.
« Nous descendons aux caves. Il y en a trois. Des
deux premières on a malheureusement oublié les clefs
et nous ne sommes pas assez robustes pour en
enfoncer les portes.
« Enfin, nous réussissons à ouvrir la troisième, et,
toutes tremblantes, nous nous réfugions dans un
coin.
« Par le soupirail, nous entendons la canonnade et
la fusillade Des tuile tombent. C'est un vacarme
infernal.
« Enfin, le canon se tait. Combien de temps avait-il
tonné ? Aucun de nous ne peut s'en rendre compte.
« Mais on entend des pas dans l'escalier. Nous
arrive-t-il des sauveurs ou bien des assassins ?
« Ce sont des Prussiens. Nous nous serions dans un
coin sombre... Les Prussiens entrent. Ils n'ont pas
de lumière.. Ils s'avancent. Ils regardent. Ils ne
nous aperçoivent point.
« Ah ! qui dira jamais quelles minute nous avons
vécues !...
« Sommes-nous enfin sauvées ?. Hélas ! Non.
« Les Prussiens sont remontés, mais c'est pour nous
arroser de pétrole, par le soupirail. Ils mettent le
feu. On étouffe. On va mourir, brûlées ou
asphyxiées.
« L'odeur du pétrole est insupportable. Ils ne l'ont
pas ménagé.
« On ne peut rester là. Il faut sortir à tout prix.
Mourir pour mourir, mieux vaut mourir d'une balle ou
d'un coup de baïonnette.
« Quelqu'un de nous a une montre. Il regarde. Il est
cinq heures. Il y avait sept heures que nous étions
là !.
« Une « paire » de jeunes filles - car, avec les
femmes, il n'y avait que quelques enfants et des
vieillards - une « paire » de jeunes filles se
dévouent.
« - Vous en étiez ?.
e- Oui. Nous sommes sorties trois, les deux
demoiselles Nicolas et moi.
« Nous sortons du côté de la remise... Tout brûle
dans Nomeny. Toute la rue est en flammes. Il ne faut
pas songer à sortir du côté de la rue.
« Où aller...
« L'un dit : Allons par ici ; l'autre :Allons plutôt
de ce côté-là.
« De tous les côtés, devant, derrière, tout flambe.
Nous n'avons plus qu'un espoir, c'est d'essayer de
gagner les champs.
« Nous entrons dans le premier jardin venu. C'est
celui de Mlle Manoncourt. Or, c'est un enclos, et
nous n'arrivons pas à défoncer la porte.
« Soudain, nous entendons parler allemand derrière
notre mur. Des soldats prussiens l'escaladent. Cette
fois, nous croyons bien que, pour de bon, notre
dernière heure est venue.
« Or, le premier Prussien qui apparaît nous crie :
« - Fourt !! Fourt ! Allez-vous-en ! Sauvez-vous »
« Mais, je vous l'ai dit, nous ne pouvons pas ouvrir
la porte.
« Enfin, les Prussiens nous rassemblent et nous
emmènent. En route, d'autres viennent nous
rejoindre. Nous arrivons dans une houblonnière. Il y
a des postes qui refusent de nous laisser passer.
« Nous revenons à Nomeny, vers le pont.
« Nous supplions de nous laisser passer.
« - Nous sommes des femmes ! Ayez pitié de nous.
« On refuse.
« Enfin, après bien des supplications, on nous
emmène à l'infirmerie installée chez M. Zambo.
« Là, les soldats sont gentils. Ils nous consolent.
Ils nous disent que ce sont leurs officiers qui les
forcent à incendier - et à fusiller.
« L'un des soldats nous parle en français.
« - Je suis Lorrain, moi aussi, dit-il. Je suis de
Novéant. J'ai une mère...
« Il pleurait.
« En traversant les rues en flammes, nous avons vu
des morts et des morts. Il y en avait qui avaient la
tête fendue. Une vieille femme, qui allait avoir ses
cent ans au mois de novembre, est tombée
d'épuisement pendant le trajet Bien sûr qu'elle est
morte.
« A l'infirmerie Zambo, on nous a donné du pain et
un peu de charcuterie. Nous avons couché par terre,
et ce matin, vendredi, vers 6 heures, on nous a fait
déguerpir.
« - Etiez-vous nombreux ?
« - Oh ! un cent. Cent vingt peut-être. Peut-être
cent cinquante. Avec une autre colonne qu'on m'a dit
être partie d'un autre côté, c'est tout ce qui
restait de vivant à Nomeny.
« - Ils n'ont pas emmené d'otages ?
« - Je ne sas pas si c'est pour les garder comme
otages ou pour les fusiller, mais ils ont ramassé
tous les hommes, depuis les vieillards jusqu'aux
gamins de 15 ans.
« Ceux-là, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus.
J'ai entendu dire qu'ils en avaient fusillé beaucoup
sur la place, mais je ne l'ai pas vu.
« Nous voici dans la rue. Un officiel nous demande
où nous voulons aller.
« Comme personne ne savait trop que répondre, on
nous emmène du côté de Mailly, c'est-à-dire vers la
frontière.
« Nous marchons environ deux kilomètres, escortés
par des soldats, et nous constatons que Mailly n'est
pas brûlée.. Puis l'on nous fait rebrousser chemin.
« Nous voici de nouveau à Nomeny.
« Nouvel ordre. On repart. On nous fait faire cinq
fois cette navette. Nous n'en pouvons plus.
« Enfin, la sixième fois, lorsque nous arrivons au
moulin de Brionne, les soldats allemands nous
abandonnent.
« - Allez où vous pourrez ! nous dit l'un d'eux, en
français. Vous êtes libres.
« Nous avons suivi la route.
« De temps en temps, nous nous retournions pour
regarder une dernière fois notre pauvre Nomeny. Ma
maison n'existait plus, et l'une des seules maisons
qui restaient, la pharmacie, ne formait plus qu'un
brasier énorme.
« Nous arrivons enfin à Lixières. Là, des ambulances
françaises nous recueillent, et c'est ainsi que nous
sommes arrivés à Nancy, où, pour mon compte, vous le
voyez, je suis tombée chez de si braves gens.
« Je peux aller rejoindre ma patronne, à Houlgate.
« - Dans deux ou trois jours, - interrompt M.
Bergeret, lorsque vous vous serez bien reposée ici.
« - Avez-vous quelques noms de victimes, noms dont
vous soyez bien sûre.
« - J'ai vu des morts dans les rues, mais on n'avait
guère le temps de les regarder de près.
« Cependant, je crois avoir reconnu M. Quillian
père, qui gisait sur la chaussée, la tête fendue.
, « On m'a dit aussi que Mme Humbert, en ouvrant sa
porte en compagnie de ses enfants, s'était trouvée
face avec les Prussiens, qui tiraient des coups de
revolver. Mais je ne sais pas si elle a été tuée, ni
si les enfants sont saufs.
« Ce qu'il y a de terrible, c'est de songer que
beaucoup de ceux qui s'étaient enfermés dans les
caves ont pu périr brûlés vifs ou asphyxiés.
« En tout cas, je vous le répète, deux colonnes
seulement de 100 à 120 personnes sont parties, et
une colonne de vieillards, de jeunes gens et
d'enfants a été emmenée je ne sais où, ou
fusillée... »
Tel est le récit, aussi sincère qu'émouvant, que
nous avons entendu du sac de Nomeny.
Sur la place Stanislas, vendredi matin, vers 10
heures, un groupe compact d'hommes et de femmes, le
visage anxieux, entoure plusieurs femmes et jeunes
fillettes, venant de Nomeny, qui se serrent
peureusement auprès d'elles. Une jeune femme raconte
les souffrances qu'elle et sa famille ont endurées
pendant la journée de jeudi.
« J'habite Paris, que j'ai quitté pour venir voir
mes parents à Nomeny où j'étais depuis quatre jours.
« Dans la journée de mercredi, je me trouvais dans
les vignes où je travaillais avec ma mère. Je
m'avançai un peu. Tout à coup, j'aperçois, à dix
mètres devant moi, un soldat allemand.
« Je courus de suite dans la direction du cimetière,
où se trouvait un poste de soldats français, et je
le prévins que les Prussiens arrivaient
« Quelques coups de feu furent échangés, puis la
journée se termina sans autre alerte.
« Jeudi matin, vers 10 heures, la canonnade éclata
soudain au-dessus de Nomeny., On entendait les obus
tomber sur les maisons, défonçant les toits et
mettant le feu aux habitations.
« Tout le monde se retira dans les caves où l'on
resta enfermé jusqu'à vers quatre heures ou cinq
heures du soir.
« A ce moment, comme on entendait les murs des
maisons s'écrouler sur les voûtes, l'on craignait
d'être ensevelis et l'on se décida à sortir des
caves pour aller chercher un refuge dans la
campagne.
« En passant, à travers les rues, on vit les maisons
qui s'écroulaient ; l'église, la maison d'école,
transformée cependant en ambulance, étaient
incendiées.
« Partout, l'on était obligé de passer au-dessus de
corps étendus sur la chaussée.
Les Prussiens fusillaient tous les hommes.
« Devant une fillette, ils tuèrent un homme de 74
ans et un autre de 40 ans. Je pris par la main la
malheureuse enfant et je l'emmenai avec moi.
« La voici, nous dit notre interlocutrice, en
montrant une fillette âgée d'une douzaine d'années.
Elle pourra en témoigner.
« Les soldats allemands avaient pris tous les hommes
qu'ils trouvèrent dans la ville. Ils les
conduisirent sur la place de l'Hôtel-de-Ville, et
là, devant les femmes et les enfants, ils les
fusillèrent à bout portant.
« J'ai vu tomber, notamment, le boucher et d'autres
habitants.
« Nous nous sommes sauvés dans les vignes.
« Bientôt les obus allemands venaient tomber autour
de nous. Ils éclataient dans le sol, nous couvrant
entièrement de terre.
« Puis le feu cessa. Les Prussiens vinrent nous
rejoindre.
« C'est alors que j'ai vu un homme tomber à terre,
frappé par une balle prussienne. Sa femme s'étant
baissée pour le relever, un soldat allemand lui posa
le canon sur la tête. La malheureuse s'écroula sur
le corps de son mari.
« Puis les Allemands prirent tous les un hommes qui
étaient avec nous. Ils les emmenèrent vers Mailly.
« Les femmes et les enfants furent repoussés ensuite
sur la ville.
« Nous avons passé le pont, où se trouvaient des
cadavres.
« A l'extrémité de la ville, il a fallu rebrousser
chemin, puis repasser le pont. Enfin, on nous
conduisit à la maison Zambo, que les Prussiens
avaient conservée pour leur servir d'ambulance.
« Les soldats allemands nous donnèrent à manger du
pain et ce qu'ils avaient avec eux. Quelques-uns,
qui parlaient français, nous plaignirent.
« Ils étaient bons pour nous. J'ai vu l'un d'eux
prendre un petit enfant qu'une femme portait dans
ses bras, l'entourer dans une couverture et le
remettre à sa mère.
« Vendredi matin. à six heures, nous avons été
réveillés. Les mêmes soldats nous donnèrent à boire,
et nous réconfortèrent.
« Ils agissaient ainsi lorsque les chefs étaient
absents, car ceux-ci se montraient particulièrement
méchants, et leurs soldats tremblaient devant eux.
« En sortant de la maison Zambo, on nous fit aller
sur Mailly, puis on nous ramena jusqu'au pont du
moulin de Brionne.
« Là, des soldats nous obligèrent à rebrousser
chemin. Il fallut revenir vers Mailly, puis vers
Brionne. On fit ce manège-là plusieurs fois. Je
crois que les chefs voulaient nous montrer le
spectacle des ruines de Nomeny.
« Enfin, on nous ramena une dernière fois vers
Brionne. Là, les soldats allemands nous
abandonnèrent.
« Nous nous sommes dirigés vers Pont-à-Mousson, et
bientôt on rencontrait des Français, qui, après
avoir entendu notre récit, nous apportèrent quelques
secours. Puis des voitures d'ambulances vinrent nous
chercher et nous amenèrent à Nancy »
L'HORREUR
ALLEMANDE
ancy, 21
août
Il fallait s'y attendre de la part de vandales
dignes d'Attila. Les Allemands ont renouvelé leurs
exploits de Nomeny dans tous les villages
environnants, notamment Eply, Clémery,
Port-sur-Seille.
Port-sur-Seille n'existe plus.
Champey n'a pas été incendié, mais des affiches en
allemand ont été placardées dans les rues, pour
prévenir les habitants qu'au premier coup de feu le
village serait brûlé.
PRISONNIERS
ALLEMANDS
amenés à Belfort
Belfort,
21 août
On vient d'amener ici 563 soldats et sous-officiers
et 15 officiers des régiments d'infanterie badoise
qui ont été faits prisonniers hier à Dornach, près
de Mulhouse. On en attend un convoi pareil dans la
journée de demain. Ils seront tous dirigés sur le
Centre.
Parmi les otages pris à Mulhouse, on signale le
directeur et le caissier de la succursale de la
Reichsbank.
DANS LES
COMMUNES ÉPROUVÉES
L'invasion des
Barbares. - Les Allemands vole et, pillent, tuent,
brûlent. - Ruines et meurtres. - La bête teutonne
déchaînée. - Un Maire héroïque. - Le
poteau-frontière de Deutsch-Avricourt au musée de
Nancy. - Vive la France.
Nancy,
21 août
M. L. Mirman. préfet de Meurthe-et-Moselle, s'est
rendu hier à Badonviller pour remettre la croix-de
la Légion d'honneur M. le maire Benoit.
M. le Préfet était accompagné comme dans toutes les
visites déjà faites par lui dans l'arrondissement si
éprouvé de Lunéville, par M. Méquillet, député, et
Minier, sous-préfet.
Il était cette fois accompagné aussi de Mme Mirman.
laquelle avait en ce jour une mission spéciale à
remplir : celle de porter, au nom de toutes les
femmes de France, un souvenir ému aux femmes
francises assassinées par les Allemands et de
déposer sur ces tombes des gerbes de fleurs nouées
de rubans tricolores. Ce pieux pèlerinage auquel, en
chaque commune, se joignirent les autorités locales,
eut lieu :
1° A Badonviller. sur la tombe de Mme Benoit, femme
du maire, fusillée alors qu'elle ouvrait, sur les
ordres des autorités allemandes, les fenêtres de sa
maison.
2° A Badonviller, sur la tombe provisoire, en plein
champ, où reposent les restes de Mme George et de
son mari, fusillés dans leur maison même avec une
atroce cruauté ;
3° A Bréménil, sur la tombe de Mme Barbier, brûlée
dans sa propre maison, et qui y fut d'abord
probablement assassinés au chevet de son fils,
blessé et alité dont les restes furent aussi
retrouvés dans les décombres ;
4° A Blâmont, sur la tombe de Mlle Cuny, tuée dans
les champs près du village et sur qui les Allemands
tirèrent comme sur une alouette..
Tel est, dressé jusqu'à ce jour, le martyrologe des
femmes françaises en cette région de Lunéville.
A Badonviller, pendant que le pieux pèlerinage
s'accomplit sur les tombes de Mmes Benoit et George,
la foule s'est massée sur la place Un officier
commandant des troupes de passage, avisé de la
cérémonie qui va avoir lieu, commande un piquet pour
rendre les honneurs. M. le Préfet de
Meurthe-et-Moselle s'exprime en ces termes :
« Je viens, au nom de la France, saluer à
Badonviller la commune martyre et le maire héroïque.
« Ici, les barbares ont donné toute leur mesure.
Sans la moindre provocation, sans qu'un coup de feu
ait été tiré, une menace faite, une insulte
proférée, une imprudence commise par la population
civile, disciplinée sous l'autorité ferme et sage de
son maire, sans la moindre raison, sans le moindre
prétexte de guerre, ils ont ici accumulé toutes les
violences possibles. Ils ont emmené quinze otages,
dont à l'heure actuelle aucune nouvelle ne nous est
connue. Ils ont saccagé, ils ont pillé, ils ont
volé, volé non seulement les liqueurs dont ils
s'enivrèrent, mais l'argenterie et les bijoux. Ce
n'est pas tout. Avec calme, méthode et sang-froid,
se servant de cartouches et fusées spéciales ils ont
brûlé huit maisons. Ce n'est pas tout encore. Quand
ils se retirèrent, leurs artilleurs situés sur une
commune voisine, virent devant eux la belle église
de Badonviller, magnifique cible plus facile à
atteindre et moins dangereuse à viser qu'une
batterie française.
Alors qu'il n'y avait pas un seul soldat français
dans l'église, dans le village ni aux alentours,
leurs artilleurs canonnèrent, démolirent et
incendièrent l'église : on eût dit que ces Bavarois,
les plus catholiques parmi les Allemands, avaient
conçu l'extravagante idée de vouloir punir Dieu de
n'avoir pas béni leurs armes ! Ce n'est pas tout
encore hélas ! Plus de dix personnes; dont deux
femmes, furent lâchement assassinées.
« Tel est le bilan de ruines et de meurtres. Si je
n'étais entouré d'enfants qui pleurent les pères ou
mères fusillés, j'éprouverais une âpre joie à
dresser ce tableau tragique et je dirais : Oui, il
fallait que quelque part en une commune de France
marquée pour ce martyre - et cette commune devait
être en Lorraine - il fallait que le barbare
imprimât la marque totale de son génie, qu'il offrit
au monde un échantillon de ce qu'il sait faire :
qu'il fit comprendre par quelque exemple éclatant ce
dont est capable la bête teutonne quand elle est
déchaînée.
« Je viens, mes chers amis, d'abord vous dire ceci :
cette bête teutonne que vous avez vue à l'oeuvre,
elle ne reviendra jamais sur notre terre de France.
Sur toutes les parties du monde elle est traquée,
traquée au Sud par la race vaillante des Serbes et
Monténégrins qui n'ont pas reculé d'une semelle,
traquée à l'Est par les Russes qui avancent, traquée
au Nord-Ouest par les Belges héroïques qui leur
apprennent en ce moment ce dont est capable un
peuple fier et libre ; elle est traquée, la bête
teutonne, sur tous les Océans et sur tous les
continents du monde par les Anglais ; de Liège à
Belfort, elle recule ; près d'ici, sous les
baïonnettes françaises, elle a été chassée des cols
et des sommets des Vosges, elle dévale en hurlant de
rage dans les plaines d'Alsace ; bientôt,
pantelante, elle repassera le Rhin, la bête teutonne
contre laquelle se dressent, avec une mâle énergie.
toutes les nations du monde qui veulent vivre dans
la paix, le travail et la bonté. Elle est traquée,
vous dis-je, plus d'angoisse ! Oubliez vos épreuves,
garder le souvenir impérissable de vos chères
victimes, dont les noms seront inscrits bientôt en
lettres d'or sur des plaques de marbre dressées aux
portes de vos mairies, mais relevez la tête, et
contemplant ce destin supérieur à nos espérances, à
l'aurore de cette ère nouvelle où la Patrie
rayonnante va imposer au monde le règne de la
Justice, pleurons de joie en acclamant la douce
France éternelle !
« Mais le spectacle de ces ruines fumantes m'impose
le devoir : habitants de Badonviller et des communes
éprouvées de Lorraine, je prends devant vous un
double et solennel engagement ; d'abord vos maisons
vous seront rendues, reconstruites au frais du
pillard et de l'incendiaire ; puis vos églises
seront restaurées et si elles doivent l'être par
souscription publique, je prends l'engagement, au
nom de ma race dont je connais bien l'âme, qu'à
cette souscription pas un Français ne manquera,
catholique ou libre penseur, protestant ou,
Israélite, puisque tous aujourd'hui forment contre
le barbare comme un bloc de ciment armé.
« Il me reste une mission à accomplir. »
M. L. Mirman rappelle la conduite héroïque du maire
Benoit ; il insiste sur les vertus morales dont il a
fait preuve lorsque, le lendemain, il a sauvé, par
sa courageuse intervention, la vie d'un prisonnier
allemand. Il met en relief le magnifique exemple
qu'il a donné et dont la France est fière. Et aux
acclamations enthousiastes de toute la foule, il
épingle sur le modeste veston du maire Benoit la
croix de chevalier de la Légion d'honneur.
Après une courte visite à Bréménil et à Blâmont, M.
le Préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu à
Nonhigny, où un affreux, spectacle l'attendait. Sur
60 maisons, 15 et les plus importantes sont brûlées,
l'église en ruines, quatre hommes assassinés, dont
l'adjoint faisant fonctions de maire, M Jeanjean. M.
Mirman réunit les quelques hommes valides présents
dans le village ; sur leur indication, désigne M.
Gérard Arsène pour faire fonction de maire,
distribue les secours d'extrême urgence, donne des
indications sur le ravitaillement en farine et
diverses autres questions d'intérêt immédiat, et
fait, par M. le juge de paix du canton, présent sur
les lieux, adresser un secours à la commune de Parux,
également bouleversée, visitée déjà antérieurement.
La commune voisine de Barbas est moins éprouvée.
Deux hommes tués, cinq otages emmenés. Maisons
pillées, mais aucune incendiée. Il est entendu que
la population de Barbas va aider les habitants plus
malheureux de Nonhigny.
A Remoncourt, le maire, M. Scherer, et M. Beaudoin,
conseiller municipal, ont été emmenés comme otages
et ne sont point revenus. Pas d'assassinat. Pas de
maison incendiée. Mais le village est à sac.
L'adjoint Chatel se multiplie. La population pleure
de joie en apprenant les bonnes nouvelles, en
écoutant les paroles réconfortantes que lui apporte
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle.
A Xousse, trois maisons brûlées, un otage emmené.
Xousse, où il reste quelques vieux chevaux, ira se
ravitailler en farine pour son compte et pour
Remoncourt.
Vaucourt offre comme Nonhigny un spectacle de
désolation : une trentaine de maisons incendiées,
incendiées non comme l'église par le bombardement et
par accident de guerre, mais incendiées à la main,
froidement, comme à Badonviller. Trois otages
emmenés. Le village est à sac. La population réunie
sur la place, au milieu des ruines, accueille les
déclarations du préfet par une acclamation unanime
de « Vive la France ! », et sur ces visages éprouvés
coulent aussi des larmes de joie et de fierté. Il
est entendu qu'on fêtera l'an prochain, dans un
banquet, l'inauguration des nouvelles maisons
reconstruites aux frais des barbares.
M. le préfet a visité en rentrant à Nancy les
municipalités de Xures et Einville, et était à 7
heures à la mairie de Nancy, où Mme Mirman faisait
connaître à M. le maire Laurent qu'elle était
heureuse d'apporter et d'offrir à la ville ce Nancy,
le poteau-frontière allemand de Deutsch-Avricourt.
M. Paquel sortit avec peine de l'auto la lourde et
vilaine masse de bronze et la remit à M. le maire,
qui se propose de la faire déposer ultérieurement au
musée de la ville.
LA JOURNÉE
MUNICIPALE
Nancy,
21 août 1914.
Les récits d'horreurs commises par les Allemands ont
rendu la population impressionnable. En outre, la
vue des blessés, celle de malheureux paysans,
affolés, les sentiments bien compréhensibles que
ceux-ci éprouvent, mais qu'ils expriment d'une
manière excessive, en termes qui grossissent de
bouche en bouche, tout cela contribue à augmenter la
sensibilité générale Il ne manque pas, cependant, à
Nancy, de gens capables de donner l'exemple du
sang-froid. Les habitants de notre ville sont
familiarisés avec l'idée de guerre. Ils doivent donc
montrer du calme et, surtout, « conseiller le calme
».
Conseiller du calme autour d'eux et dans l'ambulance
où l'on fait trop parler les blessés. Ces derniers
sont déprimés, enfiévrés, ils n'ont vu que le coin
du combat où mal leur advint. Naturellement, ils
envisagent les choses avec amertume, avec tristesse.
Leurs récits ne sauraient donc trouver créance chez
les gens sérieux. On en peut dire autant des récits
faits par les automobilistes chargés du transport
des blessés. Ces excellents auxiliaires n'ont vu que
les horreurs du champ de bataille, ils en restent
frappés et communiquent à leurs auditeurs un dégoût,
une appréhension contre quoi l'opinion publique doit
être mise en garde.
Nous n'avons pas à nous occuper ici des opérations.
Mais les habitants de Nancy ont déjà pu apprécier
avec quelle méthode elles sont menées. Notre
confiance dans les chefs militaires est
inébranlable. Pour conserver notre sang-froid, il
suffit que nous nous gardions nous-mêmes contre les
amplifications, les commérages, les exagérations de
tout genre qui naissent passagèrement sous les pas
de chacun. L'excellent esprit de la population est
un sûr garant qu'il en sera ainsi.
RÉPUBLIQUE
FRANÇAISE
Nancy,
21 août 1914, 18 heures.
M. le lieutenant-colonel Ducasse, major de la
garnison, prie M. le maire de Nancy d'inviter la
population à faire preuve de calme.
Il ne faut pas que quelques coups de canon et la
fuite des gens de la campagne suffisent pour alarmer
une population comme celle de Nancy, qui est
couverte par toute une armée
SUR LE FRONT
Paris,
21 août.
Des forces allemandes ont continué de passer la
Meuse aux environs de Huy et une concentration
importante est en voie d'exécution en Belgique.
Il est agréable de constater que ce matin il n'y
avait plus aucun point du territoire français occupé
par l'ennemi, sauf une légère enclave à
Audun-le-Roman.
Ainsi, le vingtième jour de la mobilisation, en
dépit de toutes les assurances allemandes, des
écrits de leurs auteurs les plus connus et de ceux
même du grand état-major, non seulement ils n'ont
pas encore obtenu les avantages décisifs qu'ils
escomptaient, mais encore ils n'ont pu porter la
guerre sur notre territoire.
Cet avantage, dont il convient d'ailleurs de ne pas
s'exagérer outre mesure l'importance, a néanmoins
une valeur morale qu'il est bon de signaler.
(Officiel.)
LES OPÉRATIONS
EN LORRAINE ET EN ALSACE
Sur le front, du
Donon jusqu'à Château-Salins. - Delme, Dieuze et
Morhange. -
Nancy est couvert. - Ne soyons pas inutilement
imprudents. - Succès français.
- Thann et Dannemarie. - Le général Pau. - Vers
Colmar et Neuf-Brisach. -
Dornach à la baïonnette. - Les Allemands passent le
Rhin en désordre.
Paris,
22 août.
Nous avons annoncé, d'après des dépêches son maires,
que nos troupes avaient réoccupé Mulhouse et que nos
Groupes de Lorraine, devant un ennemi supérieur en
nombre, s'étaient repliées.
On trouvera ci-dessous les détails sur ces deux
séries d'opérations :
En Lorraine, nos troupes se replient. On sait
qu'après avoir reconquis la frontière, nos troupes
s'étaient avancées en Lorraine.
Sur tout le front du Donon jusqu'à Château-Salins,
elles avaient refoulé dans la vallée de la Seille et
la région des étangs les troupes allemandes. Nos
avant-gardes avaient atteint Delme, Dieuze et
Morhange.
Dans la journée de vendredi, plusieurs corps d'armée
allemands ont engagé, sur tout le front, une
vigoureuse contre-attaque.
Nos avant-gardes s'étant repliées sur le gros, le
combat a commencé, extrêmement vif de part et
d'autre.
En raison de la supériorité numérique de l'ennemi,
nos troupes, qui se battaient depuis six jours sans
interruption, ont été ramenées en arrière.
Notre gauche couvre les ouvrages avances de Nancy,
notre droite est solidement installée dans le massif
du Donon.
L'importance des forces ennemies engagées ne nous
eût permis de nous maintenir en Lorraine qu'au prix
d'une imprudence inutile.
Les détails arrivés samedi sur l'occupation de
Mulhouse montrent que nos troupes y ont obtenu un
gros succès L'offensive d'abord sur le front Thann
et Dannemarie, ensuite sur Mulhouse, a été menée
avec une extrême vigueur par un mouvement audacieux
Le général Pau, une fois maître de Thann et
Dannemarie, a porté ses troupes à l'ouest de
Mulhouse, laissant à l'ennemi la liberté de
s'engager entre nos lignes et la frontière suisse.
Puis, par un deuxième effort, les Allemands ont été
rejetés sur Mulhouse. En même temps que notre droite
se portait sur Altkirch, notre gauche s'était
avancée dans la direction de Colmar et de
Neuf-Brisach, menaçant la ligne de retraite de
l'ennemi.
Les Allemands ont été alors contraints d'accepter le
combat, qui a été des plus chauds.
Dans un faubourg de Mulhouse, à Dornach, notre
infanterie a enlevé à la baïonnette canons et fait
plusieurs milliers de prisonniers.
La lutte s'est poursuivie dans les rues, de maison à
maison.
Les pertes des Allemands sont énormes. Continuant
son succès, une partie de notre armée a occupé
Mulhouse, tandis que tout le reste se rabattait sur
Altkirch et forçait les Allemands à se replier sur
le Rhin, qu'ils ont passé en désordre.
Ainsi est atteint le but initialement fixé à nos
troupes dans la Haute-Alsace : le rejet des forces
allemandes sur la rive droite du Rhin. (Officiel.)
A
CHATEAU-SALINS
ancy, 22
août
Nous avons reçu ce matin la visite d'une haute
personnalité de Château-Salins, qui nous a conté la
prise et L'occupation de Château-Salins.
- Je ne sais guère plus quel jour on vit. Mais enfin
il y a quatre ou cinq jours les Français ont occupé
Château-Salins, où leur artillerie a fait merveille.
Les Allemands fuyaient tant qu'ils pouvaient.
« L'enthousiasme de la population était émouvant On
accueillait vos soldats avec des vivats et des
hourras.
« Un commandant cependant le lendemain nous réunit :
- Il se passe, nous dit-il, à Château-Salins quelque
chose d'ignoble. Nous comprenons qu'on nous tire
dans la poitrine.
Mais nous ne pouvons pas accepter qu'on nous fusille
dans le dos. Or, des coups de feu nous ont été
envoyés par la population.
« Nous avons protesté avec indignation. Ce n'était
pas possible. Nos sentiments, nous ne les
dissimulons pas assez, malgré le danger qu'il y a de
les divulguer, pour que tout le monde ne les
connaisse.
- Je ferai une enquête, nous déclara le commandant,
qui comprit que notre protestation partait du coeur.
« Et en effet l'enquête a été faite, et on a amené à
Nancy une fonctionnaire allemande, purement
allemande, dans le lit de laquelle on a trouvé un
fusil chargé, et qui avant la mobilisation bénissait
la guerre prochaine.
« Par tout le pays que j'ai parcouru, notre
situation, votre situation, veux-je dire, est
excellente. Je suis venu à Nancy, accueilli par les
soldats français, et je vous assure que je suis
largement, pleinement rassuré sur notre avenir
français, sur notre avenir à nous, Lorrains annexés,
qui voyons déjà la délivrance. »
LES MANoeUVRIERS
DE LA PEUR
Nancy,
22 août.
Puisque les parties de manille sont désorganisées et
que les matches de billard sont interrompus, on ne
peut pas empêcher les gens de jouer un autre feu, le
jeu de la manoeuvre. Evidemment tous les esprits sont
dirigés vers la partie énorme qui est ouverte, et
dont la paix européenne est le formidable enjeu.
Mais il faut que nos concitoyens sachent bien ceci :
c'est qu'ils ne savent rien.
Ils ne connaissent ni le nombre de nos hommes, ni le
nombre de nos ennemis. Ils ne connaissent ni les
positions des Français ni les positions des
Allemands. Ils ne connaissent ni le plan de notre
état-major ni le plan de l'état-major prussien.
Pour avoir vu des soldats qui passent dans la rue,
qui partent, qui reviennent, ils n'en sont pas plus
avancés sur ce que font nos troupes, ni les troupes
opposées.
Et s'ils ont entendu le rapport du sous-chef
cuisinier de la quatrième, ils n'ont pas du coup
acquis assez d'autorité ni assez de précisions pour
établie ce qu'on devrait faire.
Persuadons-nous que nous sommes doublement
incompétents d'abord parce que nous n'avons pas
étudié la situation générale, ni la situation
particulière, ni la situation quotidienne et
changeante, et ensuite que si nous avions étudié
tout cela, ce serait la même chose. Nous n'en
saurions pas davantage.
Alors conservons, si nous voulons, cet amusement qui
consiste à jouer au manoeuvrier. Mais gardons aussi
notre sang-froid, et un scepticisme souriant sur la
valeur de nos hypothèses de fantaisie.
Et puis, et puis surtout, arrêtons sur les lèvres
des mauvais prophètes les paroles imprudentes ou
énervantes, et ne craignons pas de leur dire tout
net qu'ils commettent une action abominable en
détruisant la confiance qu'à bon droit la population
a placée en nos armées.
Il ne faut pas craindre d'être sec, et de répondre
aux semeurs de panique - Vous avez peur. Vous ne
savez pas ce que vous dites.
Faites cela, mes chers amis, trois ou quatre fois
dans la journée, et vous verrez que vous-mêmes serez
soulagés, en même temps que vous aurez agi en bons
Français.
RENÉ MERCIER.
Et l'État de
Siège ?
Nancy,
22 août.
L'autorité militaire a pris vendredi une mesure
excellente : elle a ordonné la fermeture des cafés à
6 heures. Il y a actuellement en ville un grand
nombre de soldats inoccupés ou légèrement blessés
qui sont autorisés à quitter l'hôpital une ou deux
heures par jour. Depuis quelques jours, on les
attirait dans les cafés, à l'heure de l'apéritif, on
les accueillait, on les entourait, on les
questionnait. Et. de la sorte, les bruits les plus
fantaisistes prenaient corps, les nouvelles les plus
invraisemblables circulaient, répandues ensuite par
des civils qui affirmaient les tenir « d'un soldat
qui y était ». On a voulu mettre fin à tous ces
potins. On a bien fait...
Mais il reste beaucoup à faire. On ne se doute pas,
en effet, que Nancy est en état de siège et que les
rassemblements y sont interdits.
Promenez-vous sur un pont, un de ces ponts gardés
par des sentinelles. Vous pensez que le public «
circule ». Non ! Il bavarde, il forme des groupes.
Passez au Point-Central, ou au coin des principales
rues. La circulation y est à peu près interrompue
par la foule des oisifs et des désoeuvrés. Et les
groupes sont des foyers de fausses nouvelles, ou de
bruits inquiétants.
Vendredi, place Stanislas, c'était bien pis. On
ramenait les habitants de Nomeny fuyant devant
l'incendie. Il eut été bon de les diriger
Immédiatement, sans tapage, sur des refuges ou des
établissements hospitaliers. On les a laissé
descendre de voiture place Stanislas, devant l'Hôtel
de Ville. Ils se sont partagés en petits groupes
qu'ont immédiatement entourés des milliers de
personnes. La place fut vite couverte de monde. Et
tout ce monde se répandit ensuite par la ville, y
semant une terreur exagérée.
Enfin, les convois de blessés donnent lieu à des
manifestations de curiosité regrettable. Nous avons
vu des gens attendra tout une après-midi, rangés sur
les trottoirs, en files serrées, le passage des
convois. Le premier rang s'assied sur la bordure du
trottoir, les autres s'étaient par derrière. On se
croirait au retour des courses. Les abords des
hôpitaux sont de même encombrés.
Nous pensons qu'il y aurait le plus grand Intérêt à
remédier d'urgence à un état de choses qui ne peut
qu'augmenter sans raison l'énervement du public et
jeter dans les esprits le trouble et la
démoralisation..
Tous les gens sérieux et réfléchis applaudiront à
l'exécution sévère des prescriptions relatives à
l'état de siège.
Habitants de
Nancy
Nancy,
22 août 1914.
Commandant les troupes opérant dans votre région, je
fais appel à votre bonne volonté, à votre calme, à
votre patriotisme dans les circonstances que nous
traversons.
Ne prêtez pas l'oreille aux bruits alarmants qui
circulent.
Mes troupes et moi nous sommes là, comptez sur nous.
Signé ; Général Léon DURAND.
FEMMES DE
FRANCE
Nancy,
22 août.
L'Union des Femmes de France possédait, à Cirey et à
Blâmont, des hôpitaux en voie d'organisation. M.
Lespine, délégué régional, a pu les visiter,
accompagné de M. Breittmayer, envoyé du siège
central de Paris, apportant du matériel de pansement
et des instruments, en même temps que deux médecins
désignés par le service de santé, à la demande de M.
la préfet.
Ces hôpitaux se sont organisés et ont pu
fonctionner.
A Blâmont, Mme Florentin et ses collaboratrices ont
pu hospitaliser plus de 150 malades et blessés et
cette femme au grand coeur soignait des Allemands
tandis que son mari, adjoint au maire, et pour
lequel d'ailleurs elle trouvait le temps
d'intercéder, était retenu comme otage et à la
veille d'être fusillé.
A Cirey, une autre femme admirable, Mme Mazerand,
aidée de ses concitoyennes, recevait 3 à 400 blessés
dans son hôpital criblé de balles allemandes, et
sous la commandement de majors allemands qui
s'étaient emparés de la direction.
Tout cela à Blâmont et à Cirey, au milieu des
fusillades éclatant dans les rues.
A Badonviller, aidée par les dévoués brancardiers,
l'Union des Femmes, de France put, grâce
principalement à Mme Fenal, aux religieuses de la
Doctrine Chrétienne, au docteur Bauquel, à sa fille,
improviser un hôpital et des secours et recevoir de
6 a 700 personnes.
Cette attitude de nobles Françaises, attitude
au-dessus de tout éloge, réconforte quand on passe
au milieu de toutes ces ruines, de ces villages
sauvagement incendiés, de ces églises démolies par
l'ennemi.
Aussi, le délégué régional de l'Union prie-t-il la
presse de bien vouloir, en insérant cette note, y
joindre l'expression publique de sa respectueuse
admiration qui sera, croit-il, le sentiment de toute
notre population.
SUR LE MARCHE
Nancy,
22 août.
Sur le marché de la place Mengin, les denrées de
toutes sortes étaient en abondance. On peut dire
même que rarement l'on a vu choux, salades et
haricots en pareilles quantités. Il y avait aussi de
nombreuses charpagnes de mirabelles.
Tout était à des prix tout à fait abordables. Depuis
de longues années, les produits de nos banlieues
n'avaient atteint un bon marché pareil.
Aussi nos prévoyantes ménagères ont-elles fait de
grosses provisions pour confitures et pour
conserves, car ce sont là des dépenses qui sont, en
réalité, une économie.
LES BEAUX
GESTES
Nancy,
22 août.
M. L. Mirman a reçu, pour être remise à M. le maire
de Bréménil, la somme de 200 francs de M. Thiébault,
conservateur, des hypothèques à Oran.
M. Thiébault a une maison dans la commune de
Bréménil. « Est-elle, écrit-il, parmi les maisons
incendiées ? Je le saurai plus tard. Mais il y a là
de pauvres gens et qui souffrent et je ne sais
comment adresser à quelqu'un de la localité la somme
contenue dans cette lettre pour aider à leurs
misères. »
La lettre et les 200 francs seront transmis à M.
l'adjoint de Bréménil, le maire, blessé d'une balle
à l'épaule, étant soigné à l'ambulance de Cirey.
COMBATS EN
ALSACE
Violentes
attaques contre nos positions de Mulhouse.
Les Allemands repoussés.
Bâle, 22
août, 5 heures du soir.
Pendant les trois journées qui viennent de
s'écouler, les Allemands ont fait des efforts
énergiques pour déloger les troupes françaises de
leurs positions autour de Mulhouse. Plusieurs
attaques vigoureusement menées, ont été repoussées.
Des convois de blessés qui arrivent continuellement
attestent les ravages terribles que cause dans les
rangs allemands l'artillerie française, installée
sur les hauteurs d'Altkirch. On entend d'ici ses
gros canons.
Hier soir, à dix heures, nous avons pu voir une
attaque de nuit tentée par des troupes venant d'Istein
Nous voyions le combat engagé entre les Français
établis sur les hauteurs et les grosses pièces de
forteresse.
Au-dessus des lumières de Bâle, les puissants
projecteurs de Baden éclairent les positions
françaises.
Bâle, 23 août, 11 h. 50 matin.
On télégraphie de Delle que les Allemands font de
nouveaux préparatifs d'attaque contre les positions
françaises, qui sont solidement occupées.
LES OPERATIONS
EN LORRAINE
L'offensive
allemande est arrêtée. - Pas d'attaque au centre. -
Sur les hauteurs de Lunéville. - Les pertes
Paris,
23 août, minuit 55.
(Officiel.)
L'offensive allemande qui avait répondu à notre
attaque et continué pendant la journée d'hier, a été
arrêtée aujourd'hui.
Il ne s'est produit aucune attaque allemande contre
la position désignée sous la nom de « Grand Couronné
de Nancy »
Des engagements ont eu lieu sur les hauteurs au nord
de Lunéville.
On a l'impression que dans ces actions, l'attaque
des Allemands a été molle.
Il est certain que si nos pertes au cours de ces
trois jours derniers ont été sérieuses, celles des
Allemands l'ont été également.
Encore un «
Zeppelin » DÉTRUIT
Paris,
23 août, 16 h. 18 (Visé).
Le « Zeppelin VIII » a été abattu sur la route de
Celles à Badonviller. Il venait de Strasbourg.
Le « Zeppelin » qui a été détruit était une des plus
puissantes unités de l'armée aérienne de l'Allemagne
; il cubait 22.000 mètres ; il avait 156 mètres de
long, 14 mètres 80 centimètres de large, avec un
moteur de 800 chevaux. Il pouvait voyager à 80
kilomètres à l'heure. Son enveloppe était en
aluminium.
SUR LES CRÊTES
DES VOSGES
La zone neutre -
Nous reprenons les cols du Bonhomme et de
Sainte-Marie. - Entrain et souplesse. - On enlève un
drapeau.
Paris,
23 août, minuit 35.
(Officiel.)
Un communiqué du gouvernement expose longuement, à
propos des opérations dans les Vosges, que les
Français ayant laissé une zone neutre de huit
kilomètres entre eux et la frontière, les Allemands
en profitèrent pour s'installer fortement sur les
crêtes des Vosges que les Français durent reprendre.
La conquête des Vosges fut faite avec des effectifs
au début très restreints, qui augmentèrent
progressivement.
Les pertes françaises furent peu élevées, sauf aux
cols du Bonhomme et de Sainte-Marie, où nous eûmes
cinq à six cents blessés. Mais la canonnade infligea
à l'ennemi des pertes six fois supérieures.
Au cours des opérations d'occupation des Vosges, les
troupes françaises, complètement victorieuses,
montrèrent l'entrain et la souplesse qu'exige la
guerre de montagne.
Elles prirent à plusieurs reprises de l'artillerie
de campagne et de l'artillerie lourde, et enlevèrent
un drapeau.
Sur tout le front vosgien comme en Haute-Alsace,
l'objectif proposé fut pleinement atteint.
CONSEIL
MUNICIPAL DE NANCY
Séance
extraordinaire du dimanche 23 août 1914, à 11 heures
du matin
Election du Maire et de deux Adjoints
Etaient présents : MM. Schertzer, 1er adjoint ;
Dorez, 3e adjoint ; Simon, 4e adjoint ; Souriau,
adjoint ; Aubry, Barthélémy, Burté, Bussière,
Charly, le docteur Chrétien. Devit, Evrard,
François, le docteur Ganzinotti, Gros jean, Guyot,
Michaut, Millery, Najean, Peltier, Prouvé, Vergne.
Absents au service de l'année : MM. Laurent, maire ;
Maringer, adjoint ; Aerts, André, Chéry, Déon,
Georgel, Gérard, colonel Lecomte. Liébeaut, Marchal,
docteur Schmitt. En mission spéciale pour
l'alimentation, M. Antoine.
MM. Joseph Laurent, maire, et Maringer, 2e adjoint,
ayant été appelés à rejoindre leur poste à l'armée,
il est procédé à l'élection d'un maire et de deux
adjoints.
M. Gustave Simon, 4e adjoint, est élu maire par 20
voix sur 22 votants.
1 bulletin pour M. Michaut ; 1 bulletin blanc.
Election d'un 4e adjoint
M. Auguste Peltier, conseiller municipal délégué,
est élu 4e adjoint, par 19 voix.
Les trois autres bulletins sont :
1 bulletin au nom de M. Michaut et 2 bulletins
blancs.
Election d'un 5e adjoint
M. Emile Devit, conseiller municipal, est élu 5e
adjoint par 18 voix.
Les 4 autres bulletins sont :
Un au nom de M. Millery et trois bulletins nuls.
Nancy, le 23 août 1914.
Le Maire : G. SIMON.
MM.
Peltier et Devit
ADJOINTS
Le maire
de la ville da Nancy, Vu le procès-verbal de la
séance du conseil municipal en date de ce jour,
dressé en exécution de la loi du 5 avril 1884 ;
Vu l'article 82 de la loi du 5 avril 1884 ;
Délègue:
M. Peltier, quatrième adjoint, pour diriger le
service de la voirie municipale, des égouts, de
l'éclairage public et de la distribution des eaux de
sources et de Moselle.
M. Devit, cinquième adjoint, pour surveiller et
maintenir l'exécution des lois et règlements en
vigueur sur la police municipale et pour diriger les
services de l'octroi et du cimetière.
MM. Peltier et Devit sont également délégués pour
remplir les fonctions d'officier de l'état civil, en
cas d'empêchement de M. l'adjoint Sauriau.
Nancy, le 23 août 1914.
Le Maire : G. SIMON.,
MAIRIE
DE NANCY
M. le Maire de Nancy adresse aux habitants de Nancy
la proclamation suivante :
Nancy,
24 août.
Mes chers Concitoyens, M. Laurent, maire de Nancy,
lieutenant au 41e territorial, vient de rejoindre
son poste à l'armée en remettant au Conseil
municipal les fonctions dont il avait été investi.
Grâce à son sang-froid, à son inlassable activité,
M. Laurent a pu, dans les circonstances difficiles
que nous traversons, assurer la vie matérielle,
l'ordre, la sécurité morale de la cité.
Le Conseil municipal, après avoir, d'un accord
unanime, rendu hommage aux services prodigués à la
ville par M. Laurent, et en exprimant le voeu qu'il
puisse reprendre sa charge dans un avenir prochain,
a dû pourvoir à son remplacement. Il m'a désigné
pour lui succéder comme maire de Nancy.
M. Maringer, 2e adjoint, commandant au 42e
territorial, a dû aussi rejoindre son poste, après
avoir jusqu'au dernier moment assuré son service
municipal avec le plus inlassable dévouement.
Amené à pourvoir aux vacances ainsi produites dans
la municipalité, le Conseil a élu M. Peltier 4e
adjoint, et M. Devit, 5e adjoint.
Vous pouvez, mes chers concitoyens, compter sur mon
dévouement le plus absolu et sur celui de mes
collaborateurs pour poursuivre la tâche que M.
Laurent avait assumée.
Avec l'appui de la population toute entière, mes
efforts tendront à faire face aux difficultés de
l'heure présente.
Le Maire de la Ville de Nancy
G. SIMON.
Lettre
du Préfet
M. le
Préfet vient d'adresser à M. Simon, élu ce matin
maire de Nancy, la lettre suivante ; Nancy, 23 août.
Mon cher Monsieur le Maire, J'adresse un même salut
fraternel aux deux maires de Nancy, celui d'hier et
celui d'aujourd'hui.
Dans les circonstances si délicates où s'est trouvée
la ville de Nancy pendant la période de
mobilisation, M. Laurent a fait preuve des plus
rares qualités d'organisation, de prévoyance, de
décision et d'ordre. On lui doit cet hommage il a
été digne de la noble tâche qui lui incombait, digne
de l'assemblée municipale d'élite qu'il dirigeait,
digne de sa grande et belle cité lorraine.
Officier de réserve en sursis d'appel, M. Laurent et
M, l'adjoint Maringer ont estimé que leur devoir
était de ne pas attendre plus longtemps pour se
mettre à la disposition de l'autorité militaire. Ils
sont aujourd'hui sous les armes. Ils savaient que,
quelle qu'elle fût, leur décision serait critiquée
par quelques-uns. Dans le doute, obéissant à leur
conscience, ils ont été droit au feu. Ils ont droit
au respect ému de tous les Français.
Votre tâche, M. le Maire, sera moins lourde que
celle de votre prédécesseur. J'ai tout lieu en effet
d'espérer, comme chaque Nancéien doit en avoir au
coeur la foi profonde, que nous avons franchi la
période la plus aiguë et que, grâce à l'admirable
organisation de notre état-major et à la vaillance
de nos troupes, l'horizon ne va pas tarder à devenir
plus serein.
Moins lourde donc, je veux le croire, votre tâche
sera bien complexe encore. En vous la confiant à
l'unanimité de leurs suffrages, vos collègues vous
ont décerné le plus enviable honneur. En l'acceptant
en dépit de votre modestie, vous avez fait preuve
d'un dévouement à la chose publique qui vous vaudra
la gratitude de tous vos concitoyens.
Ai-je besoin de vous donner l'assurance que, pour
vous en faciliter l'accomplissement, je vous
apporterai mon concours à la fois le plus absolu et
le plus cordial ?
Je vous serre la main, mon cher Monsieur le Maire,
bien affectueusement.
MIRMAN.
La Journée du
23 août
Paris,
24 août
Les troupes de la Haute-Alsace, sur les Vosges et la
Meurthe, commandées par le général Pau, tiennent le
front précédemment indiqué, de Badonviller à
Lunéville, et d'Amance à Dieulouard.
Nous avons contre-attaqué, hier, à quatre reprises,
d'importantes positions, que nous occupons
maintenant au nord de Nancy.
Nous Infligeâmes aux Allemands de très grosses
pertes.
Dans les Vosges
(Communiqué officiel)
PARIS, 24 août. - Le ministère de la Guerre, dans sa
note d'hier, à 23 heures, expose que la situation
générale dans les Vosges nous détermina à ramener en
arrière les troupes du Donon et du col de Saales.
Ces points n'ont pas grande importons, puisque nous
occupons la ligne fortifiée commençant au
Grand-Couronné de Nancy.
Lunéville a été occupé par les Allemands.
LES PRISONNIERS
ALLEMANDS
La
Morgue des Officiers
BELFORT, 24 août, 10 heures matin. - Un Important
convoi de prisonniers allemands a été dirigé de
Mulhouse sur le Centre, via Besançon.
Les officiers allemands font toujours preuve de la
même morgue ; ils s'obstinent à ne pas monter dans
les wagons avec leurs hommes.
ALLOCUTION DU
GÉNÉRAL PAU
BELFORT,
24 août. - Hier, sur la place d'Armes, en face du
monument « Quand Même », et devant les canons et le
biplan pris à l'ennemi, le général Pau a remis la
croix de la Légion d'honneur au capitaine aviateur
Langlois, qui fut blessé au cours d'une
reconnaissance en aéroplane.
Le général Pau, modifiant la formule habituelle,
prononça les paroles suivantes : « Au nom du
gouvernement de la République et en vertu des
pouvoirs qui me sont conférés, je voue nomme
chevalier da la Légion d'honneur devant ces trophées
pris à l'ennemi et vous donne l'accolade avec ce
sabre pris à un officier allemand. »
La foule qui assistait à cette émouvante cérémonie
éclata en applaudissements en criant : « Vive la
France ! »
L'Héroïsme
économique
Nancy,
25 août.
Pendant que nos soldats se battent aux frontières,
il est nécessaire de songer à la vie normale de la
nation, et de reconstituer dans la mesure du
possible le travail commun qui nourrit tous les
enfants de France, qu'ils soient sous les armes,
sous la redingote ou sous le bourgeron.
Au début de la guerre, toutes les énergies étaient
dirigées vers la mobilisation. Cette opération
préliminaire absorbait la pensée commune.
Puis, quand on a vu que tout marchait en ordre, que
les convois apportaient régulièrement sur les points
à défendre les soldats, les fusils et les munitions,
les pouvoirs publics ont rétabli les moyens les plus
favorables à l'approvisionnement de la population
civile.
Cela aussi a été parfait. Nul dans notre pays, avec
quelques économies, ou même sans un sou, n'a
souffert de la faim.
Mais on ne peut pas vivre indéfiniment sous ce
régime protecteur, ni sur les sommes que-péniblement
on a mises de côté.
Le travail a été suspendu pendant assez longtemps.
Il manque des hommes, il manque des chefs
d'industrie, il manque des matières premières, des
moyens de transport.
Malgré cette pénurie d'hommes et de matériaux, on
peut pourtant organiser quelque chose, quelque chose
de profitable à tous.
Les municipalités ont ouvert des chantiers. C'est
très bien. Ce n'est pas assez.
Il faut que les commerçants, les industriels, les
propriétaires fonciers s'appliquent à redonner du
travail.
Evidemment il serait inconvenant de demander la
reprise totale des affaires. Mais le crédit n'est
qu'endormi. Qu'on le réveille !
La déclaration de guerre nous a porté un grand coup
dans l'estomac. Nous n'avons même pas été étourdis
par l'agression, mais nous nous sommes mis en
posture de défense.
Il appartient maintenant aux bons citoyens de
défendre économiquement le pays comme les soldats
défendent matériellement le bien et l'honneur de
France.
Nous connaissons de ces hommes qui, dès la première
heure, ont merveilleusement organisé la vie
économique dans la sphère de leur action. Ils ont
ainsi, autant que les soldats, contribué à la
défense de la Patrie.
Et ces hommes, qui ne portent pas le sac et le
fusil, n'en sont pas moins des héros dans le sens le
plus complet du mot. Ils ont non seulement le
courage physique qui règle le sursaut des nerfs,
mais le courage moral qui impose sa direction à la
pensée vacillante, et la clarté aux conceptions que
réclament les conditions nouvelles de la vie.
Nous avons des héros militaires, et nous sommes de
tout coeur avec eux.
Que les héros civils se lèvent. Il y a de la besogne
et de la gloire pour eux.
RENÉ MERCIER.
SUR LE FRONT
D'Anvers à Belfort
LA SITUATION GÉNÉRALE
Paris,
25 août, 15 h. M, - (Officiel).
Les Allemands semblent reprendre dans le Nord
l'offensive arrêtée hier.
Ils sont contenus par les Français, en liaison avec
les Anglais.
L'armée belge, sortant d'Anvers par surprise,
refoula les premiers éléments allemands et dépassa
Malines.
En Lorraine, après les contre-attaques d'hier, notre
droite se replia sur la Mortagne, qui prolonge le
cours de la Meurthe.
En Alsace, nous repoussâmes plusieurs
contre-attaques allemandes dirigées sur Colmar.
Le bruit que les Allemands auraient repris Mulhouse
est sans fondement.
A cette heure, le théâtre des opérations en Alsace
devient, d'ailleurs, secondaire.
UNE LETTRE DU
MAIRE DE NANCY
Nous
recevons communication de la lettre suivante, que M.
le Maire de Nancy adresse à M la Préfet.
Nancy, le 25 août 1914.
Monsieur le Préfet, Lorsque le maire et les adjoints
nouvellement en fonctions, heureux de vous apporter
l'assurance de leur entier dévouement, se rendaient
à la Préfecture, ils ont eu le plaisir de vous
rencontrer vous dirigeant à l'Hôtel de Ville, pour
apporter à la nouvelle municipalité l'expression de
votre bienveillant appui et de vos précieux
encouragements.
Cette coïncidence dans l'expression de nos
sympathies est significative ; elle marque bien
l'entente parfaite qui s'est établie dès les
premiers jours, par dessus les étiquettes et les
protocoles, entre le Préfet de Meurthe-et-Moselle et
la Municipalité de Nancy.
Votre fonction, telle que vous la concevez, est très
haute, Monsieur le Préfet, Vous veillez à toutes les
mesures d'assistance et d'hygiène qui s'imposent en
ce moment, vous avez porté, de commune en commune,
en même temps que la bonne parole, le réconfort de
votre énergie et de votre ferveur patriotique.
Vous cherchez les conditions les meilleures pour
accueillir et hospitaliser les malheureux réfugiés
qui se pressent à nos portes : ainsi, malgré les
difficultés provisoires de communication, de
circulation, vous maintenez le lien de solidarité
entre les membres épars et souffrants des
populations lorraines, si durement éprouvées.
Notre tâche est plus localisée, mais, comme vous le
dites, Monsieur le Préfet, combien complexe encore !
Tous nos efforts doivent tendre à faire vivre, dans
la mesure du possible, Nancy de son existence
normale, à empêcher qu'aucun des services
indispensables à la vie d'une grande cité ne vienne
à fléchir par insuffisance de personnel. Dans cette
tâche, nous sommes aidés par le sang-froid, par la
belle tenue morale de la population nancéienne, par
le concours de toutes les bonnes volontés. Nous
n'avons d'ailleurs qu'à continuer ce qui a été si
bien instauré par M. Laurent.
C'est avec émotion que nous vous avons entendu, dans
l'entretien que nous avons eu avec vous, Monsieur le
Préfet, rendre un si bel hommage à l'oeuvre de celui
que j'ai la lourd honneur de remplacer.
Nous qui l'avons aidé dans sa tâche, nous qui avons
vu quelle somme de labeur il a donnée jour et nuit,
depuis le début des hostilités, sommes persuadés que
la population de Nancy lui restera reconnaissante de
tant de vigilance et de dévouement.
Aussi, croyez, Monsieur le Préfet, que mes
collaborateurs du conseil et moi, mettrons toute
notre énergie pour accomplir avec votre appui, et en
toute communauté d'action, la mission qui nous a été
confiée.
Bien cordialement, cher Monsieur le Préfet, je vous
serre la main.
SIMON.
A L'EST
Offensive
combinée. - La bataille continue. - Dans la vallée
de la Vezouze. - Très belle attitude des troupes. -
Cruelle nécessité.
Paris,
26 août, 1 h. 30 matin.
(Officiel.)
Les deux armées de l'Est ont pris une offensive
combinée, l'une partant du Grand-Couronné de Nancy,
l'autre au sud de Lunéville.
La bataille s'est engagée hier.
Elle continue actuellement.
Le 15e corps, fortement éprouvé, s'est replié en
arrière et reconstitué. Il participe à la bataille.
Il a exécuté une contre-attaque très brillante dans
la vallée de la Vezouze.
L'attitude de ces troupes est très belle ; elle
montre qu'il ne reste aucun souvenir de la surprise
du 20 août.
L'évacuation de Mulhouse
« C'est une cruelle nécessité »
Le généralissime ayant besoin sur la Meuse, de
toutes ses troupes, a ordonné d'évacuer
progressivement la Haute-Alsace que nous avions
occupée.
Mulhouse est évacuée.
L'action militaire entreprise entre Maubeuge et le
Donon devant décider du sort de la France et de
l'Alsace, le généralissime appelle pour une attaque
décisive toutes les forces de la nation, y compris
celles dé la vallée du Rhin.
C'est une cruelle nécessité que l'armée d'Alsace et
son chef eurent de la peine à subir et à laquelle
ils ne se soumirent qu'à la dernière extrémité.
Plus Citoyens,
Soldats
Nancy,
26 août.
Je reçois tous les jours des récriminations contre
telle ou telle administration. De braves gens
s'étonnent et quelquefois s'indignent de ce qu'on ne
les accueille pas toujours avec la même amabilité
qu'en temps normal.
Il faut que tout le monde comprenne bien
qu'actuellement il n'est pas possible d'examiner les
petits faits comme on les examine d'habitude. On
n'en a pas le loisir.
Ce sont là les plus minces inconvénients de l'état
de guerre. Lorsqu'il arrive à nos concitoyens de
stationner trop longtemps à leur gré devant la porte
de quelque bureau, qu'ils ne s'impatientent donc
pas.
Qu'ils songent aux événements plus graves, qu'ils
pensent à nos chers petits pioupious qui couchent
sur la dure et ne regrettent pas leur lit, qui
marchent joyeusement à la défense de la patrie, et
ne se plaignent point.
Cette comparaison sur laquelle il n'est pas besoin
d'insister leur sera un excellent exercice
d'entraînement, et ils verront tout de suite que les
plaintes dont ils nous transmettent l'écho, il
vaudrait mieux les garder pour soi, car elles ne
sont rien au regard du tragique combat où s'exalte
l'âme de la nation.
Une seule chose compte maintenant : la discipline.
Non pas seulement la discipline dans les armées,
mais la discipline dans les rues, dans les maisons,
partout.
Notre sort est en les mains des pouvoirs militaires.
Ne raisonnons pas. Obéissons. Le salut commun est à
ce prix.
La population lorraine est admirable de sang-froid.
Jamais on ne fera comme il convient l'éloge de ce
calme dans la tempête. Jamais on n'aura assez
d'admiration pour ces braves coeurs qui contiennent
l'ardeur de leur patriotisme, pour ces yeux qui
cherchent à deviner l'avenir, et qui restent clairs.
Maintenant il n'y a plus de citoyens.
Il ne reste plus en Lorraine et dans toute la France
que des soldats.
RENÉ MERCIER.
La Trésorerie
générale
Nancy,
26 août.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle est heureux de
porter à la connaissance de la population de Nancy
que les services de la Trésorerie générale ont reçu
l'ordre de rentrer d'extrême urgence à Nancy. Il
espère que, mieux que toute autre, cette information
officielle sera de nature à rassurer complètement la
population qui, désormais, aura pour devoir strict
non seulement d'arrêter net tous les bruits
tendancieux qui circulent émanant on ne sait de
quelle source, mais encore d'imposer énergiquement
silence à tous ceux qui, consciemment ou non, aident
à les propager.
Salut aux
Blessés
Respect aux Prisonniers
Nancy,
26 août.
Trop de curieux font la haie sur les routes par où
l'on amène les blessés et les prisonniers. Souvent
ces désoeuvrés manifestent leurs sentiments en criant
contre les prisonniers. C'est une attitude que l'on
ne saurait assez blâmer.
Les soins sont judicieusement donnés aux blessés par
les médecins, les infirmiers et les infirmières de
la Croix-Rouge. Il est donc inutile et dangereux de
les gêner par une pitié encombrante. On a en ce
moment autre chose à faire que de se lamenter en
public.
Quant aux prisonniers, il est digne de garder le
silence devant eux. Ils se sont battus, ils sont
vaincus. Respect aux vaincus.
Les Français ont le coeur trop haut pour s'acharner
sur un ennemi à terre.
Nous supplions les personnes qui n'ont rien à faire
d'aller se promener autre part que sur le passage
des blessés et des prisonniers. Cela leur épargnera
des émotions pénibles et des gestes malheureux.
AU PAYS DE BRIEY
Une Colonie d'Italiens
EST MASSACRÉE
par les Allemands
Nancy,
26 août.
La « Gazetta del Popolo » publie sur l'assassinat
des Italiens de Jarny (Meurthe-et-Moselle) des
détails qu'elle tient du nommé Agostina Bacchetta,
de Gattico (Novare), lequel exploitait à Jarny un
petit café où se réunissaient les Italiens et dont
quelques-uns étaient en pension chez Bacchetta.
Celui-ci est revenu en Italie, après un long et
pénible voyage, accompagné de la soeur d'un des
fusillés.
Voici ce qu'il raconte :
« Il était environ huit heures du matin, le 3 août,
quand plusieurs bataillons du 68e d'infanterie
allemande avec de la cavalerie et de l'artillerie
pénétrèrent à Jarny sans rencontrer grande
résistance de la part des Français, peu nombreux.
« Les Allemands perdirent un homme tué et quatre
blessés. Aussitôt ils accusèrent les habitants
d'avoir tiré sur la troupe, et ayant fait appeler le
maire et le médecin du pays, les Allemands
ordonnèrent de réunir sur la place du village toute
la population masculine.
« Les femmes et les enfants, atterrés, voulaient
suivre les hommes, mais ils furent brutalement
repoussés à coups de crosse et plusieurs furent
atteints de coups de baïonnette.
« Une femme, nommée Giuseppa Trolli, qui s'opposait
à ce que son mari se levât du lit où il était couché
gravement malade, cria aux Allemands : « Bourreaux
et sauvages ! » elle fut blessée, ainsi que l'enfant
qu'elle tenait dans ses bras.
« Quand tous les hommes furent réunis, des
patrouilles commencèrent à perquisitionner dans les
maisons.
« Dans les chambres de mon café, louées à quelques
Italiens, ils trouvèrent des pioches et d'autres
outils.
« Cela suffit pour que l'on arrêtât et que l'on
fusillât immédiatement les ouvriers dont voici les
noms : Gerolamo Bernacchini, de Gattico ; Giovanni
Testa, de Bergame ; Argelo Luisetti, de Castelletto
Ticino; Giuseppe Brigatti, de Borgomanero ; Stefano
Piralli, de Gattico ; Giovanni Zoni, de Trévise.
« Dans l'auberge d'un nommé Gaggioli Stefano, de
Serralunga, on trouva deux revolvers rouillés ; le
propriétaire de l'auberge et un nommé Vaglia
Giuseppe, de Castellamonte, et Cesaroni Vincenzo, de
Viterbe, furent arrêtés et payèrent de leur vie le
résultat de la perquisition.
« Enfin, dans le café Carrera, on trouva un fusil de
chasse appartenant à Pesenti Luigi, de Milan, qui
fut aussitôt fusillé.
« Bacchetta a ajouté que, quelques jours après, on
arrêta et fusilla les nommés Tron Giovanni, de
Conegliano ; Bisesti Andréa, de Cologna ; un garçon
de 13 ans, Enrico Maffi, de Lugo ; Zoni Amilcare, de
Trévise, parce que, voulant demander un
laissez-passer, pour être rapatriés, Ils avaient
interpellé le commandant du régiment allemand. »
Les réfugiés italiens ont dénoncé aux autorités
consulaires le drame dont leurs compagnons ont été
les victimes ; ils sont allés à Gattico pour
apporter à l'hon. Niccolo Leornardi (probablement le
maire) la preuve matérielle de leur récit.
CAPTURE D'UNE
BATTERIE ALLEMANDE
Nancy,
26 août.
Jeudi soir, sont arrivés à Nancy cinq canons
allemands, pris dans le combat de la veille, dans la
région d'Erbéviller.
Ils appartiennent au 40e régiment.
Leur passage au faubourg Saint-Georges, rue
Saint-Georges et rue des Dominicains, n'a pas manqué
d'attirer une foule considérable, qui n'a cessé de
pousser des acclamations.
Les cinq canons ont été amenés sur la place
Stanislas.
Ils sont au pied de la statue, la gueule tournée
vers l'Arc de triomphe, et sous la garde de
territoriaux.
Pour faciliter le service d'ordre, en les a entourés
d'une barrière de fils de fer.
Dès l'aube les curieux ont commencé à défiler devant
ces glorieux trophées.
D'autres canons ont été aussi pris à l'ennemi, dans
le même combat, mais leurs affûts étant brisés ils
n'ont pu être encore amenés à Nancy.
LE MINISTÈRE DE
DÉFENSE NATIONALE
Paris,
27 août, 0 h. 25 m. (visé).
M. Viviani, président du conseil, est allé à
l'Elysée annoncer à M, Poincaré que les ministres
avaient décidé de démissionner collectivement.
Le président de la République chargea alors M.
Viviani de former un nouveau ministère.
A onze heures du soir, M. Viviani fit connaître à M.
Poincaré la composition du nouveau cabinet qui est
ainsi constitué :
Présidence du conseil, sans portefeuille, M.
Viviani.
Justice, M. Briand.
Affaires étrangères, M. Delcassé.
Intérieur, M. Malvy.
Guerre, M. Millerand.
Marine, M. Augagneur.
Finances, M. Ribot.
Instruction publique, M. Albert Sarraut.
Travaux publics, M. Sembat.
Commerce, M. Thomson.
Colonies, M. Doumergue.
Agriculture. M. Fernand David.
Travail, M. Bienvenu-Martin.
Ministre sans portefeuille, M. Jules Guesde.
Sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, M. Dalimier.
M. Viviani est actuellement à l'Elysée où il
présente ses nouveaux collaborateurs à M. Poincaré.
Vive la France
!
Nancy,
27 août.
Le nouveau ministère scelle l'union nationale d'une
façon éclatante.
Voir Jules Guesde et Sembat au gouvernement, et les
voir à côté de Ribot, de Thomson, de Millerand, de
Briand, c'est une réalité merveilleuse qui dépasse
les rêves les plus audacieux.
Les peuples croyaient que nos divisions politiques
étaient profondes, que les partis jamais ne
pourraient se rejoindre. C'est sur ces divisions que
nos ennemis comptaient le plus pour nous vaincre.
Mais sans effort, avec un désintéressement naturel,
tous les Français ont oublié leurs querelles, toutes
leurs querelles. Ils se sont assemblés autour du
drapeau aux trois couleurs. Ils n'ont plus eu, ils
n'ont plus qu'une pensée : le salut de la patrie.
Et ce ne sera peut-être pas notre énergie armée qui
étonnera le plus le monde, - car le monde connaît le
courage français, - mais bien cette réconciliation
nationale, sans arrière-pensée, sans ambitions
personnelles, en des circonstances où le pouvoir
n'est plus qu'une responsabilité terrible dont
seules peuvent porter le poids les âmes vigoureuses.
Au-dessus des partis, la Patrie.
Le gouvernement, aujourd'hui, c'est le coeur de la
nation. il bat du même rythme pour tous.
Vive la France !
RENÉ MERCIER.
Aux Habitants
DE MEURTHE-ET-MOSELLE
Les devoirs des non combattants
Nancy,
26 août.
Dans toutes les localités où ils ont exercé des
violences sur les propriétés ou les personnes, les
Allemands ont allégué comme prétexte que des coups
de feu avaient été tirés sur leurs troupes par
quelques civils.
A la vérité, dans les communes martyres que j'ai
visitées, les maires ont protesté avec la dernière
énergie contre cette accusation qu'aucun fait ne
permet de justifier.
C'est un procès qui s'instruit chaque jour et qui,
plus tard, sera jugé.
Mais la France est tellement soucieuse de ne voir
aucun de ses enfants s'écarter du Droit que je
rappelle, en son nom, à toute la population de
Meurthe-et-Moselle ceci :
Le fait, pour un civil, de tirer sur l'ennemi, loin
d'être un acte de courage, constituerait un double
crime :
1° Crime contre le droit des gens - car, seuls, ont
droit de prendre part au combat les hommes
régulièrement incorporés dans les armées en présence
;
2e Crime contre la cité - car de tels actes ne
pourraient avoir d'autre conséquence que d'exposer
la commune où ils seraient commis aux plus graves
dangers, La France, pour se défendre, ne réclame
d'autre concours armé que celui de ses soldats. Elle
n'en accepte pas d'autres.
Tout civil peut et doit servir son pays de tout
coeur, non par l'usage illégal des armes, mais en
restant simplement à son poste et en s'y appliquant
de son mieux à sa tâche propre.
Et s'il se trouvait dans le département de
Meurthe-et-Moselle un seul homme assez peu maître de
ses nerfs ou assez perfide, assez fou ou assez
coupable pour tirer, lui civil, sur un soldat
ennemi, je déclare que cet homme devrait être
considéré par les patriotes et traité par eux comme
un mauvais citoyen, sinon même comme un agent
provocateur.
L. MIRMAN.
NOTE. - Je me proposais depuis quelques jours de
publier cet appel. Des opérations militaires
importantes qui se sont engagées dans les environs
de Nancy m'en ont empêché ; quelques alarmistes, qui
interprètent tout dans le sens de leur panique,
auraient pu croire en effet que ces recommandations
étaient inspirées par la crainte spéciale des périls
menaçant la grande cité lorraine. Aujourd'hui que
les caisses publiques sont rentrées à Nancy (ce qui
constitue, on en conviendra, le plus rassurant des
symptômes), nul ne sera plus exposé, j'imagine, à
commettre une telle erreur, et la déclaration
ci-dessus gardera aux yeux de tous le caractère
général que j'entends lui donner.
A LA PRÉFECTURE
M.
Burnouf, nommé conseiller de préfecture de
Meurthe-et-Moselle, est arrivé hier mercredi à
Nancy, venant de Cherbourg, et a pris immédiatement
possession de son poste. M. le Préfet a félicité M.
Burnouf de la hâte patriotique qu'il avait mise à se
rendre d'extrême urgence à Nancy, malgré les
difficultés des voyage.
Entre Nancy et
les Vosges
DES COMBATS ACHARNÉS TOURNENT A NOTRE AVANTAGE
Paris,
27 août, minuit 45.
(Communiqué du ministère de la guerre)
D'une façon générale, l'offensive française
progresse entre Nancy et les Vosges.
Toutefois, la droite a dû se replier légèrement dans
la région de Saint-Dié.
L'ennemi a subi des pertes considérables.
Quinze cents cadavres ont été retrouvés dans un
espace très restreint.
Dans les tranchées, une section allemande tout
entière a été fauchée par nos obus.
Les morts étaient cloués sur place, encore dans la
position de mise en joue.
Les combats acharnés, livrés depuis trois jours dans
la région, paraissent tourner à notre avantage.
Dans
la Woëvre
Aucun fait saillant dans la Woëvre, où les
forces opposées semblent se recueillir après les
récents combats
(Communiqué du ministère de la Guerre du 27 août., à
23 heures.)
Dans les Vosges
SAINT-DIÉ BOMBARDÉ
Dans les Vosges, les Français ont repris l'offensive
et refoulé les forces allemandes qui, hier, les
avaient fait reculer du côté de Saint-Dié.
Les Allemands ont bombardé Saint-Dié, ville ouverte.
Des Vosges à Nancy
LES PERTES ALLEMANDES
Dans la région des Vosges à Nancy, l'offensive
française a été ininterrompue depuis cinq jours.
Les pertes allemandes sont considérables.
On trouva au sud-est de Nancy, sur un front de trois
kilomètres, 2.500 morts allemands, et dans la région
de Vitrimont, sur un front de quatre kilomètres,
4.500 morts.
LONGWY CAPITULE
Longwy, très vieille forteresse, dont la garnison
comportait un bataillon, bombardée depuis le 3 août,
a capitulé aujourd'hui, après vingt-quatre jours de
résistance.
La moitié de l'effectif est tué ou blessé.
Le lieutenant-colonel Darche, gouverneur, est nommé
officier de la Légion d'honneur pour conduite
héroïque.
Sur la Meuse
Sur la Meuse, les Français ont repoussé avec une
extrême vigueur plusieurs attaques allemandes.
LA SITUATION
au 28 Août
(Communiqué du ministère de la Guerre du 28 août, 23
heures).
La situation de front de la Somme aux Vosges reste
aujourd'hui ce qu'elle était hier.
Les Allemands paraissent avoir ralenti leur marche
des deux côtés, où ils combattent depuis quinze
jours.
Les pertes allemandes sont considérables. Deux
régiments, le 112e et le 124e, ont été réunis en un
seul. Les compagnies sont réduites à un effectif
très faible.
2 nouveaux
Canons allemands
SUR LA PLACE STANISLAS
Nancy,
28 août.
Vendredi soir, vers 5 heures, venant de la direction
d'Essey, deux nouveaux canons allemands de campagne
sont venus rejoindre, sur la place Stanislas, les
cinq amenés la veille.
Il y en a donc actuellement sept, au pied de la
statue de Stanislas, et il y en aurait bien
davantage si l'on avait pu amener aussi ceux,
beaucoup plus nombreux, dont les affûts ont été
brisés dans la bataille.
Un nombreux public ne cesse de défiler devant ces
glorieux trophées.
INTERDICTION
DES
Appareils distributeurs d'argent de jetons de
consommations, etc.
ARRÊTÉ
PRÉFECTORAL
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle, Vu le décret du 2
août 1914, comportant déclaration de l'état de
siège, Vu la loi du 5 août 1914 maintenant l'état de
siège, Arrête :
Article premier. - Il est interdit à tout débit de
vins, restaurateur, cafetier et généralement à tout
commerçant d'exploiter tous appareils distributeurs
d'argent, de jetons de consommations, et d'une
manière générale tous appareils dont le
fonctionnement repose sur l'adresse ou le hasard et
qui sont destinés à procurer un gain ou une
consommation moyennant enjeu. Ces appareils devront
être enlevés dans les trois jours.
Article 3. - MM. les sous-préfets, maires, adjoints
et tous agents de la force publique sont chargés,
chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du
présent arrêté.
Nancy, le 28 août 1914.
Le préfet :
Signé : MIRMAN.
A BELFORT
Paris,
29 août, 17 h. 25
De Bellegarde, on télégraphie au « Temps » que deux
aéroplanes survolant Belfort ont vainement tenté de
faire sauter le hangar des dirigeables.
Les bombes lancées n'ont causé aucun dégât.
A l'ordre du
jour
Nancy,
30 août
Le lieutenant Lavocat avait été cité dernièrement à
l'ordre du jour « pour avoir fait preuve de coup
d'oeil et d'une hardiesse exceptionnelle dans toutes
les actions dont il a été chargé depuis le début de
la guerre et pour avoir entraîné avec le plus
brillant courage sa section à l'assaut, assaut au
cours duquel il a été tué au premier rang ».
A L'ORDRE DU
JOUR
Paris,
30 août (officiel).
Le général commandant l'armée a cité à l'ordre de
l'armée :
Le sous-lieutenant Viala, du 4e bataillon de
chasseurs, qui est tombé mortellement frappé, le 20
août, au moment où, à la tête de sa section, il
prononçait une contre-attaque à la baïonnette.
Le sous-lieutenant de Castelnau, du 4e bataillon de
chasseurs, qui a fait preuve du plus grand courage
au cours du combat du 20 août, ayant pris le
commandement de sa compagnie, a tenu tête à l'ennemi
pendant 5 heures et a été tué au moment où il venait
de le rejeter en arrière par une vigoureuse
contre-attaque.
Les sous-lieutenants Devic, Picard, Munnier et
Guillemin, du même bataillon, qui ont été tués au
cours du combat du 20 août, à la tête de leur
troupe.
Les citations à l'ordre de l'armée de ces officiers
sont les suprêmes récompenses qui puissent être
accordées à eux et à leurs familles.
LA SITUATION
En Lorraine
Paris,
30 août (officiel).
La progression de nos forces s'est accentuée. Nous
sommes maîtres de la ligne de la Mortagne, et notre
droite avance.
Sur la Meuse
Paris,
30 août (officiel).
Rien à signaler sur le front de la Meuse.
Une violente action a eu lieu hier dans la région de
Lannoy, Signy-l'Abbaye, Novion-Porcien, sans
résultat décisif. L'attaque reprendra demain.
A notre aile gauche, une véritable bataille a été
menée par quatre de nos corps d'armée. La droite de
ces quatre corps prenant l'offensive a repoussé sur
Guise et à l'est une attaque conduite par le 10e
corps allemand et la garde qui ont subi des pertes
considérables.
La gauche a été moins heureuse ; des forces
allemandes, progressent dans la direction de La
Fère. |