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							 Le général 
							Joffre 
							ANNONCE 
							nos succès 
							En Lorraine, nous 
							sommes à Château-Salins et arrivons à Fénétrange. - 
							Notre canon démoralise l'ennemi. - En Alsace, une 
							grande partie des vallées des Vosges sont à nous. 
							Paris, 
							18 août, 21 h. 45. 
							Télégramme du commandant en chef des armées 
							françaises au ministre de la guerre 
							Le ministre de la guerre a reçu du commandant en 
							chef le télégramme suivant : 
							Grand Quartier général des armées de l'Est, 18 août, 
							9 h. 15. 
							Pendant toute la journée d'hier, 17 août, nous 
							n'avons cessé de progresser en Haute-Alsace. La 
							retraite de l'ennemi s'effectue de ce côté en 
							désordre. Il abandonne partout des blessés et du 
							matériel. 
							Nous avons conquis la majeure partie des vallées des 
							Vosges sur le versant d'Alsace, d'où nous 
							atteindrons bientôt la plaine. 
							Au sud de Sarrebourg, ennemi avait organisé, devant 
							nous, une position fortifiée, solidement tenue avec 
							de l'artillerie lourde. Les Allemands se sont 
							repliés précipitamment, dans l'après-midi d'hier. 
							Actuellement, notre cavalerie les poursuit. 
							Nous avons, d'autre part, occupé toute la région des 
							étangs, jusque vers l'ouest de Fénétrange. 
							Nos troupes débouchent de la Seille, dont une partie 
							des passages ont été évacués par les Allemands. 
							Notre cavalerie est à Château-Salins. 
							Dans toutes les actions engagées au cours de ces 
							dernières journées en Lorraine et en Alsace, les 
							Allemands ont subi des pertes importantes. 
							Notre artillerie a des effets démoralisants et 
							foudroyants pour l'adversaire. 
							D'une façon générale, nous avons donc obtenu, au 
							cours des journées précédentes, des succès 
							importants et qui font le plus grand honneur à la 
							troupe dont l'ardeur est incomparable, et aux chefs 
							qui la conduisent au combat. 
							Signé : JOFFRE. 
							RAPATRIEMENT 
							DES ITALIENS 
							Nancy, 
							19 août. 
							Huit cents Italiens, hommes, femmes et enfants, 
							arrivés de Meurthe-et-Moselle, sont arrivés à 
							Montauban. 
							Un orchestre improvisé a joué la «  Marseillaise » et 
							l'hymne italien, ce qui a déchaîné une manifestation 
							enthousiaste. Les Italiens ont salué l'hymne 
							français par de nombreux cris de : «  Vive la Les 
							rapatriés ont été dirigés sur Port-Vendres, où ils 
							seront embarqués pour. 
							l'Italie. 
							A 
							PAGNY-SUR-MOSELLE 
							Belle conduite 
							des Italiens. - La première farine. - Les 
							patrouilles allemandes ne songent qu'à «  bouffer » - 
							Le premier prisonnier allemand. - Leurs obus. - Les 
							escarmouches 
							Nancy, 
							19 août. 
							Nous avons rencontré, ce matin, un habitant de 
							Pagny-sur-Moselle, qui nous a donné des détails 
							intéressants sur la vie et les épreuves de cette 
							petite ville de l'extrême frontière; depuis la 
							déclaration de la guerre. Ce fut d'abord la 
							mobilisation qui, comme partout, s'accomplit dans le 
							plus grand calme et avec une parfaite régularité. 
							Les nombreux Italiens, dont plusieurs sont établis 
							depuis longtemps dans le pays, apportèrent le plus 
							grand zèle, notamment dans le refoulement des 
							bestiaux. Grâce à eux, on n'eut pas besoin de faire 
							appel aux hommes mobilisables, qui purent rejoindre 
							aussitôt leurs corps d'affectation. 
							Les Italiens s'employèrent également à la moisson, 
							allant dans les champs, bien que n'ignorant point le 
							danger qu'ils couraient, car les Allemands tiraient 
							sans cesse dans la direction de la ville. C'est en 
							grande partie au dévouement d'un entrepreneur 
							italien, qui prêta son matériel et ses chevaux, que 
							les récoltes coupées purent être rentrées dans les 
							granges. 
							Cet honorable habitant nous dit aussi que tous les 
							Italiens ont toujours manifesté leurs profonds 
							sentiments d'amitié pour la France et affirme que si 
							leur pays nous déclarait la guerre, ils refuseraient 
							de partir, ne voulant point porter les armes contre 
							la nation dont les habitants les ont toujours bien 
							accueillis et leur ont fourni les moyens de gagner 
							leur vie. 
							Puis ce fut l'anxiété des premiers jours de la 
							guerre ; l'absence complète de farine pour faire le 
							pain. Il fallut alors concasser le blé nouvellement 
							battu ; c'est avec le produit ainsi obtenu, mélange 
							de son et de gruau, - qu'on fit du pain. Notre 
							interlocuteur nous en montre en riant un morceau. 
							C'est une espèce de galette, de couleur grisâtre, 
							sans être levée et qui est rien moins 
							qu'appétissante. 
							- «  Voilà, nous dit-il, ce que, pendant quinze 
							jours, les habitants de Pagny ont mangé comme pain. 
							Et encore quand on en avait ! » 
							Enfin ce fut l'apparition des premières patrouilles 
							prussiennes. Leurs soldats arrivaient dans les rues, 
							s'emparaient du premier habitant rencontré, lui 
							mettaient le fusil sur la poitrine en criant : «  De 
							la viande ». Si l'on faisait mine de ne pas 
							comprendre, ils tiraient un chargeur de leur 
							cartouchière, en disant : 
							- «  Voilà pour toi. » 
							Beaucoup d'entre eux savaient le français, mais 
							affectaient de ne parler que l'allemand. C'est ainsi 
							qu'après avoir conduit de la viande hors de la 
							ville, à un endroit indiqué, un des Allemands dit a 
							un habitant : 
							- «  Toi, tu es un bon zigue (sic); voilà pour toi. » 
							Et il lui fit cadeau de deux petites saucisses. 
							Tout en nous racontant les nombreuses incursions des 
							Allemands, notre ami nous fait ainsi le récit de la 
							capture du premier prisonnier allemand. C'était un 
							fantassin. Il était en extrême pointe des siens 
							lorsque survinrent nos chasseurs qui étaient encore 
							à près de deux cents mètres. Plusieurs habitants 
							s'approchèrent. L'un d'eux lui mit la main sur 
							l'épaule en disant : 
							- «  Il faut choisir. Là (en indiquant les 
							Allemands), ici (en montrant les Français) ». 
							Le fantassin n'eut pas une seconde d'hésitation. Il 
							se tourna vers nos chasseurs. 
							Une voiture se trouvait à proximité. L'Allemand y 
							fut rapidement poussé et, quelques minutes après, il 
							était remis à nos soldats. 
							Nous parlons ensuite du bombardement de Pagny. La 
							réponse est peu banale, bien qu'on l'ait déjà 
							entendue. 
							«  Les obus allemands ne causent pas grands dégâts. 
							C'est, déclare notre interlocuteur, de la véritable 
							camelote, comme tout ce qu'ils font. » 
							Et pour bien nous montrer que rien n'est plus exact, 
							il nous raconte que voyant tomber un obus dans un 
							jardin, il s'y rendit après l'éclatement. 
							«  - L'obus, dit-il, avait fait un trou dans la 
							terre, où l'on aurait pu à peine enterrer une 
							lessiveuse, avait tapissé les parois, mais sans 
							entrer dans la terre qui était pourtant toute molle. 
							«  Du reste, la mitraille des obus tombés dans la 
							ville n'a fait qu'effleurer le crépi - des murs, 
							sans faire le moindre dégât à la maçonnerie. 
							«  Chaque jour ce sont des escarmouches dans la ville 
							ou aux environs. Les Prussiens pénètrent sur notre 
							territoire. Nos chasseurs répondent par des feux de 
							salve. 
							Mais nous ne pouvons voir le résultat de nos coups 
							de feu, car les Allemands, qui se font suivre de 
							nombreux fourgons, ramassent aussitôt ceux des leurs 
							qui tombent à terre, les portent dans les voitures. 
							De sorte que l'on ne peut dire s'ils sont morts ou 
							blessés. 
							Cependant, dans les champs d'avoine, on voit un 
							certain nombre de chevaux tués, ce qui fait présumer 
							que leurs cavaliers doivent être tués aussi. On ne 
							le saura que lorsque l'on ira faire la moisson des 
							avoines. Mais quand ? 
							«  La canonnade aurait recommencé dans la journée de 
							lundi et les Allemands auraient anéanti la ferme du 
							Bel-Air, située sur la rive droite de la Moselle. 
							«  Ils auraient également fait sauter le pont de 
							l'écluse du canal. Je n'ai pu m'assurer de ces 
							faits, car j'ai quitté Pagny peu après pour venir à 
							Nancy chercher de la farine et des 
							approvisionnements pour les habitants. » 
							A travers les 
							rues 
							DE NANCY 
							Nancy, 
							19 août. 
							Nos rues sont toujours pleines d'animation. 
							Comme il y a beaucoup de désoeuvrés, il y a 
							naturellement beaucoup de flâneurs pour discuter sur 
							la nationalité des avions, qui nous survolent et sur 
							le moyen le plus efficace de ne pas rater les 
							aéroplanes ennemis. 
							On entend des stratèges qui n'ont jamais tenu un 
							fusil ni lu une carte géographique, exposer 
							d'admirables plans de bataille, à rendre des points 
							à un conducteur d'armées. 
							Il faut convenir cependant que la majorité de ces 
							habiles tacticiens est assez modeste pour admettre 
							que jusqu'ici «  ça ne va pas mal du tout ». 
							D'autres se contentent de jouir du spectacle de la 
							rue et ne se fatiguent pas les méninges à échafauder 
							des mouvements tournants. 
							Ils applaudissent lorsque passe quelque convoi de 
							matériel pris aux Allemands, par exemple des fusils 
							abandonnés sur le champ de bataille, ou bien tendent 
							le poing lorsque, derrière la portière d'une auto, 
							ils aperçoivent un officier ennemi prisonnier. 
							On doit rendre cette justice à la foule qu'elle 
							garde son sang-froid et ne se livre pas à des 
							manifestations déplacées. 
							Et puis, malgré l'inquiétude qu'on éprouve pour ceux 
							qui sont partis, et dont les nouvelles sont rares - 
							ont-ils seulement du papier pour écrire, nos braves 
							soldats ? - on a le coeur joyeux des succès 
							quotidiens annoncés par les dépêches officielles et 
							plein d'espérance dans l'issue finale du duel 
							gigantesque si avantageusement commencé. 
							A JARNY 
							LABRY 
							DONCOURT 
							Nancy, 
							19 août. 
							Un voyageur, revenu de Metz, mais arrêté depuis dix 
							jours près de Jarny, est arrivé ce matin. Il a bien 
							voulu nous conter comment les Allemands avaient 
							opéré leur entrée dans ce pays, qui ne compte pas 
							moins de 5.000 habitants, et où s'exploitent des 
							mines nombreuses. 
							«  Dès mon arrivée, je vis des patrouilles tant à 
							Jarny qu'à Labry, où le gouvernement a fait 
							dernièrement construire de nombreux baraquements. 
							Le lendemain, trois chasseurs ayant rencontré, à la 
							sortie de la ville, une patrouille de neuf cyclistes 
							montés sur des machines volées à Doncourt, les 
							attaquèrent, en tuèrent quatre du corps d'armée de 
							Francfort, et mirent les autres en fuite. 
							Pour venger leurs camarades, une centaine de 
							cavaliers allemands arrivèrent. Ils menacèrent de 
							mettre le feu à la ville, mais ils se contentèrent 
							de piller la mairie, de détruire les archives, de 
							voler la caisse ainsi que celle du receveur 
							buraliste, et un officier, arrachant de son cadre le 
							portrait du président Poincaré, le mit en morceaux, 
							cracha dessus, le piétina et en dispersa les 
							morceaux en ricanant. 
							- Le président ! Il n'existe plus ! Dans huit jours, 
							nous serons à Paris. 
							Et après avoir pillé la poste, détruit les 
							appareils, ils s'en retournèrent, emmenant en otage 
							le maire, M. Henri Génot, et prévenant les habitants 
							qu'ils auraient quotidiennement à leur apporter au 
							cantonnement 100 bouteilles de vin bouché, 200 
							litres de vin ordinaire et 1.200 litres de bière. 
							«  A la mairie, où l'on soignait plusieurs de leurs 
							blessés, ils violentèrent les femmes de la 
							Croix-Rouge et frappèrent à coups de baïonnette les 
							infirmiers. 
							«  Le service de ravitaillement n'existe pas chez 
							eux. Ils crèvent littéralement de faim et 
							manifestent la joie la plus exubérante quand ils 
							peuvent trouver quelques victuailles. 
							«  Les officiers ignorent tout ce qui se passe en 
							Europe et leur plus grande préoccupation quand ils 
							pénètrent dans un pays est de savoir s'ils peuvent y 
							trouver des journaux ou si quelque habitant a reçu 
							des lettres apportant des nouvelles de l'extérieur. 
							«  A Jarny, Labry et aux environs, ils ont conseillé 
							aux habitants de faire la moisson. 
							Dès que les chariots furent chargés d'épis dorés, 
							ils s'en emparèrent et les expédièrent à Metz, où la 
							population manque du nécessaire. 
							«  Le 16, entre Doncourt et Jarny, ils s'approchèrent 
							d'une cantine où logent des Italiens travaillant aux 
							mines, et sous prétexte - ce qui ne fut nullement 
							prouvé - que l'un d'eux avait tiré un coup de 
							revolver, ils en fusillèrent seize. C'est ainsi 
							qu'ils pacifient le pays. » 
							LE CAPORAL 
							PRUDHOMMEAUX 
							Paris, 
							19 août. 
							Le caporal aviateur Prudhommeaux est nommé sergent. 
							On sait que le caporal Prudhommeaux seul à bord de 
							son avion, de même que le lieutenant Césari, était 
							parti de Verdun avec mission de reconnaître et de 
							détruire, si possible, le hangar de dirigeables à 
							Metz, sur lequel il put lancer sa bombe. 
							LE DOSSIER DES 
							ALLEMANDS 
							Nancy, 
							19 août. 
							Les Allemands ont renouvelé le bombardement de 
							Pont-à-Mousson où ils ont visé une usine 
							métallurgique qui fonctionne encore ; il importe de 
							relever cette singulière façon d'agir des troupes 
							allemandes. 
							Un article du règlement de la Haye décide que le 
							bombardement d'une ville ouverte ne peut avoir lieu 
							que si les autorités civiles ont été avisées de 
							cette opération militaire. Or, les Allemands ont à 
							deux reprises négligé de prendre cette précaution. 
							Cette atteinte au droit des gens est d'autant plus 
							grave que la question du bombardement des villes 
							ouvertes a fait l'objet de graves et sérieuses 
							discussions à la conférence de la Haye, et les 
							représentants de l'Allemagne ont non seulement 
							adhéré aux décisions prises, mais ils y ont apposé 
							leur signature au nom de leur pays. 
							Cette violation nouvelle de toutes les règles 
							internationales fait en ce moment, au ministère des 
							affaires étrangères français, l'objet d'une étude 
							attentive, et il paraît vraisemblable que notre 
							gouvernement dénoncera ces faits aux gouvernements 
							étrangers. 
							Des Aviateurs 
							allemands 
							SUR PONT-A-MOUSSON 
							
							Pont-à-Mousson, 19 août. 
							Mardi, vers dix heures du matin, des aviateurs 
							allemands, qui depuis un certain temps survolaient 
							la ville, ont lancé plusieurs bombes qui, 
							heureusement, n'ont pas fait de victimes. 
							L'une de ces bombes est tombée sur la fabrique de 
							cordages Wilm. Après avoir percé la toiture, le 
							projectile traversa un plafond et éclata en faisant 
							un trou de 2 mètres de diamètre dans le plancher. 
							Les dégâts sont peu importants. 
							Une autre bombe tomba dans un jardin, à proximité 
							des cités de Boozeville, à 25 mètres à peine de 
							l'habitation du gérant. 
							Aucun dégât. 
							Leur exploit accompli, les aviateurs allemands 
							s'enfuirent à tire-d'ailes, en essuyant les coups de 
							feu de nos troupes. 
							LES ALLEMANDS 
							achèvent les blessés et tuent les enfants 
							Paris, 
							19 août. 
							Dans la région de Belfort, un grand nombre de 
							prisonniers ont été traités avec la dernière 
							sauvagerie. Les Allemands les ont déshabillés, 
							poussés en avant de leurs lignes en les exposant 
							presque nus aux balles françaises. Ils en ont jeté 
							d'autres dans le canal, pour les en retirer et les y 
							rejeter encore. 
							Un de nos blessés, aujourd'hui en traitement à 
							Besançon, a été frappé à la tête et dans les côtes à 
							coups de crosse et de talon. Un soldat allemand l'a 
							traîné sur le sol. A côté de lui, un autre blessé 
							français a été achevé à coups de baïonnette. 
							Quelques officiers ont essayé de retenir leurs 
							hommes. Ils n'ont pas su se faire obéir. 
							Enfin, à Magny, un enfant de sept ans, s'amusant à 
							mettre en joue une patrouille, avec un fusil de 
							bois, a été fusillé sur place. 
							 
							Les Allemands civils d'Alsace tirent sur nos 
							troupes. 
							Dans diverses localités de la Haute-Alsace. lès 
							immigrés ont tiré (devant Mulhouse, notamment). A 
							Cernay, une section déployée devant l'ennemi a perdu 
							trente-huit hommes, tous atteints dans le dos : les 
							coups de feu avaient été tirés du village, avant 
							qu'aucun soldat, allemand y eût pénétré. 
							A Lutrau, l'instituteur a tiré sur une patrouille de 
							cavalerie, tuant deux chevaux. 
							LE MAIRE DE 
							BADONVILLER 
							Paris, 
							19 août. 
							Voici le texte du décret publié par le «  Journal 
							Officiel » nommant M. Benoît (Joseph-Edmond), maire 
							de Badonviller, au grade de chevalier dans l'ordre 
							national de la Légion d'honneur : 
							«  Conduite héroïque dans l'exercice de ses 
							fonctions. 
							«  A la suite des actes de sauvagerie et des meurtres 
							commis par les soldats allemands dans sa commune, sa 
							femme ayant été assassinée et sa maison incendiée, 
							il a, avec un sang-froid et une fermeté admirables, 
							continué à assurer, sans défaillance, la protection 
							et la sécurité de la population. 
							«  A sauvé, par la suite, la vie d'un prisonnier 
							allemand menacé par la juste colère des habitants, 
							donnant ainsi un magnifique exemple d'énergie et de 
							grandeur d'âme. » 
							POUR NOS AMIS 
							BELGES 
							Nancy, 
							19 août. 
							M. L. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, a 
							demandé par télégramme et obtenu du ministère de 
							l'intérieur une subvention de 3.000 fr. qu'il a fait 
							immédiatement parvenir à la Société belge de 
							bienfaisance. Cet acte de solidarité, au lendemain 
							du jour où les soldats belges viennent d'être 
							assimilés par la loi aux soldats français en ce qui 
							concerne l'assistance aux soutiens de famille 
							appelés, engagés ou rappelés sous les drapeaux, est 
							un nouveau témoignage de l'admiration et de la 
							gratitude de la nation française pour la vaillance 
							de la noble Belgique. 
							EN 
							ALSACE-LORRAINE 
							Progrès dans la 
							Haute-Alsace, - Les Allemands reprennent Villé, mais 
							les Français occupent Château-Saline, Dieuze, et 
							s'avancent jusqu'à Delme et Morhange 
							
							Communiqué, du ministère de la guerre 19 août, 23 
							heures En Alsace, la situation est sans grande 
							changements. 
							Nous continuons toutefois à progresser en 
							Haute-Alsace. 
							Les Allemands ont repris Villé, dans les Vosges, où 
							nous avions une avant-garde. 
							Les troupes françaises débouchent sur la Seille, 
							occupant. Château-Salins et Dieuze. 
							Mais la progression est forcément très lente devant 
							des organisations fortifiées solidement tenues. 
							L'armée française a atteint Morhange. 
							Les Français ont progressé rapidement au delà de la 
							Seille, dans la partie centrale. 
							Ils ont atteint, à la fin de la journée, Delme d'un 
							côté, Morhange de l'autre. 
							Sur le front, rien de nouveau en Alsace en Lorraine. 
							LES LETTRES 
							ATROCES 
							Paris, 
							19 août, 1 heure (Visé). 
							Les troupes françaises ont saisi de nombreuses 
							lettres de soldats allemands provenant de 
							Badonviller, à quelques kilomètres de la frontière. 
							Dans plusieurs de ces lettres, les Allemands disent 
							qu'ils ont fait soixante kilomètres en France. 
							Une autre lettre dit : «  Nous serons à Paris à la 
							fin du mois. » 
							Dans une troisième, on lit cette phrase : «  Nous 
							sommes au sud de la France. » 
							La plupart de ces lettres injurient les soldats 
							français. 
							Il convient de remarquer que les soldats allemands 
							qui écrivent ces lettres reculent depuis quatre 
							jours devant les troupes françaises. 
							Les soldats allemands déclarent qu'ils ne manquent 
							pas d'argent, qu'ils en obtiennent sous la menace du 
							revolver. 
							Avant d'incendier les villages, les Allemands 
							emportent tout ce qui est buvable ou mangeable. 
							Un autre écrit que la première ville rencontrée 
							après la frontière fut complètement détruite. 
							Tous les Français appartenant à la population civile 
							étaient fusillés, s'ils avaient seulement une mine 
							suspecte ou malveillante. On fusillait tous les 
							hommes, les jeunes garçons non adultes. 
							Dans une lettre, un soldat allemand affirme avoir vu 
							passer trois convois de paysans français 
							prisonniers. 
							«  Tous seront fusillés », écrit-il. 
							Dans une autre lettre, se trouve cette phrase : «  
							Nous fusillâmes des habitants de quatorze à soixante 
							ans. Nous abattîmes trente pièces. 
							Vingt-autres lettres portent constamment ces phrases 
							: «  Tout fut fusillé. On tue tout. Nous ne laissons 
							aucun habitant vivant, sauf les femmes. » 
							Cette fureur est motivée par l'accusation que des 
							civils ont tiré des coups de feu sur les soldats 
							allemands, et que le gouvernement français leur a 
							fait distribuer des armes et des munitions. 
							Tout le monde, même en Allemagne, sait que cela est 
							faux. 
							Les lettres saisies indiquent que de nombreux 
							réservistes allemands moururent sur les routes par 
							suite de la forte chaleur. 
							Un régiment bavarois engagé dans la région de 
							Blâmont a subi des pertes colossales. 
							UN AÉROPLANE 
							ALLEMAND 
							au-dessus de Nancy 
							Nancy, 
							20 août 
							Mardi à 5 heures après-midi, un monoplan allemand a 
							survolé Nancy. Il est arrivé du côté de Jarville et 
							a suivi à peu près la ligne du chemin de fer en 
							traversant Nancy. 
							A la sortie de notre ville, au moment où le monoplan 
							se trouvait entre la côte de Boudonville et le 
							plateau de Malzéville, une fusillade nourrie éclata 
							sur les hauteurs. Immédiatement le monoplan fit 
							volte-face et rebroussa chemin en suivant la même 
							route qu'à son arrivée. 
							A peu près au-dessus de la gare, il s'éleva 
							rapidement et disparut dans les nuages qui, depuis 
							quelque temps, arrivaient de l'horizon et qui le 
							cachèrent à la vue. 
							L'HORREUR 
							ALLEMANDE 
							Paris, 
							20 août, 0 h. 48. 
							Les rapports des autorités françaises sur la 
							conduite des Allemands continuent à signaler de 
							nombreux actes de brutalité injustifiés des 
							Allemands sur la population civile dans les communes 
							de la frontière, meurtres des habitants, incendies 
							de maisons, etc. 
							Un général de brigade signale qu'un hussard français 
							fait prisonnier a été égorgé par des soldats 
							allemands devant les habitants d'une commune 
							d'Alsace, qui en ont témoigné. 
							(Communiqué.) 
							PREMIER AVEU 
							Paris, 
							20 août, 1 h. 25. 
							DE STOCKHOLM. - Les agences allemandes continuent à 
							envoyer des informations dont il convient de relever 
							la suivante : 
							«  Les Allemands avouent l'échec de Schirmeck, et 
							déclarent que le succès français serait dû à la 
							connivence de la population civile. (Visé.) 
							Une Locomotive 
							de Sarrebourg 
							
							Lunéville, 20 août. 
							Les Lunévillois ont eu, mercredi, un délicieux 
							frisson de joie patriotique lorsqu'ils ont vu 
							arriver à la gare une locomotive et plusieurs 
							fourgons venant de Sarrebourg, ce qui tend à prouver 
							que cette ville est occupée par nos troupes. Un 
							artiste qui porte actuellement le fusil avait 
							dessiné à la craie un portrait fort ressemblant de 
							M. Poincaré, sur l'avant de la locomotive, décoré de 
							verdure et d'un trophée de drapeaux. 
							Du côté de l'Alsace tout va pour le mieux. 
							Nos troupes ont canonné, mercredi, nous assure-t-on, 
							Mutzig. 
							Nos douaniers sont déjà installés en Alsace et l'on 
							s'occupe depuis deux jours à organiser dans toutes 
							les localités reconquises les services 
							administratifs. 
							Dans ce but, M. le Sous-Préfet de Saint-Dié, 
							accompagné de M. Schmitt, député, s'est rendu 
							mercredi à Saales. 
							SAUVÉS ! 
							Paris, 
							19 août, 1 heure matin. 
							Le maire et les notables de Blâmont avaient été 
							condamnés à mort par les Allemands. L'arrivée rapide 
							des troupes françaises en provoquant le désordre et 
							la retraite allemande, leur sauva la vie. 
							Une lettre 
							touchante 
							A NOS SOLDATS 
							A NOS OFFICIERS 
							Nous 
							recevons la lettre suivante que nos soldats, nos 
							officiers liront avec le coeur plus encore qu'avec 
							les yeux : 
							Nancy, le 20 août 1914, 
							Monsieur le Directeur de l'«  Est Républicain », 
							Monsieur, 
							Nous sommes prêtes à faire pour nos maris, pour 
							leurs frères d'armes, tout ce qu'il nous sera 
							humainement possible de faire. Il y a quelques jours 
							vous nous avez demandé pour eux du papier à lettre, 
							peu de chose en somme, et vous nous assurez que par 
							vos soins il sera distribué. Nous avons confiance en 
							vous, il n'en faut pas davantage pour que nous nous 
							précipitions, de tout notre coeur, vers vous, vous 
							priant d'être notre intermédiaire pour tout ce que 
							réclameront nos maris, nos chers aimés, ainsi que 
							leurs frères auxquels nous voudrions également. 
							prouver notre sincère affection. C'est bien le moins 
							qu'on leur fasse voir, que, de loin comme de près, 
							on les aime ardemment. 
							Si je vous demande comme une prière cette 
							obligation, c'est que je suis persuadée que votre 
							obligeance est inlassable pour tout ce qui touche à 
							nos braves soldats français ; ensuite c'est aussi 
							parce qu'une grande confusion va infailliblement se 
							produire dans le cerveau de ces chers êtres auxquels 
							nous devons tant d'heures de joie et de bonheur et 
							qui nous ont quittées si confiants dans l'amour 
							absolu que nous avons pour eux. Cette confusion est 
							que plusieurs d'entre nous reçoivent souvent des 
							lettres de leur mari, lettres remplies de 
							tendresses, mais accompagnées de sensibles reproches 
							de ce que nous paraissons les oublier alors qu'ils 
							auraient plus que jamais besoin de notre affection 
							et de notre soutien moral ! Notre coeur d'épouse et 
							d'amante ne saurait qu'être ému à l'excès, devant 
							ces reproches Immérités. 
							Pour ma part, voici la «  septième » lettre que 
							j'adresse à mon cher mari, que j'adore de toutes les 
							forces de mon être, depuis trois semaines qu'il m'a 
							quittée, et la dernière lettre que je reçois de lui 
							(ce matin même) est, cette fois, remplie d'amers 
							reproches m'accusant de ne plus l'aimer et d'être 
							contente peut-être qu'il est parti se faire tuer. 
							Je vous fais grâce, Monsieur, de tout ce que j'ai 
							souffert en lisant cette lettre. 
							J'étais courageuse jusqu'aujourd'hui, je vous prie 
							de le croire, j'aurais tout bravé. 
							Cependant, je sens ce courage m'abandonner devant 
							cette situation que ma raison se refuse à admettre 
							comme m'étant dévolue personnellement. Quantité 
							d'autres jeunes femmes subissent cette alternative 
							cruelle. Nous souffrons toutes, car, toutes, nous 
							changerions volontiers de place avec eux pour leur 
							prouver que nous ne les avons jamais tant aimés 
							qu'en ces jours de terrible angoisse. 
							Jamais leur vie ne nous a été plus précieuse et 
							notre inquiétude est plus grande à cette heure où 
							ils nous accusent amèrement d'indifférence envers 
							eux. Ils souffrent de ne rien savoir de nous, au 
							point de se montrer injustes, mais nous souffrons 
							bien davantage encore de l'impuissance dans laquelle 
							nous nous trouvons bien malgré nous de ne pouvoir 
							nous justifier. 
							Pourquoi donc, Monsieur le Directeur, nos maris ne 
							reçoivent-ils pas nos lettres ? Pourquoi, puisque 
							l'Administration des postes nous en a promis la 
							circulation et la distribution avec seulement un 
							retard de 48 heures ? Faites-lui donc savoir, à 
							cette puissante interprète d'amour, que nos maris 
							ont absolument besoin de nouvelles de leur foyer 
							qu'ils ont abandonné si bravement, sans défaillance, 
							avec l'espoir apaisant qu'ils pourraient communiquer 
							avec nous. Et ils ne reçoivent rien !. Dites donc à 
							cette Administration que ce n'est pas seulement un 
							devoir, mais une nécessité qui s'impose pour elle, 
							si elle veut que le courage de nos braves soldats se 
							maintienne en équilibre. 
							Nos lettres à nos maris, Monsieur, c'est le baume 
							puissant et régénérateur à la lutte âpre et 
							démoralisante qui s'engage chaque jour. Assurez-lui 
							aussi, à cette Administration, que les lettres que 
							nous leur envoyons ne contiennent que des paroles 
							répondant à la fière et digne attitude de Françaises 
							que nous sommes et que nous voulons demeurer 
							toujours, quoi qu'il advienne. 
							Aucune lamentation, aucune plainte ne va vers ceux 
							que notre chère et belle France à appelés dans les 
							plis de ses drapeaux ! Rien que du courage, de la 
							patience et de l'espoir ! Si nous avons des larmes 
							en secret, elles sont pour nous seules, tandis qu'à 
							ceux que nous aimons si entièrement nous n'envoyons 
							que des sourires et des baisers : puissant réconfort 
							moral pour le coeur de l'homme. 
							J'ose espérer, Monsieur le Directeur, que vous 
							prendrez notre cause avec toute la chaleur qu'elle 
							comporte et dont nous vous savons capable. Je vous 
							le répète. Nous avons confiance en vous, pleine 
							confiance et resterons pour la vie vos obligées. 
							Merci beaucoup, beaucoup, d'avance. Merci aussi pour 
							l'affection bien française que vous nous donnez 
							chaque jour en exemple, à nous et aux nôtres bien 
							loin là-bas. Ils se le rappelleront, allez, et leur 
							reconnaissance s'ajoute déjà à la nôtre. 
							Veuillez croire, Monsieur le Directeur, à 
							l'expression de notre profonde et cordiale 
							sympathie. 
							UNE FEMME D'OFFICIER. 
							La vaillante petite Française qui nous écrit avec 
							une si ardente, une si touchante confiance a mille 
							fois raison. Malheureusement, il ne semble pas 
							possible que l'administration des postes, qui a tant 
							à faire actuellement pour collaborer à la défense de 
							la Patrie, fasse mieux et plus vite. 
							Nous publions pourtant cette lettre parce qu'elle 
							montre à quel héroïsme simple s est élevé tout 
							naturellement le coeur de nos Françaises. 
							Et aussi pour que nos soldats, nos officiers sachent 
							bien, - par le journal, puisqu'ils reçoivent si 
							irrégulièrement les lettres de celles qu'ils aiment 
							et qui les aiment, - que loin de les oublier, leurs 
							mères, leurs épouses, leurs soeurs n'ont de plus 
							chère, de plus profonde, de plus constante pensée 
							que pour les défenseurs de la Patrie. 
							R. M. 
							EN ALSACE 
							Mulhouse repris à la baïonnette 
							Paris, 
							20 août, 13 h: 40. 
							Les troupes françaises ont réoccupé Mulhouse, après 
							un vif combat à la baïonnette. 
							 
							Paris, 20 août, 17 h. 15. 
							C'est après un combat très vif, où nos troupes 
							durent enlever à la baïonnette un faubourg de cette 
							ville, que nous avons réoccupé Mulhouse. 
							Six canons et six caissons sont restés entre nos 
							mains. 
							 
							Nous occupons aussi Guebwiller 
							Aux cols des Vosges, notre situation demeure la 
							même. 
							Nous avons toutefois occupé Guebwiller. 
							EN LORRAINE 
							D'un côté à Sarrebourg de l'autre à Delme 
							Paris, 
							20 août, 15 h. 55. 
							Notre ligne s'étend du nord de Sarrebourg jusqu'à 
							Delme, en passant par Morhange. 
							Une 
							contre-attaque allemande 
							Paris, 
							21 août, 23 heures (visé). 
							La journée fut moins heureuse en Lorraine que les 
							précédentes. 
							Les avant-gardes françaises se heurtèrent à des 
							positions très fortes, et furent ramenées, par une 
							contre-attaque, sur le gros des troupes françaises, 
							solidement établies sur la Seille et sur le canal de 
							la Marne au Rhin. 
							LES 
							Allemands en retraite 
							SUR LE RHIN 
							Paris, 
							21 août, minuit 58 (visé). 
							Les troupes françaises ont remporté de brillants 
							succès entre Mulhouse et Altkirch. 
							Les Allemands sont en retraite sur le Rhin. 
							Ils ont laissé entre nos mains de nombreux 
							prisonniers. 
							Nous avons pris 24 canons, dont 6 au cours de la 
							lutte engagée par l'infanterie française. 
							 
							Paris, 21 août, 1 h. 05 (visé). 
							BELFORT, 20 août. - Le combat qui s'est livré dans 
							les environs de Mulhouse, a été particulièrement 
							meurtrier pour les Allemands, qui, sachant que les 
							Français épargnent le plus possible les Alsaciens et 
							leurs propriétés, se dissimulèrent dans les maisons 
							protégées par la Croix-Rouge, d'où Ils tirèrent sur 
							les Français. 
							Ceux-ci dirigèrent un feu violent d'infanterie et 
							d'artillerie sur les assaillants, dont ils firent un 
							véritable, carnage. 
							Tous les Allemands qui sortaient des maisons furent 
							tués. 
							Une batterie de six pièces, avec ses caissons 
							remplis de projectiles, fut enlevée à l'ennemi. 
							Ces canons ont été amenés aujourd'hui à Belfort. 
							Une foule considérable a défilé devant. 
							Dix-huit autres canons, pris dans la matinée, sont 
							attendus à Belfort demain, avec une colonne de six 
							cents prisonniers. 
							A NOMENY 
							Le récit de Mlle 
							Jacquemot. - Les Prussiens ! - Dans la cave. - 
							Arrosées de pétrole. - Le feu. - Soldats et 
							officiers, - Les soldats pleurent. - Dans les 
							champs. - La fusillade. - Vers Mailly. - En 
							l'absence des chefs. - Quelques maisons restent 
							debout. - Ce n'est pas l'heure de la pitié 
							Nancy, 
							21 août 
							Les nouvelles que de pauvres gens de Nomeny chassés 
							par les Allemands de leur cité saccagée et brûlée 
							ont répandues dans les rues de Nancy ont ému la 
							population. 
							On serait ému pour bien moins, car nos ennemis ne 
							respectent aucune loi, et paraissent se complaire 
							aux ruines et aux meurtres. 
							Mais les Lorrains ne tarderont pas retrouver le 
							sang-froid qui est la forme le plus virile du 
							courage. A cette heure même ils ont reconquis, dans 
							leur juste colère la calme énergie que la situation 
							rend nécessaire. 
							Ils comprennent que l'incendie de Nomeny et les 
							assassinats qui l'ont accompagné, les Allemands les 
							ont voulus pour agir par la terreur sur la 
							population lorraine. Le trouble n'aura duré qu'un 
							moment. On s'est ressaisi. 
							Il faut bien se dire que ceci n'est pas un fait 
							d'armes, mais un horrible fait-divers, La perte de 
							Nomeny n'a en rien entamé nos positions. Chacun sait 
							qu'on ne pouvait point défendre cette ville, et 
							qu'en effet on ne l'a point défendue. 
							Les Allemands ne se sont pas comportés en soldats, 
							mais en bandits. 
							Ce ne sont point des troupes qui ont combattu, mais 
							des sauvages qui se sont rués sur des vieillards, 
							des femmes, des enfants sans armes. 
							Gardons notre pitié pour les victimes, mais gardons 
							aussi notre courage pour le véritable combat, celui 
							où les Allemands armés trouveront des Français 
							armés. 
							Il ne faut pas avoir seulement confiance dans la 
							victoire définitive. Tout nous donne la certitude 
							que, cette épreuve passée, la France triomphera. 
							Elle a pour elle la droit, la volonté, 
							l'enthousiasme patriotique, et aussi les armements 
							solides et les solides positions. 
							Que les coeurs s'apaisent, que les yeux restent secs. 
							Ce n'est pas l'heure de la pitié qui amollit, c'est 
							l'heure de la décision. 
							RENÉ MERCIER. 
							 
							Nomeny n'est plus, car le peu qu'il en reste 
							désormais ne saurait empêcher que l'on puisse écrire 
							sur ses ruines : «  Ici fut Nomeny. » 
							Les Prussiens y sont entrés, jeudi, 20 août, 
							incendiant, pillant, massacrant tout. 
							Il faut se ressaisir et se cuirasser de tout son 
							courage pour écrire toutes les horreurs que les 
							rescapés, arrivés à Nancy vendredi matin, à peine 
							vêtus, les yeux encore épouvantés, nous ont 
							racontées. 
							Une des survivantes, Mlle Jacquemot, au service du 
							docteur Viller, a été accueillie par M. Bergeret, 
							qui l'a réconfortée autant qu'il est possible en 
							d'aussi douloureuses circonstances. C'est chez lui 
							que nous avons pu l'interviewer. 
							Mlle Jacquemot est une jeune fille de vingt ans, 
							originaire de la Lorraine annexée. Ses-yeux sont 
							agrandis par la terreur de tout ce qu'elle a vu, par 
							tout ce qu'elle a souffert. Elle a été surprise, en 
							pantoufles, en tenue de travail, et c'est ainsi 
							qu'elle est arrivée, avec, pour tout linge; dans un 
							panier, un fichu. Les larmes tombent sans cesse le 
							long de son visage, mais elle a tant pleuré qu'elle 
							ne s'aperçoit plus qu'elle pleure. 
							C'est un récit entrecoupé de sanglots qu'elle nous 
							fait. Rien ne saurait être plus éloquent, plus 
							pathétique. Nous transcrivons simplement ses paroles 
							: 
							«  Hier matin, jeudi, vers 10 heures, nous dit-elle, 
							j'étais en train d'écrire à ma patronne - car Mme 
							Viller et ses deux enfants sont heureusement à 
							Houlgate, depuis que M. Viller a été mobilisé - 
							lorsque j'entends crier dans la rue. 
							«  Je sors. 
							«  - Les Prussiens ! Les Prussiens ! Sauvez-vous dans 
							les caves ! 
							«  Craignant un nouveau bombardement, je rentre pour 
							ouvrir les fenêtres et fermer les persiennes, ainsi 
							qu'il avait été ordonné 
							«  Puis je décide de ne pas rester seule et, ainsi 
							qu'il avait été convenu avec une voisine, je 
							descends dans la rue pour me rendre chez elle. 
							«  Je n'ai que le temps de rentrer. Des cavaliers, 
							des fantassins prussiens, hurlant, sabre au clair, 
							revolver au poing, arrivent de tous les côtés. 
							«  Capout ! Capout ! Tous les Français capout ! » 
							crient-ils. 
							«  Je passe par la grange et, par le derrière des 
							habitations, j'arrive enfin chez ma voisine. 
							«  D'autres personnes y sont déjà venues. Nous sommes 
							quatorze. 
							«  Nous descendons aux caves. Il y en a trois. Des 
							deux premières on a malheureusement oublié les clefs 
							et nous ne sommes pas assez robustes pour en 
							enfoncer les portes. 
							«  Enfin, nous réussissons à ouvrir la troisième, et, 
							toutes tremblantes, nous nous réfugions dans un 
							coin. 
							«  Par le soupirail, nous entendons la canonnade et 
							la fusillade Des tuile tombent. C'est un vacarme 
							infernal. 
							«  Enfin, le canon se tait. Combien de temps avait-il 
							tonné ? Aucun de nous ne peut s'en rendre compte. 
							«  Mais on entend des pas dans l'escalier. Nous 
							arrive-t-il des sauveurs ou bien des assassins ? 
							«  Ce sont des Prussiens. Nous nous serions dans un 
							coin sombre... Les Prussiens entrent. Ils n'ont pas 
							de lumière.. Ils s'avancent. Ils regardent. Ils ne 
							nous aperçoivent point. 
							«  Ah ! qui dira jamais quelles minute nous avons 
							vécues !... 
							«  Sommes-nous enfin sauvées ?. Hélas ! Non. 
							«  Les Prussiens sont remontés, mais c'est pour nous 
							arroser de pétrole, par le soupirail. Ils mettent le 
							feu. On étouffe. On va mourir, brûlées ou 
							asphyxiées. 
							«  L'odeur du pétrole est insupportable. Ils ne l'ont 
							pas ménagé. 
							«  On ne peut rester là. Il faut sortir à tout prix. 
							Mourir pour mourir, mieux vaut mourir d'une balle ou 
							d'un coup de baïonnette. 
							«  Quelqu'un de nous a une montre. Il regarde. Il est 
							cinq heures. Il y avait sept heures que nous étions 
							là !. 
							«  Une «  paire » de jeunes filles - car, avec les 
							femmes, il n'y avait que quelques enfants et des 
							vieillards - une «  paire » de jeunes filles se 
							dévouent. 
							«  - Vous en étiez ?. 
							e- Oui. Nous sommes sorties trois, les deux 
							demoiselles Nicolas et moi. 
							«  Nous sortons du côté de la remise... Tout brûle 
							dans Nomeny. Toute la rue est en flammes. Il ne faut 
							pas songer à sortir du côté de la rue. 
							«  Où aller... 
							«  L'un dit : Allons par ici ; l'autre :Allons plutôt 
							de ce côté-là. 
							«  De tous les côtés, devant, derrière, tout flambe. 
							Nous n'avons plus qu'un espoir, c'est d'essayer de 
							gagner les champs. 
							«  Nous entrons dans le premier jardin venu. C'est 
							celui de Mlle Manoncourt. Or, c'est un enclos, et 
							nous n'arrivons pas à défoncer la porte. 
							«  Soudain, nous entendons parler allemand derrière 
							notre mur. Des soldats prussiens l'escaladent. Cette 
							fois, nous croyons bien que, pour de bon, notre 
							dernière heure est venue. 
							«  Or, le premier Prussien qui apparaît nous crie : 
							«  - Fourt !! Fourt ! Allez-vous-en ! Sauvez-vous » 
							«  Mais, je vous l'ai dit, nous ne pouvons pas ouvrir 
							la porte. 
							«  Enfin, les Prussiens nous rassemblent et nous 
							emmènent. En route, d'autres viennent nous 
							rejoindre. Nous arrivons dans une houblonnière. Il y 
							a des postes qui refusent de nous laisser passer. 
							«  Nous revenons à Nomeny, vers le pont. 
							«  Nous supplions de nous laisser passer. 
							«  - Nous sommes des femmes ! Ayez pitié de nous. 
							«  On refuse. 
							«  Enfin, après bien des supplications, on nous 
							emmène à l'infirmerie installée chez M. Zambo. 
							«  Là, les soldats sont gentils. Ils nous consolent. 
							Ils nous disent que ce sont leurs officiers qui les 
							forcent à incendier - et à fusiller. 
							«  L'un des soldats nous parle en français. 
							«  - Je suis Lorrain, moi aussi, dit-il. Je suis de 
							Novéant. J'ai une mère... 
							«  Il pleurait. 
							«  En traversant les rues en flammes, nous avons vu 
							des morts et des morts. Il y en avait qui avaient la 
							tête fendue. Une vieille femme, qui allait avoir ses 
							cent ans au mois de novembre, est tombée 
							d'épuisement pendant le trajet Bien sûr qu'elle est 
							morte. 
							«  A l'infirmerie Zambo, on nous a donné du pain et 
							un peu de charcuterie. Nous avons couché par terre, 
							et ce matin, vendredi, vers 6 heures, on nous a fait 
							déguerpir. 
							«  - Etiez-vous nombreux ? 
							«  - Oh ! un cent. Cent vingt peut-être. Peut-être 
							cent cinquante. Avec une autre colonne qu'on m'a dit 
							être partie d'un autre côté, c'est tout ce qui 
							restait de vivant à Nomeny. 
							«  - Ils n'ont pas emmené d'otages ? 
							«  - Je ne sas pas si c'est pour les garder comme 
							otages ou pour les fusiller, mais ils ont ramassé 
							tous les hommes, depuis les vieillards jusqu'aux 
							gamins de 15 ans. 
							«  Ceux-là, je ne sais pas ce qu'ils sont devenus. 
							J'ai entendu dire qu'ils en avaient fusillé beaucoup 
							sur la place, mais je ne l'ai pas vu. 
							«  Nous voici dans la rue. Un officiel nous demande 
							où nous voulons aller. 
							«  Comme personne ne savait trop que répondre, on 
							nous emmène du côté de Mailly, c'est-à-dire vers la 
							frontière. 
							«  Nous marchons environ deux kilomètres, escortés 
							par des soldats, et nous constatons que Mailly n'est 
							pas brûlée.. Puis l'on nous fait rebrousser chemin. 
							«  Nous voici de nouveau à Nomeny. 
							«  Nouvel ordre. On repart. On nous fait faire cinq 
							fois cette navette. Nous n'en pouvons plus. 
							«  Enfin, la sixième fois, lorsque nous arrivons au 
							moulin de Brionne, les soldats allemands nous 
							abandonnent. 
							«  - Allez où vous pourrez ! nous dit l'un d'eux, en 
							français. Vous êtes libres. 
							«  Nous avons suivi la route. 
							«  De temps en temps, nous nous retournions pour 
							regarder une dernière fois notre pauvre Nomeny. Ma 
							maison n'existait plus, et l'une des seules maisons 
							qui restaient, la pharmacie, ne formait plus qu'un 
							brasier énorme. 
							«  Nous arrivons enfin à Lixières. Là, des ambulances 
							françaises nous recueillent, et c'est ainsi que nous 
							sommes arrivés à Nancy, où, pour mon compte, vous le 
							voyez, je suis tombée chez de si braves gens. 
							«  Je peux aller rejoindre ma patronne, à Houlgate. 
							«  - Dans deux ou trois jours, - interrompt M. 
							Bergeret, lorsque vous vous serez bien reposée ici. 
							«  - Avez-vous quelques noms de victimes, noms dont 
							vous soyez bien sûre. 
							«  - J'ai vu des morts dans les rues, mais on n'avait 
							guère le temps de les regarder de près. 
							«  Cependant, je crois avoir reconnu M. Quillian 
							père, qui gisait sur la chaussée, la tête fendue. 
							, «  On m'a dit aussi que Mme Humbert, en ouvrant sa 
							porte en compagnie de ses enfants, s'était trouvée 
							face avec les Prussiens, qui tiraient des coups de 
							revolver. Mais je ne sais pas si elle a été tuée, ni 
							si les enfants sont saufs. 
							«  Ce qu'il y a de terrible, c'est de songer que 
							beaucoup de ceux qui s'étaient enfermés dans les 
							caves ont pu périr brûlés vifs ou asphyxiés. 
							«  En tout cas, je vous le répète, deux colonnes 
							seulement de 100 à 120 personnes sont parties, et 
							une colonne de vieillards, de jeunes gens et 
							d'enfants a été emmenée je ne sais où, ou 
							fusillée... » 
							Tel est le récit, aussi sincère qu'émouvant, que 
							nous avons entendu du sac de Nomeny. 
							 
							Sur la place Stanislas, vendredi matin, vers 10 
							heures, un groupe compact d'hommes et de femmes, le 
							visage anxieux, entoure plusieurs femmes et jeunes 
							fillettes, venant de Nomeny, qui se serrent 
							peureusement auprès d'elles. Une jeune femme raconte 
							les souffrances qu'elle et sa famille ont endurées 
							pendant la journée de jeudi. 
							«  J'habite Paris, que j'ai quitté pour venir voir 
							mes parents à Nomeny où j'étais depuis quatre jours. 
							«  Dans la journée de mercredi, je me trouvais dans 
							les vignes où je travaillais avec ma mère. Je 
							m'avançai un peu. Tout à coup, j'aperçois, à dix 
							mètres devant moi, un soldat allemand. 
							«  Je courus de suite dans la direction du cimetière, 
							où se trouvait un poste de soldats français, et je 
							le prévins que les Prussiens arrivaient 
							«  Quelques coups de feu furent échangés, puis la 
							journée se termina sans autre alerte. 
							«  Jeudi matin, vers 10 heures, la canonnade éclata 
							soudain au-dessus de Nomeny., On entendait les obus 
							tomber sur les maisons, défonçant les toits et 
							mettant le feu aux habitations. 
							«  Tout le monde se retira dans les caves où l'on 
							resta enfermé jusqu'à vers quatre heures ou cinq 
							heures du soir. 
							«  A ce moment, comme on entendait les murs des 
							maisons s'écrouler sur les voûtes, l'on craignait 
							d'être ensevelis et l'on se décida à sortir des 
							caves pour aller chercher un refuge dans la 
							campagne. 
							«  En passant, à travers les rues, on vit les maisons 
							qui s'écroulaient ; l'église, la maison d'école, 
							transformée cependant en ambulance, étaient 
							incendiées. 
							«  Partout, l'on était obligé de passer au-dessus de 
							corps étendus sur la chaussée. 
							Les Prussiens fusillaient tous les hommes. 
							«  Devant une fillette, ils tuèrent un homme de 74 
							ans et un autre de 40 ans. Je pris par la main la 
							malheureuse enfant et je l'emmenai avec moi. 
							«  La voici, nous dit notre interlocutrice, en 
							montrant une fillette âgée d'une douzaine d'années. 
							Elle pourra en témoigner. 
							«  Les soldats allemands avaient pris tous les hommes 
							qu'ils trouvèrent dans la ville. Ils les 
							conduisirent sur la place de l'Hôtel-de-Ville, et 
							là, devant les femmes et les enfants, ils les 
							fusillèrent à bout portant. 
							«  J'ai vu tomber, notamment, le boucher et d'autres 
							habitants. 
							«  Nous nous sommes sauvés dans les vignes. 
							«  Bientôt les obus allemands venaient tomber autour 
							de nous. Ils éclataient dans le sol, nous couvrant 
							entièrement de terre. 
							«  Puis le feu cessa. Les Prussiens vinrent nous 
							rejoindre. 
							«  C'est alors que j'ai vu un homme tomber à terre, 
							frappé par une balle prussienne. Sa femme s'étant 
							baissée pour le relever, un soldat allemand lui posa 
							le canon sur la tête. La malheureuse s'écroula sur 
							le corps de son mari. 
							«  Puis les Allemands prirent tous les un hommes qui 
							étaient avec nous. Ils les emmenèrent vers Mailly. 
							«  Les femmes et les enfants furent repoussés ensuite 
							sur la ville. 
							«  Nous avons passé le pont, où se trouvaient des 
							cadavres. 
							«  A l'extrémité de la ville, il a fallu rebrousser 
							chemin, puis repasser le pont. Enfin, on nous 
							conduisit à la maison Zambo, que les Prussiens 
							avaient conservée pour leur servir d'ambulance. 
							«  Les soldats allemands nous donnèrent à manger du 
							pain et ce qu'ils avaient avec eux. Quelques-uns, 
							qui parlaient français, nous plaignirent. 
							«  Ils étaient bons pour nous. J'ai vu l'un d'eux 
							prendre un petit enfant qu'une femme portait dans 
							ses bras, l'entourer dans une couverture et le 
							remettre à sa mère. 
							«  Vendredi matin. à six heures, nous avons été 
							réveillés. Les mêmes soldats nous donnèrent à boire, 
							et nous réconfortèrent. 
							«  Ils agissaient ainsi lorsque les chefs étaient 
							absents, car ceux-ci se montraient particulièrement 
							méchants, et leurs soldats tremblaient devant eux. 
							«  En sortant de la maison Zambo, on nous fit aller 
							sur Mailly, puis on nous ramena jusqu'au pont du 
							moulin de Brionne. 
							«  Là, des soldats nous obligèrent à rebrousser 
							chemin. Il fallut revenir vers Mailly, puis vers 
							Brionne. On fit ce manège-là plusieurs fois. Je 
							crois que les chefs voulaient nous montrer le 
							spectacle des ruines de Nomeny. 
							«  Enfin, on nous ramena une dernière fois vers 
							Brionne. Là, les soldats allemands nous 
							abandonnèrent. 
							«  Nous nous sommes dirigés vers Pont-à-Mousson, et 
							bientôt on rencontrait des Français, qui, après 
							avoir entendu notre récit, nous apportèrent quelques 
							secours. Puis des voitures d'ambulances vinrent nous 
							chercher et nous amenèrent à Nancy » 
							L'HORREUR 
							ALLEMANDE 
							ancy, 21 
							août 
							Il fallait s'y attendre de la part de vandales 
							dignes d'Attila. Les Allemands ont renouvelé leurs 
							exploits de Nomeny dans tous les villages 
							environnants, notamment Eply, Clémery, 
							Port-sur-Seille. 
							Port-sur-Seille n'existe plus. 
							Champey n'a pas été incendié, mais des affiches en 
							allemand ont été placardées dans les rues, pour 
							prévenir les habitants qu'au premier coup de feu le 
							village serait brûlé. 
							PRISONNIERS 
							ALLEMANDS 
							amenés à Belfort 
							Belfort, 
							21 août 
							On vient d'amener ici 563 soldats et sous-officiers 
							et 15 officiers des régiments d'infanterie badoise 
							qui ont été faits prisonniers hier à Dornach, près 
							de Mulhouse. On en attend un convoi pareil dans la 
							journée de demain. Ils seront tous dirigés sur le 
							Centre. 
							Parmi les otages pris à Mulhouse, on signale le 
							directeur et le caissier de la succursale de la 
							Reichsbank. 
							DANS LES 
							COMMUNES ÉPROUVÉES 
							L'invasion des 
							Barbares. - Les Allemands vole et, pillent, tuent, 
							brûlent. - Ruines et meurtres. - La bête teutonne 
							déchaînée. - Un Maire héroïque. - Le 
							poteau-frontière de Deutsch-Avricourt au musée de 
							Nancy. - Vive la France. 
							Nancy, 
							21 août 
							M. L. Mirman. préfet de Meurthe-et-Moselle, s'est 
							rendu hier à Badonviller pour remettre la croix-de 
							la Légion d'honneur M. le maire Benoit. 
							M. le Préfet était accompagné comme dans toutes les 
							visites déjà faites par lui dans l'arrondissement si 
							éprouvé de Lunéville, par M. Méquillet, député, et 
							Minier, sous-préfet. 
							Il était cette fois accompagné aussi de Mme Mirman. 
							laquelle avait en ce jour une mission spéciale à 
							remplir : celle de porter, au nom de toutes les 
							femmes de France, un souvenir ému aux femmes 
							francises assassinées par les Allemands et de 
							déposer sur ces tombes des gerbes de fleurs nouées 
							de rubans tricolores. Ce pieux pèlerinage auquel, en 
							chaque commune, se joignirent les autorités locales, 
							eut lieu : 
							1° A Badonviller. sur la tombe de Mme Benoit, femme 
							du maire, fusillée alors qu'elle ouvrait, sur les 
							ordres des autorités allemandes, les fenêtres de sa 
							maison. 
							2° A Badonviller, sur la tombe provisoire, en plein 
							champ, où reposent les restes de Mme George et de 
							son mari, fusillés dans leur maison même avec une 
							atroce cruauté ; 
							3° A Bréménil, sur la tombe de Mme Barbier, brûlée 
							dans sa propre maison, et qui y fut d'abord 
							probablement assassinés au chevet de son fils, 
							blessé et alité dont les restes furent aussi 
							retrouvés dans les décombres ; 
							4° A Blâmont, sur la tombe de Mlle Cuny, tuée dans 
							les champs près du village et sur qui les Allemands 
							tirèrent comme sur une alouette.. 
							Tel est, dressé jusqu'à ce jour, le martyrologe des 
							femmes françaises en cette région de Lunéville. 
							A Badonviller, pendant que le pieux pèlerinage 
							s'accomplit sur les tombes de Mmes Benoit et George, 
							la foule s'est massée sur la place Un officier 
							commandant des troupes de passage, avisé de la 
							cérémonie qui va avoir lieu, commande un piquet pour 
							rendre les honneurs. M. le Préfet de 
							Meurthe-et-Moselle s'exprime en ces termes : 
							«  Je viens, au nom de la France, saluer à 
							Badonviller la commune martyre et le maire héroïque. 
							«  Ici, les barbares ont donné toute leur mesure. 
							Sans la moindre provocation, sans qu'un coup de feu 
							ait été tiré, une menace faite, une insulte 
							proférée, une imprudence commise par la population 
							civile, disciplinée sous l'autorité ferme et sage de 
							son maire, sans la moindre raison, sans le moindre 
							prétexte de guerre, ils ont ici accumulé toutes les 
							violences possibles. Ils ont emmené quinze otages, 
							dont à l'heure actuelle aucune nouvelle ne nous est 
							connue. Ils ont saccagé, ils ont pillé, ils ont 
							volé, volé non seulement les liqueurs dont ils 
							s'enivrèrent, mais l'argenterie et les bijoux. Ce 
							n'est pas tout. Avec calme, méthode et sang-froid, 
							se servant de cartouches et fusées spéciales ils ont 
							brûlé huit maisons. Ce n'est pas tout encore. Quand 
							ils se retirèrent, leurs artilleurs situés sur une 
							commune voisine, virent devant eux la belle église 
							de Badonviller, magnifique cible plus facile à 
							atteindre et moins dangereuse à viser qu'une 
							batterie française. 
							Alors qu'il n'y avait pas un seul soldat français 
							dans l'église, dans le village ni aux alentours, 
							leurs artilleurs canonnèrent, démolirent et 
							incendièrent l'église : on eût dit que ces Bavarois, 
							les plus catholiques parmi les Allemands, avaient 
							conçu l'extravagante idée de vouloir punir Dieu de 
							n'avoir pas béni leurs armes ! Ce n'est pas tout 
							encore hélas ! Plus de dix personnes; dont deux 
							femmes, furent lâchement assassinées. 
							«  Tel est le bilan de ruines et de meurtres. Si je 
							n'étais entouré d'enfants qui pleurent les pères ou 
							mères fusillés, j'éprouverais une âpre joie à 
							dresser ce tableau tragique et je dirais : Oui, il 
							fallait que quelque part en une commune de France 
							marquée pour ce martyre - et cette commune devait 
							être en Lorraine - il fallait que le barbare 
							imprimât la marque totale de son génie, qu'il offrit 
							au monde un échantillon de ce qu'il sait faire : 
							qu'il fit comprendre par quelque exemple éclatant ce 
							dont est capable la bête teutonne quand elle est 
							déchaînée. 
							«  Je viens, mes chers amis, d'abord vous dire ceci : 
							cette bête teutonne que vous avez vue à l'oeuvre, 
							elle ne reviendra jamais sur notre terre de France. 
							Sur toutes les parties du monde elle est traquée, 
							traquée au Sud par la race vaillante des Serbes et 
							Monténégrins qui n'ont pas reculé d'une semelle, 
							traquée à l'Est par les Russes qui avancent, traquée 
							au Nord-Ouest par les Belges héroïques qui leur 
							apprennent en ce moment ce dont est capable un 
							peuple fier et libre ; elle est traquée, la bête 
							teutonne, sur tous les Océans et sur tous les 
							continents du monde par les Anglais ; de Liège à 
							Belfort, elle recule ; près d'ici, sous les 
							baïonnettes françaises, elle a été chassée des cols 
							et des sommets des Vosges, elle dévale en hurlant de 
							rage dans les plaines d'Alsace ; bientôt, 
							pantelante, elle repassera le Rhin, la bête teutonne 
							contre laquelle se dressent, avec une mâle énergie. 
							toutes les nations du monde qui veulent vivre dans 
							la paix, le travail et la bonté. Elle est traquée, 
							vous dis-je, plus d'angoisse ! Oubliez vos épreuves, 
							garder le souvenir impérissable de vos chères 
							victimes, dont les noms seront inscrits bientôt en 
							lettres d'or sur des plaques de marbre dressées aux 
							portes de vos mairies, mais relevez la tête, et 
							contemplant ce destin supérieur à nos espérances, à 
							l'aurore de cette ère nouvelle où la Patrie 
							rayonnante va imposer au monde le règne de la 
							Justice, pleurons de joie en acclamant la douce 
							France éternelle ! 
							«  Mais le spectacle de ces ruines fumantes m'impose 
							le devoir : habitants de Badonviller et des communes 
							éprouvées de Lorraine, je prends devant vous un 
							double et solennel engagement ; d'abord vos maisons 
							vous seront rendues, reconstruites au frais du 
							pillard et de l'incendiaire ; puis vos églises 
							seront restaurées et si elles doivent l'être par 
							souscription publique, je prends l'engagement, au 
							nom de ma race dont je connais bien l'âme, qu'à 
							cette souscription pas un Français ne manquera, 
							catholique ou libre penseur, protestant ou, 
							Israélite, puisque tous aujourd'hui forment contre 
							le barbare comme un bloc de ciment armé. 
							«  Il me reste une mission à accomplir. » 
							M. L. Mirman rappelle la conduite héroïque du maire 
							Benoit ; il insiste sur les vertus morales dont il a 
							fait preuve lorsque, le lendemain, il a sauvé, par 
							sa courageuse intervention, la vie d'un prisonnier 
							allemand. Il met en relief le magnifique exemple 
							qu'il a donné et dont la France est fière. Et aux 
							acclamations enthousiastes de toute la foule, il 
							épingle sur le modeste veston du maire Benoit la 
							croix de chevalier de la Légion d'honneur. 
							 
							Après une courte visite à Bréménil et à Blâmont, M. 
							le Préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu à 
							Nonhigny, où un affreux, spectacle l'attendait. Sur 
							60 maisons, 15 et les plus importantes sont brûlées, 
							l'église en ruines, quatre hommes assassinés, dont 
							l'adjoint faisant fonctions de maire, M Jeanjean. M. 
							Mirman réunit les quelques hommes valides présents 
							dans le village ; sur leur indication, désigne M. 
							Gérard Arsène pour faire fonction de maire, 
							distribue les secours d'extrême urgence, donne des 
							indications sur le ravitaillement en farine et 
							diverses autres questions d'intérêt immédiat, et 
							fait, par M. le juge de paix du canton, présent sur 
							les lieux, adresser un secours à la commune de Parux, 
							également bouleversée, visitée déjà antérieurement. 
							La commune voisine de Barbas est moins éprouvée. 
							Deux hommes tués, cinq otages emmenés. Maisons 
							pillées, mais aucune incendiée. Il est entendu que 
							la population de Barbas va aider les habitants plus 
							malheureux de Nonhigny. 
							A Remoncourt, le maire, M. Scherer, et M. Beaudoin, 
							conseiller municipal, ont été emmenés comme otages 
							et ne sont point revenus. Pas d'assassinat. Pas de 
							maison incendiée. Mais le village est à sac. 
							L'adjoint Chatel se multiplie. La population pleure 
							de joie en apprenant les bonnes nouvelles, en 
							écoutant les paroles réconfortantes que lui apporte 
							M. le préfet de Meurthe-et-Moselle. 
							A Xousse, trois maisons brûlées, un otage emmené. 
							Xousse, où il reste quelques vieux chevaux, ira se 
							ravitailler en farine pour son compte et pour 
							Remoncourt. 
							Vaucourt offre comme Nonhigny un spectacle de 
							désolation : une trentaine de maisons incendiées, 
							incendiées non comme l'église par le bombardement et 
							par accident de guerre, mais incendiées à la main, 
							froidement, comme à Badonviller. Trois otages 
							emmenés. Le village est à sac. La population réunie 
							sur la place, au milieu des ruines, accueille les 
							déclarations du préfet par une acclamation unanime 
							de «  Vive la France ! », et sur ces visages éprouvés 
							coulent aussi des larmes de joie et de fierté. Il 
							est entendu qu'on fêtera l'an prochain, dans un 
							banquet, l'inauguration des nouvelles maisons 
							reconstruites aux frais des barbares. 
							M. le préfet a visité en rentrant à Nancy les 
							municipalités de Xures et Einville, et était à 7 
							heures à la mairie de Nancy, où Mme Mirman faisait 
							connaître à M. le maire Laurent qu'elle était 
							heureuse d'apporter et d'offrir à la ville ce Nancy, 
							le poteau-frontière allemand de Deutsch-Avricourt. 
							M. Paquel sortit avec peine de l'auto la lourde et 
							vilaine masse de bronze et la remit à M. le maire, 
							qui se propose de la faire déposer ultérieurement au 
							musée de la ville. 
							LA JOURNÉE 
							MUNICIPALE 
							Nancy, 
							21 août 1914. 
							Les récits d'horreurs commises par les Allemands ont 
							rendu la population impressionnable. En outre, la 
							vue des blessés, celle de malheureux paysans, 
							affolés, les sentiments bien compréhensibles que 
							ceux-ci éprouvent, mais qu'ils expriment d'une 
							manière excessive, en termes qui grossissent de 
							bouche en bouche, tout cela contribue à augmenter la 
							sensibilité générale Il ne manque pas, cependant, à 
							Nancy, de gens capables de donner l'exemple du 
							sang-froid. Les habitants de notre ville sont 
							familiarisés avec l'idée de guerre. Ils doivent donc 
							montrer du calme et, surtout, «  conseiller le calme 
							». 
							Conseiller du calme autour d'eux et dans l'ambulance 
							où l'on fait trop parler les blessés. Ces derniers 
							sont déprimés, enfiévrés, ils n'ont vu que le coin 
							du combat où mal leur advint. Naturellement, ils 
							envisagent les choses avec amertume, avec tristesse. 
							Leurs récits ne sauraient donc trouver créance chez 
							les gens sérieux. On en peut dire autant des récits 
							faits par les automobilistes chargés du transport 
							des blessés. Ces excellents auxiliaires n'ont vu que 
							les horreurs du champ de bataille, ils en restent 
							frappés et communiquent à leurs auditeurs un dégoût, 
							une appréhension contre quoi l'opinion publique doit 
							être mise en garde. 
							Nous n'avons pas à nous occuper ici des opérations. 
							Mais les habitants de Nancy ont déjà pu apprécier 
							avec quelle méthode elles sont menées. Notre 
							confiance dans les chefs militaires est 
							inébranlable. Pour conserver notre sang-froid, il 
							suffit que nous nous gardions nous-mêmes contre les 
							amplifications, les commérages, les exagérations de 
							tout genre qui naissent passagèrement sous les pas 
							de chacun. L'excellent esprit de la population est 
							un sûr garant qu'il en sera ainsi. 
							RÉPUBLIQUE 
							FRANÇAISE 
							Nancy, 
							21 août 1914, 18 heures. 
							M. le lieutenant-colonel Ducasse, major de la 
							garnison, prie M. le maire de Nancy d'inviter la 
							population à faire preuve de calme. 
							Il ne faut pas que quelques coups de canon et la 
							fuite des gens de la campagne suffisent pour alarmer 
							une population comme celle de Nancy, qui est 
							couverte par toute une armée 
							SUR LE FRONT 
							Paris, 
							21 août. 
							Des forces allemandes ont continué de passer la 
							Meuse aux environs de Huy et une concentration 
							importante est en voie d'exécution en Belgique. 
							Il est agréable de constater que ce matin il n'y 
							avait plus aucun point du territoire français occupé 
							par l'ennemi, sauf une légère enclave à 
							Audun-le-Roman. 
							Ainsi, le vingtième jour de la mobilisation, en 
							dépit de toutes les assurances allemandes, des 
							écrits de leurs auteurs les plus connus et de ceux 
							même du grand état-major, non seulement ils n'ont 
							pas encore obtenu les avantages décisifs qu'ils 
							escomptaient, mais encore ils n'ont pu porter la 
							guerre sur notre territoire. 
							Cet avantage, dont il convient d'ailleurs de ne pas 
							s'exagérer outre mesure l'importance, a néanmoins 
							une valeur morale qu'il est bon de signaler. 
							(Officiel.) 
							LES OPÉRATIONS 
							EN LORRAINE ET EN ALSACE 
							Sur le front, du 
							Donon jusqu'à Château-Salins. - Delme, Dieuze et 
							Morhange. - 
							Nancy est couvert. - Ne soyons pas inutilement 
							imprudents. - Succès français. 
							- Thann et Dannemarie. - Le général Pau. - Vers 
							Colmar et Neuf-Brisach. - 
							Dornach à la baïonnette. - Les Allemands passent le 
							Rhin en désordre. 
							Paris, 
							22 août. 
							Nous avons annoncé, d'après des dépêches son maires, 
							que nos troupes avaient réoccupé Mulhouse et que nos 
							Groupes de Lorraine, devant un ennemi supérieur en 
							nombre, s'étaient repliées. 
							On trouvera ci-dessous les détails sur ces deux 
							séries d'opérations : 
							En Lorraine, nos troupes se replient. On sait 
							qu'après avoir reconquis la frontière, nos troupes 
							s'étaient avancées en Lorraine. 
							Sur tout le front du Donon jusqu'à Château-Salins, 
							elles avaient refoulé dans la vallée de la Seille et 
							la région des étangs les troupes allemandes. Nos 
							avant-gardes avaient atteint Delme, Dieuze et 
							Morhange. 
							Dans la journée de vendredi, plusieurs corps d'armée 
							allemands ont engagé, sur tout le front, une 
							vigoureuse contre-attaque. 
							Nos avant-gardes s'étant repliées sur le gros, le 
							combat a commencé, extrêmement vif de part et 
							d'autre. 
							En raison de la supériorité numérique de l'ennemi, 
							nos troupes, qui se battaient depuis six jours sans 
							interruption, ont été ramenées en arrière. 
							Notre gauche couvre les ouvrages avances de Nancy, 
							notre droite est solidement installée dans le massif 
							du Donon. 
							L'importance des forces ennemies engagées ne nous 
							eût permis de nous maintenir en Lorraine qu'au prix 
							d'une imprudence inutile. 
							Les détails arrivés samedi sur l'occupation de 
							Mulhouse montrent que nos troupes y ont obtenu un 
							gros succès L'offensive d'abord sur le front Thann 
							et Dannemarie, ensuite sur Mulhouse, a été menée 
							avec une extrême vigueur par un mouvement audacieux 
							Le général Pau, une fois maître de Thann et 
							Dannemarie, a porté ses troupes à l'ouest de 
							Mulhouse, laissant à l'ennemi la liberté de 
							s'engager entre nos lignes et la frontière suisse. 
							Puis, par un deuxième effort, les Allemands ont été 
							rejetés sur Mulhouse. En même temps que notre droite 
							se portait sur Altkirch, notre gauche s'était 
							avancée dans la direction de Colmar et de 
							Neuf-Brisach, menaçant la ligne de retraite de 
							l'ennemi. 
							Les Allemands ont été alors contraints d'accepter le 
							combat, qui a été des plus chauds. 
							Dans un faubourg de Mulhouse, à Dornach, notre 
							infanterie a enlevé à la baïonnette canons et fait 
							plusieurs milliers de prisonniers. 
							La lutte s'est poursuivie dans les rues, de maison à 
							maison. 
							Les pertes des Allemands sont énormes. Continuant 
							son succès, une partie de notre armée a occupé 
							Mulhouse, tandis que tout le reste se rabattait sur 
							Altkirch et forçait les Allemands à se replier sur 
							le Rhin, qu'ils ont passé en désordre. 
							Ainsi est atteint le but initialement fixé à nos 
							troupes dans la Haute-Alsace : le rejet des forces 
							allemandes sur la rive droite du Rhin. (Officiel.) 
							A 
							CHATEAU-SALINS 
							ancy, 22 
							août 
							Nous avons reçu ce matin la visite d'une haute 
							personnalité de Château-Salins, qui nous a conté la 
							prise et L'occupation de Château-Salins. 
							- Je ne sais guère plus quel jour on vit. Mais enfin 
							il y a quatre ou cinq jours les Français ont occupé 
							Château-Salins, où leur artillerie a fait merveille. 
							Les Allemands fuyaient tant qu'ils pouvaient. 
							«  L'enthousiasme de la population était émouvant On 
							accueillait vos soldats avec des vivats et des 
							hourras. 
							«  Un commandant cependant le lendemain nous réunit : 
							- Il se passe, nous dit-il, à Château-Salins quelque 
							chose d'ignoble. Nous comprenons qu'on nous tire 
							dans la poitrine. 
							Mais nous ne pouvons pas accepter qu'on nous fusille 
							dans le dos. Or, des coups de feu nous ont été 
							envoyés par la population. 
							«  Nous avons protesté avec indignation. Ce n'était 
							pas possible. Nos sentiments, nous ne les 
							dissimulons pas assez, malgré le danger qu'il y a de 
							les divulguer, pour que tout le monde ne les 
							connaisse. 
							- Je ferai une enquête, nous déclara le commandant, 
							qui comprit que notre protestation partait du coeur. 
							«  Et en effet l'enquête a été faite, et on a amené à 
							Nancy une fonctionnaire allemande, purement 
							allemande, dans le lit de laquelle on a trouvé un 
							fusil chargé, et qui avant la mobilisation bénissait 
							la guerre prochaine. 
							«  Par tout le pays que j'ai parcouru, notre 
							situation, votre situation, veux-je dire, est 
							excellente. Je suis venu à Nancy, accueilli par les 
							soldats français, et je vous assure que je suis 
							largement, pleinement rassuré sur notre avenir 
							français, sur notre avenir à nous, Lorrains annexés, 
							qui voyons déjà la délivrance. » 
							LES MANoeUVRIERS 
							DE LA PEUR 
							Nancy, 
							22 août. 
							Puisque les parties de manille sont désorganisées et 
							que les matches de billard sont interrompus, on ne 
							peut pas empêcher les gens de jouer un autre feu, le 
							jeu de la manoeuvre. Evidemment tous les esprits sont 
							dirigés vers la partie énorme qui est ouverte, et 
							dont la paix européenne est le formidable enjeu. 
							Mais il faut que nos concitoyens sachent bien ceci : 
							c'est qu'ils ne savent rien. 
							Ils ne connaissent ni le nombre de nos hommes, ni le 
							nombre de nos ennemis. Ils ne connaissent ni les 
							positions des Français ni les positions des 
							Allemands. Ils ne connaissent ni le plan de notre 
							état-major ni le plan de l'état-major prussien. 
							Pour avoir vu des soldats qui passent dans la rue, 
							qui partent, qui reviennent, ils n'en sont pas plus 
							avancés sur ce que font nos troupes, ni les troupes 
							opposées. 
							Et s'ils ont entendu le rapport du sous-chef 
							cuisinier de la quatrième, ils n'ont pas du coup 
							acquis assez d'autorité ni assez de précisions pour 
							établie ce qu'on devrait faire. 
							Persuadons-nous que nous sommes doublement 
							incompétents d'abord parce que nous n'avons pas 
							étudié la situation générale, ni la situation 
							particulière, ni la situation quotidienne et 
							changeante, et ensuite que si nous avions étudié 
							tout cela, ce serait la même chose. Nous n'en 
							saurions pas davantage. 
							Alors conservons, si nous voulons, cet amusement qui 
							consiste à jouer au manoeuvrier. Mais gardons aussi 
							notre sang-froid, et un scepticisme souriant sur la 
							valeur de nos hypothèses de fantaisie. 
							Et puis, et puis surtout, arrêtons sur les lèvres 
							des mauvais prophètes les paroles imprudentes ou 
							énervantes, et ne craignons pas de leur dire tout 
							net qu'ils commettent une action abominable en 
							détruisant la confiance qu'à bon droit la population 
							a placée en nos armées. 
							Il ne faut pas craindre d'être sec, et de répondre 
							aux semeurs de panique - Vous avez peur. Vous ne 
							savez pas ce que vous dites. 
							Faites cela, mes chers amis, trois ou quatre fois 
							dans la journée, et vous verrez que vous-mêmes serez 
							soulagés, en même temps que vous aurez agi en bons 
							Français. 
							RENÉ MERCIER. 
							Et l'État de 
							Siège ? 
							Nancy, 
							22 août. 
							L'autorité militaire a pris vendredi une mesure 
							excellente : elle a ordonné la fermeture des cafés à 
							6 heures. Il y a actuellement en ville un grand 
							nombre de soldats inoccupés ou légèrement blessés 
							qui sont autorisés à quitter l'hôpital une ou deux 
							heures par jour. Depuis quelques jours, on les 
							attirait dans les cafés, à l'heure de l'apéritif, on 
							les accueillait, on les entourait, on les 
							questionnait. Et. de la sorte, les bruits les plus 
							fantaisistes prenaient corps, les nouvelles les plus 
							invraisemblables circulaient, répandues ensuite par 
							des civils qui affirmaient les tenir «  d'un soldat 
							qui y était ». On a voulu mettre fin à tous ces 
							potins. On a bien fait... 
							Mais il reste beaucoup à faire. On ne se doute pas, 
							en effet, que Nancy est en état de siège et que les 
							rassemblements y sont interdits. 
							Promenez-vous sur un pont, un de ces ponts gardés 
							par des sentinelles. Vous pensez que le public «  
							circule ». Non ! Il bavarde, il forme des groupes. 
							Passez au Point-Central, ou au coin des principales 
							rues. La circulation y est à peu près interrompue 
							par la foule des oisifs et des désoeuvrés. Et les 
							groupes sont des foyers de fausses nouvelles, ou de 
							bruits inquiétants. 
							Vendredi, place Stanislas, c'était bien pis. On 
							ramenait les habitants de Nomeny fuyant devant 
							l'incendie. Il eut été bon de les diriger 
							Immédiatement, sans tapage, sur des refuges ou des 
							établissements hospitaliers. On les a laissé 
							descendre de voiture place Stanislas, devant l'Hôtel 
							de Ville. Ils se sont partagés en petits groupes 
							qu'ont immédiatement entourés des milliers de 
							personnes. La place fut vite couverte de monde. Et 
							tout ce monde se répandit ensuite par la ville, y 
							semant une terreur exagérée. 
							Enfin, les convois de blessés donnent lieu à des 
							manifestations de curiosité regrettable. Nous avons 
							vu des gens attendra tout une après-midi, rangés sur 
							les trottoirs, en files serrées, le passage des 
							convois. Le premier rang s'assied sur la bordure du 
							trottoir, les autres s'étaient par derrière. On se 
							croirait au retour des courses. Les abords des 
							hôpitaux sont de même encombrés. 
							Nous pensons qu'il y aurait le plus grand Intérêt à 
							remédier d'urgence à un état de choses qui ne peut 
							qu'augmenter sans raison l'énervement du public et 
							jeter dans les esprits le trouble et la 
							démoralisation.. 
							Tous les gens sérieux et réfléchis applaudiront à 
							l'exécution sévère des prescriptions relatives à 
							l'état de siège. 
							Habitants de 
							Nancy 
							Nancy, 
							22 août 1914. 
							Commandant les troupes opérant dans votre région, je 
							fais appel à votre bonne volonté, à votre calme, à 
							votre patriotisme dans les circonstances que nous 
							traversons. 
							Ne prêtez pas l'oreille aux bruits alarmants qui 
							circulent. 
							Mes troupes et moi nous sommes là, comptez sur nous. 
							Signé ; Général Léon DURAND. 
							FEMMES DE 
							FRANCE 
							Nancy, 
							22 août. 
							L'Union des Femmes de France possédait, à Cirey et à 
							Blâmont, des hôpitaux en voie d'organisation. M. 
							Lespine, délégué régional, a pu les visiter, 
							accompagné de M. Breittmayer, envoyé du siège 
							central de Paris, apportant du matériel de pansement 
							et des instruments, en même temps que deux médecins 
							désignés par le service de santé, à la demande de M. 
							la préfet. 
							Ces hôpitaux se sont organisés et ont pu 
							fonctionner. 
							A Blâmont, Mme Florentin et ses collaboratrices ont 
							pu hospitaliser plus de 150 malades et blessés et 
							cette femme au grand coeur soignait des Allemands 
							tandis que son mari, adjoint au maire, et pour 
							lequel d'ailleurs elle trouvait le temps 
							d'intercéder, était retenu comme otage et à la 
							veille d'être fusillé. 
							A Cirey, une autre femme admirable, Mme Mazerand, 
							aidée de ses concitoyennes, recevait 3 à 400 blessés 
							dans son hôpital criblé de balles allemandes, et 
							sous la commandement de majors allemands qui 
							s'étaient emparés de la direction. 
							Tout cela à Blâmont et à Cirey, au milieu des 
							fusillades éclatant dans les rues. 
							A Badonviller, aidée par les dévoués brancardiers, 
							l'Union des Femmes, de France put, grâce 
							principalement à Mme Fenal, aux religieuses de la 
							Doctrine Chrétienne, au docteur Bauquel, à sa fille, 
							improviser un hôpital et des secours et recevoir de 
							6 a 700 personnes. 
							Cette attitude de nobles Françaises, attitude 
							au-dessus de tout éloge, réconforte quand on passe 
							au milieu de toutes ces ruines, de ces villages 
							sauvagement incendiés, de ces églises démolies par 
							l'ennemi. 
							Aussi, le délégué régional de l'Union prie-t-il la 
							presse de bien vouloir, en insérant cette note, y 
							joindre l'expression publique de sa respectueuse 
							admiration qui sera, croit-il, le sentiment de toute 
							notre population. 
							SUR LE MARCHE 
							Nancy, 
							22 août. 
							Sur le marché de la place Mengin, les denrées de 
							toutes sortes étaient en abondance. On peut dire 
							même que rarement l'on a vu choux, salades et 
							haricots en pareilles quantités. Il y avait aussi de 
							nombreuses charpagnes de mirabelles. 
							Tout était à des prix tout à fait abordables. Depuis 
							de longues années, les produits de nos banlieues 
							n'avaient atteint un bon marché pareil. 
							Aussi nos prévoyantes ménagères ont-elles fait de 
							grosses provisions pour confitures et pour 
							conserves, car ce sont là des dépenses qui sont, en 
							réalité, une économie. 
							LES BEAUX 
							GESTES 
							Nancy, 
							22 août. 
							M. L. Mirman a reçu, pour être remise à M. le maire 
							de Bréménil, la somme de 200 francs de M. Thiébault, 
							conservateur, des hypothèques à Oran. 
							M. Thiébault a une maison dans la commune de 
							Bréménil. «  Est-elle, écrit-il, parmi les maisons 
							incendiées ? Je le saurai plus tard. Mais il y a là 
							de pauvres gens et qui souffrent et je ne sais 
							comment adresser à quelqu'un de la localité la somme 
							contenue dans cette lettre pour aider à leurs 
							misères. » 
							La lettre et les 200 francs seront transmis à M. 
							l'adjoint de Bréménil, le maire, blessé d'une balle 
							à l'épaule, étant soigné à l'ambulance de Cirey. 
							COMBATS EN 
							ALSACE 
							Violentes 
							attaques contre nos positions de Mulhouse. 
							Les Allemands repoussés. 
							Bâle, 22 
							août, 5 heures du soir. 
							Pendant les trois journées qui viennent de 
							s'écouler, les Allemands ont fait des efforts 
							énergiques pour déloger les troupes françaises de 
							leurs positions autour de Mulhouse. Plusieurs 
							attaques vigoureusement menées, ont été repoussées. 
							Des convois de blessés qui arrivent continuellement 
							attestent les ravages terribles que cause dans les 
							rangs allemands l'artillerie française, installée 
							sur les hauteurs d'Altkirch. On entend d'ici ses 
							gros canons. 
							Hier soir, à dix heures, nous avons pu voir une 
							attaque de nuit tentée par des troupes venant d'Istein 
							Nous voyions le combat engagé entre les Français 
							établis sur les hauteurs et les grosses pièces de 
							forteresse. 
							Au-dessus des lumières de Bâle, les puissants 
							projecteurs de Baden éclairent les positions 
							françaises. 
							 
							Bâle, 23 août, 11 h. 50 matin. 
							On télégraphie de Delle que les Allemands font de 
							nouveaux préparatifs d'attaque contre les positions 
							françaises, qui sont solidement occupées. 
							LES OPERATIONS 
							EN LORRAINE 
							L'offensive 
							allemande est arrêtée. - Pas d'attaque au centre. - 
							Sur les hauteurs de Lunéville. - Les pertes 
							Paris, 
							23 août, minuit 55. 
							(Officiel.) 
							L'offensive allemande qui avait répondu à notre 
							attaque et continué pendant la journée d'hier, a été 
							arrêtée aujourd'hui. 
							Il ne s'est produit aucune attaque allemande contre 
							la position désignée sous la nom de «  Grand Couronné 
							de Nancy » 
							Des engagements ont eu lieu sur les hauteurs au nord 
							de Lunéville. 
							On a l'impression que dans ces actions, l'attaque 
							des Allemands a été molle. 
							Il est certain que si nos pertes au cours de ces 
							trois jours derniers ont été sérieuses, celles des 
							Allemands l'ont été également. 
							Encore un «  
							Zeppelin » DÉTRUIT 
							Paris, 
							23 août, 16 h. 18 (Visé). 
							Le «  Zeppelin VIII » a été abattu sur la route de 
							Celles à Badonviller. Il venait de Strasbourg. 
							Le «  Zeppelin » qui a été détruit était une des plus 
							puissantes unités de l'armée aérienne de l'Allemagne 
							; il cubait 22.000 mètres ; il avait 156 mètres de 
							long, 14 mètres 80 centimètres de large, avec un 
							moteur de 800 chevaux. Il pouvait voyager à 80 
							kilomètres à l'heure. Son enveloppe était en 
							aluminium. 
							SUR LES CRÊTES 
							DES VOSGES 
							La zone neutre - 
							Nous reprenons les cols du Bonhomme et de 
							Sainte-Marie. - Entrain et souplesse. - On enlève un 
							drapeau. 
							Paris, 
							23 août, minuit 35. 
							(Officiel.) 
							Un communiqué du gouvernement expose longuement, à 
							propos des opérations dans les Vosges, que les 
							Français ayant laissé une zone neutre de huit 
							kilomètres entre eux et la frontière, les Allemands 
							en profitèrent pour s'installer fortement sur les 
							crêtes des Vosges que les Français durent reprendre. 
							La conquête des Vosges fut faite avec des effectifs 
							au début très restreints, qui augmentèrent 
							progressivement. 
							Les pertes françaises furent peu élevées, sauf aux 
							cols du Bonhomme et de Sainte-Marie, où nous eûmes 
							cinq à six cents blessés. Mais la canonnade infligea 
							à l'ennemi des pertes six fois supérieures. 
							Au cours des opérations d'occupation des Vosges, les 
							troupes françaises, complètement victorieuses, 
							montrèrent l'entrain et la souplesse qu'exige la 
							guerre de montagne. 
							Elles prirent à plusieurs reprises de l'artillerie 
							de campagne et de l'artillerie lourde, et enlevèrent 
							un drapeau. 
							Sur tout le front vosgien comme en Haute-Alsace, 
							l'objectif proposé fut pleinement atteint. 
							CONSEIL 
							MUNICIPAL DE NANCY 
							Séance 
							extraordinaire du dimanche 23 août 1914, à 11 heures 
							du matin 
							Election du Maire et de deux Adjoints 
							Etaient présents : MM. Schertzer, 1er adjoint ; 
							Dorez, 3e adjoint ; Simon, 4e adjoint ; Souriau, 
							adjoint ; Aubry, Barthélémy, Burté, Bussière, 
							Charly, le docteur Chrétien. Devit, Evrard, 
							François, le docteur Ganzinotti, Gros jean, Guyot, 
							Michaut, Millery, Najean, Peltier, Prouvé, Vergne. 
							Absents au service de l'année : MM. Laurent, maire ; 
							Maringer, adjoint ; Aerts, André, Chéry, Déon, 
							Georgel, Gérard, colonel Lecomte. Liébeaut, Marchal, 
							docteur Schmitt. En mission spéciale pour 
							l'alimentation, M. Antoine. 
							MM. Joseph Laurent, maire, et Maringer, 2e adjoint, 
							ayant été appelés à rejoindre leur poste à l'armée, 
							il est procédé à l'élection d'un maire et de deux 
							adjoints. 
							M. Gustave Simon, 4e adjoint, est élu maire par 20 
							voix sur 22 votants. 
							1 bulletin pour M. Michaut ; 1 bulletin blanc. 
							 
							Election d'un 4e adjoint 
							M. Auguste Peltier, conseiller municipal délégué, 
							est élu 4e adjoint, par 19 voix. 
							Les trois autres bulletins sont : 
							1 bulletin au nom de M. Michaut et 2 bulletins 
							blancs. 
							 
							Election d'un 5e adjoint 
							M. Emile Devit, conseiller municipal, est élu 5e 
							adjoint par 18 voix. 
							Les 4 autres bulletins sont : 
							Un au nom de M. Millery et trois bulletins nuls. 
							Nancy, le 23 août 1914. 
							Le Maire : G. SIMON. 
							MM. 
							Peltier et Devit 
							ADJOINTS 
							Le maire 
							de la ville da Nancy, Vu le procès-verbal de la 
							séance du conseil municipal en date de ce jour, 
							dressé en exécution de la loi du 5 avril 1884 ; 
							Vu l'article 82 de la loi du 5 avril 1884 ; 
							Délègue: 
							M. Peltier, quatrième adjoint, pour diriger le 
							service de la voirie municipale, des égouts, de 
							l'éclairage public et de la distribution des eaux de 
							sources et de Moselle. 
							M. Devit, cinquième adjoint, pour surveiller et 
							maintenir l'exécution des lois et règlements en 
							vigueur sur la police municipale et pour diriger les 
							services de l'octroi et du cimetière. 
							MM. Peltier et Devit sont également délégués pour 
							remplir les fonctions d'officier de l'état civil, en 
							cas d'empêchement de M. l'adjoint Sauriau. 
							Nancy, le 23 août 1914. 
							Le Maire : G. SIMON., 
							MAIRIE 
							DE NANCY 
							M. le Maire de Nancy adresse aux habitants de Nancy 
							la proclamation suivante : 
							Nancy, 
							24 août. 
							Mes chers Concitoyens, M. Laurent, maire de Nancy, 
							lieutenant au 41e territorial, vient de rejoindre 
							son poste à l'armée en remettant au Conseil 
							municipal les fonctions dont il avait été investi. 
							Grâce à son sang-froid, à son inlassable activité, 
							M. Laurent a pu, dans les circonstances difficiles 
							que nous traversons, assurer la vie matérielle, 
							l'ordre, la sécurité morale de la cité. 
							Le Conseil municipal, après avoir, d'un accord 
							unanime, rendu hommage aux services prodigués à la 
							ville par M. Laurent, et en exprimant le voeu qu'il 
							puisse reprendre sa charge dans un avenir prochain, 
							a dû pourvoir à son remplacement. Il m'a désigné 
							pour lui succéder comme maire de Nancy. 
							M. Maringer, 2e adjoint, commandant au 42e 
							territorial, a dû aussi rejoindre son poste, après 
							avoir jusqu'au dernier moment assuré son service 
							municipal avec le plus inlassable dévouement. 
							Amené à pourvoir aux vacances ainsi produites dans 
							la municipalité, le Conseil a élu M. Peltier 4e 
							adjoint, et M. Devit, 5e adjoint. 
							Vous pouvez, mes chers concitoyens, compter sur mon 
							dévouement le plus absolu et sur celui de mes 
							collaborateurs pour poursuivre la tâche que M. 
							Laurent avait assumée. 
							Avec l'appui de la population toute entière, mes 
							efforts tendront à faire face aux difficultés de 
							l'heure présente. 
							Le Maire de la Ville de Nancy 
							G. SIMON. 
							Lettre 
							du Préfet 
							M. le 
							Préfet vient d'adresser à M. Simon, élu ce matin 
							maire de Nancy, la lettre suivante ; Nancy, 23 août. 
							Mon cher Monsieur le Maire, J'adresse un même salut 
							fraternel aux deux maires de Nancy, celui d'hier et 
							celui d'aujourd'hui. 
							Dans les circonstances si délicates où s'est trouvée 
							la ville de Nancy pendant la période de 
							mobilisation, M. Laurent a fait preuve des plus 
							rares qualités d'organisation, de prévoyance, de 
							décision et d'ordre. On lui doit cet hommage il a 
							été digne de la noble tâche qui lui incombait, digne 
							de l'assemblée municipale d'élite qu'il dirigeait, 
							digne de sa grande et belle cité lorraine. 
							Officier de réserve en sursis d'appel, M. Laurent et 
							M, l'adjoint Maringer ont estimé que leur devoir 
							était de ne pas attendre plus longtemps pour se 
							mettre à la disposition de l'autorité militaire. Ils 
							sont aujourd'hui sous les armes. Ils savaient que, 
							quelle qu'elle fût, leur décision serait critiquée 
							par quelques-uns. Dans le doute, obéissant à leur 
							conscience, ils ont été droit au feu. Ils ont droit 
							au respect ému de tous les Français. 
							Votre tâche, M. le Maire, sera moins lourde que 
							celle de votre prédécesseur. J'ai tout lieu en effet 
							d'espérer, comme chaque Nancéien doit en avoir au 
							coeur la foi profonde, que nous avons franchi la 
							période la plus aiguë et que, grâce à l'admirable 
							organisation de notre état-major et à la vaillance 
							de nos troupes, l'horizon ne va pas tarder à devenir 
							plus serein. 
							Moins lourde donc, je veux le croire, votre tâche 
							sera bien complexe encore. En vous la confiant à 
							l'unanimité de leurs suffrages, vos collègues vous 
							ont décerné le plus enviable honneur. En l'acceptant 
							en dépit de votre modestie, vous avez fait preuve 
							d'un dévouement à la chose publique qui vous vaudra 
							la gratitude de tous vos concitoyens. 
							Ai-je besoin de vous donner l'assurance que, pour 
							vous en faciliter l'accomplissement, je vous 
							apporterai mon concours à la fois le plus absolu et 
							le plus cordial ? 
							Je vous serre la main, mon cher Monsieur le Maire, 
							bien affectueusement. 
							MIRMAN. 
							La Journée du 
							23 août 
							Paris, 
							24 août 
							Les troupes de la Haute-Alsace, sur les Vosges et la 
							Meurthe, commandées par le général Pau, tiennent le 
							front précédemment indiqué, de Badonviller à 
							Lunéville, et d'Amance à Dieulouard. 
							Nous avons contre-attaqué, hier, à quatre reprises, 
							d'importantes positions, que nous occupons 
							maintenant au nord de Nancy. 
							Nous Infligeâmes aux Allemands de très grosses 
							pertes. 
							Dans les Vosges 
							
							(Communiqué officiel) 
							PARIS, 24 août. - Le ministère de la Guerre, dans sa 
							note d'hier, à 23 heures, expose que la situation 
							générale dans les Vosges nous détermina à ramener en 
							arrière les troupes du Donon et du col de Saales. 
							Ces points n'ont pas grande importons, puisque nous 
							occupons la ligne fortifiée commençant au 
							Grand-Couronné de Nancy. 
							Lunéville a été occupé par les Allemands. 
							LES PRISONNIERS 
							ALLEMANDS 
							La 
							Morgue des Officiers 
							BELFORT, 24 août, 10 heures matin. - Un Important 
							convoi de prisonniers allemands a été dirigé de 
							Mulhouse sur le Centre, via Besançon. 
							Les officiers allemands font toujours preuve de la 
							même morgue ; ils s'obstinent à ne pas monter dans 
							les wagons avec leurs hommes. 
							ALLOCUTION DU 
							GÉNÉRAL PAU 
							BELFORT, 
							24 août. - Hier, sur la place d'Armes, en face du 
							monument «  Quand Même », et devant les canons et le 
							biplan pris à l'ennemi, le général Pau a remis la 
							croix de la Légion d'honneur au capitaine aviateur 
							Langlois, qui fut blessé au cours d'une 
							reconnaissance en aéroplane. 
							Le général Pau, modifiant la formule habituelle, 
							prononça les paroles suivantes : «  Au nom du 
							gouvernement de la République et en vertu des 
							pouvoirs qui me sont conférés, je voue nomme 
							chevalier da la Légion d'honneur devant ces trophées 
							pris à l'ennemi et vous donne l'accolade avec ce 
							sabre pris à un officier allemand. » 
							La foule qui assistait à cette émouvante cérémonie 
							éclata en applaudissements en criant : «  Vive la 
							France ! » 
							L'Héroïsme 
							économique 
							Nancy, 
							25 août. 
							Pendant que nos soldats se battent aux frontières, 
							il est nécessaire de songer à la vie normale de la 
							nation, et de reconstituer dans la mesure du 
							possible le travail commun qui nourrit tous les 
							enfants de France, qu'ils soient sous les armes, 
							sous la redingote ou sous le bourgeron. 
							Au début de la guerre, toutes les énergies étaient 
							dirigées vers la mobilisation. Cette opération 
							préliminaire absorbait la pensée commune. 
							Puis, quand on a vu que tout marchait en ordre, que 
							les convois apportaient régulièrement sur les points 
							à défendre les soldats, les fusils et les munitions, 
							les pouvoirs publics ont rétabli les moyens les plus 
							favorables à l'approvisionnement de la population 
							civile. 
							Cela aussi a été parfait. Nul dans notre pays, avec 
							quelques économies, ou même sans un sou, n'a 
							souffert de la faim. 
							Mais on ne peut pas vivre indéfiniment sous ce 
							régime protecteur, ni sur les sommes que-péniblement 
							on a mises de côté. 
							Le travail a été suspendu pendant assez longtemps. 
							Il manque des hommes, il manque des chefs 
							d'industrie, il manque des matières premières, des 
							moyens de transport. 
							Malgré cette pénurie d'hommes et de matériaux, on 
							peut pourtant organiser quelque chose, quelque chose 
							de profitable à tous. 
							Les municipalités ont ouvert des chantiers. C'est 
							très bien. Ce n'est pas assez. 
							Il faut que les commerçants, les industriels, les 
							propriétaires fonciers s'appliquent à redonner du 
							travail. 
							Evidemment il serait inconvenant de demander la 
							reprise totale des affaires. Mais le crédit n'est 
							qu'endormi. Qu'on le réveille ! 
							La déclaration de guerre nous a porté un grand coup 
							dans l'estomac. Nous n'avons même pas été étourdis 
							par l'agression, mais nous nous sommes mis en 
							posture de défense. 
							Il appartient maintenant aux bons citoyens de 
							défendre économiquement le pays comme les soldats 
							défendent matériellement le bien et l'honneur de 
							France. 
							Nous connaissons de ces hommes qui, dès la première 
							heure, ont merveilleusement organisé la vie 
							économique dans la sphère de leur action. Ils ont 
							ainsi, autant que les soldats, contribué à la 
							défense de la Patrie. 
							Et ces hommes, qui ne portent pas le sac et le 
							fusil, n'en sont pas moins des héros dans le sens le 
							plus complet du mot. Ils ont non seulement le 
							courage physique qui règle le sursaut des nerfs, 
							mais le courage moral qui impose sa direction à la 
							pensée vacillante, et la clarté aux conceptions que 
							réclament les conditions nouvelles de la vie. 
							Nous avons des héros militaires, et nous sommes de 
							tout coeur avec eux. 
							Que les héros civils se lèvent. Il y a de la besogne 
							et de la gloire pour eux. 
							RENÉ MERCIER. 
							SUR LE FRONT 
							D'Anvers à Belfort 
							LA SITUATION GÉNÉRALE 
							Paris, 
							25 août, 15 h. M, - (Officiel). 
							Les Allemands semblent reprendre dans le Nord 
							l'offensive arrêtée hier. 
							Ils sont contenus par les Français, en liaison avec 
							les Anglais. 
							L'armée belge, sortant d'Anvers par surprise, 
							refoula les premiers éléments allemands et dépassa 
							Malines. 
							En Lorraine, après les contre-attaques d'hier, notre 
							droite se replia sur la Mortagne, qui prolonge le 
							cours de la Meurthe. 
							En Alsace, nous repoussâmes plusieurs 
							contre-attaques allemandes dirigées sur Colmar. 
							Le bruit que les Allemands auraient repris Mulhouse 
							est sans fondement. 
							A cette heure, le théâtre des opérations en Alsace 
							devient, d'ailleurs, secondaire. 
							UNE LETTRE DU 
							MAIRE DE NANCY 
							Nous 
							recevons communication de la lettre suivante, que M. 
							le Maire de Nancy adresse à M la Préfet. 
							Nancy, le 25 août 1914. 
							Monsieur le Préfet, Lorsque le maire et les adjoints 
							nouvellement en fonctions, heureux de vous apporter 
							l'assurance de leur entier dévouement, se rendaient 
							à la Préfecture, ils ont eu le plaisir de vous 
							rencontrer vous dirigeant à l'Hôtel de Ville, pour 
							apporter à la nouvelle municipalité l'expression de 
							votre bienveillant appui et de vos précieux 
							encouragements. 
							Cette coïncidence dans l'expression de nos 
							sympathies est significative ; elle marque bien 
							l'entente parfaite qui s'est établie dès les 
							premiers jours, par dessus les étiquettes et les 
							protocoles, entre le Préfet de Meurthe-et-Moselle et 
							la Municipalité de Nancy. 
							Votre fonction, telle que vous la concevez, est très 
							haute, Monsieur le Préfet, Vous veillez à toutes les 
							mesures d'assistance et d'hygiène qui s'imposent en 
							ce moment, vous avez porté, de commune en commune, 
							en même temps que la bonne parole, le réconfort de 
							votre énergie et de votre ferveur patriotique. 
							Vous cherchez les conditions les meilleures pour 
							accueillir et hospitaliser les malheureux réfugiés 
							qui se pressent à nos portes : ainsi, malgré les 
							difficultés provisoires de communication, de 
							circulation, vous maintenez le lien de solidarité 
							entre les membres épars et souffrants des 
							populations lorraines, si durement éprouvées. 
							Notre tâche est plus localisée, mais, comme vous le 
							dites, Monsieur le Préfet, combien complexe encore ! 
							Tous nos efforts doivent tendre à faire vivre, dans 
							la mesure du possible, Nancy de son existence 
							normale, à empêcher qu'aucun des services 
							indispensables à la vie d'une grande cité ne vienne 
							à fléchir par insuffisance de personnel. Dans cette 
							tâche, nous sommes aidés par le sang-froid, par la 
							belle tenue morale de la population nancéienne, par 
							le concours de toutes les bonnes volontés. Nous 
							n'avons d'ailleurs qu'à continuer ce qui a été si 
							bien instauré par M. Laurent. 
							C'est avec émotion que nous vous avons entendu, dans 
							l'entretien que nous avons eu avec vous, Monsieur le 
							Préfet, rendre un si bel hommage à l'oeuvre de celui 
							que j'ai la lourd honneur de remplacer. 
							Nous qui l'avons aidé dans sa tâche, nous qui avons 
							vu quelle somme de labeur il a donnée jour et nuit, 
							depuis le début des hostilités, sommes persuadés que 
							la population de Nancy lui restera reconnaissante de 
							tant de vigilance et de dévouement. 
							Aussi, croyez, Monsieur le Préfet, que mes 
							collaborateurs du conseil et moi, mettrons toute 
							notre énergie pour accomplir avec votre appui, et en 
							toute communauté d'action, la mission qui nous a été 
							confiée. 
							Bien cordialement, cher Monsieur le Préfet, je vous 
							serre la main. 
							SIMON. 
							A L'EST 
							Offensive 
							combinée. - La bataille continue. - Dans la vallée 
							de la Vezouze. - Très belle attitude des troupes. - 
							Cruelle nécessité. 
							Paris, 
							26 août, 1 h. 30 matin. 
							(Officiel.) 
							Les deux armées de l'Est ont pris une offensive 
							combinée, l'une partant du Grand-Couronné de Nancy, 
							l'autre au sud de Lunéville. 
							La bataille s'est engagée hier. 
							Elle continue actuellement. 
							Le 15e corps, fortement éprouvé, s'est replié en 
							arrière et reconstitué. Il participe à la bataille. 
							Il a exécuté une contre-attaque très brillante dans 
							la vallée de la Vezouze. 
							L'attitude de ces troupes est très belle ; elle 
							montre qu'il ne reste aucun souvenir de la surprise 
							du 20 août. 
							 
							L'évacuation de Mulhouse 
							«  C'est une cruelle nécessité » 
							Le généralissime ayant besoin sur la Meuse, de 
							toutes ses troupes, a ordonné d'évacuer 
							progressivement la Haute-Alsace que nous avions 
							occupée. 
							Mulhouse est évacuée. 
							L'action militaire entreprise entre Maubeuge et le 
							Donon devant décider du sort de la France et de 
							l'Alsace, le généralissime appelle pour une attaque 
							décisive toutes les forces de la nation, y compris 
							celles dé la vallée du Rhin. 
							C'est une cruelle nécessité que l'armée d'Alsace et 
							son chef eurent de la peine à subir et à laquelle 
							ils ne se soumirent qu'à la dernière extrémité. 
							Plus Citoyens, 
							Soldats 
							Nancy, 
							26 août. 
							Je reçois tous les jours des récriminations contre 
							telle ou telle administration. De braves gens 
							s'étonnent et quelquefois s'indignent de ce qu'on ne 
							les accueille pas toujours avec la même amabilité 
							qu'en temps normal. 
							Il faut que tout le monde comprenne bien 
							qu'actuellement il n'est pas possible d'examiner les 
							petits faits comme on les examine d'habitude. On 
							n'en a pas le loisir. 
							Ce sont là les plus minces inconvénients de l'état 
							de guerre. Lorsqu'il arrive à nos concitoyens de 
							stationner trop longtemps à leur gré devant la porte 
							de quelque bureau, qu'ils ne s'impatientent donc 
							pas. 
							Qu'ils songent aux événements plus graves, qu'ils 
							pensent à nos chers petits pioupious qui couchent 
							sur la dure et ne regrettent pas leur lit, qui 
							marchent joyeusement à la défense de la patrie, et 
							ne se plaignent point. 
							Cette comparaison sur laquelle il n'est pas besoin 
							d'insister leur sera un excellent exercice 
							d'entraînement, et ils verront tout de suite que les 
							plaintes dont ils nous transmettent l'écho, il 
							vaudrait mieux les garder pour soi, car elles ne 
							sont rien au regard du tragique combat où s'exalte 
							l'âme de la nation. 
							Une seule chose compte maintenant : la discipline. 
							Non pas seulement la discipline dans les armées, 
							mais la discipline dans les rues, dans les maisons, 
							partout. 
							Notre sort est en les mains des pouvoirs militaires. 
							Ne raisonnons pas. Obéissons. Le salut commun est à 
							ce prix. 
							La population lorraine est admirable de sang-froid. 
							Jamais on ne fera comme il convient l'éloge de ce 
							calme dans la tempête. Jamais on n'aura assez 
							d'admiration pour ces braves coeurs qui contiennent 
							l'ardeur de leur patriotisme, pour ces yeux qui 
							cherchent à deviner l'avenir, et qui restent clairs. 
							Maintenant il n'y a plus de citoyens. 
							Il ne reste plus en Lorraine et dans toute la France 
							que des soldats. 
							RENÉ MERCIER. 
							La Trésorerie 
							générale 
							Nancy, 
							26 août. 
							M. le préfet de Meurthe-et-Moselle est heureux de 
							porter à la connaissance de la population de Nancy 
							que les services de la Trésorerie générale ont reçu 
							l'ordre de rentrer d'extrême urgence à Nancy. Il 
							espère que, mieux que toute autre, cette information 
							officielle sera de nature à rassurer complètement la 
							population qui, désormais, aura pour devoir strict 
							non seulement d'arrêter net tous les bruits 
							tendancieux qui circulent émanant on ne sait de 
							quelle source, mais encore d'imposer énergiquement 
							silence à tous ceux qui, consciemment ou non, aident 
							à les propager. 
							Salut aux 
							Blessés 
							Respect aux Prisonniers 
							Nancy, 
							26 août. 
							Trop de curieux font la haie sur les routes par où 
							l'on amène les blessés et les prisonniers. Souvent 
							ces désoeuvrés manifestent leurs sentiments en criant 
							contre les prisonniers. C'est une attitude que l'on 
							ne saurait assez blâmer. 
							Les soins sont judicieusement donnés aux blessés par 
							les médecins, les infirmiers et les infirmières de 
							la Croix-Rouge. Il est donc inutile et dangereux de 
							les gêner par une pitié encombrante. On a en ce 
							moment autre chose à faire que de se lamenter en 
							public. 
							Quant aux prisonniers, il est digne de garder le 
							silence devant eux. Ils se sont battus, ils sont 
							vaincus. Respect aux vaincus. 
							Les Français ont le coeur trop haut pour s'acharner 
							sur un ennemi à terre. 
							Nous supplions les personnes qui n'ont rien à faire 
							d'aller se promener autre part que sur le passage 
							des blessés et des prisonniers. Cela leur épargnera 
							des émotions pénibles et des gestes malheureux. 
							 
							AU PAYS DE BRIEY 
							Une Colonie d'Italiens 
							EST MASSACRÉE 
							par les Allemands 
							Nancy, 
							26 août. 
							La «  Gazetta del Popolo » publie sur l'assassinat 
							des Italiens de Jarny (Meurthe-et-Moselle) des 
							détails qu'elle tient du nommé Agostina Bacchetta, 
							de Gattico (Novare), lequel exploitait à Jarny un 
							petit café où se réunissaient les Italiens et dont 
							quelques-uns étaient en pension chez Bacchetta. 
							Celui-ci est revenu en Italie, après un long et 
							pénible voyage, accompagné de la soeur d'un des 
							fusillés. 
							Voici ce qu'il raconte : 
							«  Il était environ huit heures du matin, le 3 août, 
							quand plusieurs bataillons du 68e d'infanterie 
							allemande avec de la cavalerie et de l'artillerie 
							pénétrèrent à Jarny sans rencontrer grande 
							résistance de la part des Français, peu nombreux. 
							«  Les Allemands perdirent un homme tué et quatre 
							blessés. Aussitôt ils accusèrent les habitants 
							d'avoir tiré sur la troupe, et ayant fait appeler le 
							maire et le médecin du pays, les Allemands 
							ordonnèrent de réunir sur la place du village toute 
							la population masculine. 
							«  Les femmes et les enfants, atterrés, voulaient 
							suivre les hommes, mais ils furent brutalement 
							repoussés à coups de crosse et plusieurs furent 
							atteints de coups de baïonnette. 
							«  Une femme, nommée Giuseppa Trolli, qui s'opposait 
							à ce que son mari se levât du lit où il était couché 
							gravement malade, cria aux Allemands : «  Bourreaux 
							et sauvages ! » elle fut blessée, ainsi que l'enfant 
							qu'elle tenait dans ses bras. 
							«  Quand tous les hommes furent réunis, des 
							patrouilles commencèrent à perquisitionner dans les 
							maisons. 
							«  Dans les chambres de mon café, louées à quelques 
							Italiens, ils trouvèrent des pioches et d'autres 
							outils. 
							«  Cela suffit pour que l'on arrêtât et que l'on 
							fusillât immédiatement les ouvriers dont voici les 
							noms : Gerolamo Bernacchini, de Gattico ; Giovanni 
							Testa, de Bergame ; Argelo Luisetti, de Castelletto 
							Ticino; Giuseppe Brigatti, de Borgomanero ; Stefano 
							Piralli, de Gattico ; Giovanni Zoni, de Trévise. 
							«  Dans l'auberge d'un nommé Gaggioli Stefano, de 
							Serralunga, on trouva deux revolvers rouillés ; le 
							propriétaire de l'auberge et un nommé Vaglia 
							Giuseppe, de Castellamonte, et Cesaroni Vincenzo, de 
							Viterbe, furent arrêtés et payèrent de leur vie le 
							résultat de la perquisition. 
							«  Enfin, dans le café Carrera, on trouva un fusil de 
							chasse appartenant à Pesenti Luigi, de Milan, qui 
							fut aussitôt fusillé. 
							«  Bacchetta a ajouté que, quelques jours après, on 
							arrêta et fusilla les nommés Tron Giovanni, de 
							Conegliano ; Bisesti Andréa, de Cologna ; un garçon 
							de 13 ans, Enrico Maffi, de Lugo ; Zoni Amilcare, de 
							Trévise, parce que, voulant demander un 
							laissez-passer, pour être rapatriés, Ils avaient 
							interpellé le commandant du régiment allemand. » 
							Les réfugiés italiens ont dénoncé aux autorités 
							consulaires le drame dont leurs compagnons ont été 
							les victimes ; ils sont allés à Gattico pour 
							apporter à l'hon. Niccolo Leornardi (probablement le 
							maire) la preuve matérielle de leur récit. 
							CAPTURE D'UNE 
							BATTERIE ALLEMANDE 
							Nancy, 
							26 août. 
							Jeudi soir, sont arrivés à Nancy cinq canons 
							allemands, pris dans le combat de la veille, dans la 
							région d'Erbéviller. 
							Ils appartiennent au 40e régiment. 
							Leur passage au faubourg Saint-Georges, rue 
							Saint-Georges et rue des Dominicains, n'a pas manqué 
							d'attirer une foule considérable, qui n'a cessé de 
							pousser des acclamations. 
							Les cinq canons ont été amenés sur la place 
							Stanislas. 
							Ils sont au pied de la statue, la gueule tournée 
							vers l'Arc de triomphe, et sous la garde de 
							territoriaux. 
							Pour faciliter le service d'ordre, en les a entourés 
							d'une barrière de fils de fer. 
							Dès l'aube les curieux ont commencé à défiler devant 
							ces glorieux trophées. 
							D'autres canons ont été aussi pris à l'ennemi, dans 
							le même combat, mais leurs affûts étant brisés ils 
							n'ont pu être encore amenés à Nancy. 
							LE MINISTÈRE DE 
							DÉFENSE NATIONALE 
							Paris, 
							27 août, 0 h. 25 m. (visé). 
							M. Viviani, président du conseil, est allé à 
							l'Elysée annoncer à M, Poincaré que les ministres 
							avaient décidé de démissionner collectivement. 
							Le président de la République chargea alors M. 
							Viviani de former un nouveau ministère. 
							A onze heures du soir, M. Viviani fit connaître à M. 
							Poincaré la composition du nouveau cabinet qui est 
							ainsi constitué : 
							Présidence du conseil, sans portefeuille, M. 
							Viviani. 
							Justice, M. Briand. 
							Affaires étrangères, M. Delcassé. 
							Intérieur, M. Malvy. 
							Guerre, M. Millerand. 
							Marine, M. Augagneur. 
							Finances, M. Ribot. 
							Instruction publique, M. Albert Sarraut. 
							Travaux publics, M. Sembat. 
							Commerce, M. Thomson. 
							Colonies, M. Doumergue. 
							Agriculture. M. Fernand David. 
							Travail, M. Bienvenu-Martin. 
							Ministre sans portefeuille, M. Jules Guesde. 
							Sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, M. Dalimier. 
							M. Viviani est actuellement à l'Elysée où il 
							présente ses nouveaux collaborateurs à M. Poincaré. 
							Vive la France 
							! 
							Nancy, 
							27 août. 
							Le nouveau ministère scelle l'union nationale d'une 
							façon éclatante. 
							Voir Jules Guesde et Sembat au gouvernement, et les 
							voir à côté de Ribot, de Thomson, de Millerand, de 
							Briand, c'est une réalité merveilleuse qui dépasse 
							les rêves les plus audacieux. 
							Les peuples croyaient que nos divisions politiques 
							étaient profondes, que les partis jamais ne 
							pourraient se rejoindre. C'est sur ces divisions que 
							nos ennemis comptaient le plus pour nous vaincre. 
							Mais sans effort, avec un désintéressement naturel, 
							tous les Français ont oublié leurs querelles, toutes 
							leurs querelles. Ils se sont assemblés autour du 
							drapeau aux trois couleurs. Ils n'ont plus eu, ils 
							n'ont plus qu'une pensée : le salut de la patrie. 
							Et ce ne sera peut-être pas notre énergie armée qui 
							étonnera le plus le monde, - car le monde connaît le 
							courage français, - mais bien cette réconciliation 
							nationale, sans arrière-pensée, sans ambitions 
							personnelles, en des circonstances où le pouvoir 
							n'est plus qu'une responsabilité terrible dont 
							seules peuvent porter le poids les âmes vigoureuses. 
							Au-dessus des partis, la Patrie. 
							Le gouvernement, aujourd'hui, c'est le coeur de la 
							nation. il bat du même rythme pour tous. 
							Vive la France ! 
							RENÉ MERCIER. 
							Aux Habitants 
							DE MEURTHE-ET-MOSELLE 
							Les devoirs des non combattants 
							Nancy, 
							26 août. 
							Dans toutes les localités où ils ont exercé des 
							violences sur les propriétés ou les personnes, les 
							Allemands ont allégué comme prétexte que des coups 
							de feu avaient été tirés sur leurs troupes par 
							quelques civils. 
							A la vérité, dans les communes martyres que j'ai 
							visitées, les maires ont protesté avec la dernière 
							énergie contre cette accusation qu'aucun fait ne 
							permet de justifier. 
							C'est un procès qui s'instruit chaque jour et qui, 
							plus tard, sera jugé. 
							Mais la France est tellement soucieuse de ne voir 
							aucun de ses enfants s'écarter du Droit que je 
							rappelle, en son nom, à toute la population de 
							Meurthe-et-Moselle ceci : 
							Le fait, pour un civil, de tirer sur l'ennemi, loin 
							d'être un acte de courage, constituerait un double 
							crime : 
							1° Crime contre le droit des gens - car, seuls, ont 
							droit de prendre part au combat les hommes 
							régulièrement incorporés dans les armées en présence 
							; 
							2e Crime contre la cité - car de tels actes ne 
							pourraient avoir d'autre conséquence que d'exposer 
							la commune où ils seraient commis aux plus graves 
							dangers, La France, pour se défendre, ne réclame 
							d'autre concours armé que celui de ses soldats. Elle 
							n'en accepte pas d'autres. 
							Tout civil peut et doit servir son pays de tout 
							coeur, non par l'usage illégal des armes, mais en 
							restant simplement à son poste et en s'y appliquant 
							de son mieux à sa tâche propre. 
							Et s'il se trouvait dans le département de 
							Meurthe-et-Moselle un seul homme assez peu maître de 
							ses nerfs ou assez perfide, assez fou ou assez 
							coupable pour tirer, lui civil, sur un soldat 
							ennemi, je déclare que cet homme devrait être 
							considéré par les patriotes et traité par eux comme 
							un mauvais citoyen, sinon même comme un agent 
							provocateur. 
							L. MIRMAN. 
							 
							NOTE. - Je me proposais depuis quelques jours de 
							publier cet appel. Des opérations militaires 
							importantes qui se sont engagées dans les environs 
							de Nancy m'en ont empêché ; quelques alarmistes, qui 
							interprètent tout dans le sens de leur panique, 
							auraient pu croire en effet que ces recommandations 
							étaient inspirées par la crainte spéciale des périls 
							menaçant la grande cité lorraine. Aujourd'hui que 
							les caisses publiques sont rentrées à Nancy (ce qui 
							constitue, on en conviendra, le plus rassurant des 
							symptômes), nul ne sera plus exposé, j'imagine, à 
							commettre une telle erreur, et la déclaration 
							ci-dessus gardera aux yeux de tous le caractère 
							général que j'entends lui donner. 
							A LA PRÉFECTURE 
							M. 
							Burnouf, nommé conseiller de préfecture de 
							Meurthe-et-Moselle, est arrivé hier mercredi à 
							Nancy, venant de Cherbourg, et a pris immédiatement 
							possession de son poste. M. le Préfet a félicité M. 
							Burnouf de la hâte patriotique qu'il avait mise à se 
							rendre d'extrême urgence à Nancy, malgré les 
							difficultés des voyage. 
							Entre Nancy et 
							les Vosges 
							DES COMBATS ACHARNÉS TOURNENT A NOTRE AVANTAGE 
							Paris, 
							27 août, minuit 45. 
							(Communiqué du ministère de la guerre) 
							D'une façon générale, l'offensive française 
							progresse entre Nancy et les Vosges. 
							Toutefois, la droite a dû se replier légèrement dans 
							la région de Saint-Dié. 
							L'ennemi a subi des pertes considérables. 
							Quinze cents cadavres ont été retrouvés dans un 
							espace très restreint. 
							Dans les tranchées, une section allemande tout 
							entière a été fauchée par nos obus. 
							Les morts étaient cloués sur place, encore dans la 
							position de mise en joue. 
							Les combats acharnés, livrés depuis trois jours dans 
							la région, paraissent tourner à notre avantage. 
							Dans 
							la Woëvre 
							Aucun fait saillant dans la Woëvre, où les 
							forces opposées semblent se recueillir après les 
							récents combats 
							 
							(Communiqué du ministère de la Guerre du 27 août., à 
							23 heures.) 
							Dans les Vosges 
							SAINT-DIÉ BOMBARDÉ 
							Dans les Vosges, les Français ont repris l'offensive 
							et refoulé les forces allemandes qui, hier, les 
							avaient fait reculer du côté de Saint-Dié. 
							Les Allemands ont bombardé Saint-Dié, ville ouverte. 
							 
							Des Vosges à Nancy 
							LES PERTES ALLEMANDES 
							Dans la région des Vosges à Nancy, l'offensive 
							française a été ininterrompue depuis cinq jours. 
							Les pertes allemandes sont considérables. 
							On trouva au sud-est de Nancy, sur un front de trois 
							kilomètres, 2.500 morts allemands, et dans la région 
							de Vitrimont, sur un front de quatre kilomètres, 
							4.500 morts. 
							 
							LONGWY CAPITULE 
							Longwy, très vieille forteresse, dont la garnison 
							comportait un bataillon, bombardée depuis le 3 août, 
							a capitulé aujourd'hui, après vingt-quatre jours de 
							résistance. 
							La moitié de l'effectif est tué ou blessé. 
							Le lieutenant-colonel Darche, gouverneur, est nommé 
							officier de la Légion d'honneur pour conduite 
							héroïque. 
							 
							Sur la Meuse 
							Sur la Meuse, les Français ont repoussé avec une 
							extrême vigueur plusieurs attaques allemandes. 
							LA SITUATION 
							au 28 Août 
							
							(Communiqué du ministère de la Guerre du 28 août, 23 
							heures). 
							La situation de front de la Somme aux Vosges reste 
							aujourd'hui ce qu'elle était hier. 
							Les Allemands paraissent avoir ralenti leur marche 
							des deux côtés, où ils combattent depuis quinze 
							jours. 
							Les pertes allemandes sont considérables. Deux 
							régiments, le 112e et le 124e, ont été réunis en un 
							seul. Les compagnies sont réduites à un effectif 
							très faible. 
							2 nouveaux 
							Canons allemands 
							SUR LA PLACE STANISLAS 
							Nancy, 
							28 août. 
							Vendredi soir, vers 5 heures, venant de la direction 
							d'Essey, deux nouveaux canons allemands de campagne 
							sont venus rejoindre, sur la place Stanislas, les 
							cinq amenés la veille. 
							Il y en a donc actuellement sept, au pied de la 
							statue de Stanislas, et il y en aurait bien 
							davantage si l'on avait pu amener aussi ceux, 
							beaucoup plus nombreux, dont les affûts ont été 
							brisés dans la bataille. 
							Un nombreux public ne cesse de défiler devant ces 
							glorieux trophées. 
							INTERDICTION 
							DES 
							Appareils distributeurs d'argent de jetons de 
							consommations, etc. 
							ARRÊTÉ 
							PRÉFECTORAL 
							Le Préfet de Meurthe-et-Moselle, Vu le décret du 2 
							août 1914, comportant déclaration de l'état de 
							siège, Vu la loi du 5 août 1914 maintenant l'état de 
							siège, Arrête : 
							Article premier. - Il est interdit à tout débit de 
							vins, restaurateur, cafetier et généralement à tout 
							commerçant d'exploiter tous appareils distributeurs 
							d'argent, de jetons de consommations, et d'une 
							manière générale tous appareils dont le 
							fonctionnement repose sur l'adresse ou le hasard et 
							qui sont destinés à procurer un gain ou une 
							consommation moyennant enjeu. Ces appareils devront 
							être enlevés dans les trois jours. 
							Article 3. - MM. les sous-préfets, maires, adjoints 
							et tous agents de la force publique sont chargés, 
							chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du 
							présent arrêté. 
							Nancy, le 28 août 1914. 
							Le préfet : 
							Signé : MIRMAN. 
							A BELFORT 
							Paris, 
							29 août, 17 h. 25 
							De Bellegarde, on télégraphie au «  Temps » que deux 
							aéroplanes survolant Belfort ont vainement tenté de 
							faire sauter le hangar des dirigeables. 
							Les bombes lancées n'ont causé aucun dégât. 
							A l'ordre du 
							jour 
							Nancy, 
							30 août 
							Le lieutenant Lavocat avait été cité dernièrement à 
							l'ordre du jour «  pour avoir fait preuve de coup 
							d'oeil et d'une hardiesse exceptionnelle dans toutes 
							les actions dont il a été chargé depuis le début de 
							la guerre et pour avoir entraîné avec le plus 
							brillant courage sa section à l'assaut, assaut au 
							cours duquel il a été tué au premier rang ». 
							A L'ORDRE DU 
							JOUR 
							Paris, 
							30 août (officiel). 
							Le général commandant l'armée a cité à l'ordre de 
							l'armée : 
							Le sous-lieutenant Viala, du 4e bataillon de 
							chasseurs, qui est tombé mortellement frappé, le 20 
							août, au moment où, à la tête de sa section, il 
							prononçait une contre-attaque à la baïonnette. 
							Le sous-lieutenant de Castelnau, du 4e bataillon de 
							chasseurs, qui a fait preuve du plus grand courage 
							au cours du combat du 20 août, ayant pris le 
							commandement de sa compagnie, a tenu tête à l'ennemi 
							pendant 5 heures et a été tué au moment où il venait 
							de le rejeter en arrière par une vigoureuse 
							contre-attaque. 
							Les sous-lieutenants Devic, Picard, Munnier et 
							Guillemin, du même bataillon, qui ont été tués au 
							cours du combat du 20 août, à la tête de leur 
							troupe. 
							Les citations à l'ordre de l'armée de ces officiers 
							sont les suprêmes récompenses qui puissent être 
							accordées à eux et à leurs familles. 
							LA SITUATION 
							En Lorraine 
							Paris, 
							30 août (officiel). 
							La progression de nos forces s'est accentuée. Nous 
							sommes maîtres de la ligne de la Mortagne, et notre 
							droite avance. 
							Sur la Meuse 
							Paris, 
							30 août (officiel). 
							Rien à signaler sur le front de la Meuse. 
							Une violente action a eu lieu hier dans la région de 
							Lannoy, Signy-l'Abbaye, Novion-Porcien, sans 
							résultat décisif. L'attaque reprendra demain. 
							A notre aile gauche, une véritable bataille a été 
							menée par quatre de nos corps d'armée. La droite de 
							ces quatre corps prenant l'offensive a repoussé sur 
							Guise et à l'est une attaque conduite par le 10e 
							corps allemand et la garde qui ont subi des pertes 
							considérables. 
							La gauche a été moins heureuse ; des forces 
							allemandes, progressent dans la direction de La 
							Fère.  |