Un Tour
de Ville
Nancy, 9 août.
La joie patriotique qui a réchauffé encore les
espoirs, était empreinte, à Nancy, d'une réserve
pleine de dignité. Plus d'une larme a coulé sans
doute en songeant au bonheur de nos frères d'Alsace
mais il n'y a pas eu de manifestations bruyantes.
Dans nos rues, la foule circulait dans un ordre
parfait. On échangeait, avec ses impressions, de
cordiales poignées de main, puis chacun s'empressait
d'aller annoncer la bonne nouvelle à sa famille.
On a encore amené quelques prisonniers. Comme les
autres jours, la foule se portait sur leur passage
sans d'ailleurs pousser la moindre cri hostile.
Il y eut même une certaine impression de pitié
lorsqu'on apprit que ces pauvres diables de uhlans
n'avaient à peu près rien à manger.
L'un des derniers amenés à Thiry avait encore son
repas du jour intact. Il consistait en un méchant
bout de pain, large comme deux doigts, un morceau de
saucisse qui n'aurait suffi qu'à peine au déjeuner
d'un bambin et... vingt et une mirabelles. Il paraît
que leurs grands chefs comptaient sur les
réquisitions en terre conquise, dans nos bonnes
fermes lorraines. Or, il a fallu déchanter, et ce
sont les nôtres qui ont passé victorieux le poteau.
L'après-midi, on a pu être frappé de l'absence
d'animation. Les quartiers du centre eux mêmes
étaient loin d'avoir leur mouvement habituel. La
meilleure explication de ce vide est que de
nombreuses familles se sont dirigées vers les
banlieues souvent lointaines dans l'espoir
d'embrasser ceux des leurs qui sont partis, et de
leur porter les heureuses nouvelles du jour et aussi
des provisions.
Combien auront réussi ? On les comptera sans doute,
car, où se diriger au juste pour atteindre le but
souhaité ?
Mais le courage de ceux qui restent n'est-il pas
égal à celui des combattants ?
M. MIRMAN préfet de Meurthe-et-Moselle
Nancy, 9 août.
M. Mirman, directeur de l'Assistance et de l'hygiène
publiques, est nommé préfet de Meurthe-et-Moselle,
en remplacement de M. Reboul, mis en disponibilité
sur sa demande pour raisons de santé.
Nous savions que depuis déjà assez longtemps M.
Reboul était très sérieusement malade. La tension
d'esprit constante exigée par la situation qui nous
a malgré nous conduits à la guerre, les fatigues,
les veilles que le préfet s'imposait pour se tenir
au courant heure par heure, minute par minute, des
mouvements qui changeaient si profondément la vie
normale, le travail énorme que comporte pour un
préfet l'administration d'un département frontière
en cas de guerre, tout cela a épuisé à un tel point
M. Reboul qu'il n'a pas voulu rester davantage.
- Il ne faut pas, a-t-il dit, que le chef soit
malade quand il a besoin de toutes ses forces, de
toute son activité, de toute son énergie. »
Et il a prié le gouvernement qu'on le remplaçât.
Ce désintéressement et cette compréhension élevée de
son devoir font le plus grand honneur à M. Reboul.
Nous saluons respectueusement et affectueusement
l'administrateur qui, en peu de temps, avait acquis
la sympathie de tous, et qui termine sa carrière
dans des circonstances tragiques par un acte digne
de son haut caractère.
M. Mirman, directeur de l'Assistance et de l'hygiène
publiques, remplace M. Reboul.
Tout le monde connaît l'histoire du « petit chasseur
», du député qui, en cours de législature, faisait
son service militaire. Sa physionomie énergique et
claire est connue de toute la France et même de
l'étranger.
M. Mirman est un doux, un élégant et un fort. Il
reprendra l'oeuvre commencée par M. Reboul et la
mènera vigoureusement au bout.
A M. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle pendant la
guerre de 1914, au moment où nos troupes occupent
Vic, Moyenvic, Altkirch et Mulhouse, au moment où
les Alsaciens-Lorrains accueillent les troupes
françaises avec des transports de joie, nous offrons
nos souhaits de bienvenue on Lorraine. R. M.
L'Occupation du Luxembourg
Nancy, 9 août.
Nous avons sous les yeux le numéro du 3 août de l'«
Indépendance luxembourgeoise ». Nous lui empruntons
les détails suivants :
« Quand Luxembourg se réveilla dimanche matin, la
ville était pleine d'uniformes allemands. Toute la
journée, à pied, à cheval, en vélo, en moto ou en
auto, des officiers et des soldats allemands n'ont
cesse de circuler. Aux carrefours, on voit. depuis
lors, luire les baïonnettes. Dans la ville basse, un
corps de garde est installé. Au dehors, il n'y a pas
un chemin, pas un sentier qui ne soit gardé. Les
chemins de fer sont occupés militairement, les gares
gardées. C'est l'autorité militaire allemande qui
fait partir les trains. Et tous les bureaux de poste
du pays, à l'exception de celui de Luxembourg, sont
occupés par l'armée allemande.
...
La soirée de dimanche, tout particulièrement, fut
lugubre. Après l'infanterie qui était venue le matin
et l'après-midi, après la cavalerie qui était restée
en dehors de la ville, qui s'était cantonnée à
Mersch et dont on n'avait vu à Luxembourg-Ville que
des estafettes, il arriva de l'artillerie, des
cuisines roulantes et des fourgons. Dans
l'obscurité, les bruits des commandements, des roues
de fer tournant sur le pavé, des pas de chevaux,
avaient quelque chose de sinistre. Et longtemps,
dans la nuit, les allées et venues des troupes
continuèrent, cherchant des refuges pour camper. Les
cuisines roulantes fonctionnèrent Les faisceaux
étaient formés, puis rompus.
Le matin, on apprit que de la grosse artillerie
était passée en quantité considérable et que toutes
les troupes qui arrivent prenaient la route d'Arlon.
Le lundi matin 3 août, on pouvait définir la
situation comme suit :
Les premiers détachements arrivés la veille avaient
pour mission de préparer la route pour le gros de
l'armée qui allait suivre et qui a déjà commencé de
passer. Ces forces, d'après la proclamation du
général commandant le 8e corps prussien, seront
considérables, puisque cette proclamation parle du «
8° corps en première ligne ». Ce sera tout ce 8e
corps et sans doute d'autres après. Ils passeront,
les premiers détachements restant seuls à Luxembourg
pour assurer la sécurité du transport des grosses
troupes.
Il est impossible, d'après l'« Indépendance
luxembourgeoise », d'évaluer le nombre des Allemands
qui se trouvent actuellement sur le territoire du
Luxembourg, mais tous les points du pays sont
occupés ou en train de l'être.
Le chancelier allemand, M. de Bethmann-Hollweg, le
secrétaire d'Etat, M. von Jagow, ont adressé des
télégrammes au ministre d'Etat luxembourgeois
affirmant que « les mesures militaires, à leur grand
regret, sont devenues inévitables, parce qu'ils
eurent des nouvelles certaines d'après lesquelles
des forces françaises étaient en marche sur
Luxembourg. »
Les journaux de Trêves annonçaient même que les
Français avaient incendié la ville de Luxembourg.
Le Gouvernement luxembourgeois fit observer que le
1er août, samedi soir, les Français paraissaient si
peu disposés à pénétrer dans le Luxembourg qu'ils
enlevèrent les rails de la voie ferrée entre
Mont-Saint-Martin et la frontière, seule voie
d'accès de France dans le Luxembourg, indiquant
ainsi leur volonté bien arrêtée de respecter le
territoire luxembourgeois.
Les Allemands se comportent en maîtres absolus dans
le Luxembourg. Ils payent exclusivement en bons sur
la caisse de guerre ce qu'ils achètent.
Ils arrêtent et retiennent les Français soumis aux
obligations militaires, et contrairement au droit
des gens, aucun délai n'a été accordé aux nationaux
français habitant le grand-duché pour se rendre en
France après l'ouverture des hostilités. »
OBSÈQUES DE M. CHAMBAY
Nancy, lundi 10 août
Dimanche, à trois heures de l'après-midi, ont eu
lieu les obsèques de M. Georges Chambay, l'artiste
décorateur bien connu, qui servait comme réserviste
au 37e d'infanterie, et dont le corps avait été
ramené à son domicile, rue des Jardiniers, 63.
Le char funèbre disparaissait sous de nombreuses
couronnes envoyées par les parents et les amis.
Le deuil était conduit par le père du défunt, le
négociant en vins bien connu ; sa veuve, et M.
Gabillet, son beau-père.
Dans la nombreuse et respectueuse affluence qui a
accompagné le corps jusqu'au cimetière du. Sud, on
remarquait MM. l'artiste Prouvé, Vergne. conseillers
municipaux Larcher, directeur de l'école des
beaux-Arts ; les membres de l'Association des
artistes lorrains encore à Nancy.
Devant le caveau familial, M. Vierling a prononcé
les quelques paroles suivantes:
« Au nom de l'Association des artistes lorrains,
nous venons adresser un dernier adieu à notre
camarade Georges Chambay, victime de la guerre, mort
en défendant la patrie, artiste de valeur qui
donnait de grandes promesses, fauché dans la
plénitude de son talent.
« Que sa famille, si durement éprouvée, agrée
l'assurance de notre profonde sympathie.
« S'il pouvait être pour elle une consolation, c'est
qu'il est mort en défendant sa patrie. »
L'Affaire de Réméréville
SEPT CONTRE VINGT-SEPT
Nancy, 10 août.
Réméréville ! Le nom de cette petite commune de
Meurthe-et-Moselle sera inscrit en tête des fastes
glorieux de la Revanche de 1914. C'est près de là,
en effet, qu'a eu lieu le premier fait de guerre de
cette campagne. Nos dragons foncèrent, à un contre
quatre, sur une patrouille allemande et la mirent en
déroute, après avoir tué son chef, le lieutenant
Dickmann, du 14e uhlans, un cavalier et en avoir
blessé six autres. Nous eûmes de notre côté trois
blessés, le lieutenant Bruyant, des dragons,
légèrement atteint, le maréchal des logis Portec,
qui a eu le bras traversé par un coup de carabine
tiré à bout portant, et un cavalier plus grièvement
atteint.
Nous avons pu voir un des acteurs de cette charge
bien française, et l'on en gardera le récit comme un
souvenir, comme un réconfort.
Vers 3 h. 30 de l'après-midi, le lieutenant Bruyant,
avec sept hommes, dont le sous-officier Portec, deux
brigadiers et quatre cavaliers, faisait une
reconnaissance dans les environs de Erbéviller.
Soudain, il aperçut une patrouille allemande.
Son premier mouvement fut de foncer sur eux. Mais la
distance était encore trop grande et la force de la
patrouille allemande était bien supérieure en nombre
; - on compta vingt-sept cavaliers, dont un
officier.
La prudence s'imposait. Il convenait de réfréner les
ardeurs, et ce ne fut pas le moins difficile pour
l'officier français-que d'empêcher ses hommes de
charger tout de suite, sabre au clair.
Un premier contact eut lieu, un cavalier allemand
tomba Les autres s'enfuirent, car les Allemands ne
paraissaient pas avoir le moins du monde envie de se
mesurer avec nos cavaliers. Au lieu de faire lace,
vingt-sept contre sept, ils commencèrent par se
défiler sous bois.
Nos cavaliers les serrèrent de près. II s'agissait
de ne pas lâcher sa proie. Quand notre groupe de
braves prit le galop, les Allemands prirent le
galop. Quand il partit au trot, puis au trot
allongé, les uhlans firent de même.
Enfin, les Allemands s'engagèrent dans une tranchée
qui mène de Réméréville à Velaine-sous-Amance, Ils
cherchèrent à gagner le bois, pour mettre entre eux
et les nôtres un obstacle infranchissable. Il était
temps d'agir.
- Chargez ! commanda le lieutenant Bruyant.
Et nos sept cavaliers partirent comme une trombe.
Les Allemands s'étaient, de leur côté, mis en
bataille.
La mêlée fut courte... D'un coup de sabre sous le
ceinturon, le lieutenant - Bruyant désarçonnait le
lieutenant allemand, qui s'apprêtait à lui brûler la
cervelle avec son revolver quand il reçut le coup
mortel à la gorge.
Un dragon tuait un uhlan d'un coup de lance. Six
autres Allemands, désarçonnés et blessés, craignant
d'être achevés, comme ils l'ont avoué, s'apprêtaient
à se servir de leur carabine, tandis que leurs vingt
autres camarades battaient en retraite à toute
bride. Les blessés furent mis dans l'impossibilité
de continuer !a résistance.
Le lieutenant. Bruyant prit les papiers du
lieutenant allemand mort, et emporta aussi son
casque, son manteau, sa jumelle et sa carte.
Casque et Jumelle lui ont été laissés comme
souvenir.
Ce héros aura sans doute bientôt la croix, et ce
sera là, certes, une récompense bien méritée.
Honneur à ce brave ! Honneur à ses vaillants
compagnons !
Les Alsaciens-Lorrains sauvés
Nancy, 10 août
Nous sommes profondément heureux d'apprendre que
nombreux sont les Alsaciens qui ont échappé à la
mort qui les menaçait.
Après l'abbé Wetterlé, le vaillant publiciste de
Colmar réfugié en Suisse, le docteur Bucher,
directeur de la « Revue alsacienne » et fondateur du
Musée alsacien, M. Léon Boll, directeur du « Journal
d'Alsace-Lorraine », le docteur Cahun, également de
Strasbourg ; Me Hellmer, avocat à Colmar, défenseur
de Hansi, et le frère d'armes de celui-ci, le
dessinateur Zislin, ont réussi à passer en France.
AU PAYS DE BRIEY
Paris, 11 août, 15 h. 15.
On signale des engagements sur le front
Longwy-Longuyon-Marville-Virton.
Des patrouilles de cavalerie allemande ont, été
rencontrées au nord de l'arrondissement de Montmédy.
L'INCENDIE D'AFFLÉVILLE
Télégramme officiel du 11 août 1914, es heures :
Dès le début des hostilités les Allemands semblent
prendre à tâche de se rendre odieux à nos
populations des campagnes. Le fait suivant s'ajoute
aux atrocités que nous avons déjà racontées.
Samedi matin, 8 août, à la pointe du jour, deux
uhlans en reconnaissance le long de la frontière
française pénètrent dans le petit village d'Affléville
(canton de Conflans), et en sont chassés par une
patrouille composée de trois chasseurs à cheval.
L'un des uhlans est blessé, l'autre parvient à
s'enfuir.
Le lendemain, dimanche, dans la matinée, un peloton
fort de trente-deux hommes du même régiment viennent
tirer vengeance de l'incident de la veille. Ils
mettent le feu à une ferme et criblent de balles le
fermier qui essaie d'arrêter l'incendie.
Courageusement le garde champêtre intervient pour
expliquer que le petit combat du samedi a été livré
exclusivement par des militaires. Les Allemands
soutiennent contre l'évidence que des civils y ont
pris part.
Dans l'après-midi, ils reviennent encore. Cette
fois, c'est un escadron de uhlans au complet.
C'est l'heure des vêpres, tous les habitants d'Affléville
sont réunis en prières dans l'église. Les uhlans se
répandent dans le village dont toutes les maisons
inondées de pétrole flambent en un quart d'heure,
tandis que la population terrifiée s'enfuit de
toutes parts, sans avoir eu le temps d'emporter ni
argent ni vêtements.
On est sans nouvelles du curé.
Les malheureux habitants d'Affléville, vieillards,
femmes, enfants, ont été recueillis à Etain. Après
les avoir secourus et réconfortés, ils ont été
dirigés sur Verdun.
EN LORRAINE
Dans la région de Spincourt
Paris, 11 août, 1 h. 52 (communiqué).
La cavalerie ennemie qui, avant-hier», s'était
présentée dans la région de Spincourt, a dû reculer.
Des travaux de fortifications sont signalés comme
ayant été exécutés autour du Luxembourg, au sud de
Metz, vers Luppy, et sur la côte de Delme.
Dans la région de Blâmont
Paris, 11 août, 1 h. 52 (communiqué).
Dans la région de Blâmont, une tentative a été faite
à Ogéviller et Hablainville. Elle a échoué grâce à
l'appui du canon du fort de Manonviller.
Notre action contre les cols de
Sainte-Marie-aux-Mines et du Bonhomme fait le plus
grand honneur à nos troupes.
L'infanterie, la cavalerie et l'artillerie se sont
montrées bien supérieures aux troupes adverses.
Paris, 11 août, 7 heures matin.
Les incursions des Allemands dans la région de
Manonviller et de Spincourt ont été complètement
repoussées.
On signale le débarquement des troupes allemandes à
Gerolstein, dans l'Eiffel, mais surtout en arrière
de Metz et de Thionville.
DANS LA HAUTE-ALSACE
Paris, 11 août, 1 h. 52 (communiqué).
Le 10 août, des forces allemandes très considérables
venant de Mulheim et de Neuf-Brisach ont attaqué, au
cours de la nuit dernière, les avant-gardes
françaises, qui avaient été poussées sur Cernay et
Mulhouse.
Le commandant des troupes françaises retira ses
forces légèrement en arrière de Mulhouse, et les
l'assembla sur des emplacements où il arrêta
l'offensive. de l'ennemi, supérieur en nombre.
Les actions de détail ont été très brillantes pour
nos troupes, qui restent maîtresses de la
Haute-Alsace.
LE PRIX DU PAIN
Vu son arrêté en date du 2 août 1911, Attendu que le
prix de la farine a été abaissé à 37 francs les cent
kilos, Arrête :
Article 1er. - A partir du jeudi 13 août le pain
blanc en miche ronde de un ou deux kilos, de
première qualité, sera vendu à 0 fr. 40 le
kilogramme au maximum.
Article 2. - Le pain percé ou en couronne sera vendu
à 0 fr. 425 le kilogramme au maximum.
Article 3. - A défaut de pain en miche ronde, le
boulanger devra vendre du pain percé au prix du pain
rond.
Article 4. - M. le commissaire central de police est
chargé de l'exécution du présent décret.
Nancy, le 11 août 1914
Le maire,
J. LAURENT.
PROCLAMATION
du Préfet de Meurthe-et- Moselle
Nancy, 12 août.
M. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, adresse à
la population la proclamation suivante :
Mes chers compatriotes, M. Reboul, préfet de
Meurthe-et-Moselle, que vous aviez appris à aimer, a
été, malgré toute sa vaillance, terrassé par la
maladie et a dû, les larmes aux yeux, quitter son
poste d'action. Je le remplace.
C'est pour moi une joie et une fierté indicibles
d'avoir été, en cette heure solennelle, appelé par
le Gouvernement de la République à la tête de
l'Administration civile de ce département, pendant
qu'il est encore département frontière.
De cet honneur je m'efforcerai de me montrer digne.
Je vous apporte une foi ancienne et profonde, que
tout fortifie aujourd'hui, et que « rien » ne
saurait ébranler, dans les destinées de notre
France, dans la victoire définitive du droit, dans
la libération prochaine de nos frères d'Alsace et de
Lorraine.
Je vous apporte, avec le ferme propos d'assurer à
l'autorité militaire une collaboration fraternelle,
une ardente volonté d'initiative et d'action pour la
défense de vos intérêts économiques, l'organisation
de tous vos services d'assistance sociale, la
protection de la santé publique.
Je vous apporte aussi ce qu'après la Patrie je
chéris le plus : ma femme et mes six enfants qui,
bloqués hier loin de Paris par la mobilisation,
seront demain près de moi, fiers de partager vos
épreuves, de concourir à vos oeuvres et de frémir de
toutes vos espérances.
Tandis que notre admirable armée poursuit son oeuvre
glorieuse, que chacun de nous, appliqué à sa tâche
et comprimant les battements de son coeur, s'impose
une rigoureuse discipline de patience, de labeur et
d'ordre.
Vive la France !
Léon MIRMAN.
N'y a que ça qui compte
Nancy, 12 août.
M. Léon Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, a
parcouru une partie de l'arrondissement de Lunéville
et a rendu visite successivement aux maires de
Lunéville, de Ménil-Flin, de Chenevières, de
Saint-Clément, de Moncel, de Blainville. Il était
accompagné dans ces visites par M. Méquillet,
député, et M. Minier, sous-préfet.
Partout il a trouvé à leur poste des magistrats
municipaux ayant le sentiment profond de leur
devoir.
M. Mirman a visité à Lunéville les divers
établissements hospitaliers installés l'un à
l'hôpital, l'autre au collège de garçons, l'autre
dans l'ancien couvent, et où chacun rivalise
d'ardeur et de dévouement.
Un certain nombre de blessés français et allemands
se trouvent déjà dans ces établissements ; M. Mirman
a salué les blessés allemands et serré
fraternellement la main des blessés français. La
presque totalité de ceux-ci, légèrement blessés,
sont impatients de retourner sur la ligne de combat,
et la plupart en effet y retourneront dans quelques
jours. Tous étaient rayonnants lorsque M. le préfet
de Meurthe-et-Moselle leur a annoncé cette bonne
nouvelle que, grâce à leur vaillance, et s'ils
étaient blessés, la France, elle, se portait bien.
« Et n'y a que ça qui compte », a dit un Parigot.
SUCCÈS D'AVANT-POSTES
Les Allemands refoulés à Mangiennes. - Batterie
allemande détruite. - Nous prenons trois canons et
trois mitrailleuses. - Vers Moncel - Un village
enlevé à la baïonnette
Paris, 12 août (Officiel.)
Nos troupes sont presque sur tout le front en
contact avec l'ennemi. Voici les faits les plus
saillants qui se sont déroulés aux avant-postes.
Comme on va le voir, ils sont tout à l'honneur de
nos soldats qui font preuve partout d'un courage et
d'une ardeur irrésistibles.
A Mangiennes, région de Spincourt, au nord-est de
Verdun, les forces allemandes ont attaqué dans la
soirée du 10 les avant-postes français. Ceux-ci se
sont initialement repliés devant l'effort ennemi.
Mais bientôt, grâce à l'intervention de notre
réserve qui se tenait à proximité, l'offensive a été
reprise. L'ennemi a été refoulé, subissant des
pertes considérables.
Une batterie allemande a été détruite par le feu de
notre artillerie. Nos troupes se sont emparé de
trois canons, trois mitrailleuses et de deux
caissons de munitions.
On signale qu'un régiment de cavalerie allemande a
été très fortement éprouvé dans la région de
Château-Salins. Vers Moncel, un bataillon et une
batterie allemands venant de Vic ont tenté
d'attaquer nos avant-postes. Ils ont été
vigoureusement refoulés avec grosses pertes.
Dans cette même région, c'est-à-dire entre
Château-Salins et Avricourt, le village de La Garde,
situé en territoire annexé, a été enlevé à la
baïonnette, avec un élan admirable.
Les Allemands ne résistent décidément pas à l'arme
blanche.
DEVANT LONGWY
Paris, 12 août (Officiel).
Les Allemands se sont présentés devant Longwy,
qu'ils ont sommé de se rendre.
Le commandant de la place a refusé fièrement.
Longwy n'est pas à proprement parler une place
forte, car elle n'a pas d'ouvrages détachés et ne
possède qu'une simple enceinte à la Vauban, qui date
de la deuxième moitié du XVIIe siècle.
AUTOUR DE MULHOUSE
Paris, 12 août.
Dans les milieux officiels, on fait remarquer, au
sujet de la situation à Mulhouse, que jamais la
ville n'a été occupée par les troupes françaises.
Elles sont entrées dans cette place ouverte, puis
elles sont immédiatement allées occuper les
positions qui entourent la ville et sur lesquelles
elles pouvaient opposer efficacement une résistance.
Les Allemands ne sont pas rentrés hier soir à
Mulhouse. Ils ont tenté, dans un effort suprême,
d'enlever les positions occupées par les troupes
françaises.
Ils n'y ont pas réussi.
A cela se borne l'affaire de Mulhouse.
Nos troupes pouvaient d'autant moins rester dans la
ville que celle-ci, sur certains points, avait été
minée par les Allemands et qu'au surplus il n'y
avait aucun intérêt stratégique et militaire à faire
effort pour tenir dans une place ouverte.
Dans la Haute-Alsace, le seul combat réel qui ait
été engagé est celui qui a été livré à Altkirch.
L'AFFAIRE DE MULHOUSE
Mise au point officielle
Paris, 12 août, 16 h. 25.
Voici un communiqué officiel qui met au point notre
situation militaire dans la Haute-Alsace.
Les engagements signalés jusqu'à présent ne furent
que des affaires d'avant-postes.
On dément tous les bruits tendancieux lancés au
sujet du nombre des tués et des blessés dans
l'affaire de Mulhouse. Il a été dit qu'il atteignait
vingt mille, alors que nos effectifs engagés sont
loin d'atteindre ce chiffre.
Les événements se bornèrent à ceci :
Une brigade d'infanterie ayant poussé une pointe sur
Mulhouse pour y détruire un centre d'informations,
fut l'objet d'une contre-attaque de la part de tout
le 14e corps d'armée allemand et d'une division du
15e corps.
Sa mission terminée, notre brigade se retira, sur
l'ordre du commandant de corps d'armée. Toutes les
forces allemandes la suivirent, mais elles se
heurtèrent à notre ligne de résistance principale,
qui ne fut pas forcée.
Nous disposons, dans la Haute-Alsace, de forces
considérables, appuyées sur la place de Belfort.
Notre situation stratégique n'est pas changée et
elle est excellente.
MME POINCARÉ SALUE
les infirmières de Saint-Dié et de Nancy
Paris, 12 août.
Mme Poincaré, qui est infirmière de l'Union des
Femmes de France, a eu la touchante pensée de venir
saluer, rue de Thann, 16, les équipes volantes
d'infirmières qui, sous la conduite de Mlle Brown de
Colstoun et de Mlle Azemar, s'embarquaient à six
heures pour Saint-Dié et Nancy.
PONT-A-MOUSSON
ville ouverte, est bombardé
Paris, 13 août.
(Communiqué de la Guerre).
Pont-à-Mousson a été bombardé à dix heures du matin
par de l'artillerie lourde mise en batterie à une
assez longue distance.
Des centaines d'obus sont tombés sur la ville, tuant
et blessant quelques habitants, démolissant quelques
maisons.
L'effet de ce bombardement a été nul sur la
patriotique population de Pont-à-Mousson.
Il faut remarquer que Pont-à-Mousson est ville
ouverte, et qu'aucun peuple civilisé ne se
permettrait de bombarder une ville ouverte.
Les Allemands ont mis le comble à leur sauvagerie en
faisant tomber des obus sur le collège et sur
l'hôpital.
De pareils procédés soulèveront l'indignation du
monde civilisé.
Postes, Télégraphes, Téléphones
Nancy, 13 août.
Un des bureaux créés à l'hôtel de ville ce trouve
supprimé, en fait, par ce motif que depuis le 13
août, à 0 heure (c'est minuit), la télégraphie
privée a cessé de fonctionner dans les départements
de Meurthe-et-Moselle et Vosges.
Le bureau du visa des dépêches sous le péristyle de
l'hôtel de ville a donc vécu, mais comme la fonction
crée parfois l'organe, ce bureau va être maintenu :
on y recevra les souscriptions à l'appel lancé par
la Municipalité, la Recette municipale ne pouvant
répondre à tout et à tous.
Il n'y a donc plus moyen d'expédier des télégrammes
privés.
Tout le réseau électrique (c'est-à-dire télégraphie
et téléphonie) est passé aux mains de l'autorité
militaire.
Seuls, les services et postes publics peuvent encore
téléphoner entre eux.
Quant au service postal, il fonctionné comme par le
passé, avec cette stipulation administrative qu'un
retard de 48 heures est prévu pour les lettres.
Enfin, l'administration des postes s'efforce
d'acheminer les journaux dans les directions sur
lesquelles les trains marchent encore. On sait que
ce n'est plus le cas pour l'arrondissement de Briey.
Si l'on veut se rendre compte des directions vers
lesquelles les journaux et autres correspondances
peuvent encore être acheminés, prière de consulter
le tableau quotidien des départs des trains.
(Communiqué.)
LE MAIRE D'IGNEY FUSILLÉ
Nancy, 13 août, 14 heures.
Dans tous les engagements de cette semaine, les
Allemands ont usé de procédés barbares, otages
fusillés contre tout droit, violences exercées sur
la population civile, incendies, etc. Ils ont arrêté
à son domicile privé le maire d'Igney, sous prétexte
que la population de ce village aurait favorisé la
fuite d'un prisonnier, et ils l'ont fusillé.
(Officiel).
LES POTEAUX FRONTIÈRE
Nancy, 13 août.
Des brancardiers ont rapporté en France sur leurs
épaules le poteau-frontière de Bioncourt.
HANSI INTERPRETE
Nancy, 14 août.
Hansi s'est engagé comme officier interprète dans
l'un de nos régiments frontières. Certains
réprouvèrent, et même parmi ses amis, la façon
élégante avec laquelle il brûla la politesse aux
Prussiens.
Hansi est un sage ; il fut prévoyant. Aujourd'hui,
il rend des services très grands à sa chère patrie,
la France. S'il fût resté dans une geôle de Leipzig,
il serait, à cette heure, fusillé.
Officier français, il a eu à interpréter les
récriminations d'un lieutenant du 171e régiment
prussien fait prisonnier par les Français et qui, il
y a quelques semaines, fut cruel avec lui.
- Oh ! lui répondit-l, ne vous plaignez pas du
traitement que l'on vous accorde... Les « Wakes »
sont chez vous ; il n'y en a pas un seul en France.
Vous devez vous en apercevoir.
Le premier Officier décoré
Paris, 14 août.
Le général Joffre, commandant en chef, en vertu des
pouvoirs que lui a conférés le ministre de la guerre
(décision du 8 août 1914), a nommé chevalier de la
Légion d'honneur le lieutenant de dragons Bruyant.
« Cet officier - dit le texte de la nomination -
accompagné de sept cavaliers, n'a pas hésité à
charger un peloton d'une trentaine de uhlans. Il a
tué de sa main l'officier ennemi et a mis en déroute
le peloton allemand, en lui infligeant des pertes
sérieuses. »
La première Médaille militaire
Le général en chef a conféré la médaille militaire
au brigadier de dragons Escoffier, « pour avoir
chargé avec la plus grande bravoure et avoir reçu
plusieurs blessures. »
Le lieutenant Bruyant est cet officier qui, avec
sept cavaliers, mit en déroute une patrouille de 27
uhlans près de Réméréville.
Le lieutenant de dragons Bruyant, qui a, le 31
juillet dernier, arrêté une patrouille allemande de
27 uhlans et tué un chef, avec seulement 7 hommes,
est un enfant de la Marne. C'est le fils de
l'instituteur de Boursault, près de Damery. Il a 26
ans. Blessé à l'aine, il a obtenu un congé de
convalescence de 20 jours. Il est rentré dans son
pays mercredi dernier, apportant comme trophées le
casque et le manteau gris du lieutenant uhlan. Le
casque portait le nom du régiment allemand :
Waterloo.
A toutes les stations, le lieutenant Bruyant était
obligé de montrer ces glorieux souvenirs aux
voyageurs, aux soldats et aux employés de chemins de
fer, qui lui faisaient partout une ovation bien
méritée.
VERS ARRACOURT
Paris, 14 août
Deux bataillons français qui s'étaient emparé du
village de Lagarde en ont été chassés par une
contre-attaque allemande, très supérieure en nombre
; ils ont été rejetés sur Xures.
SUR LES CRÊTES DES VOSGES
Paris, 14 août (officiel).
Parmi les divers engagements, il convient de
signaler tout spécialement ceux par lesquels nos
troupes des Vosges se sont maintenues sur ces
positions depuis cinq jours, malgré les
contre-attaques des Allemands, vigoureusement
conduites.
Au col du Bonhomme, au col de Sainte-Marie, au col
de Saales, nos troupes ont repoussé tous les efforts
de l'ennemi, supérieur en nombre.
Au col de Saales, les Allemands ont mis en ligne, à
côté de leurs troupes exténuées, des formations de
réserve. Ces formations n'ont pas tenu et ont été
obligées de se replier, puis, finalement, de mettre
bas les armes. Une section entière s'est rendue avec
ses mitrailleuses.
Nous tenons dans la vallée de la Bruche.
Le Bombardement
DE
PONT-A-MOUSSON
Nancy, 14 août (officiel).
Dans les pronostics sur les premières opérations de
l'armée allemande, le bombardement de
Pont-à-Mousson, situé à notre extrême-frontière, et
l'envahissement de la région de Nancy étaient
escomptés pour le premier ou le deuxième jour au
plus tard de notre mobilisation. Constatons que le
seul de ces événements qui se soit réalisé arrive le
11e jour et n'aura pas l'influence démoralisants
qu'on lui attribuait de l'autre côté du Rhin.
Pont-à-Mousson a été en effet bombardé ce matin, à
dix heures, par une artillerie lourde, mise en
batterie à une assez longue distance. Une centaine
d'obus de gros calibre sont tombés sur la ville,
tuant ou blessant quelques habitants et démolissant
plusieurs maisons.
Aucune action simultanée d'infanterie n'a accompagné
cette canonnade..
L'effet produit sur la patriotique population de
Pont-à-Mousson est nul.
Une Visite de M. le Préfet
M. Léon Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, ayant
appris qu'hier mercredi la ville de Pont-à-Mousson
avait été bombardée, s'est rendu ce matin, dès la
première heure, dans cette vaillante cité
d'avant-poste.
M. le préfet a présidé, à sept heures et demie, une
séance extraordinaire du conseil municipal, à
laquelle assistaient en outre M. Bonnette,
conseiller général, et diverses notabilités de la
ville. Après un discours de M. Mirman, que tous les
assistants ont applaudi debout, aux cris unanimes de
« Vive la France ! », M. le préfet, accompagné de la
municipalité, a visité les établissements
hospitaliers et, en particulier, les personnes
blessées la veille par le bombardement.
M. L. Mirman, en revenant vers Nancy, s'est présenté
successivement dans les mairies de Blénod, de
Dieulouard, de Belleville, de Marbache, de Pompey,
de Frouard, de Champigneulles et de Maxéville.
Partout il a proclamé, en termes énergiques, la
certitude absolue du triomphe de la cause française
qui est celle du droit; partout il a, avec l'unanime
approbation des maires et des adjoints, déclaré que
les populations civiles pouvaient bien, tandis que
les soldats se battent, mettre au service de la
patrie quelques semaines de peine, d'embarras,
d'inquiétude et même de misère.
M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, après avoir
remercié chaque municipalité de l'admirable
dévouement qu'elle apporte à l'accomplissement de sa
tâche propre, a expliqué le fonctionnement de la
nouvelle loi relative à l'assistance, à la charge de
l'Etat, des familles dont les soutiens ont été
rappelés sous les drapeaux comme réservistes ou
territoriaux (ou se sont engagés volontairement) ;
il a appelé aussi de façon pressante leur attention
sur la nécessité pour elles de veiller à la
protection de la santé publique et de prendre des
mesures d'isolement absolu dès que se produirait un
cas suspect de maladie transmissible.
Dans les diverses communes traversées, M. Mirman a
fait le récit sommaire du bombardement de
Pont-à-Mousson et tous, après un hommage de
douloureuse sympathie accordée aux innocentes
victimes, se sont patriotiquement réjouis
d'apprendre qu'aucun des 45 lourds obus allemands
n'avait atteint le but visé, c'est-à-dire le pont.
Voici ce que nous communique à ce sujet un de nos
amis :
Ville ouverte, Pont-à-Mousson a été bombardé,
mercredi matin, au mépris des lois de la guerre, par
des pièces de siège de l'artillerie allemande.
Plusieurs victimes, des femmes et des enfants même ;
des maisons détruites ; l'hôpital (ancien Petit
Séminaire), visé particulièrement en dépit de la
Convention de Genève et de l'étendard de la
Croix-Rouge : tel est le bilan d'un acte
inqualifiable, monstrueux, digne pendant de
l'incendie d'Affléville, et dont les modernes
barbares porteront devant l'histoire la
responsabilité terrible.
Mercredi matin, vers 9 heures 30, des pièces de fort
calibre, qui avaient été amenées sur les hauteurs
d'Arry et de Bouxières-sous-Froidmont, à la cote 400
mètres, et appuyées en arrière par l'artillerie du
fort Saint-Blaise, ouvrirent un feu violent sur la
ville de Pont-à-Mousson, et principalement sur le
quartier Saint-Martin, situé sur la rive droite de
la Moselle et où se trouve le nouvel hôpital et le
collège. Successivement, 45 projectiles furent
tirés, éclatant sur la ville, éventrant les maisons,
défonçant les toitures, tuant jusque dans leurs
habitations de paisibles habitants.
Un obus a tué une femme et trois enfants qui se
trouvaient dans le corridor de la maison : une
fillette de 11 ans et deux garçons, dont l'aîné est
âgé de 9 ans...
Un obus éclate place du Paradis ; on signale
plusieurs maisons détruites ; des projectiles
atteignirent aussi le quartier Saint-Laurent. Fort
heureusement, le pont sur la Moselle ne fut pas
atteint.
La population de Pont-à-Mousson s'est montrée
admirablement courageuse. Mais plusieurs personnes,
ne pouvant rester dans un tel nid à bombes, se sont
réfugiées à Nancy.
Rappelons que le 12 août 1870, le premier obus
tombait sur Strasbourg.
SOYONS TRANQUILLES
Nancy, 14 août.
Quelques-uns de nos concitoyens sont impatients de
connaître les nouvelles de la guerre. Dès qu'on leur
a dit : « Le canon tonne » ou « Il y a un engagement
de patrouilles à tel endroit », ils voudraient avoir
le résultat non point seulement de ce qui se passe
aujourd'hui, mais de ce qui adviendra demain.
Nous comprenons très bien ce désir. Mais il n'est à
la portée de personne de le satisfaire.
Je dois ajouter d'ailleurs que la population
lorraine en sa grosse majorité n'a presque pas de
fièvre, et qu'elle aime mieux attendre les nouvelles
exactes et officiellement confirmées qu'apprendre
des informations problématiques, et sujettes à
caution.
Les impatients qui montrent leur impatience sont
relativement peu nombreux.
Soyons tranquilles.
Le gouvernement, en complet accord avec l'autorité
militaire, a décidé de ne communiquer les
informations de la guerre que lorsqu'elles ont été
contrôlées très minutieusement. Il ne nous laissera
rien ignorer de ce que nous devons savoir. Que nous
faut-il de plus ?
Toute la presse a accepté d'un seul coeur patriotique
cette discipline nécessaire.
Evidemment les communiqués ne font pas mention des
rencontres quotidiennes de patrouilles sur la
frontière. A quoi bon ? Tout le monde sait, et la
Palisse l'aurait affirmé avec sa grande autorité,
que les soldats ennemis en guerre, quand ils sont
près les uns des autres, ont une tendance à se tirer
des coups de fusil, ou à se donner mutuellement des
coups de sabre. Si on lisait tous les jours chacun
de ces combats, on n'aurait plus aucune vue
d'ensemble sur la situation générale.
Ce qu'il faut savoir, c'est que les Belges, sous
Liège, ont bouleversé complètement le plan de la
mobilisation allemande, que les Anglais et les
Français opèrent avec succès en Belgique, que nous
sommes en Alsace, que la situation est bonne, et que
les circonstances paraissent très favorables au
succès de nos armes.
Dans une guerre aussi formidable que celle-ci on
doit s'attendre à des échecs passagers, à des
sacrifices cruels. On ne met pas dans sa poche
plusieurs millions d'hommes armés.
Pour vaincre et écraser les Allemands, nous
verserons bien des larmes, bien du sang.
Mais rien ne nous découragera, si la fortune un
instant nous devient contraire. Les âmes lorraines
sont bien trempées. La France tout entière est aussi
calme, aussi héroïque que la Lorraine. Et la
victoire nous sourit déjà.
Soyons tranquilles.
RENÉ MERCIER.
DEUX NOUVEAUX SUCCÈS
Dans la vallée de l'Othain un régiment de dragons
est anéanti
Paris, 14 août (officiel).
Le combat qui s'est livré sur l'Othain, dans la
Meuse, le 11 août, s'est poursuivi, le 12 août, dans
des conditions très brillantes. Il convient d'en
résumer les péripéties.
Le premier acte a été l'attaque de deux bataillons
français par des forces allemandes très supérieures
en nombre. Les deux bataillons se sont repliés.
Mais, dans la nuit même, ils ont, avec du renfort,
prononcé une contre-attaque extrêmement vigoureuse.
Cette contre-attaque, appuyée par notre artillerie,
a obligé les Allemands à une retraite précipitée, au
cours de laquelle ils ont perdu de nombreux morts et
blessés. Nous avons fait de nombreux prisonniers.
C'est au cours de cette contre-attaque que les
Allemands ont abandonné une batterie d'artillerie,
trois mitrailleuses et plusieurs caissons de
munitions.
Notre avantage s'est poursuivi hier 12 août.
Une batterie française a surpris le 21e régiment de
dragons allemands, pied à terre. Nos pièces ont
immédiatement ouvert le feu et le régiment a été
anéanti.
Le résultat de ce double succès à été immédiatement
sensible. Non seulement le mouvement en avant des
forces allemandes s'est arrêté dans cette région,
mais leurs colonnes se sont repliées, suivies de
près par les nôtres.
C'est au cours de cette poursuite que nous avons
trouvé dans les villages voisins, Pillon et Othe, de
nombreux blessés allemands atteints dans le combat
de la veille. Neuf officiers et un millier d'hommes
blessés et prisonniers sont restés entre nos mains.
Pillon est une commune de 400 habitants,
arrondissement de Montmédy, dans le canton et au
nord de Spincourt.
Raid brillant d'un Avion français
Paris
14 août (officiel).
Un avion français en reconnaissance en Lorraine a
été poursuivi par deux avions allemands. Les
appareils allemands étaient plus forts et plus
rapides que l'appareil français. Ils étaient montés
par trois personnes, munies d'armes à répétition.
L'aviateur français a pu échapper à cette poursuite
et rentrer dans nos lignes. Il n'a pas été blessé.
LE TRANSPORT
des troupes d'Afrique est terminé
Deux corps d'armée réunis dans la région de Belfort
VESOUL, 14 août. - Les opérations de concentration
des troupes d'Algérie, leur, transport en France
qu'auraient bien voulu entraver le « Goeben » et le «
Breslau », sont complètement terminés. Le
bombardement de Bône et de Philippeville par les
deux croiseurs allemands n'a eu aucun effet, et la
mobilisation, la concentration, le transport, le
débarquement en France se sont effectués avec le
même ordre, la même méthode, la même régularité que
pour les corps d'armée de la métropole.
Aujourd'hui, les troupes d'Afrique, composées en
majeure partie de tirailleurs indigènes, sont
réunies dans la région de Belfort. Elles sont prêtes
à prendre part aux opérations formidables qui vont
commencer.
LES ESPIONS EN ALSACE
Paris, 14 août.
Au cours des dernières opérations on a
surpris en flagrant délit d'espionnage plusieurs
personnes.
Les coupables ont été traduits en conseil de guerre.
Plusieurs d'entre eux, entre autres le maire
allemand et le receveur des postes de Thann, ont été
fusillés.
DE METZ A NANCY
Les expulsés - Au nom de la loi ! - L'exode. - On va
s'engager. - Les disparus. - En France.
Nancy, le 14 août.
1.200 étrangers, expulsés de Metz par les Allemands,
sont arrivés vendredi matin à Nancy. après trois
journées et demie de pérégrinations dont la douleur
ne fut compensée que par l'accueil reçu à partir de
la frontière française.
Français, Russes, Belges ou Polonais, tous sont
partis à la hâte, emportant seulement avec eux
quelques vêtements de rechange, en un ballot ou dans
une valise, et avec le seul argent qu'ils pouvaient
avoir à la maison. C'est en vain, en effet, qu'on
pouvait avoir un dépôt dans les Banques. Les Banques
avaient fermé leurs guichets avant la déclaration
officielle de
la guerre. Aussi, la plupart de ces malheureuses
familles sont-elles dans le plus complet dénuement.
Nous avons pu nous entretenir assez longuement avec
un Belge, qui cherchait à Nancy l'adresse de son
consul, et voici son histoire.
C'est, au surplus, celle de tous ses compagnons.
Des provisions
- Il y a. plus de treize ans, nous dit-il. que je
suis établi à Metz, où je travaillais depuis dix
ans, dans la même maison. J'étais coupeur dans une
grande chemiserie.
j'avais de beaux appointements - 300 francs par mois
- et j'avais pu acheter un jardin et une petite
maison, à Plantières.
Il m'a fallu laisser brusquement tout cela et la
Banque m'a refusé un dépôt de 700 mark.
- Vous n'aviez donc pas pu prendre vos précautions ?
- Que voulez-vous ? On espérait toujours que ça
s'arrangerait. A la fin, cependant, on devenait
inquiet. Ce fut de l'anxiété lorsqu'on nous prévint
qu'il fallait faire des provisions pour six mois.
Pour mon compte, j'achetai des conserves de toutes
sortes, de quoi vivre au moins trois mois. J'en
aurais peut-être acheté encore davantage, mais tout
augmentait dans des proportions exorbitantes, et
nous ne pouvions déjà plus retirer aucun argent.
- Toutes ces provisions seront maintenant perdues ?
- Ah ! non. Avant de partir, j'ai tout distribué à
ceux de mes voisins, Lorrains pur sang, et que je
savais Français de coeur.
Dans la rue
C'est dans la nuit de dimanche à lundi qu'un agent
est venu frapper à ma porte.
Il était exactement une heure du matin.
- Ouvrez au nom de la loi ! criait-il.
Je descendis en toute hâte et il me remit mon arrêté
d'expulsion. Je devais être à la gare au plus tard à
midi et demi, avec tous les miens.
On aurait voulu emporter bien des choses, au moins
tout ce que nous avions de plus cher. Mais il nous
fallut nous contenter de l'indispensable. Nous avons
pris tout simplement un peu de linge et quelques
provisions.
J'ai deux valises et un baluchon. Mon fils - son
fils, un garçon de vingt ans, assiste à l'entretien
- mon fils en prit autant tandis que ma femme avait
assez comme fardeau de notre petit-fils, un bébé
qu'on nous a envoyé d'Anvers, et dont le père, mon
aîné, a été appelé sous les drapeaux.
Il faut que je me paie
- Alors, vous avez un enfant dans l'armée belge ?
- J'en ai deux, et le troisième, que voici, va
s'engager aussitôt que nous aurons été rapatriés.
- Vous allez vous engager? demandons-nous au fils.
C'est très bien.
Et le fils de répondre, avec un large sourire :
- Il faut bien que je me paie sur leur peau.
- Savez-vous qu'ils se conduisent comme des héros,
les Belges ?
- Ah ! pour sûr ! Mais nous avons connu seulement
leurs succès à Pagny-sur-Moselle. A Metz, en effet,
chaque jour, on annonçait des victoires et lorsque
la nouvelle de la « prise de Liège » fut connue, ce
furent des « hoch » sans fin, des ovations
interminables, un vrai délire...
Le mensonge allemand
Il en était de même, bien entendu, chaque fois
qu'ils avaient battu ces chiens de Français, et je
vous assure qu'il y eut de beaux cris, dans les
rues, lorsque on apprit que Pont-à-Mousson était
brûlée, rasée, et qu'ils arrivaient à Nancy !
- C'est avec ces mensonges qu'on réchauffe le
patriotisme.
- Et il a besoin d'être réchauffé, leur patriotisme.
Tenez, la semaine dernière, j'avais deux réservistes
à loger C'étaient deux Westphaliens. Ils passaient
leur temps à pleurer. En voilà deux qui ne
bénissaient pas le kaiser. Ils allaient à la guerre
avec l'entrain de chiens qu'on fouette. Figurez-vous
qu'ils me faisaient pitié et que je les ai consolés
en leur disant que les Français ne sont pas des
sauvages.
Le départ
Mais revenons à notre départ. J'arrivai donc, lundi,
à la gare de Metz, un peu après midi. Nous étions là
un millier et il en arrivait encore.
On nous parqua dans les salles d'attente, puis on
procéda à l'appel. Par paquets de dix, on nous
conduisit au compartiment. Un soldat, baïonnette au
canon, se plaçait à chaque portière.
- On ne vous a pas brutalisés ?
- Non. Les agents ont été corrects, à la condition
de ne pas se faire appeler deux fois.
De Novéant à Pagny On alla ainsi, par le train,
jusqu'à Novéant. Là, il fallut descendre. Notre
troupeau se forma par rangs de quatre et, précédé
d'un officier, escorté de fantassins, prit la route
d'Arnaville. Là, les Prussiens nous laissèrent, et
firent demi-tour.
Nous savions que nous approchions des avant-postes
français. Toute la troupe se transforma à tout
hasard en parlementaires, en arborant les mouchoirs
au bout de bâtons, de cannes, de parapluies.
Nous pensions arriver le soir même à Vandières.
Malheureusement, on n'allait pas bien vite, car les
meilleurs marcheurs devaient attendre les traînards,
les vieux, les femmes, les enfants.
On resta donc à Pagny, et, pour mon compte, je fus
hébergé chez M. Villemin, un brave hôtelier, qui
nous donna deux lits. Les camarades se répandirent
dans le village, où, nous devons le proclamer bien
haut, on n'aurait pas mieux reçu des parents.
Quelqu'un troubla la fête
On apprit là que les Prussiens y avaient poussé des
pointes, sans faire de mal ailleurs qu'aux caves et
aux poulaillers. Ils avaient pris aussi huit vaches.
Ils étaient en train de se saoûler, lorsque des
chasseurs français vinrent interrompre la fête en
leur mettant la « fourchette » dans les reins.
Ah ! ils ont de l'entrain, les vôtres ! On aurait
dit que ça les amusait de se battre...
Le lendemain matin, réconfortés autant par tout ce
qu'on voyait, par les bonnes nouvelles, que par un
bon repas et une bonne nuit, on se remit en route
pour Vandières.
Courage !
On ne trouvait plus les kilomètres longs. A chaque
poste français, on nous réconfortait, on nous
serrait la main.
- Courage ! Courage ! Bientôt vous rentrerez chez
vous en maîtres.
Un adjudant, qui avait un numéro de l'« Est
républicain », nous donna lecture de la victoire
belge devant Liège. Et vous pensez bien que, pour
mon compte, je pleurai de joie.
A Pont-à-Mousson
A Pont-à-Mousson, qu'on nous avait dit détruite, le
même accueil qu'à Pagny et à Vandières nous
attendait. Là, nous montâmes sur des chars et c'est
dans un attirail pittoresque, juchés au petit
bonheur sur des sacs de paille, que l'on arriva à
Frouard, d'où le train nous a menés jusqu'ici.
Et Samain ? Et les confrères ?
- Avant de quitter Metz, avez-vous appris que Samain
avait été fusillé ?
- Oui. Nous l'avons entendu dire. Une chose est en
tout cas certaine, c'est que personne ne l'a revu à
Metz.
- Et nos confrères des journaux français ?
- M. Pignon, du « Messin », a été arrêté. J'ignore,
depuis, quel est son sort.
M. Houppert, du « Lorrain », doit être aussi coffré.
En tout cas, il n'a pas reparu à son journal.
Il y a aussi les frères Bena, qu'on a inquiétés.
L'un, l'avocat, a dû verser une caution de 80.000
mark. Son frère, Le docteur, doit être toujours en
prison.
- C'est parce qu'ils appartenaient sans doute au
Souvenir français ?
- Non, ou du moins ce ne serait pas seulement pour
cela. Les Prussiens les ont accusés, en effet,
d'avoir empoisonné les eaux.
Les trois couleurs
Comme notre brave Belge exhibe une cocarde
tricolore, nous lui demandons en souriant:
- Vous n'avez pas arboré ces trois couleurs à Metz ?
- Ah ! non !. Nous les avons achetées en France, le
long de la route. Tout le monde en a, les femmes au
corsage, les hommes au chapeau. On n'est pas riche,
mais tant pis. Nous étions si heureux, si fiers
d'arborer les couleurs françaises. Il nous semblait
qu'elles nous porteraient bonheur, et qu'elles nous
mettaient en sûreté.
Et maintenant, le plus dur est passé. Encore un jour
ou deux, et tous ceux qui ont la force de tenir un
fusil s'en iront faire le coup de feu.
Il ne faut pas qu'il en réchappe un seul, de ces
coquins-là...
Vous êtes Belge ?
Un autre expulsé est venu nous voir. Et voici ce
qu'il nous a conté :
- Depuis quinze jours on nous avait habillés en
soldats. Nous transportions toute la journée des
obus et des munitions dans les forts.
Ah ! mon Dieu ! qu'on était mal nourri, quand on
était nourri.
On nous aurait sans doute retenus ainsi en esclavage
jusqu'à je ne sais quand si les Allemands n'avaient
pas appris la résistance héroïque de nos
compatriotes.
Quand ils ont eu les nouvelles, ils nous ont enlevé
l'uniforme, et nous ont expulsés, en nous donnant
trois heures de délai. Passé cette heure, nous
étions prisonniers de guerre.
Je voulais passer par le Luxembourg pour rejoindre
mon pays. A la gare je demandai l'autorisation au
major.
- Vous êtes Belge ? interrogea-t-il.
- Oui.
- Eh ! bien, vous partirez vers Novéant avec le
troupeau. Et je souhaite qu'on vous arrange là-bas
comme vous arranges les nôtres.
- Qu'est-ce qu'on leur fait ?
- On les lie au poteau, et les femmes leur crèvent
les yeux avec des épingles.
Ce militaire doit prendre les Belges pour des
Allemands sans doute.
Les fausses nouvelles
D'ailleurs les journaux écrivent l'histoire de la
même façon.
La « Metzer Zeitung », que j'avais dans la poche,
racontait hier que Pagny était bombardé,
Pont-à-Mousson en flammes, et qu'on entrerait à
Nancy aujourd'hui ou demain avec le prince impérial,
- que j'ai vu à Metz en auto en costume de hussard
de la mort.
Nous nous sommes aperçus que ce n'était pas tout à
fait cela.
Un coup de baïonnette
On nous a donc mis dans le train, gardés par des
soldats.
A Novéant, on nous a débarqués, mis en rang, et
chassés. J'étais éreinté par la chaleur et le poids
de mes pauvres colis.
Un des Bavarois me pousse. Je proteste. Il me donne
un coup de crosse. Je regimbe. Il m'envoie dans la
cuisse un coup de baïonnette qui, heureusement, n'a
déchiré que mon pantalon et ma chemise.
Sans ma femme, qui m'a supplié de me taire, je crois
bien qu'il serait arrivé un malheur !
A Pagny
Enfin nous arrivons à Pagny. On nous accueille à
bras ouverts. On nous loge, à la mairie, à la
Croix-Rouge, chez les habitants, si affectueux pour
nous.
Les uhlans surpris
Dans la nuit nous dormions, - c'était la nuit de
mercredi à jeudi, - quand nous entendons des coups
de fusil. C'étaient des uhlans qui venaient enlever
quelques provisions comme ils avaient fait la
veille.
Mais les chasseurs français, qui étaient en
embuscade, les avaient canardés. Huit uhlans sont
restés sur le carreau pendant que les autres
prenaient la fuite.
Aux postes français
Le jeudi matin nous reprenions le chemin de Nancy,
et nous étions arrêtés à chaque poste. Quel entrain
partout ! Quelle joie d'avoir bientôt à combattre !
Les soldats français étaient joyeux comme il n'est
pas possible de l'être. Ils nous donnaient du pain,
de la viande, du vin.
Ils nous promettaient un retour prochain à Metz, -
chez nous, disaient-ils.
C'était une fête chaque fois que nous les
rencontrions.
Puis on avait acheté des drapeaux, des rubans, et on
portait les trois couleurs au chapeau, sur la
poitrine, partout. Ah ! je le garderai, tout cela !
La situation à Metz
- Et là-bas, à Metz, qu'est-ce qu'on pense ?
Qu'est-ce qu'on dit ?
- On pense que dans trois semaines on mourra de
faim. Le maire, M. Forêt, a demandé aux autorités
militaires qu'elles n'expulsent pas les commerçants.
Les Prussiens ne veulent rien savoir.
Mais en revanche, si les soldats ne sont pas bien
nourris, et si la population connaît la famine, on
les gorge d'heureuses nouvelles qui ne coûtent rien
au service de l'intendance.
Pas un !
On nous disait que les Français, après être arrivés
près de Mulhouse, avaient été repoussés jusqu'au
delà de Belfort.
Qu'on avait fait 2.000 prisonniers, qu'on allait les
amener a la caserne du génie, à Metz.
Qu'on avait pris douze canons, trois mitrailleuses.
Que les Allemands avaient envahi la France.
Je n'ai pas vu de prisonniers français à Metz, ni de
canons français, ni de mitrailleuses françaises.
Mais ce que j'ai bien vu en arrivant à Pagny, c'est
qu'il n'y avait pas un seul Allemand sur le sol de
la France.
Pas un !
NOUVEAU BOMBARDEMENT DE PONT-A-MOUSSON
Nancy, 15 août.
Pont-à-Mousson a été de nouveau bombardé hier
vendredi. Le feu a commencé à 4 heures du matin et
s'est prolongé jusqu'à 6 h. 10. Plus de 200 obus de
150, de 180 et même de 220 sont tombés sur divers
points de la ville, dont une « quarantaine » sur
l'hôpital, que ces barbares paraissaient
particulièrement viser.
Une pauvre fillette de 10 ans, qui se trouvait dans
le jardin, a été tuée. C'est heureusement la seule
victime d'hier. Mais l'hôpital est à peu près
détruit.
Aucun blessé. Les habitants, s'ils se trouvent dans
les rues, savent qu'il faut se coucher par terre
aussitôt qu'on entend siffler un obus.
C'est ce que chacun fait, en regagnant le plus vite
possible sa maison, où tout le monde se réfugie dans
la cave.
C'est dans la cave, en effet, qu'on est le mieux en
sûreté. Que les obus soient tombés par le toit ou à
un étage quelconque, ils se sont toujours arrêtés
aux étages supérieurs ou au rez-de-chaussée.
Une dizaine de maisons ont été endommagées. Un des
obus est tombé dans l'épicerie Bellinger, et a
explosé dans le couloir du magasin, qui a été
détruit.
A l'hôpital, un des obus a éclaté près du lit où est
soigné un officier saxon blessé. Personne n'a été
atteint pas les éclats.
Une quantité de fils télégraphiques et téléphoniques
ont été coupés par les obéis.
Ils ont pu être rapidement réparés.
Les Allemands rectifiaient le tir au moyen d'un
ballon captif, qu'on pouvait apercevoir à la
lorgnette, planant au-dessus de leurs batteries et
faisant des signaux aux artilleurs.
On a beaucoup admiré la crâne attitude d'un officier
supérieur qui, pendant tout le bombardement, pour
donner l'exemple aux troupes, s'est promené dans la
rue, la badine sous le bras.
LES OBUS DE PONT-A-MOUSSON
Nous savons aujourd'hui que plus de cent projectiles
de gros calibre sont tombés, avant-hier, à partir de
10 heures du matin, sur la vaillante petite ville.
Ces projectiles venaient évidemment d'une batterie
de mortiers de 24 centimètres établie à 9 ou 10
kilomètres à l'est de Pont-à-Mousson. Ils ne pèsent
pas moins de cent kilos et renferment une énorme
charge de pierite.
Or, nous connaissons maintenant l'effet matériel
produit par cette avalanche de fer et d'explosifs.
Les renseignements sûrs qui nous parviennent
indiquent que les pertes de la population se
chiffrent par 4 tués et 12 blessés. (Officiel.)
LE SUCCÈS DE SAALES
Paris, 14 août (officiel).
La ville et le col de Saales sont maintenant occupés
par les troupes françaises qui, vendredi, avaient
occupé le plateau voisin.
L'artillerie française a pris à revers les positions
allemandes, et son feu a grandement facilité la
tâche de notre infanterie, qui a eu des blessés,
mais pas un tué.
Nous avons trouvé à Saales des monceaux d'effets
d'équipement abandonnés, ce qui indique une vraie
débandade.
LES AVIONS ALLEMANDS
dégringolent
Paris, 15 août (officiel.) Les avions français
viennent d'obtenir plusieurs succès, dont l'un
particulièrement brillant, dans la région de la
Woëvre. Un avion allemand s'est aventuré au-dessus
de nos troupes, à une hauteur de 1.000 mètres.
Le tir a aussitôt commencé. Il a porté. L'appareil
atteint dans son moteur a commencé à s'incliner. On
a vu les pilotes essayer de le relever. Ils n'y ont
pas réussi et ont dû atterrir.
C'étaient deux officiers, qui ont été faits
prisonniers.
SUR VESOUL ET LURE
Paris, 15 août.
Un avion allemand qui portait un drapeau français a
survolé, jeudi matin, Vesoul et Lure.
Il a laissé tomber trois bombes sur la gare de
Vesoul, puis deux sur celle de Lure.
Ces projectiles n'ont produit que des dégâts
insignifiants.
Les garde-voies et les gendarmes par une vive
fusillade, ont déterminé la fuite de l'avion
allemand, (Officiel.)
Les Prisonniers allemands
A LUNEVILLE
Lunéville, 15 août.
Vendredi, deux autobus chargés de prisonniers sont
arrivés au palais du gouvernement, à Lunéville. Ces
prisonniers sont : 6 uhlans, 2 soldats du 35e
d'infanterie et le chef de gare de
Burthecourt-lès-Vic, pris par les Français avant
leur entrée à Vic.
L'un des prisonniers du 35e, Alsacien-Lorrain,
satisfait de se trouver en France, a raconté que les
troupes allemandes avaient beaucoup à souffrir de la
faim.
Une foule énorme, maintenue à distance par des
sentinelles, était accourue pour voir ces
prisonniers, mais les autobus avaient leurs stores
baissés.
A PAGNY-SUR-MOSELLE
Nancy, 15 août.
Pagny-sur-Moselle vient de subir le sort de
Pont-à-Mousson. Elle a été bombardée hier matin.
Nous avons pu rencontrer, ce matin, un employé de
chemin de fer, qui arrivait de Pagny, où il habite
avec sa femme et ses six enfants.
Il nous a raconté que deux avions allemands ayant
été descendus par les Français, les Allemands
avaient prétendu que les coups de fusil avaient été
tirés par les habitants et, une heure environ après,
les premiers obus étaient tombés.
Il en tomba environ une soixantaine, tant dans la
ville qu'aux abords. Sept maisons ont été démolies,
parmi lesquelles celle de l'employé de chemin de fer
qui nous fait ce récit, et celle de l'adjoint de
Pagny.
La maison d'école a reçu aussi un obus, bien qu'elle
arborât le drapeau de la Croix-Rouge.
D'autres obus ont creusé des trous profonds dans les
rues et dans les jardins. Un morceau de rail arraché
par un projectile sur la voie, a été projeté
jusqu'au milieu de la commune.
Le bombardement a duré environ une heure. Les obus
étaient lancés par des pièces d'artillerie lourde et
par des pièces de siège, probablement, dans ce
dernier cas, par celles du fort Saint-Blaise.
L'adjoint au maire de Pagny est venu, samedi, à la
préfecture, rendre compte de ce nouvel acte
inqualifiable de barbarie.
On ne sait pas encore le nombre de victimes, mais on
le croit heureusement très réduit.
GLOIRE & DEUIL
Nancy, le 15 août.
M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu ce
matin 57, rue de Metz, au domicile de M. et Mme
Chaumont, qui sont les premiers à Nancy à avoir
appris la mort de leur fils sur le champ de
bataille.
M. L. Mirman a présenté, au nom du Gouvernement de
la République, à M. et à Mme Chaumont, tout à la
fois ses respectueuses condoléances et ses
patriotiques félicitations, ses condoléances pour
leur deuil, ses félicitations pour leur gloire. Il
les a remerciés de l'admirable exemple qu'ils
donnent l'un et l'autre de tristesse vaillante et
fière, et d'avoir spontanément compris, avec leur
coeur lorrain, que c'est bien ainsi que veulent être
pleurés les braves enfants tombés sur le champ de
bataille pour la défense de la Nation.
ESCARMOUCHES A CHAMBREY
Paris, 15 août.
Hier quelques escarmouches de patrouille et des
engagements d'avant-postes ont seulement eu lieu à
Chambrey.
Deux compagnies du 18e régiment d'infanterie
bavaroise ont été surprises par nos troupes et
refoulées vigoureusement en laissant un assez grand
nombre de morts et de blessés.
(Officiel.)
Les Opérations françaises
EN LORRAINE ET EN ALSACE
Blâmont-Cirey-Avricourt. - Succès français. - Les
Allemands reculent. - Un progrès dans les
Hautes-Vosges. - Thann reconquis. - Le général von
Deimling blessé. - Nous prenons un drapeau allemand.
- Nos avions lancent des obus sur Metz. - Les
aéroplanes allemands dégringolent.
Paris, 16 août (officiel).
Une affaire importante a été engagée dans la région
de Blâmont-Cirey-Avricourt où nos troupes avaient
devant elles un des corps d'armée bavarois. Les
villages de Blâmont, Cirey et les hauteurs au-delà
ont été brillamment enlevés. Actuellement les
colonnes allemandes se replient, laissant des morts,
des blessés et des prisonniers.
Nos troupes continuent à progresser dans les
Hautes-Vosges où les Allemands reculent.
Dans la Haute-Alsace, Thann a été repris par nous.
Les prisonniers que nous y avons faits affirment que
le général van Deimling, qui commande le 15e corps
et avait son quartier général à Thann, aurait été
blessé à Sainte-Blaise, dans la vallée de la Bruche.
Un drapeau allemand a été pris.
A signaler l'exploit de deux avions français, sortis
de Verdun qui, en survolant Metz ont jeté deux obus
sur les hangars de Frescati où s'abritent les
Zeppelins.
Après avoir essuyé plus de deux cents coups de
canon, nos aviateurs ont pu regagner Verdun sans
dommage après avoir accompli leur mission. Un nouvel
aéroplane allemand a été pris près de Bouillon avec
ses deux officiers.
Le pilote était blessé.
LA SITUATION
Nancy, 16 août.
Il résulte des nouvelles communiquées par le
ministre de la guerre que notre situation dans les
Vosges méridionales se consolide rapidement. Nous
occupons comme on sait les cols du Bonhomme et de
Sainte-Marie-aux-Mines, qui commandent l'accès de
Colmar et de Schlestadt. Nous tenons le col de
Saales où aboutit la route de Molsheim et de
Strasbourg qui longe la vallée de la Bruche. Enfin
nous occupons Thann, à 15 kilomètres au nord-ouest
de Mulhouse, sur la route qui descend du col de
Bussang entre le ballon d'Alsace et le ballon de
Guebwiller. L'action des deux bataillons français
qui, après s'être emparés du village de Lagarde en
Lorraine annexée, ont dû reculer jusqu'à Xures, à 1
kilomètre de la frontière, en territoire français,
par suite de la supériorité numérique d'une
contre-attaque allemande, ne diminue pas
l'importance de nos avantages.
Nous avons d'ailleurs à lui opposer l'anéantissement
du 21e régiment de dragons allemand par une batterie
française dans la région de Spincourt, et le millier
de prisonniers allemands faits à Pillon, à 6
kilomètres de Longuyon.
LA VÉRITÉ
vole à travers les airs
Nancy, 16 août.
Nos aviateurs viennent d'accomplir une besogne
d'assainissement. Il en était grand besoin. Depuis
deux jours, ils volent à travers l'Alsace, de
Mulhouse à Luxembourg, à travers la Lorraine encore
annexée, sur Metz, sur Château-Salins, Thionville.
Et sur les villes, sur les villages, sur les
hameaux, sur les fermes, ils ont déversé une pluie
de vérités, de ces vérités que leurs bourreaux leur
tenaient soigneusement cachées.
C'est ainsi que nos frères ont pu lire, sur ces
papiers tombés du ciel, en français ou en patois
alsacien, que nos armées marchaient à leur secours,
qu'elles occupaient déjà la Haute-Alsace, que nos
chasseurs occupaient la crête des Vosges, que les
Belges se couvraient de gloire en repoussant les
uhlans, que les flottes de France et d'Angleterre
étaient maîtresses des mers et tenaient la flotte
allemande prisonnière dans la Baltique, et que
l'heure fatale allait sonner pour leurs tyrans.
Pendant ce temps, les cigognes d'Alsace, chassées
par le bruit du canon, s'abattaient sur la
cathédrale de Langres, nous apportant sur leurs
ailes palpitantes tout l'espoir d'un peuple opprimé,
qui tend les bras à la liberté que nous allons lui
rendre.
BRAVOURE DE NOS CYCLISTES
Nancy, 16 août
Dimanche dernier, le groupe cycliste d'un bataillon
de chasseurs, en garnison à Limoges, arrivé depuis
l'avant-veille dans l'Est, s'est signalé du côté de
Lagarde.
A trois sections, soit 120 hommes, ils ont pénétré
sur le territoire ennemi, et aperçu pour la première
fois des uhlans. Ne sachant qui ils avaient devant
eux, ils hésitèrent une seconde. Mais une fusillade
les ayant accueillis, ils virent aussitôt à qui ils
avaient affaire. Ils eurent vite fait d'en dégeler
quelques-uns.
Mais, soudain, des avoines et des blés, surgit un
bataillon d'infanterie allemande, qui essaya de les
entourer. Une section de 35 hommes n'était plus qu'à
30 mètres de l'ennemi ; ils donnèrent vaillamment
jusqu'à l'arrivée de leurs camarades.
Un sergent, après avoir abattu sept ou huit ennemis,
fut atteint par une balle. Deux hommes le relevèrent
pour l'emporter. Une dernière fois, il demanda un
fusil, visa, tua un Allemand, puis mourut.
Un caporal reçut du sous-officier l'ordre de se
porter en avant avec son escouade sur le flanc, et
là, sans arme, debout, commanda le feu, comme s'il
avait été dans la cour du quartier.
Pour se dégager, les cyclistes durent charger à la
baïonnette. A la vue de l'arme blanche, les Teutons
fuirent comme des souris. On évalue leurs pertes à
200 hommes, et celles des cyclistes sont de 3 morts
et de 8 blessés.
A signaler le sang-froid d'un cycliste, qui, en se
repliant, s'arrêta pour remettre la chaîne de sa
machine, sous la fusillade. Une balle troua le pneu
d'arrière, puis une autre coupa plusieurs rayons de
la roue d'avant ; voyant qu'il ne pouvait se servir
de sa bicyclette, il se replia, faisant le coup de
feu, jusqu'à ce qu'il eut rejoint ses camarades.
Quelques bicyclettes seules tombèrent aux mains de
l'ennemi.
NE TIREZ PAS !
Nancy, 16 août.
Un certain nombre d'étudiants de Metz, expulsés
comme étrangers par les Allemands, sont encore
arrivés dimanche à Nancy.
Ils avaient fait la plus grande partie de la route à
pied et leur bonheur d'être enfin chez nous leur
faisait oublier les brutalités qu'ils avaient dû
subir de Metz à Novéant.
Encadrés de casques à pointes, qui brutalisaient
jusqu'aux enfants, ils avaient pris leur revanche en
arborant les trois couleurs françaises et en les
promenant, une perche à houblon comme hampe, à
Arnaville, où le plus cordial accueil leur fut
réservé.
Le drapeau était formé, la plupart du temps, par un
mouchoir ou un morceau de jupon et un lambeau de
ceintures rouge et bleu.
Une vieille Lorraine, qui disait être l'une des plus
anciennes ouvrières de la maison Moitrier, de Metz,
racontait toutes les misères du chemin, vers midi,
place Saint-Jean. Elle avait attiré autour d'elle
une foule aussi nombreuse que sympathique.
- Ce qui nous crevait le coeur à la frontière,
ajoutait la bonne grand'mère, c'est nos enfants,
beaucoup de nos enfants, des Lorrains, qui sont
incorporés dans les régiments prussiens. Il paraît
que, quand ils aperçoivent des Français, ils leur
crient :
« Ne tirez pas ! nous sommes vos frères ! Nous
sommes Lorrains ! » Mais les Français peuvent croire
que ce sont de vrais Prussiens qui leur crient ça...
Quel malheur ! »
Ce qu'il y a de bon, c'est que les Prussiens
reculent. On nous disait cependant qu'ils avaient
pris Nancy... Quels menteurs ! Quand nous avons
connu la vérité, à Arnaville, nous dansions, nous
chantions, nous étions fous.
Et la brave femme, qui est presque aphone, conclut :
- Excusez-moi. Je ne peux plus parler. Nous avons
tant chanté la « Marseillaise » !
A WOEL
Paris, 16 août.
A Woel, canton de Fresnes, dans la Meuse, un avion
allemand a jeté trois bombes sur nos troupes.
Personne n'a été atteint. - (Communiqué.)
Une Proclamation aérienne
Nancy, 16 août.
Voici le texte du manifeste que répandent sur
l'Alsace-Lorraine les aviateurs français :
« La France, la Russie, l'Angleterre et la Belgique
sont entrées en guerre avec l'Allemagne dont
l'insolence et la brutalité ont révolté l'Europe.
En France, tous les partis ont oublié leurs
querelles pour s'unir dans un admirable
enthousiasme. Les jeunes gens non astreints au
service, les hommes de plus de 45 ans se présentent
en foule pour s'engager.
Les étrangers eux-mêmes, résidant en France, forment
des légions pour joindre leurs efforts aux nôtres.
La mobilisation s'effectue avec un calme et une
régularité parfaites et une confiance joyeuse.
C'est la guerre sainte qui commence.
Tout le peuple français est résolu à venger vos
souffrances passées et à apporter enfin aux
Alsaciens-Lorrains la délivrance qu'ils Attendent
depuis plus de 40 ans.
Vive l'Alsace-Lorraine !
Vive la France ! »
SUR LA CRÊTE DES VOSGES
Nos succès. - De Réchicourt à Sainte-Marie. -
Sainte-Marie-aux-Mines est enlevée. - Du Donon en
avant. - Dans la vallée de Schirmeck. - Mille
prisonniers. - Jusqu'à Lorquin. - Prise d'un convoi
de cavalerie allemande.
Paris, 17 août (officiel).
Le mouvement en avant s'est développé le 16 août,
sur tout le front de Réchicourt jusqu'à
Sainte-Marie-aux-Mines.
Nous avons enlevé Sainte-Marie-aux-Mines et
progressé dans la région de Saint-Blaise.
Les troupes françaises ont occupé le Donon et se
sont portées en avant.
Dans la vallée de Schirmeck notamment, leurs progrès
ont été extrêmement rapides.
Nous avons fait 1.000 prisonniers, en plus des 500
de vendredi.
De nombreux effets d'équipement ont été abandonnés
par l'ennemi.
Dans cette région, comme à Sainte-Marie, nous avons
pris des canons de gros calibre, des canons de
campagne et des caissons.
Dans la région de Blâmont-Cirey, nous nous sommes
portés jusqu'à la hauteur de Lorquin, en enlevant le
convoi d'une division de cavalerie allemande
comprenant dix-neuf automobiles.
A PONT-A-MOUSSON
Pont-à-Mousson, 17 août.
Le bombardement allemand de Pont-à-Mousson a causé à
l'hôpital des dégâts bien plus importants que l'on
ne supposait.
Des constatations qui ont été faites, il résulte que
soixante-dix obus allemands sont tombés sur les
bâtiments de l'ancien petit séminaire, transformés
récemment en hôpital. Les dégâts causés par les
projectiles seraient évalués, à plus de 100.000
francs.
Depuis deux jours, les Allemands ont cessé leur
canonnade sur Pont-à-Mousson, à la suite d'une
démonstration active de nos troupes.
Les Crimes allemands en Haute-Alsace
Paris, 17 août.
On signale que dans les villages de la Haute-Alsace
qu'ils évacuent, les Allemands se sont livrés à des
actes de sauvagerie même. Nos troupes ont trouvé les
maisons incendiées ; les cadavres des habitants
fusillés encombrent les rues ; c'est le cas,
notamment, à Dannemarie.
Violences envers les Italiens
Paris, 17 août.
Un détachement d'infanterie bavaroise s'est livré,
dans le bassin de Briey, à des actes de pillage et
de violence, non seulement envers les citoyens
français, mais encore envers des sujets italiens
employés dans la région. Les habitations ont été
pillées, les denrées alimentaires enlevées,
l'argenterie dérobée, le maire de Jarny emmené avec
plusieurs Italiens qui ont été maltraités. L'un
d'eux a été blessé mortellement.
NOUVEAU SUCCÈS
en avant de Cirey
Paris, 17 août.
Par un nouveau bond, nos troupes ont fait reculer le
corps bavarois, qui déjà, hier, s'était retiré
devant elles. Les positions que nous occupons sont
en avant de la frontière.
L'affaire de Blâmont-Cirey, signalée dans les
renseignements généraux, a été particulièrement
brillante. C'est vendredi soir qu'une de nos
divisions a commencé l'attaque ; l'ennemi était
fortement retranché par des ouvrages de campagne, en
avant de Blâmont. Ses avant-postes ont été refoulés
et l'attaque s'est arrêtée à la chute du jour ; à
l'aube, nous avons repris l'offensive : une action
d'infanterie, soutenue par l'artillerie, a enlevé,
dans la matinée, Blâmont et Cirey. Les forces
allemandes, évaluées à un corps d'armée bavarois,
ont alors occupé les hauteurs qui dominent au Nord
ces deux localités, mais les forces françaises ont
dessiné un double mouvement débordant, qui a
déterminé le corps bavarois à ramener ses colonnes
en arrière, dans la direction de Sarrebourg.
L'affaire a été chaude et bien conduite. Les
Allemands ont subi des pertes sérieuses, aussi bien
dans la défense de Blâmont et de Cirey, que dans la
défense des hauteurs.
Le moral de nos troupes est excellent ; on signale
spécialement l'énergie et la confiance de nos
blessés.
NOS AVIATEURS A METZ
Paris, 17 août.
Voici les détails sur l'exploit magnifique de nos
aviateurs à Metz : Le lieutenant Césari et le
caporal Prudhommeau, à bord de leur avion, sont
partis de Verdun vendredi, à 17 h. 30, avec mission
de reconnaître et de détruire, si possible, le
hangar à dirigeables de Frescati, à Metz. Les deux
aviateurs sont arrivés au-dessus de la ligne des
forts, le lieutenant, à 2.700 mètres d'altitude, et
le caporal à 2.200 ; une canonnade ininterrompue les
a aussitôt accueillis. Entourés d'une nuée
d'éclatement de projectiles, ils ont maintenu leur
direction ; un peu avant d'arriver au dessus du
champ de manoeuvres, le moteur du lieutenant a cessé
de fonctionner ; l'aviateur ne voulant pas tomber
sans avoir rempli sa mission, se mit en vol plané,
et c'est en vol plané qu'il lança son projectile,
avec un merveilleux sang-froid. Peu après le moteur
reprit.
Le caporal, de son côté, avait lancé son projectile.
Il ne put, pas plus que le lieutenant, observer
exactement, parmi la fumée des projectiles ennemis,
le point de chute, mais il croit avoir atteint le
bec ; l'artillerie allemande continuait à faire rage
; il en fut ainsi pendant dix kilomètres. Plusieurs
centaines de projectiles furent tirés sur les deux
aviateurs, qui sont rentrés sains et saufs. Ils ont
été cités à l'ordre du jour de l'armée.
On se bat gaiement
Difficiles secrets. - Deux frères. - A la
baïonnette. - Pluie de schrapnels. - Gare la bombe !
- Les sauvages. -Notre artillerie. - Pas de taille !
Nancy, 17 août.
Les dépêches officielles sont un peu sobres. Il
apparaît toutefois que, puisque la victoire n'a pour
nous que sourires, on devrait réconforter davantage
les coeurs par le récit des héroïques exploits
qu'accomplissent nos soldats.
Les secrets d'ailleurs deviennent de plus en plus
difficiles à garder. Les blessés qui arrivent sont à
juste titre fiers de conter les hauts faits auxquels
ils ont assisté.
Ils ont l'ordre formel de ne point indiquer les
lieux où se passe l'action, et respectent
strictement la consigne.
Nous la respecterons comme eux, et dans le même
esprit, et ne donnerons ni les localités ni les
noms.
Nous ajoutons que cela ne servira à rien, car
maintenant à Nancy il n'est peut-être pas une
personne qui n'ait recherché et trouvé l'occasion de
causer avec un de ceux qui reviennent, et qui furent
joyeusement héroïques.
Nous avons pu voir, hier dimanche, deux enfants de
Nancy, deux frères qui comptent l'un et l'autre bien
des amis dans la jeunesse nancéienne.
Ils ont pris une part glorieuse à la bataille de
jeudi. Tous deux sont revenus avec des blessures.
Nous avons tenu à leur porter les compliments et les
sympathies de l' »Est Républicain ».
L'aîné dort. Nous respectons son sommeil.
Le cadet nous reçoit en souriant et nous serre
chaleureusement la main.
Ah ! avec quelle émotion nous écoutons son récit !
Des flammes passent dans ses yeux. On dirait qu'il
charge encore à la baïonnette, ou que, stoïque, il
laisse, pleuvoir les schrapnels. Quel brave garçon !
- Avec ma compagnie, nous arrivons, jeudi matin, au
pied du plateau qu'il s'agit d'enlever aux
Prussiens.
Ça n'a pas traîné. On s'élance, baïonnette en avant
; les Prussiens se défendent très mollement. Je puis
même dire qu'ils ont une peur terrible de nos
fourchettes et il nous faut les attraper à la
course.
Dans leurs tranchées, remplies de morts fauchés par
notre artillerie, ils se rendent par paquets. On en
est presque embarrassé.
Le terrain une fois déblayé, presque sans dommages,
nous occupons, une tranchée et bientôt le feu de
l'artillerie allemande s'ouvre sur nous.
Ça, c'est terrible. Il était à peu près 5 heures du
matin, lorsque le premier obus a été tiré sur nous.
Il a éclaté beaucoup en avant. Un second a. explosé
un peu en arrière, mais au troisième ou au
quatrième, le tir était rectifié. Les projectiles
éclataient d'une façon mathématique, à dix mètres
environ au-dessus de nos têtes.
C'était une pluie ininterrompue de balles et
d'éclats de toutes sortes, dans un tonnerre et un
sifflement assourdissants.
Et nous sommes restés trente heures sous ce feu
d'enfer.
Heureusement que, s'il y a beaucoup de blessés, il y
a peu de tués. Mes camarades sont, comme mon frère
et moi, atteints aux bras, aux jambes et aux pieds.
Pour mon compte, j'ai deux éclats d'obus dans une
jambe. Mon frère en a autant, et vous voyez, cela ne
m'empêche pas de vous parler. Par exemple, je ne
puis guère dormir. Mes rêves sont troublés par des
rafales d'obus...
Sur le champ de bataille, on s'y habitue rapidement.
On les entend venir de très loin, grâce à leur
sifflement particulier. Ainsi, au bout d'une
demi-heure de cette musique, on se criait les uns
aux autres - Attention, la gauche, c'est pour vous !
- Eh ! là-bas, ceux de la droite, garé aux pruneaux
!
- Tiens ! en voilà une dégelée pour le centre.
Et on riait en s'en voyant ces avertissements,
tandis que, chaque fois, tel ou tel camarade
annonçait, comme à la salle d'armes : « Touché ! »
Nous sommes restés là sans fermer l'oeil, sans songer
à manger ni à boire, pendant trente heures. Le feu
n'a cessé, en effet, que le vendredi, vers 2 heures
de l'après-midi.
Profitant de l'accalmie, nos ambulanciers sont
arrivés. Ah ! ces sauvages de Prussiens ! Ils sont
aussi lâches de près qu'ils sont barbares de loin.
Aussitôt qu'ils ont aperçu les brancardiers, ils ont
tiré dessus. Je ne sais vraiment pas comment, mon
frère et moi, nous avons pu arriver ici.
Notre héroïque blessé nous raconte tout cela
simplement, sans la moindre forfanterie et sans
haine.
- Leurs balles, ajoute-t-il, ne nous font pour ainsi
dire pas de mal. Leurs fantassins ne visent pas, ou
alors c'est qu'ils sont de bien mauvais tireurs. En
tout cas, comme je vous l'ai déjà dit, aussitôt
qu'ils nous aperçoivent, ils filent comme des
lièvres.
- Et notre artillerie ?
- Notre artillerie est bien supérieure à la leur.
Vous ne pouvez pas vous imaginer quels ravages elle
a faits dans leurs rangs. Ils ont laissé sur le
terrain des monceaux de cadavres.
Nos pointeurs sont admirables. Si le premier coup
ratait leurs rangs, le second les fauchait comme des
épis.
Aussi, nous pouvons avoir la plus entière confiance
dans l'issue de cette guerre. Ils ne sont pas de
taille à lutter avec nous. »
L'entretien était terminé. Il convenait de ne pas
retarder plus longtemps un repos nécessaire à une
prompte guérison, et c'est les yeux mouillés de
larmes - larmes de joie et d'orgueil - que nous
serrons la main à ce modeste héros.
La lettre du troupier. - Toujours les sauvages. - La
mentalité des officiers allemands.- Leur morgue. -
L'espionnage allemand. - T. S. F. - Le martinographe
Nancy, 17 août
Nous sommes heureux de publier une lettre que nous
adresse un de nos jeunes amis actuellement sur la
ligne de feu.
On y trouvera une nouvelle preuve de l'admirable
entrain de nos troupes et aussi de la sauvagerie
épouvantable des Allemands :
« Cher ami,
« Je profite d'un instant de repos pour vous donner
de mes nouvelles, qui sont aussi bonnes que
possible. Les balles prussiennes n'ont pas encore
voulu de ma peau. Après avoir dépassé la frontière,
nous nous sommes repliés derrière des troupes
fraîches pour nous reposer, car depuis 12 jours nous
n'avions pas quitté la première ligne, et nous
n'avions guère dormi. Nous avons déjà envoyé
quelques pruneaux à ces sales Prussiens et ils n'ont
pas répondu bien sérieusement. Ils nous en ont
blessé quelques-uns, mais ce n'est rien à côté de ce
que nous leurs avons servi. Ils agissent en « vrais
pirates, et brûlent les villages et font souffrir
les blessés. C'est ainsi qu'un soldat de ma
compagnie, qui était blessé.
a été mis tout nu et lardé de coups de baïonnette.
Mais on le vengera et ils vont recevoir une belle
volée.
« En attendant, etc. »
Voilà encore un acte de sauvagerie à ajouter à tous
ceux que nous avons déjà publiés. Il semble
d'ailleurs que de tels actes paraissent si naturels
aux Allemands qu'ils les redoutent pour eux-mêmes de
la part de nos soldats. En veut-on une preuve ?
Dernièrement, un officier allemand a eu la gorge
traversée d'un coup de baïonnette. Il a été pris par
nos soldats Seulement les nôtres n'achèvent pas les
blessés. Et l'officier allemand, ramené à Nancy, a
été emmené à l'hôpital militaire et entouré des
soins que comportait son état.
Or, pendant plus de 24 heures, il a refusé toute
nourriture. Ce n'est qu'après s'être rendu compte
qu'on ne lui voulait pas de mal, qu'il a consenti à
manger. Et il a avoué qu'il avait peur, au début,
d'être empoisonné.
Il a, au surplus, retrouvé vite son assurance et sa
morgue. Il réclame maintenant du Champagne, qu'on se
garde bien de lui donner.
Cette morgue, qui en Allemagne rend le chef si
distant du soldat, les officiers la conservent dans
les circonstances les plus graves. Il y a quelques
jours, on a amené à l'hôpital de Nancy un officier
allemand très grièvement blessé d'une balle dans le
ventre. On l'a couché dans une des salles de
l'hôpital où il voisinait avec de simples soldats.
Comme il mâchonnait furieusement des paroles de
mécontentement, un des assistants lui demanda : «
Was vollen sie ? » (Que voulez-vous ?) - « Ein
Zimmer gans allein. » (Une chambre pour moi tout
seul.) répondit l'Allemand,..
Le lendemain, il mourait.
Il est assez curieux de constater que nos braves
amis de Belgique, tout comme nous, étaient, avant la
guerre, pourris, infestés d'espions. Tout se
découvre aujourd'hui, en Belgique comme en France.
Et là-bas comme ici, on reconnaît que c'est surtout
dans les professions électriques que se recrutaient
les espions. L'Allemagne a le génie de l'espionnage
et il faut reconnaître qu'il a aussi celui de
l'électricité. Or l'une peut admirablement servir
l'autre.
Innombrables sont en Belgique les électriciens
allemands qui ont installé chez leurs clients à la
ville ou à la campagne, des postes de télégraphie
sans fil. Et ces clients étaient toujours des
membres de la haute aristocratie ou des officiers.
Le truc était toujours le même. On offre au client
de lui installer un petit poste sur sa maison. C'est
un jouet d'enfant. Grâce à lui, on aura l'heure
officielle. Le client, de bonne foi, se laisse
faire. Et, en temps de guerre, on pense comment le
poste sera utilisé.
Les détails qu'on publie aujourd'hui, sont
particulièrement suggestifs pour des lecteurs
nancéiens qui ne peuvent manquer de les rapprocher
de ceux que, depuis le commencement de la guerre, on
a répétés à mots couverts à Nancy même.
Mais si Nancy a connu des espions dont certains,
paraît-il, ne pourront plus nuire, Nancy n'a
peut-être pas connu le « martinographe », appareil
électrique usité à Bruxelles par des électriciens
allemands qui n'hésitaient pas à s'engager comme
domestiques chez de hautes personnalités pour
surprendre leurs secrets.
Pour en user, il suffit de percer à la vrille dans
le mur de la maison qu'on surveille un trou
imperceptible. On y applique l'appareil qui est très
simple, et composé d'une membrane extrêmement
sensible sur laquelle s'applique un récepteur qui
peut tenir aisément dans la poche. La membrane
amplifie merveilleusement tous les sons, et
l'espion, en appliquant au récepteur son oreille,
peut entendre une conversation même tenue à voix
basse.
Ainsi, depuis longtemps, par tous les moyens,
l'Allemagne, patiemment, insidieusement, préparait
la criminelle agression d'aujourd'hui.
L'heure de la juste expiation va, pour elle, bientôt
sonner.
DANS LA HAUTE-ALSACE
Progression méthodique. - La retraite des Allemands.
- Les pertes de l'ennemi.
:.- Dans les vallées de Sainte-Marie et Villé. -
Vingt kilomètres au-delà de l'ancienne frontière.
Paris, 18 août (officiel)
La situation continue à être bonne et notre
progression méthodique s'accentue en Haute-Alsace.
Les forces allemandes se retirent en grand désordre,
les unes vers le Nord, les autres vers l'Est.
La preuve de ce désordre se trouve dans l'abandon
d'un énorme matériel tombé entre nos mains
(Approvisionnements d'obus, voitures, fourrage,
etc.) Il se confirme que dans les engagements qui
ont eu lieu depuis le début de la campagne dans
cette région, l'ennemi a subi des pertes beaucoup
plus élevées que nous ne l'avions cru au premier
abord. On s'en rend compte, tant par les cadavres
retrouvés, que par le témoignage des prisonniers.
Nous progressons également dans les vallées de
Sainte-Marie et de Villé.
Dans la vallée de la Bruche, nous continuons,
fortement appuyés sur le Donon, à nous avancer dans
la direction de Strasbourg.
Il se confirme que les troupes allemandes
rencontrées devant nous dans cette région sont
complètement désorganisées.
Sur la ligne de Lorquin, Azoudange, Marsal, nos
troupes gagnent du terrain.
Nous avons donc sur la ligne frontière, depuis
Chambrey jusqu'à Belfort. gagné sur l'ennemi une
distance qui varie de 10 à 20 kilomètres et pris
pied fortement., aussi bien en Alsace qu'en
Lorraine.
Les Assassins
Nancy, 18 août.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle, parti de Nancy à
la première heure, et après avoir pris à son passage
à Lunéville, M. le sous préfet de Lunéville et M. le
député Méquillet, a visité successivement les
communes de Badonviller, de Bréménil, de Parux, de
Cirey-sur-Vezouse, de Frémonville, de Blâmont et de
Domèvre.
Il a, dans quelques-unes de ces communes, dressé
procès-verbal des actes de sauvagerie commis par les
troupes allemandes : assassinats, incendies, vols et
pillages.
A BADONVILLER
Les crimes ont été les plus nombreux à Badonviller :
parmi les victimes, la femme du maire, Mme Benoit,
fusillée au moment où, sur l'ordre de l'officier
bavarois, elle ouvrait les fenêtres de sa maison,
Non pas au moment ou à l'occasion du combat, mais à
la fin de celui-ci, sans aucune raison se rapportant
a la défense, par colère et par rage. Ces sauvages,
avant de se replier, ont canonné et démoli l'église,
qui est en ruines.
M. Mirman s'est rendu chez le beau-père de M.
Benoit, où la famille du maire est réfugiée. Il a
embrassé les enfants, leur a dit combien, en même
temps qu'ils doivent garder l'impérissable souvenir
de leur pauvre mère, ils doivent être fiers de leur
père pour toute l'énergie qu'il a dépensée en ces
circonstances tragiques. M. le préfet de
Meurthe-et-Moselle, dès son retour à Nancy, a
télégraphié au gouvernement pour rendre hommage a la
fermeté de nos maires lorrains et pour signaler tout
spécialement l'admirable conduite de M. Benoit qui,
après avoir vu sa femme fusillée, sa maison ce
commerce et sa maison privée totalement incendiées,
après avoir subi lui-même les pires traitements,
sans connaître un moment de défaillance, sans se
laisser aller à sa propre douleur, est resté jours
et nuits sur la brèche, veillant à tout, s'occupant
de tout, le coeur meurtri, mais l'âme forte, toute la
volonté tendue vers l'accomplissement du devoir.
Ajoutons ce trait : le lendemain le cette journée
tragique les barbares se replient quelques heures
après, l'un d'eux est fait prisonnier et ramené à
Badonviller ; la population exaspérée se précipite
jour lui faire un mauvais parti ; M. le maire
Benoit, dont l'autorité a grandi dans ces preuves.
s'interpose, rappelle les lois de la guerre, le
respect dû aux prisonniers, quels qu'ils soient. Il
sauve la vie de cette brute, marquant ainsi tout à
la fois la magnifique noblesse de son propre
caractère et la supériorité morale qui fait la vertu
de notre nation et qui assurera et sanctifiera la
victoire.
A BRÉMÉNIL
A Bréménil, des assassinats aussi ont été commis :
un pauvre vieillard de 74 ans se sauve de sa maison
en flammes et traverse la rue pour chercher un
refuge dans l'église ; les brutes - et le combat
était fini - tirent sur lui comme sur un lapin et le
tuent. Un malheureux blessé gravement d'une chute de
bicyclette quelques semaines auparavant, alité, est
brûlé dans sa maison avec sa vieille mère de 76 ans.
Les restes de ces deux victimes ont été recueillis
le lendemain. Le maire, Camille Thiaucourt, est, sur
le pas de sa porte, fusillé à bout portant. Une
balle lui traverse l'épaule. Le lendemain, il fut
transporté dans une ambulance de Cirey, où M. le
Préfet n'a pas manqué d'aller le saluer
respectueusement.
A PARUX
La petite commune de Parux est parmi les plus
éprouvées. Sur 60 maisons, 10 sont entièrement
consumées. Là encore des crimes atroces ont été
commis.
A CIREY
Pas de meurtre à Cirey. M. le Préfet a visité à la
mairie l'ambulance organisée par Mme Mazerand, puis
l'ambulance de l'orphelinat où M. le Maire de
Bréménil est soigné.
Sur la place de la Mairie, au moment de quitter la
commune, une scène vraiment impressionnante s'est
produite.
Un officier général et M. le Préfet se rencontrent,
se serrent la main, le général disant au préfet que
tout va bien sur le front voisin, le préfet assurant
le général que tout va bien pour la France, de
Belfort à Liège, sur la frontière germano-russe, à
Belgrade, dans l'Adriatique, en Afrique, dans le
monde entier, où partout la bêta est traquée et
recule.
Une foule nombreuse, officiers, soldats, paysans,
s'est réunie autour des deux interlocuteurs, et
lorsque ceux-ci se donnent l'accolade fraternelle,
symbolisant dans cette étreinte l'indissoluble union
de l'Armée et de la Nation, un immense cri s'élève
de « Vive la France »
A BLAMONT
A Blâmont. les misérables brutes teutonnes ont
assassiné aussi plusieurs personnes, ont pillé et
saccagé plusieurs maisons, entre autres la grande
chocolaterie appartenant à M. Burrus, sujet suisse.
Quand ils durent quitter Blâmont et se replier ils
emmenèrent douze otages dont le curé et le
buraliste.
Ils les conduisirent auparavant à la place où le
pauvre M. Louis Foëll venait d'être fusillé et, leur
montrant la cervelle épandue sur les pavés
sanglants, les menacèrent du même sort.
L'un des otages, M. Colin, professeur de sciences au
lycée. Louis-le-Grand à Paris, et en villégiature
familiale à Blâmont, fut emmené en chemise, pieds
nus.
Indigné par les brutalités qu'il voyait commettre
sur des enfants - sa propre fille reçut un coup de
crosse en pleine figure - M. Colin, s'adressant à un
jeune lieutenant, lui crie : « Mais vous n'avez donc
pas de mère ! » Et l'émule de Forstner de répondre
textuellement ces paroles caractéristiques de la
mentalité d'une race : « Ma mère n'a pas fait de
cochons comme toi ! »
Les otages de Blâmont emmenés jusqu'à Cogney,
enfermés dans l'église de cette commune de 6 heures
du soir à 7 heures du matin, ont pu retourner à
Blâmont.
Chez toutes ces populations lorraines si
tragiquement éprouvées, aucun abattement, aucune
défaillance.
Un sentiment domine les chagrins intimes les plus
cruels : « La France va vaincre ! » Ceux-ci ont
perdu leurs récoltes ; ceux-là ont vu leur maison
saccagée ; les uns ont vu les barbares incendier
leur demeure ; d'autres ont vu fusiller. Beaucoup
ont été menacés, insultés, frappés, blessés.
Quelques-uns ont connu en même temps toutes ces
épreuves. Aucun ne baisse la tête. Les yeux ont des
flammes, non des larmes.
Oui, il y a en eux et autour d'eux des ruines. Mais,
au-dessus de toutes ces ruines s'élève, rayonnante
de force, de gloire, de beauté, l'image sainte de la
patrie triomphante.
A MARS-LA-TOUR
Les Allemands ont choisi le jour anniversaire de
Mars-la-Tour, le 16 août, pour bombarder ce petit et
glorieux village, composé de fermes inoffensives.
Un des témoins de ce nouvel acte de sauvagerie nous
en fait le récit dans nos bureaux. Il arrivait de
Verdun, où un grand nombre d'habitants de
Mars-la-Tour se sont depuis réfugiés :
« Dimanche, à 2 heures et demie de l'après-midi, la
population tout entière dia village était aux
vêpres, car elle avait tenu à célébrer quand même
l'anniversaire du 16 août 1870.
Soudain, un coup de canon retentit. Un obus passe en
sifflant et tombe sur le village.
Les habitants sortent aussitôt de l'église et
courent se réfugier dans les caves.
Pendant ce temps, le bombardement continue. Avec une
régularité mathématique, les obus tombent, par
séries de cinq, de cinq en cinq minutes.
On peut apercevoir la fumée des canons. La batterie
- une batterie de 77 - est installée près de
Vionville, non loin du Lion qui se dresse à
l'intersection des routes de Tronville et de.
Vionville, soit à environ trois kilomètres et demi
de Mars-la-Tour.
Deux personnes sont frappées à mort, pendant
qu'elles se sauvent de l'église dans les caves ;
c'est d'abord M. Thomas, ancien mécanicien, qui est
tué non loin de la gendarmerie ; puis Mme Bastien,
tuée en arrivant chez elle, vers le monument.
Le bombardement se termine ainsi vers 3 heures et
demie.
Plusieurs maisons sont touchées, mais une seule
l'est sérieusement, celle du percepteur.
Il ne semble pas que les artilleurs allemands aient
eu particulièrement pour objectif l'église, qui
renferme le musée bien connu, ou le monument.
L'église, en effet, n'a pas été atteinte et le
monument a été à peine éraflé.
En revanche, la gare a dû être spécialement visée.
Sept ou huit bombes sont tombées dans ses parages et
le château d'eau a été touché. La gare elle-même n'a
pas souffert. Du reste plusieurs obus n'ont pas
explosé et l'on rapproche des effets aussi anodins
du 77 allemand des terribles ravages qu'aurait faits
notre 75, surtout en tirant d'une aussi courte
distance.
Vers 6 heures, alors que la population commençait à
être revenue de son émotion, quatre uhlans, conduits
par un sous-officier. arrivèrent dans le village,
lance ou revolver au poing.
Ils passèrent comme une trombe, en hurlant : «
Victoire ! Victoire ! Français capout ! » et se
dirigèrent, bride abattue, vers la gare. Au passage
à niveau, apercevant la garde-barrière, ils lui
demandèrent : « Gare ! Gare ! Papier ! » La garde-
barrière esquissa un geste d'ignorance et les
cavaliers allemands se trompèrent de chemin et
rentrèrent dans le village.
Ils se rendirent au domicile du maire, M. Seners et,
toujours revolver ou lance au poing, lui donnèrent
l'ordre de leur livrer 16 chevaux et 4 voitures.
M Seners leur fit comprendre que tous les chevaux de
la commune et que toutes les voitures avaient déjà
été réquisitionnés, et qu'il lui était impossible,
par conséquent, de leur procurer ce qu'ils
demandaient.
Les Allemands n'insistèrent pas davantage. Ils
repartirent vers Vionville. »
A PILLON
Le curé de Pillon (Meuse) a fait une déposition très
intéressante sur les brutalités et crimes allemands.
Le 10 août, quinze Allemands sont entrés au
presbytère et ont mis le curé en joue. On l'a tiré
dans la rue, toujours, sous les fusils braqués, puis
ordre a été donné de le conduire au général. Pour
l'y mener, on J'a poussé à coups de crosse. Quand il
s'arrêtait, on le frappait. A un moment, il a tiré
son mouchoir, on le lui a confisqué. Il c'est écrié
:
- Vous êtes des brutes, amenez-moi à un de vos chefs
qui parle français.
Un officier a répondu en français :
- Votre compte est bon.
Un boulet français éclate non loin de la troupe
emmenant le curé. Les Allemands se couchent, mais
ils obligent le prêtre à rester debout. On arrive
devant le général qui dit en substance :
- Je sais bien que vous n'avez pas tiré, mais vous
êtes l'âme de la résistance, je vais brûler le
village.
Le feu est mis d'abord à quinze maisons, puis aux
autres. Pendant ce temps, le curé est maintenu deux
heures debout sous le soleil. Soldats et officiers
l'insultent en français et en allemand. Dès qu'il
proteste, on le couche en joue. Les officiers lui
disent :
- Regardez comme ça brûle. C'est bien fait. Les
Français sont des sauvages.
Et ils ajoutent de temps en temps :
- D'ailleurs, on va vous fusiller.
Sous ses yeux, les soldats dévorent ce qu'ils ont
volé dans le village. On ne donne au curé rien à
manger, rien à boire.
Enfin, voici le dernier acte : un officier dit au
curé :
- Nous vous emmenons avec nous.
Effectivement, pendant tout le combat on le tint
dans les rangs allemands sous la mitraille française
avec une sentinelle pour le garder. A 6 heures du
soir, les Allemands battus s'enfuient, Le curé
réussit à leur échapper non sans avoir vu un soldat
allemand tuer d'un coup de fusil un habitant de
Pillon caché derrière une haie.
ZISLIN
Nancy, 18 août.
On nous annonce que Zislin, le collaborateur d'Hansi
à « Dur's Elsass », va s'engager à Besançon.
LA SAUVAGERIE ALLEMANDE
Paris, 18 août.
Signalons de nouveaux actes de sauvagerie commis par
les troupes allemandes à Blâmont, ce village dont
les Allemands viennent d'être chassés par nos
troupes.
Ils ont, sans aucune raison et sans avoir été
provoqués, mis à mort trois personnes, dont une
jeune fille et un vieillard de 89 ans, M.
Barthélémy, ancien maire de Blâmont.
(Officiel.)
LES CIGOGNES A NANCY
LE GLAIVE DE LA LORRAINE
PERDUS !
Nancy, 18 août.
Nancy vient de recevoir la visite des cigognes
d'Alsace. Mardi matin, une troupe de cinquante à
soixante a « survolé » notre ville. Elles étaient
réunies à peu près au-dessus de la place Dombasle et
tournoyaient pour chercher leur route. Généralement,
les cigognes ne quittent l'Alsace que dans le
commencement ou mois de septembre. Mais les
mouvements de troupes, les coups de canon les ont
dérangées et ont hâté leur départ, en même temps
qu'ils dérangeaient leur itinéraire habituel.
Cigognes, cigognes d'Alsace, soyez bénies, qui nous
apportez l'espérance !
Tous ceux - et ils sont nombreux de puis quelque
temps - qui ont fréquenté le péristyle de l'hôtel de
ville, ont vu la maquette du monument de Longwy par
le regretté Bussière : « La Lorraine saluant ses
morts ». Une femme, la poitrine couverte d'une cotte
de mailles, coiffée du bonnet lorrain, étreignant un
drapeau, salue de l'épée d'un large geste. Le
malheur est que, depuis quelque temps, l'épée de la
Lorraine était brisée. Ce détail a frappé un des
collaborateurs du sculpteur Bussière.
- Ce n'est pas le moment a-t-il pensé, de montrer au
public un glaive rompu.
Et, depuis hier, la Lorraine serre d'une main ferme
une épée toute neuve, solide, massive, résistante.
Puissant symbole de l'énergique, de l'admirable
vacance de nos divisions de fer qui, au-delà de la
frontière, combattent pour le droit et la
civilisation contre des adversaires dont la plupart
sont ignorants de la véritable situation présente.
Cette ignorance, ne croyez pas qu'elle n'existe que
chez les soldats allemands, plus ou moins ignares et
faciles a duper. Leurs officiers eux-mêmes ont été
absolument isolés du reste du monde. Citons encore
une anecdote qui s'est passée à l'hôpital de Nancy,
et que nous garantissons.
On y soignait un jeune lieutenant allemand, celui-là
fort convenable et paraissant reconnaître les soins
qui lui étaient donnés. Il causait d'ailleurs très
bien le français. Dans une conversation qu'il a eue
avec le major qui le visitait, ce dernier lui a
appris que l'Allemagne avait contre elle la France,
la Russie, l'Angleterre, bientôt peut-être le Japon,
et que l'Italie était neutre.
Ce fut chez l'officier allemand un effondrement, un
mouvement de stupeur profonde.
Et, se laissant retomber sur son oreiller, il
murmura : « Nous sommes perdus. »
LA VOIX DU CANON
Nancy, 18 août.
Dans la nuit de lundi à mardi, à partir de 11 heures
du soir et jusqu'à 1 heure du matin, on a entendu,
de Nancy, une violente canonnade.
INCENDIES ET PILLAGE A BADONVILLER
Nancy, 17 août
Tout aujourd'hui Nancy a reçu des habitants de
Badonviller qui fuient leur gentil village dévasté
par les Allemands. Dès que l'un de ces sinistrés
parlait de l'horreur allemande dans la rue, ou dans
notre salle de dépêches, vite il était entouré par
une foule avide de nouvelles et angoissée La
catastrophe épouvantable qui ruine tant de familles
et les jette dans le deuil était contée en paroles
un peu haletantes.
Et l'indignation de ceux qui écoutaient soulignait
la tragique sobriété des récits.
Une jeune femme, encore toute émue de ce que ses
yeux avaient vu, accompagnée de ses deux enfants,
est venue à l'« Est » et nous a dit :
- Mercredi dernier, vers onze heures, les Allemands
entrèrent chez nous. Craignant que nos soldats se
fussent cachés dans les habitations, ils ordonnèrent
aux habitants d'ouvrir portes et fenêtres, puis
commencèrent les perquisitions.
Comme la femme du maire ouvrait ses persiennes, un
coup de feu éclata et la malheureuse s'écroula tuée
net.
Son mari survint et se précipita. Il trouva sa
compagne baignant dans une mare de sang. Il voulut
alors l'embrasser une dernière fois, mais un
officier présent s'interposa et le malheureux fut
entraîné dehors.
Les Allemands prétendaient que les habitants avaient
tiré sur eux. Ils incendièrent la maison du maire et
85 autres habitations.
Un facteur passait à ce moment. Les soldats
l'entourèrent et, à coups de baïonnette, lui
tailladèrent littéralement le visage et le corps,
puis ils incendièrent la maison dans laquelle se
trouvaient le beau-père et la belle-mère du
malheureux fonctionnaire.
Un habitant et son fils furent fusillés devant les
yeux de leur épouse et mère. En se retirant, les
Allemands mirent le feu à l'église qui brûla en
partie.
Un certain nombre de morts furent saisis par les
pieds et jetés, deux dans une maison incendiée et un
autre dans le ruisseau.
Ils emmenèrent une quinzaine d'habitants - parmi
lesquels un bambin de onze ans et un vieillard de
soixante-douze ans - comme otages - leur promettant
de les relâcher un peu plus loin si le reste de la
population ne faisait point acte d'hostilité à leur
départ.
Un seul fut renvoyé. Quant aux autres, ils furent
entraînés dans la direction de ce qui, hier, était
la frontière.
Avant de partir, ils pillèrent la ville et ils
chargèrent leur butin sur quatorze charrettes,
tandis que les femmes et les enfants s'enfuyaient à
travers les champs.
Ils dévalisèrent le chai d'un négociant en vins,
absorbèrent tout ce qu'ils purent, et ce qu'ils
n'arrivèrent pas à ingurgiter ou à emporter, ils le
vidèrent à pleins seaux dans la rue.
Aux habitante rassemblés et gardés, un officier fit
un discours en français. Il proclama notamment que
les habitants avaient eu l'audace de tirer sur les «
fiers » et « nobles » soldats allemands - qu'on leur
reprochait d'être des barbares, mais qu'en réalité
les barbares étaient les soldats et le gouvernement
français.
Puis la bande se retira, emmenant le juge de paix,
un commis de perception, un conseiller municipal, le
receveur des postes et quelques autres habitants.
Ainsi, sans inutiles phrases, a parlé la jeune femme
de Badonviller, à qui ses enfants indiquaient les
précisions qui échappaient, à une mémoire
bouleversée par la vue de tant d'horreur.
EN ALSACE
Coup d'oeil d'ensemble. - Nos troupes occupent
Schirmeck, prennent 12 canons, 8 mitrailleuses, 12
caissons. - La cavalerie française à Mulbach. -
Occupation de Villé. - La ligne Thann, Cernay,
Dannemarie.
Paris, 18 août.
Notre progression a continué à se développer. Nos
troupes ont enlevé les hauteurs au nord de la
frontière, leur ligne passe par Abreschviller,
Lorquin, Azoudange, Marsal. Dans la région du Donon,
nous occupons Schirmeck, 12 kilomètres en aval de
Saales. Le nombre des canons de campagne pris par
nous sur ce point est non pas de quatre, comme il a
été dit hier, mais de douze, en plus de douze
caissons et de huit mitrailleuses. Notre cavalerie a
poussé jusqu'à Lutzelhausen et Mulbach. Plus au sud
nous avons occupé Villé, à l'est du col d'Urbeis,
sur la route de Schlestadt et Sainte-Croix-aux-Mines
; il y a été pris de l'artillerie lourde de
campagne.
En Alsace, nous sommes fortement appuyés à la ligne
Thann, Cernay et Dannemarie.
LE PREMIER DRAPEAU
enlevé aux Allemands
A ÉTÉ REMIS
au Ministre de la Guerre
Paris, 18 août.
Au cours des opérations engagées dans la
Haute-Alsace, nos troupes ont enlevé un drapeau
allemand. Ce drapeau, qui est celui du 132e
d'infanterie, a été pris à Saint-Blaise, dans la
vallée de la Bruche, par la 10e bataillon de
chasseurs. Il a été apporté à Paris au ministère de
la Guerre, par la colonel Serret, hier encore notre
attaché militaire en Allemagne ; il sera transféré
ensuite aux Invalides.
Rappelons que c'est le 10e bataillon de chasseurs
qui, à Solférino, a pris un drapeau autrichien et a
fait décorer le drapeau des chasseurs à pied. Le
ministre de la Guerre, lui-même ancien capitaine de
chasseurs à pied, a adressé immédiatement par
dépêche ses félicitations aux officiers et aux
chasseurs du 10e bataillon.
LA JOURNÉE MUNICIPALE
Nancy, le 18 août 1914
Tous les journaux veulent bien insérer le détail des
souscriptions remises à l'hôtel de ville. On sait,
en effet, qu'à côté de la Recette municipale
fonctionne, sous le péristyle, un bureau spécial.
Dans la journée des 17 et 18 août ce modeste bureau
a reçu environ vingt-cinq mille francs. Ce chiffre
montre combien est grand l'empressement par où nos
concitoyens continuent de répondre à l'appel de la
ville. Il n'y a plus ni parti, ni couleur, c'est
bien l'Union nationale réalisée unanimement et dans
toute sa force, que celle qui se manifeste par une
liste où figurent, quasi côte à côte, l'Evêché et la
Loge maçonnique de Nancy.
Un tel spectacle est réconfortant au suprême degré.
Il serait de mauvais goût d'y insister. Ce serait
donner à entendre qu'on a pu mettre en doute la
possibilité de ce miracle qui se renouvelle
constamment aux heures critiques : La France Une et
Indivisible.
Mais s'il ne faut pas insister, il est permis de
souligner, au passage, la haute signification de
cette unanimité.
Nous sommes prié de détruire une légende avant
qu'elle ait pris force et vigueur. On a dit, ou
écrit, que les répartiteurs chargés de pourvoir aux
placements militaires se verraient dans la nécessité
de faire enfoncer les portes des logements vides
dont on n'aurait pas les clefs.
Si un tel propos a été tenu (et nous nous demandons
s'il l'a été), ça n'a pu être qu'en manière de
plaisanterie, plaisanterie d'un goût discutable,
d'ailleurs.
La Commission des logements s'occupe avec zèle de sa
tâche ardue, mais ce zèle ne saurait aller jusqu'à
forcer les portes des logements dont les occupants
légaux sont absents, et dont, parmi ceux-ci,
beaucoup servent sous les drapeaux.
A en croire les notes publiées dans certains
journaux de Paris, les familles des militaires
mobilisés auraient le droit de s'adresser à la
mairie pour obtenir des nouvelles.
Il n'en est rien. Mais la municipalité de Nancy
vient de prier tous les hôpitaux et ambulances de
lui fournir quotidiennement les noms des militaires
admis à ces hôpitaux, et dont les familles soit
domiciliées en notre ville.
Une liste a été communiquée au moyen de laquelle on
pourra répondre aux demandes, si nombreuses et si
intéressantes, formulées jusqu'ici par les
intéressés, dans les divers bureaux de la mairie.
Prière de s'adresser désormais au secrétariat.
L'ABSINTHE INTERDITE A NANCY
Nancy, 18 août.
Le Préfet de Meurthe-et-Moselle a pris l'arrêté
suivant :
« Article premier. - A dater de ce jour, la vente de
l'absinthe est interdite dans les débits de
boissons.
« Article 2. - En cas d'infraction, les
établissements seront immédiatement fermés.
« Article 3. - MM. les sous-préfets, maires,
adjoints, commissaires de police, la gendarmerie et
tous agents de la force publique sont chargés
d'assurer l'exécution du présent arrêté, qui sera
immédiatement publié et affiché dans toutes les
communes du département. »
(à
suivre) |