| La Grande guerre. La Vie en Lorraine
							René Mercier
 Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
 Date d'édition : 1914-1915
 La Grande GuerreLA VIE EN LORRAINE
 JANVIER 1915
 L'Est Républicain NANCY
 Au mois de janvier le mauvais temps gêne les 
							opérations. Cependant les Allemands s'efforcent 
							entre la Moselle et la Meuse, et persistent dans 
							leur vaine tentative d'encerclement de Verdun. Ils 
							réussissent à ramener de 1,800 mètres notre front du 
							côté de Soissons. Là s'arrête définitivement leur 
							souffle.
 Pour nous, nous occupons Steinbach en Alsace. Nos 
							avions bombardent Metz, et nous nous décidons à 
							publier le premier rapport sur les atrocités 
							allemandes.
 Les Taubes viennent de temps en temps sur Nancy sans 
							faire grand mal.
 Les Zeppelins vont maintenant tuer des femmes et des 
							enfants sur les côtes anglaises, pendant que nos 
							amis Anglais, en un combat naval, mettent en fuite 
							les navires allemands et coulent le Blücher.
 Janvier 1915 est le mois où l'espérance s'ajoute à 
							la foi. S'il n'est pas d'une activité décisive, il 
							montre que notre résistance est à l'épreuve de la 
							fureur germaine.
 René MERCIER.
 L'AN NOUVEAU Voici l'an 1914 passé. Il emporte avec lui bien des 
							deuils, bien des ruines, bien des désastres.Mais on ne saurait rien lui reprocher. Avec la 
							guerre il nous a donné l'union nationale, et a 
							développé la conscience de notre valeur morale. Il a 
							montré à nos ennemis étonnés, à l'univers surpris de 
							quelle volonté sont formées les âmes françaises, 
							d'apparence frivole, et quelle énergie enferment ces 
							corps que l'on croyait frêles.
 L'an 1914 nous a donné l'orgueil du nom français.
 Qu'il soit loué.
 L'an 1915 est là, qui nous apportera bien des 
							douleurs nouvelles.
 Qu'il soit béni quand même. Il nous délivrera de 
							l'invasion allemande. Il portera à la vanité 
							germaine exaspérée le coup mortel. Il offrira au 
							monde entier la paix idéale dans la joie de la 
							liberté reconquise.
 L'an 1914 nous a donné une guerre qui nous a relevés 
							à nos yeux et aux yeux de tous.
 L'an 1915 nous donnera et donnera à nos enfants une 
							paix à jamais glorieuse qui mettra la force au 
							service du droit.
 Aux amis soldats dans les tranchées, sur les voies, 
							dans les bois et dans les villes, aux amis civils 
							qui, sous la menace des obus et des bombes, dans les 
							champs ou aux ateliers travaillent à l'éternel 
							renouvellement de la vie nationale, l'Est 
							républicain souhaite une année heureuse.
 L'an 1915 ne sera point à son terme que notre 
							souhait sera réalisé.
 Vive l'an nouveau l
 RENÉ MERCIER.
 LA CORRESPONDANCE AVEC L'ALSACE Liste des localités pour lesquelles la 
							correspondance peut être acheminée via Dannemarie au 
							tarif intérieur français : 0 fr. 10. Service 
							organisé depuis le 6 octobre 1914 :Altenach, Ballersdorff, Balschwiller, Bellemagny, 
							Brechaumont, Bretten, Butwiller, 
							Chavanne-sur-l'Etang, Dannemarie, Dieffmatten, 
							Eglingen, Elbach, Eteimbes, Fackwiller, Friesen, 
							Fulleren, Guildwiller, Commersdorff, Guevenatten, 
							Hagenbach, Hecken, Hindlingen, Largitzen, Lutran, 
							Magny, Manspach, Merzen, Montreux-Jeune, 
							Montreux-Vieux, Pfetterhausen, Reitzwiller, Romagny, 
							Saint-Cosme, Saint-Ulrich, Seppois-le-Bas, Seppois-leHaut, 
							Sternenberg, Struh, Traubach-le-Bas. Traubach-le-Haut, 
							Uberkummen, Uberstrass, Valdieu, Wolfersdorf.
 UNE SEMAINE DE GUERREdu 16 au 24 décembre
 Cette période a précisé et accentué les résultats 
							précédents. Nous avons réduit partout l'ennemi à la 
							défensive. Ses échecs pour la reprise du terrain 
							perdu confirment nos avantages, et sur plusieurs 
							parties du front nous avons pris plusieurs points 
							d'appui importants.
 De la mer à la Lys. - Dans la boue.
 Les opérations au nord de la Lys ont été très dures. 
							La boue envahit les culasses et rend le tir 
							impossible. Nos soldats sont des blocs de boue.
 On a organisé pour eux, à la sortie des tranchées, 
							des services de bains, de changement de linge.
 Leur inaltérable bonne humeur supporte 
							merveilleusement l'existence rude infligée par 
							l'hiver.
 Avant Nieuport, nous avons progressé sur les dunes. 
							Le 15 décembre, nous avons débouché de Nieuport 
							jusqu'à la lisière de Lombaërtzyde.
 Le 16 décembre, nous avons poussé jusqu'à la mer, et 
							occupé le phare. Nous avons fait plus de cent 
							prisonniers. Les jours suivants, nous avons gagné 
							près de 400 mètres, que nous avons conservés, malgré 
							les contre-attaques de l'ennemi.
 Au nord- d'Ypres, la lutte se concentre près de 
							Steenstraete-Bixschoote, autour du cabaret Korteker. 
							Nous avons pris plusieurs tranchées, quatre 
							mitrailleuses, fait 150 prisonniers et gagné plus de 
							700 mètres.
 Au sud d'Ypres, nous avons gagné 400 mètres le 16 
							décembre. Les jours suivants, nous avons pris deux 
							mitrailleuses, des caissons et plusieurs groupes de 
							maisons, malgré les difficultés du terrain, car il 
							faut combattre dans l'eau.
 
 De la Lys à l'Oise.
 Au nord de Lens, dans la région de Vermelles-Notre-Dame 
							de Consolation nous avons progressé de 950 mètres. 
							Nous sommes arrivés à la bifurcation des chemins de 
							Loos-Le Rutoire-Vermelles, le 20 décembre, aux 
							premières lignes des tranchées de l'ennemi qui 
							essaie inutilement de déboucher de Carency. Carency 
							reste entre ses mains.
 Aux portes d'Arras, nous avons attaqué et gagné du 
							terrain à Saint-Laurent-de-Blanzy. Nous avons fait 
							exploser un dépôt de munitions à Tholus, et 
							plusieurs canons à l'est de Blanzy.
 Entre Arras et Noyon, les principales actions ont eu 
							lieu à Ovillers, La Boisselle, Mametz, Carnoy, 
							Maricourt et Lihons.
 Du 17 au 19 décembre, nous avons enlevé le cimetière 
							de La Boisselle, les tranchées de première ligne de 
							Maricourt.
 Nous avions atteint la lisière sud de Mametz. Le 14 
							décembre, nous tenons toute la partie sud de La 
							Boisselle, en prenant 80 prisonniers et une 
							mitrailleuse.
 Nous' repoussons, le 11 décembre, les 
							contre-attaques allemandes près de Carnoy.
 Notre artillerie détruit les tranchées allemandes au 
							nord-est de Camoy. Elle démolit deux mitrailleuses. 
							Le lendemain, elle démolit deux pièces allemandes 
							qui étaient en batterie près de Hem.
 Dans la région de Lihons, nous avons pris des 
							tranchées que nous avons dû défendre contre de 
							furieuses contre-attaques, notamment le 19 décembre, 
							où nous avons fauché des colonnes allemandes par 
							quatre.
 
 Entre l'Oise et l'Aisne.
 Entre l'Oise et l'Aisne, notre artillerie a détruit 
							les mitrailleuses d'un observatoire, près de 
							Tracy-le-Val, et une barricade dans la région de 
							Vally. Elle a démoli plusieurs pièces, descendu des 
							ballons captifs, et bouleversé les tranchées 
							ennemies sur le plateau de Mouvion.
 Notre infanterie a réalisé des progrès incessants 
							dans la région de Nampcel-Puisaleine, en enlevant 
							des tranchées ennemies, en prenant des 
							mitrailleuses, en repoussant des contre-attaques à 
							la baïonnette.
 Au sud de Laon, à Craonne et dans la région de 
							Reims, des combats d'artillerie marquent la dernière 
							semaine. L'ennemi n'a pas réussi, malgré une dépense 
							double de projectiles, à enlever son avantage à 
							notre artillerie lourde.
 Nous avons détruit des abris pour mitrailleuses et 
							des redoutes, près de la sucrerie de Troyon et aux 
							carrières de Beaulne, ainsi qu'un bastion sur le 
							plateau de Vauclerc.
 Nous avons dispersé des rassemblements ennemis dans 
							la vallée de Suippes. Nous avons bouleversé les 
							tranchées allemandes près de la ferme Boursant.
 Nos pertes en infanterie ont diminué.
 
 Entre Reims et Argonne.
 Nos attaques n'ont pas permis à l'ennemi de 
							reconquérir ses positions perdues du 15 au 24. Entre 
							Saint-Hilaire-le-Grand et Beauséjour, nous avons 
							gagné 1.000 mètres des tranchées et ce gain 
							s'étendit à un kilomètre et demi dans la région de 
							Perthes, où nous avons enlevé plusieurs blockhaus, 
							une section de mitrailleuses avec son personnel, des 
							caisses de munitions, des projecteurs, des canons 
							sous coupole.
 Nos gains à Mesnil-les-Hurlus complètent les progrès 
							à Perthes.
 
 De l'Argonne à la Frontière suisse.
 De l'ouest de l'Argonne à la frontière suisse, nous 
							avons ramené en arrière l'ennemi, qui avait réussi à 
							faire exploser une de nos tranchées, le 17 décembre.
 Au bois de la Grurie et au bois Bolante, à diverses 
							reprises, nous avons fait exploser des mines 
							allemandes.
 Nous avons démoli des mitrailleuses, des abris 
							blindés, et pris des pare-balles et du matériel.
 De l'ouest de l'Argonne aux Hauts-de-Meuse, le 
							succès a couronné souvent notre activité. Notre 
							artillerie lourde a endommagé fortement l'artillerie 
							ennemie, dont elle a détruit diverses batteries, au 
							nord-est de Saint-Mihiel et près de Béthincourt.
 Notre infanterie a attaqué surtout dans la région 
							Boureuilles-Cuisy, Culey-Bois des Forges et bois de 
							Consenvoye. Nous avons pris le village de 
							Boureuilles. Nous avons dû l'abandonner et nous en 
							avons repris les lisières. Ailleurs, nous avons 
							progressé de 100 à 300 mètres.
 Entre Meuse et Moselle, progression lente, mais 
							continue, dans la forêt d'Apremont et au bois Le 
							Prêtre.
 Il convient d'enregistrer aussi plusieurs succès, de 
							notre artillerie dans les Vosges. Nous avons gagné 
							250 mètres dans le Bande-Sapt. Nous avons maintenu 
							partout les gains de la semaine précédente, et nous 
							sommes arrivés à 1.500 mètres de Cirey.
 
 La guerre aérienne.
 Malgré l'extrême difficulté résultant du mauvais 
							temps, nos avions et nos dirigeables ont lancé 15 
							obus, le 17 décembre, sur Sarrebourg, six sur la 
							gare de Petit-Eich, cinq obus et mille fléchettes 
							sur un train en gare de Herming.
 Les Allemands reconnaissent des dégâts importants.
 Nos avions, à diverses reprises, du 18 au 22 
							décembre, ont pourchassé les appareils allemands et 
							les ont forcés à atterrir. Plusieurs avions ont 
							lancé, avec succès, bombes et fléchettes sur des 
							tranchées et des rassemblements, des gares et des 
							trains.
 Le 21 décembre, ils en ont lancé sur un ballon 
							captif, le. 22 sur le port de Strasbourg et la gare 
							de Dieuze.
 Le prince de Teck a remercié vivement le chef de 
							l'escadrille qui a opéré sur la côte allemande avec 
							l'escadre anglaise.
 L'escadrille a contribué à régler le tir des navires 
							et elle a surveillé les sous-marins ennemis.
 LA LUTTE DE TRANCHÉE A TRANCHÉENous sommes à Steinbach
 Bordeaux, 31 décembre, 15 h. 45.De la mer jusqu'à l'Aisne, journée à peu près calme. 
							Duel d'artillerie sur quelques points du front.
 En Champagne, à l'ouest de la ferme d'Alger (nord de 
							Sillery, secteur de Reims), l'ennemi a, dans la 
							nuit, fait sauter deux de nos tranchées et a lancé 
							contre elles une attaque qui a été repoussée.
 Au nord de Mesnil-les-Hurlus, nous avons conquis des 
							éléments de la seconde ligne de défense ennemie.
 Dans la même région, au nord de la ferme de 
							Beauséjour, nous avons également enlevé des 
							tranchées. L'ennemi a contre-attaqué, mais il a été 
							repoussé, et, reprenant à notre tour l'offensive, 
							nous avons de nouveau gagné du terrain.
 Dans la même zone et plus à l'est, des forces 
							allemandes qui s'avançaient pour nous 
							contre-attaquer ont été prises sous le feu de notre 
							artillerie et dispersées.
 En Argonne, vers Fontaine-Madame, nous avons, en 
							faisant sauter une mine et en occupant l'excavation, 
							réalisé un léger progrès.
 Entre Meuse et Moselle, dans la région du bois de 
							Mortmare, cent cinquante mètres environ de tranchées 
							allemandes sont tombées entre nos mains.
 En Haute-Alsace, nos troupes sont entrées dans 
							Steinbach et ont enlevé la moitié du village, maison 
							par maison.
 SUCCÈS SUR LA MEUSE & A STEINBACH Paris, 1er janvier, 0 h. 25.Voici le communiqué officiel du 31 décembre, 23 
							heures :
 Hier soir, une attaque de l'ennemi, qui essayait, 
							après une vive fusillade, de déboucher du bois de 
							Forges, sur la rive gauche de la Meuse, a été 
							immédiatement refoulée.
 Les positions conquises par nos troupes dans 
							Steinbach ont été maintenues et nous continuons à y 
							attaquer celles de l'ennemi.
 Du reste du front, ne nous est parvenu aucun 
							renseignement qui mérite d'être signalé.
 LES DÉGATS DANS LE TOULOIS Toul, 1er janvier 1915.Les villages au nord de Toul, maintenant occupés par 
							les soldats français, sont en partie détruits ; leur 
							territoire, coupé en divers sens par des tranchées, 
							recèle de nombreux obus non éclatés, ce qui en 
							rendra la culture difficile et dangereuse : leurs 
							habitants ont abandonné leurs maisons pillées par 
							les Allemands ou par des gens qu'il faudra 
							rechercher après les hostilités.
 A Seicheprey, il ne reste qu'une maison et une 
							partie de l'église ; à Flirey, des quartiers de 
							maisons sont complètement détruits ; le clocher, 
							fortement ébréché, menace ruine.
 A Limey, dont une trentaine d'habitants, qui 
							n'avaient pas fui, ont été emmenés prisonniers, les 
							trois quarts des maisons sont brûlées ou renversées 
							; l'église est à peu près intacte.
 A Lironville, la plupart des maisons qui restent 
							menacent ruine.
 A Mamey, beaucoup de maisons démolies ; église et 
							clocher méconnaissables ; quelques habitants qui 
							s'étaient enfuis, le 5 septembre, sont rentrés vers 
							la fin d'octobre.
 A Rogéville, plusieurs maisons démolies, d'autres 
							brûlées ; l'église est endommagée.
 A Beaumont, le beau clocher qui s'apercevait de si 
							loin est par terre et une vingtaine de maisons 
							démolies.
 A Mandres, une quarantaine de maisons sont brûlées.
 VIOLENTS COMBATS ENTRE MEUSE ET MOSELLELes gares de Metz et d'Arnaville bombardées par nos 
							avions
 Bordeaux, 1er janvier, 16 heures.De la mer jusqu'à Reims, il n'y a eu presque 
							exclusivement que des combats d'artillerie.
 L'ennemi a bombardé, sans résultats, le village de 
							Saint-Georges et la tête de pont organisée par les 
							Belges au sud de Dixmude.
 Vive canonnade, résolue à notre avantage, entre La 
							Bassée et Carency ; entre Albert et Rove, dans la 
							région de Verneuil e: de Blanc-Sablon (près de 
							Craonnelle) Sur ces derniers points, nous avons en 
							outre démoli des ouvrages allemands.
 Dans la région de Perthes et de Beauséjour, nous 
							avons maintenu nos gains du 11 décembre. L'activité 
							des deux artilleries opposées a été ininterrompue 
							pendant toute la journée du 31.
 En Argonne, l'ennemi a très violemment attaqué dans 
							le bois de la Grurie, sur presque tout le front. Il 
							a gagné sur certains points une cinquantaine de 
							mètres mais il a été aussitôt contre-attaqué.
 Dans la région de Verdun, violents combats 
							d'artillerie.
 Entre Meuse et Moselle, au nord-ouest de Flirey, les 
							Allemands ont exécuté, dans la nuit du 30 au 31 et 
							dans la matinée du 31, six violentes contre-attaques 
							pour reprendre les tranchées conquises par nous le 
							30. Toutes ces contre-attaques ont été brillamment 
							repoussées.
 Nos avions ont bombardé, de nuit, les gares de Metz 
							et d'Arnaville.
 Nous continuons à progresser pied à pied dans 
							Steinbach.
 L'artillerie ennemie a montré, dans la matinée du 
							31, une grande activité, mais dans l'après-midi, nos 
							batteries ont pris nettement l'avantage.
 Paris, 2 janvier, 1 h. 35.
 Le communiqué du 1er janvier, 23 heures dit qu'on 
							n'a pas encore de nouvelles des opérations de la 
							journée.
 UN TAUBE ABATTU Nancy, 2 janvier 1915.On assure de source sérieuse que nos aviateurs ont 
							réussi, mercredi après midi, à abattre un «  taube » 
							qui s'apprêtait à lancer des bombes sur Nancy.
 Le «  taube » se serait abattu un peu avant 
							d'atteindre la Seille.
 UN PASSIONNANT ÉPISODE DE LA GUERRE AÉRIENNE Nancy, 2 janvier 1915.Les Nancéiens ont assisté, hier, au spectacle 
							émouvant d'un «  taube » harcelé, traqué, poursuivi à 
							la fois par la canonnade et par un avion de notre 
							escadrille de couverture.
 Il était exactement midi. Nos rues centrales 
							présentaient une grande animation. Beaucoup de 
							consommateurs dans les cafés. Foule aux stations de 
							tramways. Les conversations s'échangeaient 
							naturellement sur les visites possibles, les 
							éventuelles randonnées des «  taube » et des «  
							zeppelin » à l'occasion du Nouvel-An.
 On s'accordait généralement à pronostiquer qu'en 
							guise d'étrennes les Boches nous enverraient leurs 
							cadeaux sous la forme qu'ont prise leurs souvenirs 
							d'un «  joyeux Noël », l'autre semaine.
 Soudain la silhouette d'un biplan se dessina sur le 
							ciel gris, là-haut, avec la netteté d'une image sur 
							un écran.
 Allemand ou français ? Les avis se partagèrent. Pas 
							longtemps. En moins de deux minutes, tout le monde 
							se mettait d'accord pour reconnaître qu'un appareil 
							allemand piquait droit sur Nancy, se maintenant à 
							une altitude d'environ quinze cents mètres, luttant 
							contre une assez forte brise du sud-ouest.
 Comme les gardes d'Hippolyte, les curieux, sans 
							s'armer d'un courage inutile, dans les 
							établissements voisins ou sous un store cherchent 
							alors un asile. Des agents dispersent les rares 
							attroupements, prodiguant leurs avis prudents.
 Mais, soudain, voici qu'un léger flocon se forme non 
							loin de l'oiseau de mauvais augure. Une fusée 
							éclate. La foule applaudit. C'est le signal d'un 
							combat dans les airs et un spectacle nouveau va 
							s'offrir à tous les yeux.
 Bientôt, huit, dix, douze petits nuages semblent «  
							encadrer » le taube. Celui-ci continue sa marche. A 
							peine une très faible oscillation indique-t-elle que 
							son pilote a senti passer le vent du boulet et 
							qu'une inquiétude paralyse sa manoeuvre.
 Le canon tonne toujours ; il salue convenablement 
							notre hôte. Les coups se succèdent à de courts 
							intervalles ; ils «  tapent » en arrière, assez près 
							pour augmenter l'émotion qui s'est emparée du public 
							et qui se manifeste en hurras, en exclamations où 
							insiste le conseil de rectifier le tir, comme si nos 
							artilleurs; là-bas, pouvaient l'entendre :
 «  Plus à droite... Ah ! sapristi ! il s'en est fallu 
							d'une dizaine de mètres. Vous allez voir, ils feront 
							une «  mouche » au prochain coup... Braves 
							artilleurs... Vlan, ils l'ont placé trop à gauche, 
							maintenant... On le descendra à la frontière. Tenez, 
							il vire dans la direction de Moncel... »
 Les techniciens affirment que, pour abattre un 
							avion, les canons ne peuvent compter que sur la 
							veine. ; mais ce n'est pas l'opinion, parait-il, des 
							aviateurs boches, dont la confiance en cette 
							définition s'atténue par la crainte de nos pièces 
							aux explosions rapides et sûres. On se croirait, ma 
							foi, au tir aux pigeons sur la terrasse de 
							Monte-Carlo.
 La cible se déplace. Le taube évolue sur l'aile 
							gauche. A ce moment, il domine le quartier des 
							Trois-Maisons. Va-t-il lancer des bombes ? Non. Il 
							gagne de la hauteur, prononce son virage vers l'est, 
							dans le moment même où, à l'autre bout de l'horizon, 
							s'élève un des avions de notre escadrille de 
							couverture.
 Les détonations de l'artillerie s'éloignent ; elles 
							annoncent que, de Nancy jusqu'à la Seille, les 
							postes ont fait à l'oiseau de mauvais augure un 
							accueil si empressé qu'on lui enlèvera sans doute 
							pour longtemps le désir de nous rendre une nouvelle 
							visite.
 Les témoins de cette scène émouvante retournent à 
							leur apéritif, escaladent la plate-forme des cars, 
							ou gagnent tranquillement à pied leur domicile, avec 
							l'assurance, cette fois, que Nancy possède des 
							moyens de défense immédiate et vigoureuse.
 LES TAUBESdans les Vosges
 Paris, 2 janvier, 17 h. 05.Remiremont. - Un taube a survolé Bruyères. Il a 
							lancé quelques bombes qui n'ont causé aucun dégât.
 Un autre taube, qui survolait Dounoux, a été 
							canonné.
 ÉTRENNES AU CANONNotre BAIONNETTE à l'oeUVRE
 en Lorraine et Alsace
 Bordeaux, 2 janvier, 16 heures.Dans la nuit du 31 décembre au 1er janvier, l'ennemi 
							a prononcé sur de nombreux points du front des 
							attaques qui ont été facilement repoussées.
 La région au nord de la Lys a été, dans la journée 
							du 1er janvier, le théâtre d'un combat d'artillerie 
							particulièrement vif, sur les dunes, à Nieuport et à 
							Zonnebeke.
 A Saint-Georges, l'ennemi n'a pas continué à 
							contre-attaquer et tous nos gains ont été maintenus.
 Dans toute la région d'Arras, d'Albert et de Roye, 
							duel d'artillerie. L'ennemi nous a fait sauter deux 
							caissons entre Beaumetz et Achicourt. Nous avons, en 
							revanche, bouleversé ses tranchées de Parvillers et 
							de La Boisselle, et éteint le feu des Minenwerfer 
							(lance-mines), établis devant Fricourt.
 Notre artillerie a obtenu également des résultats 
							heureux dans la région de l'Aisne, où elle a fait 
							taire l'artillerie ennemie et dispersé plusieurs 
							rassemblements.
 Nous nous sommes installés sur Le plateau de 
							Nouvron, dans les excavations produites par des 
							explosions de mines. Les Allemands n'ont pu nous y 
							devancer ni nous en chasser. Toutes leurs 
							contre-attaques ont été repoussées.
 La région de Reims a été assez violemment bombardée 
							par l'ennemi.
 Dans la région de Perthes, nous avons enlevé et 
							conservé un bois, à deux kilomètres au nord-est de 
							Mesnil-les-Hurlus ; l'ennemi n'a pas contre-attaqué.
 En Argonne, dans le bois de la Grurie, le 
							fléchissement local signalé hier n'a pas eu de 
							suites ; nous avons regagné une partie du terrain 
							perdu et nous tenons fortement nos positions.
 Sur les Hauts-de-Meuse, combats d'artillerie sans 
							grande intensité.
 En Woëvre, nous avons conservé les positions gagnées 
							le 30 décembre, sans que l'ennemi ait contre-attaqué 
							et nous avons marqué, dans le bois Le-Prêtre, une 
							légère progression.
 Dans les Vosges, nous avons repoussé une attaque 
							allemande à Bréménil (3 kilomètres nord-est de 
							Badonviller), et infligé à l'ennemi de fortes 
							pertes.
 L'ennemi a fait également de grosses pertes à 
							Steinbach, où notre infanterie a enlevé, hier, trois 
							nouvelles lignes de maisons.
 
 Paris, 3 janvier, 0 h. 52.
 Communiqué officiel du 2 janvier, 23 heures : Pas 
							d'autres faits notables à signaler qu'une fusillade 
							nourrie, la nuit dernière, contre nos tranchées, à 
							l'est de Vermeilles, et dans la région nord de 
							Chaulnes, ainsi qu'une attaque allemande, sans 
							succès, à l'ouest du bois de Consenvoye.
 LES BOMBARDEMENTS Commercy, 3 janvier 1915.On lit dans le Bulletin Meusien, organe des réfugiés 
							et des évacués meusiens : Le bombardement de 
							Commercy a commencé le 13 décembre, à à heures et 
							demie.
 Le bombardement a duré environ une heure. La foule 
							très considérable qui était à l'église, a été saisie 
							d'une certaine panique.
 Non loin de la gare, dans la rue, une bombe a tué 
							sur le coup une femme qui revenait des vêpres. Le 
							mari de cette femme, M. Posty, a été grièvement 
							blessé dans sa maison, non loin de sa femme.
 Mais, à peine arrivée à l'hôpital, la victime 
							rendait le dernier soupir.
 On estime à 80.000 francs les dégâts occasionnés par 
							ce bombardement.
 
 Vendredi 18, vers 2 heures et demie, et dimanche 20, 
							à 11 heures, les bombes ont de nouveau fait leur 
							apparition : une est tombée le vendredi et deux le 
							dimanche.
 Mais les canons allemands, repérés par les avions 
							français, ont été vite réduits au silence par notre 
							artillerie.
 LA RECONSTRUCTION DES VILLAGES LORRAINS Nancy, 3 janvier 1915.
 IV
 Le Comité des réfugiés de Meurthe-et-Moselle, 
							utilisant les moyens de fortune, proportionnés aux 
							faibles crédits mis à sa disposition, a réintégré 
							dans deux ou trois villages quelques ruraux en les 
							abritant en commun dans les habitations 
							partiellement réparables, dont on a réfectionné les.
 toitures, calfeutré les brèches et remplacé les 
							carreaux cassés.
 Ces réparations hâtives permettent-elles vraiment le 
							retour définitif à la terre ?
 En réalité, on a ainsi logé des gardiens de ruines, 
							sans abriter les animaux et le, matériel nécessaires 
							à la reprise de la vie normale du cultivateur.
 Les dépenses en résultant ne seront points 
							finalement profitables, car si l'on veut traiter 
							avec la même équité toutes les victimes de la 
							guerre, on ne pourra laisser subsister ces 
							réparations sommaires en face de maisons réédifiées 
							sur des plans étudiés, sans provoquer des 
							récriminations justifiées.
 C'est pour éviter ces errements que nous avons 
							estimé qu'il y avait lieu, tout d'abord, de 
							construire des abris provisoires assez vastes pour 
							permettre le retour au village de tous les 
							habitants. Ces abris, pour être efficaces et ne 
							point causer une dépense onéreuse et finalement 
							inutile, doivent être étudiés avec la préoccupation 
							de procurer aux intéressés une vie en commun 
							supportable, d'abriter, dans d'autres, les animaux 
							et le matériel nécessaires, et de pouvoir ensuite 
							les utiliser collectivement pour y conserver les 
							récoltes, etc.
 D'où la nécessité de camper ces abris sur des 
							emplacements non compris dans la zone de 
							reconstruction ou d'agrandissement du village, si 
							l'on veut procéder rationnellement à sa 
							réédification définitive. Il convient en outre de 
							procéder, dès que possible. à la construction de ces 
							abris pour permettre la réintégration totale des 
							réfugiés, dont l'oisiveté actuelle émousse les 
							qualités d'énergie et de prévoyance, et chez 
							lesquels ce séjour prolongé dans la ville peut 
							susciter des besoins factices qui les inciteront à 
							déserter la campagne.
 Ces abris constitués, on aura le temps nécessaire 
							pour étudier le plan d'ensemble avec le souci de 
							conserver tous les vestiges dignes d'être restaurés. 
							Il est évident, par exemple, que l'on ne songera 
							point à déplacer l'église, mais on devra dégager et 
							assainir ses contours, transférer le cimetière, y 
							attenant, en dehors de la commune ; réserver une 
							place, plantée d'arbres, utilisable les jours de 
							fête et autour de laquelle devront être prévus les 
							nouveaux bâtiments communaux.
 Dans l'étude particulière des maisons, on évitera 
							les inconvénients actuels ; on décongestionnera les 
							constructions enchevêtrées maladroitement, pour les 
							doter d'air, de lumière, en assurer l'hygiène, voire 
							même la propreté. Chacune d'elles devra être conçue 
							pour sa véritable destination ; la maison du petit 
							cultivateur est différente de celle du gros fermier. 
							Ce n'est point non plus faire acte de fantaisie que 
							de prévoir une disposition de locaux différente pour 
							le charron, le marchand détaillant, l'aubergiste, 
							etc.
 Mais, à tous, on peut imposer qu'ils n'encombrent 
							plus la voie publique avec leurs voitures, leur 
							matériel et surtout leurs fumiers, en prévoyant, en 
							conséquence l'aménagement des habitations.
 Ces modifications n'empêcheront pas de conserver la 
							tradition lorraine, de l'agrémenter même de ces 
							petits riens, inspirés par un sentiment d'art 
							sobrement traité, qui font le charme du logis. Mais 
							gardons-nous de dénaturer nos villages en 
							constituant de mornes corons et des damiers de 
							maisons ouvrières ou démontables.
 Il n'est point prématuré de provoquer dès maintenant 
							le concours des bonnes volontés, pour élaborer un 
							plan mûri dont la réalisation permettra, avec une 
							dépense moindre, d'améliorer incontestablement les 
							conditions d'existence de nos populations rurales.
 PAUL CHARBONNIER.
 MAURICE GRUHIER.
 LA DEMI-TRÊVE DU MAUVAIS TEMPSLe canon maintient le contact
 Bordeaux, 3 janvier, 15 h. 45.Pendant la journée du 2, nous avons conservé, au 
							nord de la Lys, les positions gagnées les jours 
							précédents. L'ennemi n'a montré d'activité que dans 
							la région de Zonnebecke, qu'il a bombardée assez 
							violemment.
 De la Lys à Arras, calme presque complet.
 Combats d'artillerie dans la région d'Albert et de 
							Roye. Notre infanterie a progressé de 500 mètres 
							près de La Boisselle.
 De l'Oise à la Meuse, sur le plateau de Touvent, 
							notre artillerie lourde a démoli divers ouvrages 
							d'où l'ennemi gênait nos travailleurs.
 Vifs combats d'artillerie à l'ouest et à l'est de 
							Craonne.
 Près de Perthes-les-Hurlus, nous avons progressé de 
							300 mètres.
 Près de Beauséjour, combats d'infanterie où nous 
							avons infligé de fortes pertes à l'ennemi.
 Les Allemands ont, dans le bois le La Grurie, 
							prononcé deux attaques sans succès.
 Sur toute cette partie du front, l'artillerie a 
							montré, de part et d'autre, une grande activité.
 Dans la région de Verdun et sur les Hauts-de-Meuse, 
							duel d'artillerie.
 Nous avons gagné encore un peu de terrain dans le 
							bois Le Bouchot, au nord-est de Troyon, et dans le 
							bois Le-Prêtre, au nord-ouest de Pont-à-Mousson.
 Dans les Vosges, nous avons occupé une tranchée 
							ennemie, près de Celles-surPlaine.
 Combats d'artillerie dans le Ban-de-Sapt et dans la 
							vallée de la Fave.
 En Haute-Alsace, nos gains antérieurs dans la région 
							de Thann ont été maintenus. Nous avons bombardé un 
							train allemand en gare de Altkirch et opéré des 
							destructions sur la voie ferrée, entre Carspach et 
							Dierspach, au sud-ouest d'Altkirch.
 D'une manière générale, le ralentissement sensible 
							que l'on peut constater dans notre activité 
							offensive doit être attribué aux pluies incessantes 
							qui, détrempant le sol, rendent partout les 
							opérations à peu près impossibles.
 
 Paris, 4 janvier, 0 h. 50.
 Voici le communiqué officiel du 3 janvier, 23 heures 
							: Aux dernières nouvelles aucune modification n'est 
							signalée dans la situation.
 Le temps continue à être très mauvais sur presque 
							tout le front.
 NOTRE RAlD AÉRIENSur SARREBOURG
 On lit dans la Gazette de Lausanne:«  Au sujet du raid des aviateurs français à 
							Sarrebourg, on apprend que l'attaque a eu lieu au 
							milieu de la nuit. Deux aviateurs français ont lancé 
							douze bombes qui ont causé, des dégâts importants. 
							Trois personnes ont succombé à leurs blessures. Un 
							uhlan a été tué sur le coup par un éclat de bombe. 
							Les dégâts matériels sont considérables. Près de 
							l'église catholique, une bombe a fait voler en 
							éclats toutes les vitrines des magasins dans un 
							rayon de 50 mètres. D'autres bombes ont endommagé 
							divers édifices. La maison du commandant du 15e 
							uhlans a été également atteinte par un projectile 
							qui a démoli une chambre et un balcon. Les dommages 
							les plus considérables ont été causés près de la 
							place du Marché. »
 SECOND TAUBE ABATTU Nancy, 4 janvier 1915.Le «  Taube » qui, Jeudi à midi, fut salué de façon 
							si magistrale à Nancy, n'aurait pas pu regagner la 
							frontière. On annonce, en effet, de bonne source. 
							qu'il a été abattu du côté d'Amance.
 LA PROTECTION DE NANCY Nancy, 4 janvier 1915.M. le Maire de Nancy a adressé, le 30 décembre, une 
							lettre à M. le Général commandant la ...e armée, qui 
							lui a répondu en ces termes :
 «  Monsieur le Maire, Je tiens à vous dire que je 
							n'ai pas attendu votre lettre du 31 décembre pour 
							prendre des mesures de nature à protéger la ville de 
							Nancy contre de nouvelles attaques des aéronefs 
							allemands.
 «  Peut-être avez-vous pu déjà vous rendre compte que 
							cette protection existait et même, en relisant les 
							communiqués officiels à la presse, notamment celui 
							du 27 décembre, que la riposte s'associait à la 
							parade.
 «  J'espère que ces mesures seront efficaces autant 
							qu'il est possible de protéger une ville ouverte 
							contre les engins modernes au service d'un 
							adversaire sans scrupules.
 «  Le Général commandant la ...e armée. »
 LES NOUVELLES DU PAYS MEUSIEN Voici les nouvelles que le «  Bulletin Meusien », 
							organe des réfugiés de la Meuse, donne du pays 
							meusien :Koeur-la-Grande. - Cinq nouvelles maisons ont été 
							incendiées, depuis quelque temps déjà, dans la rue 
							du Four.
 Mogeville. - Le 13 octobre dernier, vers onze heures 
							du matin, quelques cyclistes allemands arrosèrent 
							les maisons de matières inflammables, y mirent le 
							feu et, en un rien de temps, tout fut consumé. Ils 
							restèrent là jusqu'à quatre heures du soir, et de 
							temps en temps jetaient des grenades sur certaines 
							maisons pour en activer les flammes. La mairie, 
							l'école, le clocher de l'église, rien ne fut 
							épargné.
 Une douzaine de personnes du village qui étaient 
							encore là à onze heures se sauvèrent éperdues. M. 
							Trisson et sa femme, seuls, restèrent au pays et, 
							dans l'après-midi, furent enlevés par les vandales 
							et dirigés d'abord sur la ferme de l'Epine.
 Depuis, on ne sait ce qu'est devenu M. Trisson. 
							Quant à sa femme, elle est allée à 
							Vaux-devant-Damloup, car elle a été mise en liberté, 
							après avoir fait quelques centaines de mètres, nos 
							ennemis trouvant qu'elle ne marchait pas assez vite.
 Maucourt. - Le même jour, la majeure partie du 
							village de Maucourt subit le même sort que 
							Mogeville. Tout est brûlé aussi, à l'exception d'une 
							dizaine de maisons. Une huitaine avant, entre dix et 
							onze heures du soir, les Allemands avaient enlevé 
							toutes les personnes qui y restaient et les avaient 
							emmenées en Saxe. Voici les noms : Mme et Mlle 
							Willemin, Mme Em. Couquaux, Mme Marchal et ses trois 
							enfants, Mme Bertrand, âgée de plus de 80 ans, Mlles 
							Marie et Mathilde Bertrand, M. et Mme Delavaux, Mme 
							Prot et ses enfants, Mme Trouslard, MM. Lelorrain, 
							Chenet, Colin, Févrot (ces deux derniers vieillards 
							de plus de 75 ans).
 Mécrin et Lérouville. - ESPlONS. - Nous avons 
							signalé récemment l'exécution de deux habitants de 
							Mécrin, condamnés pour espionnage par le conseil de 
							guerre.
 Deux autres condamnés attendent leur sort définitif 
							: le premier, aussi habitant Mécrin, qui a bénéficié 
							d'un recours en grâce, signé par le conseil, sera 
							sans doute l'objet d'une commutation de peine. Le 
							second, nommé E., sujet d'un pays neutre, quoique 
							habitant Lérouville depuis une trentaine d'années au 
							moins, semble devoir être amené un de ces jours 
							devant le peloton d'exécution.
 Commercy. - Les Eparges. - VICTIMES DE LA GUERRE. - 
							Mme Philomène Roton, épouser Brizion, des Eparges, a 
							été atteinte mortellement, ainsi que ses trois 
							jeunes enfants, d'un obus à Mesnil-sous-les-Côtes.
 Elle est morte le lendemain à l'hôpital de Verdun.
 Haudiomont et Manheulles qui, jusquelà, n'avaient 
							pas trop souffert, sont bombardés fréquemment.
 Buxières. - Buxières n'a que peu souffert du 
							bombardement du 20 septembre.
 Les Allemands qui l'occupèrent le 20 au soir étaient 
							relativement corrects ; mais ils furent remplacés le 
							lendemain par de vrais Teutons. Ce jour, M. l'abbé 
							Ancel dut comparaître devant un officier major, 
							encadré entre deux soldats, baïonnette au canon ; 
							cela se passait dans la maison Hache. Il put rentrer 
							chez lui.
 De ce qui se passa dans la suite, on ne sait pas 
							grand'chose. Comment les Allemands traitèrent-ils 
							les habitants restés au pays ? Quelques-uns ont-ils 
							été emmenés prisonniers ? On l'ignore.
 Les Islettes. - En pleine Argonne, visée par les 
							attaques opiniâtres depuis plus de deux mois, la 
							petite bourgade est demeurée intacte. Pendant les 
							premiers jours de septembre, elle fut occupée par 
							les Allemands, qui la pillèrent consciencieusement, 
							mais leur occupation ne fut pas autrement 
							désastreuse. Aucune maison détruite ou incendiée ; 
							un seul habitant tué par eux, M. Pérotin; 78 ans. Le 
							8 septembre, jour de la fête patronale, l'ennemi 
							quittait le village. L'attitude énergique de M. du Granrut et le dévouement de Mme Robert du Granrut 
							contribuèrent certainement pour beaucoup à la 
							préservation du pays.
 Parmi les décédés connus jusqu'alors, on cite deux 
							frères Gauvain, Gaston Felsch, Anatole Duchêne, E. 
							Emond, Raymond Huet, M. Pawlas. D'autres jeunes 
							soldats sont ou blessés ou prisonniers. Les écoles 
							sont transformées en ambulances, toujours remplies, 
							et l'ancien cimetière qui entoure l'église a déjà 
							reçu près de deux cents soldats. La population vit 
							au son du canon, et le soir elle suit les lueurs des 
							feux de salve ou d'artillerie qui sillonnent les 
							profondeurs de la forêt, vers le Four-de-Paris.
 Laimont. - Une lettre particulière reçue ces 
							jours-ci à Bar-le-Duc renseigne les intéressés sur 
							le sort de quelques personnes enlevées de Laimont 
							comme otages civils : elles sont internées à la 
							prison de Sedan, avec M. Zem, ancien professeur au 
							lycée.
 Toutefois, on n'a aucune nouvelle de M. l'abbé Jean 
							Louis, arrêté avec ses paroissiens et emmené comme 
							otage civil.
 Les Eparges. - M. l'abbé Henri Tripier, curé des 
							Eparges et de Trésauvaux, canton de 
							Fresnes-en-Woëvre, émigré avec un certain nombre de 
							ses paroissiens et d'habitants des communes 
							voisines, pour le temps de la guerre, vicaire à 
							Annemasse (Haute-Savoie).
 Une lettre de lui, datée du 15 décembre, vient de 
							parvenir à un de nos confrères. En voici quelques 
							extraits :
 «  Trésauvaux et les Eparges, mes deux paroisses 
							évacuées fin septembre, ont été totalement démolies 
							ou incendiées, comme, hélas ! tant d'autres de notre 
							malheureuse Woëvre.
 «  Il serait trop long de vous dire après quelles 
							périlleuses aventures je suis venu ici avec quatre 
							cents émigrés de ma région. Qu'il me suffise de vous 
							assurer que la Providence nous a été bonne. On ne 
							dira jamais trop la généreuse et toute cordiale 
							hospitalité que la Haute-Savoie a accordée à notre 
							détresse, ni comment, aidée par la ville de Genève, 
							sa voisine, la ville d'Annemasse a multiplié les 
							formes de sa charité selon la variété de nos 
							misères, car à tous elle a voulu trouver un 
							soulagement.
 Témoin ces funérailles grandioses qu'elle a 
							accordées à deux de nos compatriotes rentrés de 
							captivité en France juste à temps pour y mourir. 
							Presque tous les jours, elle reçoit et case pour le 
							mieux des convois de rapatriés. C'est que si les 
							Boches étaient passés par la Suisse au lieu de 
							passer par la Belgique, ce qu'ils ont craint à un 
							moment, notre sort eût été le leur et sans doute ils 
							nous reçoivent comme ils auraient désiré être reçus.
 «  Mon frère, Louis Tripied, blessé le 25 septembre 
							au Camp-des-Romains, est prisonnier à Darmstadt.
 «  Environ deux cents Meusiens rapatriés sont arrivés 
							à Genève, d'où ils ont été dirigés sur Evian 
							(Haute-Savoie). Ils sortent d'Ulm et sont 
							originaires de Combres, Herbeuville, Saint-Remy, 
							Dommartin, Dompierre et Seuzey. »
 Mécrin. - Quelques habitants hommes et femmes sont 
							restés. L'église a peu souffert.
 Seuls les vitraux sont troués par les éclats d'obus 
							qui ont éclaté aux alentours.
 Saint-Maurice-sous-les Côtes. - Des habitants de 
							Saint-Maurice-sous-les-Côtes on ne sait rien, si ce 
							n'est que Gustave Beausne est prisonnier civil à 
							Ehrenbrenstein, près de Coblentz.
 Ménil-sous-les-Côtes. - Ménil est à moitié détruit. 
							Mme Burlureau-Roton a eu la jambe emportée par un 
							obus et ses trois enfants tués du même coup ; elle a 
							succombé le lendemain dans un hôpital de Verdun, où 
							elle avait été aussitôt transportée. Mme Roton 
							Auguste, effrayée par ces terribles et tragiques 
							visions, est morte aussi. Il y a une multitude de 
							blessés. Ménil se trouve entre Mouilly, les Eparges 
							et Saint-Rémy, récemment évacués par les Prussiens.
 Etain. - Les Allemands auraient, d'après une lettre 
							reçue ces jours derniers, emmené les cloches et les 
							cuivres de l'église d'Etain.
 LES FEMMES & LES ENFANTS DE MARCHÉVILLE EN CAPTIVITÉ Un lecteur du «  Temps » lui communique la lettre 
							qu'il a reçue d'un ami et dans laquelle celui-ci lui 
							donne des renseignements intéressants sur la razzia 
							de femmes et d'enfants que les Allemands ont faite à 
							Marchéville - petite commune de la Meuse, sise dans 
							les environs de Fresnes-en-Woëvre - et dans les 
							communes avoisinantes. Le «  Temps » en reproduit les 
							passages suivants :«  Toutes les femmes et tous les enfants de 
							Marchéville et des communes voisines ont été faits 
							prisonniers le 20 octobre.
 J'ai reçu dernièrement de deux d'entre elles trois 
							lettres qui, bien qu'écrites à huit iours 
							d'intervalle, me sont parvenues ensemble.
 Mes correspondantes me disent qu'elles sont à Amberg 
							(Bavière), casernées dans une baraque, au nombre de 
							680 femmes et enfants. Elles ajoutent qu'elles ne 
							sont pas trop malheureuses, car elles sont toutes 
							ensemble et se connaissent de longtemps.
 Elles se plaignent du froid. On ne leur a pas laissé 
							emporter de vêtements chauds. »
 AU PAYS DE BRIEY Le Bulletin de Meurthe-et-Moselle publie les 
							renseignements que voici :VILLERUPT. - Une dame ayant quitté Villerupt le 7 
							décembre, nous a fait ce récit : Villerupt a peu 
							souffert matériellement. La ville, les usines 
							d'Auberives et les aciéries sont intactes.
 En l'absence de M. Perruchot, M. Georges remplit les 
							fonctions de maire ; la police est assurée par une 
							vingtaine de gardes civiques, quatre gendarmes et 
							huit soldats qui sont logés chez M. Loy et chez Mme 
							Vercléau.
 Les hommes de 17 à 45 ans sont tenus de se faire 
							inscrire à la mairie et doivent répondre aux appels 
							prescrits par la commandatur de Longwy. Il y aurait 
							eu, jusqu'à présent, trois appels. Presque tous les 
							habitants sont restés (tous les Italiens sont 
							partis), les usines donnent un travail intermittent 
							; pendant quelque temps les ouvriers trouvaient à 
							s'engager à Esch-sur-l'Alzette, mais depuis le 
							commencement du mois les Allemands ont fermé la 
							frontière du Luxembourg et ne laissent plus passer 
							personne. Les achats divers, de pain, de laine, 
							etc., qui s'opéraient à Esch assez facilement ne 
							sont plus possibles, et si le problème du 
							ravitaillement va bientôt se poser, nous recevons 
							sur sa solution immédiate les informations les plus 
							rassurantes.
 
 LANDRES. - Nous sommes heureux de pouvoir annoncer 
							que M. Naudin, l'instituteur qui avait été porté 
							comme fusillé, est bien vivant et prisonnier en 
							Saxe.
 
 TRIEUX. - Le Bulletin de Meurthe-et-Moselle est 
							heureux d'avoir à rectifier une de ses informations. 
							Il n'y eut, à Trieux, ni maisons dévastées, ni 
							personnes fusillées. La vie se poursuit normalement.
 Les Allemands n'occupent que deux immeubles, celui 
							de M. Bringel, et celui du docteur. La pompe 
							d'épuisement du puits d'extraction fonctionne.
 Les habitants ne manquent de rien et sont 
							ravitaillés régulièrement par la voie Thionville.
 Le service des postes serait assuré par le facteur 
							de Fontoy.
 En fait de troupes, il n'y aurait qu'un poste de 
							landwehr au pont de Sancy (entre Sancy et Trieux).
 Les jeunes gens mobilisables ne sont pas emmenés en 
							captivité, mais sont tenus de répondre à certains 
							appels.
 A LONGWY De l' «  Eclaireur » de Lunéville :Les Allemands viennent d'inviter la population de 
							Longwy à se rendre à la mairie, pour y apporter tout 
							le numéraire français disponible, celui-ci devant 
							être converti en monnaie ou papier allemand qui, 
							seuls, auront cours. Tout contrevenant sera puni 
							d'emprisonnement dans une forteresse.
 LE MAUVAIS TEMPSLES DUELS D'ARTILLERIE
 remplacent les attaques
 Bordeaux, 4 janvier, 15 h. 50.De la mer à l'Oise, journée presque complètement 
							calme. Temps pluvieux. Duel d'artillerie sur 
							quelques points du front.
 En face de Noullette, notre artillerie lourde a 
							réduit au silence les batteries allemandes.
 Sur l'Aisne et en Champagne, la canonnade a été 
							particulièrement violente. Nos batteries ont affirmé 
							leur supériorité et pris sous leur feu des réserves 
							ennemies.
 Nous nous sommes emparés de plusieurs points d'appui 
							tenus par les Allemands dans la région de 
							Mesnil-les-Hurlus.
 Entre Argonne et Meuse, ainsi que sur les 
							Hauts-de-Meuse, canonnade intermittente. Une 
							tentative faite hier matin par nos troupes, pour 
							enlever Boureuilles, n'a pas réussi.
 Notre progression a continué dans le bois Le-Prêtre, 
							à l'ouest de Pont-à-Mousson.
 En Haute-Alsace, nous avons enlevé une importante 
							hauteur, à l'ouest de Cernay.
 Une contre-attaque ennemie a été repoussée.
 A Steinbach, nous avons pris possession du quartier 
							de l'Eglise et du cimetière.
 LA LUTTE EN ALSACESteinbach entier est à nous
 Paris, 5 janvier, 1 h. 05.Le communiqué du 4 janvier, 23 heures, dit : Les 
							seuls renseignements parvenus jusqu'à présent sont 
							relatifs à la Haute-Alsace, où les combats ont 
							continué, très violents, dans la région de Cernay.
 La nuit dernière, nos troupes ont perdu, puis repris 
							le quartier de l'Eglise à Steinbach, mais, dans la 
							matinée, elles ont enlevé le village tout entier.
 Les ouvrages des Allemands à l'ouest de Cernay et la 
							cote 425 ont été enlevés par nous, hier, puis ils 
							ont été perdus un instant la nuit dernière, à la 
							suite d'une violente contre-attaque. Mais les 
							Allemands n'ont pu s'y maintenir et cette position 
							reste entre nos mains.
 EN ALSACEL'ATTAQUE DE STEINBACH
 Des actions importantes sont engagées depuis 
							quelques jours en Alsace, Des combats d'un 
							acharnement inouï ont été livrés dans la région de 
							Thann, autour de Cernay, du côté de Feldbach et 
							Wattwiller, devant Aspach-le-Bas, à Steinbach, 
							devant Dannemarie, autour d'Altkirch, au cours 
							desquels nos troupes ont montré un entrain et une 
							valeur magnifiques, se heurtant à une résistance 
							dont elles triomphent peu à peu.Le «  New-York Herald » donne les renseignements 
							suivants sur l'attaque de Steinbach :
 «  L'attaque de Steinbach fait grand honneur aux 
							chefs qui l'ont conduite. L'action des troupes 
							françaises infligea des pertes particulièrement 
							graves à l'ennemi. Par une feinte habile, les 
							Français donnèrent l'impression qu'ils ne pouvaient 
							soutenir le feu de leurs adversaires et battirent en 
							retraite, abandonnant une batterie comme «  appât ». 
							La cavalerie allemande s'avança pour prendre 
							possession des trophées. Mais à ce moment, les 
							batteries françaises, dissimulées, ouvrirent un feu 
							terrible et précis qui coûta 1.600 morts aux 
							Allemands. Ceux-ci perdirent en outre 1.800 
							prisonniers. Les Français, au contraire, n'eurent 
							que 250 hommes hors de combat.
 Le château qui domine Steinbach et d'où l'oeil 
							embrasse la plaine d'Alsace, est aux mains des 
							Français, ainsi que la presque totalité du village. 
							En prévision de l'avance française, les Allemands 
							ont fait évacuer Cernay par la population civile.
 Les journaux d'outre-Rhin, pour compenser l'insuccès 
							allemand, prétendent avoir infligé des pertes 
							énormes aux Français. Cela est inexact Eux, par 
							contre, doivent reconnaître que leur défensive 
							acharnée est contenue. Au début de la semaine, de 
							nombreux convois ont circulé sur le tronçon 
							Mulhouse-Cernay, emportant continuellement des 
							blessés qui étaient ensuite dirigés sur Sierenz et 
							Neuenberg, pair tralins spéciaux. De Neuenberg, les 
							blessés étaient évacués en partie sur 
							Mulhein-Badenweiler, en partie sur Loerrach et 
							Fribourg-en-Brisgau.
 Ces blessés racontent que les combats ont été très 
							violents de part et d'autre et qu'ils prennent un 
							caractère d'intensité extrême au moment où 
							l'infanterie passe à l'attaque des tranchées. Alors 
							les mitrailleuses se font entendre et le combat 
							dévient de plus en plus meurtrier.
 Les Allemands se renforcent le plus qu'ils peuvent. 
							On prétend même qu'ils ont reçu des troupes ramenées 
							de Pologne ; le fait n'a pas encore été vérifié. »
 A Strasbourg, les autorités ont pris des mesures 
							extraordinaires de défense. L'accès des tours de la 
							cathédrale est absolument interdit, les habitants 
							ont accumulé les provisions dans leurs caves bien 
							que les autorités aient déclaré cette précaution 
							superflue. Pourtant, le cours des denrées n'a pas 
							varié ; la viande se vend bon marché ; le pain a 
							subi à peine une faible augmentation ; mais les 
							légumes secs deviennent rares et sont hors de prix.
 On ne supposerait jamais que la guerre existe en 
							considérant l'animation des brasseries. Les salles 
							de spectacles sont fermées, mais on assiste à des 
							représentations cinématographiques où les films 
							présentent Les événements sous un jour favorable aux 
							armées du kaiser.
 LES CLASSES 1887 ET 1888 Le ministre de la Guerre vient de décider le renvoi 
							immédiat dans leurs foyers, à moins qu'ils ne 
							demandent leur maintien au corps, des réservistes de 
							l'armée territoriale, de toutes armes et de tous 
							services, appartenant aux classes de 1887 et 1888, 
							gradés ou non gradés, du service armé ou du service 
							auxiliaire.Cette mesure s'applique seulement aux réservistes 
							territoriaux de la zone de l'intérieur. Elle n'est 
							pas étendue à ceux qui servent dans la zone des 
							armées.
 Les réservistes territoriaux des deux classes 1887 
							et 1888, qui n'avaient été convoqués d'ailleurs 
							qu'en raison d'affectations individuelles, sont, 
							libérés jusqu'au jour où il serait nécessaire 
							d'appeler ces deux classes entièrement, y compris 
							l'infanterie. Il ne s'agit donc pas d'une libération 
							définitive.
 Ajoutons toutefois que les hommes de ces deux 
							classes exerçant des spécialités utilisables pour 
							les besoins de l'armée (établissements d'artillerie, 
							boulangeries, etc.) ne seront renvoyés qu'au fur et 
							à mesure de leur remplacement.
 PRISONNIERS DE LA MEUSE Du Bulletin meusien : A Grafenwohr : Pierrard 
							Armand, Garré Benjamin, Garré François, Trivi, 
							Franzetti, Salin Dominique, Charbeau Lucien, Mater, 
							Fontenelle Jules, Beauzée Gustave, Thiery Eustache, 
							Véry Alexis, Balon Victor, Robert Eugène, Nockel 
							père, Nockel fils, Duchesne Charles, Domange Lucien, 
							Trichot Jules, Jourdain Louis, Grassard Edmond, 
							Lagrue Albert, Glaudin, tous prisonniers civils de 
							Liny-sur-Dun et Bréhévile ; Husson, de Consenvoye.A Ingolstadt (Bavière) : Collignon Jules, maire de 
							Réchicourt ; Niclot Emile, Pierremont Auguste, Mme 
							Hourbourgère, habitants de Réchicourt, Duvernoy 
							Henri.
 A Darmstadt : Louis Trepied, blessé le 25 septembre 
							au camp des Romains.
 Dans la Croix Meusienne, l'abbé Fiedon, curé 
							d'Haudécourt, raconte qu'il fut arrêté dans sa 
							paroisse le 13 octobre par les Allemands et emmené 
							comme espion à Metz, par Thiaucourt et Onville ; le 
							curé d'Hattonchâtel l'y avait déjà précédé dans les 
							mêmes conditions. Il fut détenu quelque temps à la 
							forteresse en même temps que 120 hommes de Pillon 
							que les Allemands avaient d'abord placés devant eux 
							au combat du 10 août pour se protéger du feu des 
							Français, et qui restèrent 3 jours sans manger, 
							avant d'être conduits d'abord à Thionville, puis à 
							Metz où ils furent très mal traités et nourris.
 Le docteur Grandjean, de Marville (Meuse), est 
							prisonnier de guerre à Manching, Fort VIII, près 
							d'Ingolstadt (Bavière).
 Trois personnes de Banthéville qu'on avait signalées 
							comme fusillées à Charpentry, sont simplement 
							prisonnières à Grafenwohr (Bavière), depuis le 17 
							septembre ; Adam Jean-Baptiste, Albert Watrin, Adam 
							Théodule ; l'un d'eux écrit qu'il y a environ 2.000 
							prisonniers de Meuse et d'Ardennes. Bantheville 
							n'existait plus le 17 septembre, sauf les maisons 
							d'Adam Jean-Baptiste et d'Adam Théodule.
 De Fresnes-en-Woëvre : Mme Jeanne Laroche et son 
							fils Robert, 7 ans ; de Herbeuville : Mme Rouyer, 
							Robert Zeppa, 10 ans, à Amberg (Bavière), Auguste 
							Rouyer, à Zwickau (Saxe) ; Théophile Rouyer, blessé, 
							Lazaret Sud, à Parchim (Mecklembourg).
 Léon Rodrigues, capturé à 
							Saint-Maurice-sous-les-Côtes, âgé de 16 ans et demi, 
							est prisonnier à Zwickau (Saxe).
 Mme Charles Person, femme du caissier de la caisse 
							d'épargne, dont le mari est actuellement sous les 
							drapeaux, est prisonnière des Allemands à Metz avec 
							ses deux enfants et M. Dauphin père, et a pu donner 
							à sa famille des nouvelles de sa santé qui sont 
							bonnes.
 M. Jean Roger, de Consenvoye, est prisonnier au camp 
							de Grafenwohr (Bavière).
 André Legéndre, de Montmédy ; Hiblot Jules, Mabillon 
							Ernest, Amelon, Wauthier, Jodin, Courtois Abel, 
							Person Alphonse, Hiblot. Albert, Hiblot Félicien, 
							Pérignon, Dupuis Alfred, Dupuis Anatole, Prétagut 
							Auguste, Zivilgefangenen Kompanie B 63 H Lager 
							Grafenwohr (Bayern), Allemagne.
 M. Varlet, ancien chef de gare de Vilosnes, chef de 
							baraquements à la Compagnie des prisonniers civils 
							au camp de Grafenwohr (Bavière).
 De Romagne-sous-les-Côtes : camp de Grafenwohr 
							(Bavière) : MM. Alfred Haussaire, Ernest Poupart, 
							Amant Ernest, Hennequin Eugène, Datry Auguste, 
							Charles Amable, Henry Vital,Chaffaux Elie, Gérard 
							Anatole, Pierre Ernest, Bertin Célestin, Hamlin 
							Justin, Démaret Théophile et son neveu Paul, 
							Bertrand Charles et ses deux fils Jean et Denis.
 D'Haraumont : M. Girardeaux, garde-forestier en 
							retraite, incarcéré à Heilbronn-sur-Necker 
							(Wurtemberg).
 De Varennes : Ch. Nicot, Fagnot, Louis Binet, Amédée 
							Corvisier, Archambeau et Bigorgne, 70 ans et plus ; 
							à Wursbourg.
 Liste donnée par M. Evrard :
 Soumillard, Habrant François, Godde Gustave, Jacob, 
							Corvisier Jules, Moulinet, Le Cousin (dit M. 
							Soumillard). Ce doit être M. Colet, retraité, âgé de 
							près de 70 ans, ces derniers à Zwickau.
 René Nizet, 15 à 16 ans, à Grafenwohr, avec ceux de 
							Montblainville, Apremont (Ardennes), Chatel et les 
							environs.
 Sont internés à Oberstimm, fort n° 9, à Ingolstadt 
							(Bavière) : M. le docteur Prévost, médecin-major de 
							1re classe, appartenant à l'hôpital de Montmédy ; M. 
							Vasseur, pharmacien, appartenant au même hôpital, et 
							M. Lassaux, officier d'administration du service de 
							santé, attaché aussi à l'hôpital de Montmédy.
 Albert Lance, de Morley, blessé le 22 août à 
							Mercy-le-Haut, à l'hôpital de Regensburg (Bavière) ; 
							P. Macheret, Camille Lance, L. Léchaudel, A. Drahon, 
							A. Roussel, de Dammarie ; M. Bajolot, de Fouchères, 
							internés au camp de Grafenwohr (Bavière).
 HANSIchevalier de la Légion d'honneur
 Paris, 5 janvier, 1 h. 55.Le dessinateur Waeltz, dit Hansi, engagé volontaire 
							pour la durée de la guerre, est inscrit au tableau 
							de la Légion d'honneur pour le grade de chevalier, 
							en raison des grands services qu'il a rendus par son 
							exemple et par son courage inlassable.
 NOTRE AVANCE CONTINUELe terrain détrempé n'arrête pas l'élan de nos 
							troupes. - Nous consolidons nos gains et en faisons 
							presque partout de nouveaux.
 Paris, 5 janvier, 15 h. 45.En Belgique, malgré l'état du terrain et les 
							difficultés qui en résultent, notre infanterie a 
							progressé dans les dunes, en face de Nieuport.
 Dans la région de Saint-Georges elle a gagné, 
							suivant les points, 200, 300 et 500 mètres, enlevant 
							des maisons et des éléments de tranchées.
 Sur plusieurs points, l'artillerie belge a réduit au 
							silence l'artillerie allemande.
 De la Lys à l'Oise, dans la région de 
							Notre-Dame-de-Lorette (ouest de Lens), nous avons, 
							grâce à nos mortiers et à nos grenades, complètement 
							arrêté les travaux de sape de l'ennemi.
 Dans le voisinage de la route de Lille, les 
							Allemands, ont fait sauter une de nos tranchées et 
							s'en sont emparés, mais une contre-attaque immédiate 
							nous en a rendu maîtres de nouveau.
 De l'Oise aux Vosges, on ne signale pas d'actions 
							d'infanterie.
 Dans la région de Craonne et de Reims, combats 
							d'artillerie.
 Nos batteries ont efficacement bombardé les 
							positions ennemies dans la vallée de la Suippe, 
							ainsi que dans la région de Perthes et Beauséjour. 
							Il en a été de même en Argonne et sur les 
							Hauts-de-Meuse.
 En Alsace, au sud-est du col du Bonhomme, nous 
							sommes entrés dans le hameau du Creux-d'Argent (2 
							kilomètres ouest d'Orbey) où nous nous organisons.
 Les gains réalisés sur la route de Thann à Cernay 
							ont été maintenus à un kilomètre à l'est de 
							Vieux-Thann, et le tir de notre artillerie lourde à 
							deux kilomètres est de Burhaupt-le-Haut a fait taire 
							l'artillerie ennemie.
 NOTRE POUSSÉE VERS SAINT-MIHIEL Paris, 6 janvier, 0 h. 50.Voici le communiqué officiel du 5 janvier, 23 heures 
							: La nuit dernière, nos troupes se sont emparées 
							d'une carrière située à l'embranchement de la route 
							de Rouvrois à Saint-Mihiel, et du chemin de Maizey à 
							Saint-Mihiel, ainsi que des tranchées voisines.
 Aucune autre opération n'est signalée.
 Le temps continue à être très mauvais, et la pluie 
							tombe sans discontinuer.
 LE PREMIER TIREUR DE FRANCE Du général Cherfils: dans l'Echo de Paris :«  Je trouve dans un récit que le commandant d'André 
							a recueilli d'un de ses compagnons d'ambulance à 
							Nantes, un trait à méditer comme un exemple. Il a 
							réjoui le coeur du commandant qui a rapporté de sa 
							mission du Pérou, empruntées aux pratiques des 
							chasseurs de cigognes des Cordillères, ses méthodes 
							de tir à tuer. Elles avaient fait de la brigade 
							Maud'huy la troupe classée numéro un pour le tir 
							parmi toutes les brigades de France :
 «  Le 26e d'infanterie de la division de fer possède 
							un adjudant qui est un tireur extraordinaire. Dans 
							le régiment on l'appelle «  l'homme-affût ». Or, il y 
							a quelques jours, un Allemand vient à 600 mètres de 
							nous inspecter nos lignes, tranquillement, à la 
							jumelle. Mais le Boche, en guise d'assurance pour sa 
							vie, avait lâchement emmené avec lui deux femmes, 
							deux Françaises, qui l'encadraient.
 «  Bien sûr, pensait-il, aucun Français n'osera tirer 
							sur moi, dans la crainte de tuer ces femmes. »
 Il s'est trompé. Guillaume Tell s'est dressé devant 
							lui. Les hommes vont appeler le fameux adjudant. 
							Celui-ci arrive, prend son temps, ses moyens, guidon 
							et hausse noircis, ainsi que toute la culasse. Il 
							met près de trente secondes à ajuster son coup.
 Son coup est lâché. L'Allemand est tué raide. Les 
							deux femmes tombent aussi, mais sous le choc de leur 
							émotion, puis se relèvent aussitôt et s'enfuient, 
							aux applaudissements de tous nos hommes. »
 POUR PRÉSERVER NOS MONUMENTS Nancy, 5 janvier 1915.Depuis deux jours, une équipe d'ouvriers est occupée 
							à la basilique Saint-Epvre pour préserver les 
							vitraux abîmés lors du bombardement par le zeppelin.
 Les ouvertures sont bouchées avec des feuilles de 
							fort papier que l'on fait adhérer au plombage.
 A l'extérieur, de grands panneaux de planches sont 
							apposés contre les baies donnant rue des Dames.
 Devant le portail latéral un échafaudage a été 
							construit pour aveugler avec des planches la grande 
							rosace qui a eu fort à souffrir des projectiles.
 Dans l'intérieur de l'église des Cordeliers, les 
							tombeaux ont été protégés par un épais matelas de 
							sacs remplis de laitier pulvérisé maintenu par de 
							solides échafaudages. De cette façon les projectiles 
							ne sauraient atteindre ces chefs-d'oeuvre de l'art 
							lorrain.
 LE "CATASTROPHISME" Il n'est pas un bien grand nombre d'hommes, ni de 
							femmes, qui puissent vivre sans «  catastrophisme ». 
							Nous avons tous du goût pour le merveilleux, pour le 
							subit, pour l'irrésistible. Les paralytiques adorent 
							Jules Verne, les timides se passionnent pour les 
							Trois-Mousquetaires, les gens qui n'estiment pas 
							particulièrement la police raffolent de Sherlock 
							Holmes. Le fatal a pour nous un invincible attrait.Le travail patient de chaque jour, nous avons 
							coutume de le regarder comme un effort banal et sans 
							poésie.
 Ainsi les croyants admettent-ils volontiers 
							l'intervention de la Providence dans les affaires 
							humaines, tandis que les fatalistes attendent la 
							venue du destin, que les superstitieux appellent la 
							réalisation des prophéties, et les joueurs la sortie 
							du bon numéro.
 Au début de la guerre nous avions une tendance très 
							marquée à considérer que quelque événement 
							prodigieux apporterait d'un seul coup une solution à 
							la crise actuelle, et naturellement la solution la 
							plus heureuse.
 Tantôt c'était la turpinite, cette poudre effroyable 
							qui semait de mort des kilomètres carrés. Puis 
							c'était ce «  facteur » que le gouvernement anglais 
							avait indiqué obscurément, si obscurément même que 
							nul n'avait compris, ni même le ministre à qui on 
							l'attribuait et qui, n'y ayant jamais songé, n'en 
							avait jamais parlé. Ensuite ce fut le fameux général 
							la Faim qui devait réduire subitement nos ennemis.
 Nous avons cru à ces auxiliaires étranges et 
							tout-puissants, d'autant plus puissants qu'ils 
							n'existent pas, du moins à l'état réel.
 Peu à peu on s'est aperçu que ces «  facteurs », ces 
							«  poudres », ces entités, tout cela entrait dans 
							cette tournure d'imagination que les scientifiques 
							du socialisme ont appelé d'un horrible néologisme, «  
							le catastrophisme ».
 On a compris que les résultats des choses humaines 
							sont purement humains, et que les qualités humaines 
							et les efforts humains produisent ces effets, qu'il 
							est inutile d'attendre d'interventions extérieures.
 Nous commençons à comprendre que la guerre est une 
							longue bataille composée elle-même de combats 
							incessants, que chaque combat apporte un résultat, 
							plus ou moins important, et que la somme de ces 
							résultats, jour par jour, semaine par semaine, mois 
							par mois, sera totalisée au moment où l'un ou 
							l'autre des adversaires sera épuisé.
 Nous avons commencé à comprendre qu'une belle charge 
							à la baïonnette n'est pas tout, qu'une magnifique 
							charge de cavalerie n'est pas une victoire 
							définitive, que l'infanterie a besoin de 
							l'artillerie, et les artilleurs des troupiers, que 
							le génie est une arme précieuse, l'aviation une 
							invention qui rend des services, que les tranchées 
							sont parfois nécessaires, et les forts pas toujours 
							imprenables, que les travaux de campagne offrent des 
							avantages. Qu'avons-nous appris encore ? Bien des 
							choses.
 Et nous avons surtout appris à compter sur chacune 
							de ces choses liées intelligemment les unes aux 
							autres, sur l'oeuvre quotidienne et patiente. Nous 
							avons appris à compter sur nous-mêmes, exclusivement 
							sur nous, éloignant de notre esprit avec un sourire 
							un peu ironique cette «  catastrophe » sur laquelle 
							nous nous reposions pour terminer la guerre au plus 
							tôt.
 Les Allemands d'ailleurs sont passés par le même 
							état d'esprit. Je ne sais pas s'ils ont eu 
							l'intelligence assez souple pour s'adapter aux 
							nouvelles formes de la pensée. Mais au début de la 
							guerre Guillaume II s'était attaché un «  bon vieux 
							Dieu » qui lui assurait la victoire, et qu'il 
							traînait avec fracas comme un sabre sur le pavé de 
							l'Europe. Si bien que le fameux professeur Ostwald 
							pouvait dire : «  Dieu le père est réservé chez nous 
							à l'usage personnel de l'empereur. Une fois on a 
							parlé de lui dans un rapport du grand état-major 
							général, mais, remarquez-le bien, il n'y a plus 
							reparu ».
 C'est Dieu le père qui pour les Germains était le 
							meneur de catastrophes.
 Quelque chose me dit qu'ils sont aujourd'hui un peu 
							désabusés de cette conception, et qu'ils comptent 
							davantage sur leur propre valeur, sur l'art des 
							tranchées, sur la tactique des généraux, sur 
							l'artillerie lourde, sur les moyens rapides de 
							transport, et sur d'autres menus détails qu'au 
							surplus ils n'avaient jamais trop négligés.
 Certes ceux qui ont la foi religieuse, et qui y 
							trouvent un admirable réconfort, l'ont précieusement 
							conservée. Les fatalistes croient toujours à la 
							fatalité, les joueurs à la chance, les superstitieux 
							aux prophéties. Chacun garde dans son esprit un coin 
							discret pour le Mystérieux souverain. Mais le coin 
							est plus petit. On fait une part plus grande aux 
							vertus purement humaines, que l'on dédaignait un peu 
							comme trop banales, la prudence, la patience, 
							l'énergie, l'audace, la méthode, l'étude, la 
							décision, qui ne nous apportent pas tout de suite 
							une fin idéale, et qui, par un chemin très long, 
							très dur, très meurtrier, nous conduisent cependant 
							pas à pas, lentement, tranchée par tranchée, à la 
							victoire définitive, à la paix triomphale où se 
							reposera le monde libéré.
 Nous ne rêvons plus d'inventions miraculeuses qui 
							détruisent l'ennemi comme dans un conte de fées. Et 
							même nous ne rêvons plus du tout.
 Pour sauver la France nous agissons tous, soldats et 
							civils, avec la puissance formidable des vertus 
							humaines.
 Nous agissons de toutes nos forces, et nous nous 
							appuyons sur l'amour de notre pays, et sur la 
							volonté de vivre libres, - ou de mourir.
 RENÉ MERCIER.
 UNE JOLIE AVANCE EN ARGONNE Paris, 6 janvier, 15 h. 15.En Belgique, l'ennemi a prononcé, sans succès, deux 
							attaques : dans la région des dunes et au sud-est de 
							Saint-Georges.
 Sur le reste du front, au nord de la Lys et de la 
							Lys à l'Oise, il n'y a eu que des combats 
							d'artillerie.
 Dans la vallée de l'Aisne et dans le secteur de 
							Reims, nos batteries ont pris l'avantage sur celles 
							de l'ennemi, qu'elles ont réduites au silence. On 
							signale d'autre part, une progression de nos troupes 
							d'une centaine de mètres au nord-ouest de Reims.
 En Argonne, s'est déroulée une action très vive qui 
							nous a permis de reprendre 300 mètres de tranchées 
							dans le bois de la Grurie, au point où s'était 
							produit un léger fléchissement signalé précédemment.
 De Bagatelle et de Fontaine-Madame sont parties deux 
							violentes attaques allemandes à l'effectif d'un 
							régiment chacune.
 Elles ont été repoussées.
 Près du ravin de Courtechausse, nous avons fait 
							sauter à la mine 800 mètres de tranchées allemandes 
							dont nous avons occupé la moitié.
 De l'Argonne aux Vosges, le mauvais temps, la brume 
							et la boue ont persisté. Il y a eu, sur différents 
							points du front d'assez vifs combats d'artillerie. 
							Au bois Le Prêtre, près de Pont-à-Mousson, nous 
							avons continué à gagner du terrain.
 Dans la région de Thann, malgré une violente 
							canonnade, nous avons maintenu nos gains de la 
							veille, tant à Steinbach même que dans les tranchées 
							au sud-ouest et au nord-ouest du village. L'ennemi a 
							réussi à réoccuper une de ses anciennes tranchées 
							sur le flanc est de la hauteur, cote 425, dont le 
							sommet demeure en notre possession.
 NOUS AVANÇONS VERS ALTKIRCH Paris, 7 janvier, 1 h. 15.Voici le communiqué officiel du 6 janvier, 23 heures 
							: Les seuls incidents notables sont : Au nord assez 
							vive canonnade dans la région de Zillebecke ; 
							Maintien de nos positions en Argonne ; Et légère 
							progression de nos troupes dans le bois de 
							Schirtzbach auprès de Altkirch.
 SUCCÈSen Woëvre et en Alsace
 Paris, 7 janvier, 16 h. 25.De la mer à la Lys il n'y a eu, dans la journée du 6 
							janvier, que des combats d'artillerie où nous avons 
							eu presque constamment l'avantage.
 Nos batteries ont mis en fuite des avions allemands 
							qui se dirigeaient sur Dunkerque et elles ont éteint 
							le feu des minenwerfer.
 Dans la région de Zillebeke, l'ennemi a bombardé 
							violemment la tête de pont belge au sud de Dixmude.
 Dans la région de Lille, nous avons repoussé avec 
							succès une violente attaque allemande sur une de nos 
							tranchées. Cette tranchée, d'abord perdue par nous, 
							a été brillamment reprise, et nous avons bouleversé, 
							par des explosions de mines, une partie des ouvrages 
							allemands.
 Entre la Somme et l'Aisne, rien à signaler que des 
							combats d'artillerie.
 A l'est de Reims, à la ferme d'Alger, l'explosion de 
							mines que nous avons provoquée hier soir, a arrêté 
							les travaux ennemis.
 En Argonne, à l'ouest et au nord de Verdun, combats 
							d'artillerie où l'ennemi a montré peu d'activité.
 En Woëvre, la progression réalisée au nord-ouest de 
							Flirey est plus importante qu'elle n'avait été 
							signalée. Nous nous sommes rendus maîtres d'une 
							fraction de la première ligne ennemie.
 A Steinbach et à la cote 425, l'ennemi n'a pas 
							contre-attaqué. Une pluie persistante et l'état du 
							terrain rendaient d'ailleurs tout mouvement 
							difficile. Nous nous sommes maintenus sur toutes les 
							positions conquises les jours précédents.
 Deux attaques ennemies se sont produites, l'une à 
							l'ouest de Watwiller, l'autre près de Kolschlag. 
							Elles ont été immédiatement repoussées.
 Nous avons progressé dans la direction d'Altkirch en 
							occupant les bois situés à quatre kilomètres à 
							l'ouest de cette ville.
 Notre artillerie lourde a réduit au silence celle de 
							l'ennemi. Celui-ci, pendant toute la journée, a 
							bombardé l'hôpital de Thann.
 BLESSÉE PAR LE «  ZEPPELIN » «  Du Gaulois :«  La vice-présidente du comité régional des Dames de 
							la Société de secours aux blessés militaires, à 
							Nancy, Mme Paul Lacroix, a été blessée, le samedi 26 
							décembre, alors qu'elle était couchée, par l'une des 
							bombes qu'un «  Zeppelin » a lancées sur la capitale 
							lorraine.
 «  Il était 5 heures un quart du matin, lorsque ce 
							projectile, tombe dans la grande allée de la 
							Pépinière (jardin public nancéien), y brisa un 
							arbre, avant que ses éclats s'éparpillent sur les 
							corps de logis des maisons dont les façades sont 
							place Carrière. L'un de ces morceaux d'obus éventra 
							les persiennes, brisa les vitres, pénétra dans la 
							pièce où Mme Lacroix reposait et lui traversa la 
							cheville de part en part.
 «  La blessée dut être transportée d'urgence à 
							l'hôpital Bon-Secours, où les mêmes chirurgiens qui 
							l'ont vue à l'oeuvre, jour et nuit, au chevet des 
							blessés depuis cinq mois, lui ont prodigué les soins 
							que son état exige. La blessure est très 
							douloureuse, mais peu grave.
 «  Mme Paul Lacroix est la femme du 
							lieutenant-colonel d'artillerie breveté Lacroix, que 
							sa santé a contraint à prendre prématurément sa 
							retraite, et la nièce de l'éminent avocat Me Henri 
							Limbourg, ancien préfet, exécuteur testamentaire du 
							duc d'Aumale, dont il a publié l'intéressante 
							correspondance avec M. Cuvillier-Fleury. »
 AUTOUR DE VERDUN Un de nos amis, - lisons-nous dans le «  Temps » - 
							maire d'une localité importante de l'Est, nous donne 
							quelques renseignements fort intéressants sur les 
							événements qui se sont produits autour de Verdun et 
							sur la vie que mènent nos soldats autour de la 
							grande forteresse. Le tableau est pittoresque et, 
							c'est le cas de le dire, vécu. Nos lecteurs le 
							liront avec plaisir :«  Durant cette campagne de 1914, la place de Verdun 
							a joué un rôle prépondérant. Elle a arrêté 
							l'offensive ennemie. Elle a aidé, en les flanquant 
							puissamment, la progression de nos armées lors de la 
							victoire de la Marne. L'artillerie de forteresse, 
							divisée en secteurs, soutenait tous les mouvements 
							de l'infanterie de ses lourds canons, et le génie, 
							multipliant les retranchements, les bastions, 
							parvenait en peu de temps à décupler la force de la 
							place par des fortifications improvisées et de 
							nombreux réseaux.
 Un jour, cependant, le 8 septembre, l'armée 
							allemande resserre son étreinte ; les forts de 
							Bois-Bourru et de Marre sont bombardés. Quelque 
							temps après, le fort de Douaumont reçoit sa part 
							d'obus. Le fort de Genicourt, qui soutint 
							l'incomparable défense du fort de Troyon, est à son 
							tour couvert de mitraille.
 Les aviateurs allemands, pendant ce temps, 
							multiplient leurs randonnées audessus de la place et 
							jettent de nombreuses bombes : l'une, un jour, tombe 
							au milieu de la ville, dans la Meuse, et tue trois 
							cents kilos de poisson, qui font la joie des malades 
							des hôpitaux ; l'autre traverse du grenier à la cave 
							la maison de M. Cloutier, quincaillier, dans un 
							faubourg. Mais jusqu'ici les fameuses bombes n'ont 
							tué personne. Je ne parle point des fléchettes et 
							des petits papiers semés à profusion par les 
							aviateurs boches ; je note simplement que le jour de 
							Noël nous assistâmes à une course fort jolie : un 
							avion allemand venait de jeter deux bombes sur 
							Verdun, et les canons de nos forts essayaient 
							d'atteindre ce provocateur, quand un grand silence 
							se fit. Pégoud, sur son monoplan, venait de s'élever 
							et tirait sur le Boche avec sa mitrailleuse ; alors, 
							ce fut une course éperdue, jusqu'à ce que l'avion 
							allemand disparût derrière Montfaucon, salué par une 
							dernière salve du fort de Bois-Bourru. Depuis, nous 
							n'avons plus vu d'avion boche.
 On a tant critiqué notre artillerie de forteresse au 
							début de la guerre, qu'il faut bien dire ce qu'elle 
							a fait - notamment autour de Verdun - pour 
							réhabiliter - s'il en est besoin ! - cette arme 
							d'élite, où la science, le sang-froid des officiers 
							se mélangent au courage, à la force rare des hommes, 
							souvent astreints aux plus durs travaux et obligés, 
							par leurs petits joujous de. plusieurs milliers de 
							kilos, aux manoeuvres les plus pénibles.
 Verdun a toujours été en communication avec le reste 
							de la France par ses voies ferrées.
 La garnison a toujours reçu ses correspondances 
							régulièrement ; le personnel des postes et les 
							vaguemestres se sont montrés d'un dévouement et 
							d'une habileté extraordinaires. La gare a reçu des 
							quantités de colis, qui tous ont été très bien 
							distribués.
 Comment sommes-nous installés ? Au petit bonheur. 
							Les uns sont à proximité d'un village et peuvent 
							trouver une grange hospitalière, les autres campent 
							en plein champ dans de vastes trous couverts de 
							troncs d'arbres ; nous, nous sommes au milieu d'un 
							bois, installés dans des huttes de charbonniers ; on 
							n'a pas froid ; on est très gai ; un seul ennemi : 
							des multitudes de souris envahissent nos campements, 
							ramassent nos miettes, et dansent un cake walk des 
							plus désagréables la nuit sur nos personnes 
							endormies.
 La nourriture ? Abondante et bonne. Les cuisiniers 
							improvisent des menus variés, et en accommodant le 
							riz. perpétuel à des sauces multiples, parviennent à 
							ne pas fatiguer nos estomacs. On a presque tous les 
							jours de la viande fraîche, et le bouillon est 
							excellent.
 Nos officiers s'intéressent beaucoup à la façon dont 
							nous sommes nourris. En résumé, la garnison a up. 
							moral excellent, et parmi les troupes règnent une 
							fraternité et une camaraderie extraordinaires. Je 
							suis voisin de lit d'un adjoint au maire d'une 
							petite ville industrielle du Nord, farouche 
							socialiste. dans le civil ! Ici, il n'y a pas parmi 
							nous de patriote plus enragé et plus convaincu ! »
 QUELQUES NOUVELLES DE CIREY L'Indépendant de Lunéville a eu connaissance d'une 
							lettre qui donne des nouvelles de Cirey - ce sont 
							des nouvelles qui datent d'un mois : elles n'en sont 
							pas moins intéressantes.A la fin du mois de novembre, les dégâts subis par 
							Cirey étaient peu considérables, malgré le 
							bombardement des premières batailles.
 Un habitant, M. Roze, a été tué par un obus ; c'est 
							alors la seule victime.
 La population fut ravitaillée par l'ennemi. Les 
							incendies qui s'étaient déclarés ont pu être 
							éteints.
 Les jeunes gens de la classe 1915 ont été emmenés 
							prisonniers par les Allemands qui les ont dirigés 
							sur Dieuze.
 On sait que depuis un mois des incendies ont été 
							signalés à Cirey et que nos troupes se sont 
							approchées à 1.500 mètres de la commune. Que 
							s'est-il passé à Cirey depuis la fin de novembre ? 
							Nous l'ignorons.
 UNE ÉVASION Nous recevons le pittoresque récit que voici d'un 
							jeune Nancéien :«  J'étais parti à F..., huit jours environ avant le 
							conflit européen, ma famille m'y ayant envoyé pour 
							apprendre la langue allemande. A mon arrivée, la 
							population semblait très paisible et aucun indice ne 
							pouvait révéler que ce peuple, qui accueillait les 
							Français avec une joie d'apparence si cordiale, 
							devait une semaine après leur déclarer la guerre.
 Cependant le nombre extraordinaire des troupes que 
							je rencontrais dans mes promenades journalières, me 
							faisait soupçonner qu'ainsi massées vers la 
							frontière suisse elles étaient là pour un autre but 
							que celui des grandes manoeuvres, comme me le 
							disaient tous les gens que je questionnais à ce 
							sujet.
 Plusieurs jours, je n'ai su que penser de tout ce 
							que je voyais, et c'est seulement le mardi 4 août 
							que je fus fixé. Il était sept heures du matin. 
							J'allais sortir prendre l'air lorsqu'un soldat en 
							armes, qui se trouvait devant ma porte, me repoussa 
							brutalement dans ma chambre et me déclara qu'il me 
							tuerait sans pitié si je tentais de m'enfuir.
 A neuf heures, un autre soldat vint me chercher pour 
							me mener dans une vieille maison que je connaissais 
							bien, y ayant déjà eu affaire : c'était un bureau 
							militaire.
 Je trouvai là trente-sept de mes camarades. Tous les 
							jeunes gens du quartier qu'un tribunal, composé d'un 
							colonel et deux capitaines, interrogeait d'après 
							leur ordre d'arrivée. Quand vint mon tour, ils me 
							firent subir un interrogatoire très serré, à la fin 
							duquel ils m'annoncèrent que je ferais un très bon 
							terrassier.
 Je commençai alors à comprendre que, la guerre étant 
							soudainement déclarée entre les deux pays, les 
							Boches, contrairement aux droits des gens, voulaient 
							conserver les jeunes Français au-dessus de seize ans 
							en qualité de prisonniers de guerre.
 Après nous avoir tous examinés et avoir renvoyé les 
							trop jeunes ou trop faibles (neuf en tout), ils nous 
							mirent sous la garde d'une escouade et nous 
							placèrent par rang de taille. Nous dûmes défiler 
							dans les principales rues de la ville, en butte aux 
							huées de la populace.
 Puis, ayant changé les hommes de notre garde, un 
							jeune sous-lieutenant nous emmena sur la route qui 
							mène à la Suisse. Il nous fit marcher jusqu'à deux 
							heures de l'après-midi et nous arrêta près d'un 
							chemin en construction, abandonné par les ouvriers, 
							sans doute mobilisés. La frontière suisse n'était 
							qu'à huit ou neuf kilomètres de là, mais il ne 
							fallait pas songer la franchir de sitôt.
 Je dois faire remarquer que, n'ayant pas mangé 
							depuis la veille, nous mourions littéralement de 
							faim. C'est sans doute pour nous rassasier que le 
							sous-lieutenant nous fit distribuer à chacun un 
							morceau de pain noir dont le poids n'excédait pas 
							cinquante grammes.
 Le lendemain, un capitaine venu pour nous inspecter, 
							nous fit enfin distribuer des vivres. Après un repas 
							assez substantiel, on nous donna à chacun une pioche 
							et l'on nous fit travailler à la route. Plusieurs 
							semaines se passèrent lentes et monotones. Si nous 
							ne souffrions pas physiquement, moralement c'était 
							terrible, et c'est ce qui me décida à m'évader. 
							J'allai trouver les uns après les autres mes 
							vingt-huit compagnons et je leur proposai de quitter 
							notre bagne à la première occasion. Quatre d'entre 
							eux acceptèrent les risques de cette aventure et 
							chaque soir dans la grange où nous couchions, à 
							l'abri des regards de la sentinelle postée à la 
							porte, nous nous exercions à tous les sports qui 
							pourraient nous être utiles dans notre fuite.
 L'occasion propice à nos voeux se présenta une nuit 
							sans lune. Il était huit heures du soir. La 
							sentinelle qui prit la faction avait été brutalisée 
							quelques instants auparavant par le sous-lieutenant 
							et nous l'entendions marmonner entre ses dents. L'un 
							de nous, qui parlait parfaitement l'allemand, entama 
							les négociations, de telle sorte qu'une demi-heure 
							après, pour le prix convenu de deux cents mark, nous 
							pouvions reprendre tous les cinq notre liberté. Le 
							coup était admirablement combiné. Dès que nous fûmes 
							à cent mètres de la prison, notre vigilant gardien, 
							dont la conscience était plus qu'élastique, se mit à 
							pousser des gémissements comme si nous l'avions 
							assommé et tira un coup de feu. Le poste était 
							prévenu, mais nous avions déjà une certaine avance 
							et pendant au moins deux kilomètres, nous pûmes 
							courir à notre aise.
 Enfin, nous arrivâmes dans un bois. A peine y 
							étions-nous entrés que nous entendîmes siffler 
							plusieurs balles. Nous nous jetons à plat ventre et 
							c'est ainsi que pendant huit heures de suite nous 
							arpentâmes un terrain couvert de boue, dans laquelle 
							s'enfonçaient des balles qui, nous le savions bien, 
							avaient une toute autre destination. Un de mes 
							camarades qui marchait en arrière fut le seul 
							atteint. Nous ralentîmes un peu notre marche, mais 
							malgré toute notre bonne volonté nous allions 
							bientôt l'abandonner, car il faiblissait 
							visiblement, si quelques mètres plus loin nous 
							n'étions pas entrés chez les Suisses, qui se 
							chargèrent de faire comprendre à nos poursuivants 
							qu'ils arrivaient trop tard et que notre évasion 
							avait été couronnée de succès.
 L. M.
 M. THIRIETMaire de Saâles
 est-il mort ou prisonnier ?
 Au début des hostilités, on se souvient que les 
							autorités allemandes arrêtèrent et livrèrent sans 
							jugement, aux pelotons d exécution un certain nombre 
							de personnalités alsaciennes et lorraines, entre 
							autres, M. Thiriet, maire de Saâles. Du moins, ce 
							bruit s'en répandit alors.La petite commune de Saâles est située sur le 
							versant annexé du col auquel elle donne son nom, 
							entre les vallées de la Fave et de la Bruche. M. 
							Thiriet y remplissait ses fonctions municipales avec 
							une grande dignité ; il entretenait dans la région 
							d'excellentes relations ; on le rencontrait 
							fréquemment à Saint-Dié, les jours de marché ; mais 
							les Allemands lui reprochèrent d'avoir annoncé dans 
							les villages où l'appelaient ses affaires, la 
							mobilisation des garnisons de Rothau, de Mutzig et 
							de Molsheim.
 Or, voici que la mort de M. Thiriet serait démentie 
							par l'ancien maire d'une localité vosgienne.
 D'après ce témoignage qui paraît fort peu suspect, 
							M. Thiriet serait enfermé dans une caserne ou une 
							prison de Strasbourg, sans qu'il ait jamais pu 
							correspondre avec la France.
 Cette nouvelle se rapprocherait heureusement de 
							celle que nous rapportait l'autre jour M. Hottier, 
							maire d'Homécourt, d'après laquelle les frères 
							Samain sont prisonniers dans la forteresse 
							d'Ehrenbreistein.
 L. C.
 DE LA MER A L'ALSACELe Canon, la Mine, la Baïonnette
 ONT DONNÉ AVEC SUCCÈS
 Paris, 8 janvier, 15 h. 10.L'artillerie ennemie a montré, hier, beaucoup 
							d'activité, en Belgique et dans la région d'Arras. 
							L'artillerie française a répondu vivement et 
							efficacement. Quant à notre infanterie, elle a 
							réalisé quelques progrès.
 Près de Lombaertzyde, nous avons enlevé, à cinquante 
							mètres en avant de nos tranchées, un mamelon occupé 
							par l'ennemi.
 A l'est de Saint-Georges, nous avons gagné du 
							terrain et endommagé sérieusement les tranchées 
							ennemies voisines de Steentraate.
 Dans le secteur d'Arras, au bois Berthonal, nous 
							avons dû, sans être attaqués, évacuer certains 
							éléments d'une tranchée où les hommes étaient 
							enlisés jusqu'aux épaules.
 A gauche de la Boisselle, notre ligne de tranchées a 
							été portée en avant. Nous occupons le chemin de la 
							Boisselle à Aveluy.
 Dans la vallée de l'Aisne, le duel d'artillerie a 
							été assez vif. Notre artillerie lourde a obtenu de 
							bons résultats.
 Près a Blancablon, un minenwerfer de l'ennemi nous a 
							infligé des pertes, mais, dans l'après-midi, nous 
							avons arrêté le feu des Allemands.
 Dans le secteur de Reims, à l'ouest du lois des 
							Zouaves, nous avons fait sauter un blockhaus, à deux 
							cents mètres en avant de nos lignes.
 Un combat d'infanterie a eu lieu entre Bétheny et 
							Prunay. Il a été d'une extrême âpreté. Les Allemands 
							ont laissé de nombreux morts sur le terrain. Nos 
							pertes sont minimes.
 Entre Jonchery-sur-Suippe et Souain, nous avons 
							réduit, à plusieurs reprises, l'artillerie ennemie 
							au silence. Nous avons bouleversé ses tranchées et 
							détruit ses abris.
 En Argonne, à l'ouest de Haute-Chevauchée, l'ennemi 
							a fait sauter à la mine quelques-unes de nos 
							tranchées de première ligne, qui ont été 
							complètement bouleversées. Une attaque violente 
							qu'il a prononcée aussitôt a été repoussée à la 
							baïonnette. Nous avons fait des prisonniers et nous 
							avons maintenu notre front, sauf sur une étendue de 
							80 mètres, où le bouleversement des tranchées nous a 
							obligés à établir notre ligne à vingt mètres en 
							arrière.
 Sur les Hauts-de-Meuse et entre Meuse et Moselle, 
							rien à signaler. Le vent a soufflé en tempête toute 
							la journée.
 Notre offensive a continué dans la région de Thann 
							et d'Altkirch. Nous avons obtenu des résultats 
							importants.
 Nous avons repris des tranchées sur le flanc est de 
							la cote 425, où l'ennemi avait réussi à se 
							réinstaller avant-hier. Nous avons gagné ensuite du 
							terrain à l'est des tranchées.
 Plus au sud, nous avons enlevé Burnhaupt-le-Haut, et 
							progressé en même temps dans la direction du pont 
							d'Aspach et de Kahlberg.
 L'artillerie ennemie, qui avait essayé, sans succès, 
							d'atteindre nos batteries, a renoncé à tirer sur 
							elles, pour bombarder exclusivement l'hôpital de 
							Thann qui a été évacué.
 DEUX VIOLENTS COMBATSdans le Soissonnais et en Argonne
 Paris, 9 janvier, 1 h. 44.Voici le communique officiel du 8 janvier, 23 heures 
							: Au nord de Soissons, nous avons enlevé une redoute 
							allemande et conquis deux lignes successives de 
							tranchées. Nous avons atteint la troisième ligne.
 Trois retours offensifs exécutés par les Allemands 
							ont échoué.
 En Argonne, une très violente attaque allemande à la 
							hauteur de Haute-Chevauchée, nous a forcés d'abord à 
							nous replier sur un kilomètre du front, mais nous 
							avons contre-attaqué et réoccupé nos positions.
 Un radiotélégramme à la presse allemande prétend que 
							nous avons perdu la cote 425 dominant Steinbach et 
							que nous n'avons pas pénétré dans Burnhaupt-leHaut. 
							Ces deux allégations sont fausses.
 EN ALSACELE COMBAT DE STEINBACH
 Voici de nouveaux détails sur la prise de Steinbach 
							:Le 29 décembre, dans la nuit, un fort contingent 
							français avait réussi à traverser la Thur en amont 
							de Thann. Le 30, à l'aube, un violent duel 
							d'artillerie s'engageait entre nos batteries et les 
							pièces allemandes en position sur les hauteurs de 
							Wattweiler. L'ennemi tirait habilement parti de bois 
							de sapins pour dissimuler ses canons. L'épaisseur de 
							la forêt rendait presque impossible le repérage par 
							avion. Une lourde tâche allait échoir à nos 
							patrouilles.
 Pénétrant dans les lignes allemandes, nos 
							éclaireurs, au risque de tomber à chaque pas dans 
							une embuscade, battaient les sapinières. L'audace de 
							nos chasseurs nous permettait bientôt de découvrir 
							l'emplacement des principales batteries adverses. 
							Avant la fin du jour, les trois quarts des 77 
							prussiens étaient démontés, le reste se taisait et 
							battait en retraite.
 Au matin du 31, notre infanterie occupait la plupart 
							des crêtes dominant Steinbach. Ce village, 
							avant-poste de Cernay, était l'enjeu du combat que 
							nos troupes livraient sans trêve depuis 
							quarante-huit heures.
 Un parlementaire, envoyé par notre état-major, 
							rentrait une heure plus tard dans nos lignes avec la 
							réponse allemande, à savoir que le commandant en 
							chef des forces adverses ne se considérait nullement 
							comme cerné, que la route de Sennheim restait libre 
							pour une retraite toujours possible et qu'en tout 
							cas les troupes de l'empereur se font tuer, mais ne 
							se rendent pas. Un otage, qui avait réussi à 
							s'enfuir de Steinbach affirmait que, la veille, 
							trente soldats du landsturm, dont l'attitude 
							semblait peu résolue, avaient été fusillés séance 
							tenante sur la place du village.
 Les batteries échappées à nos coups avaient rallié, 
							pendant la nuit, le hameau. Nul doute qu'il ne nous 
							fallut conquérir celui-ci maison par maison. Mais 
							les bois de sapins, qui avaient permis à une partie 
							de nos 75, allaient servir, en revanche, à nos 
							fantassins, pour approcher à couvert de Steinbach.
 A midi, nous dévalons en colonnes éparses vers le 
							village. Les 77 ouvrent le feu, mais le terrain 
							n'est point pour favoriser le tir de l'adversaire. 
							Nos tirailleurs parviennent à moins de deux cents 
							mètres des premières bâtisses. Là sont établis les 
							avant-postes prussiens. Une mitrailleuse placée dans 
							le clocher de l'église arrose la lisière des 
							sapinières d'où il nous faudra déboucher. Il nous 
							faut, à tout prix, enlever ce point d'appui.
 Une petite ferme est là à laquelle conduit un chemin 
							creux. Mais la section ennemie, qui en a la défense, 
							a eu soin de mettre en avant une rangée de civils 
							parmi lesquels on distingue une femme, les cheveux 
							épars sur les épaules et les mains liées derrière le 
							dos. Cette nouvelle infamie enflamme le courage de 
							nos soldats. Une compagnie se lance en avant, à la 
							baïonnette. Le chemin de la ferme est balayé par le 
							feu ennemi, mais rien n'arrête les nôtres. Malgré 
							nos pertes, en un clin d'oeil, la section adverse est 
							cernée, la porte de la maison enfoncée. Il est une 
							heure, nous sommes maîtres de la ferme.
 Le hasard veut que notre nouveau point d'appui soit 
							relié au centre de Steinbach par une série de 
							hangars. Nous grimpons sur l'un d'eux. Une 
							mitrailleuse domine une tranchée ennemie à l'entrée 
							de la rue principale. Comme un fait exprès, des 
							trous donnant sur la ligne allemande sont percés 
							dans les murs de la grange et destinés à donner de 
							l'air aux fourrages.. Ces ouvertures sont pour nous 
							des meurtrières parfaites.
 Un de nos meilleurs tireurs est parvenu à 
							l'extrémité des hangars. Dissimulé avec soin, il 
							épaule dans la direction de la place du village. 
							Quelques canons sont rangés là, qui tirent toujours 
							vers les pentes, le long desquelles nos renforts et 
							nos munitions de réserve arrivent. Notre homme, 
							posément, à deux cents mètres, ajuste les servants 
							prussiens, les abat l'un après l'autre. Cet exploit, 
							qui prive la batterie ennemie de son personnel, 
							permet à notre ligne principale de faire à nouveau 
							un bond en avant. Des fantassins allemands veulent 
							prendre la place des artilleurs tombés, mais 
							ignorant le maniement des pièces, ils perdent un 
							temps précieux.
 A la fin de l'après-midi, une de nos colonnes 
							parvient à glisser sur la droite ennemie, le long du 
							ruisseau de Steinbach. Nous prenons ainsi le village 
							à revers. A cinq heures, une contre-attaque 
							désespérée de l'ennemi, au nord du hameau, échoue 
							piteusement. Les cavaliers, qui contre-attaquaient à 
							pied, sont rejetés dans le lit du torrent, où les 
							plus atteints se noient.
 Le combat se poursuit, farouche, jusqu'au soir. 
							Toute ruelle devient une embuscade, toute 
							maisonnette se transforme en citadelle. La 
							possession d'un mur, d'une porte, devient l'objet 
							d'un corps à corps sérieux. L'exaspération dans les 
							deux camps va croissant. La nuit n'arrête pas la 
							bataille.
 A la faveur de l'ombre, un de nos volontaires se 
							dévoue et va mettre le feu à une grande remise 
							derrière laquelle s'abrite une force allemande. 
							Notre homme réussit sa mission et, à la lueur du 
							foyer, nous voyons bientôt s'enfuir une troupe 
							d'ennemis. Une de nos mitrailleuses ouvre le feu sur 
							les fuyards et non sans profit. Une heure plus tard, 
							l'adversaire, qui veut nous rendre la pareille, 
							réussit à jeter des grenades incendiaires sur une de 
							nos granges, mais les Prussiens ont mal calculé. Le 
							vent d'ouest souffle et rabat les flammes vers les 
							Allemands, obligeant ceux-ci à évacuer leur première 
							ligne de tranchées.
 L'incendie, qui gagne, atteint une réserve de 
							munitions qui sautent avec un bruit effroyable.
 Le canon n'a pas cessé de tonner sur la crête. Les 
							flammes projettent de grandes ombres sinistres sur 
							les pentes d'en face.
 La fusillade crépite de toutes parts. Le combat est 
							tel qu'il est impossible de se rendre compte de ce 
							qui se passe à quelques mètres plus loin, le champ 
							de bataille se trouve limité pour chaque soldat à 
							une maison, à une cour, parfois à une chambre.
 BOMBARDEMENT Tilly-sur-Meuse. 9 janvier 1915.Depuis mercredi, Tilly-sur-Meuse, situé sur la rive 
							gauche de la Meuse, à 20 kilomètres environ de 
							Verdun et 16 kilomètres de Saint-Mihiel, est 
							violemment bombarde. Cinquante-deux obus sont tombés 
							sur la petite ville dans la seule journée de jeudi. 
							La bonne du curé a été tuée. Plusieurs maisons ont 
							été détruites.
 A Bouquemont, les maisons ont été incendiées.
 APPEL ET AVERTISSEMENT Je comprends pourquoi le gouvernement a si longtemps 
							hésité pour publier le rapport officiel sur les 
							atrocités allemandes en France. Il craignait de 
							jeter l'épouvante dans les coeurs français.C'est que pour subir une pareille lecture jusqu'à la 
							fin il faut avoir le coeur solidement accroché. Il 
							vient à la gorge, quand on parcourt ces documents, 
							de, tels sursauts de dégoût et de honte que l'on 
							rougirait d'être homme si les Allemands n'avaient 
							pris eux-mêmes la précaution de se rayer de 
							l'humanité. Se prenant pour des surhommes, ils ont 
							montré qu'ils sont seulement des sous-hommes, des 
							bêtes féroces et monstrueuses.
 Le gouvernement a bien fait de publier les documents 
							de la commission, de quelque horreur que pèse un 
							cauchemar aussi hideux.
 La France a prouvé son énergie dans le malheur. 
							Jamais, à aucun moment, elle n'a laissé échapper une 
							plainte. Son âme est trempée définitivement. Rien ne 
							saura l'émouvoir jusqu'au moment où la victoire 
							finale lui permettra de relever ses ruines et de 
							glorifier ses enfants.
 Elle a donc le droit de tout savoir, pour connaître 
							ce que font, ce que sont ses ennemis. La lumière 
							sanglante du rapport sur les atrocités allemandes ne 
							troublera pas la clarté de ses yeux.
 La France serrera son épée d'une main plus nerveuse 
							parce qu'elle comprendra plus fort encore que la 
							culture allemande se développe par le parjure, le 
							vol, l'incendie, le pillage, le viol, l'assassinat, 
							la torture.
 Elle ne voudra pas lâcher le glaive avant d'avoir 
							terrassé l'Allemagne, monstre qui souille la terre, 
							et elle emploiera à cette besogne tout son sang, 
							s'il le faut.
 Mais tout ce sang, il ne le faudra pas.
 Il est impossible que les peuples civilisés ne 
							soient pas émus. Justement parce que leur neutralité 
							s'inspire d'un égoïsme sacré, il.est impossible 
							qu'ils ne comprennent pas l'effroyable péril où les 
							conduit cet égoïsme.
 Ils comprendront certainement que si les alliés un 
							jour fléchissaient, c'en serait fait de la 
							civilisation universelle. Et leurs populations 
							verraient à leur tour les horreurs qui ont ravagé la 
							Belgique, la France, la Pologne, la Serbie. A leur 
							tour leurs prêtres, leurs vieillards, leurs femmes, 
							leurs enfants seraient égorgés sans pitié, leurs 
							églises, leurs monuments, leurs villes incendiés et 
							rasés. Ils connaîtraient l'horreur de la culture 
							allemande. Et ils n'auraient plus qu'à gémir des 
							plaintes inarticulées, à pleurer des larmes de sang, 
							pour avoir entendu d'une oreille distraite les 
							plaintes de la Belgique et de la France, pour avoir 
							regardé d'un oeil sec la dévastation des pays 
							voisins. Et rien ne les sauverait puisqu'ils 
							auraient consenti à la destruction des forces 
							morales et matérielles qui s'étaient vouées à leur 
							sauvegarde.
 L'héroïsme ne leur servirait plus de rien. Il ne 
							s'appuierait que sur des tronçons d'Europe.
 Ce sort ne leur est pas destiné. Ils savent bien, 
							ils savent trop qu'ils peuvent compter sur la 
							ténacité anglaise, sur l'énorme masse russe, sur 
							l'infinie vaillance française.
 Pourtant ils courent un risque formidable. Ils ont 
							en la Belgique un exemple terrible.
 Leur devoir, ainsi que leur intérêt est sinon 
							d'agir, du moins de parler. Les pays neutres, s'ils 
							ne disent pas tout haut qu'il ne supporteront pas 
							éternellement le système des atrocités allemandes où 
							qu'il s'exerce, perdront le droit de protester le 
							jour où ils seront maltraités. Quelle force 
							aurions-nous pour voler à leur secours en cas de 
							malheur, s'ils ne se sentent même pas capables 
							d'élever leur timide voix contre la violation 
							constante, effroyable de toutes règles 
							internationales et humaines ?
 Le rapport de la commission est un appel et un 
							avertissement. Que les neutres entendent cet appel ! 
							Qu'ils écoutent cet avertissement.
 Nous traversons une époque où il ne fait, pas bon 
							être aveugle et muet.
 RENÉ MERCIER.
 Ils RÉPONDENT à nos PROGRÈSen bombardant Soissons
 Paris, 9 janvier, 15 h. 35.Au sud d'Ypres, nous avons endommagé les tranchées 
							de l'ennemi et réduit au silence ses minenwerfer.
 Dans la région d'Arras et dans celle d'Amiens, 
							combats d'artillerie où nous avons eu un avantage 
							marqué.
 Dans la région de Soupir, nous avons très 
							brillamment enlevé, hier matin, la cote 132. A trois 
							reprises, dans la journée, l'ennemi a contre-attaqué 
							violemment. Il a été chaque fois repoussé. Notre 
							gain représente trois lignes de tranchées allemandes 
							sur un front de 600 mètres. L'ennemi, n'ayant pu 
							reprendre ce qu'il avait perdu, a bombardé Soissons 
							et incendié le palais de justice.
 Au sud de Laon et de Craonne, notre artillerie a 
							démoli un baraquement contenant des mitrailleuses, 
							réduit au silence l'artillerie ennemie et bouleversé 
							des tranchées.
 Dans la région de Perthes, l'ennemi a prononcé une 
							attaque à laquelle nous avons immédiatement répondu 
							par une contre-attaque. Celle-ci nous a permis, non 
							seulement de conserver nos positions à la cote 200 
							(ouest de Perthes), mais encore de nous emparer de 
							400 mètres de tranchées ennemies, entre la cote 200 
							et le village de Perthes.
 En outre, d'une attaque directe prononcée par nous 
							sur Perthes, nous avons contre-attaqué sur la cote 
							200 et nous nous sommes rendus maîtres du village. 
							Nous nous y sommes installés et nous avons progressé 
							au delà des lisières. Notre gain total de ce côté 
							est de plus de 500 mètres de profondeur.
 Sur tout le front, entre Reims et l'Argonne, notre 
							artillerie a infligé des pertes sensibles attestées 
							par les prisonniers.
 Dans l'Argonne, nous avons subi sur notre droite une 
							vive attaque ennemie à laquelle nous avons répondu 
							par une contre-attaque qui nous a ramené au point de 
							départ.
 En Woëvre, au nord-ouest de Flirey, dans le bois 
							d'Ailly et dans le bois Le-Prêtre, légers progrès.
 Dans la région de Cernay, nous avons maintenu nos 
							positions. Plus au sud, l'ennemi, très renforcé, a 
							réoccupé Burnhaupt-le-Haut au prix de fortes pertes.
 CONTRE-ATTAQUES ALLEMANDESSanglant échec
 Paris, 10 janvier. 5 h. 45.Voici le communiqué officiel du 9 janvier, 23 heures 
							:
 Au nord de Soissons, nos progrès d'hier ont été 
							maintenus ; un nouveau retour offensif allemand a 
							été repoussé dans la matinée.
 Les tranchées conquises par nous entre 
							Perthes-les-Hurlus et la cote 200 ont été vivement 
							contre-attaquées. L'ennemi a été complètement 
							refoulé, après avoir subi de fortes pertes.
 Sur le reste du front, rien à signaler.
 Le Bombardement de LongwyPENDANT L'OCCUPATION ALLEMANDE
 A quiconque se plaint, en France, des formalités 
							nécessaires pour la délivrance des sauf-conduits, 
							nous conseillerons d'interroger Mme Cl... sur ses 
							tribulations, ses démarches à travers la 
							bureaucratie allemande.Mme Cl... vient de rentrer à Nancy. Elle était 
							restée cinq mois à Longwy, en pleine occupation, 
							jusqu'au jour où elle entrevit comme une lueur 
							d'espoir le moyen de regagner la France, par le 
							chemin des écoliers. Elle franchit donc la frontière 
							au bois de la Sauvage, pénétra dans le Grand-Duché 
							et fit connaissance alors avec l'administration du 
							kaiser.
 Pendant deux jours, elle erra dans Luxembourg, du 
							commissariat à la commandatur, de l'hôtel de ville à 
							l'ambassade ; elle versa un mark pour obtenir sur 
							ses passeports une première signature, trois mark 
							pour une seconde apostille, essuya les rebuffades 
							des plantons, les colères farouches des 
							sous-officiers.
 Enfin, la malheureuse femme put prendre le train 
							pour la Suisse. Elle emmenait avec elle trois 
							enfants, ses neveu et nièces, parmi lesquels le 
							petit Pierre, un gamin espiègle et moqueur dont les 
							plaisanteries s'exerçaient parfois aux dépens des 
							Boches.
 Nous avons eu le plaisir de rencontrer hier Mme 
							Cl... dans son logement du faubourg Saint-Georges. 
							Elle est remise à peine de ses émotions, des 
							fatigues de son long voyage ; mais, pleine de 
							vaillance, elle a voulu dès son retour à Nancy, 
							visiter les personnes pour lesquelles on l'avait 
							chargée de commissions :
 - Le bonjour pour celui-ci ; un souvenir à celui-là. 
							Bref, je vais dans tous les quartiers de la ville. 
							J'ai pu rassurer ainsi beaucoup de gens inquiets du 
							sort d'un parent ou d'un ami. Après ma tournée de 
							visites, je commencerai les lettres que j'ai promis 
							d'envoyer à d'autres personnes privées également de 
							nouvelles par la rupture des relations entre Longwy 
							et le reste de la France. »
 Mme Cl... a dû apprendre par coeur et retenir les 
							adresses, car une perquisition minutieuse des 
							bagages empêcha les indiscrétions : ni un bout de 
							lettre, ni un fragment de journal ne peuvent être 
							introduits en France, sous des peines qui vont 
							jusqu'au châtiment suprême, comme s'il s'agissait du 
							crime d'espionnage. On sait que les Allemands ne 
							badinent jamais, qu'ils font plutôt bon marché de la 
							vie humaine, que l'assassinat des femmes ne leur 
							répugne pas et on se tient pour averti !
 
 Sous les obus
 
 Nous avons obtenu de Mme Cl. quelques renseignements 
							nouveaux sur la situation de Longwy pendant 
							l'occupation.
 On se rappelle qu'un furieux bombardement déchaîna 
							sur la vieille citadelle une tempête d'acier. Il ne 
							reste de l'hôtel de ville qu'une façade squelettique 
							; l'église a servi de cible aux obus, et sa tour aux 
							trois quarts démantelée, laisse pendre un drapeau 
							tricolore en lambeaux que l'ennemi a vainement 
							essayé d'abattre le drapeau reste debout, comme un 
							héroïque blessé ; il attend devant le ciel, au 
							milieu des ruines, la certitude de la revanche qui 
							délivre ; il met son auguste symbole sur la cité qui 
							tôt ou tard chassera les Barbares.
 - La porte de France, nous dit Mme Cl., a 
							relativement peu souffert, mais la porte de 
							Bourgogne a essuyé un feu d'enfer. C'est de ce côté 
							que furent dirigés les assauts ; c'est là que se 
							concentrèrent Les efforts des assiégeants. La 
							canonnade dura six jours et six nuits, sans trêve, 
							du 21 au 27 août. Quand l'orage cessa, la 
							population courut vers Longwy-Haut ; mais un 
							spectacle lamentable attrista les yeux. Le pillage 
							s'organisait, méthodique On chargeait des camions; 
							des chariots ; on vidait
 les magasins, on déménageait les logements. Razzia 
							complète. Une bijouterie, surtout, fut dévalisée 
							jusqu'à sa dernière bague, sa dernière montre. »
 Les batteries allemandes, d'énormes pièces de 
							marine, des dogues monstrueux, avaient été amenées 
							dans les bois d'Hallanzy et dans les maisons de 
							Rodange, au delà de la frontière luxembourgeoise.
 De même qu'à Maubeuge et dans plusieurs villes du 
							Nord, les préparatifs de l'avant-guerre désignaient 
							à Rodange les emplacements des canons ; un immeuble 
							avait reçu un aménagement spécial pour les 
							formidables engins traînés par un attelage de seize 
							chevaux.
 - Quand le premier obus siffla sur nos têtes, 
							déclare Mme Cl..., nous cherchâmes un refuge dans 
							les caves. Il était temps. Mon toit venait d'être en 
							partie démoli. Rien que dans ma cave, dix-neuf 
							personnes étaient réunies. Un drame effroyable se 
							déroula près de nous. Plusieurs femmes occupaient 
							une cave voisine, groupées dans l'escalier ; soudain 
							un fracas épouvantable. L'explosion frappe au 
							hasard. Une femme, ayant sa mère assise sur une 
							marche au-dessous d'elle, entre ses genoux, 
							s'aperçoit qu'elle presse sur son coeur un cadavre 
							dont la tête est broyée ; la malheureuse se lève, 
							sort affolée dans la rue, malgré la pluie de 
							mitraille, en criant :
 - Ma mère est tuée. Ma mère est tuée. »
 On crut d'abord que le tir s'acharnerait seulement 
							sur la citadelle ; mais le repérage par avions ou 
							quelques renseignements d'espionnage avertirent les 
							Allemands qu'à Longwy-Bas nos soldats se tenaient en 
							assez grand nombre: dans la rue de la Chiers. Les 
							rafales meurtrières s'abattirent alors sur ce 
							quartier. Pendant une semaine d'angoisse, les 
							habitants vécurent dans les caves, prêtant l'oreille 
							aux vacarmes du bombardement.
 - Nous croyions à chaque instant reconnaître 
							l'intervention de l'artillerie française... L'espoir 
							nous réchauffait l'âme. Les illusions s'évanouirent, 
							hélas ! quand on nous offrit un asile plus sûr dans 
							le bâtiment des accumulateurs aux usines de 
							Saintignon. Les mauvaises nouvelles circulaient ; on 
							annonçait la fin d'une résistance inutilement 
							sublime ; on racontait qu'un régiment, trompé par la 
							similitude des noms, avait rencontré à Lexy, qu'on 
							avait pris pour Mexy, des forces ennemies dont la 
							supériorité avait écrasé la bravoure des nôtres ; on 
							parlait d'inévitable capitulation ; des fantassins, 
							qui n'avaient pas eu, dans notre quartier, 
							l'occasion de tirer un coup de fusil, pleuraient, de 
							rage et de douleur, voulaient quand même, avec une 
							magnifique obstination, marcher vers les Prussiens 
							qu'ils n'avaient, pas vus encore. »
 Il fallait se rendre.
 Malgré des pertes la garnison résista aux suprêmes 
							assauts lancés contre elle. C'est à 
							Mont-Saint-Martin que le signal de l'attaque fut 
							donné le 26 août, à quatre heures du matin, sur la 
							place des Aciéries. La musique jouait dans le 
							kiosque ; le son aigrelet des fifres, le roulement 
							des tambours, bientôt, se fondirent dans le tumulte 
							des charges, dans les crépitements de la fusillade, 
							tandis que, le canon grondait comme une base dans ce 
							concert effrayant.
 Le kronprinz dirigeait le combat.
 L'héroïque garnison se retira avec les honneurs de 
							la guerre ; elle avait fait sans défaillance son 
							devoir jusqu'au bout !
 
 Les barbares s'installent
 
 Les récits qui en ont été déjà publiés à mainte 
							reprise ont instruit nos lecteurs des débuts de 
							l'occupation.
 On sait que la ville fut frappée d'une indemnité 
							d'un million. La contribution fut versée par MM. de 
							Saintignon et d'Huart, maîtres de forges ; Thomas, 
							ancien banquier ; Ferry, notaire, etc. Le maire, M.
							Pérignon, déploya une admirable fermeté. Sa conduite 
							et celle des citoyens qui l'assistèrent dans ces 
							heures tragiques fut au-dessus de tout éloge.
 On sait que les Allemands établirent la Commandatur 
							dans la maison de M. Thomas, qui dut à cette 
							circonstance d'être épargnée par le pillage ; mais 
							les villas, les châteaux, les hôtels, les propriétés 
							particulières fournirent un butin considérable.
 On sait encore que le premier soin de l'ennemi fut 
							de convoquer les jeunes gens en âge de porter les 
							armes. Deux cents environ d'entre eux étaient partis 
							pour Mézières au premier jour de la mobilisation 
							pour s'engager volontaires ; ils revinrent à pied en 
							déclarant que le recrutement les priait de revenir 
							le 22 août. Hélas ! les événements les empêchèrent 
							de quitter leur ville :
 - Leurs noms ont été inscrits sur une liste d'appel, 
							dit Mme Cl... Ils sont tenus de répondre chaque 
							semaine aux convocations allemandes et de se 
							rassembler sur la place de l'Industrie. Ils sont 
							ménagés ; mais, quand les Boches évacueront Longwy, 
							ils leur fourniront certainement un lot d'otages, à 
							moins qu'ils ne soient jetés en prison ou enrôlés 
							malgré eux sous les aigles du kaiser. »
 La population longovicienne n'eut pas trop à 
							souffrir de l'occupation. Les vivres abondaient ; le 
							prix en était plutôt abordable : on payait le sucre 
							de sept à neuf sous le kilo ; le lard 2 fr. 40 ; la 
							douzaine d'oeufs 2 fr. 60 ; mais la farine devint 
							rare, le beurre faillit manquer ; les pommes de 
							terre, les légumes secs disparurent de la table et 
							furent remplacés par les pâtes alimentaires ; il 
							fallut renoncer à l'éclairage par le pétrole et se 
							munir de lampes à acétylène ; on fut privé de 
							saindoux ; le pain noir, où dominait la farine de 
							seigle, succéda au pain blanc.
 Les Allemands raflaient dans toute la région les 
							trois quarts des récoltes et ne laissaient aux 
							habitants ainsi dépouillés que l'autre quart pour 
							subsister. Les ruches furent volées ; on emporta le 
							miel et l'on brûla les abeilles ; une des 
							principales richesses du pays fut ainsi supprimée.
 Est-il besoin de dire que la plupart des caves, 
							sinon toutes, étaient complètement vides. Les 
							réquisitions et le pillage avaient passé là. 
							Pourtant une mesure exceptionnelle de faveur 
							autorisait les malades à posséder douze litres de 
							vin !
 Ce fut un sous-officier de réserve allemand, nommé 
							Wilberger, qui se chargea du ravitaillement.
 Wilberger habitait Longwy. Il semblait suspect - et 
							l'opinion publique ne se trompait guère sur son 
							compte. Au jour de la déclaration de guerre, il 
							annonça son engagement volontaire, feignit de partir 
							aussi pour Mézières d'où il revint le 16 août, par 
							la route d'Arlon. Dès lors, on fut absolument fixé 
							sur le patriotisme de cet individu en qui les Boches 
							mirent toute leur confiance. Le triste personnage 
							installa à la gare son magasin (?) de ravitaillement 
							et fournit au commerce local les marchandises «  made 
							in Germany » nécessaires à la consommation.
 Il y a d'autres surprises.
 Une femme, que les officiers allemands couvraient de 
							bijoux, qu'ils promenaient dans leurs automobiles, 
							occupait, avant l'ouverture des hostilités, une 
							situation... mais à quoi bon révéler aujourd'hui les 
							fautes, les tristesses, les abandons, les scandales 
							sur lesquels la lumière sera faite au grand jour 
							d'une prochaine justice !
 
 Les visites impériales
 
 Pendant que son quartier général était à Luxembourg, 
							le kaiser vint en auto deux fois visiter Longwy d'où 
							son fils lançait ses extraordinaires et bouffonnes 
							proclamations.
 Comme il recherche volontiers les formes tapageuses 
							de la popularité, Guillaume II s'avisa de répandre 
							son portrait en cartes postales. Il voulut un cliché 
							inédit. L'impérial histrion «  posa » dans un décor 
							de ruines dans la citadelle que ses troupes avaient 
							ravagée.
 Une idée plus originale traversa son esprit.
 Il avisa certain jour une jeune fille et se plaça 
							auprès d'elle devant l'objectif, puis, en manière de 
							remerciement, il proposa à sa compagne :
 - Voyons, mademoiselle, que désirez-vous de moi ? Je 
							suis prêt à satisfaire un de vos caprices. Parlez. 
							Je vous laisserai de moi le souvenir, la grâce qu'il 
							vous plaira de demander.
 La jeune fille sembla hésiter. Elle fixa sur le 
							souverain son regard honnête et franc ; une parole 
							audacieuse jaillit de ses lèvres :
 - Accordez-moi simplement la faveur de ne point 
							brûler mon pauvre village, dit-elle.
 - Quel village ?
 - Bazailles. une petite localité à vingt kilomètres 
							d'ici.
 - Je le promets.
 Et, séance tenante, sur un large papier, le kaiser 
							rédigea lui-même l'ordre de respecter Bazailles.
 - Si nos soldats menacent le pays, prononça 
							Guillaume II, vous n'aurez qu'à montrer cet ordre 
							écrit de ma main. Les officiers obéiront.
 L'histoire que nous raconte ainsi Mme Cl... nous fut 
							également rapportée hier par un autre témoin, Mlle 
							R..., venue de Longwy cette semaine, avec une légère 
							variante.
 Ce serait le kronprinz, d'après Mlle R., qui aurait 
							exigé que la fillette de Bazailles fût photographiée 
							à son côté et, comme elle résistait, peu flattée 
							sans doute du voisinage :
 - Placez-vous près de moi, aurait insisté le 
							kronprinz. sinon je fais immédiatement détruire 
							votre village.
 Laquelle de ces deux versions est la vraie ? Ma foi, 
							je laisse aux historiens de l'avenir le soin 
							d'approfondir la question.
 Mme Cl... aperçut deux fois Guillaume II dans les 
							rues de Longwy ; il descendait à la commandature, 
							dans la maison de M. Thomas :
 - Je ne connaissais pas l'empereur, nous 
							déclare-t-elle ; mais il m'a laissé une étrange 
							impression. On dirait un vieillard. Ses rides se 
							creusaient profondément; ses épaules semblaient 
							courbées sous le poids d'un mystérieux fardeau 
							plutôt que par l'âge. »
 
 Les Kamarades français
 
 Depuis quelque temps, l'administration allemande 
							change d'attitude. Elle se fait sévère. Plus de 
							laissez-passer. Plus de ces petites libertés dont 
							s'accommodaient les débuts de l'occupation. Défense 
							de lire les journaux français ou suisses sous peine 
							de mort.
 Les territoriaux de la landsturm, à l'effectif de 
							deux compagnies, gardent la ville. Ils semblent 
							animés d'un patriotisme sans enthousiasme, quoique 
							les victoires de Lodz (!?) aient été célébrées par 
							les cloches en volée à Virton et les beuveries dans 
							les débits de la région en liesse.
 L'armée allemande est convaincue maintenant que son 
							chef n'a jamais voulu s'emparer de Verdun ni de 
							Paris - car, pour tout Allemand digne de ce nom, il 
							est hors de doute que nulle capitale ne résiste aux 
							volontés du kaiser.
 Les soldats français sont au contraire des kamarades 
							avec qui s'échangent d'une tranchée à l'autre, les 
							cigarettes et les petits cadeaux destinés à 
							entretenir cette nouvelle amitié :
 - Nous allons faire alliance, répètent les naïfs 
							territoriaux, afin de battre l'Angleterre ! La 
							France est une nation vaillante. Elle nous aidera. 
							Il faut prendre Londres !. »
 Pourtant, quand le 112e saxons dut se battre sur les 
							Hauts-de-Meuse, la défiance régna et, à son retour, 
							un commandant disait qu'en moyenne les compagnies 
							étaient réduites à un effectif, de vingt hommes. 
							Décidément, les kamarades français leur offraient 
							autre chose que des cigarettes !
 Un matin que les Boches traversaient la ville, un 
							ouvrier laissa échapper cette réflexion.
 - En voilà qui s'en vont à Verdun pour se faire 
							encore casser la g... ».
 L'ouvrier fut immédiatement arrêté et son 
							appréciation lui valut un an de prison devant le 
							conseil de guerre.
 Mme Cl... énumère d'autres incidents : le supplice 
							auquel elle fut soumise notamment à Cosnes pour 
							s'être fourvoyée en chemin. Elle resta debout au 
							corps de garde, le visage tourné contre le mur, 
							condamnée à l'immobilité absolue, jusqu'au moment où 
							ses forces la trahirent.
 Le maire de Ville-Houdlemont malgré ses 75 ans, fut 
							obligé, pieds nus, presque sans vêtements, de 
							suivre, sous une pluie battante, les officiers 
							d'intendance dans leurs réquisitions.
 Aussi quelle joie, après tant d'amertume, quand Mme 
							Cl..., ses neveu et nièces, arrivèrent en Savoie, 
							avec une caravane de Français, arrachés comme elle 
							par miracle aux souffrances d'un long exil !
 Mlle R... avait, entre autres, juré d'embrasser sur 
							le sol enfin retrouvé de la patrie, le premier 
							pioupiou qu'on rencontrerait. Ses compagnes 
							prêtèrent le même serment et ce fut, ma foi, un 
							brave homme de territorial qui profita de l'aubaine 
							:
 - Il était content, fallait voir ! Il essuya sa 
							grosse moustache d'un revers de main, en releva 
							coquettement la pointe et nous dit en riant : «  
							Allez-y, mesdames... c'est pour la France... » Et je 
							vous jure bien que, s'il était content, j'ai mis 
							rarement dans un baiser autant de mon âme et de mon 
							coeur que dans ce baiser-là ! »
 ACHILLE LIÉGEOIS.
 
							(à 
							suivre) |