La Grande guerre. La Vie en Lorraine
René Mercier
Edition de "l'Est républicain" (Nancy)
Date d'édition : 1914-1915
La Grande Guerre
LA VIE EN LORRAINE
FÉVRIER 1915
L'Est Républicain NANCY
Pendant
le mois de février l'activité des combats se traduit
seulement par une canonnade constante. L'affaire de
Parroy et de Xon marque cependant un commencement de
supériorité dans l'offensive française.
On a des renseignements précis sur les incendies et
les massacres de Jarny et de Longuyon, sur
l'occupation allemande à Saint-Mihiel.
Verdun, a demi investi, demeure inviolé.
M. Poincaré visite l'Alsace.
Puis voici le lamentable défilé des otages, des cinq
mille prisonniers civils lorrains qui, enfin revenus
des horribles camps de concentration, retrouvent
chez nos amis les Suisses le parler de leur pays,
sont réconfortés par leur affectueux accueil et
oublient toutes leurs souffrances en revoyant
flotter à Annemasse les trois couleurs des drapeaux
français.
René MERCIER
Ils font sauter
PAR ERREUR
leurs tranchées
DANS LES ENVIRONS DE FLIREY
Paris, 30 janvier, 15 h. 30.
La journée du 29 janvier a été calme, dans
l'ensemble.
En Belgique, combats d'artillerie.
Devant Guinchy, près de La Bassée, l'armée
britannique a repoussé une attaque de trois
bataillons allemands. L'ennemi a subi de grosses
pertes.
Au nord d'Arras, près de Neuville-Saint-Vaast, notre
artillerie lourde a pris sous son feu une batterie
allemande, dont elle a fait sauter les caissons.
Dans les secteurs d'Albert, de Roye, de Soissons et
de Craonne, de Reims et de Perthes, combat
d'artillerie souvent intenses et très efficaces de
la part de nos batteries.
En Woëvre, près de Flirey, les Allemands ont fait
exploser une mine, qui était destinée à bouleverser
nos tranchées, mais elle n'a détruit que les leurs.
Sur le reste du front, rien à signaler.
LE BILAN DE DIX JOURS DE GUERRE
Deux gros échecs allemands
Il faut savoir attendre. - Ce qui seul importe - Le
commandement est sûr du résultat complet
Paris, 30 janvier, 15 h. 42.
Voici des principaux faits de la guerre du 16
janvier (matin) au 26 janvier (soir) : Aucun
événement important par ses conséquences.
Les faits de guerre les plus intéressants, en raison
des effectifs engagés, nous ont été tous favorables.
1° Gros échec, très onéreux pour les Allemands, à
l'est d'Ypres, le 25 janvier.
2° Leur échec, plus onéreux encore, de La Bassée,
les 25 et 26 janvier.
3° Absence de toute attaque des Allemands dans les
secteurs de Soissons.
Partout ailleurs, engagements d'importance
secondaire. Les effectifs mis en ligne des deux
côtés ne dépassèrent pas une, deux, trois, parfois
quatre compagnies.
Les circonstances atmosphériques, défavorables pour
tous, expliquent en partie la médiocrité de l'effort
fourni.
Concernant nos alliés, une autre raison est qu'ils
renforcent leurs armées en effectifs, en cadres, en
matériel. Leur puissance offensive augmente chaque
jour.
C'est dans leur intérêt certain de ne produire leur
effort maximum qu'au moment où ils disposeront du
maximum des moyens. C'est ce qu'ils feront. Si, dans
le public non mobilisé, l'attente qui en résulte
produit une impression, cette impression disparaîtra
si ceux qui la ressentent veulent bien se rappeler
que ce qui seul importe, c'est atteindre le résultat
complet, sans sacrifices inutiles.
Toutes les rencontres locales des derniers jours ont
confirmé le commandement dans la certitude de ce
résultat.
La période envisagée se résume ainsi :
1° Partout où les Allemands ont attaqué avec de gros
effectifs, - une brigade au moins, - dans les
secteurs d'Ypres et de La Bassée, ils ont été
repoussés avec des pertes énormes.
2° Là où ils prétendaient avoir obtenu un avantage
décisif (secteur de Boissons) ils n'ont pas osé
attaquer.
Sur les autres points du front, il y a eu seulement
des affaires locales, peu importantes, qui, toutes,
sauf une, ont tourné complètement à notre profit.
De la mer à la Lys
De la mer à la Lys, progression des alliés, sérieux
échecs allemands.
Nous avons consolidé et étendu la tête de pont
organisée à Nieuport. Sur la rive droite de l'Yser,
notre avance quotidienne a été minime, en raison du
vent qui soufflait en tempête et de l'impossibilité
de creuser des tranchées profondes dans les terrains
sablonneux proches de la mer.
Nous avons progressé aussi à l'est de Lombaertzyde.
L'activité de notre artillerie a été
particulièrement efficace. La seule action de
l'infanterie a été une attaque allemande, à l'est
d'Ypres, le 25 janvier, et qui fut instantanément
arrêtée par le feu violent de notre artillerie et de
notre infanterie.
L'armée belge, reconstituée avec une remarquable
rapidité, nous a assuré le concours de son
artillerie, qui nous a été très utile.
L'artillerie lourde allemande s'est acharnée contre
Fumes.
Le communiqué officiel rappelle ensuite le gros
échec allemand de La Bassée, dans une violente
offensive contre les Anglais.
Il rappelle aussi le combat de Blangy, le 16
janvier, où nous avons dû nous replier devant un
violent bombardement, qui a été suivi d'une attaque
d'infanterie.
Mais, par une contre-attaque, dans la même journée,
nous avons réoccupé toutes les positions.
Une déception du Kaiser
Les espérances impériales ont été déçues à La
Boisselle, d'où de kaiser avait prescrit de nous
chasser pour l'anniversaire de la, fondation de
l'empire. Il avait promis une récompense de 700 mark
à qui lui apporterait une mitrailleuse française.
Le seul résultat a été l'échec de neuf attaques
allemandes.
Notre artillerie a obtenu, dans ce secteur, des
succès importants et ininterrompus.
Les prisonniers allemands avouent que l'artillerie
ennemie se sent maîtrisée par la nôtre. Ils croient
à un fléchissement prochain de leurs batteries au
point de vue -du nombre et de la qualité des
projectiles.
Devant Soissons
Devant Soissons, les Allemands sont impuissants à
exploiter un avantage momentané et limité que leur
valut la crue de l'Aisne. C'est là la meilleure
preuve qu'ils ne remportèrent nullement une grande
victoire, mais qu'il s'agissait d'un échec local,
sans conséquence.
Il est faux que l'autorité militaire ait ordonné, à
aucun moment, à la population de Soissons d'évacuer
la ville.
Entre Soissons et Reims
Entre Soissons et Reims, l'ennemi a montré une assez
grande activité, notamment à Poissy et à
Berry-au-Bac, où se sont démoulées des actions
locales d'une importance toute secondaire, sans
résultats appréciables, mais fort honorables pour
nos troupes.
Notre artillerie a réussi, presque toujours, dans ce
secteur, à prendre l'artillerie allemande sous son
feu.
Nous avons maintenu et consolidé tous nos gains des
semaines précédentes dans la région Prunay-Souain-Perthes-Beauséjour-Massiges,
malgré les efforts de l'ennemi. Nous avons même
progressé sur certains points, mais la pluie, la
neige, la boue, un brouillard épais, qui gênaient
l'artillerie, ont déterminé le commandement à ne pas
pousser plus avant nos avantages.
En Argonne
Statu quo en Argonne. La lutte s'est concentrée dans
les régions de Saint-Hubert-Fontaine-Madame. Elle a
été très localisée quant au terrain et quant aux
effectifs.
Nous avons repoussé une quinzaine d'attaques, y
répondant par des contre-attaques. La supériorité de
notre artillerie a été indiscutable.
Au bois Le Prêtre
Au bois Le Prêtre, nous avons obtenu des succès
importants, que nous n'avons pas pu maintenir
intégralement, mais dont les résultats essentiels
demeurent acquis.
La ligne ennemie est sérieusement entamée.
Grâce à la profondeur et à la solidité de leurs
tranchées, nos hommes subissent, sans dommage
sérieux, une pluie de feu continuelle. Ils sont
admirables d'ardeur et veulent à tout prix enlever
ce qui reste à prendre, pour chasser totalement
l'ennemi de leur forêt.
Apremont et Flirey
Nous avons progressé, dans la même région, dans les
bois d'Apremont et près de Flirey. Un général
allemand a été tué au cours des opérations.
Dans les Vosges
Dans les Vosges il y a eu seulement des affaires
d'une importance secondaire.
Un beau fait d'armes en Alsace
Le communiqué raconte ensuite en détail un épisode
émouvant et magnifique qui se déroula à
Harmannsvilerkopf, où quatre compagnies
s'efforcèrent, au prix d'efforts considérables, de
dégager une grand'garde attaquée par des forces
importantes.
Quoique dépourvus de portée d'ensemble, dit le
communiqué, de tels combats sont des témoignages
saisissants de l'héroïsme de nos troupes.
La guerre aérienne
Concernant la guerre aérienne, le communiqué dit
que, malgré les conditions atmosphériques des moins
favorables, nos avions ont assuré régulièrement les
services de reconnaissance.
Ils ont pourchassé fréquemment les appareils ennemis
- plusieurs fois avec succès - et enfin, dans la
nuit du 22 au 23 janvier, ont bombardé les
cantonnements allemands dans la région de La Fère, y
produisant un grand trouble.
VIOLENT COMBAT EN ARGONNE
Paris, 31 janvier, 0 h. 35.
Le communiqué officiel du 30 janvier, 23 heures,
confirme que l'ennemi a laissé un grand nombre de
morts sur le champ de bataille de Lombaertzyde, au
pied de la grande dune, ainsi que devant les lignes
anglaises, près de La Bassée.
Bombardement assez intense d'Arras, Ecurie et
Roclincourt.
Sur le plateau de Nouvron, les Allemands ont fait
exploser une mine sans résultats.
En Argonne, on signale un léger recul de nos troupes
et leur organisation sur de nouvelles lignes, à deux
cents mètres environ en arrière de celles qu'elles
occupaient.
Le terrain a été vivement disputé.
Les pertes de l'ennemi sont très élevées.
Les nôtres sont sérieuses.
L'occupation allemande
A SAINT-MIHIEL
Nous avons reçu quelques renseignements sur
l'occupation allemande à Saint-Mihiel ; ils nous ont
été communiqués par un rapatrié de da Meuse, M.
H..., propriétaire à Varnéville, rentré en France,
il y a quelques jours, par la Suisse :
De Varnéville à Saint-Mihiel
Emmené le 24 septembre de Varnéville à Saint-Mihiel
où il fut emprisonné pendant quinze jours dans le
magasin à avoine de a route de Commercy, en
compagnie de plusieurs centaines d'habitants de
Varnéville, Loupmont, Vigneulles, Creüe Chaillon,
etc. Rendu à la liberté avec tous ses compagnons
d'infortune, il fut logé par les soins de la
municipalité, d'abord dans la maison de Mlle Remy,
rue du Four, puis dans celle de Mme Rampont, lorsque
son premier domicile eut été par trop endommagé par
les obus français.
Les maisons atteintes
A la date du 8 janvier, jour de son départ de
Saint-Mihiel, un certain nombre de maisons avaient
été plus ou moins atteintes par les obus de notre
artillerie ; citons celles de MM. Labertrande, Cézar,
Tallois, Malard (brûlée), Hôtel Moderne, Pernet,
pharmacien ; Deloison, Adam, banquier (cette
dernière déjà réparée) ; Paul Richier, hôtel du
Cygne, café du Commerce, Audibet, coiffeur ; Delong
(maison du Roy), de la Renommière (ancienne caisse
d'épargne), de la Lance (ancienne imprimerie du
Narrateur) ; Mansuy, rue Carnot ; Mila, rue
Jeanne-d'Arc; le Marche-Couvert, Antoine, avenue des
Roches ; la gare (à peu près détruite) et la plupart
des maisons du quartier de la gare, les moulins
Nicolas, nombre de maisons de la rue de Bar et de
Chauvoncourt, les baraquements des chasseurs à pied,
les nouvelles casernes de Verzel et de Zadigre, les
casernes d'infanterie Mac-Mahon et Canrobert, dont
les planchers et les portes ont été emportes pour
couvrir les tranchées allemandes des environs de
Saint-Mihiel.
L'église des Halles est intacte, mais l'église
Saint-Etienne a reçu plusieurs obus qui ont. crevé
la voûte en plusieurs endroits, détruit toutes les
verrières anciennes et très légèrement endommagé le
Sépulcre de Ligier Richier.
Le cercle militaire est détruit presque
complètement, mais le monument du Souvenir Français
est toujours debout.
Ceux qui restent
Le bombardement et la fusillade, qui se produisent
presque journellement ont fait un certain nombre de
victimes, surtout parmi la population des réfugiés.
Sans parler de trois officiers allemands tués d'un
éclat d'obus sur le seuil de la maison Scaillet, on
compte une dizaine de tués. dont MM. Acker et Chanot,
et environ vingt-cinq blessés, dont Mme Lefèvre,
jardinière, et M. Marchal, de Vigneulles, employé
chez Audibet, coiffeur.
M. H... estime à 1.200 environ le nombre des
habitants restés à Saint-Mihiel ; à la date du 8
janvier, étaient en bon état de santé MM. Antoine et
Malard, adjoints ; Daupleix (qui n'a pas été emmené
en Allemagne, ainsi que le bruit, en a couru) ;
André, Vérand, Huot, Cézar, Gilles, conseillers
municipaux ; BreuÍll, président du tribunal, et
Rollin, juge d'instruction; Richard juge de paix ;
Allizé, Audéoud, les abbés Simonin et Chollet ;
Ravelet, professeur du collège, et Béney,
instituteur de Lemorville (font fa classe aux
enfants au collège) ; les Soeurs de
Saint-Vincent-de-Paul (ont installé une garderie
d'enfants dans l'ancienne maison de Boudard) ;
Japiot, ancien notaire ; Adam, banquier ; les frères
Deguisne, propriétaires de l'hôtel du Cygne ;
Dauphin père, Bricot, pâtissier ; Simon, marchand de
chevaux ; des trois frères Némarq, Hennequin, ancien
brasseur ; Leloup, ancien camionneur ; Michel,
employé de M. Kosâa ; Lévy, boucher ; Mercier,
bottier ; Houtte, maire de Hautmont ; commandant de
Lacroix, réfugié d'Apremont, etc.;, nous allions
oublier le sympathique Jules Villaume, actuellement
pensionnaire à l'hospice.
Sont également restées : MMmes Picard, femme et
filles de M. Picard, inspecteur des forêts ;
Phasmann, de Ménonville ; Joutte, Wéber, Schumacker,
Picard, Malard, Deguisne, Brunel, Deloison, réfugiée
chez Mme Fauré depuis que sa maison a été mitraillée
: Joly, coiffeuse ; Fion de Lamorville, Sarah Moïse,
modiste, etc.
M. Hameau, employé de la gare, blessé dans
l'après-midi du 24 septembre, lors du bombardement
du cimetière des juifs et de Haroncote, et que l'on
croyait avoir succombé, a été relevé par les
Allemands et soigné à l'hôpital de Saint-Mihiel.
Aussitôt guéri, il fut emmené prisonnier à Landau
(Palatinat). ainsi que le gérant de la succursale de
la Société Nancéienne d'alimentation de la rue
Basse-des-Fosses.
Contributions et réquisitions
La ville a été imposée d'une contribution de guerre
de 500.000 francs, dont les habitants ont pu verser
la moitié seulement. L'administration militaire
allemande a promis de rendre cette somme si aucun
acte hostile n'était commis par la population contre
les troupes d'occupation. Promesse de Boches sans
doute !
Des réquisitions de toute nature ont dû être
rapidement fournies : denrées alimentaires diverses,
vins fins (la cave de l'hôtel du Cygne, y a passé),
houille et bois de chauffage, eau-de-vie, tabac, 25
manteaux peau de biques, peaux de moutons, peaux
salées, etc.
Le pillage
Les maisons habitées ont été respectées, mais les
maisons abandonnées furent consciencieusement
pillées et saccagées : chaises, fauteuils, canapés,
literie, linge, fourneaux, etc., furent transportés
dans les tranchées et dans les caves qui servent de
logement aux troupes et d'abris contre la mitraille.
Confortable et sécurité.
Depuis le début de la mauvaise saison des fourneaux
ont été installés dans les caves voûtées des maisons
abandonnées, les tuyaux débouchent dans la rue par
les ouvertures des trappes ou des soupiraux.
Parmi les maisons et magasins pillés, citons ceux de
MM. Duvergé Laurent, quincaillier ; Humbert, Bazar
de la Meuse, Magasins-Réunis, Société Meusienne
d'électricité, Périn, architecte ; docteur Lecomte,
Mles Guénot, etc.
La banque Adam et les succursales de Varin-Bernier
et du Crédit Lyonnais ont été respectées jusqu'à ce
jour.
Les baraques foraines, en souffrance sur la place du
Théâtre depuis juillet dernier, ont été également
respectées.
Le ravitaillement
L'administration municipale est toujours assurée par
MM. Antoine, Malard et Daupleix, sous le contrôle de
la Commandature. M. Antoine s'occupe plus
spécialement de la question ravitaillement. MM.
Malard et Daupleix du logement des réfugiés qui
occupent les maisons abandonnées ; M. Huot surveille
la fabrication des milliers de sacs à terre destinés
à consolider les parapets des tranchées allemandes.
Le ravitaillement de la population civile est assuré
tant bien que mal par les Allemands qui fournissent
à la municipalité les denrées alimentaires les plus
indispensables. La ville vend les aliments aux
personnes en situation de payer ; les nécessiteux
reçoivent des bons ou sont nourris par la thune.
Le moulin doit fournir chaque jour deux sacs de
farine (mélange d'orge, seigle et blé) à chacun des
boulangers qui n'ont pas quitté Saint-Mihiel : MM.
Lavignon, Petitjean, Thirion, Battut et Bourchette
(ce dernier décédé en novembre).
Tout le combustible disponible ayant été
réquisitionné, la population éprouve de grandes
difficultés pour se chauffer.
Les magasins d'alimentation étant tous fermés, les
Allemands ont organisé deux cantines où les soldats
peuvent se procurer les denrées les plus usuelles :
l'une est installée dans les magasins de la Société
Meusienne d'Electricité, l'autre dans la maison
Grattepanche.
De temps à autre, notamment les jours de fête, les
soldats reçoivent de la bière expédiée de Bavière.
Dans l'espoir
Malgré leur situation précaire et leur isolement
forcé, les habitants ne sont nullement démoralisés
et vivent dans l'espoir d'une prochaine délivrance.
Ils ont pu recevoir, on ne sait comment, quelques
nouvelles de France qu'ils se communiquent dans de
mystérieux couarails et qui leur permettent de juger
à leur valeur les nouvelles pessimistes répandues
par les troupes allemandes.
La circulation
Chacun est libre de circuler en ville comme il
l'entend, mais on doit être constamment en
possession d'un laissez-passer permanent délivré par
la commandature, que l'on doit faire renouveler tous
les dix jours.
La discipline militaire est très sévère et les
troupes se conduisent convenablement. A la date du 8
janvier, aucun habitant n'avait été molesté, ni fait
prisonnier en Allemagne, excepté les deux, personnes
que nous avons déjà nommées.
A partir de 5 heures du soir, la circulation est
interdite d'une manière absolue, les. habitants
doivent s'enfermer chez eux, sans éclairage
possible, le pétrole, la bougie ou l'huile à brûler
étant introuvables.
Les troupes d'occupation cantonnées à Saint-Mihiel
appartiennent à la 12e brigade d'infanterie
bavaroise. Il y a aussi beaucoup d'artilleurs
bavarois.
Blessés et malades
Les blessés et les malades sont soignés à l'hôpital
; les deux ambulances de la Croix-Rouge ne sont pas
utilisées.
Les soldats morts sont enterrés soit au cimetière,
soit dans un terrain situé à proximité du jardin de
M. Allizé, route de Vigneulles. Les cercueils sont
fournis par l'hôpital et fabriqués par M, Pierrot,
le seul menuisier resté à Saint-Mihiel.
Aucun médecin civil n'est resté ; deux pharmacies
sont ouvertes : celle de M. Weinsbach et celle de M.
Rouyer, tenue par le fidèle Constant.
On se bat
On se bat presque tous les jours dans les environs ;
on ramasse souvent des balles françaises perdues
dans les rues de la ville. Des aéroplanes français
et allemands passent fréquemment au-dessus de
Saint-Mihiel ; leur visite annonce généralement une
action prochaine.
Dans la nuit de Noël, toute la population fut mise
en émoi par une vive fusillade dans les rues de la
ville. Croyant à une surprise de nos troupes et à la
rentrée des Français, les habitants eurent un moment
d'émotion patriotique. Mais hélas! ce ne fut qu'une
fausse joie ! C'étaient les Boches qui fêtaient Noël
à leur manière.
Pour éclairer les bureaux de la division où sont
installés les services de l'état-major, les
Allemands ont amené un groupe électrogène à vapeur
dans le garage situé à côté de l'église
Saint-Michel.
Les fameuses passerelles, dont les communiqués nous
ont annoncé la destruction à plusieurs reprises,
sont rétablies l'une sur le grand pont, détruit par
notre génie, le 8 septembre, les autres à hauteur du
moulin et derrière la maison Mila. Elles sont
constituées par des madriers en bois reposant sur
des chevalets ; elles ne peuvent servir que pour
l'infanterie.
Des batteries allemandes sont placées sur la côte
Sainte-Marie, derrière les Capucins et aux Abasseaux,
à proximité de l'ancienne route de Commercy.
Le fort des Paroches n'a jamais été pris,
contrairement au bruit qui a couru en septembre.
Une voie de chemin de fer à écartement normal a été
construite entre Vigneulles, point terminus, et
Chambley, où elle se raccorde à la ligne de Conflans.
A Landau
C'est à Vigneulles que furent conduits en voitures,
le 8 janvier, par un temps épouvantable et sans
qu'ils aient été prévenus de leur départ, plusieurs
centaines de réfugiés de Saint-Mihiel, qui avaient
été autorisés à rentrer en France (enfants
au-dessous de 16 ans, femmes et filles, et hommes de
plus de 60 ans).
Après une nuit passée dans l'église de Vigneulles,
ils furent embarqués à destination de Landau
(Palatinat), où ils arrivèrent transis et mourant de
faim, après 24 heures de voyage, sans avoir eu à
changer de train.
Ils furent parqués pendant dix jours dans un camp de
prisonniers, situé à un kilomètre de Landau. Comme
logement, des baraques en bois ; en fait de lit, un
peu de paille malpropre et comme nourriture
journalière une gamelle de soupe grasse à midi et
des légumes et fromage le soir ; le matin, un peu
d'eau chaude sous le nom de café !
Le retour
Le 20 janvier, ils furent embarqués à destination de
Schaffouse où ils reçurent de la part de la Société
de la Croix-Rouge et de toute la population,
l'accueil le plus bienveillant et le plus généreux.
Aliments de toutes sortes, vins, café, thé,
vêtements, linge, chaussures, argent leur furent
largement distribués et c'est les larmes aux yeux
que M. H., encore ému de la réception chaleureuse
des Suisses, nous raconte qu'un pharmacien de
Schaffouse, le voyant chaussé de mauvais sabots, le
fit entrer chez lui et se déchaussa pour lui donner
ses bottines.
A leur départ de Schaffouse, un grand nombre
d'habitants voulurent accompagner à la gare nos
infortunés compatriotes, et c'est aux cris répétés
de « Vive la France ! » poussés par des milliers de
poitrines, que les deux trains de rapatriés
s'ébranlèrent, emportant vers la liberté, vers la
France, toutes ces malheureuses victimes de la
sauvagerie teutonne.
DES FLANDRES AUX VOSGES
Nos batteries continuent leur beau travail
La revanche anglaise de La Bassée
Paris, 31 janvier, 15 h. 20..
La lutte pendant la journée du 30 janvier s'est
bornée, sur presque tout le front, à un combat
d'artillerie. La canonnade a été intense, de part et
d'autre, sur de nombreux points. Notre artillerie a
pris partout l'avantage.
Devant La Bassée, l'armée britannique a repris la
totalité des tranchées qu'elle avait momentanément
perdues.
Les Allemands ont canonné le clocher et l'église de
Fonquevillers, au sud d'Arras.
Dans les secteurs d'Arras, de Royes, de Soissons, de
Reims et de Perthes, nos batteries ont détruit deux
pièces ennemies, plusieurs ouvrages, un certain
nombre de lance-bombes et dispersé plusieurs
rassemblements, des bivouacs et des convois.
En Argonne, dans le bois de la Grurie, où nos
troupes ont dû, le 29, opérer le léger recul
précédemment signalé, les Allemands ont prononcé,
hier, près de Fontaine-Madame, trois nouvelles
attaques, qui ont été repoussées.
De l'Argonne aux Vosges aucun changement. Nous
tenons notamment, près de Badonvillier, le village
d'Angomont que les Allemands prétendent avoir
occupé.
Leurs RENFORTS vers YPRES
Brouille et lassitude
Paris, 31 janvier, 19 h. 10.
AMSTERDAM. - Une dépêche de l'Ecluse au « Télégraf »
dit que de nombreuses troupes destinées au front
d'Ypres sont concentrées autour d'lseghen.
Beaucoup de régiments, précédemment décimés, sont
reconstitués.
Des soldats allemands se sont révoltés et 2.000
d'entre eux ont été envoyés sur le front oriental.
En Flandre, les rapports entre les troupes
autrichiennes et les troupes allemandes ne seraient
pas du tout amicaux.
La concentration des troupes fraîches continue sur
le front de l'Yser.
Un parc d'artillerie et d'aviation est établi à
Ghistelles.
Paris, 1er février, 0 h. 36.
Le communiqué officiel du 31 janvier; 23 heures, dit
simplement qu'aucun incident notable n'est signalé.
VISITE D'UN TAUBE
Nancy, 1er février.
Samedi 30 janvier, vers une heure moins un quart de
l'après-midi, c'est-à-dire à l'heure du déjeuner,
les rares personnes qui. se trouvaient dans les rues
de Nancy apercevaient un avion volant à une grande
hauteur. Sa couleur jaune clair fit croire à
quelques-uns que c'était un des nôtres, mais les
formes caractéristiques de l'appareil ne laissèrent
bientôt aucun doute sur son origine. C'était un «
Taube ».
Et bientôt une forte détonation, partant du quartier
de la rue Victor, fixait les curieux à ce sujet. Du
reste, l'oeil exercé de nos canonniers avait discerné
l'ennemi. Des obus ne tardaient pas à éclater dans
la direction de l'aéroplane qui, prenant de la,
hauteur, s'enfuit dans la direction de Metz.
Dans sa fuite, l'aviateur allemand laissa tomber
plusieurs projectiles, tous munis de banderoles qui
retardaient leur chute et permettaient de les voir
dans la descente et, par là, de les éviter. Des
fléchettes d'acier étaient également lancées.
Disons de suite que six bombes tombèrent sur Nancy.
Elles ne causèrent que des dégâts matériels peu
considérables et un enfant fut légèrement blessé par
un éclat de vitre, brisée par l'une d'elles.
La première bombe est allée choir rue des Chaligny,
dans le chantier de M. Roth, négociant en bois. Elle
s'abattit sur un tas de planches où elle mit le feu.
Les secours furent aussitôt organisés. Le
commencement d'incendie fut éteint rapidement. Une
vingtaine de planches furent brûlées.
La deuxième est tombée rue d'Algérie, dans un
terrain vague, près de la clôture du chemin de fer
de ceinture. Elle a fait un trou en terre de
soixante-quinze centimètres d'ouverture.
La troisième s'est abattue à peu de distance de la
gare Saint-Georges, près de la palissade. Elle a
fait un trou de cinquante centimètres dans le sol.
A cent mètres de là, la quatrième bombe s'est perdue
sur un tas de fumier, dont,.
elle n'a même pas dispersé la paille.
La cinquième s'est échouée dans le jardin de M.
Hausmann, industriel, faubourg Sainte-Catherine.
Elle n'a fait qu'une simple excavation dans la
terre.
Enfin la sixième bombe, qui a causé quelques dégâts,
est tombée dans la cour de l'école des
Grands-Moulins, rue Guilbert-de-Pixérécourt.
La rentrée de la classe devait se faire quelques
minutes après. Les enfants jouaient encore dans la
cour. Mais l'avion allemand était signalé, et
l'institutrice, qui surveillait la récréation, se
souvenant des conseils donnés par M. Simonin,
directeur de l'école, avait fait rentrer les élèves
dans le vestibule.
Les bambins attendaient avec anxiété, pressés les
uns contre les autres. Les plus curieux, placés près
des fenêtres, regardaient par les carreaux. Aussi
quelques-uns purent-ils voir l'engin tomber à terre.
Une forte explosion se produisit. Aussitôt les
balles de shrapnell allèrent frapper les murs,
brisant les vitres des fenêtres, traversant les
panneaux des portes, perforant en divers endroits
les chanlattes, écaillant le crépi des murs.
Un seul enfant, le jeune Jean Deloche, âgé de 10
ans, évacué de Moncel, dont les parents habitent rue
Mac-Mahon, 9, fut atteint par un éclat de verre à la
cuisse droite. Un soldat de garde dans les environs
le porta à la pharmacie Aubertin, faubourg
Saint-Georges, puis à une ambulance voisine. Le
blessé fut enfin conduit à l'hôpital où l'on
constata que sa blessure était des plus légères.
Un autre enfant, le jeune Simonin, eut son pantalon
déchiré près de la poche gauche. Il n'eut même pas
une égratignure.
C'est donc grâce aux sages conseils de M. Simonin
que l'on n'a pas eu de morts à déplorer, car la
bombe, tombant au milieu des enfants qui jouaient
dans la cour, aurait certainement fait plusieurs
victimes.
Dans les quartiers de la gare Saint-Georges et des
Grands-Moulins, des fléchettes ont été ramassées,
mais personne n'a été atteint.
Les débris des bombes et leurs banderoles aux
couleurs allemandes ont été remis aux autorités
militaires.
On assure aussi qu'une bombe serait tombée à
Malzéville, dans un jardin. Elle n'aurait fait aucun
mal.
La chasse livrée au Taube a eu le don d'intéresser
les passants, qui ne manquaient pas d'applaudir les
meilleurs coups.
Les deux derniers « flocons blancs » se sont ouverts
juste sous l'oiseau maudit, qui a fait un plongeon
d'au moins 200 mètres, pour le plus grand plaisir
des curieux, mais s'est perdu dans les nuages.
Ajoutons qu'il volait à une très grande hauteur.
LE ZEPPELIN DE VENDREDI
Nancy, 1er février 1915.
On assure que le zeppelin qui, dans la nuit de jeudi
à vendredi, a essayé de venir à Nancy, a été touché
par nos 75 de telle façon qu'il serait allé tomber
dans les lignes allemandes, vers Réchicourt.
LES ALLEMANDS A JARNY
Incendies et Massacres
Le récit d'une réfugiée
Nancy, 1er février
Pour quelle raison les Allemands font-ils
actuellement évacuer en masse les régions lorraines
qu'ils occupent ? D'où vient que le bassin de Briey,
notamment, se vide par un exode qui comprend déjà
plusieurs milliers de réfugiés ?
Nous avons à ce sujet interrogé, hier, plusieurs
personnes qui, après un bref séjour à Annemasse
(Haute-Savoie), sont revenues chercher ici, dans le
sein de leur famille ou bien au foyer de leurs amis,
un peu d'apaisement et l'oubli des privations, des
maux, des opprobres, des humiliations soufferts
pendant six longs mois.
C'est ainsi que nous avons pu causer avec Mme X...,
de Jarny, qui nous a raconté, d'une voix tremblante
encore d'émotion, les heures qu'elle a vécues dans
son malheureux village :
- Si les Boches nous chassent, ou plutôt s'ils ont
autorisé notre départ pour la France, oh ! ce n'est
point, croyez-le, par charité ni par pitié pour
nous... Ils achèveront ainsi sans témoins leurs
pillages.
C'est le principal motif de leur décision... Et
puis, il y a des considérations économiques :
songez, en effet, qu'il faut nourrir, tant bien que
mal, les populations placées sous leur
administration et que les vivres deviennent rares,
que la vie coûte cher, que l'éloignement des bouches
inutiles allégera d'autant leur budget de la guerre.
»
Entre ces versions, Mme X... incline pour les
commodités du pillage. Elle a vu à l'oeuvre les
cambrioleurs du kaiser. Elle sait qu'ils ne se font
aucun scrupule de briser les meubles, de fracturer
les coffres-forts, de charger sur des camions
automobiles tous les objets de valeur à leur
convenance, que les femmes d'officiers sont venues
exprès de Metz pour choisir dans les propriétés...
- Le peu qui reste encore dans nos habitations,
dit-elle avec un douloureux soupir, est déjà
emporté. Nous rentrerons dans nos maisons absolument
vides... Les bandits règnent maintenant en maîtres.
Rien ne les gêne, rien ne les arrête. Les chefs sont
dignes de leurs soldats. »
Quant à l'idée qu'ils expulsent les vieillards, les
femmes, les enfants pour réduire la consommation des
vivres, elle se présente à l'esprit de Mme X...
comme une simple hypothèse :
- Que nous mourions de faim ou de froid, je vous
demande un peu ce que cela peut faire aux Boches. »
Ils brûlent
On est entièrement de cet avis, des qu'on apprend de
quelles atrocités la domination allemande a souillé
Jarny.
Leurs premières patrouilles se sont présentées le
dimanche 23 août. Elles avançaient prudemment. Nos
troupes tenaient l'ennemi en haleine, Par
intervalles, le canon grondait. De nombreuses
escarmouches, des engagements plus ou moins vifs
avaient marqué le contact à la frontière.
- A partir du 23, l'occupation proprement dite de
Jarny commence... Le 4e bavarois précède un flot de
régiments. Je note au passage le 66e d'infanterie,
le 69e d'artillerie, dans ce déluge d'hommes qui
inonda le pays. Pendant deux interminables journées,
nous assistons à ce spectacle... Nos coeurs se
serraient... Hélas ! de pire épreuves allaient nous
être réservées. »
Une horrible folie de carnage se déchaînait en effet
le mardi 25. Vers trois heures après midi, les
Allemands essuyaient une attaque violente. Les obus
français pleuvaient. Quelques projectiles
s'abattirent sur Jarny.
Tout à coup, des flammes jaillissent. Une maison
brûle dans la Grand'Rue. Le feu gagne. Il étend de
proche en proche ses ravages. Bientôt la rue entière
ne forme plus qu'une immense fournaise où
vingt-quatre immeubles mettent deux jours à se
consumer, sans qu'il ait été naturellement possible
d'organiser ni d'apporter le moindre secours.
- De toute la rue principale de notre commune,
indique Mme X..., il ne reste que des ruines. Le
clocher et l'église ont beaucoup souffert. Les
autres quartiers de Jarny sont épargnés... »
Ils tuent
Quels prétextes alléguaient les incendiaires teutons
pour accomplir leur oeuvre de dévastation ? Toujours
les mêmes. La population civile avait fait usage de
ses armes :
- L'incendie s'accompagna de scènes abominables,
continue Mme X... Les habitants étaient enfermés à
double tour dans leurs maisons. On fusillait
quiconque cherchait à s'enfuir. Des gens furent
rejetés dans le brasier à coups de baïonnettes. La
famille Pérignon périt presque tout entière ; la
fille s'échappa sous des balles et elle eut un bras
fracassé... Dans une maison voisine un autre enfant,
le petit Bérard, fut assassiné ; un ouvrier italien
du nom d'Offiero trouva également la mort dans des
circonstances aussi tragiques et sa fille eut le
bras traversé d'une balle. M. Ernest Lhermitte, en
rentrant chez lui, fut à bout portant fusillé sur la
place de l'Eglise... En tout, on compta une
trentaine de victimes, soit treize habitants et
dix-sept sujets italiens. »
Le mercredi 26, les exécutions des otages
ensanglantèrent le village. M. Henri Genot, le maire
de Jarny, succomba avec une héroïque fermeté ; M.
l'abbé Vouot, professeur au collège de la Malgrange,
venu dans la paroisse pour y remplacer l'honorable
curé, son frère, pendant quelques jours, subit le
même sort.
Des Italiens furent convoqués à la mairie pour une
communication urgente. Ils s'y rendirent. Pendant
qu'ils se tenaient rassemblés dans la cour, un
détachement de fantassins arriva au pas de parade,
s'aligna tranquillement et, sur l'ordre de son chef,
épuisa sur eux ses cartouches.
Morts et blessés furent abandonnés sur le lieu même
de l'assassinat avec défense, sous les peines les
plus sévères, d'approcher le groupe lamentable
qu'ils formaient au milieu d'une large mare de sang.
Deux jeunes gens furent retenus prisonniers dans
l'auberge Blanchot, où ils passèrent la nuit ; ils
tombèrent au petit jour sous un feu de peloton.
Les indemnités
La domination allemande usa largement du système des
réquisitions ; mais elle se distingua notamment dans
l'application de son système des contributions de
guerre. On taxa au hasard. Jarny dut payer une
indemnité de 10.000 francs ; Doncourt paya 100.000
francs, Conflans 30.000 mark...
Les officiers, pour se procurer quelque argent de
poche, recoururent à divers moyens, Mme X... nous a
exposé celui-ci : l'appariteur municipal de Jarny
fut contraint de dresser une sorte de « mémoire » où
chaque commerçant, chaque particulier, du plus riche
au plus pauvre, figurait avec, en regard de son nom,
la somme qu'on pouvait lui extorquer.
- Quand l'appariteur remit la liste composée surtout
des principaux notables, l'officier eut l'air de
méditer sur la capacité financière du pays, puis il
dit à l'humble fonctionnaire : « C'est bien ; je
vous remercie... Allez maintenant chercher
l'argent.... Il me faut trois mille francs avant
deux, heures... »
Le pillage
Une brave boulangère - comme dans la chanson - avait
des écus. Mme Génot avait soigneusement rangé ses
recettes dans un coffre-fort. Elle se félicitait de
posséder ainsi une vingtaine de mille francs,
qu'elle avait eu tant de peine à amasser.
La commerçante perdit-elle la clé du coffre ?
Oublia-t-elle le « secret » ? Quoi qu'il en soit,
elle fut soudain prise au dépourvu quand elle voulut
emporter le précieux magot. Elle courut chez le
maréchal, M. Léonard, pour réclamer son assistance.
- Prenez un marteau, un ciseau à froid... Vous
fracturerez la serrure de ce maudit meuble...
Mais jugez de la stupéfaction de la boulangère et du
maréchal en trouvant deux Boches occupés à se
partager l'or du coffre à pleines poignées. Les
pillards étaient fort exactement renseignés et je
vous prie de croire qu'ils n'avaient consulté aucun
document de l'appariteur municipal sur les capacités
financières de Mme Génot !
Des charrettes, des camions automobiles emportèrent
les meubles et le linge. On vida les armoires
jusqu'aux derniers mouchoirs :
- C'est pour les malades des hôpitaux de Metz...
expliquaient les pillards pour tenter une timide
justification de leurs vols. »
Le départ pour la France
Les réfugiés de Jarny sont d'accord pour déclarer
qu'aux premiers temps de l'occupation, la pauvre
commune subit sans trop d'ennuis le dur régime qu'on
lui imposait.
Le prix des denrées ne subit qu'une légère
augmentation, sauf pour le lard qui se vendait
couramment 2 fr. 40 la livre au lieu de 1 fr. 25. Le
pain se vendit toujours 0 fr. 75 les trois livres.
Avec de l'argent, on se procura, avec une facilité
relative, tous les produits de consommation,
naturellement importés d'Allemagne.
Mais, à mesure que la victoire s'éloignait d'eux,
les Allemands redoublaient de morgue, d'insolence et
de brutalité :
- J'ai cette impression douloureuse, dit Mme X...,
qu'en évacuant notre pays, quand ils y seront
contraints par la force, tous ses brigands ne
laisseront rien derrière eux. »
Ce fut le 9 janvier dernier que les autorités
décidèrent de renvoyer en France une partie de la
population ; mais les pauvres gens ignoraient leur
destinée et la plupart apprirent sans trop
d'étonnement qu'on les conduisait en prison à
Rastadt, dans le grand-duché de Bade :
- Ils ont arrêté ce jour-là les retraités et les
fonctionnaires, dit Mme X... La triste caravane se
composait d'environ 600 à 700 personnes venues de
Conflans, de Bruville, de Labry, de tous les
villages d'alentour. Il ne reste à Jarny qu'un
millier de personnes. A Rastadt, on fit descendre du
train tous les hommes de quinze à cinquante ans.
puis le voyage continua sur Schaffouse où nous
passâmes sur le territoire suisse... »
Notre interlocutrice rend un hommage ému aux Comités
de la Croix-Rouge qui s'empressèrent autour des
exilés en route vers leur Patrie. On leur prodigua
des soins affectueux ; on les réconforta par une
nourriture abondante ; on distribua des vêtements
chauds - et comme un bon paysan demandait comment il
s'acquitterait de sa dette de reconnaissance :
- Rien de plus commode, monsieur, lui répondit un
délégué de la Croix-Rouge, chantez-nous donc la «
Marseillaise ! »
ACHILLE LIÉGEOIS.
LES OPÉRATIONS EN LORRAINE ET EN ALSACE
Nos progrès au bois Le Prêtre
Au bois Le Prêtre, au nord-ouest de Pont-à-Mousson,
nous avons obtenu un succès important, que nous
n'avons pas pu maintenir intégralement, mais dont
les résultats essentiels demeurent acquis.
La continuité de nos progrès dans ce bois, qui
appartenait tout entier aux Allemands il y a deux
mois, a été précédemment relatée. Nous avons, pied à
pied, gagné du terrain, moins une partie que les
cartes forestières désignent sous le nom de
Quart-en-Réserve.
C'est ce Quart-en-Réserve que nous avons abordé avec
succès dans la journée du 17. D'un seul bond, nos
froupes se sont emparé de plusieurs ouvrages
ennemis.
qu'une contre-attaque prononcée par les Allemands
dans l'après-midi n'a pas réussi à leur enlever.
L'effectif d'une compagnie est resté prisonnier
entre nos mains, avec plusieurs officiers et
sous-officiers.
Le 18, nouveau progrès : un ouvrage allemand est
enlevé. Une section allemande est faite prisonnière.
Notre gain représente 500 mètres de tranchées
ennemies.
Le 19, nous débordons encore d'une centaine de
mètres en avant de ces tranchées.
Et cette progression nous permet de mesurer les
pertes de l'ennemi, car tout le terrain conquis est
couvert de morts. Nous en comptons plus de trois
cents mètres, ce qui chiffre à plus d'un bataillon
les pertes ennemies en tués ou Messes. Dans les
journées suivantes, les Allemands se sont acharnés à
prendre leur revanche et a nous rejeter hors du
Quart-en-Réserve.
Ils n'y ont pas réussi, mais ils nous ont repris un
peu moins du tiers des positions conquises par nous.
Dans l'une de nos tranchées avancées, nous avions
poussé une pièce d'ancien modèle que nous avons dû y
laisser quand nous avons évacué ce point.
Mais les résultats tactiques sont acquis. Nous
tenons, sur plus de trois cents mètres, Les anciens
ouvrages allemands et la ligne ennemie est
sérieusement entamée. Grâce à la profondeur et à la
solidité de leurs tranchées, nos hommes subissent,
sans dommage sérieux, la pluie, de fer à laquelle
les Allemands les soumettent depuis notre dernier
succès, lis sont admirables d'ardeur et veulent a
tout prix enlever ce qui reste à prendre pour
chasser totalement l'ennemi de « leur » forêt.
A noter, dans la même région, nos progrès (200 à 400
mètres) au bois d'Apremont et près de Flirey. Un
général allemand a été tué au cours de ces
opérations.
L'affaire de l'Hartmannsvilerkopf
Il n'y a eu, dans les Vosges, que des affaires
d'importance secondaire. L'une d'entre elles, qui
s'est déroulée sur les flancs de
l'Hartmannsvilerkops, a été, malgré la médiocrité
numérique des effectifs engagés (2 sections au
début, 4 compagnies dans les jours suivants),
particulièrement émouvante, en raison des
difficultés du terrain et de l'énergie dont nos
chasseurs ont fait preuve. Ce n'est qu'un épisode de
guerre. Mais c'est un épisode magnifique.
Nous avions, au sommet de l'Hartmannsvilerkopf une
grand'garde qui a été, le 19 janvier, très
violemment attaquée par des forces importantes. Nous
avons voulu la dégager.
La chose était malaisée. Les pentes, dans ce coin
des Vosges, sont un chaos de rochers. Les semis de
sapins dressent sous les arbres un réseau d'arbustes
impénétrable. n neigeait. La brume empêchait de voir
à dix mètres.
Comme il s'agissait de sauver des camarades, nos
officiers et nos soldats n'ont pas hésité. Ils
savaient que le détachement du sommet avait 300
cartouches par homme, et tout le monde espérait
arriver à temps.
Le 19 au soir, deux compagnies cherchent à gagner la
gauche ennemie et y réussissent. Deux autres
commencent a progresser sur la droite le 20 au
matin. Mais cette progression est d'une extrême
lenteur, pour les raisons indiquées plus haut, et
aussi parce que l'ennemi a eu le temps d'organiser
un solide réseau de fils de fer.
Nos hommes trébuchent sur le verglas et dans les
défenses accessoires. Ils attaquent toute la
journée. Au sommet, la grand'garde tient toujours.
Nous l'entendons tirer et, vers le soir, comme un
salut, son clairon nous envoie le refrain du
bataillon.
Le 21, nous gagnons sur les pentes, mais combien
lentement. Les chasseurs d'en haut tirent toujours.
Nous sommes au contact étroit de l'ennemi. Pour
arriver à temps, les assauts se précipitent. Deux
officiers tombent à la tête de leurs hommes. Mais le
verglas et les fils de fer nous retardent.
La nuit venue, au sommet, on n'entend plus rien. La
vaillante poignée de défenseurs a dû succomber avant
que nous ayons pu l'atteindre.
Malgré leurs effroyables fatigues, malgré aussi
l'espoir perdu de dégager leurs camarades. nos
chasseurs continuent et se maintiennent. en
combattant, au contact immédiat des défenses
allemandes. Ils y sont demeurés depuis lors
interdisant à l'ennemi tout mouvement, et résolus à
reprendre le sommet.
Bien que dépourvus de portée d'ensemble, de tels
combats sont des témoignages saisissants de
l'héroïsme de nos troupes.
Sur le reste du front vosgien, nous avons repoussé
des attaques, notamment à Wissembach et à Uffhotz.
Nous avons eu de nombreux succès d'avant-postes que
Les communiqués quotidiens ont relatés. Ce ne sont
là que des incidents.
LES EXCUSES SANGLANTES
Nancy, 1er février.
Le Français a l'habitude d'estimer que l'univers
voit de la même façon que lui. C'est un grave
inconvénient de la clarté de son esprit. Tout ce qui
est clair pour lui est clair pour tout le monde. Il
ne se soucie presque pas, - soyons sincères, - il ne
se soucie pas du tout de ce que pensent « les autres
».
On a pu constater que dans la crise actuelle ce tort
nous cause de sérieux dommages.
Le Luxembourg a été envahi, la Belgique a été
meurtrie, Louvain, Matines, tant d'autres villes ont
été détruites, la cathédrale de Reims a été démolie,
des villages ont été pillés, brûlés, des populations
assassinées. Les Taubes et les Zeppelins ont survolé
les villes ouvertes et tué des femmes et des
enfants.
Qu'est-ce que nous avons fait ? Nous avons écrit des
protestations, éloquentes, certes, mais vagues.
C'est tout à fait à la dernière limite que le
gouvernement a divulgué l'horreur allemande.
Jusque-là l'Europe, aussi bien que les autres
parties du monde, avait le droit de considérer
l'armée germanique comme une troupe de petits
saints.
Les Allemands au contraire, ont tout d'abord
organisé la propagande par la plume, inondé de leurs
tracts les puissances neutres, et même
belligérantes, et ont raconté les événements comme
il leur convenait qu'ils fussent connus.
Heureusement pour nous leur orgueil les a, comme en
toutes choses, lourdement trompés.
Leurs excuses étaient d'abord hautaines. Ce n'était
pas de la discussion, mais des affirmations.
Quand ils ont envahi le Luxembourg, ils se sont
contentés de dire que ce n'était pas vrai. Ils
passaient, simplement, ils ne violaient aucune
neutralité. Ils n'avaient aucun méchant dessein.
Lorsqu'ils ont envahi la Belgique et qu'on leur a
opposé un traité signé par eux, ils ont répliqué
dédaigneusement :
- Qu'est-ce que c'est que cela ? Un chiffon de
papier !
Puis, comme ils voyaient que cette invasion leur
aliénait certaines sympathies avec lesquelles il
était bon de compter, ils ont trouvé cette excuse
qui leur paraissait la suprême concession :
- Nécessité ne connaît pas de loi. Cela est en
contradiction avec le droit des gens. L'injustice
que nous commettons de cette façon, nous la
réparerons, dès que notre but militaire sera
atteint.
Il paraît que ce ne fut pas suffisant pour quelques
nations qui trouvèrent la doctrine un peu hardie.
Les Allemands cherchèrent donc une autre
explication.
- Des officiels français, sous un déguisement,
écrivent-ils, sont passés en automobile sur les
routes belges.
Le déguisement, c'est sans doute des habits, civils.
Ainsi un bon Français qui allait en Belgique en
temps de paix était considéré par la doctrine
germanique comme violant la neutralité belge s'il
joignait à sa qualité de commerçant celle d'officier
de réserve ou de territoriale.
L'explication était tellement grotesque qu'il
fallait en trouver à tout prix une plus convenable.
- Les forces françaises, ont déclaré les Allemands,
avaient l'intention de marcher sur la Meuse par
Givet et Namur. Elles auraient donc violé la
neutralité belge.
Ce n'était pas très fort. Mais on fait ce qu'on
peut.
Enfin, les envahisseurs, en cambriolant le ministère
des affaires étrangères, crurent avoir rencontré par
hasard la bonne excuse en découvrant ce qu'ils
intitulèrent un plan. Ce plan consistait tout
simplement en ceci : Un général anglais ayant
demandé à un général belge ce que ferait la Belgique
si elle était menacée d'occupation par les
Allemands, le général belge avait répondu que les
précautions étaient prises contre une entreprise de
ce genre.
Toutes ces explications étaient trempées dans le
sang. Elles étaient inacceptables. Elles étaient
inexistantes. Pourtant comme les peuples qui ne sont
pas en guerre et ne souffrent pas encore de la
barbarie allemande ne sont pas exigeants et se
laissent facilement convaincre, ils firent semblant
sinon d'être convaincus, du moins d'agréer ces
excuses. La presse neutre protesta bien un peu, mais
point les gouvernements. Et on passa à d'autres
exercices.
Les autres exercices, on les connaît : le pillage,
le viol, l'assassinat, l'incendie.
Et à chaque reproche les Allemands n'ont jamais
négligé d'opposer un prétexte. S'ils brûlent les
villages et les villes sur leur passage, s'ils
assassinent les habitants, c'est que des civils ont
tiré sur eux.
S'ils prennent tout ce que contiennent les demeures,
c'est pour en garnir leurs lignes de défense. S'ils
dérobent aussi le linge, c'est pour les blessés.
S'ils envoient des Taubes et des Zeppelins au-dessus
des villes sans défense où ils tuent des femmes et
des enfants, c'est en façon de représailles.
S'ils bombardent une cité tranquille comme Nancy, ou
une station balnéaire comme Hartlepool, c'est qu'il
y a dans ce bombardement un but militaire
mystérieux.
Les Allemands évoquent tous les prétextes, toutes
les excuses, sans se soucier de leur qualité. Pourvu
que ces excuses et ces prétextes soient en nombre
considérable, il leur apparaît que les nations
non-belligérantes trouveront bien l'excuse qui sauve
leur intérêt, ou le prétexte qui favorise leur
inaction.
Ce que veulent les Allemands par cette propagande
fielleuse ou mielleuse qui accompagne la violation
du droit des gens ou qui suit leurs atrocités, c'est
favoriser l'égoïsme plus ou moins sacré des peuples
qui ne sont pas dans la fournaise, et les écarter du
feu.
Jusqu'ici ils paraissent avoir assez bien réussi,
sinon auprès des peuples, du moins auprès des
gouvernements.
Mais les peuples, qui n'ont pas dissimulé leur
horreur, ont aussi compris que si la Triple Entente
était battue, ils auraient aussi bien vite leur
tour, et seraient traités comme la Belgique. Ils
pèsent sur les gouvernements, montrant par là qu'ils
ont mieux peut-être que leurs dirigeants la claire
vision de leur avenir.
Cet état d'esprit que la propagande allemande n'a
pas pu contenir, il y a beau temps qu'il serait
développé et aurait agi contre la barbarie dans le
sens de la civilisation si nous avions organisé la
diffusion de la vérité comme les militaires et les
savants germaniques ont organisé la diffusion du
mensonge.
Il n'est jamais trop tard pour bien faire.
Le gouvernement français a publié le rapport sur les
atrocités allemandes. Il va répandre le Livre rouge
qui contient les documents, les dépositions et les
preuves.
La presse sera, si on le veut sérieusement, pour
cette oeuvre de défense nationale et internationale
l'auxiliaire le plus vigoureux.
RENÉ MERCIER.
NOTRE ARTILLERIE
a continué
SA BONNE BESOGNE
Paris, 1er février, 15 h. 10.
La journée du 31 a été marquée comme la précédente,
par une lutte d'artillerie qui a été
particulièrement vive dans toute la région du Nord.
Au sud-est d'Ypres, les Allemands ont tenté sur nos
tranchées, au nord du canal, une attaque qui a été
immédiatement arrêtée par nos feux combinés
d'artillerie et d'infanterie.
Sur tout le front de l'Aisne, depuis le confluent de
cette rivière et de l'Oise, jusqu'à Berry-au-Bac,
nos batteries ont réussi un certain nombre de
réglages heureux, démoli des tranchées en
construction, des abris de mitrailleuses et fait
taire, en plusieurs endroits, les lance-bombes et
l'artillerie de l'ennemi.
En Champagne, au nord-est de Mesnil-les-Hurlus, nous
avons consolidé notre organisation autour d'un petit
bois dont nous nous sommes emparés avant-hier.
La journée a été relativement calme dans l'Argonne
où les Allemands paraissent avoir beaucoup souffert
dans les récents combats.
Rien d'intéressant à signaler sur les fronts de la
Woëvre, de la Lorraine et des Vosges.
Ils CONTINUENT à être BATTUS
à La Bassée, à Albert et dans l'Argonne
Paris, 2 février, 0 h. 32.
Voici le communiqué officiel du 1er février, 23
heures :
La nuit du 31 janvier au 1er février a été très
calme.
Le 1er février, dans la matinée, l'ennemi a attaqué
violemment nos tranchées, au nord de la route de
Béthune à La Bassée.
Cette attaque a été repoussée et l'ennemi a laissé
de nombreux morts sur le terrain.
A Beaumont-Hamel, au nord d'Albert, l'infanterie
allemande a tenté une surprise sur une de nos
tranchées. Elle a été contrainte à fuir, abandonnant
sur place les explosifs dont elle était munie.
En Argonne. une grande activité se manifeste dans la
région de Fontaine-Madame et du bois de la Grurie.
Une attaque allemande a été repoussée vers
Bagatelle. Une de nos tranchées, bouleversée par
deux fourneaux de mine, a été évacuée sans pertes.
Dans les Vosges et en Alsace, aucune action n'est
signalée. Une chute très abondante de neige a eu
lieu.
SUR LE FRONT D'OCCIDENT
Ils comptent autant d'échecs que d'attaques
Paris, 2 février, 15 h. 10.
La journée du 1er février a été marquée par un
redoublement d'intensité de la lutte d'artillerie,
de part et d'autre, et par une série d'attaques
allemandes d'importance d'ailleurs secondaire,
toutes repoussées avec des pertes sérieuses pour nos
adversaires, en proportion des effectifs qu'ils ont
engagés.
En Belgique, l'artillerie lourde allemande s'est
montrée tout particulièrement active sur le front
des troupes belges, et principalement, contre les
divers points d'appui, dont celles-ci se sont
emparées depuis quelque temps. Dans la région de
J'Yser, autour d'Ypres, canonnade très violente par
endroits.
De la Lys à la Somme, les éléments d'un régiment
allemand ont attaqué un poste anglais, vers Guinchy,
et l'ont d'abord refoulé. Après une série de
contres-attaques, les troupes britanniques ont
réoccupé le terrain perdu, puis progressé au delà en
s'emparant des tranchées ennemies.
L'action signalée dans le communiqué du 1er février,
23 heures, et qui s'est déroulée le long de la route
de Béthune à La Bassée, a. été particulièrement
brillante pour notre infanterie. L'effectif engagé
par les Allemands semble avoir été d'un bataillon,
an minimum. Les deux premières attaques ont été
brisées par notre feu. La troisième est parvenue à
entrer dans l'une de nos tranchées, mais une
contre-attaque immédiate à la baïonnette nous a
permis de bousculer l'ennemi. Quelques Allemands
réussirent seuls à regagner leurs tranchées. Tous
les autres lurent tués ou pris.
Entre la Somme et l'Oise et sur le front de l'Aisne,
aucun événement important à signaler, en dehors de
l'attaque allemande sur Beaumont-Hamel, qui n'a pas
été renouvelée. Notre artillerie de gros calibre a
bombardé la gare de Noyon où avaient lieu des
opérations de ravitaillement de l'ennemi et a
provoqué deux explosions dont la fumée a persisté
plus de deux heures et demie.
Dans la région de Perthes, nos progrès méthodiques
continuent. Nous avons occupé de nouveau le petit
bois au nord-ouest de ce village.
En Woëvre, l'ennemi a tenté sur la corne ouest du
bois Le Bouchot (nord-ouest de Troyon), une attaque
immédiatement enrayée.
Rien à signaler sur le front de Lorraine et des
Vosges.
Paris, 3 février, 0 h. 35.
Voici le communiqué officiel du 2 février, 23 heures
:
L'artillerie, allemande a essayé, mais sans succès,
de contrebattre notre secteur, de la mer à la Lys.
Vers Arras, fusillade pendant toute la nuit du 1er
au 2 février, sans attaque d'infanterie.
Près de Soissons, nous avons endommagé une batterie
ennemie et repoussé, à Saint-Paul, l'attaque d'une
fraction allemande.
Nous avons de nouveau progressé près de
Perthes-les-Hurlus, à la lisière d'un bois dont
l'occupation par nos troupes a, été précédemment
signalée.
En Argonne, près de Bagatelle, nous avons repoussé
une attaque allemande.
Dans les Vosges, canonnade de nuit à Uffholtz. Nos
troupes progressent vers Burnhaupt-le-Bas.
RÉPARATION DES DOMMAGES DE GUERRE
Nancy, 3 février 1915.
Dans sa séance du 30 courant, la Chambre de commerce
de Nancy a émis le voeu suivant :
« La Chambre de commerce de Nancy, Considérant qu'il
y a des routes d'invasion, comme des champs de
bataille, prédestinées ;
Considérant que cette prédestination voue toujours
les mêmes marches du pays aux mêmes misères et aux
mêmes horreurs, alors que les autres régions restent
indemnes et que parfois même elles peuvent
bénéficier de la fermeture des usines et des
comptoirs sis dans les régions menacées ou envahies
;
Considérant que si les horreurs de la guerre ne
peuvent pas être épargnées aux marches du pays, il y
a lieu pour elles de réparer au moins le réparable,
c'est-à-dire les dommages matériels ;
Considérant, au surplus, que la Patrie est la mise
en commun de toutes les charges individuelles ;
En outre, considérant le mouvement unanime de
solidarité qui s'est manifesté dans le pays en
faveur de la réparation de tous les dommages causés
par la guerre ;
Considérant les mesures qui sont ou vont être prises
en vue de la constatation de tous les dommages subis
par les collectivités et les particuliers ;
Considérant que le département de
Meurthe-et-Moselle, qui forme la circonscription de
la Chambre de commerce de Nancy, est parmi ceux qui
ont le plus souffert, que gravement atteint, il
risque de l'être encore plus dans ses ressources
minières et dans son outillage économique
établissements commerciaux et industriels, ateliers,
usines, manufactures, instruments de travail et de
production, que les principaux éléments de cet
ensemble, fraction importante de la fortune
nationale, sont actuellement. entre les mains de
l'ennemi qui peut avoir intérêt à les détruire à un
moment donné; Estimant que la réparation, pour être
équitable, doit être intégrale et se faire sur la
base des pertes réellement subies à l'exclusion de
toute autre considération.
Emet le voeu : Que les dommages matériels causés par
la guerre aux collectivités : départements,
communes, établissements et services publics, et aux
particuliers, soient mis à la charge de, la nation
qui en assurera la réparation intégrale, sans faire
aucune distinction de condition de personnes ou de
sociétés commerciales ou industrielles, ni de nature
de dommages ».
Ce voeu a été transmis aux pouvoirs publics, à MM.
les Sénateurs et Députés de Meurthe-et-Moselle, au
Groupe parlementaire des départements envahis que
préside M. Léon Bourgeois, ainsi qu'à un certain
nombre d'autres groupements économiques susceptibles
d'appuyer les vues de la Chambre de commerce de
Nancy.
DANS LA MEUSE
A VARENNES
Il paraîtrait, d'après les dires d'habitants de
passage à Clermont, du haut de Sainte-Anne, qu'a la
date du 15 janvier, les deux tiers de Neuvilly
étaient détruits, que l'église subsistait encore
avec son clocher. Qu'à Boureuilles il ne restait que
la Petite-Boureuilles ainsi que la cheminée de
l'usine Charmaille, et que la cheminée du moulin de
Varennes avait été démolie le jeudi 14 courant par
Les Boches, parce qu'elle servait de point de repère
à nos artilleurs, établis dans la forêt lieudit « Le
Gardinet ». Tout est dévasté. C'est un vaste champ
de silence, de désolation et de mort.
A ORNES
A Ornes, complètement abandonné par les civils, les
ruines n'ont cessé de s'accumuler ; le 6 novembre,
un obus inflammable détruit les maisons de M. Arm.
Trassard et de Mme Simon ; - bientôt le familistère
et toutes les maisons jusqu'à la ruelle Lapierre
sont la proie des flammes ; - le 11 novembre, un
obus met le feu à la maison de M. A. Cléandre et la
détruit, ainsi que celles de MM. E. Férée et E.
Remy; quelques jours plus tard le feu reprend et
consume les maisons de MM.
Edm. Laurent et Deville-Marchal ; - le 19 novembre,
la maison de Mme Blanchard subit le même sort ; -
puis, le 7 décembre, d'incendie détruit les maisons
de MM. Th. Cochenet, Aug. Charton et V. Bertrand.
Tant que les Allemands tiendront Romagne, notre
pauvre village restera exposé à la destruction. Le
14 décembre, un violent combat, eut lieu aux «
Jumelles d'Ornes » ; de Romagne, les obus et les
shrapnells tombèrent, de 8 heures du matin jusqu'au
soir sur le village : les maisons de MM. Rieux,
Falaie, Mme Domange et Z. Rollin sont brûlées ; la
mairie est fortement endommagée, sans être brûlée.
Jusqu'à présent, l'église a reçu deux obus : l'un a
traversé la voûte ; un autre est tombé devant
l'autel de saint Nicolas, y faisant une large
brèche.
Bon nombre de maisons ont reçu des obus qui leur ont
fait des brèches plus ou moins larges ; les maisons
de M. Aug. Legardeur-Cochenet, de M. Gust. Bertrand,
de M. Alb. Gillet et la remise du presbytère, en
particulier, sont démolies ; les Allemands ont
emporté une grande partie de la literie dans leurs
tranchées de la Côte.
LES TAUBES A RAMBERVILLERS
L'aéroplane allemand capturé les jours derniers près
de Gerbéviller, et dont a parlé le communiqué
officiel avait survolé Rambervillers, vers neuf
heures et demie du matin, par un temps splendide.
Après avoir laissé tomber trois bombes, dont l'une
abîma la toiture de la filature Vélin, sans blesser
personne, il s'est dirigé vers Gerbéviller. Un
bataillon du ...e territorial l'ayant aperçu, son
commandant fit diriger sur lui des feux de salve
très nourris. Tout à coup, on vit l'oiseau boche
s'affaisser ; il dut atterrir dans les environs de
Moyen. C'est alors que des hussards s'élancèrent et
le capturèrent, faisant prisonniers le lieutenant et
le sous-officier aviateurs ; ceux-ci ont été dirigés
sur Rambervillers et de là à Epinal.
Quant à l'appareil, il était du type Albatros, et
exécutait pour la première fois une randonnée dans
les airs. Pas de veine.
Le commandant du bataillon territorial ainsi que ses
hommes ont été félicités chaudement par leurs chefs,
pour l'exploit accompli par eux.
ILS NOUS TATENT
vers Arras et en Argonne
NOTRE RIPOSTE EST HEUREUSE
Paris, 3 février, 15 h. 20.
Rien à signaler au nord de la Lys.
Entre, la Lys et l'Oise, dans le secteur de Noulette
(ouest de Lens), nos batteries ont imposé silence à
une vive fusillade.
Les Allemands ont Lancé des brûlots sur la rivière
l'Ancre, en amont d'Aveluy (nord d'Albert). Ces
engins ont été arrêtés par nous avant l'explosion.
Notre artillerie a continue à obtenir, dans la
vallée de l'Aisne d'excellents résultats. Nous avons
légèrement progressé en faisant des prisonniers et
en repoussant une contre-attaque, à l'ouest de la
cote 200, près de Perthes.
En Argonne, une seconde attaque allemande a eu lieu
près de bagatelle, vers 18 heures : elle a été
repoussée comme celle déjà signalée, qui avait eu
lieu à 13 heures.
Calme sur le front de la Meuse aux Vosges.
En Alsace, nous nous organisons sur le terrain gagné
au sud d'Ammertzviller.
Paris, 4 février, 1 heure.
Le communiqué officiel du 3 février, 23 heures, dit
: Rien à signaler, sinon qu'en Champagne trois
attaques des Allemands ont été toutes repoussées, à
l'ouest de Perthes. au nord de Mesnil-les-Hurlus et
au nord de Massiges.
En Argonne, une nouvelle attaque de Bagatelle a été
refoulée par nos troupes, dans la nuit du 2 au 3
février.
EN ALSACE
Le Sundgau, l'Ochsenfeld, les vallées des Vosges
La Haute-Alsace comprend la Haute vallée de l'Il et
la plaine de la rive gauche du Rhin. La vallée
supérieure de l'Ill s'appelle le Sundgau jusqu'à
Mulhouse et Cernay, mais on donne souvent le nom de
Jura alsacien à la partie montagneuse jusqu'à la
grande coupure empruntée par le canal du Rhône au
Rhin.
L'Ill vient des environs de la frontière suisse,
contourne Ferrette (ou Pfirt) à l'Est, coule du
Sud-Est au Nord-Ouest jusqu'à Altkirch, puis vers le
Nord-Est et enfin vers le Nord, à partir de
Mulhouse.
Le Jura alsacien est sillonné également par la
vallée de la Largue, affluent de gauche de l'ni, qui
coule à peu près parallèlement à cette rivière et la
rejoint à Illfurth, à huit kilomètres au Nord-Est
d'Altkirch.
Le Jura alsacien, qui ne dépasse pas la vallée
inférieure de la Largue, est constitué par des
hauteurs qui n'atteignent jamais 900 mètres et
descendent jusqu'à 400 mètres.
Le reste du Sundgau n'est qu'un dos de pays entre
les vallées du Rhin et du Rhône, c'est le plan
incliné oriental de la trouée de Bel fort, dont la
ligne de faîte a son point le plus bas au seuil de
Valdieu.
L'Il reçoit sur la gauche deux autres affluents qui
nous intéressent particulièrement, parce que leurs
hautes vallées nous appartiennent et que leurs
vallées inférieures sont le théâtre des efforts de
nos troupes : la Doller et la Thur.
Vallée de la Doller
La Doller descend du Ballon d'Alsace, arrose la
jolie vallée de Massevaux, entre le Barenkopf et le
Rossberg, Massevaux en est le village le plus
important ; les Allemands l'appellent Masmunster ;
il doit ses deux noms à l'ancienne abbaye de Masson,
où Catherine II fut élevée ; c'est à Massevaux que
passent nos convois venant de Belfort par la route
de Rougemont, plus sûre que celle de La Chapelle,
qui passe à l'Ouest de Burnhaupt.
La Doller, depuis Massevaux, passe à Sentheim,
Gewenheim. Exbrucke (pont d'Aspach).
Exbrucke est un point extrêmement important ; le
hameau est à l'intérieur du triangle formé par le
triple croisement des routes de Delle à Colmar, de
Belfort à Colmar, de Massevaux à Mulhouse ; la route
de Belfort à Colmar est franchie à 700 mètres à
l'Ouest par la voie ferrée de Massevaux à Cernay sur
un pont coudé de 32 mètres : à 200 mètres au Nord,
la Doller est franchie par la même voie ferrée sur
un pont métallique de 24 mètres. La défense de ce
point important est sur une croupe de 300 mètres,
située au Sud-Est, à côté de Burnhaupt-le-Haut et
au-dessus de Burnhaupt-le-Bas : c'est ce qui
explique l'importance que les deux adversaires
attachent à la possession du premier au moins des
deux Burnhaupt.
A remarquer que Pont-d'Aspach ne peut guère
justifier sou nom, car les deux Aspach sont situés
plus au Nord. Aspach-le-Bas à trois kilomètres, et
Aspach-le-Haut à cinq kilomètres, tous deux sur la
Petite-Doller. Entre Pont-d'Aspach et Aspach-le-Bas,
la tête boisée de Kalberg.
La Doller continue ensuite sa course vers Remingen,
passe au Nord-Ouest de Mulhouse et conflue à l'Ill
près d'Illzach.
Vallée de la Thur
La Thur coule dans la vallée de Saint-Amarin, une
des plus belles des Vosges, qui communique avec le
versant français par le col de Bussang (Bussang à
Wesserling), par le col d'Oderen (Remiremont à
Kruth) et par le col de Bramont (Gérardmer à
Wildenstein), dernier village de la vallée, dont le
château fut détruit par les Suédois en 1646.
Elle descend de Bramont et décrit un demi-cercle
depuis sa source, par Kruth, Wesserlling,
Saint-Amarin, Viller, Thann, Cernay, Staffelfelden,
Pulversheim, jusqu'à son embouchure (partielle) dans
l'Ill, à 1.500 mètres au Nord d'Ensisheim.
Thann est à l'entrée de la vallée, dominée au Sud
par un éperon de 525 mètres et au Nord par la
colline ou s'élevait le château d'Engelsbourg,
détruit par Turenne, en 1674. La gare est plus bas,
entre Thann et Vieux-Thann.
Cernay est à huit kilomètres de Thann à vol
d'oiseau, sur la rive gauche ; c'est déjà la plaine
; sur la rive droite, à côté de la gare, est un
faubourg de Belfort, sur la grande route de Colmar à
Belfort.
Au sud, une grande plaine non fertile, qui s'étend
jusqu'à la petite Doller ; c'est l'Ochsenfeld, dont
une partie est occupée par la grande forêt de
Nonnenbruch.
L'Ochsenfeld (champ aux boeufs) était l'emplacement
d'une foire célèbre jusqu'en Franche-Comté ;
d'aucuns y voient l'endroit de la rencontre de César
et d'Arioviste ; d'autres le Champ du Mensonge, où
Louis-le-Débonnaire fut livré à ses fils ; en tout
cas, il y eut là une bataille entre Bernard de
Saxe-Weimar et Charles de Lorraine pendant la guerre
de Trente-Ans. Le pays est organisé de longue date
pour une défense ; la forêt est coupée de nombreuses
voies stratégiques, par deux lignes de chemin de
fer.
Au nord-ouest de la Thur, les dernières collines des
Vosges, qui viennent mourir le long de la route de
Cernay à Colmar.
La première colline au nord de Cernay abrite
Steinbach, dont de nom a figuré sur maints
communiqués, le village est entre deux éperons,
357-375 ; il domine le gros bourg d'Uffholtz, qui
est sur la route qui chemine à flanc de coteau,
reliant les premiers villages de la vallée :
Uffholtz, Wattviller, entre les deux éperons portant
les châteaux de Herrenfluth et Hirzenstein ;
Bertschwiller, Hartmannswiller, en dessous du
château d'Ollwiller ; Wuenheim et Soultz, en avant
de Guebwiller.
Tous ces villages sont en arc entourant la base du
massif du Ballon de Guebwiller (1.426 m.), le plus
haut sommet des Vosges, même de la chaîne
principale. Ce massif est échancré par une baisse
très prononcée qui permet de passer facilement de
Soultz, dans la moyenne vallée de la Thur ; une
route conduit de Soultz à Willer par la vallée de
Tiefenbach, Kohlschag (combat du 6 janvier),
Goldbach et Mittelbach.
A l'est de cette échancrure, deux positions élevées,
le Molkrenrain et le fameux Hartmannsweilerkopf,
dont il fut tant question depuis quinze jours.
Les premières opérations
Rappelons les principaux événements qui ont marqué
ce qu'on peut appeler la campagne d'Alsace :
7 août : Après un brillant combat, nous entrons à
Altkirch.
8 août : Nous entrons à Mulhouse et les Allemands
battent en retraite sur Neuf-Brisach.
9 août : Abandon de Mulhouse ; nous nous maintenons
sur les hauteurs d'Altkirch.
15 août : Nous occupons Thann.
20 août : Reprise de Mulhouse.
25 août : Nous abandonnons Mulhouse à la suite de
l'envoi en Lorraine des troupes de la Haute-Alsace.
En septembre, nous maintenons nos lignes voisines de
la frontière en défendant l'accès de Belfort.
En octobre, le 7 : A la suite d'une progression,
nous infligeons un échec au général Eberhardt.
Le 19 octobre : Nous occupons Thann ; nous avançons
à Sulzern, à l'ouest de Colmar.
Le 1er décembre : Nous prenons Aspach-le-Haut et
Aspach-le-Bas.
Le 2 décembre : Nous nous emparons de la
Tête-de-Faux.
Le 3 décembre : Nous avançons près d'Altkirch.
Le 9 décembre : Nous prenons la gare d'Aspach.
Le 30 décembre : Prise de Steinbach.
Le 2 janvier 1915 : Actions sur Carspach et
Hirtzbach.
Le 3 janvier : Nous nous emparons de la cote 425, à
l'ouest de Cernay..
Le 4 : Nous nous installons à Creux-d'Argent, à
l'ouest d'Orbey (vallée de la Weiss).
Le 8 : Nous perdons Burnhaupt-le-Haut.
Le 20 : les Allemands attaquent Hartmannsweilerkopf.
Le 28 : Progrès à Ammertzwilier.
LES EXPLOITS DE CES BANDITS
Remiremont, 4 février.
On sait que, pour la seconde fois, un taube vient de
lancer des bombes sur Remiremont. Il en a lancé
trois.
La première est tombée sur l'immeuble de M. Bérard,
rue du Général-Humbert, côté nord-ouest ; un des
éclats a frappé en plein coeur un automobiliste qui
stationnait dans la cour de l'école Saint-Romaric.
Le malheureux est mort sur le coup.
Faisons remarquer qu'il y a quelques jours à peine
un hôpital était encore établi à l'école
Saint-Romaric.
La seconde tomba dans le jardin attenant à la maison
de M. Schulmeyer, tapissier, Grande-Rue ; elle fit,
en éclatant, un trou, d'ailleurs peu profond.
Tombant sur -le toit des magasins à fourrages de la
maison Burgunder; faubourg de Gérardmer et rue de la
Joncherie, la troisième bombe ne fit que des dégâts
purement matériels.
EN DÉVISSANT UN OBUS
Einville, 5 février.
Un soldat ayant trouvé dans un champ une fusée
d'obus allemand, il la porta chez M. Gobert,
ferblantier à Einville, pour s'en faire un encrier
et l'envoyer à sa femme comme souvenir de campagne.
En dévissant la fusée. celle-ci éclata, avec
violence. M. Gobert fut tué sur le coup et le
militaire eut le ventre ouvert, mais on espère le
guérir.
DANS LA MEUSE
Les actes des barbares
A LAHEYCOURT
A Laheycourt, village riche et important, le tiers
des maisons a été incendié. « Ce village est trop
grand pour six cents habitants, nous brûler », dit
un officier allemand, et ses soldats exécutèrent
l'ordre. De la magnifique mairie, qui ne datait que
de mai dernier, il ne reste plus rien. L'église,
aussi, magnifique, et qui avait été terminée en
1887, a perdu son clocher. Quant aux bancs, ils ont
été arrachés pour installer une ambulance allemande.
Cinquante habitants étaient restés ; les ennemis
commencèrent par piller toutes les maisons qu'ils
avaient fait évacuer, puis ils fouillèrent tout le
monde et volèrent l'argent et les bijoux cachés dans
les poches. L'orgie suivit. Les soldats se
revêtirent de chemises de femmes et de chapeaux par
dessus leur uniforme et se promenèrent en titubant
et en hurlant dans les rues.
Leurs odieuses atrocités
A SOMMEILLES
Sommeilles n'existe plus, le 51e régiment
d'infanterie allemande la complètement brûlé ; c'est
à peine s'il reste deux ou trois petites maisons
écartées de l'agglomération, et l'église veuve de sa
toiture.
Dans ce malheureux village, la vertueuse Allemagne a
été particulièrement ignoble; Deux vieillards
réfugiés dans une cave furent lâchement massacrés ;
deux femmes furent violentées à plusieurs reprises,
après quoi ces brutes leur coupèrent les seins
qu'ils leur enfoncèrent dans la bouche et les
tuèrent. Deux jeunes garçons furent mutilés sous les
yeux de leur mère qui fut aussi violentée.
L'ambulance préservatrice
A NOYERS
Noyers a été sauvé de l'incendie, à cause d'une
grande ambulance allemande installée dans ce
village, et qui comprenait toutes les maisons.
Quand, au soir du 11 septembre, les blessés furent
évacués, les officiers annoncèrent aux habitants
que, la nuit suivante, ils verraient le feu. Mais, à
dix heures du soir, ils se sauvèrent précipitamment
; la victoire de la Marne avait préservé ce pays.
Quelques maisons ont été endommagées par les obus
ainsi que l'église, dont tous les vitraux sont
brisés, et dont la toiture et les voûtes ont
beaucoup souffert. Un habitant a été emmené comme
otage.
CANONS ET MINES
Le succès partout couronne notre effort
Paris, 4 février, 13 h. 28.
Au nord de la Lys, combat d'artillerie
particulièrement vif dans la région de Nieuport.
A Notre-Dame-de-Lorette, au sud-ouest de Lens, une
attaque allemande, qui a eu lieu dans la matinée du
3 février, a été refoulée par notre artillerie, qui
a arrêté également un bombardement dirigé sur la
route d'Arras à Béthune.
Dans la région d'Albert-Le Quesnoy-enSanterre, nous
avons détruit plusieurs blockhaus.
Dans toute la vallée de l'Aisne, combats
d'artillerie où nous avons eu l'avantage.
Les trois attaques signalées hier soir contre nos
tranchées de la région de
Perthes-Mesnil-les-Hurlus-Massiges, ont été
effectuées par des forces ennemies sensiblement
égales à un bataillon sur chaque point. Les deux
premières ont été complètement dispersées sous le
feu de notre artillerie. La troisième, qui s'est
produite au nord de Massiges, a profité de
l'explosion d'une mine pour avancer. L'ensemble des
positions a été repris par nous et de nouvelles
tranchées ont été construites à quelques mètres de
celles que les sapes allemandes avaient bouleversées
et qui étaient inhabitables.
Journée calme dans l'Argonne.
Sur la Seille
En Woëvre et dans la vallée de la Seille, nous avons
obtenu des succès d'avant-postes, et dispersé des
convois ennemis.
En Vosges et en Alsace
Dans les Vosges, quelques rencontres ont eu lieu
entre des patrouilles de skieurs.
Légère progression de nos troupes au sud-est de
Kolschlag, au nord-ouest d'Hartmansvilerkopf.
Le dégel a commencé.
Paris, 5 février, 0 h. 45.
Voici le communiqué officiel du 4 février, 23 heures
: Combats d'artillerie en Belgique et au nord
d'Arras.
A l'ouest de la route de Lille à Arras, nous avons
enlevé de deux à trois cents mètres de tranchées
ennemies.
Près de Hebuterne, au nord d'Albert, notre feu a
atteint un rassemblement de convois.
Tir très efficace de notre artillerie dans la vallée
de l'Aisne. Les batteries ennemies ont été réduites
au silence. Notre tir a provoqué des explosions de
caissons. Il a dispersé des travailleurs et mis en
fuite des avions.
En avant de Verdun, nous avons abattu un avion et
les aviateurs ont été faits prisonniers.
En Alsace, l'attaque allemande près d'Uffholz a
échoué complètement.
A BLAMONT
QUELQUES PRÉCISIONS
M. Colin, professeur au Lycée Louis-le-Grand, nous
écrit :
« Ont été seuls arrêtés à Blâmont et emmenés en
otages : MM. le curé, Houberden, buraliste ; Dubois,
J. Toubhans, Nordon fils, Vaucher, Lavaud, Martin,
peintre ; Georges, marchand de vins, et votre
serviteur.
« Le jeune Grandemange et un vieillard Le père Adam,
furent arrêtés ainsi que M. le curé et M. Dubois, le
13 au soir avec moi. Les autres ont été emmenés au
poste le 14 au matin. Les deux premiers furent
relâchés le 14, vers 10 heures, au château.
« M. Bentz, maire de la ville, devint notre
compagnon le 13, vers 11 heures du soir. Il fut
relâché le 14 au matin, après avoir défilé avec nous
devant le mur où était collée la cervelle de notre
infortuné concitoyen, M. Foel.
« M. Bentz quittait Blâmont le 14 au soir, au moment
de l'entrée de nos troupes, mais il allait vers la
France. MM. Lahoussay, François, Protoy, Crouzier et
d'autres personnes avaient quitté la ville munis de
sauf-conduits pour l'Allemagne délivrés par
l'ennemi.
« Les otages ont été emmenés le 14, vers 2 heures,
en arrière-garde, sous les obus, livrés aux insultes
de la sodaltesque et enfermés durant la, nuit dans
l'église de Gogney, pendant que se développait la
bataille.
« Le 15 au matin, le capitaine commandant notre
escorte me faisait savoir que dans une heure le
dernier soldat allemand aurait quitté le sol
français et que, nous serions libres de rentrer chez
nous ». Ce qui eut lieu.
« J'ajoute que les hommes de notre escorte ont fait
preuve d'humanité à notre égard. »
CALVAIRE D'UNE FEMME
SOUS SES YEUX
son mari et sa fille sont brûlés vifs
Le 25 août dernier, à Lunéville, les Allemands ont
sous les yeux de Mme Weill, brûlés vifs M. Weill,
son mari, ministre officiant du culte israélite, et
sa fille, âgée de seize ans. J'ai vu hier Mme Weil.
Elle a fait à M. de Maizières, rédacteur au « Petit
Haut-Marnais », le récit suivant, qu'il affirme
reproduire avec la plus scrupuleuse fidélité.
« Je suis Alsacienne, de Haguenau, où j'ai encore de
la famille. Mon mari était Français, mais n'était
plus d'âge à être mobilisé. Nous habitions Lunéville
depuis dix-sept ans, dans une maison située 5, rue
Castara et contiguë à la synagogue Au moment de la
déclaration de guerre, mon fils que voici et qui a
quatorze ans, le seul enfant qui me reste
aujourd'hui, était en Alsace, où il passait ses
vacances.
Nous fîmes tout au monde pour le rappeler auprès de
nous, mais sans y réussir, car, le 22 août, les
Allemands entraient à Lunéville et, dès les premiers
jours, toutes les communications avaient été coupées
entre l'Alsace et la France.
Le 22 au soir, on nous donna à loger dix soldats
allemands. Nous leur abandonnâmes le rez-de-chaussée
de la maison et le premier étage, où se faisaient
d'habitude les cours de l'école israélite ; mon
mari, ma fille et moi occupions le second.
Pendant les deux premiers jours, les Allemands se
comportèrent assez convenablement : ils demandaient
sans cesse à boire et à manger, et exigeaient qu'on
les servît rapidement, mais ils ne se livrèrent à
aucune violence. Le 24 seulement, ils prétendirent
m'empêcher de descendre pour les servir et voulurent
que ma fille, qui paraissait beaucoup plus âgée
qu'elle n'était, se chargeât de ce soin. Mon mari
s'y opposa avec une fermeté si résolue qu'ils
n'insistèrent pas. Le 25, à deux heures de
l'après-midi, je recevais la visite d'une vieille
amie, presque impotente, qui demeurait dans la
partie de la ville la plus éloignée de notre
demeure.
Lorsque, vers quatre heures, elle voulut partir, je
m'offris à la reconduire et, avant de quitter la
maison, je remis à mon mari la clef de notre cave en
lui disant :
- On ne sait ce qui peut arriver, si, par hasard,
pendant mon absence, on recommençait à bombarder, va
tout de suite dans la cave avec la petite.
Il me répondit en souriant :
- Mon Dieu, est-il possible d'être aussi peureuse ?
Je reconduisis notre vieille amie, puis l'idée me
vint, au lieu de rentrer directement, de faire un
très court détour pour aller acheter des oeufs que
les Allemands m'avaient demandés pour leur dîner.
C'est à ce moment que je remarquai qu'il n'y avait
plus du tout de civils dans les rues, mais, par
contre, une grande quantité de soldats. Je
rebroussai chemin aussitôt et je rencontrai, dès les
premiers pas, un homme qui portait le grand tablier
de cuir des ouvriers tanneurs et que quatre soldats
entouraient. Derrière lui marchait un jeune homme
que j'ai su depuis être son fils et qui était, lui
aussi, étroitement gardé. Lorsque je fus parvenue à
la hauteur du premier groupe, l'un des soldats
abattit d'un coup de revolver l'homme au tablier de
cuir ; quand je passai devant le second, on tua de
la même façon le jeune homme.
A ce moment, la folie me monta au cerveau et je me
mis à courir devant moi en criant : « Mon mari, ma
fille ! » J'entendis l'un des soldats qui criait : «
On va les tuer, on va tuer tout le monde, car on a
tiré sur nos blessés. » Au fur et à mesure que je me
rapprochais de notre maison, j'entendais plus
distinctement le crépitement d'une fusillade
intense, et bientôt j'aperçus de grandes flammes qui
s'élevaient du côté de la ville où nous habitions.
Repoussée, injuriée, menacée, brutalisée, plusieurs
fois jetée à terre, je parvins cependant, grâce à ma
connaissance de l'allemand, à apitoyer un chef, qui
ordonna en riant de me laisser passer. J'arrivai
devant chez nous, la maison était en feu, je voulus
entrer par la porte de la rue, on me repoussa à
coups de baïonnette; je fis le tour pour pénétrer
par la cour, on me menaça de revolver. Je revins
dans la rue en criant : « Mon mari, ma, fille ! Je
veux entrer, je veux ma fille ! » Un soldat me
répondit : « Elle brûle avec son père. » Je me jetai
à genoux devant un officier qui me dit : « Ça brûle,
et ce que nous avons allumé doit brûler. » Comme je
m'accrochais aux vêtements de cet homme, je me
sentis saisir par les deux bras et lancer à la volée
dans un café situé en face de chez nous et dont les
Allemands avaient exigé que la porte restât
constamment ouverte.
Là, des soldats racontèrent que mon mari avait voulu
sortir de la maison, mais qu'on l'avait reçu à coups
de baïonnette, poussé dans la cave, qu'un instant on
avait vu ma fille à une fenêtre du second étage et
qu'on l'avait entendu crier : « Papa, papa, vient
vite. ils veulent me prendre. » Elle aussi on
l'avait jetée dans la cave de force, on avait
arraché des mains de mon mari la clef que je lui
avais donnée avant de partir, on les avait tous deux
enfermés dans la cave et, dans cette cave, on avait
mis le feu. Comme il ne prenait pas assez vite on
était venu, pour activer l'incendie, prendre des
litres d'alcool dans le café où j'étais. On
racontait tout cela devant moi, en disant qu'on
brûlait toute la rue, ce qui était vrai, car toutes
les maisons commençaient à flamber - parce qu'on
avait tiré de l'une des maisons sur des blessés
allemands de l'hôpital. Je criai, je suppliai,
répétant que nous n'avions pas d'armes chez nous,
que mon mari était un prêtre israélite, connu pour
sa bonté et sa douceur, on me répondait toujours : «
Il brûle. »
J'eus la lâcheté de dire : « Ma fille, au moins, ma
fille, rendez-moi au moins ma fille ! » On me
répondit : « Ta fille brûle avec son père ! » Alors
je me suis évanouie. Quand je suis revenue à moi, on
m'a jetée dehors. J'ai erré dans les rues, folle ;
j'ai rencontré le maire, que nous connaissions, M.
Keller ; il m'a donné le conseil d'aller dans les
champs rejoindre ceux des habitants que l'incendie
avait chassés de leur demeure.
J'ai passé la nuit dans les champs et, le matin, on
m'a transportée à l'hospice, où je suis restée trois
semaines. Les Français sont revenus et j'avais,
malgré tout, gardé l'espoir que les Allemands
m'avaient menti pour seulement m'effrayer et qu'un
jour je reverrais mon mari et ma fille. Un matin,
des gens sont venus à l'hospice et m'ont dit qu'il
fallait avoir du courage. J'étais si faible et aussi
tellement affolée, que j'ai mal compris ce qu'ils me
disaient. Ils m'avertissaient qu'on avait « retrouvé
» mon mari et ma fille dans la cave. J'ai cru, un
instant, qu'on les avait retrouvés vivants. Non,
c'étaient leurs cadavres qu'on avait retrouvés ! Et
les Allemands avaient dit vrai ; les cadavres
carbonisés de mon mari et de ma fille, c'est cela
qu'on avait retrouvé ! Lui, avait été asphyxié
assis, le dos au mur la petite était tombée en
avant, la figure contre terre, et son visage tenait
au sol collé dans les cendres noires de l'incendie.
On les a enterrés tous deux dans notre jardin,
d'abord, puis il paraît que nous ne les avions pas
mis assez profondément en terre, et on les a
transportés au cimetière. On m'a fait partir pour la
Suisse et on a, été chercher en Allemagne mon fils
qui m'a rejointe. C'est tout. »
Encore quelques tranchées
HEUREUX DUELS D'ARTILLERIE
Paris, 5 février, 15 h. 15
En Belgique, les avions allemands ont montré une
grande activité.
Le communiqué d'hier soir a signalé l'enlèvement
d'une tranchée ennemie à l'ouest de la route d'Arras
à Lille (au nord d'Ecurie). Cette tranchée gênait
les troupes occupant la terrain gagné par nous, il y
a quelques jours, à l'est de la même route. Nous
l'avons fait sauter à la mine et immédiatement après
un détachement de zouaves et d'infanterie légère
d'Afrique s'installait solidement sur la position
conquise. Tous les Allemands de la tranchée prise
ont été tués ou faits prisonniers.
Notre artillerie a fait taire des batteries ennemies
près d'Adinfer (sud d'Arras), de Pozières (nord-est
d'Albert), de Hem (nord-ouest de Péronne), ainsi que
dans le secteur de Pailly (sud de Noyon).
Rien de nouveau dans la région de Perthes.
En Argonne, une seule attaque à Bagatelle. Cette
attaque qui nous avait enlevé une centaine de mètres
de tranchées a provoqué de notre part deux
contre-attaques qui ont, non seulement repris ces
100 mètres, mais encore gagné du terrain au delà.
Dans les Vosges, combats d'artillerie.
Sur le reste du front, rien à signaler.
TOUTES LEURS ATTAQUES REPOUSSÉES
Paris, 6 février, 0 h. 52.
Communiqué officiel du 5 février, 23 heures :
Dans la nuit du 4 au 5 février, les Allemands ont
essayé, sans succès, de déboucher de leurs tranchées
devant Notre-Dame-de-Lorette.
Notre artillerie a exécuté des tirs très efficaces
dans la vallée de l'Aisne.
En Champagne, au nord de Beauséjour, nos troupes ont
progressé légèrement pendant la nuit au nord de
Massiges ; l'ennemi a tenté, dans la journée du 5,
une attaque qui a été repoussée.
En Argonne, nous avons consolidé nos positions sur
le terrain conquis le 4, à Bagatelle.
En Alsace:, une attaque allemande a été repoussée,
au sud d'Altkirch.
CHEZ LES RÉFUGIÉS LORRAINS
De Nancy à Annemasse
IMPRESSIONS DE VOYAGE
ANNEMASSE, février. - Franchement, un voyage en
Savoie, au coeur de l'hiver, n'est pas ce que l'on
appelle une promenade d'agrément.
Toutefois, des satisfactions sont réservées aux
touristes : les wagons, de la compagnie de l'Est ne
sont plus encombrés de ces personnages à lunettes
d'or, dont Hansi a crayonné les silhouettes ; on
n'entend plus hacher de la paille dans les couloirs
; on n'assiste plus à la gloutonnerie des goinfres
d'outre-Rhin écrasant leur nez dans les assiettes du
restaurant.
Dans certaines gares du même réseau, on a déjà
supprimé la traduction des principaux renseignements
; on ne lit plus sur les portes : « Eingang » ni «
Ausgang ». A-t-on pensé que plusieurs olympiades
s'écouleront avant le retour des Boches dans notre
pays ? S'est-on simplement fait cette réflexion
qu'il est superflu d'étaler tant d'inutile
prévenance à l'égard des Barbares qui pillent, qui
tuent, qui incendient ? Quoi qu'il en soit, j'ai
éprouvé un soulagement profond, l'impression d'être
enfin chez soi, dans le charme d'une jalouse
intimité, après l'expulsion d'un être malpropre dont
on essuie les traces et dont l'odeur s'évapore au
souffle des fenêtres ouvertes.
Pour aller de Nancy à Dijon, il faut une quinzaine
d'heures. Ne gémissons point.
Des soldats hindous me tiennent compagnie jusqu'à
Mâcon ; ils reviennent du front et, frileusement
blottis dans leurs couvertures, ils vont réchauffer
leur convalescence aux rayons du soleil de Provence.
Ils rient de toute la blancheur de leurs dents ; ils
ne s'expriment qu'en anglais et rapportent de leurs
combats contre les Boches maint souvenir qui met
dans leur conversation une note émue ou pittoresque.
Mâcon. Trois heures d'arrêt. Buffet. Des fantassins
de la « division de fer » arpentent les quais,
surveillant nos portières, avec la curiosité un peu
anxieuse de « voir quelqu'un de Nancy ».
J'interpelle le capitaine X... et lui résume, en dix
minutes, les événements dont s'est emplie notre
existence en Lorraine pendant six mois.
Des réservistes prennent d'assaut les wagons. Ils
rayonnent de joie ; ils débordent d'enthousiasme. La
veille, ils ont appris leur départ imminent :
- Tu parles si on est fringant, s'exclame un lascar.
J'ai un passe-montagne, des gants, deux ceintures de
flanelle, des godasses toutes neuves. On a tiré au
sort pour f... le camp ; j'ai eu la veine de chiper
un bon numéro... Ah ! mes vieux, c'qu'on va leur
mettre, aux Boches. »
Les camarades tournent vers lui un regard d'envie.
Eux resteront à Bourg. La caserne sue l'ennui. Il y
a un baraquement où les rats poussent la familiarité
jusqu'à soulever avec leur museau pointu le
couvercle des gamelles.
- Et pas farouches, ces bêtes-là. On les a
baptisées. Quand on appelle Totor ou Sophie, c'est
rigolo, toute la bande rapplique au pas gymnastique.
Mais le maniement d'armes, la théorie sur le service
intérieur, les coups de mauvaise humeur d'un
adjudant, la consigne au quartier, c'est beaucoup
moins rigolo que le dressage des rats :
- On voudrait bien s'en aller avec les autres. Le
capitaine a dit que rien ne presse. Encore un mois.
Attendons. Je crois qu'on se concentre. Un coup
épatant est annoncé pour Pâques. Seulement ce qu'on
raconte à la caserne ou dans les journaux, c'est
kif-kif le rapport du cuisinier en pied et tu penses
bien que Joffre n'a pas le temps de blaguer avec les
journalistes... »
J'en prends pour mon grade !
Maintenant le train file dans un paysage de neige.
La Savoie approche. Tunnels d'où l'on s'échappe pour
entrer brusquement dans les tourbillons de flocons ;
villages écrasés sous les nuages bas ; décor
norvégien où vibre, ô Gautier, une symphonie en
blanc majeur !
De Bellegarde à Annemasse, tout le pays se drape
majestueusement dans un manteau d'hermine immaculé ;
mais le regret nous saisit des excursions dans le
Salève, des ascensions par funiculaires, des nuits
sous la tente, de toutes ces parties de plaisir si
chères aux touristes, aux baigneurs, aux amateurs de
camping...
Annemasse retrouve son animation : mais quel
changement dans sa physionomie ! Des familles de
réfugiés circulent dans les rues, pauvres gens sans
gîte, qui, par groupes, causent à voix basse,
échangent les nouvelles reçues par le dernier
courrier, se répètent leur lamentable histoire,
errent de leur chambre à la gare, où ils attendent
un parent ou quelque ami bien longs décidément à
venir !
Plus de vingt mille Lorrains résident dans cette
région savoisienne. Ils sont répartis entre les
communes d'Evian, Thonon, Annemasse,
Monnetier-Mornex, La Roche-sur-Poron, etc.
C'est d'ici qu'après une semaine de repos nécessaire
après tant de maux, d'humiliations, de deuils
affreux, nos concitoyens s'en retournèrent vers la
Lorraine, où nous eûmes l'occasion de les
interviewer.
Ce que nous ont successivement appris MM. Hottier,
maire d'Homécourt ; Auguste Maire, maire d'Arracourt
: Mme Cl... de Longwy ; Mlle R... de Rehon ; Mme
X..., de Jarny, tant d'autres personnes expulsées de
Metz ou de Strasbourg, tous ces récits ne sont
qu'une page du livre où il reste à écrire, hélas !
des chapitres sur la domination allemande dans les
bassins de Briey et de Longwy, dans la Woëvre, dans
les Ardennes.
M. Magre, sous-préfet de Briey, a quitté son aimable
collègue de Verdun, M. Jean Grillon, auprès de qui
l'attachent une sincère amitié et une patriotique
collaboration, pour recevoir à Annemasse les
réfugiés lorrains de l'arrondissement qu'il
administrait.
Nous serons heureux, en ce qui nous concerne, de
renouer des liens que la botte allemande a brisés,
de rendre à nos concitoyens les services dont ils
ont besoin peut-être à leur rentrée en France, de
raconter ce qu'ils font au foyer où ils sont assis
aujourd'hui, dans cette Savoie dont les sentiments
généreux s'exaltent dans l'hymne des Allobroges : Je
te salue, ô terre hospitalière Où le malheur trouve
protection.
ACHILLE LIÉGEOIS.
DANS LE BOIS LE PRÊTRE
Malgré des tragiques combats qui s'y livrent et les
rigueurs d'une température inclémente, nos soldats
n'ont rien perdu de leur belle humeur. Aux rares
instants de répit, ils entonnent, sur l'air de la
Valse brune, la « Chanson du bois Le Prêtre »,
composée par le territorial Paul Colon, dit « Paulus
», et imprimé à Pont-à-Mousson. Quand les Boches se
mettent à brailler leur invariable Garde au Rhin,
nos troupiers peuvent au moins leur répondre par des
couplets de circonstance.
Quelquefois, la situation de certains soldats leur
enlève toute idée de chanter. Ces derniers temps, un
de nos troupiers alla en rampant jusqu'à une
tranchée abandonnée par les Allemands, mais derrière
laquelle ils étaient retranchés à environ 40 mètres.
Quand il voulut revenir en arrière, les Boches
ouvrirent sur lui une teIle fusillade qu'il dut se
cacher aussitôt dans la tranchée. Pendant plusieurs
jours il lui fut ainsi impossible d'en sortir. Il
resta seul, terré entre les lignes françaises et
allemandes. Avec de longues perches ses camarades
lui passèrent quelques vivres en attendant qu'il ait
pu profiter d'un moment d'inattention des Boches
pour regagner, toujours en rampant, Les tranchées
françaises.
Dernièrement, des territoriaux, en occupant une
tranchée conquise sur les Allemands, ont trouvé une
magnifique pendule, provenant sans doute d'une
maison du Haut-de-Rieupt et qui avait coûté au moins
500 francs.
Le socle était en bronze doré, ainsi qu'un motif
représentant Moïse sauvé des eaux. Comme on le voit,
les affreux Teutons n'ont guère change depuis 1870.
Us ont toujours un faible pour les pendules. Il
paraît que dans les tranchées, on trouva une machine
à coudre, destinée sans doute à quelque « fraulein
». C'est à croire que les Allemands font la guerre
pour se monter en ménage !
LES RÉFUGIÉS LORRAINS EN SAVOIE
Interview de M. Magre
ANNEMASSE, février. - J'ai eu
ce matin la bonne fortune de rencontrer M. Magre, Le
sympathique sous-préfet de Briey, au moment où il
arrivait de Monnetier-Mornex, après une visite aux
malheureux réfugiés de sa région.
M. Magre se propose de recueillir le plus grand
nombre possible de renseignements pour la
constitution d'un dossier sur l'occupation
allemande.
Mais, comme je vous l'ai exposé dans mon précédent
courrier, le distingué fonctionnaire poursuit un
autre but et il est guidé par un sentiment dont la
générosité pansera bien des blessures morales chez
les malheureux que la guerre a chassés de leurs
foyers :
- Ce que vous faites à Annemasse dans le domaine de
l'information, me dit l'honorable sous-préfet de
Briey, je l'ai entrepris sur le terrain de la
sollicitude administrative. Les bonnes idées se
rencontrent. Je me suis rendu compte qu'à leur
retour d'exil, d'un triste exil, dans, leurs
villages, momentanément annexé par l'ennemi, les
Lorrains puisent dans notre accueil à la frontière
un réconfort et une consolation nécessaires.
Nous interrogeons M. Magre sur le motif des
évacuations en masse qui ramènent en France la
population des régions envahies :
- Sans aucun doute, répond-il, l'éloignement des
bouches inutiles s'impose aux Allemands. En
voulez-vous la prouve ? Ils ont décidé tout d'abord
que les retraités et les fonctionnaires feraient
partie du premier convoi. Que signifie cette
décision, sinon que les fonctionnaires et les
retraités de l'Etat réduits pour vivre aux
ressources très modestes d'une pension dont ils ont
cessé de toucher les trimestres, deviennent une
charge dont il importe de se débarrasser. »
Un certain nombre de propriétaires ont été compris
dans la première caravane ; mais, d'après M. Magre,
ce n'est point pour écarter les témoins gênants de
leurs cambriolages. Les Boches ont montré qu'ils
sont capables de piller sous les propres yeux de
leurs victimes :
- Les troupes allemandes, dit-il, ont besoin de
place pour se loger. L'autorité militaire vide les
habitations, moyen fort simple de leur procurer un
gîte, en évitant fies contestations et les
récriminations. »
Les maisons sont à eux ; c'est à nous d'en sortir.
Méthode simple en effet. On a fait en Allemagne
beaucoup de chemin depuis le meunier Sans-Souci, et,
si le respect d'un moulin, jadis, s'associait mal
avec la spoliation d'une province, la « kultur » a
unifié la jurisprudence en matière d'expropriation.
Le sous-préfet de Briey a l'intention de rester en
Savoie pendant quelques jours :
- Je suis venu ici, à la nouvelle, publiée
d'ailleurs par l'Est Républicain, que 1.500 réfugiés
lorrains arrivaient du pays de Briey d'où ils
avaient été expulsés vers le 10 janvier.
Malheureusement pour moi, un millier d'entre eux
avaient quitté Annemasse la veille même de mon
arrivée. On les avait dirigés sur le Midi... Mais de
prochains convois sont attendus... Je prolongerai
donc mon séjour en me donnant pour mission une série
de visites aux réfugiés d'Evian, Thonon, La
Roche-sur-Foron et Annecy. »
Il est impossible, on le devine, de fixer la date
des prochaines arrivées.
Le Conseil fédéral, en Suisse, a désigné trois
groupes de délégués qui se tiennent à Schaffouse, à
Berne et à Genève, trois villes que l'on considère
en quelque sorte comme des étapes du rapatriement à
travers le territoire helvétique.
Les trois groupes entretiennent des relations
constantes : dès qu'à Schaffouse on est prévenu
qu'un détachement de Lorrains va sortir d'Allemagne,
on avise immédiatement les deux autres villes où des
dispositions sont aussitôt prises en vue de la
réception du détachement.
Le comité genevois de la Croix-Rouge s'empresse de
nous avertir à son tour, déclare M. Magre. Nous ne
pouvons naturellement enfreindre les règlements que
nous impose la neutralité de la nation voisine ;
mais, des deux côtés de la frontière, sans qu'il
soit besoin de la franchir, les coeurs suisses et
français battent d'un rythme égal : ils s'efforcent,
avec le même zèle, le même dévouement, de faire
oublier leur détresse et leur deuil aux victimes de
la guerre.
Avec l'aimable sous-préfet de Briey, je compte bien
que l'occasion nous sera incessamment offerte de
saluer nos compatriotes au moment où ils fouleront
enfin le sol natal.
ACHILLE LIÉGEOIS.
AU PAYS DE BRIEY
A JoeUF
Du Bulletin de Meurthe-et-Moselle : Mme Henri a
quitté Joeuf le 30 décembre et est arrivée le 3
janvier à Montgeron.
Mme Pierre a quitté Joeuf le 5 janvier et est arrivée
le 19 janvier.
Sous peine d'amende de 1.000 francs, il est défendu
aux habitants des régions envahies de correspondre
avec le pays annexé et surtout avec la France.
MMmes Mansard et Charles (sages-femmes) sont seules
autorisées à circuler librement à toutes heures de
la nuit dans le pays.
Les maisons inhabitées sont marquées d'une croix
noire, et sont surveillées particulièrement par les
soldats pour éviter tout pillage.
Des soupes populaires sont servies à 800 personnes
et sont mangées à l'établissement même. MMme
Kieffer, Daum, Cordier, s'occupent de cette oeuvre.
M. Fabre Henri, conseiller, est délégué pour la
réquisition des vivres et la plupart des magasins
sont vides.
Chez MM. Pérignon Amédée, Robert, Bosment, les
Allemands ont réquisitionné du vin.
Le commandant prend ses repas à la table de M.
Bastien, maire, et habite chez lui.
150 soldats font la police, logent dans les salles
de fêtes et se comportent bien vis-à-vis de La
population.
Les soldats allemands du génie ont raccordé la gare
d Homécourt à l'usine de Joeuf, en exécutant
d'importants travaux, surtout en face le bureau des
douanes.
Plusieurs comptables sont restés à Joeuf, notamment
MM. Sablier Edmond, Petit, Crommel, Hall, Julien
Jamain.
Les employés -et ouvriers ont reçu, en décembre, une
offre de la direction des usines pour des avances
d'argent à ceux qui en éprouveraient le besoin.
Les bijoutiers Belin et Schneider ont été pillés en
août, ce dernier par les habitants, dès qu'ils
eurent connaissance qu'il avait amené, étant soldat
allemand, l'ennemi dans le pays.
La pharmacie Bragard a été pillée également en août.
La famille Winsback, pharmacien, a été emmenée en
Allemagne, M. Winsback était accusé d'attrouper le
monde pour annoncer l'avance de nos soldats et la
victoire prochaine.
Un fils Gury (le cadet), voulant se rendre de force
et sans laissez-passer à l'usine de Joeuf où son père
travaillait, a été blessé par la sentinelle qui se
trouvait à l'entrée du pont de l'usine, puis,
conduit à Metz, il a été fusillé.
M. Diebling, a été emmené en Allemagne parce qu'il
faisait chanter à l'église, par les enfants, le
cantique : « Seigneur, sauvez la France ». Nous
avons appris que ce monsieur avait été mis en
liberté depuis.
Les écoles sont ouvertes tous les matins sous la
direction de M. Villig et avec le concours d'anciens
instituteurs.
Le canon tonne jour et nuit depuis août et les
vitres tremblent parfois.
Les Allemands font circuler le journal « La Gazette
de Lorraine » parlant exclusivement de victoires
allemandes, on n'y croit pas, et des nouvelles
annonçant le contraire, percent malgré tout.
La population espère qu'en mars le pays sera
débarrassé de l'ennemi.
Plus de mille demandes de rapatriement ont été
faites à Metz, mais restent sans effets.
Plusieurs jeunes gens de 16 à 18 ans ont été emmenés
en Allemagne. Le fils Henry.
boulanger, est à Rastadt.
Les paroisses de Joeuf et de Génibois sont desservies
par le père Bruno, prédicateur connu des Joviciens.
MM. Bastien, maire ; Remy et Risse, secrétaires de
mairie, sont à leur poste.
A LABRY
EVIAN-LES-BAINS, 2 février. - La commune de Labry a
relativement peu souffert de l'invasion.
Un contremaître des mines, qui en est sorti le 9
janvier, déclare que les Allemands procédèrent en
décembre à l'inventaire des denrées, jambons, pommes
de terre, légumes en conserve, lapins, volailles,
etc.
Quand ce travail fut terminé, la population fut
contrainte de livrer aux réquisitions le tiers de ce
qu'elle possédait et tout l'or qu'on promit
d'échanger contre des bons et des billets allemands.
Mais les billets n'ont jamais été distribués.
Des corvées furent recrutées tous les matins pour le
nettoyage des rues. Sous prétexte que le quartier de
la gare souffrait d'un manque d'entretien, la
commune fut condamnée à 10.000 francs d'amende.
Afin que la population fût maintenue dans
l'ignorance complète des événements, on supprima les
courriers. Quiconque recevait une lettre était puni
d'une amende de 1.000 francs.
La brasserie fut transformée en porcherie ; mais les
Allemands cherchèrent longtemps un emplacement
convenable pour l'abattoir où, chaque jour, étaient
égorgés environ 250 cochons.
La tête des boeufs était vendue un mark aux ménagères
; la tête de porc coûtait un demi-mark seulement ;
les entrailles des animaux tués étaient abandonnées
pour un mark, ce qui permit aux familles pauvres de
se nourrir sans de trop grands frais.
Une infirmerie a été établie dans les locaux
scolaires ; les nouvelles casernes du 16e chasseurs
servent maintenant d'écuries.
Au mois de décembre, une épidémie de fièvre typhoïde
éprouva très sérieusement les Boches.
L'autorité militaire décida alors que le nettoyage
intérieur des casernes serait fait tous les jours
par une corvée de cinquante femmes.
Au bout de quelques jours, ce nombre fut réduit de
moitié. Il fallait attendre sous la pluie, pendant
des heures entières, qu'un sous-officier vînt donner
ses instructions pour le travail : les femmes
robustes enlevaient le fumier, les autres lavaient
ensuite à grande eau les planchers.
Naturellement, les officiers affectaient toujours un
mécontentement qui se traduisait sous la forme de
brutalités inouïes ou de propositions plus
insupportables encore. - A. L.
LES TAUBES A LUNÉVILLE
Jeudi 4 février, Lunéville a eu la visite de deux
taubes. L'un est apparu vers onze heures du matin,
mais il n'a pu entrer en ville, les artilleurs
l'ayant obligé à rebrousser chemin à hauteur des
Bosquets. Le second est venu vers midi. Il a survolé
la ville à une grande hauteur et a lancé une bombe,
qui est tombée sur la maison Voisel, rue Gambetta,
32, perçant la toiture. Elle s'est arrêtée sur une
poutre. Les dégâts se bornent à quelques tuiles
brisées. Un commencement d'incendie, provoqué par la
bombe, a été rapidement éteint. L'avion est reparti
aussitôt son coup fait, dans la direction
d'Avricourt, poursuivi par la canonnade.
UN PEU D'ACCALMIE
Sauf pour le canon
Paris, 6 février, 15 h. 15.
Il n'est pas signalé d'action d'infanterie dans la
journée du 5 février.
D'Arras à Reims, combats d'artillerie, avec de bons
résultats pour nous.
Aucune modification de la situation dans la région
de Perthes-Massiges.
En Argonne et en Woëvre, canonnade.
Notre artillerie a dispersé des convois et mis le
feu à un train de 25 wagons.
Rien à signaler sur le reste du front.
Nous avons abattu un ballon captif dans les lignes
allemandes, au nord-est de Sommepy.
Voici le communiqué du 6 février, 23 heures :
Les seuls faits notables signalés sont un tir très
efficace de notre artillerie en Belgique et dans la
vallée de l'Aisne, et une légère progression de nos
troupes en Champagne, au nord de Massiges.
Ce que raconte un réfugié
Extrait du « Bulletin des réfugiés meusiens » :
« Un habitant d'Etain, revenu ces jours derniers du
pays; raconte ce qui suit :
« Il n'y a plus aucun habitant à Etain.
Des baraquements en planches étaient construits,
vers le 8 septembre, sur le plateau de Longeau, une
batterie était installée entre Rouvres et Longeau.
Les Allemands ont tout pillé. Ils faisaient des
convois de quarante voitures tous les deux jours.
Meubles, vêtements, linge, literie. marchandises,
matériel, vins, épicerie, draperie, étoffes,
chaussures. Ils n'ont pas non plus oublié les
pendules de chez Dauchy, ni les autres. Enfin les
outils de toute sorte, les matériaux de
construction, tout, tout a été enlevé, tout est
parti.
Ce qui ne plaisait pas était jeté dans la rue et
jonchait le sol, et devant chez les commerçants, il
y avait des tas de marchandises, jetées pêle-mêle.
On dit dans le pays que vingt-sept habitants d'Etain
auraient été fusillés par les Allemands, à Amel.
Les cloches de Buzy sont passées sur voiture à
Conflans Les hommes de Conflans, Jeandelize,
Béchamp, Mouaville, Thuméréville, Labry, Valleroy et
d'autres communes de dix-sept à soixante-dix ans ont
été enlevés le 12 janvier par un train complet et
conduits à Rastadt par Metz et Strasbourg ; les
hommes de soixante à soixante-dix ans ont été
évacués sur la Suisse et les autres sont restés
prisonniers civils.
Vu à Genève, au retour, vers le 17 janvier,
Lebondidier, Grandjean, Bonhuil, Mme Royer et ses
enfants, Mme Pérignon-Claude et enfants. »
(à
suivre) |