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Octobre 1914 - La Vie en Lorraine (3/3)

 
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L'HOMME ET LA MATIÈRE

Le «  Journal de Genève », opposant la chute d'Anvers et la résistance de Nancy, écrit :
Quant à l'opération en soi-même, elle mérite de retenir l'attention. Elle consacre d'une façon très impressive la victoire actuelle du boulet devenu l'obus sur la cuirasse, dans ce duel que depuis quelques cents ans se livrent avec furie les deux adversaires. A chaque progrès de l'artillerie, le technicien du génie a opposé les siens ; les hauts reliefs des vieux remparts se sont abaissés pour se soustraire à la vue des pointeurs ; les murs en pierre de taille ont fait place au béton armé et cuirassé ; l'épaisseur des revêtements s'est constamment accrue. Vains efforts ; la balistique a dérouté chaque fois le constructeur. Preuve nouvelle, dans un autre domaine, de ce qu'exposait le bulletin d'hier, de la supériorité des forces agissantes sur les forces passives : l'armée de campagne supérieure aux forteresses ; le canon, l'obus, l'explosif supérieurs à la pierre et aux aciers ; l'offensive supérieure à la défensive, l'attaque à la résistance, l'activité à l'inertie, bref, l'homme à la matière.
En veut-on une preuve éclatante ? Anvers qui, malgré, parait-il, un armement insuffisant des forts extérieurs, passait pour une forteresse de puissante résistance, tombe en douze jours. Pourtant les ingénieurs avaient travaillé des années durant à l'établissement de ses défenses.
Nancy n'avait pas un fort pour la couvrir le jour où l'Allemagne déclara la guerre à la France, On la ceignit pendant les premières semaines d'une ceinture d'ouvrages semi-permanents, gros terrassements de la fortification de campagne. Une armée prit l'offensive pour couvrir ces travaux. Puis quand, battue, cette armée recula, le barrage armé de ses canons à longue portée la recueillit et lui permit de se refaire pour refouler de nouveau l'assaillant. Dès lors, Nancy fut plusieurs fois attaquée, elle subit des bombardements partiels auxquels l'empereur Guillaume lui-même présida. Rien n'y fit. Aujourd'hui encore, les bois environnants sont remplis de soldats ennemis. Mais toujours la défense mobile des Français les tient assez éloignés pour qu'ils n'osent pas mettre en-batterie leurs gros canons à eux, d'une portée et d'une efficacité supérieures aux pièces françaises, semble-t-il, mais que leur poids expose à être pris au cours d'un échec, momentané. Cette tactique a réussi depuis deux mois et demi sur tout le front d'Altkirch à Verdun.
Je ne me rappelle plus quel jeune héros de Corneille ou de Plutarque ou d'ailleurs se plaint, à son père de ce que l'épée de son adversaire est plus longue que la sienne. Avance d'un pas, répond le père.

Le «  Réfractaire » Pierre Bücher

Nancy, 21 octobre.
On télégraphie de Strasbourg au «  Berliner Tageblatt » que le docteur Pierre Bücher, directeur de la «  Revue alsacienne illustrée » et des «  Cahiers alsaciens », domicilié à Strasbourg, mais dont la résidence actuelle est inconnue, a été déclaré passible du conseil de guerre, comme réfractaire à l'appel sous les drapeaux.
Ses biens ont été confisqués.
Le docteur Bûcher était un des. apôtres de l'idée française dans le pays.

NOTES DE CAMPAGNE

21 octobre.
La Toussaint approche et que de Nancéiens ne la célébreront pas au milieu de leurs morts, mais ils seront par la pensée au Sud et à Préville, aux heures de l'hommage.
L'autre dimanche, on a célébré des obsèques dans le village où nous cantonnons.
Il s'agissait d'un notable du pays, victime de l'épuisant exode. Nous assistâmes tous au service. Sous le modeste catafalque était non seulement, à nos yeux, un mort mais encore tous les défunts de France, depuis les vieillards jusqu'aux jeunes hommes que la faux a coupés, comme l'herbe des champs, suivant la parole du psalmiste.
Et l'âpre travail continue, tout le monde s'est mis, avec ardeur, aux rudes besognes ; des mains inexpertes ont appris à manier des outils jusqu'alors ignorés.
La bise souffle et les travailleurs, en pantalons rouges, couvrent les plateaux.

Je vous ai déjà dit qu'il y avait beaucoup de Nancéiens parmi nous. Huntel est coiffeur en pied de la compagnie et il rase, avec autant de belle humeur, sous les poutres d'une étable que dans son étincelant lavatory.
Et c'est toujours chose digne d'admiration que la fraternité de ces soldats quadragénaires. Le Parisien, forte tête, socialiste-collectiviste, s'entend au mieux avec le paysan réfléchi de Vézelise ou de Haroué. Chaque soir, avant l'appel qui a lieu très tôt, on refait la carte d'Europe, et, dans la nuit des granges, on poursuit la conversation interrompue.
Ce nous est une grande sécurité que de savoir Nancy sain et sauf. Jamais nous n'aurions cru qu'on pouvait aimer autant une ville, mais cette guerre développe tant de sentiments, dans les âmes les plus fermées !

Je crois bien que je n'irai pas, pour la première fois depuis bien longtemps, à Préville, le jour de la Toussaint, mais jamais nos morts ne seront fêtés avec plus d'étroite ferveur.
Dans le calme angoissant des routes où erre l'ennemi, la sentinelle y pensera.
Dans les tranchées savantes, recouvertes de claies, les fantassins, l'oeil aux aguets, élèveront leur esprit vers les martyrs. Et ce sera par toute la France, plus vivante que jamais, la grande communion mystique des forts.

Tous ces troupiers, ces hommes de guerre poursuivent la tradition nationale et offrent leur vie pour l'idée. Notre génération croyait bien achever ses jours dans la grisaille d'une existence paisible. Elle sortira plus grave, plus française de la lutte.
Les vrais pessimistes, les gens à qui il manquait des motifs de vivre en auront désormais à foison.
Et mes camarades sentent parfaitement où est le devoir.
Il faut remplir les vides créés dans nos activités provinciales. La Lorraine sera bientôt la terre magnifique. Chacun travaillera à la tâche commune, aucun Lorrain ne sera inutile. La vie sortira des tombes. Electre ne peut éternellement pleurer dans Argos. Courage et espoir.
PIERRE LEONY.

L'EFFORT SUPRÊME DANS LE NORD
Tout l'effort allemand se porte vers le Nord, où il est contenu. - Partout ailleurs, nous progressons.

Bordeaux, 22 octobre, 15 h. 35.
A NOTRE AILE GAUCHE
Des forces allemandes considérables ont continué leurs violentes attaques, notamment autour de Dixmude, de Warneton, d'Armentières, de Radinghen et de La Bassée.
Les positions occupées par les Alliés ont été maintenues.
Sur le reste du front, l'ennemi n'a prononcé que des attaques, partielles qui ont été toutes repoussées, notamment à Fricourt, à l'est d'Albert ; sur le plateau à l'ouest de Craonne ; dans la région de Souain ; dans l'Argonne, au Four-de-Paris (sud-ouest de Varennes) ; dans la région de Malancourt ; en Woëvre, vers Champion, et au sud-est de Saint-Mihiel, dans les bois d'Ailly.
Nous avons légèrement progressé dans l'Argonne et en Woëvre méridionale, sur le bois de Mortmare.
Paris, 23 octobre, 0 h. 50.
Voici le communiqué officiel du 22 octobre, à 23 heures :
L'activité dont l'ennemi a fait preuve dans la journée d'hier ne s'est pas ralentie aujourd'hui.
Entre la mer et La Bassée, la bataille a continué, aussi violente, sans que les Allemands aient pu faire reculer l'armée belge ni les troupes franco-britanniques.
Entre Arras et l'Oise, l'ennemi a fait également de grands efforts, qui n'ont été nulle part couronnés de succès.
Dans l'Argonne, nous avons progressé entre Saint-Hubert et le Four-de-Paris.
Au nord de Verdun, nous avons gagné du terrain sur Haumont et Brabant-sur-Meuse.
Dans la Woëvre, nous avons repoussé une attaque sur Champion.

MM. BRIAND & SARRAUT
dans la Meuse

Paris, 22 octobre, 12 h. 45.
BAR-LE-DUC. - M. Briand, garde des sceaux, et M. Sarraut, ministre de l'instruction publique, ont visité, hier, les communes de l'arrondissement de Bar-le-Duc, qui ont subi l'occupation de l'ennemi, et qui ont été en partie détruites.

SUR LA FRONTIÈRE
A CIREY-SUR-VEZOUSE
Les premiers jours de l'occupation allemande. - Sanglants combats. - Incendies de Parux.
- En retraite vers Sarrebourg. - Ce qui se passe à Badonviiler.

Un de nos lecteurs, qui se trouvait à Cirey-sur-Vezouse quand la guerre fut déclarée, a noté au jour le jour ses impressions et la physionomie que présentait le pays pendant les vingt premiers jours du mois d'août.
Ce sont ces notes que nous reproduisons, sans y rien changer, persuadés qu'elles intéresseront vivement nos lecteurs :
Dimanche 26 juillet 1914. - M. B..., revenant d'Avricourt, annonce que la gare y est en émoi. Nouvelles graves.
Lundi 27 juillet. - Un pli cacheté arrive pour G. M... (mission spéciale).
Les jours suivants, mouvements de troupes allemandes à la frontière. Les Allemands font leur couverture. Ils élèvent des barricades sur les routes. Presque en même temps, mouvement de troupes françaises à 10 kilomètres en arrière de la frontière et patrouilles sur la frontière. G... M... part le mardi soir avec armes et bagages. Les officiers de réserve sont rappelés.
Vendredi 31 juillet; - Le train de 6 heures et demie du soir n'arrive pas. Des personnes attendues sont obligées de revenir à Cirey en auto, le train s'étant arrêté à Lunéville. La gare, qui a déjà renvoyé dans la journée deux locomotives, reçoit l'ordre de renvoyer les agents sauf deux chefs et G... et les wagons vides avec la dernière locomotive. Le tout part à 6 heures et demie. A Avricourt, dans l'après-midi, un détachement d'infanterie allemande semble vouloir franchir la frontière où il s'arrête net. Panique. On attend des nouvelles. Vers une heure et demie du soir, dépêche annonçant mobilisation partielle. Les convocations individuelles de réservistes de toutes classes arriveront en auto. Elles arrivent vers 11 heures et demie. M... part à minuit pour Rambervillers en vélo. Toute la nuit, départ des réservistes convoqués. La poste a été faite par auto Mazerand.
Samedi 1er août. - On annonce mobilisation partielle (sur convocations individuelles) de réservistes et territoriaux.
A 4 heures et demie arrive l'ordre de mobilisation générale. Partis de Cirey en auto avec Georges (gendarme) et Ferrari, à 4 heures trois quarts, faisons mobilisation à Parux à 5 heures et à Raon-les-Leaux à 5 heures trois quarts. A Allarmont les réservistes appelés la veille sont déjà mêlés à l'active. Dès leur convocation, ils ont été armés en civil au ...e bataillon de chasseurs à pied, en attendant que d'autres soient habillés pour reprendre leur place. A Parux, il a fallu casser un carreau à la mairie pour entrer, le maire étant absent. La poste a été faite le matin par auto et après-midi. Dernier envoi à Blâmont. Depuis, plus de courrier ; il est impossible de passer les barrages.
Dimanche 2 août. - Messe basse à neuf heures trois quarts. L'abbé Marsal fait un sermon très réconfortant et patriotique. A la fin du sermon, les paroissiens se mouchent et essuient leurs larmes. Le bétail est réquisitionné et part. Des enfants (une dizaine) partent avec les convoyeurs. A deux heures, exercice de brancardiers. A quatre heures, Georges, gendarme, demande de le conduire à Raon-les-Leaux surveiller mobilisation. Nous partons et revenons avec trois bougies. A Allarmont, les chasseurs à pied se sont reculés jusqu'aux «  Noirs Collas » où ils établissent des retranchements. On parle d'une offre de l'Allemagne de rendre l'Alsace-Lorraine. En rentrant à Cirey, nous nous occupons de faire autoriser nos bonnes à rester à Cirey.
Lundi 3 août. - Des éclaireurs allemands (cavaliers) entrent à Bertrambois, près de l'église. Ils sont poursuivis par Marchal, sous-brigadier de douanes, (sans armes), dans l'auto de Grundwald. Arrivés au bois de Hattigny, au poteau frontière, ils se retournent, provocants ; d'autres sortent du bois et excitent Grundwald et Marchal, qui retournent tranquillement.
A neuf heures du soir, les gendarmes, les douaniers et les forestiers se replient sur Parux.
Mardi 4 août. - Gendarmes, douaniers et forestiers reviennent à Cirey à deux heures après-midi. La poste a fait démonter, dans la matinée, des appareils téléphoniques particuliers.
Dans la journée, une patrouille allemande, venue à Tanconville, a été mise en fuite par une patrouille française du 6 chasseurs, à cheval, de V... ; la patrouille allemande a, dit-on, été prévenue de l'arrivée des Français. A tout moment on annonce des arrivées de soldats allemands à Tanconville, Bertrambois et Blâmont. Les communications téléphoniques sont interrompues, puis rétablies. Lauberteaux père a vu au bois de Petitmont, un officier allemand causant avec L... Cet officier est remonté vers midi par Maîtrechet. Déclaration de guerre par l'Allemagne.
Mercredi 5 août. - A six heures et demie du matin, une patrouille du ...e chasseurs à pied est à Cirey, - devant la maison. Nous leur distribuons du vin. Ils partent en reconnaissance, à sept heures. Vers huit heures et demie, un aéroplane, que l'on suppose être français, passe au-dessus de Cirey se dirigeant vers Badonviller. A neuf heures, réunion des brancardiers ; composition des équipes. A trois heures et demie, environ 100 cavaliers allemands viennent sur Cirey par la route de Blâmont. A six heures et demie, un officier allemand arrive à la mairie, revolver au poing, et demande réquisition de viande, dont 45 kilogrammes de viande, du pain dont et du riz pour 150 hommes arrivés aux Paquis, disant qu'un régiment allemand est derrière lui. Les soldats allemands meurent de faim. On entend de la fusillade. Trois chevaux de cavaliers allemands arrivent à Cirey sans cavaliers. Une patrouille de 12 cuirassiers français, arrivée aux cités Mazerand, se replie en apprenant l'arrivée en nombre des Allemands.
Vers neuf heures et demie du soir, nous apercevons les lueurs du canon vers Dieuze et Avricourt.
Les Allemands se trouvant à Haute-Seille se prennent, dans la nuit, pour des ennemis et se battent. Ils ont un tué et deux blessés. La voiture de Gaston Berger emmène les blessés sur Lorquin.
Jeudi 6 août. - A 7 heures, une patrouille française de chasseurs à cheval et de cuirassiers emmène les trois chevaux pris la veille et un autre. Justin Humbert, de Tanconville, raconte les ennuis de M. Muller, maire ; les Allemands l'ont trouvé malade chez lui et l'ont entraîné de force à la mairie en le brutalisant ; ils ont coupé les cordes des cloches ; ils ont réquisitionné la commune qui est sans aucune ressource. Les Allemands ont arrêté un fils Appel et l'ont emmené pour le fusiller comme espion français.
A 4 heures et demie passe un aéroplane sur lequel les Allemands font des feux de salve vers Haute-Seille. A 6 heures et demie on entend la fusillade vers Saint-Sauveur et le Rougimont.
Le téléphone est interrompu.
Un brancardier du Val vient demander ce que l'on doit faire d'un officier du 15e régiment de dragons de Hanovre, blessé au ventre et hospitalisé au Val, qui a annoncé 12 tués pour les Allemands contre 4 pour les Français. Cet officier est resté un jour et demi dans la montagne, se cachant dans les roches, en raison de la crainte qu'il avait des Français. Dedenon, marchand de légumes à Lunéville, a été réquisitionné par les Allemands pour conduire des blessés à Hattigny.
On a confirmé la nouvelle annoncée hier de l'entrée des Français à Château-Salins et à Moyenvic.
Vendredi 7 août. - A 7 heures du matin, un biplan allant du midi vers le nord-est ; à 8 heures et demie, un aéroplane revient de l'est à l'ouest ; peu après, un autre biplan suit le même chemin, semblant le poursuivre.
L'officier allemand blessé a été ramené du Val à Cirey. Il craignait des violences des Français et ne voulait pas se laisser enlever par les brancardiers, se trouvant bien soigné par les dames du Val. Il est enchanté d'être à Cirey et répète constamment : «  Gentils Français ! »
On a, paraît-il, dit aux Allemands que tout l'univers est contre la France et la Russie.
A 11 heures et demie, canon vers Manonviller. A 3 heures, la poste annonce que huit cavaliers allemands ont été tués devant le bureau de poste de Blâmont et un fait prisonnier.
Le caporal Froelicher (de Cirey), de corvée de pain au Val, avec un chasseur à pied, a, dit-on, mis en fuite une patrouille de cavaliers allemands d'une dizaine d'hommes, en tuant un cheval.
A 6 heures et demie, un biplan, genre Farman, passe en suivant la ligne des Vosges, venant du nord. Il est salué par les feux de salves allemands.
Haute-Seille est toujours occupé.
Rien à Cirey.
Le soldat allemand qui avait malmené le maire de Tanconville a été puni par son chef.
Le prix du pain est de 0 fr. 90 les deux kilos.
Le téléphone est arrêté à 3 heures et demie.
Samedi 8 août. - A une heure et demie, nous allons au jardin du Parterre. Un aéroplane passe au-dessus de nous, allant de l'est à l'ouest. P. dit avoir entendu une détonation : l'aéroplane a dû lancer une bombe. On entend de la fusillade vers Montreux Louis L... part à Badonviller, emmenant B..., F... et C...
A 3 heures et demie, des cavaliers allemands se trouvent sur la route de Harbouey. Deux semblent se diriger vers nous. Nous rentrons. Vers 5 heures, un biplan allant du nord au sud. A 6 heures, une compagnie du 3e régiment d'infanterie bavaroise arrive à la gare par la route de Parux.
Les Allemands coupent tous les fils de télégraphe et de téléphone, et occupent la gare et la poste. Un soldat tombe d'insolation. Un médecin allemand descend à l'ambulance. On distribue la soupe de la cuisine roulante. Les mitrailleuses arrivent.
Les Allemands avancent vers Petitmont, sauf les ambulances et les cuisines. Louis L... revient jusqu'à l'entrée de Cirey, mais, en apercevant les Allemands, il fait demi-tour et repart à Badonviller.
A 9 heures, on entend la fusillade. Tout rentre dans le calme à 9 heures et demie.
Dimanche 9 août. - Levés à 6 heures et demie. Mouvement de troupes allemandes dans les rues. A 9 heures et demie, je vais chercher l'abbé Jacquemin pour dire la messe et le remmène chez lui à 11 heures. Impossible d'aller à la messe.
Le colonel allemand donne l'ordre d'ouvrir les persiennes et les rideaux des fenêtres et de ne pas fermer les portes à clef. Le soir, on doit avoir, dans chaque maison, une lumière derrière une fenêtre ; il est interdit de circuler après 8 heures du soir.
Lundi 10 août. - Lever cinq heures. Les sous-officiers allemands se lèvent à six heures. A sept heures, tout le régiment part à Parux. Environ quarante pièces d'artillerie. Deux autres régiments d'infanterie et artillerie. A huit heures trois quarts, une escadrille de sept ou huit aéroplanes vers Badonviller semble se battre. Le défilé des troupes devant la maison dure près de deux heures.
Les Allemands ont incendié Parux et Nonhigny.
A onze heures un quart, réquisition pour aller chercher deux dragons allemands blessés. Partis par la route de Parux, nous ne les trouvons pas et revenons par la route de Harbouey. Le soldat allemand qui m'accompagne me dit que les Allemands sont à Baccarat, ensuite à Lunéville, Nancy, qu'ils prendront Toul et iront à Paris. Je lui dis que Dieu seul sait qui prendra et il n'insiste pas. Nous finissons par retrouver les blessés à deux cents mètres de Parux qui flambe. Je les ramène en deux voyages. Le second a le genou très abîmé et porte à la cuisse une blessure.
A onze heures et demie, à peine installés, les soldats quittent pour aller au poste. Ouf ! Mais ils nous ont empestés et garnis de puces. Dans la nuit, deux sous-officiers viennent coucher dans le vestibule et sont très tranquilles.
On a dû brûler deux maisons à Tanconville, mais nous n'en sommes pas sûrs.
Mardi 11 août. - Deux aéroplanes à sept heures du matin. Troupes allemandes continuent à passer allant vers Badonviller. Des habitants de Parux continuent à revenir à Cirey. A midi, des soldats qui s'étaient installés dans toute la maison, nous annoncent qu'ils repartent vers l'ouest (Blâmont), ne pouvant pas passer par Baccarat. Nous avons été obligés de déjeuner sur une petite table dans la cour, les soldats allemands ne nous ayant pas laissé d'autres places. Heureusement, trois sous-officiers étaient très gentils.
Après midi, les Allemands amènent six chasseurs à pied français prisonniers, parmi lesquels le capitaine Brillat-Savarin, du 20e bataillon, de Baccarat. Le capitaine me demande de prévenir sa femme qu'il a été légèrement blessé à l'épaule par un coup de feu tiré à six mètres de distance et qu'il est fait prisonnier. Un officier allemand lui dit très gentiment qu'il peut écrire lui-même en toute sûreté.
Les soldats allemands racontent que la Russie est vaincue, et que tous les aéroplanes français sont pris et envoyés à Francfort-sur-le-Mein.
Des scènes de pillage se sont produites (chez Camon, Alba, Granger, Zang, etc.). Le général donne des ordres très sévères pour éviter qu'elles se renouvellent.
Mercredi 12 août. - Fusillade proche dans la nuit. Canon vers Badonviller, à cinq heures du matin. De six heures et demie à onze heures, défilé ininterrompu vers Parux, de troupes allemandes (infanterie, artillerie, pontonniers, génie, ambulances, train des équipages). A quatre heures et demie, des officiers allemands en auto m'annoncent que de nombreux blessés vont arriver à l'ambulance. Nouveaux convois de vivres. A 8 h. 25, un train allemand arrive à Cirey avec des vivres pour remmener des blessés.
Jeudi 13 août. - Les Allemands ont incendié hier diverses maisons à Badonviller, fusillé Mme Benoît, brûlé sa maison et l'église. Emile Carrier, chasseur à pied, a été fait prisonnier. De nombreux blessés allemands et français et des prisonniers du ...e bataillon de chasseurs à pied et du ...e régiment d'infanterie arrivent à Cirey.
Le train évacue des blessés et des prisonniers. Des soldats allemands racontent qu'on a brûlé Blâmont et Lunéville, et plusieurs maisons à Badonviller.
Des habitants de Badonviller (notamment M. C..., juge de paix), pris comme otages, arrivent. On nous dit que M. et Mme C... et leur bru et M. Benoît, maire de Badonviller, ont été fusillés. Le ravitaillement des troupes allemandes continue à se faire par le train. Les voitures de ravitaillement viennent chercher les vivres à la gare et ne cessent pas de circuler sur la route de Parux.
Il paraît que les Allemands ont demandé un armistice de deux jours pour enlever les blessés et enterrer les morts. Si cela est vrai, ils emploient cet armistice à se ravitailler. Les blessés français sont hospitalisés chez M. de Schacken.
On dit que l'officier allemand qui a donné l'ordre de mettre le feu à Parux, en commençant par l'église, a été condamné à mort par la cour martiale et s'est suicidé. Un soldat qui a commis des actes e pillage a été fusillé.
Vendredi 14 août. - Les Allemands se sont avancés vers Badonviller. Porté bouillon de Mme B... aux Femmes de France pour les blessés. Le major allemand annonce que l'ambulance est obligée de refouler. Il remercie les ambulanciers et infirmiers locaux des bons soins donnés aux blessés.
Pour midi, le téléphone allemand est enlevé. Le train allemand remmène les derniers wagons (32), y compris les planches chargées et le sable fin. De une heure à cinq heures, les troupes allemandes reviennent de Badonviller. Les Allemands barricadent Cirey, se fortifient dans les maisons C.. (route de Petitmont) et B... (route de Parux), où ils installent des mitrailleuses. Devant chez C..., ils ont arraché la grille pour faire une barricade avec des voitures, une faucheuse et une racleuse, le tout entrelacé avec de la ronce artificielle qu'ils ont arrachée aux clôtures de jardins.
Un médecin-major allemand demande où il pourrait installer une ambulance pour faire les pansements provisoires. Je l'emmène chez M. M..., qui l'installe dans la cartonnerie. Le major menace de tout brûler dans le cas où l'on toucherait à l'ambulance.
A 5 heures et demie, la fusillade et le canon commencent. Les obus passent au-dessus de Cirey. Nous nous réfugions tous dans la cave sous la véranda. Les obus sifflent de plus en plus ; nous ne nous sentons pas en sûreté et remontons dans le vestibule ; ensuite, au premier étage, dans notre chambre et dans celle des enfants.
A 9 heures, nous entendons les cris des Français chargeant à la baïonnette vers le bois de Petitmont, sur la maison C... Puis un silence. Les Allemands redescendent.
A 9 heures et demie, un officier allemand donne l'ordre «  Feuer », près de la maison.
Aussitôt la mitraille éclate. Les balles arrivent dans la chambre rose, jusque dans la salle de bains, traversant les placards, hachant les chaussures. N... est endormie, nous la prenons et descendons tous à travers les balles dans la cave à vins où nous restons 40 minutes. Puis le calme étant revenu, nous remontons dans notre bureau. Nous y mettons des matelas et nous nous y installons pour le restant de la nuit. La fusillade continue plus loin.
Samedi 15 août. - Le médecin-major allemand me réquisitionne pour conduire les blessés jusqu'aux premières lignes allemandes. Nous déposons un blessé à la mairie et remontons jusqu'à l'usine à gaz où nous rencontrons un bataillon allemand battant en retraite. Dans la rue du Gaz, trois soldats allemands tués : les Allemands ont dû se battre entre eux, car il est impossible que les balles françaises les aient atteints à cet endroit. Les Allemands ont tiré sur la mairie et l'ambulance de la Croix-Rouge. Les rues sont remplies de leurs balles non utilisées.
Vers 8 heures, un soldat du ...e de ligne (Français) arrive à Cirey, égaré et malade. A 10 heures et demie, nous allons ramasser les blessés sur la route de Parux et de Petitmont. En arrivant sur la route de Parux, un fantassin français, blessé au pied, s'approche et est obligé de passer la barricade pour arriver à l'auto. Au second voyage, en trois ou quatre minutes, à quatre personnes et sans aucun outil, nous avons fini de démonter la barricade élevée par les Allemands. Sur la route de Petitmont, nous faisons la même opération. Au bois de Petitmont, nombreux morts du ...e de ligne, dont un commandant. Un premier détachement français arrive par la route de Parux. Ensuite des troupes françaises, en grande quantité. Après-midi, les gendarmes de Cirey (G..., brigadier, A... et G... ) viennent dire bonjour et repartent. Nous avons trois officiers du ...e d'artillerie à coucher et un cycliste. Les officiers rentrent à 2 heures et demie et partent à 5 heures.
Dimanche 16 août. - Un aéroplane allemand passe. Les Français tirent dessus dans les rues. Le canon cherche aussi à l'atteindre.
Après-midi, nous allons voir le champ de bataille de Petitmont. On ramasse les morts (environ 200 Français) que l'on enterre, après les avoir identifiés, près du bois, au coin vers Petitmont. Passage de troupes.
Je vais avec M. M... en auto, à Parux, au Bois-Coupé, à Bréménil et à Badonviller. Parux est brûlé, sauf une dizaine de maisons. Le Bois-Coupé est intact. Les Allemands ont pris du treillage à la clôture. A Bréménil, de nombreuses maisons sont brûlées. A Badonviller, l'église et environ 80 maisons sont brûlées. Le train de Badonviller à Baccarat fonctionne.
Le ravitaillement continue à se faire par autobus. Les C... n'ont pas été fusillés. Mme C... jeune nous raconte que les Allemands avaient mis le feu à la maison voisine de la leur. L'officier allemand vint lui demander si elle pourrait (comme marchand de vins en gros) fournir de la boisson à ses hommes. Elle répondit oui, à la condition que sa maison ne soit pas brûlée. Immédiatement l'officier allemand fit faire la chaîne par ses hommes pour éteindre le feu de la maison voisine, afin qu'il ne se communique pas à la maison C...
Les Français avancent vers Sarrebourg. On entend la bataille du côté de Hattigny.
Le premier officier français arrivé à Hattigny s'est précipité au téléphone allemand : à ce moment, les Allemands demandaient s'ils pouvaient envoyer un convoi d'automobiles à Hattigny. L'officier français répondit affirmativement en allemand et fit cerner 21 voitures par une compagnie d'infanterie française. Les Allemands purent mettre hors d'état quatre de ces voitures. Les 17 autres furent prises. Elles renfermaient, dit-on, 300.000 ou 400.000 mark en espèces.
Dans la matinée, j'ai vu passer H... et D..., officiers de réserve dans un bataillon de chasseurs à pied. Ils allaient à Bertrambois. Les pontonniers sont allés camper sur la route de Parux. Le téléphone et le télégraphe militaires français sont établis.
Lundi 17 août. - Défilé du génie, de l'artillerie et des pontonniers qui s'avancent.
Des voitures de Tanconville ramènent des artilleurs blessés à la bataille d'hier. Les Français doivent avancer. Hattigny n'est pas brûlé. Dans la nuit, nous entendons le canon vers Sarrebourg et Saint-Georges.
Mardi 18 août. - Le canon tonne dans la même direction. Il semble s'éloigner de Cirey. On évacue les blessés sur Baccarat. Un aéroplane passe. Les Français ramènent les autos allemandes prises l'avantveille. Nous avons deux lieutenants du ...e chasseurs à cheval à loger. Les lettres arrivent.
Nous avons reçu des journaux.
Mercredi 19 août. - L'état-major français s'avance à Niéderhof. Je conduis deux blessés à Baccarat, En revenant, je rencontre, à Badonviller, M. Benoît, maire, décoré de la Légion d'honneur. Je rapporte du tabac. Il reste peu de troupes à Cirey.
Jeudi 20 août. - Je vais à Badonviller avec Mme M..., Mme B... et P... Nous prenons des photos.
Vendredi 21 août. - J'emmène trois blessés à Badonviller avec un médecin-major qui va visiter les maisons brûlées. En revenant, nous reconduisons le génie français qui repart en arrière.
On dit que le ...e corps d'armée, trop éprouvé, est obligé de se retirer en arrière pour laisser la place à un autre. La retraite du ...e corps se fait dans un ordre parfait. Les habitants de Cirey commencent à s'affoler dans l'après-midi et à quitter le pays.
Nous allons dîner et coucher chez M. B...
Samedi 22 août. - Même retraite du ...e corps. Dans la matinée, vers 10 heures, le docteur Rapp vient chercher sa famille et annonce que les Allemands seront à Cirey dans deux heures. Les L... s'apprêtent à partir. Nous aussi. Nous déjeunons à 11 heures et partons en auto à midi par Badonviller. Nous sommes obligés d'aller très lentement à cause des convois et de l'artillerie qui s'avance sur les hauteurs de Domèvre.
A Montigny, nous sommes arrêtés par l'orage et trempés.
A Baccarat, nous retrouvons les L... et les quittons. De Baccarat à Charmes, nous passons derrière l'artillerie et les forts.
Le canon ne cesse pas de tonner. Nous arrivons à Mirecourt à 4 heures, faisons prolonger notre saut-conduit jusqu'à Neufchâteau, où nous arrivons à 6 heures. A Châtenois, nous rencontrons un convoi de camions automobiles. Un factionnaire nous emmène à la place, qui ne trouve pas nos papiers en règle. Nous avons un mal inouï à trouver des chambres. Enfin, de très gentils jeunes gens, secrétaires à la place, nous trouvent notre affaire. Le lieutenant colonel nous dit qu'il ne croit pas que nous serons autorisés à continuer à voyager en auto.
Dimanche 23 août. - Nous allons à la place, à 9 heures du matin, et attendons le colonel jusqu'à 10 heures et demie. Enfin, le lieutenant-colonel se décide à nous délivrer un sauf-conduit pour Chaumont.

LA TROUÉE IMPOSSIBLE
Malgré des renforts de la Somme à la mer et une énergie désespérée l'ennemi ne peut nous rompre.

Bordeaux, 23 octobre, 16 h. 03.
A NOTRE AILE GAUCHE
Les forces allemandes, très importantes, dont la présence a été signalée hier, ont continué à attaquer très violemment, dans toute la région comprit entre la mer et le canal de La Bassée.
Dans l'ensemble, la situation des forces alliées s'est maintenue. Si elles ont dû céder sur quelques points, elles ont avancé sur d'autres.
L'ennemi a également montré une activité toute particulière dans la région d'Arras et sur la Somme.
Au nord et au sud de ce fleuve, nous avons progressé, notamment dans la région de Rosière-en-Santerre.

PROGRÈS DE VERDUN A PONT-A-MOUSSON
Dans la région de Verdun et dans celle de Pont-à-Mousson, nous avons eu quelques succès partiels.
Sur le reste du front, rien à signaler.
En résumé, l'ennemi paraît tenter, sur la majeure partie du front, notamment entre la mer du Nord et l'Oise, un nouvel effort, en utilisant des corps de nouvelle formation, constitués avec des hommes récemment instruits, les uns très jeunes, les autres très âgés et avec des cadres prélevés un peu partout.

LES MINISTRES A NANCY
UNE RÉCEPTION OFFICIELLE
à la Faculté des Lettres

Nancy, 24 octobre.
MM. Aristide Briand, ministre de la justice ; Albert Sarraut, ministre de l'instruction publique ; Jules Guesde, membre également du Cabinet de Défense nationale, sont descendus à l'hôtel d'Angleterre.
Ils étaient accompagnés de M. Lucien Poincaré, directeur de l'enseignement supérieur, frère de M. Raymond Poincaré, président de la République.
Plusieurs officiers d'état-major voyageaient dans leurs autos.
Après une visite officielle à la préfecture, au cours de laquelle les ministres se sont longuement entretenus avec M. Mirman de la situation créée par la guerre aux populations de Meurthe-et-Moselle, les ministres ont regagné les appartements spécialement préparés à leur intention.
Dans la soirée de jeudi, une invitation était adressée à M. Adam, recteur de l'Académie ; à M. Dessez, inspecteur d'Académie ; aux doyens des Facultés, aux directeurs de tous les établissements scolaires, aux membres du corps enseignant, pour une réunion exceptionnelle à l'Académie.
M. Albert Sarraut exprimait le désir d'échanger quelques paroles avec les fonctionnaires qui assument en Lorraine la chargé délicate de maintenir, malgré les événements, la continuation de la vie universitaire.
Cette réunion a eu lieu vendredi à huit heures et demie du matin, dans le grand amphithéâtre de la Faculté des lettres.
On remarquait la présence de MM. Adam, recteur ; Dessez, inspecteur d'Académie ; Petit, directeur de l'Ecole supérieure ; Danis, directeur de l'Ecole professionnelle ; MM. les doyens Binet, Auerbach, Floquet ; M. Bruntz, directeur de l'Ecole de pharmacie ; M. le proviseur du lycée ; M. le médecin-major Weiss ; les directrices des écoles primaire et supérieure, etc.

DISCOURS DE M. LE RECTEUR
A huit heures et demie, M. Albert Sarraut, ministre de l'instruction publique, fait son entrée. Il est accompagné de MM. Lucien Poincaré, Mirman et le recteur Adam.
Appuyé sur le bord de la chaire, M. le recteur Adam prononce le discours suivant :
«  Monsieur le ministre,
«  Monsieur le directeur,
«  C'est un grand honneur pour moi de vous saluer aujourd'hui par une parole respectueuse de bienvenue et de vous recevoir dans notre Université que vous désirez visiter en temps de guerre.
Les étudiants de nos Facultés sont ailleurs, sur la ligne de feu, à l'exemple de leurs professeurs, dont beaucoup, déjà, sont morts pour la patrie.
Vous avez devant vous les maîtres et les maîtresses de nos écoles. Les maîtresses n'ont pas connu de vacances ; elles portent la blouse et le brassard des Dames de la Croix-Rouge.
Les maîtres sont aussi à leurs postes. Il en manque quelques-uns ; ce sont ceux de nos campagnes, des villages détruits en Lorraine. Quatre d'entre eux sont à Ingolstadt et dans les villes allemandes, où on les a emmenés comme otages. »
M. le recteur rend un hommage ému à tout le corps enseignant ; il salue la mémoire des vaillants qui sont tombés pour la France.
«  Vous êtes ici, monsieur le ministre, au chef-lieu du 20e corps d'armée, qui a été deux fois à l'ordre du jour .Puissions-nous, dans notre sphère, mériter la même gloire en nous acquittant de la haute mission qui nous est confiée. »
Le recteur rappelle les bienfaits, les relations, les travaux, les ouvrages qui ont rapproché de notre Université les savants belges, russes, anglais, écossais. Nous n'avons pas en Europe d'autres amis, car, de l'autre côté de la frontière, tous ceux qui furent nos hôtes intellectuels déclarent fausses les atrocités commises dans notre pays où elles ne sont que trop évidentes.
Nous élèverons notre esprit si haut, selon la pensée de Descartes, que de telles offenses ne puissent l'atteindre. Nous défendrons jusqu'au bout notre idéal de justice et de vérité.
M. Poincaré pourrait me rappeler la devise de Bar-le-Duc, sa ville natale : Plus penser que dire ! Nous sommes résolus à «  agir plutôt qu'à dire ».
C'est en exprimant une pensée d'irrésistible espoir que M. le recteur termina son discours, dont les bravos de l'assistance ont accueilli l'émouvante péroraison.

DISCOURS DE M. SARRAUT
Le Grand-Maître de l'Université remercie M. le Recteur pour les nobles paroles qu'il vient de faire entendre ; il en portera l'écho fidèle au gouvernement.
«  Je vous ai écouté avec émotion, mais sans surprise, dit-il. Je ne pouvais entendre d'autre discours à l'heure où nous vivons, des hommes qui conservent toute leur force à nos belles traditions, dans cette Université où l'on a apporté de glorieuses offrandes sur l'autel de la Patrie.
«  J'ai recueilli dans vos paroles les sentiments de tous ceux qui nous entourent.
«  Je suis venu apporter ici, messieurs, l'assurance de la profonde sympathie que le Gouvernement a gardée pour ces populations de l'Est qui supportent cette destinée. »
M. le ministre fait un vif éloge de la Lorraine et de son Université.
Il termine en ces termes :
«  La France sera victorieuse ; mais, de cette lutte qui apportera au monde le bénéfice de la paix sortira une France affaiblie.
Elle aura perdu tant de sang généreux que vous devrez lui refaire des forces nouvelles en préparant plus vite une génération plus robuste. Je suis convaincu, messieurs, que ces hommes-là, vous les donnerez à la France et c'est pour cela que j'ai voulu venir pour vous dire merci ! »
Les présentations ont lieu ensuite.
A neuf heures dix, MM. Sarraut et Lucien Poincaré remontaient en auto.
L'après-midi a été consacré à une visite des communes éprouvées par l'invasion dans toute notre région.
LUDOVIC CHAVE.

EXPLOITS ALLEMANDS A RAON-L'ÉTAPE

Notre confrère la Dépêche Algérienne publie la lettre suivante dont tous commentaires affaibliraient la portée :
«  Alger, le 12 octobre 1914.
Monsieur le Rédacteur en chef de la Dépêche Algérienne,
Lorsque, le 14 août 1914, après une captivité de trois jours, j'ai pu, par un véritable miracle, quitter les ruines du malheureux canton de Badonviller (Meurthe-et-Moselle), où je m'étais fixé pour la durée des vacances avec ma femme et mes quatre enfants, j'avais dû laisser à l'hôtel de la Gare, à Raon-l'Etape - le chemin de fer n'acceptant pas les bagages. - une malle pesant 80 kilos et renfermant du linge et des vêtements d'enfants.
Voici les termes dans lesquels le chef de gare de Raon veut bien me renseigner sur le sort de mon colis :
«  Raon-l'Etape, 2 octobre 1914.
«  Monsieur,
«  J'ai l'honneur de vous faire connaître que Mme Schwob, propriétaire de l'hôtel de la Gare, venant seulement de réintégrer son domicile, je me suis rendu, ce jour, chez elle pour y chercher votre malle
«  Cette malle a été retrouvée en mauvais état ; les Allemands l'ont ouverte en cassant les serrures ainsi que les charnières, puis ont répandu à terre tout le contenu.
J'ai fait ramasser et ficeler le tout.
«  Il est à présumer que les Allemands ont pris ce qu'il y avait de plus précieux, car il ne reste presque plus rien. L'hôtel de la Gare a été pillé complètement, ainsi que toute la localité.
«  Veuillez agréer, etc. »
Je livre ce trait aux amateurs de la culture allemande ; il établira, pour les sceptiques ou pour ceux qui ont eu le bonheur de ne pas voir, que le vol et le cambriolage sont, dans l'armée allemande, vertus pratiquées par le plus humble des soldats comme par le plus élevé des Hohenzollern.
Veuillez agréer, etc.
EUG. LEYVAL,
Chef du contentieux du P.-L.-M. algérien.»

Non contents de piller, d'emporter à pleins wagons leur butin, le fruit de leurs rapines, de leurs cambriolages, les Barbares ont assouvi à Raon une rage impitoyable de destruction.
Une dépêche, empruntée à un journal parisien, est sur ce point des plus édifiantes.
Lisez plutôt :
«  SAINT-DIÉ, 17 octobre. - Pendant la guerre de 1870, des Allemands sont morts dans les ambulances de Raon-l'Etape. Ils furent inhumés dans le cimetière, où les monuments, érigés par leurs compatriotes, rappelaient leur mémoire. En 1914, les Allemands qui occupèrent Raon-l'Etape ont réduit ces monuments en pièces. »
Il est bon de rappeler que les janissaires de Guillaume avaient déjà. donné la mesure de leur goujaterie.
Les Allemands ont aux veux du monde un mérite - celui d'être complets dans leur genre !

LES COMMUNES ÉPROUVÉES

Du «  Petit Troyen », dont un collaborateur a pu parcourir l'Argonne, ces deux passages :
«  Brizeaux nous paraît avoir peu souffert de la guerre. Un coin cependant a reçu des obus qui ont Porté leurs ravages dans quelques maisons.
«  Nous poursuivons notre route et traversons Triaucourt. dont plusieurs maisons sont fort abîmées et dont l'église notamment a été éprouvée. Tous ses vitraux sont tombés : pour les remplacer, on a disposé de grands rideaux à ramages qui, s'ils arrêtent la lumière, arrêtent aussi l'air froid du dehors. »

M. Minier, sous-préfet de Lunéville, accompagné de M. Méquillet, député de l'arrondissement, a visité :
Bauzemont, - Bathélemont. - Bénaménil. - Ces trois communes ont été occupées par l'ennemi du 22 août au 12 septembre. Elles ont relativement peu souffert et on n'y compte fort heureusement aucune victime.
A Bauzemont, le maire, M. L. Brincard, et l'ancien garde de navigation, Joseph Bic, ont été emmenés comme otages et n'ont pas encore été rendus à leurs familles.
Les habitations sont intactes dans les trois villages sauf deux maisons endommagées par les obus à Hénaménil.
Partout le pillage habituel a sévi ; la plupart des animaux ont été enlevés ; les greniers sont vides de leurs récoltes et les caves de leur vin.
Les municipalités de ces communes sont restées courageusement au poste pendant le danger. Le ravitaillement de la région s'opère par l'intermédiaire d'Einville avec une facilité relative.

LE SOU
DU SOLDAT BLESSÉ

Nancy, 24 octobre.
Il s'agit pour vous, amis et lecteurs de l'Est, de donner tous les dimanches un sou pour les soldats blessés. Ce n'est ni bien compliqué ni très onéreux. Lorsque vous recevrez votre journal le dimanche, vous donnerez deux sous au lieu d'un sou.
Au bout de la guerre vous aurez dépensé sans vous en apercevoir trente ou quarante sous, et vous aurez contribué pour votre part à une oeuvre de solidarité humaine qui seconde puissamment, écrit Millerand, les efforts de la Défense nationale.
Le sou que vous aurez donné en supplément sera versé à la Banque de France, et grossira les ressources de la Croix-Rouge et de l'Assistance aux convalescents. Il n'y aura aucune espèce de fuite. Chaque exemplaire vendu rapportera un sou plein à l'oeuvre sans retenue d'aucune sorte.
Un sou plein ! Cela ne paraît rien, et vous verrez que ces sous donnés joyeusement par les lecteurs de tous les journaux qui ont adopté cette idée généreuse, ces sous deviendront des millions, et des millions encore.
Les lecteurs de journaux ne connaissent pas leur pouvoir. Ils vont le mesurer maintenant, et pour une action merveilleuse, pour apaiser les souffrances de nos chers troupiers, pour maintenir leur santé, pour conserver la vie de nos enfants, des défenseurs de la Patrie.
Nous demandons à tous de nous aider dans cette oeuvre.
Pour nos lecteurs, nous avons assez souvent eu recours à leur générosité naturelle pour savoir que nous pouvons toujours compter sur eux, aujourd'hui plus que jamais. D'avance nous les remercions.
Nos vendeurs et vendeuses habituels auront un surcroît de besogne. Mais comme tant d'autres en ce moment ils sauront se dévouer en pensant qu'il s'agit de leurs enfants, de leurs frères, de leurs maris, de leurs pères.
La direction et l'administration n'ignorent point, comme le dit l'appel qui nous est adressé, les ennuis qu'elles auront à supporter, les difficultés qu'il leur faudra vaincre pour une organisation toute, nouvelle en un moment où il est déjà bien difficile de suffire à la besogne courante, et aussi les frais ajoutés à d'autres frais.
Mais qu'importe tout cela ? Il s'agit de recueillir sou par sou des millions pour les soldats blessés. Qui hésiterait devant cette tâche que nous imposent les circonstances ?
Puis cela créera un affectueux accord de plus entre les lecteurs et leur journal. On aura ensemble accompli une belle action - une belle action de plus.
Et le souvenir que l'on aura, tous les dimanches de la guerre, acheté deux sous son Est que l'on paie un sou la semaine, ne sera certainement pas le souvenir le moins doux, puisque l'on aura ainsi doté des millions nécessaires les oeuvres d'assistance aux soldats blessés.
Vive le sou du soldat blessé !
RENÉ MERCIER.

LA CHASSE AUX TAUBEN

Nancy, 24 octobre.
Jeudi, un peu après midi, les postes de la frontière signalaient qu'un «  Taube » se dirigeait à toute vitesse vers Nancy.
Plusieurs avions français lui donnèrent aussitôt la chasse.
L'aviateur allemand fit rapidement demi-tour pour retourner d'où il était venu.
En passant au-dessus des batteries françaises, il essuya quelques coups de feu, mais, en raison de sa hauteur, il ne put être. atteint.

NOS MORTS

Nancy, 24 octobre.
Voici encore un vaillant Nancéien, qui vient de tomber, au champ d'honneur. Le capitaine Lucien Michel, du 246e d'infanterie, a, en effet, été tué d'un éclat d'obus à la tête, à Iverny la tête, à Iverny, près de Meaux, dans les premiers jours de septembre.
Le capitaine Michel était, avant les hostilités, instructeur à l'école de Saint-Cyr.
Sa famille est aussi connue qu'estimée à Nancy. Son père est resté longtemps associé de M. Rousselot, notre si sympathique ancien conseiller municipal.
Le défunt laisse une veuve avec cinq enfants, dont l'aîné, âgé de 20 ans, élève de Saint-Cyr, est actuellement sous-lieutenant dans un de nos régiments et se trouve sur le front.
Nous présentons à sa famille nos plus sincères condoléances.

LES ALLIÉS
brisent tous leurs assauts

Bordeaux, 24 octobre, 15 h. 25.
A NOTRE AILE GAUCHE
La bataille continue. L'ennemi a progressé au nord de Dixmude et autour de La Bassée.
Nous avons avancé, très sensiblement, à l'est de Nieuport, dans la région de Langemarck, et dans la région entre Armentières et Lille.
Il s'agit là des fluctuations inévitables de la ligne de combat, qui se maintient, dans son ensemble.
Sur le reste du front, plusieurs attaques allemandes, de jour et de nuit, ont été repoussées. Sur plusieurs points nous avons progressé légèrement.
EN WOEVRE
Notre avance a continué dans la direction du bois de Mortmare, au sud de Thiaucourt, et dans le Bois-le-Prêtre, au nord de Pont-à-Mousson.
Paris, 25 octobre, minuit 45.
Le communiqué officiel du 24 octobre, 23 heures, dit :
Depuis la mer jusque dans la région au sud d'Arras, les violentes attaques ennemies ont été partout repoussées.
A l'ouest de l'Argonne, nous avons, emporté le village de Melzicourt, qui commande les routes conduisant de Varenne à la vallée de l'Aisne.
Rien à signaler sur le reste du front.

Dans la grande bataille de Belgique et du Nord, c'est là ligne de communication des Allemands par la Belgique qui est l'enjeu. S'ils échouent, comme nous l'espérons bien, et comme tout permet de le croire, ils vont être rejetés sur la Meuse et dans l'Ardenne belge, pays peu peuplé, pauvre en voies de communication, et couvert de forêts, pays par conséquent peu favorable aux mouvements des grosses armées.
L'ennemi amène des forces considérables sur le champ de bataille ; ces forces ne sont considérables que par le nombre, ce sont ses dernières ressources en hommes qu'il jette dans la fournaise. Ces hommes sont les derniers bans de leurs réservistes, des landwehrs, des landsturms, qui ne sont pas les soldats auxquels nous nous sommes heurtés dans notre première offensive en Belgique. Ces soldats et le vigoureux cadre qui les entraînait sont restés sur la Marne en grande partie.

VERS THIAUCOURT
On ne croit plus à leurs feintes d'armistice

Paris, 24 octobre, 18 h. 34.
Une note officielle signale qu'il ne faut pas ajouter foi aux bulletins de l'état-major allemand.
L'un d'eux prétend, notamment, que nos attaques sur les hauteurs au sud de Thiaucourt avaient été repoussées avec des pertes considérables.
Or, en réalité, notre offensive, dans cette direction, n'avait pas pu se maintenir sur tous les points atteints au cours de ce mouvement, mais elle a conservé, dans l'ensemble, la meilleure partie du terrain conquis.
Dans la matinée, un parlementaire allemand est venu, au nom des autorités allemandes, demander au commandant de l'armée qui. opère dans cette région, un armistice pour enterrer les morts et relever les blessés.
Le commandant a renvoyé ce parlementaire et a fait reprendre immédiatement l'attaque, et une nouvelle progression nous a permis d'obtenir le résultat que les Allemands recherchaient par l'armistice, et a démontré, en même temps, l'inanité des succès que s'attribuaient les Allemands.

EN HAUTE-ALSACE

Nous lisons dans le Pays de Porrentruy, du 24 octobre :
«  Les Français semblent avoir l'avantage en Haute-Alsace. Mais il n'y a pourtant pas grand changement dans la situation à proximité de notre frontière. Les combats sur la Largue continuent. Hier matin, un violent duel d'artillerie a repris. Toute la journée, le canon a tonné, souvent très loin, du côté des Vosges. Hier après-midi, on distinguait très bien, depuis le point 510, les positions françaises à l'est de Seppois et près de Largitzen. Un sphérique français se trouvait au-dessus de Réchésy; un autre aérostat était en observation au-dessus de la trouée de Belfort. Le ballon captif allemand, forme «  chenille », s'élevait très à l'est,- du côté de Ferrette.
Vers 5 heures du soir, l'artillerie allemande a ouvert le feu dans la direction des positions françaises, sur la hauteur voisine de Largitzen. L'artillerie française qui s'y trouvait a répondu, ainsi que celle placée aux environs de Pfetterhausen.
Les obus allemands ont provoqué l'incendie d'une maison isolée près de Largitzen. Cet incendie prit rapidement une très grande intensité. Du poste d'observation 510, on pouvait suivre toutes les phases du sinistre.
Vers 6 heures, les canons se turent. Tout rentra dans le calme. On s'attend à de nouveaux engagements. Les Français qui sont à la frontière se déclarent très satisfaits de la marche des opérations. Ils constatent qu'ils ont avancé du côté de Courtavon et dans la direction d'Altkirch. Pour ce qui est de la première de ces localités, ils y sont entrés jeudi matin, sans que les Allemands, surpris aient opposé beaucoup de résistance. »

PROGRÈS SENSIBLES
dans l'Argonne et la Woëvre
Nous leur démolissons des batteries et anéantissons un régiment.

Paris, 25 octobre, 15 h. 15.
Aucun changement à signaler entre la mer et la région autour d'Arras.
Dans l'Argonne, notre situation s'est maintenue dans les conditions annoncées hier.
Dans les Hauts-de-Meuse, notre artillerie de campagne a détruit trois nouvelles batteries allemandes, dont une de gros calibre.
Paris, 26 octobre, 0 h. 50.
Le communiqué officiel du 25 octobre, 23 heures, dit :
L'action s'est continuée dans les mêmes conditions que les journées précédentes.
Une bataille très violente a eu lieu entre Nieuport et la Lys. Les forces allemandes ont pu franchir la Lys entre Nieuport et Dixmude.
Entre l'Oise et l'Argonne, rien à signaler, sauf quelques légers progrès de nos troupes au nord-ouest de Soissons et dans la région de Craonne.
Combat d'artillerie sur les Hauts-de-Meuse.
Dans la Woëvre, l'artillerie lourde française tient aujourd'hui sous son feu la route de Thiaucourt-Nonsard-Buxerulles et Woinville, qui est l'une des principales lignes de communications des Allemands vers Saint-Mihiel.
On signale qu'hier, dans l'Argonne, un régiment d'infanterie allemande a été anéanti tout entier, pendant une opération qui s'est déroulée dans les bois, au nord de Chalade.

MM. Aristide BRIAND et Albert SARRAUT
en Meurthe-et-Moselle

Nancy, 25 octobre.
M. Aristide Briand, garde des sceaux, et M. Albert Sarraut, ministre de l'instruction publique, ayant été délégués par le gouvernement pour visiter les départements les plus éprouvés de la frontière de l'Est, ont consacré au département de Meurthe-et-Moselle les deux journées de jeudi et de vendredi.
Ils étaient accompagnés de M. Lucien Poincaré, directeur de l'enseignement supérieur, d'un commandant du grand état-major, de MM. Peycelon et Guesde, leurs chefs de cabinet.

A TOUL
MM. Briand et Sarraut se sont d'abord rendus à Toul, où ils ont déjeuné jeudi à la sous-préfecture et ont été salués par le préfet de Meurthe-et-Moselle ; dans le courant de l'après-midi ils ont, en compagnie de M. le général commandant l'armée, visité, en divers points, la ligne de front ; à leur retour, ils ont apporté leur témoignage de sympathie et d'admiration au chevet de M. le sénateur Reymond, officier aviateur, tombé la veille au champ d'honneur. Ils sont arrivés à Nancy à la fin de l'après-midi.
A NANCY
MM. Briand et Sarraut avaient exprimé le désir, étant donné les circonstances, qu'aucune réception officielle ne fût organisée ; cependant M. le préfet de Meurthe-et-Moselle leur a présenté dans l'intimité d'abord M. Simon, maire de Nancy, accompagné des adjoints et délégués aux divers services municipaux. M. L. Mirman a indiqué aux membres du gouvernement la belle tenue, l'activité, l'esprit d'initiative, l'union patriotique de la municipalité de Nancy. M., le maire, avec sa modestie coutumière, a déclaré que ses collègues et lui n'avaient fait que leur devoir, mais qu'ils continueraient à le faire en toute circonstance, et a remercié les membres du gouvernement de leur visite.
M. Aristide Briand a adressé aux populations lorraines, à la ville de Nancy, aux autorités municipales, les félicitations du gouvernement de la République ; il a déclaré qu'il ne venait pas leur apporter un réconfort que leur vaillance rend inutile, mais qu'il tenait à témoigner aux populations éprouvées de ce département l'ardente sympathie du gouvernement et de la nation.
M. le préfet présenta ensuite MM. Vilgrain, président, Cavallier, vice-président, Bertrand-Oser, secrétaire de la Chambre de Commerce, ajoutant que quelque court que dût être le séjour des membres du gouvernement à Nancy, il lui avait paru nécessaire qu'ils prissent contact avec les représentants d'une aussi importante compagnie. M. Aristide Briand a affirmé que le gouvernement ferait tous ses efforts pour améliorer le plus tôt possible les moyens de transports, afin de faciliter la reprise de la vie économique du pays.
M. le garde des sceaux fut salué par M. le procureur général, et M. le ministre de l'instruction publique par M. le recteur et M. l'inspecteur d'académie.
MM. Aristide Briand et Albert Sarraut dînèrent à la préfecture ; assistaient au dîner avec le personnel accompagnant les ministres, M. le général Joppé, M. le général de la Masselière, M. le maire de Nancy, ainsi que les collaborateurs et divers amis personnels de M. et de Mme Léon Mirman.
Le lendemain vendredi, à huit heures un quart, M. Albert Sarraut, accompagné de M. Lucien Poincaré et de M. le préfet, s'est rendu à l'Université de Nancy.

A NOMENY et Ste-GENEVIEVE
MM. Aristide Briand et Albert Sarraut sont ensuite, en compagnie de M. le général Joppé, de M. le général de la Masselière et de M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, allés visiter la malheureuse commune de Nomeny et la commune blessée de Sainte-Geneviève ; ils ont, dans celle-ci, félicité les habitants rentrés au lendemain de leur bombardement ; ils ont conféré avec M., le général Joppé au sujet des conditions de ravitaillement des communes situées sur la ligne de feu.
En divers points, MM. les Membres du Gouvernement on visité les avant-postes et ont admiré l'entrain de nos troupes, leur bonne humeur vaillante, leur confiance à la fois hardie et prudente, et aussi la sollicitude que leurs chefs leur témoignent.

A LUNÉVILLE
Après avoir déjeuné à la Préfecture, MM. A. Briant et A. Sarraut se sont ensuite rendus à Lunéville : sur la route, ils ont croisé un cortège de prisonniers allemands. Ils ont été reçus à la Mairie de Lunéville par la Municipalité. M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle leur a présenté M. le sous-préfet Minier et M. le maire Keller, «  qui ont été - a-t-il dit - dignes l'un de l'autre » ; il a remercié les Ministres d'avoir visité Toul, Nancy et Lunéville, et exprimé le regret douloureux de n'avoir pu les conduire et de n'avoir pu se rendre, encore lui-même dans. l'arrondissement de Briey. M. Keller a présenté ses collaborateurs de la Municipalité, et M. Aristide Briand a bien voulu déclarer que, son collègue, M. Sarraut, et lui, emporteraient de leur visite en Meurthe-et-Moselle deux impressions également profondes : l'une de douleur éprouvée au spectacle des ruines accumulées et, dans la plupart des cas, contrairement au droit des gens, l'autre de fierté nationale devant le spectacle de la fermeté d'âme des populations lorraines.

A GERBÉVILLER
MM. les Membres du Gouvernement terminèrent la visite du département par le pèlerinage de Gerbéviller ; M. le Préfet leur fit le récit des atrocités commises là par l'ennemi et dont ces ruines sont le douloureux témoin, le récit des épreuves auxquelles la population fut soumise, le récit aussi de la vaillance de la Soeur Julie et de ses compagnes, citées à l'ordre du jour de l'armée. MM. A. Briand et Sarraut tinrent à aller apporter leurs hommages personnels et ceux du Gouvernement à ces vaillantes Françaises, aux coeurs de soldats. Ils saluèrent aussi de paroles sympathiques M. Liégey, conseiller municipal faisant fonctions de maire, et les quelques habitants revenus dans la commune pour terminer la récolte.

DANS LES VOSGES
M. Linarès, préfet des Vosges, était venu au-devant des Membres du Gouvernement jusqu'à Gerbéviller, MM. A. Briand et Sarraut devant se rendre le soir même à Epinal. M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle prit congé d'eux en leur donnant l'assurance que les populations lorraines attacheraient un prix inestimable à la marque d'affectueuse sympathie que le Gouvernement venait ainsi de leur apporter et en leur affirmant que, à Nancy, à Toul, à Lunéville, comme dans toutes les autres communes du département, chacun, à son poste, ferait son devoir en soldat.

LE RAVITAILLEMENT DE LUNÉVILLE

Nancy, 25 octobre.
A la dernière réunion de la Société centrale d'agriculture,, M. Mirman, préfet, s'est engagé à faire les démarchés nécessaires pour la mise en marche des moulins de Jolivet, à Lunéville.
Nous croyons savoir que, d'ici peu, une équipe d'ouvriers électriciens va procéder à la pose d'un câble pour amener le courant de la station de Laneuveville-devant-Nancy jusqu'à Lunéville. La force motrice pourra donc être donnée aux moulins, qui reprendront leur activité. La lumière sera en même temps rendue à la ville elle-même, qui ne sera plus plongée dans une entière obscurité.
Mais avant que tout soit remis en état aux moulins, il faut pourvoir au ravitaillement en farine, ce que fit M. Minier, sous-préfet de Lunéville.
D'accord avec M. Mirman et par l'entremise bienveillante du préfet des Bouches-du-Rhône, une entente est intervenue entre les minotiers de Marseille et la municipalité pour la livraison de la farine nécessaire à Lunéville et à la région, et cela pour un temps indéterminé.
D'autre, part, on annonce d'importants arrivages de sucre, pétrole, charbons, etc., ce qui fait prévoir que les choses les plus nécessaires ne manqueront pas aux Lunévillois.

COMMENT à AUDUN-LE-ROMAN
se comportèrent
LES SOLDATS DU KRONPRINZ

Sur commission rogatoire, délivrée par le parquet de la Seine, M. Rebut, commissaire des Lilas, a recueilli la déposition d'un commerçant d'Audun-le-Roman (Meurthe-et-Moselle), qui lui a fait un récit poignant des atrocités commises par les Allemands dans cette localité, et dont il a été témoin :
- Le 4 août, a-t-il raconté, à quatre heu res du soir, deux cent cinquante dragons, de l'armée du kronprinz, pénétraient dans le village.
Après avoir enfoncé les portes de l'église ils se dirigèrent vers la mairie, où ils prirent comme otages le maire, M. Mathieu, et M. Véron, instituteur, qu'ils tinrent longtemps enfermés dans une grange.
Du 4 au 21 août, l'occupation allemande a été marquée par toutes sortes de réquisitions faites sous la menace de revolvers.

Une attaque simulée
Le 21 août, dans le courant de l'après-midi, ce fut soudain une fuite tumultueuse : les soldats se sauvaient précipitamment, en débandade, jetant leurs sacs dans les rues. En même temps crépitait une fusillade nourrie, qui semblait dirigée sur les Boches par un ennemi absolument invisible.
J'ai eu plus tard l'explication de ce fait paradoxal. Il ne s'agissait que d'une attaque simulée par les Allemands, pour motiver les terribles représailles qui allaient suivre.
Effectivement, le soir même, à six heures, un groupe de uhlans revint, et les chefs annoncèrent qu'ils allaient incendier le village parce qu'on avait tiré sur leurs troupes.
Ordre fut donné aux habitants de rester chez eux. Les barbares faisaient feu sur quiconque se montrait aux fenêtres ou passait dans la rue.
Parmi les morts, dont je ne puis préciser le nombre, je citerai tout d'abord M. Somen, rentier, âgé de cinquante ans, ancien maire de la commune. Le malheureux, atteint de quatre balles dans la poitrine, n'avait pas succombé immédiatement. Sa femme voulut s'approcher pour lui donner des soins ; elle fut impitoyablement et brutalement repoussée. Sous ses yeux, les uhlans eurent l'affreux courage de saisir M. Somen, saignant et pantelant, et de le traîner à cent mètres de là, où ils l'abandonnèrent au milieu de la chaussée.
Ce fut à onze heures du soir seulement qu'un officier, cédant enfin aux instantes supplications de Mme Somen, donna à celle-ci l'autorisation d'emporter son cher blessé. Trop tard !. Celui-ci expira dans les bras de sa compagne affolée.

Un septuagénaire fusillé sous les yeux de ses filles
Un ancien adjoint, M. Théophile Martin, âgé de 73 ans, reçut d'un officier l'ordre de sortir de chez lui avec ses deux filles. Dehors, revolvers et fusils furent braqués sur le vieillard.
A genoux, les mains jointes, le visage baigné de larmes, les jeunes filles supplièrent les brigands d'épargner leur père.
Peine perdue. Quatre coups de revolver partirent et le septuagénaire tomba pour ne plus se relever.
M. Edouard Bernard, conseiller municipal, âgé de 65 ans, qui a six fils sur le front, fut appréhendé à son tour, ainsi qu'un marchand de vins en gros, M. Emile Michel. On ne leur laissa le temps que de se vêtir à demi. Et depuis qu'ils les ont emmenés, on ne sait ce que sont devenus ces deux infortunés.

Autres actes abominables à l'actif des uhlans
Mlle Marie Roux servait à boire à deux d'entre eux, qui l'y avaient contrainte ; pendant que l'un buvait, son compagnon trouva plaisant de tirer, à bout portant un coup de revolver sur la jeune fille, qui eut une épaule traversée par la balle.
M. Charles Chérer, cultivateur, âgé de 64 ans, cousin germain de M. Lebrun, ancien ministre des colonies, avait été atteint par quatre projectiles ; ses blessures, cependant, étaient peu graves. Le lendemain, les uhlans l'achevèrent à coups de revolver.

Les incendiaires entrent en scène
Vers sept heures, cinquante maisons que la compagnie des Chemins de fer de l'Est avait construites pour ses employés étaient livrées aux flammes. Des soldats allaient, versant à flot l'essence, de préférence dans les granges et les écuries, puis allumant le feu avec des torches. Quiconque essayait d'échapper au brasier, était, poursuivi à coups de fusil ou de revolver.
C'est ainsi que fut tué M. Chary, chef cantonnier, âgé de 45 ans, et qu'une douzaine d'habitants furent blessés.
La femme d'un marchand de vin mobilisé, Mme Matte, voulut, en quittant sa maison qui flambait, emporter une somme de deux mille et quelques francs, un uhlan lui arracha le magot.
C'est ainsi que se comportèrent à Audun-le-Roman les soldats du kronprinz.

RETOUR D'EXIL
Le Maire de Val-et-Châtillon raconte sa captivité

Le lundi 29 mars 1915, les habitants des communes de Val-et-Châtillon et de Petitmont, réfugiés à la caserne Molitor, étaient réunis dans le bâtiment du gymnase, transformé en salle de conférences, pour entendre le récit de la longue captivité en Allemagne de M. Veillon, maire de Val.
M. Mirman, préfet, assistait à cette réunion, ainsi que plusieurs membres du comité des réfugiés.
Après une courte allocution de M. Schmitt, directeur de la caserne, M. Veillon a pris la parole.
M. le maire de Val s'est adressé tout d'abord à ses compatriotes pour leur recommander de toujours bien observer le règlement de la caserne, afin de montrer leur reconnaissance envers le comité, et envers tous ceux qui s'efforcent, par leurs soins, de faire oublier le long exil auquel ils se sont astreints. Il a témoigné sa reconnaissance envers M. le préfet de Meurthe-et-Moselle, dont la paternelle vigilance s'augmente d'une façon si gracieuse des soins délicats de Madame et de Mesdemoiselles Mirman ; Mme Finance, directrice de l'infirmerie ; Mme Archimbaud ; M. Schmitt, enfin envers tous ceux qui s'occupent des réfugiés.
M. Veillon a ensuite relaté comment il fut fait prisonnier par les Allemands.

L'arrivée des Boches
C'était le 12 octobre. Les ennemis venaient de s'emparer du dévoué secrétaire de la mairie, M. Louis Cayet, auquel il adresse un souvenir ému, car il est toujours prisonnier. Les Allemands avaient trouvé sur lui un carnet de notes, dans lequel se trouvait une fiche où M. Veillon indiquait l'endroit où il avait caché le récit des événements depuis la guerre, notamment celui de la bataille de Val. Les Allemands voulurent y voir là de l'espionnage. Ils s'emparèrent de M. Veillon, en disant : «  Vous êtes un officier supérieur déguisé en maire. »

Sur la route de l'exil
M. le maire et son secrétaire furent conduits en voiture à Réchicourt, où ils furent enfermés dans la maison du notaire. Ils passèrent devant le conseil de guerre, qui les acquitta.
Mais les Allemands ne rendirent pas la liberté à M. le maire, sous le prétexte qu'ayant traversé les lignes allemandes, il ne pouvait rentrer en France avant quinze jours.
Au bout de quelque temps, M. Veillon est emmené à Sarrebourg, en même temps qu'un caporal français fait prisonnier près de Blâmont.
La qualité de maire de M. Veillon lui valut, à la prison militaire, une chambre de sous-officier qu'il partageait avec M. le maire d'Arracourt. C'est dans, cette prison qu'il vit arriver les habitants de Loupmont (Meuse), porteurs de hottes sur lesquelles ils avaient chargé ce qu'ils avaient de plus précieux.
Là encore il vit un habitant du Val, M. Scheffer, qui lui apprit le bombardement de la commune.
Le 2 novembre, les prisonniers français entendent le canon. Ils ont quelque espoir, mais le jour même tous sont dirigés vers la gare et rapidement conduits à Saverne, où ils arrivent dans la soirée.

A Saverne
La petite ville alsacienne est éclairée. Les habitants sortent de leurs maisons pour voir le triste cortège, dont ils ont la plus grande pitié.
Les prisonniers sont enfermés à la prison avec les détenus de droit commun. La nourriture est des plus mauvaises. Mais la visite du procureur impérial fit améliorer le sort des prisonniers, qui eurent la permission de sortir en ville sous la garde de soldats.
Les Savernois, en voyant la grande misère dans laquelle nous nous trouvions, dit M. Veillon, nous distribuèrent des vêtements, du pain et autres aliments.
Un jour on annonçait que tous les prisonniers allaient être dirigés vers la Suisse, mais le lendemain cet espoir s'envolait, car on annonçait que le voyage était ajourné.

A Dieuze
Le 16 novembre, tous les Français étaient conduits à Dieuze, où ils étaient internés dans la caserne d'infanterie où se. trouvaient déjà d'autres prisonniers de diverses communes de Meurthe-et-Moselle.
A Dieuze, les jeunes gens seuls travaillaient, notamment sur les chemins et à l'entretien des tombes des soldats tués sur les champs de bataille. Là, les prisonniers étaient payés à raison de 3 mk pour dix jours.
Le 28 novembre, cinq jeunes gens de Thiaucourt purent s'évader, mais, repris à Avricourt. ils furent ramenés à Dieuze. L'opinion de tous les Français était qu'ils allaient être sévèrement punis. Le général les fit appeler et, après les avoir félicités de leur acte de courage, il ne leur octroya que quinze jours de cellule.
Le 6 décembre, un aéroplane français survolant Dieuze jeta deux bombes sur la caserne des chevau-légers, contiguë à celle de l'infanterie.

Dans les camps prussiens
Le 17 décembre, les prisonniers sont amenés à Rastadt. A leur arrivée, la population les accueillit par des cris de haine. Tout le monde fut interné avec les prisonniers de guerre, dont l'entrain et la bonne humeur étonnaient les soldats allemands qui les gardaient.
Enfin, le 23 décembre, les Allemands faisaient évacuer 1.500 prisonniers de Rastadt pour les conduire au camp de Holzminden. Le voyage dura deux jours, pendant lesquels on ne reçut comme nourriture qu'un morceau de pain et de saucisse.
Le camp, construit spécialement pour les prisonniers, se compose de quatre-vingt-quatre baraques en planches, recouvertes de carton-bitume. Comme literie, un simple cadre avec une paillasse remplie de laine de bois. Là se trouvaient déjà des soldats belges et des habitants de la Pologne.
La nourriture au camp était mauvaise. Le menu était invariable : soupe à midi et le soir. On obligea tous les prisonniers à déposer leur argent. Les couteaux dont ils étaient porteurs durent avoir la pointe brisée.
Les jours s'écoulèrent lentement. Pour calmer leur ennui, les Français organisaient des concerts ou bien ils pratiquaient divers jeux, ou encore, profitant des rares beaux jours, faisaient les cent pas sur la seule chaussée pavée du camp et qu'ils avaient nommée «  Avenue Joffre », nom que les Allemands lui donnaient aussi...

La délivrance
Enfin le jour de la délivrance arrivait. M Veillon était ramené à Rastadt. Après un court séjour dans ce camp, il faisait partie d'un convoi qui le conduisait à Schaffouse, puis de là en France.
M. le Maire de Val se hâtait de venir à Nancy, où il arrivait la semaine dernière. Il se mettait de suite en relations avec ses administrés, qui tous lui ont témoigné leurs sympathies, heureux de voir que son séjour en Allemagne n'avait pas altéré sa santé.
Ch. LENOBLE.

La liste des victimes de Lunéville

Lunéville, 25 octobre.
Dans la dernière séance du Conseil municipal, M. le Maire a donné connaissance au Conseil de la liste des habitants de Lunéville décédés de mort violente ou disparus, etc., pendant l'occupation allemande. Cette liste, qui n'est probablement pas encore complète, est ainsi composée :
Fusillés : MM. Colin, rue Banaudon, 25, Wingertsmann, rue Villepois-Mareuil, 66; Wingertsmann, petit fils ; Balastre père et Balastre fils, rue Jolivet, 8; Méant, menuisier, place des Carmes ; Kahn, faubourg d'Einville, 17 ; Steiner, pont de Viller ; Crombez, rue de Lorraine, 9 ; Sibille fils, aux Mossus ; Viquit, à Dehainville ; Muller, menuisier chez M. Cuinat ; Binder faubourg d'Einville. 24 ; Vernier, avenue Voltaire, 64 ; Monteils, infirmier, hôpital militaire ; Hamann fils, avenue des Vosges, 134 bis : Dujon fils, route d'Einville ; X..., X..., trouvés chemin longeant le cimetière, les mains derrière le dos.
Victimes du bombardement. - MM. Bain, place Saint-Jacques, 20 ; Siméon, rue Sonini, 10 : Mlle Gilles, rue Chanzy, 14.
Fusillés ou brûlés. - Mme Kahn, faubourg d'Einville, 17 ; M. Schweisch, faubourg d'Einville, 29 ; Mlle Schweisch, faubourg d'Einville, 29 ; Mme Steiner, pont de Viller ; M. Weill, rue Castara, 5 ; Mlle Weill, rue Castara, 5.
Tué en ramassant les morts. - M. Demangel, rue de la Brèche, 5.
M. le Maire a invité les personnes qui pourraient faire des enquêtes en vue de compléter ladite liste, de vouloir bien s'en occuper le plus tôt possible et d'informer la Mairie des résultats obtenus.
Le Conseil a confirmé au maire l'autorisation d'allouer des secours aux familles ci-dessus et à celles de militaires de Lunéville morts au champ d'honneur.

LES COMMUNES ÉPROUVÉES

M. Minier, sous-préfet de Lunéville, accompagné de M. Méquillet, député de l'arrondissement, a visité :

Merviller. - Dix-sept jours d'occupation. Pas de victimes. Dégâts matériels peu importants en dehors des actes ordinaires de pillage.

Vacqueville. - Même situation. Quelques rares maisons endommagées. Dans ces deux communes le ravitaillement s'opère dans des conditions relativement satisfaisantes.

Pexonne. - L'ennemi a occupé la commune pendant trois semaines et le bombardement du 23 août a causé la mort de deux habitants ; trois autres sont assez sérieusement blessés. Un certain nombre de maisons ont été endommagées par les obus. La vie normale est à peu près reprise à Pexonne, dont le ravitaillement se fait sans trop de difficultés. La poste a réinstallé ses services, et la rentrée des classes s'est faite.

Fenneviller. - Cette petite commune a été occupée pendant un mois ; le maire est resté courageusement à son poste. Sept maisons sont détruites, quelques autres assez sérieusement endommagées, mais on n'y compte, fort heureusement, aucune victime. Le ravitaillement en pain se fait régulièrement. La rentrée des classes a eu lieu lundi.
Neufmaisons. - A subi l'occupation allemande pendant vingt jours. Pas de victimes. Quelques, maisons endommagées.
La commune arrive à se ravitailler sans trop de difficultés. La rentrée des classes est faite.

Veney. - La petite commune de Veney, occupée pendant trois semaines, a eu trois maisons détruites et quelques immeubles endommagés par les obus. Le maire est bravement resté à son poste. Là, comme ailleurs, tout a été pillé. La rentrée des classes n'a pu encore se faire.

Bertrichamps. - Cette commune, occupée pendant dix-huit jours, n'a pas subi de graves dommages en dehors des ordinaires pillages, mais on y déplore la perte d'une vie humaine : un vieillard de 70 ans a été tué par la balle d'un soldat allemand en état d'ivresse. La rentrée des classes a eu lieu.

Une courte halte à Badonviller, déjà visité, a permis de constater que dans cette commune, trois fois occupée par l'ennemi et hier encore sous la menace d'une nouvelle occupation, le personnel enseignant avait bravement rejoint son poste et assuré depuis huit jours la rentrée des élèves.
A Badonviller, chacun sait faire son devoir ; l'exemple pourrait servir à bien des communes, où l'on s'étonne de voir que la vie scolaire tarde à reprendre.

MARCHÉ DE NANCY

Samedi, 24 octobre, les maraîchers avaient encore approvisionné en abondance le marché en légumes. Les carottes se vendaient 0 fr. 15 les deux bottes ; les salades 0 fr. 10 la pièce ; les choux étaient également bon marché.
Par suite d'un arrivage important de pommes de terre, les prix étaient inférieurs à ceux de la semaine dernière. Par contre légère augmentation sur les oeufs et le beurre fin.
Voici les prix fixés par la mercuriale :
Boeuf, 1 fr. 80 à 2 fr. 90 le kilo ; veau, 2 fr, 60 à 4 fr, le kilo ; mouton, 2 fr. 20 à 3 fr. le kilo ; lard frais, 2 fr. à 2 fr. 40 le kilo ; lard sec, 2 fr. 40 à 2 fr. 60 le kilo ; grillade, 2 fr. 80 à 3 fr. le kilo ; beurre, 2 fr. 60 à 4 fr. le kilo ; oeufs, 1 fr. 30 à 2 fr. 20 la douzaine ; pommes de terre, 9 fr. à 28 fr. les 100 kilos.

MM. BRIAND & SARRAUT
en Haute-Alsace

Paris, 25 octobre, 14 h. 16.
BELFORT. - M. Briand, ministre de la justice ; M. Sarraut, ministre de l'instruction publique, et M. Lucien Poincaré sont arrivés, hier soir.
Ils sont allés, dans la matinée, visiter les régions que nous occupons en Haute-Alsace.


DÉTAILS RÉTROSPECTIFS
sur la visite dans l'Est

Paris, 26 octobre, 1 h, 30.
BORDEAUX. - MM. Briand et Sarraut, en quittant, mercredi soir, Nancy, se sont comme on l'a dit, rendus à Lunéville, puis ont visité Gerbéviller, incendié systématiquement par les Allemands, et complètement détruite.
De Rambervillers, partiellement détruite, les ministres sont arrivés à Epinal, d'où ils sont repartis, samedi matin, pour Laneveuville-les-Raon et Raon-l'Etape. Une partie considérable de cette dernière localité a été, comme on sait, détruite par les incendiaires allemands.
De Saint-Dié. les ministres sont arrivés dans la soirée à Belfort. Le lendemain matin, les ministres ont visité les travaux de défense de la place, puis sont repartis pour Paris, à midi.

DE LA SOMME A LA MER
L'ELAN DE L'ASSAILLANT
partout brisé

Bordeaux, 26 octobre, 16 h. 30.
Dans la journée d'hier, notre front a été maintenu sur la ligne générale Nieuport-Dixmude (les forces allemandes qui avaient franchi l'Yser entre ces deux villes n'ont pas pu progresser) ; la région entre Ypres et Roulers, entre Armentières et Lille, ouest de La Bassée et de Lens, est d'Arras.
Cette ligne se prolonge, au sud, par celle qui a déjà été indiquée dans les communiqués précédents.
L'ennemi paraît avoir fait des pertes considérables dans les batailles de ces derniers jours.
Paris, 27 octobre, 1 h. 06.
Le communiqué officiel du 26 octobre, 23 heures, dit :
«  En Belgique, Nieuport fut violemment bombardé et les efforts allemands continuèrent sur le front Nieuport-Dixmude, sans que, aux dernières nouvelles, ils paraissent avoir abouti à un résultat quelconque.
Tout le front compris entre La Bassée et la Somme a été également l'objet de violentes attaques de nuit.
Toutes ont été repoussées.
Rien à signaler sur le reste du front. »

SOCIÉTÉ CENTRALE D'AGRICULTURE
Appel du Président de la Société Centrale d'Agriculture de Meurthe-et-Moselle, en faveur des cultivateurs sinistrés suite de la guerre dans notre département.

Tomblaine, 26 octobre.
J'ai pu visiter la semaine dernière quelques communes des cantons de Nancy-Est et Saint-Nicolas, sur le territoire desquelles se sont engagées les batailles depuis le commencement des hostilités.
Mes yeux sont encore pleins de l'horrible spectacle de dévastation, et mon coeur s'est profondément ému en voyant partout dans la plaine des monticules surmontés d'une croix et des villages détruits par le bombardement et l'incendie.
Je me suis dit que dans ces champs où nos soldats avaient versé leur sang, on ne devait pas laisser pousser la mauvaise herbe et qu'il fallait faire un effort pour les couvrir de riches moissons dont les épis, s'inclinant vers le sol, salueraient ceux qui dorment par ci par là à l'endroit où la mort les a glorieusement frappés.
Mais dans ces pays dévastés, si nombreux dans notre département, il n'y a plus de semence de blé, et c'est pourquoi je fais appel à votre générosité et à votre esprit de solidarité.
Glissez dans une enveloppe un billet de banque, il y en a depuis cinq francs, et adressez-le au président de la Société centrale d'agriculture, 24, rue de Strasbourg, à Nancy.
Nous recevrons aussi avec la plus grande reconnaissance l'offrande de ceux qui, n'étant pas cultivateurs, s'intéressent à leur sort, car c'est pour l'alimentation de tous les Français que nous travaillons.
Avec les sommes recueillies nous achèterons des semences que nous distribuerons aux sinistrés de ces malheureux villages. Ces dons les encourageront à cultiver et à ensemencer avec les quelques chevaux qui leur restent, un petit coin de leur territoire abîmé.
Nous aurons ainsi contribué à relever dans une certaine mesure le courage de ces affligés, en faisant entrer dans leur coeur l'espoir que la France ne les abandonnera pas.
Louis MICHEL.

LEURS TAUBEN
L'un est abattu l'autre envoie quatre bombes inutiles sur Verdun.

Paris, 26 octobre, 2 h. 5.
Un avion français a abattu hier un Taube dans la région d'Amiens.
Un autre avion allemand a jeté, hier matin, quatre bombes sur Verdun, dont deux sont tombées dans la Meuse. Il n'y a eu aucun dégât.

ENCORE UNE BONNE JOURNÉE
Nouveaux progrès en Belgique. - Ils perdent des batteries dans le Soissonnais. - Chez nous, entre Bezange et Parroy, nous les rejetons hors de la Lorraine.

Bordeaux, 27 octobre, 16 h. 45.
Dans le Nord, la lutte est toujours particulièrement vive entre l'embouchure de l'Yser et la région de Lens.
Dans cette partie du front, les forces alliées n'ont reculé nulle part et ont continué à progresser dans la région entre Ypres et Roulers.
Dans la région de Soissons et dans celle de Berry-au-Bac, une lutte d'artillerie a tourné à notre avantage et a abouti à la destruction de plusieurs batteries ennemies.
Dans la région est de Nancy, entre la forêt de Bezange et celle de Parroy, nous avons pris l'offensive et rejeté l'ennemi au delà de la frontière.
Paris, 28 octobre, 0 h. 35.
Le communiqué officiel du 27 octobre, 23 heures, dit qu'il n'y a rien à signaler, sinon quelques progrès de notre part dans la région sud de Dixmude.

LA VISITE MINISTÉRIELLE DANS L'EST
NOS RUINES FOURNIRONT MATIÈRE
à un formidable réquisitoire

Paris, 27 octobre, 19 h. 27.
MM. Briand, garde des sceaux, et Sarraut, ministre de l'instruction publique, ont quitté Paris cet après-midi pour Bordeaux, où ils feront part au conseil des ministres des constatations qu'ils ont faites au cours de leur voyage dans l'Est.
Ils diront les charges accablantes qu'ils ont relevées pour ajouter au réquisitoire qui sera dressé un jour contre l'Allemagne, alors qu'il devra rendre compte des cruautés, des dévastations, des pillages systématiques de ses armées.
Les ministres opposeront la tristesse que leur a laissée la vision des ruines des villages français à l'image réconfortante de nos troupes admirables, et à celles de nos populations qui, aussitôt l'envahisseur repoussé, reviennent travailler leurs terres et reconstituer leur foyer.
Ils diront aussi la fin héroïque du sénateur-aviateur Reymond dont M. Briand a pu recueillir les dernières paroles.
Ils exprimeront leur émotion, quand les représentants du gouvernement saluèrent les terres françaises de la Haute-Alsace, de nouveau rattachées à la mère-patrie.
Ainsi que leurs collègues qui, après avoir passé par Paris ont regagné Bordeaux, MM. Briand et Sarraut peuvent avoir prochainement l'occasion de revenir à Paris.

PONT-A-MOUSSON
de nouveau bombardé

Pont-à-Mousson, 27 octobre.
«  - Vous bientôt Allemands comme nous », disaient les soldats bavarois aux habitants de Pont-à-Mousson, en traversant leur ville, il y a quelques semaines. Est-ce parce qu'ils les considéraient déjà comme de futurs sujets du kaiser ? Toujours est-il qu'ils se montrèrent, vis-à-vis d'eux, relativement corrects.
Mais, depuis, les Allemands ont abandonné cette attitude courtoise, et Pont-à-Mousson connaît de nouveau les épreuves du bombardement.
Postés sur les hauteurs, ils lancent, quand la fantaisie leur prend, quelques obus quotidiens qui s'abattent un peu partout. Il y a eu des dégâts matériels dans les immeubles qui abritent notamment l'Union des jeunes gens et les petites soeurs des pauvres. L'église Saint-Laurent n'a pas été épargnée, un vitrail a été détruit. Un obus a traversé la toiture. Aussi, dimanche, les offices habituels n'ont pas eu lieu.
A plusieurs reprises, la semaine dernière, l'artillerie allemande s'est efforcée d'atteindre les personnes qui suivaient un convoi funèbre, au moment où elles franchissaient le pont de la Moselle. Mais les obus ne firent à cet endroit aucune victime. De nombreux monuments funéraires ont été détruits au cimetière. Par suite des excavations produites par l'explosion des projectiles ennemis, plusieurs cercueils ont été découverts. Si les Allemands réussissent ainsi à troubler le repos des morts, ils ne sont pas encore parvenus à jeter la panique dans la population mussipontaine. Des immeubles ont souffert, mais il y a eu peu de blessés. Encore le sont-ils légèrement. Il est vrai qu'un habitant de la rue des Murs a été tué samedi.
Voyant un obus exploser devant chez lui, il voulut sortir pour ramasser des éclats. Cette imprudence lui fut fatale, car un second obus tombant presque au même endroit, l'atteignit mortellement.
L'artillerie française ne reste pas inactive. Pendant que les Allemands bombardent une ville ouverte et gaspillent leurs projectiles contre une population paisible, nos 75 font une besogne plus utile et ripostent, sur les tranchées allemandes.

LA SANTE
DE
M. ALFRED MÉZIÈRES

Du «  Temps » :
«  Notre illustre collaborateur, M. Alfred Mézières, a tenu à rester, comme on sait, dans sa propriété de Rehon, près de Longwy, sur le territoire actuellement occupé par l'ennemi. Les relations directes avec le vénérable académicien se sont trouvé par suite, complètement interrompues. Son gendre, toutefois, M. Duplaquet, administrateur du domaine de Chantilly, a pu recevoir de ses nouvelles, grâce à l'intervention amicale du consulat d'Espagne à Berne. Ces nouvelles sont bonnes ; nos lecteurs seront certainement heureux de l'apprendre comme nous-mêmes. »

LE RETOUR AU PAYS

Nous lisons dans le «  Petit Haut-Marnais », aux observations duquel nous ne pouvons que nous associer :
«  Il y a urgence à préparer dans les régions dévastées par l'ennemi la reprise de la vie économique, sans attendre la fin de la guerre, ni même l'évacuation du territoire.
«  De cette réorganisation dépend l'existence de milliers d'êtres humains. Nous disons l'existence et non pas le bien-être que les pauvres gens dont les foyers sont brisés ne retrouveront pas, hélas ! avant de longues années.
«  Avant-hier, une famille émigrée de Badonviller prenait le chemin du retour. La mère emmenait avec elle ses neuf enfants ! Que va faire là-bas cette famille ? Elle l'ignorait, ne sachant en quel état elle retrouverait sa demeure. Peut-être a-t-elle couru, imprudemment au devant de la plus noire misère.
«  Quand on réfléchit à la situation de ceux que la guerre a chassés de leur village on comprend leur désir du retour. Cependant notre devoir est d'empêcher ce retour avant d'être certain qu'ils trouveront là-bas de quoi s'abriter, travailler, vivre.
«  Des sociétés se sont fondées qui donnent aux réfugiés les renseignements qui les intéressent sur leur département. Il y a des réfugiés partout, nous en avons en Haute-Marne ; il serait à souhaiter que de si utiles organisations aient des ramifications au moins dans tous les centres. Ainsi les émigrés, sachant où s'adresser pour connaître ce qu'ils ont besoin de savoir, ne quitteraient pas nos hospitalières communes sans être assurés du lendemain.
«  Que de cruelles déceptions et de misères nous leur éviterons ! »

NOS HÉROS

Nancy, 27 octobre.
Il nous faut ajouter à la liste des morts glorieuses, celle du commandant Félix Ayrault, du 129e régiment d'infanterie, en garnison au Havre. C'est le 28 août que le commandant Ayrault est tombé à la bataille de Guise, atteint de deux graves blessures à une cuisse et à l'abdomen. Transporté à l'hôpital Villemin (hôpital Saint-Martin), à Paris, il y est mort dans la matinée du 1er septembre après une intervention pratiquée par une sommité de la chirurgie.
La veille, il avait reçu à l'hôpital la visite du président de la République qui l'avait félicité de sa glorieuse conduite au feu et, détachant la rosette qu'il portait à la boutonnière, l'avait posée lui-même sur sa poitrine en le nommant officier de la Légion d'honneur.
Cet honneur suprême avait dû être très doux à l'officier qui avait écrit ces mots sur le premier feuillet de son carnet de campagne :
«  Il n'y a pas de plus belle fin pour un soldat que de tomber sur le champ de bataille en défendant sa patrie. »
Né à Paris, le 5 mars 1862, le commandant Avrault avait fait ses études militaires à l'école spéciale de Saint-Cyr, d'où il était sorti le 1er octobre 1885, Issu, par sa mère, d'une vieille famille vosgienne. il avait compté au 26e régiment d'infanterie pendant plus de vingt années, après s'être marié avec Mlle Courtois, à Nancy, où il était très connu et très aimé.

Nous apprenons que le frère du commandant Ayrault, M. le capitaine Emmanuel Ayrault. est tombé glorieusement, à son tour, le 22 septembre, à Lérouville, tué par un éclat d'obus. Admis à une retraite anticipée en 1910, il avait, dès la déclaration de guerre, repris du service au régiment d'infanterie et, comme il avait été désigné pour le dépôt de ce régiment, à Melun, avait revendiqué et obtenu l'honneur d'aller au feu. Le capitaine Emmanuel Ayrault était chevalier de la Légion d'honneur.

NOS BRAVES

Nancy, 27 octobre.
Un de nos concitoyens, le capitaine d'artillerie J. Gougelin, vient d'être promu chef d'escadron, après avoir été cité à l'ordre «  du jour pour sa belle conduite au feu, dans les termes suivants :
«  A montré, depuis le début de la campagne, d'abord comme commandant de batterie, les plus belles qualités de ténacité et de sang-froid et a, par son exemple, inspiré à son personnel la même bravoure et le même calme. »

LES DEUX FRÈRES

Nancy, 27 octobre
Nous recevons d'un de nos compatriotes une lettre fort curieuse nous contant comment deux frères se rencontrent. La voici dans son émouvante simplicité :
Etant privé de votre journal, veuillez me permettre de vous dire de loin comment deux frères se retrouvent sur le champ de bataille.
Je suis Charles, garçon de café de L.... Au départ pour la campagne, j'étais cycliste. J'avais un frère dans un régiment de Toul. Depuis le début de la guerre, je le cherchais toujours sans succès. A la ferme de Salival, je vis une compagnie de son régiment, mais la sienne était aux avant-postes. Pas de chance.
Et voici mon histoire :
Revenant de Morhange, j'étais assis sur un banc à Morville-les-Vic. De braves gens m'avaient offert une bonne tartine de beurre qui trouvait bien sa place. Arrive une voiture de blessés, une quinzaine environ. La voiture s'arrête devant moi. Un des blessés me tendant son bidon me dit :
«  Dis donc, le cycliste, veux-tu me donner un peu d'eau ? »
- Volontiers, mon vieux.
Je tends le bras pour prendre le bidon.
Une voix me dit :
«  C'est toi, Charles ?
- Oui.
- C'est moi, ton frère, Louis.
Voyez et jugez. Mon pauvre frangin avait un pansement qui lui cachait toute la tête. J'étais heureux, quoiqu'il fût blessé, de le voir là. Il avait faim. J'avais dans ma musette une bonne saucisse dont de bonnes gens de Château-Vouhé m'avaient fait cadeau. Pour mon frère, rien n'était de trop. J'avais quelque argent. Nous avons partagé.
En deux mots, il m'a dit son accident :
«  Nous étions cinq ensemble dans un champ d'avoine, au-dessus de A... Tout à coup arrive un percutant, un 105, je crois. J'ai reçu tous les gaz en pleine figure. Mon fusil dans mes mains s'est cassé en trois. Nous avons tous roulé. Et voilà. »
Et la voiture s'est remis en marche. Je lui ai dit : Bon courage ! Bonne convalescence ! Et depuis je n'ai pas de ses nouvelles.

La Lutte formidable
DES FLANDRES
De nuit et de jour ils attaquent mais toujours sans succès

Bordeaux, 28 octobre, 15 h. 45.
Au cours de la journée d'hier, les attaques allemandes, dans toute la région entre Nieuport et Arras, ont été beaucoup moins violentes.
Nos positions ont été partout maintenues et nous avons continué à progresser, au nord et à l'est d'Ypres.
Nous avons également réalisé quelques progrès entre Cambrin (sud-ouest de La Bassée) et Arras.
Il se confirme de plus en plus que les pertes allemandes, en tués, blessés et prisonniers, ont été considérables.
DANS L'AISNE
Dans la région du Nord, sur la rive droite de l'Aisne, les Allemands ont tenté, de nuit, une offensive très violente dans la région de Craonne, sur les hauteurs du Chemin-des-Dames. Ils ont été repoussés.
EN WOËVRE
Nos troupes ont continué leur avance dans les bois entre Apremont et SaintMihiel, et dans le bois Le Prêtre.

Louis LAFFlTTE
MORT
au Champ d'Honneur

Nancy, 28 octobre.
Voilà déjà bien des jours que je connaissais la mort de mon ami, de notre collaborateur Louis Laffitte. Et je ne pouvais rien écrire sur lui, car malgré les assurances formelles et les preuves matérielles qu'on m'avait données, je conservais toujours l'espoir qu'on se trompait, et que Laffitte était bien vivant, et toujours face à l'ennemi.
Aujourd'hui c'est fini. L'espoir n'est plus permis. Laffitte dort sur la terre autrefois française et qui redeviendra française bientôt.
Il repose là-bas, dans ce pays qu'il aimait par-dessus tout, où il avait de son ardeur enthousiaste réchauffé les amitiés attiédies; renoué solidement les liens que quarante ans d'oppression eussent pu relâcher. Il repose dans cette Lorraine dont les Allemands n'ont pas annexé le coeur, et qui est toujours à nous, et qui va être délivrée par nous.
Laffitte, côte à côte avec bien des compagnons d'armes, dormira du moins son dernier sommeil en Lorraine, en France, chez lui.
Le charmant compagnon qu'était Laffitte ! Quelle souplesse d'esprit il avait et quelle acuité ! Ses yeux avaient l'air d'éclairer les problèmes les plus ardus, et sa parole ardente scandait harmonieusement le rythme de sa pensée.
Je n'ai pas besoin de dire aux lecteurs de l'Est quel précieux collaborateur nous perdons, et de quelle haute intelligence nous sommes aujourd'hui privés.
Je perds plus et mieux que cela encore puisque je perds un ami, un ami exquis et loyal, dont la poignée de main n'était point banale et caractérisait l'énergie.
Avant de partir pour la guerre d'où il ne devait pas revenir, il m'avait embrassé.
- Je me souviendrai toujours... avait-il commencé.
Il n'avait pas pu finir dans l'émotion de tous les souvenirs qui montaient en lui à cette heure tragique.
Et c'est moi qui me souviendrai toujours, toujours, de cette amitié délicate qui avait de mystérieuses profondeurs.
Un deuil de plus chez nous. Ce n'est pas le seul, c'est peut-être le plus cruel.
Mais il ne faut point que la douleur rende égoïste.
La Chambre de commerce est aussi durement éprouvée. Elle l'avait choisi entre tous pour sa valeur et pour son goût du travail.
Laffitte avait fait des études littéraires très fortes. Licencié ès lettres, diplômé d'histoire et de géographie, il avait été attaché au comité d'études de la Loire navigable, et chargé par le ministère des travaux publics, en 1898, d'une mission en Allemagne où, pendant neuf mois, il recueillit des documents sur la mise en état de navigabilité des cours d'eau allemands. A son retour il publiait un rapport qui fut très remarqué.
Nommé professeur d'histoire et de géographie à l'Ecole de commerce de Nantes, il fut chargé de divers travaux par la Chambre de commerce de cette ville.
En 1907, la Chambre de commerce de Nancy se l'attacha comme secrétaire général.. On connaît tous les services qu'il a rendus à cette compagnie, dont depuis lors il fut l'âme.
Nancy aussi perd en Laffitte un de ses collaborateurs les plus dévoués, et qui lui donna un renouveau de gloire et de prospérité. En 1908 la municipalité lui confiait dans des circonstances particulièrement difficiles la préparation de l'Exposition. Il en fit une manifestation grandiose de l'Industrie lorraine. Le magnifique rapport qu'il écrivit perpétue le souvenir de cette Exposition. Notre cité lui doit des heures merveilleuses et un rayonnement splendide.
Louis Laffitte, né à Pau en 1873, était nommé chevalier de la Légion d'honneur en 1912.
Il ne pouvait désirer pour terminer cette noble carrière une fin plus noble : mourir en soldat, pour la France et pour la Lorraine.
Je ne me sens pas le coeur d'offrir à sa veuve et à ses enfants des consolations. Je sais quel courage Laffitte avait élevé dans l'âme des siens. Ils continueront dignement la tradition à laquelle notre ami avait donné sa vie. Ils ont autour d'eux des affections d'autant plus dévouées qu'ils les méritent par la grandeur de leur deuil et par le souvenir de celui qui les a quittés.
Mais c'est trop donner à là douleur. La France, bénissant ceux qui tombent, continue le combat sans trêve.
- Allons, enfants, debout ! Par delà les tombeaux, en avant !
RENÉ MERCIER.

LE RETOUR DE TROIS OTAGES LORRAINS
Aux camps d'Ulm et de Mutzingen
NOS OTAGES & NOS PRISONNIERS

Nancy, 28 octobre.
Nous avons eu la bonne fortune de recevoir la visite de M. Paul Dieudonné, le sympathique vétérinaire et maire d'Einville, qui rentrait d'Allemagne, où il avait été emmené comme otage, le 12 septembre dernier, avec deux de ses Honorables concitoyens, M. Charrier, son adjoint, directeur des Salines de Saint-Laurent, et M. Rodhain, cultivateur.
M. Dieudonné n'a pas rapporté une impression trop mauvaise des procédés allemands à son égard, mais il attribue à juste titre cette bienveillance à une sorte de talisman que le hasard mit en sa possession.

Le Départ
- Le 12 septembre, nous dit-il, alors que les notables d'Einville étaient enfermés dans une salle d'auberge sous la garde d'impitoyables baïonnettes, les Allemands évacuèrent précipitamment la commune.
Nous ne comprenions rien à ce mouvement et nous nous demandions s'il fallait croire à tant de bonheur, lorsqu'arriva un officier qui m'informa que j'étais emmené comme otage, ainsi que M. Charrier, faisant fonctions d'adjoint, et M. Rodhain, propriétaire. Tous nos autres compagnons, parmi lesquels se trouvait M. le curé, étaient libres.
- On vous laissa au moins le temps de faire vos adieux à votre famille ?
- Nos adieux !. Les Allemands avaient bien d'autres soucis ! J'eus, pour ma part, juste le temps de me faire apporter de solides souliers de chasse, une pèlerine, quelques mouchoirs et des chaussettes. Mes compagnons ne furent pas plus favorisés. On nous permit cependant de recevoir un peu d'argent. Et en route !
Oh ! cette route,, sous l'oeil moqueur des soldats et leurs insultes, dans l'épouvante des ruines, à travers nos pauvres villages lorrains et le tohu-bohu de la retraite.
Die temps en temps, de nouveaux otages venaient grossir nos rangs. Il y avait, parmi notre troupeau d'exil, de malheureux vieillards presque impotents, des femmes, des jeunes filles, des jeunes garçons et même de tout petits enfants.
- Si l'on s'étonnait de la présence parmi nous des vieillards, des femmes et des tout petits, les officiers allemands nous répondaient :
- Vos Français nous ont donné l'exemple lorsqu'ils sont venus à Vic et à Morhange !
Cette explication nous étonnait sans doute, mais il fallait bien l'accepter sans murmurer.

A Château-Salins
La Lettre-Talisman
Notre première étape fut Château-Salins, où nous sommes restés une douzaine de jours.
Là, nous étions rien moins que bien traités et notre sort menaçait de devenir tout à fait intolérable, lorsque je rencontrai Mme Mulot, dont le mari est vétérinaire comme moi, et qui me fut d'un secours vraiment providentiel.
Elle intéressa à notre infortune un lieutenant-colonel prussien, M. Passavant, dont, comme le nom l'indique, la famille est d'origine française. C'est un descendant d'une de ces nombreuses familles de France que l'édit de Nantes fit émigrer en Allemagne.
Or, il se trouva que le colonel Passavant me reconnut. Il s'était battu près d'Einville et m'avait aperçu dans les ambulances où étaient soignés nos blessés et les leurs.
Il voulut bien convenir que les blessés allemands avaient reçu de nous tous les soins que nécessitait leur état, et il me remit une lettre où il me félicitait chaudement de ces services, et me recommandait à la bienveillance des autorités.
- Et cette lettre produisit son effet ?
- Son effet, Monsieur, dépassa mes espérances, non seulement à mon égard mais a l'égard de ceux qui m'accompagnaient.

A Ulm
On nous interna à Ulm-sur-Danube, pays de montagne, où le vent souffle en ce moment très froid. Mais au lieu de nous mettre dans le camp avec les autres otages ou les prisonniers de guerre, on nous logea à la prison militaire, où il y a chauffage central, électricité, lavabos, etc., en un mot où l'on a à sa disposition tout le confort moderne.
Le menu était sans doute un peu simple, mais nous pouvions, avec notre argent, nous procurer des vivres au dehors.
Malheureusement la plupart d'entre nous n'avaient pas beaucoup d'argent au départ, et quand nous arrivâmes à Ulm, pour plus d'un les doublures de la bourse se touchaient.
- Les riches payaient pour les pauvres?
- Evidemment. Mais comme il y avait très peu de riches et énormément de pauvres, au bout de quelques jours, nous étions aussi pauvres les uns que les autres.
La nouvelle de ma libération est arrivée à point. J'allais me trouver complètement à sec, car nous avions dépensé le millier de francs que j'avais pu emporter, avec MM. Charrier et Rodhain.
C'est encore une fois à la bienheureuse recommandation que je dois ce privilège, ainsi que mes deux compagnons d'Einville, car nous sommes les trois premiers otages libérés d'Ulm, et pour ce motif : «  Ont bien soigné les blessés allemands. »

Libres, mais il faut 5,000 fr.
Vous pensez quelle fut notre joie lorsqu'on nous apporta cette nouvelle, joie immédiatement tempérée d'ailleurs :
- On va vous conduire à la frontière suisse, nous dit-on. Avez-vous 5.000 francs?
- 5.000 francs !.
- Oui ; c'est approximativement la caution que l'on exige à la frontière pour trois prisonniers.
Et nous voilà tous les trois bien perplexes, bien chagrins.
Soudain une idée me vint à l'esprit. Ce fut l'idée libératrice.
A Strasbourg, j'ai un ami personnel, M. Zundel, vétérinaire supérieur, à qui je demandai 5.000 francs par télégramme. Et, par dépêche, M. Zundel me fit parvenir les 5.000 francs !
- Naturellement, il vous fallut verser cette somme à la frontière ?

Nos bons amis les Suisses
- Pensez-vous ! Les 5.000 francs sont encore là, dans ma poche. Les Suisses, non seulement ne voulurent pas de caution, mais ils nous offrirent de l'argent ! Ah !
quels braves gens, ces Suisses. En voilà qui ne portent pas l'Allemagne, dans leur coeur !
- On les attend de pied ferme, les Allemands, nous disaient-ils ; qu'ils osent seulement faire ici comme ils ont fait en Belgique. Ils trouveront à. qui parler. Il y a des fusils et des canons qui ne demandent qu'à partir, derrière nos retranchements.

Les Lorrains à Ulm
Avez-vous connu beaucoup de Lorrains à Ulm ?
- La plus grande partie des otages
d'Ulm sont de Meurthe-et-Moselle et des Vosges. Il y a notamment deux femmes d'Arracourt, dont une est Mme Picard, mariée depuis seulement six mois à un cultivateur aujourd'hui mobilisé.
Je me rappelle surtout son nom parce qu'elle était enceinte et que, le long de la route, nous devions souvent la soutenir à. cause de ses fréquents malaises.
J'ai rencontré aussi deux jeunes filles de Moncel, ainsi qu'une dame Colson, et une de ses voisines qui, elle, a laissé à la maison un enfant au berceau, tandis que deux autres - de 7 et de 9 ans environ - l'ont accompagnée ; un troisième gamin de Moncel,. dont j'ignore le nom, a été raflé avec les autres. - Il y avait aussi un jeune homme d'Einville, nommé Schwartz, que les Allemands avaient chargé de conduire un convoi de blessés, et qu'ils ont gardé parce qu'il a 18 ans et que, ont-ils dit, il aurait pu faire un soldat chez nous. Je ne sais pas ce qu'il est devenu.

Ce qu'on devrait faire et ce qui manque le plus
- Pensez-vous qu'on va garder encore longtemps les autres otages en captivité ?
- Je ne sais, mais je crois avoir deviné qu'on les échangerait volontiers contre des prisonniers allemands.
- En attendant, ces braves gens, qui n'ont pas votre talisman, ne seront sans doute pas toujours bien traités ?
- Je ne crois pas à de mauvais traitements, mais la nourriture est sans doute insuffisante pour de jeunes appétits. Et puis, ce sont surtout les vêtements de rechange qui manquent. Beaucoup de paysans, sont partis en sabots, en tenue de travail. Or, je vous l'ai dit, il y fait froid, bien froid.
-- On ne peut rien faire pour eux ?
- Au départ, nous leur avons partagé l'argent qui nous restait, mais il n'y a pas eu grand'chose pour chacun. Il est vrai qu'on peut leur envoyer des colis et même des mandats. Tout leur sera distribué.
Et M. le Maire ajoute, avec un gros soupir :
- Hélas ! ce qui serait préférable, plus pratique, plus rapide, ce serait d'échanger nos prisonniers. Je viens d'en parler au préfet, car, je vous le répète, les Allemands seraient enchantés d'être débarrassés sans frais de leurs otages. Que voulez-vous, qu'ils fassent de vieillards, de femmes et de marmots ?

Les camps de prisonniers
- Vous avez pu voir les camps de prisonniers militaires ?
- J'ai pu en voir deux : le camp d'Ulm et celui de Mutzingen.
- Les prisonniers ont-ils au moins le nécessaire ? Ne sont-ils pas l'objet d'injures et même de mauvais traitements de la part des gradés allemands ?
- Nos prisonniers ne m'ont pas semblé mal traités. Ils travaillent, depuis quelque temps, 6 heures par jour, à des réparations de routes et de voies ferrées. Leurs propres gradés les commandent, Bien entendu, des sous-officiers allemands rôdent aux abords des chantiers, mais ils m'ont paru plutôt, avoir de la sympathie pour les nôtres.
Le menu ne varie pas beaucoup : café le matin, soupe à midi et soupe le soir, avec de la viande trois fois par semaine.
Le logement m'a. semblé sain, grâce à un plancher posé ces jours derniers à quelques centimètres au-dessus du sol. J'ai aussi aperçu quelques poêles.
- Croyez-vous qu'on puisse leur adresser de l'argent ?
- Je le crois. Mandats et paquets leur parviendront, pourvu que l'adresse soit bien mise et que le colis ne dépasse pas cinq kilos.
- Hum !. Ce tableau est bien beau, et le camp d'Ulm, comme celui de Mutzingen, me semblent bien loin de celui où se lamente le spirituel Aveyronnais «  Crèbedefan » ?
Est-ce que par hasard, votre lettre du colonel Passavant ?....
- En ce qui me concerne, ainsi que mes deux compagnons d'Einville, la fameuse lettre nous a valu d'inattendues faveurs. Pour les autres, je raconte ce que j'ai vu.
Et puis, vous savez, le Wurtemberg n'est pas la Prusse. A ce propos, voici - ce sera pour finir - un savoureux détail :

Le Drapeau prussien descendu par le Wurtembergeois
Le camp des prisonniers français de Mutzingen fut d'abord commandé par un vieux général prussien. Naturellement, ce fut le drapeau prussien que l'on donna ordre d'arborer à l'entrée principale.
Peu après, le général prussien céda la place à un général wurtembergeois.
- Qu'est-oe que c'est que ce drapeau-là? demanda ce dernier en son langage. Qu'on m'enlève ça. Je ne connais, moi, que le drapeau du Wurtemberg.
Et l'on arbora alors les couleurs wurtembergeoises.
Mais l'incident fit quelque bruit. Les Prussiens crièrent à la trahison. Les Wurtembergeois se gendarmèrent. Pour éviter tout conflit, on coupa la poire en deux. Il n'y a plus à présent de drapeau sur le camp de Mutzingen !
*
Tels sont, aussi fidèlement rapportés que possible, les détails que nous a fournis, hier, l'honorable maire d'Einville, sur ce qu'il lui a été donné de voir et d'apprendre au cours de sa trop longue captivité.
Ces détails sont intéressants à bien des points, pour tant de familles lorraines, dont les pères, les mères, les enfants ou les soeurs ont été emmenés là-bas comme otages.
Ils sont aussi d'un grand intérêt pour ceux qui peuvent y avoir un être cher parmi les prisonniers.
J. MORY.

LES HORREURS DE NOMENY
AUTOUR
DE LA
COMMISSION D'ENQUÊTE

Nancy, 28 octobre.
Avant d'entreprendre, commune par commune, village par village, son douloureux pèlerinage à travers la partie de notre Lorraine dévastée, mise à feu et à sang par les hordes teutonnes, et de collectionner, grâce à la photographie, des preuves pour ainsi dire vivantes de ces atrocités, la commission officielle d'enquête a entendu hier, à la préfecture de Nancy, une centaine de rescapés de la pauvre bourgade de Nomeny, recueillis, quelques-uns chez des parents ou des amis qu'ils ont dans notre ville, la plupart à la colonie scolaire de Gentilly.
Et la commission a pu frémir d'horreur à chaque récit, à chacune de ces dépositions, faites sous serment, et paraphée ensuite, après lecture, du nom du déposant.
Les uns après les autres, ils ont défilé, tous ces malheureux, toutes ces infortunées, devant la commission. Il y avait là surtout des vieillards et des grand'mères cassés maintenant plus encore par l'infortune que par l'âge ; des jeunes filles les yeux toujours pleins d'épouvante, et même des enfants, chez qui les, visions infernales, ne s'effaceront jamais.
On peut dire que tous ces récits ne font qu'un, tant ils se ressemblent. Que le témoin ait assisté à l'incendie et au massacre, au centre de Nomeny ou dans ses faubourgs, c'est partout et toujours l'incendie et le massacre volontaires. Parfois aussi, hélas ! ce fut pire, après une abominable beuverie. Les Bavarois de 1914 - car c'étaient des Bavarois - ont dépassé là tout ce qu'ont pu commettre leurs aînés de 70.

LES COMMUNES ÉPROUVÉES

Nancy, 28 octobre.
M. Minier, sous-préfet de Lunéville, accompagné de M. Méquillet, député de l'arrondissement, a visité :

Bénaménil. - La commune de Bénaménil, occupée par l'ennemi pendant vingt-quatre jours, n'a pas eu trop à souffrir.
On n'y compte aucune victime et en dehors de la scierie Bernard, incendiée par les Allemands, on n'y relève nul dégât matériel. M. Carrer, conseiller municipal, faisant fonctions de maire en l'absence de M. le docteur Blusson, mobilisé, a été emmené comme otage et n'est pas encore rendu à ses administrés ; quatre habitants de la commune, réquisitionnés comme convoyeurs, ne sont pas encore rentrés dans leurs foyers. Le ravitaillement est relativement assuré. La rentrée des classes s'est faite lundi dernier.

Thiébauménil. - La commune a été occupée par les Allemands pendant trois semaines. Pas de victimes. Pas de dégâts matériels autres que les actes habituels de pillage. Le frère de l'adjoint, emmené par les Allemands comme convoyeur, n'a pas encore reparu. Le maire de Thiébauménil mobilisé, est remplacé par M. Roy, adjoint, qui est bravement demeuré à son poste, ainsi que l'instituteur, M. Demetz.
Le ravitaillement de la commune est assuré de façon relativement satisfaisante par la municipalité, aidée dans cette lourde tche par M. Rouillon, conseiller municipal.
La rentrée des classes a eu lieu le 5 octobre.

Ogéviller. - La commune a été occupée pendant dix-huit jours. Pas de victimes.
Les dégâts matériels, en dehors des actes de pillage, se réduisent à deux maisons endommagées par les obus. Le ravitaillement de la commune se fait avec quelques difficultés. La rentrée des classes n'a pas encore eu lieu.

JUSQU'AU BOUT !...

C'est, dans une ère douce où rayonne la Paix,
La Révélation d'un affreux état d'âme !
C'est la guerre voulue par des gens kultivés
Que l'ancestral instinct affranchit de tout blâme !

C'est le sol profané d'un Pays confiant
Que l'Outrage secoue sous les pieds du barbare !
C'est le Droit de vivre étranglé en souriant,
Dans un pas de parade, au bruit de la fanfare !

Ce sont Ypres, Louvain, Reims. le joli manoir
Qui flambent, éclairant la frémissante nue ;
Les lueurs d'incendie montant dans le ciel noir
Tandis qu'éclate au loin l'obus monstre qui tue !

C'est le cadavre froid du vieillard massacré,
L'inerte corps meurtri de la femme abusée.
L'épave épouvantée du pâle enfant, sacré
Par la Candeur, pauvre fleur maintenant brisée !

C'est la traîtrise affreuse en honneur dans leurs rangs :
Le drapeau blanc flottant, le noir fusil la crosse
En l'air. et nos soldats, croyant, leurs gestes, francs,
Ne tirant plus, se faisant tuer, mort atroce !

C'est l'odieux rempart des otages civils
Poussés devant leur horde, à l'assaut de nos lignes !
C'est le blessé râlant qu'achèvent leurs fusils,
Le captif tué net pour des raisons bénignes !

C'est le jet prohibé du pétrole enflammé.
De l'infernal obus aux vapeurs délétères ;
Le Lusitania, dans l'Océan, coulé :
Tous, crimes éhontés, odieux, volontaires !

Et le Germain se signe en implorant Wotan !.
C'est par humanité, dit-il, qu'il assassine !
C'est pour la Paix bénie qu'un monde las attend !.
Du Vainqueur inflexible il lui faut bien la mine !

- Tu crois que tu combats encore le Gaulois ?...
De l'Effort prolongé. nous avons l'âme pleine !
«  Jusqu'au bout !...» C'est le cri que prononcent nos voix !
Et nous y aidera notre croissante Haine !.
L..., le 13 mai 1915. Louis ROYER.

DANS LE NORD
leur rage est maîtrisée
AILLEURS
nos progrès continuent

Bordeaux, 29 octobre, 15 h. 15.
Dans la journée d'hier, nous avons fait des progrès sur plusieurs points de la ligne de bataille, en particulier autour d'Ypres et au sud d'Arras.
Rien de nouveau sur le front Nieuport-Dixmude.
Entre l'Aisne et l'Argonne, nous nous sommes emparés de quelques tranchées ennemies et aucune des attaques partielles tentées par les Allemands n'a réussi.
Nous avons également avancé dans la forêt d'Apremont.
Paris, 30 octobre, 0 h. 45:
Le communiqué officiel du 29 octobre, 23 heures, dit que d'après les derniers renseignements, il n'y a aucune nouvelle importante à signaler.

Impressions de M. Briand dans l'Est

Un collaborateur du «  Temps » a pu voir, M. Briand au ministère de la Justice et le vice-président du Conseil lui a résumé en ces termes les impressions de ce voyage émouvant :
«  Le spectacle que nous avons eu sous les yeux, dans les localités particulièrement éprouvées que nous venons de visiter, était à la fois terrible et réconfortant. Dans les villes martyres, Nomeny, Revigny, Beauzée; Gerbéviller, Clermont-en-Argonne, Lérouville, Vaubécourt, Lunéville, les ravages causés par la barbarie allemande sont véritablement épouvantables. Il n'y a plus une maison debout, dans ces localités naguère si prospères, et les détails de cruauté sauvage, de stupide vandalisme sont tellement nombreux qu'il faut renoncer à les énumérer. Incendies volontaires et inutiles, habitants poussés dans les flammes, vengeance sadique exercée sur des innocents, sur tous les êtres faibles, rien n'a manqué à l'oeuvre de féroce dévastation accomplie par des ennemis indignes.
«  Mais le réconfort jaillit de ces ruines fumantes : les populations si durement atteintes ont gardé une invincible espérance dans l'avenir ; leur moral n'est nullement atteint ; l'oeuvre de destruction n'a point ébranlé leur courage. Nous avons vu, Sarraut et moi, cette chose sublime : les femmes, les enfants, les vieillards revenant au foyer détruit, pour reprendre le travail habituel et sacré, et sauver des récoltes tout ce qui a pu échapper à la rage teutonne. Nous n'avons pas entendu formuler une seule plainte, et je vous assure que cela. était particulièrement émouvant. Les paysans nous disaient : «  Cela devait arriver !. Mais nous aurons le dessus, n'est-ce pas ? » Avoir le dessus ! Tous ces gens ruinés par la guerre n'ont pas d'autre préoccupation, en face des décombres amoncelés ! »

L'APPROVISIONNEMENT DE NANCY
Sucre, Farine, Vin, Pommes de terre
NOUS AVONS DE TOUT

Nancy, 30 octobre.
Dans la journée de mercredi, deux importants convois de wagons chargés de sucre sont arrivés à Nancy. Ils ont été dirigés vers la gare Saint-Georges, où ils ont été directement entreposés aux Magasins Généraux et Docks réunis.
Ce sucre provient des Raffineries de Marseille. Ce sont les têtes des pains. Elles sont placées dans des sacs du poids d'environ 100 kilos chacun.
Dès mercredi après-midi, la répartition du sucre a commencé par les soins du bureau du Syndicat des épiciers en détail. Beaucoup de petits commerçants étaient venus eux-mêmes avec des charrettes, camions, véhicules de tous genres qui sont amenés près des wagons stationnant sur les voies de garage.
Pendant ce temps, des wagons sont conduits près des quais des docks où ils sont rapidement entreposés, car il est facile de comprendre que les compagnies de chemin de fer ont hâte de rentrer en possession de leurs wagons pour faire d'autres expéditions.
Disons aussi qu'un train de farine est arrivé également aux docks, ce qui permet d'affirmer maintenant que Nancy ne peut manquer de pain, pas plus que de sucre.
D'un autre côté, les wagons-réservoirs amènent de grandes quantités de vin dans notre ville.
Enfin, à la gare Saint-Jean, plusieurs wagons de pommes de terre étaient en plein déchargement pour le marché de jeudi et vendredi.
Comme on le voit, Nancy est maintenant approvisionné, puis comme de nouvelles facilités ont été données pour l'expédition des marchandises, il est à présumer qu'à l'avenir aucune denrée ne fera défaut dans notre ville.

Un arrêté municipal dit :
«  Article premier. - L'administration municipale met à la disposition du Syndicat des épiciers une quantité de sucre destinée à être répartie entre tous les épiciers en détail, syndiqués ou non, vendant du sucre avant la guerre.
«  Article 2. - Ce sucre sera vendu au prix maximum de 0 fr. 95 le kilogramme.
«  Article 3. - Le consommateur ne pourra exiger de l'épicier une fourniture de plus d'un kilogramme de sucre, mais, sous aucun prétexte, il ne pourra être tenu, en se procurant ainsi du sucre, d'acheter d'autres articles pour un prix quelconque.
«  Article 4. - Les sorties de denrées alimentaires (blé, farines, pain, sucre), de pétrole, essences pour moteurs, charbons, bois de chauffage, ne pourront s'effectuer sans une autorisation expresse et par écrit de l'autorité municipale, qui devra être présentée aux bureaux de l'octroi. »

A VERDUN ET A TOUL

Un correspondant spécial du «  Times », qui a parcouru la région de Verdun et de Toul, écrit qu'à la date du 15 octobre nos deux places fortes de l'Est n'avaient même pas été attaquées. Il décrit ainsi les opérations qui avaient pour but de menacer Toul et Verdun et qui ont échoué :
«  L'armée allemande de Metz marchait dans un double but : s'emparer de Verdun et de Toul et tendre la main à l'armée du kronprinz dans l'Argonne, armée qui se trouvait assez mal en point L'armée de Metz a complètement échoué. Elle n'a pas pu s'approcher suffisamment des deux places fortes pour essayer même de bombarder leurs forts directs. »

AVIS MUNICIPAUX

Lunéville, 30 octobre.
La ville de Lunéville va pouvoir, grâce à d'obligeants prêteurs, rembourser une petite partie des sommes qui lui ont été remises peur la contribution de guerre de 650.000 francs. Avant d'y procéder, elle rappelle:
1° Que 5 % d'intérêts (à partir du 15 septembre jusqu'au remboursement définitif) seront alloués à toutes les sommes qui seront laissées dans ses caisses jusqu'à remboursement par l'Etat ou par un nouvel emprunt municipal ;
2° Que ceux qui désirent un remboursement immédiat total ou partiel doivent en faire la demande avant le 31 octobre, aux bureaux de la Société Nancéienne, rue Carnot ;
3° Que d'après le total de ces demandes, les représentants de la ville arrêteront, dans les trois jours, l'état des sommes que la situation financière municipale, d'une part, et les besoins particuliers ou commerciaux des demandeurs, d'autre part, permettent de rembourser.

Les femmes de soldats mobilisés dont les maris sont morts sur le champ de bataille par suite de blessures de guerre ou toute autre cause, peuvent dès maintenant faire leurs demandes pour l'allocation au décès, prévue par la loi des retraites ouvrières, à la mairie, bureau de l'état civil.

Le maire de la ville de Lunéville a l'honneur d'informer ceux de ses concitoyens qui sont créanciers du 18e chasseurs à cheval, de vouloir bien adresser leurs factures au major président du conseil d'administration de ce régiment à Saint-Maixent (Deux-Sèvres).

Il a été trouvé sur des prisonniers allemands les objets suivants qui, paraît-il, les auraient ramassés près de la gare de Lunéville :
Une croix de chevalier de la Légion d'honneur ; une croix miniature de la Légion d'honneur ; une alliance marquée M.-H. P.-H. 1910 ; une alliance marquée Francisque Mathel Louise Durand Fornas, 27 octobre 1913 ; une alliance marquée P.-H. J.-G., 21 octobre 1912 ; une médaille à l'effigie de Pie IX ; cinq pièces de monnaie ancienne.
Prière aux possesseurs de ces objets de vouloir bien les réclamer à la mairie, bureau de l'état civil, où ils sont déposés.

Le maire de la ville de Lunéville a l'honneur d'appeler l'attention de ses concitoyens sur le danger que présentent encore certaines parties d'obus explosés.
Il arrive, en effet, très souvent que, malgré les précautions prises pour leur destruction, les fusées d'obus conservent intacte la charge de fulminate. Il suffit de cette charge, dont la puissance est encore suffisante pour tuer plusieurs personnes.
Il est donc interdit de ramasser autre chose que les douilles en cuivre né renfermant plus de fonte.
Le maire, KELLER.

AUX HABITANTS
DES
COMMUNES ÉPROUVÉES

Chaque fois que j'ai pu visiter une commune éprouvée par la guerre, j'ai dit aux habitants : «  Relevez la tête et ayez confiance. Une nation victorieuse répare les ruines matérielles dont ses enfants ont souffert. La France a la certitude de vaincre. Elle vaincra, et dans sa victoire elle n'oubliera point les communes victimes d'incendies volontaires ou d'accidents de guerre. Au nom de la Nation, je prends devant vous l'engagement solennel que, sur ces ruines, elle restaurera vos modestes maisons, elle vous rendra les foyers où vous avez si longtemps travaillé, aimé et souffert. »
Je suis heureux de porter aujourd'hui à la connaissance des populations de Meurthe-et-Moselle le télégramme que je viens de recevoir de M. le Président du Conseil. Elles y verront la preuve que l'oeuvre de reconstruction des foyers lorrains s'élabore, et que le Gouvernement se préoccupe d'organiser ce magnifique et nécessaire effort de solidarité nationale.
Hélas ! cette oeuvre est immense et ne pourra s'accomplir en un jour. Il s'agit pour le moment d'offrir au Gouvernement, dans les régions évacuées et toutes réserves faites naturellement en ce qui concerne celles soumises encore à l'occupation de l'ennemi, une base d'appréciation lui permettant de mesurer approximativement la dépense globale. Après m'être entouré des avis des hommes compétents, j'adresserai, dans un bref délai, à MM. les maires des instructions précises qui les guideront, et je mettrai à leur disposition, là où ce sera nécessaire, les concours autorisés sans lesquels ils ne pourraient s'acquitter de leur mission.
En donnant dès aujourd'hui à ce télégramme officiel de M. le Président du Conseil la publicité de la presse, j'ai tenu à fortifier, au coeur de tous, la confiance dans les destinées de la Patrie, et dans l'esprit de solidarité qui anime et unit la nation tout entière.
Mais je veux aussi mettre en garde les habitants qui ont subi des désastres matériels contre une fausse manoeuvre : nombreux sont ceux dont les maisons ne sont que partiellement endommagées ; en faisant exécuter immédiatement à ces immeubles des réparations relativement peu importantes, ils les rendraient habitables et les sauveraient d'une ruine complète ; ils héritent cependant à faire procéder à ces réparations ; ils craignent de se priver de tout droit à une indemnité ultérieure. Il n'est pas de plus dangereux calcul. Il est hors de doute, en effet, que, s'agissant d'une telle maison, dont un obus par exemple a crevé le toit, et qui s'est écroulée non à la suite de cet accident lui-même mais à cause des pluies et des intempéries qui par la brèche ouverte ont aggravé la blessure, le droit à l'indemnité se mesurera sur l'effet direct de l'obus et non pas sur les aggravations résultant de l'indifférence ou du calcul du propriétaire. Celui qui aurait pu faire procéder dès maintenant à ces réparations d'urgence qui eussent sauvé les oeuvres vives de l'immeuble, et qui ne pourrait pas justifier son inaction par quelque raison de force majeure, sera moins bien traité, quand l'heure sera venue du paiement des indemnités, que le propriétaire qui aura fait tous ses efforts pour prévenir cette aggravation. Ce dernier produira, le moment venu, la facture des travaux de réparations qui auront été sans délai exécutés, et cette facture - pourvu que le contrôle auquel elle sera soumise établisse qu'elle a été dressée de bonne foi - constituera la base d'évaluation la plus précise sur laquelle l'indemnité sera mesurée. Il ne serait point juste que les choses pussent se passer et elles ne se passeront pas autrement.
Partout donc où le travail, je ne dis pas de reconstruction, mais de réparation est possible, à l'oeuvre avant l'hiver !
L. MIRMAN, Préfet de Meurthe-et-Moselle.

TÉLÉGRAMME

Président Conseil à Préfets France, Circulaire
Le Gouvernement se préoccupe à l'heure actuelle de venir en aide par tous les moyens dont il dispose aux populations qui sont victimes de la guerre. Dans ce but, certain d'avance qu'il répondra aux voeux du pays tout entier. Il se propose de faire appel aux régions que leur situation préserve des atteintes de l'ennemi pour leur demander d'apporter aux départements envahis lès secours de leurs propres ressources. Il demandera aux Chambres le vote des crédits par lesquels la Nation contribuera aux dépenses nécessaires. Afin de posséder une base d'appréciation qui lui permette de mesurer la dépense du Gouvernement vous recommande de faire dans les conditions que je précise les constats nécessaires. Il appartient aux municipalités de faire dresser les constats de destructions qui ont atteint aussi bien les immeubles que les terres, les instruments aratoires, le cheptel. Je compte sur vous pour les en avertir. Quand ces municipalités vous auront adressé ces constats, vous voudrez bien les faire examiner. Toutes les fois que les municipalités ne vous auront pas saisi des constats opérés par leurs soins, vous voudrez bien en prendre l'initiative. Les résultats de cette enquête devront être ensuite et dans le délai le plus bref, adressés par vous au ministère de l'Intérieur. Les ministres compétents donnent d'ailleurs des instructions à leurs agents, ingénieurs des ponts-et-chaussées, inspecteurs départementaux et professeurs d'agriculture, qui sont chargés de se mettre à votre disposition. J'ai pensé qu'il convenait de donner dès aujourd'hui à la population éprouvée de votre département, l'assurance qu'elle n'est pas abandonnée dans sa détresse. Vous voudrez bien porter à, sa connaissance les dispositions du Gouvernement qui espère ainsi à la fois rendre plus étroits les liens de solidarité nationale et affermir le courage de ceux qui sont frappés.

A GUILLAUME II

Vivent la poudre sèche et l'épée aiguisée !
Wilhelm, c'est ce que dans la chaleur des banquets
Tu prononças jadis, entre deux lourds hoquets.
Or tes soudards ne savent pas tenir l'épée.
Oui, vos étudiants, entre deux bocks de bière
S'escriment quelquefois, le corps matelassé,
Et sont fiers d'en sortir le museau balafré ;
C'est leur seule façon de tenir la rapière.
L'arme des d'Artagnan, du petit Lagardère,
Des Cyrano, enfin de tous les coeurs vaillants,
Laisse-la aux Français, mais pour tes Allemands
Qui se cachent ainsi que des rats sous la terre..,.
A eux le lancement des bombes d'incendie,
Les trous dans lesquels ils se sont blottis, tremblants,
Pour envoyer sur nous leurs gaz asphyxiants !
Comme épée, donne-leur plutôt le sabre à scie.
C'est l'arme qui convient à ces brutes, ces lâches,
Qui vont semant partout le pillage et le viol,
Lançant sur des soldats des jets de vitriol :
En un mot qui ne font la guerre qu'en apaches.
Mais notre escrime à nous exige la souplesse
Du Corps, et votre Pas de l'Oie n'en donne pas ;
Puis un esprit subtil ; votre kultur, hélas !
Ne vous donnera pas de sitôt la finesse.
Remets donc au fourreau cette arme si Française,
L'Epée ! Pour la tenir ton bras est trop petit.
Tu finiras tes jours sans doute au pilori,
Quand nous irons chez vous chanter la Marseillaise.
Mai 1915. Albertad L'ANGEVIN.

LES COMMUNES ÉPROUVÉES

M. Minier, sous-préfet de Lunéville, accompagné de M. Méquillet, député de l'arrondissement, a visité :

Bénaménil. - La commune de Bénaménil, occupée par l'ennemi pendant vingt-quatre jours, n'a pas eu trop à souffrir.
On n'y compte aucune victime et en dehors de la scierie Bernard, incendiée par les Allemands, on n'y relève nul dégât matériel. M. Carrer, conseiller municipal, faisant fonctions de maire en l'absence de M. le docteur Blusson, mobilisé, a été emmené comme otage et n'est pas encore rendu à ses administrés ; quatre habitants.
de la commune, réquisitionnés comme convoyeurs, ne sont pas encore rentrés dans leurs foyers. Le ravitaillement est relativement assuré. La rentrée des classes s'est faite lundi dernier.

Thiébauménil. - La commune a été occupée par les Allemands pendant trois semaines. Pas de victimes. Pas de dégâts matériels autres que les actes habituels de pillage. Le frère de l'adjoint, emmené par les Allemands comme convoyeur, n'a pas encore reparu. Le maire de Thiébauménil, mobilisé, est remplacé par M. Roy, adjoint, qui est bravement demeuré à son poste, ainsi que l'instituteur, M. Demetz.
Le ravitaillement de la commune est assuré de façon relativement satisfaisante par la municipalité, aidée dans cette lourde tâche par M. Rouillon, conseiller municipal. La rentrée des classes a eu lieu le 5 octobre.

Ogéviller. - La commune a été occupée pendant dix-huit jours. Pas de victimes.
Les dégâts matériels, en dehors des actes de pillage, se réduisent à deux maisons endommagées par les obus. Le ravitaillement de la commune se fait avec quelques difficultés. La rentrée des classes n'a pas encore eu lieu.

RÉSUMÉ DES ÉVÈNEMENTS D'OCTOBRE 1914

1er et 2 octobre. - Bombardement de Saint-Dié.
2 octobre. - Vers Saint-Mihiel, la rive gauche de la Meuse est débarrassée des Allemands.
5 octobre. - Les troupes russes pénètrent en Prusse orientale.
8 octobre. - Les Allemands bombardent la propriété de M. R. Poincaré, à Sampigny.
9 octobre. - Le 20e corps est cité à l'ordre de l'armée. - Anvers tombe.
10 octobre. - Obsèques de M. Albert de Mun. - Le roi Carol, de Roumanie, est mort.
- Violentes attaques allemandes dans la région d'Apremont.
13 octobre. - Un Taube jette trois bombes sur Nancy, blesse trois employés de la gare et est démoli. - Le Gouvernement belge se retire au Havre et le roi Albert reste avec son armée.
14 octobre. - L'offensive allemande au nord de Saint-Dié est enrayée.
16 octobre. - Attaques infructueuses des Allemands dans la direction de Malancourt, au nord-ouest de Verdun.
18 octobre. - Deux violentes attaques au nord et à l'est de Saint-Dié sont repoussées. - M. Colin, adjoint au maire de Saint-Dié, est cité à l'Officiel pour sa belle conduite.
22 octobre. - M. Raymond, sénateur, officier aviateur, est mortellement blessé et décède à Toul. - Un Taube essayant de pénétrer à Nancy est chassé. - MM. A. Briand et A. Sarraut visitent les communes lorraines éprouvées et les champs de bataille.
31 octobre. - Pendant tout le mois, bombardement presque quotidien de Pont-à-Mousson
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