MOGEVILLE
dans la Meuse
A ÉTÉ DÉTRUIT
M.
Fabry, instituteur à Mogeville, écrit au « Bulletin
meusien » :
« Le 13 octobre dernier, vers 11 heures du matin,
quelques cyclistes allemands arrosèrent les maisons
de matières inflammables, y mirent le feu et en un
rien de temps tout y fut consumé. Ils restèrent là
jusqu'à 4 heures du soir et de temps en temps
jetaient des grenades sur certaines habitations pour
en activer les flammes. La mairie, l'école, le
clocher de l'église, rien ne fut épargné. (Il y a
quelques jours j'ai pu constater de visu tous ces
dégâts.) Une douzaine de personnes du village qui
étaient encore là à 11 heures, se sauvèrent
éperdues, M. Trisson et sa femme, seuls, restèrent
au pays et dans l'après-midi furent enlevés par les
vandales et dirigés d'abord sur la ferme de l'Epine.
Depuis on ne sait ce qu'est devenu M. Trisson. Quant
à sa femme, elle est venue nous rejoindre à
Vaux-devant-Damloup, car elle a été mise en liberté
après avoir fait quelques centaines de mètres, nos
ennemis tiouvant qu'elle ne marchait pas assez vite.
Le même jour, la majeure partie du village de
Maucourt subit le même sort que Mogeville. Tout est
brûlé aussi à l'exception d'une dizaine de maisons.
Une huitaine avant, entre 10 et 11 heures du soir,
les Allemands avaient enlevé toutes les personnes
qui y restaient et les ont emmenées en Saxe. Voici
les noms : Mme et Mlle Willemain, Mme Couquaux
Emile, Mme Marchal et ses trois enfants, Mme
Bertrand,.âgée de plus de 80 ans, Mlles Marie et
Mathilde Bertrand, M. et Mme Delavaux, Mme Prot et
ses enfants, Mme Trouslard, MM. Lelorrain, Chenet,
Colin, Févrot (ces deux derniers vieillards de plus
de 75 ans).
Quelques jours après, ils ont aussi enlevé, la nuit,
83 personnes d'Ornes.
Ils ont fait de même à Foameix. Mlle Gambette,
institutrice à Verdun et qui se trouvait chez ses
parents à Foameix, a été prise par les Allemands.
Elle nous écrivait dernièrement de Saxe que les
jours s'écoulaient lentement et bien tristement pour
les prisonniers comme elle.
Voici quelques renseignements sur des militaires de
Mogeville :
1° Paul Adam, capitaine d'artillerie, a été tué en
septembre ;
2° Henri Simon, sergent d'infanterie, a été blessé
mortellement devant Maucourt, le 11 octobre et il
est mort à Verdun le 1 octobre ;
3° Gallois René, adjudant, a eu l'épaule fracassée
et se trouve actuellement à l'hôpital de Périgueux.
4° Huvet Georges, ingénieur chimiste, a été blessé
le 29 septembre au camp des Romains. Il est
actuellement prisonnier à Ulm. Son frère Pol est
toujours sur la ligne de feu.
FABRY,
Employé auxiliaire aux bureaux de l'état civil de
Verdun. »
RÉGLEMENTATION
DE LA CIRCULATION
Nancy,
20 décembre.
Communiqué de la Préfecture :
Le territoire est divisé, en ce qui concerne la
circulation, en plusieurs zones.
Les lignes de démarcation de ces zones diffèrent
selon qu'il s'agit de circuler par chemin de fer ou
de circuler en voiture ou à pied. La zone interdite
en chemin de fer sans laissez-passer spécial
s'appelle la zone Z. La zone interdite en voiture ou
à pied sans laissez-passer spécial s'appelle la zone
A. Ces zones sont délimitées comme il est indiqué
ci-après :
Circulation en chemin de fer
Tout voyageur doit être muni, quelle que soit la
longueur du trajet qu'il a à effectuer, d'un
laissez-passer délivré par lie maire ou le
commissaire de police. En principe, ce
laissez-passer n'est jamais délivré par l'autorité
militaire, qui n'appose que son visa pour
autorisation.
La zone de l'intérieur est séparée de la zone Z par
une ligne allant de Delle à Calais, en passant par
Montbéliard, Lure, Faymont, Plombières, Bains,
Lorrain, Dcmpaire, Charmes, Nancy, Pont-SaintVincent,
Bariisey, Vaucouleurs, Gondrecourt, Bar-le-Duc,
Vitry-le-François, Châlüns, Epernay,
Château-Thierry, Crépy-enValois, Senlis, Creil,
Saint-Just-en-Chaussée, Amiens, Abbeville et
Boulogne.
A) La zone qui se trouve au Sud et à l'Ouest de
cette ligne est libre, c'est-à-dire que l'on peut y
circuler avec le seul sauf-conduit délivré par le
maire ou le commissaire de police. Les gares
sus-indiquées font partie de cette zone. On peut
donc venir sans laissez-passer spécial de
l'intérieur du pays à Nancy ou vice-versa.
Toutefois, pour utiliser la ligne de Paris par Pagny-sur-Meuse,
Gondrecourt et Bar-le-Duc, il faut le visa pour
autorisation de l'autorité militaire (du général
commandant d'armes de Nancy pour les personnes
habitant Nancy ou s'y trouvant de passage) apposé
sur le laissez-passer délivré par le maire ou le
commissaire central.
Le poste de Nancy laisse passer avec le seul
sauf-conduit délivré par le maire ou le commissaire
de police tous les voyageurs porteurs de billets
directs pour Barisey et au delà. Il laisse passer
avec le même saufconduit tous les voyageurs
circulant entre Nancy et Blainville ou entre Nancy
et Pont-Saint-Vincent.
Le poste de Bains laisse passer avec ce même
sauf-conduit les voyageurs porteurs de billets
directs pour Remiremont
B) La zone qui se trouve au Nord ou à l'Est de cette
ligne (ou zone Z) n'est accessible que dans quelques
cas bien détermines :
1° Si l'on réside dans la zone Z. - Dans ce cas, le
commissaire spécial de la préfecture, dont le bureau
est installé à la gare de Nancy, peut donner
l'autorisation d'entrer dans cette zone.
2° Si l'on va y voir un blessé ou un malade - Le
laissez-passer est, dans ce cas, délivré par le
maire ou le commissaire central pour celle des gares
sus-indiquées où l'on devra franchir la ligne de
démarcation. (Exemplels : Blainville pour aller à
Lunéville ; Charmes pour Rambervillers ; Nancy pour
Frouard ; Vaucouleurs pour Pagny-sur-Meuse, etc.).
Sur présentation de pièces établissant que l'on va
voir un blessé ou un malade, le gendarme de service
à cette gare pourra délivrer l'autorisation d'entrer
dans la zone Z, sauf cependant dans les places de
Toul, Epinal et Belfort, qui ne restent accessibles
qu'aux personnes munies d'autorisations délivrées
par les gouverneurs de ces places.
Le gendarme de service peut également autoriser à
entrer dans la zone Z ou à en sortir les personnes
munies de pièces établissant leur identité et
fournissant la preuve qu'elles habitent dans cette
zone.
Toutefois, le fait d'être domicilié, dans la zone Z
n'est pas considéré comme un motif suffisant pour
être autorisé à en sortir.
Dans tous les autres cas, et tout à fait
exceptionnellement, l'autorisation d'entrer dans la
zone Z ne peut être accordée que par les généraux de
la lre armée. (Toute personne qui s'adressera au
général commandant d'armes à Nancy devra, au
préalable, se munir d'un laissez-passer délivré par
le maire ou le commissaire de police. Ce
laissez-passer ne sera valable qu'après visa pour
autorisation de l'autorité militaire.)
Circulation en voiture ou à pied
Les règles pour la circulation en voiture ou à pied
restent les mêmes.
La zone interdite, ou zone A, est séparée des zones
autorisées (zones B et C) par une ligne allant du
Thillot à Dagonville, en passant par Cornimont,
Gérardmer, Fraize, Saulcy, Saint-Benoît, Deneuvre,
Vathiménil, Lunéville, Haraucourt, Saulxures,
Agincourt, Faulx, Custines, Dieulouard,
Villers-en-Have, Avrainville, Andilly,
Ménil-la-Tour, Boucq, Corniéville, Vignot, Commercy,
Lérouville, Cousanges-aux-Bois.
Il est défendu d'entrer dans la zone A sans être
porteur d'un permis délivré soit par les généraux de
la lre armée, soit par le commandant d'armes de la
localité la plus voisine de l'endroit où l'on veut
aller.
(Toute personne qui s'adressera au général
commandant d'armes de Nancy, devra, au préalable, se
munir d'un laissez-passer délivré par le maire ou le
commissaire de police. Ce laissez-passer ne sera
vadable qu'après visa pour autorisation de
l'autorité militaire.)
Pour circuler en arrière de la ligne susindiquée
(zone B et zone C) les permis sont délivrés par les
maires, par les commissaires de police ou par les
commandants locaux de gendarmerie, sans être soumis
au visa de l'autorité militaire.
La zone C est séparée de la zone B par une ligne
longeant la Moselle, du Thillot à Toul, puis la
route de Toul à Ligny-enBarrois par Void.
Pour passer de la zone C dans la zone B en voiture
ou à pied. les permis délivrés par les maires ou les
commissaires de police doivent être soumis au visa
de l'autorité militaire.
De cette réglementation, il résulte que des
localités comme Champigneulles, Frouard, Liverdun,
etc., d'un accès facile aux personnes circulant à
pied ou en voiture (puisque ces localités
appartiennent à la zone B) ne sont accessibles par
chemin de fer que dans les conditions indiquées au §
b (1° ou 2°) de la « Circulation en chemin de fer ».
Les personnes habitant dans ces localités et venant
travailler à Nancy, pourront obtenir des
laissez-passer spéciaux : temporaires, délivrés par
le commissaire spécial de la préfecture, ou
permanents, délivrés par le cabinet de M. le préfet
(sans visa de l'autorité militaire).
La durée de validité des laissez-passer pour la
circulation en chemin de fer, à pied ou en voiture,
est en principe limitée à trois jours.
Exceptionnellement, des permis de quinze jours, non
soumis au visa de l'autorité militaire, pourront
être accordés par les maires ou le commissaire
central aux employés ou ouvriers de l'agglomération
nancéienne.
L'agglomération nancéienne comprend :
Nancy, Jarville. Tomblaine, Essey, SaintMax,
Malzéville, Maxéville, Champigneulles, Villers et
Laxou.
Notre offensive
réussit
Leurs attaques échouent
Bordeaux, 20 décembre, 16 heures.
De la mer à la Lys, nous avons gagné un peu de
terrain en avant de Nieuport et de Saint-Georges.
A l'est et au sud d'Ypres, oÙ l'ennemi renforce ses
organisations défensives, combats d'artillerie et
progression légère de notre part.
De la Lys à l'Oise, les forces alliées se sont
emparées d'une partie des tranchées de première
ligne allemandes, sur le front
Richebourg-l'Avoué-Givonchy -les-la- Basslée.
Au sud-est d'Albert, la tranchée enlevée par nous le
17, près de Maricourt, et perdue le 18, a été
reprise hier.
Dans la région de Lihons, les Allemands ont attaqué
deux fois, et très violemment, pour nous reprendre
les tranchées conquises par nous le 18. Ils ont été
repoussés.
De l'Oise à l'Argonne, supériorité de notre
artillerie se manifestant par l'interruption du tir
de l'adversaire, la destruction d'abris de
mitrailleuses et d'observatoires et la dispersion
d'un rassemblement.
En Argonne, dans le bois de la Grurie, nous avons
repoussé trois attaques : deux sur Fontaine-Madame,
une à Saint-Hubert.
Entre Argonne et Vosges, aucun incident saillant.
Paris, 21 décembre, 0 h. 19.
Communiqué officiel du 20 décembre, 23 heures :
Sur l'ensemble du front, aucune modification n'est
signalée.
PRISONNIERS
CIVILS DE LA MEUSE
Nous
extrayons du « Bulletin Meusien » les renseignements
que voici sur les prisonniers civils de la Meuse :
Prisonniers de Combres à Ulm (Wurtemberg),
Gauserviese, Bar. 4 : MM. Georges Rouyer ; Henri
Colvard ; Léonce Rouyer ; Louis Lacaille ; René
Mettavant ; Georges Dessoy ; Marcel Dessoy, Onésime
Wariot ; Louis Sirantoine ; Adrien Warlot ; Camille
Humbert ; Humbert-Lesire ; Ernest Sirantoine ; Henri
Mangin ; Georges Lacaille ; Gaston Finot ; Henri
Kodisch. - Camille Minot est interné à Zvickau
(Saxe), 3e compagnie. Avec nombre de ses
concitoyens, il a d'abord été enfermé pendant quatre
jours, 22-26 septembre, avant d'être emmené
prisonnier.
M. Fel Mailfer, son fils Emile, de Hannonville-sous-les-Côtes,
sont prisonniers avec 43 habitants du même pays à
Ulm-sur-Danube Ganswüse, baraque 4 (Wurtemberg). On
sait que tous les hommes de ce village ont été
emmenés en Allemagne Il paraît qu'une douzaine y
sont morts.
D'une lettre d'un prisonnier, il résulte que nos
malheureux compatriotes sont soumis à un régime des
plus rigoureux, obligés souvent de se contenter pour
toute nourriture d'un brouet dans lequel le riz
entre en majeure partie, et qui ressemble, à s'y
méprendre, à de la colle de tapissier.
M. l'abbé Baur, curé de Warcq, est en captivité en
Allemagne. Son frère, de Moulins, en a été informé.
MM. François, curé de Nubécourt ; Périn, d'Hennemont
; Maurice, de Paxeid ; Ruiquin, de Pintheville ;
Bastien, d'Apremont ; Lion, de Varnéville ; Juste,
de RichecoUtrt ; Aubois, d'Hattonchâtei ; Peltier,
vicaire de Stenay.
M. Briet, de Sassey, a été emmené en Allemagne, avec
25 habitants de la commune et a donné des nouvelles
à un die ses parents. - Virginie Cayer, 6e -Cie, n°
834 Kiiegsgefangenen lager Reicherbackastrass à
Zwickau (Saxe) - Louis Thibert, ancien directeur de
la Société Générale de Ligny, prisonnier à Munster
(Westphalie). - J. Bouvier, employé à la caisse
d'épargne de Bar-le-Duc. - M. Réveillez, employé de
banque à Bar-le-Duc.
M. l'abbé Tridon, curé de Heudicourt, après être
resté dans sa paroisse jusqu'au 13 octobre aux mains
des Allemands, fut emmené, à cette date, et jnterné
à la forteresse d'Ehrenbreitstein, près de Coblentz,
en compagnie de 118 autres Français, dont deux
prêtres de la Meuse : M. l'abbé Aubois, curé d'Hattonchâtel,
et M. l'abbé Reneaux, d'Eton, ainsi que MM. Guet.
Beausiey de Saint-Maurice ; Léon Deville, Cél. Henry
et Fern. Léridon, de Pillon.
Il fut libéré dernièrement avec le maire d'Homécourt
(M.-et-M.). Il est actuellement réfugié à Mornes
(Haute-Savoie).
Nous enlevons
ses tranchées
UN PEU PARTOUT
Il bombarde les villes ouvertes et les hôpitaux
Bordeaux, 21 décembre, 16 heures.
Dans la journée du 20, rien d'important à signaler
en Belgique. Nous avons fait toutefois quelques
progrès dans les régions de Lombaertzyde, de
Saint-Georges et au sud-est du cabaret Korteker
(sud-ouest de Bixschoote). Nous avons occupé
quelques maisons de Zwartelem (sud de Zillekerke) et
l'ennemi a bombardé l'hôpital d'Ypres.
De la Lys à l'Aisne, nous avons enlevé un bois près
de la route Aix-Nouelette-Souchez et avons occupé
ainsi toute la première ligne de tranchées
allemandes entre cette route et les premières
maisons de Notre-Dame-de-Lorette, au sud-ouest de
Loos.
L'ennemi a bombardé Arras. Notre artillerie lourde a
fait taire à diverses reprises l'artillerie ennemie.
Au nord de Carnoy (est d'Albert), elle a bouleversé
les tranchées allemandes et culbuté deux pièces
d'une batterie établie près de Hem (sud-est de
Carnoy). Elle a aussi pris nettement l'avantage sur
l'Aisne et dans le secteur de Reims.
En Champagne, dans les régions de Prosnes, de
Perthes et de Beauséjour, ainsi qu'en Argonne, nous
avons réalisé sur tout notre front des gains
appréciables, en particulier au nord-est de
Beauséjour, où nous avons conquis 1.200 mètres de
tranchées ennemies.
Dans le bois de la Grurie, nous avons fait exploser
quatre sapes minées et nous nous sommes établis dans
les excavations.
Entre l'Argonne et la Meuse, progrès sur tout le
front, notamment dans la région de Varennes, où le
ruisseau de Cheppes a été dépassé de 500 mètres, et
dans la région de Gercourt et de Béthincourt.
Sur la rive droite de la Meuse, nous avons gagné du
terrain sur la Croupe à deux kilomètres au
nord-ouest de Brabant et dans le bois de Consenvoye.
Enfin sur les Hauts-de-Meuse, légers progrès dans le
bois des Chevaliers, au, nord-est du fort de Troyon.
Les Anglais ont
repris leurs tranchées perdues
NOUS EN AVONS
PRIS DE NOUVELLES
Paris,
22 décembre, 5 h. 35.
Voici le communiqué officiel du 21 décembre, 23
heures :
Les troupes britanniques ont attaqué et, dans la
matinée, elles avaient repris la plupart des
tranchées qu'elles avaient perdues.
Devant Lihons, l'ennemi a prononcé, quatre attaques
successives pour reprendre les tranchées que nous
avions précédement conquises dans cette région.
Toutes ses attaques ont été repoussées.
Nous avons attaqué au nord-est de Puisaleine, au sud
de Roy on et nous avons pris pied dans les tranchées
adverses de première ligne, et progressé dans le
bois de Saint-Mard.
Aucun autre renseignement important, n'est encore
parvenu sur les opérations de la journée.
L'ENTRÉE DES
ALLEMANDS A SAINT-DIÉ
Nous
avons reproduit la déclaration du premier lieutenant
Eberlein qui reconnaissait, dans les Mùnchner
Nachrichten du 7 octobre dernier, que les troupes
allemandes, à leur entrée à Saint-Dié, le 27 août,
s'étaient abritées derrière des civils désarmés. La
Gazette Vosgienne, de Saint-Dié, donne, sur cet
épisode, les renseignements complémentaires qui
suivent :
« L'extrait des Mùnchner Neueste Nachrichten
n'apprendra rien sans doute à nos concitoyens, mais
il nous permet de préciser dès maintenant les
détails du tragique épisode auquel le lieutenant
Eberlein a apporté son précieux témoignage.
« C'est à l'extrémité de la rue d'Alsace que les
civils arrêtés par les Allemands furent obligés de
s'asseoir au milieu de la voie.
« Quant aux civils arrêtés par le régiment de
réserve « qui est entré à Saint-Dié plus au nord »,
ils n'ont pas été obligés de s'asseoir, mais
seulement de marcher à la tête du détachement
ennemi.
« Ces civils étaient au nombre de quatre : M.
Camille Chôtel, dit « le Blanc », charpentier, âgé
de 34 ans ; Léon Georges, sans profession, âgé de 27
ans ; Henri Louzy et Georges Visser, comptable. Les
deux premiers seuls furent tués. Les deux derniers
n'ont été que blessés et sont aujourd'hui rétablis.
« Un autre habitant de notre ville fut tué le même
jour, et c'est à lui sans doute que fait allusion le
passage où le lieutenant Eberlein déclare : « Tout
ce qui se montre encore dans la rue est fusillé »
« Cette dernière victime, Camille Lafoucrière,
manoeuvre, âgé de 18 ans, se trouvait à l'angle des
rues du 10e Bataillon et de la Prairie, lorsqu'un
Allemand tira sur lui un coup de fusil qui le tua
net. »
LA LEÇON D'UNE
SEMAINE
RÉSULTATS HEUREUX
DE NOTRE OFFENSIVE
Paris,
22 décembre, 1 h. 07.
Le récit des principaux faits de guerre du 7
décembre au 15 dit qu'au cours de cette période,
l'ascendant pris par notre infanterie nous a permis
de réaliser, sur plusieurs parties du front, des
progrès qui paraissent avoir inquiété l'ennemi.
L'infanterie allemande est partout peu attentive.
Ses tirailleries continuelles décèlent chez elle une
certaine nervosité.
L'emploi, de plus en plus fréquent, de projecteurs
et de fusées éclairantes, révèle également ses
craintes d'attaques.
Après leurs coûteuses et vaines expériences du mois
dernier, nos adversaires paraissent presque partout
réduits à la défensive.
C'est nous qui, sur tout le front, avons une
attitude offensive.
Dans les duels d'artillerie, nos batteries affirment
de plus en plus leur supériorité.
Paris, 22 décembre, 1 h. 08.
Le récit des faits de guerre du 7 au 15 décembre
donne encore ces détails :
Entre la mer et l'Oise, les attaques des Allemands
ont été repoussées partout.
Elles étaient, d'ailleurs, mal soutenues par leur
artillerie.
Au contraire, l'infanterie française, prenant
l'offensive, réussit à progresser sur divers points,
notamment à Vermelles, dont l'occupation par les
troupes françaises contraignit l'ennemi à reculer de
trois kilomètres.
Sur la route de Lille également, nous avons
progressé, après avoir fait sauter à la sape les
tranchées allemandes.
Contrairement à l'artillerie allemande, qui ne
réussit qu'à causer des dégâts matériels sans
importance, les batteries françaises affirment leur
supériorité en bouleversant les tranchées ennemies,
en gênant les travailleurs allemands, en atteignant
les rassemblements de troupes.
Malgré les intempéries, le moral des Français est
parfait ; leur bonne humeur étonne les prisonniers
allemands par son contraste avec la lassitude de
leurs camarades.
Entre l'Oise et l'Argonne, tandis que l'artillerie
allemande s'acharne à bombarder les villes et les
villages, l'artillerie française atteint les trains
allemands, disperse les rassemblements, détruit
mitrailleuses et canons lourds de l'ennemi.
En Argonne, l'ennemi marque toujours la plus grande
activité.
La guerre de sape se mêle aux attaques de
l'infanterie. Les troupes françaises ont réussi à
repousser l'ennemi des divers points, notamment
devant Saint-Hubert.
Elles gagnent du terrain à l'ouest de Perthes.
Les Allemands, dont les attaques d'infanterie sont
vaines, ont réussi à faire sauter à la mine quelques
tranchées françaises à Haute-Chevauchée, mais un
barrage empêche la progression ennemie.
De l'Argonne à la frontière suisse, l'artillerie a
montré surtout de l'activité, particulièrement dans
la région de Varennes, mais les Allemands ont
seulement réussi à causer des dégâts matériels,
alors que les batteries françaises, repérant
habilement les positions ennemies, ont détruit des
convois et des colonnes de blockhaus ennemis.
Entre la Meuse et la Moselle, la progression
française est continue. Une attaque française contre
les bois de Remière et de Sonnard était parvenue à
occuper la première ligne des tranchées ennemies,
mais la deuxième ligne allemande réussit à réoccuper
la première ligne, où les fantassins français
étaient dans une position très difficile, par suite
d'un terrain détrempé Malgré l'extrême difficulté du
terrain, nous reprenions, le même jour, 500 mètres
du front momentanément abandonné.
Des avions français ont bombardé
Fribourg-en-Brisgau, le 15 décembre.
Dans les Vosges, les positions conquises sont
solidement maintenues, malgré les attaques
allemandes, et nos progrès continuent et
s'accentuent.
Les Allemands essaient vainement, au prix de lourds
sacrifices, de reprendre Cernay.
Ils réussissent à occuper Steinbach, dont les
hauteurs dominant Cernay restent entre nos mains.
En résumé, sur un grand nombre de points, nos
attaques furent couronnées de succès.
Nous n'avons abandonné nulle part le terrain gagné.
Partout l'ennemi a dû garder une attitude défensive,
qui a confirmé les troupes françaises dans la
conscience de leur supériorité.
ATTAQUES &
CONTRE-ATTAQUES
Quelques
positions conquises
D'autres consolidées
Bordeaux, 22 décembre, 16 heures.
Entre la mer et la Lys, il n'y a eu dans la journée
du 21 que des combats d'artillerie.
De la Lys à l'Aisne, nous avons refoulé une attaque
allemande qui cherchait à déboucher de Carency et
nous avons pris quelques maisons à Blangy.
Une attaque allemande sur Mametz et les tranchées
voisines n'a pas permis à nos troupes de progresser
sensiblement de ce côté Dans la région de Lihons,
trois attaques ennemies ont été repoussées.
Léger gain à l'est et à l'ouest de Tracy-le-Val.
Notre artillerie a tiré efficacement sur le plateau
de Nouvrons.
Dans les secteurs de l'Aisne et de Reims, combats
d'artillerie.
En Champagne et en Argonne, autour de Souain,
violents combats à la baïonnette.
Nous n'avons pas progressé d'une façon sensible dans
cette région. Nous avons enlevé aux abords de
Perthes-les-Hurlus trois nouveaux ouvrages allemands
représentant un front de tranchées de 1.500 mètres.
Au nord-est de Beauséjour, nous avons consolidé les
positions conquises le 20 et occupé toutes les
tranchées qui bordent la crête du Calvaire.
Dans le bois de la Grurie, notre progression a
continué.
A Saint-Hubert, nous avons repoussé une attaque.
Dans le bois de Bolante, où quelque terrain avait
été perdu, nous en avons repris les deux tiers.
Entre Argonne et Meuse, légers progrès aux abords de
Vauquois.
Au nord du bois de Malanoourt, nos troupes ont
réussi à franchir un réseau de fils de fer et à
s'emparer des tranchées ennemies, où elles se sont
maintenues.
Sur la droite de la Meuse, dans le bois de
Consenvoye, nous avons perdu, puis reconquis, après
de vifs combats, le terrain gagné par nous le 20.
Des Hauts-de-Meuse aux Vosges, rien à signaler.
Paris, 23 décembre, 0 h. 50.
Communiqué officiel du 22 décembre, 23 heures :
Au nord-ouest de Puisaleine, sud de Noyon, l'ennemi
a exécuté, hier soir, de violentes contre-attaques,
qui ont été toutes repoussées.
Au sud de Varennes, nous avons pris pied, hier soir,
dans Boureuilles.
Nos attaques ont continué aujourd'hui.
Elles paraissent nous avoir fait progresser dans
Boureulles et à l'ouest de Yauquois.
Rien n'est encore signalé du reste du front.
PAROLES DE
REVENANTS
Un jeune
homme, arrivé récemment de Longuyon, nous donne,
après avoir lu le récit que nous avons publié le 9
de ce mois, des renseignements complémentaires.
Il ne serait pas établi avec certitude que M. et Mme
Delorme aient été trouvés morts dans leur cave, il
est certain seulement qu'ils n'ont plus été revus.
L'assassinat de M. le curé Braux et de M. l'abbé
Persyn se serait accompli dans les circonstances
suivantes : Les Allemands firent demander chez les
soeurs M. le curé et le Père Oblat Thiriez. Ce
dernier était absent. Le curé, ne sachant ce qu'on
leur voulait, dit à l'abbé Persyn : « Venez avec moi
». Tous deux furent d'abord détenus, au pain et à
l'eau, pendant trois jours, chez M. Colette,
marchand de vins, puis fusillés. M. le curé avait
planté le drapeau de la Croix-Rouge sur le clocher
de l'église pour la préserver ; les Allemands ont
prétendu que c'était un signal destiné aux Français.
Mme Pellerin reçut deux balles ; elle traversait la
route de Froidcul pendant que les Allemands
entraient. Elle tomba sur l'escalier de la maison
vers laquelle elle se dirigeait, criant : «
Achevez-moi ! » puis mourut presque aussitôt. Dans
la rue Jeanne-d'Arc, au quartier de la Gaillette, il
n'y a qu'une maison brûlée, celle qui est située
dans le haut, près d'une maison en construction.
Les maisons habitées par MM. Clesse et Montagnon ont
reçu chacune un obus qui fit de grands ravages.
Elles n'ont pas été brûlées. Dans la rue de la
Gaillette, au-dessous de la rue Jeanne-d'Arc, il
reste encore deux maisons intactes : celles du bout,
en montant vers le château-d'eau.
A Froidcul, la maison Thiébaut a été criblée de
balles, mais non brûlée. Les
deux premières maisons, à gauche, en montant, ont
reçu des obus, mais ne furent pas brûlées ; les
autres sont détruites, sauf la dernière, à gauche
toujours en montant. M. Martin, le facteur, l'aîné
des fils Reinalter, les enfants de Mme Chrétien ont
été fusillés. Mme Barthélémy, de Spincourt, est chez
Mme Goucet, à Longuyon, ainsi que la famille Fondeur
et Mme Comon. M. Feuillade a été nommé non pas
maire, mais adjoint par l'autorité allemande. Un
changement de commandant lui a retiré cette peu
enviable fonction.
Nous remarquons, par les récits des tueries que nous
apportent les réfugiés, la préoccupation des bandits
à trouver un motif justificateur. On a dit que
l'hypocrisie était un hommage rendu à la vertu ; les
Allemands reconnaissent ainsi combien il est
criminel de massacrer sans raisons les populations
civiles. Les motifs qu'ils donnent sont improvisés
d'ailleurs avec une impudeur grossière, comme dans
le cas du curé de Longuyon. Pour Mme Pellerin, ils
ont prétendu qu'elle avait un revolver !
De même pour les otages. Ils ont emmené le maire de
Lexy, parce qu'on découvrit des soldats français
réfugiés dans une cave du village ; à Herserange, où
la population fut placée devant les batteries
allemandes, MM. Haut, Hendart et le curé ont été
emmenés parce qu'on trouva des pigeons chez eux (à
Longwy, il fallait porter à l'autorité les têtes
coupées des pigeons que l'on possédait) ; le maire
de Remoncourt fut emmené aussi en captivité parce
qu'un uhlan était mort. On accusa le maire de ne pas
l'avoir assez bien soigné.
Ils ne spécifient pas la cause de la mort du baron
de Klopstein, mais pensent s'excuser en racontant
que c'est une balle égarée qui le frappa, à sa
fenêtre, en plein front, par un malencontreux
hasard. Seulement, le soir, un capitaine, ivre,
annonçait triomphalement qu'il avait tué « le
gentilhomme du pays ». Et cette brute ricanait en
voyant les larmes que ne pouvait retenir la femme
devant qui son orgueil aviné éructait ses paroles.
La saoulerie fut digne de la soif allemande : 25.000
bouteilles de vin fin, provenant du pillage du
château, coulèrent dans les ventres teutons,
remplis, mais non rassasiés.
GUSTAVE VERNON.
RENTRÉE DES
CHAMBRES
La Déclaration
ministérielle
Paris,
22 décembre, 15 h. 45.
La rentrée des Chambres a eu lieu cet après-midi.
Grande affluence à la Chambre. Les tribunes
réservées au public sont pleines, notamment celles
réservées au corps diplomatique.
Tous les députés assistent à la séance, qui s'ouvre
à 2 h. 15.
M. Deschanel, président, prononce aussitôt son
allocution.
Allocution de M. Deschanel
« Les représentants de la France, dit-il, doivent
élever leurs âmes vers les héros qui combattent pour
elle depuis cinq mois.
« Jamais la France ne fut plus grande. Jamais, en
aucun temps, en aucun pays, on ne vit plus
magnifique explosion de vertus.
« C'est que la France ne défend pas seulement, en
cette heure décisive, sa vie, sa terre, ses
souvenirs sacrés. Avec l'Angleterre, la Russie, la
Belgique, la Serbie et le Japon elle défend encore
le respect des traités, l'indépendance de l'Europe
et la liberté humaine.
« Aujourd'hui, il s'agit de savoir si la matière
asservira l'esprit, si le monde sera la proie
sanglante de la violence.
« L'Europe veut respirer. Les peuples entendent
disposer librement d'eux-mêmes
« Pour nous, nous ferons jusqu'au bout tout notre
devoir, pour réaliser la pensée de notre race : Le
droit prime la force. »
Les députés décédés
M. Deschanel a fait ensuite l'éloge funèbre des
députés décédés. Il a rendu surtout un éloquent
hommage à l'héroïsme des membres du Parlement tués à
l'ennemi.
M. Viviani a alors donné lecture de la Déclaration
du gouvernement.
LA DÉCLARATION
La Déclaration ministérielle débute ainsi :
L'union nationale
« Il n'y a, pour l'heure, qu'une politique.
C'est une politique de combat sans merci, jusqu'à la
libération définitive de l'Europe, ayant pour gage
une paix pleinement victorieuse.
« C'est le cri unanime du Parlement, du pays et de
l'armée.
« Devant le surgissement, inattendu pour elle, du
sentiment national, l'Allemagne a été troublée dans
l'ivresse de son rêve de victoire. »
L'Allemagne seule responsable
La Déclaration constate ensuite qu'il est
actuellement démontré que l'Allemagne est
entièrement responsable de la guerre ; que depuis
plus de 40 ans elle poursuivait inlassablement son
but, l'écrasement de la France, pour arriver à
l'asservissement du monde.
Nous irons jusqu'au bout
« Puisque, malgré leur attachement à la paix, la
France et ses allies ont dû subir la guerre, elles
la feront jusqu'au bout.
« La France n'abaissera les armes qu'après avoir
vengé le droit outragé, soudé pour toujours à la
Patrie la Belgique dans la plénitude de sa vie
matérielle et de son indépendance politique ; brisé
le militarisme prussien, afin de pouvoir
reconstruire sur la justice une Europe enfin
régénérée.
La certitude de la victoire
« Nous avons la certitude du succès. Nous avons pu
montrer au monde qu'une démocratie organisée peut
servir, par une action vigoureuse, l'idéal de
liberté et d'égalité qui fait sa grandeur. »
La tâche peut être longue
La Déclaration confirme que notre situation
financière nous permet de continuer la guerre
jusqu'au jour où les réparations nécessaires seront
obtenues.
La Déclaration continue, en ces termes :
« Le jour de la victoire définitive n'est pas encore
venu. La tâche, jusque-là, sera rude. Elle peut être
longue.
« Préparons-y nos volontés et nos courages.
« Héritière du plus formidable fardeau de gloire
qu'un peuple puisse porter, la France souscrit
d'avance à tous les sacrifices.
« Nos alliés le savent. Les nations neutres le
savent.
« Une campagne effrénée de fausses nouvelles a
essayé vainement de surprendre en elles la sympathie
qui nous est acquise.
« Si l'Allemagne, au début, a feint d'en douter,
elle n'en doute plus à présent. »
L'union des alliés pour l'idéal du droit
La Déclaration conclut :
« Aujourd'hui comme hier, comme demain, n'ayons que
le cri de la victoire, que la vision de la Patrie,
que l'idéal du droit.
« C'est pour lui que nous luttons, que luttent
encore la Belgique, qui a donné à cet idéal tout le
sang de ses veines ; l'inébranlable Angleterre, la
Russie fidèle, l'intrépide Serbie, l'audacieuse
marine japonaise.
« Rien de plus grand n'apparut jamais aux regards
des hommes contre la barbarie et le despotisme,
contre le système de provocations et de menaces
méthodiques que l'Allemagne appelait « la paix »,
contre le système des meurtres et des pillages
collectifs que l'Allemagne appelle « la guerre » ;
contre l'hégémonie insolente d'une caste militaire
qui a déchaîné le fléau...
« Avec ses alliés, la France émancipatrice et
vengeresse, d'un seul élan, s'est dressée. »
DEUX BOMBES SUR
NANCY
AUCUN MAL
Mardi,
22 décembre, un peu avant une heure de l'après-midi,
un aréoplane allemand a mis à profit le temps
particulièrement clair pour survoler Nancy à une
grande hauteur.
En passant au-dessus du faubourg Saint-Georges, il a
laissé tomber une bombe. Le projectile a atteint la
toiture d'un bâtiment des Docks et Magasins
généraux, en bordure sur la rue Lamothe. Après avoir
brisé deux tuiles, il est allé tomber sur le
plancher du grenier, où il est resté sans exploser.
Il a été ramassé peu après par les employés des
Docks qui en ont fait la remise à l'officier
commandant le poste de la gare Saint-Georges.
Cette bombe, tombée à une heure moins cinq, n'a
causé aucun dégât.
Dix minutes après, un autre projectile, venait
tomber rue Grandville, devant la maison portant le
numéro 5. Cette bombe mal dirigée, s'écrasait par le
culot sur le pavé de la rue. Elle se brisait en
quatre parties, sans faire explosion. La charge,
composée d'une poudre de couleur jaunâtre, se
répandait sur la chaussée.
Un enfant, qui se trouvait dans la rue, a ramassé
les morceaux de l'engin et les a remis quelques
minutes après à un officier de la place.
Comme aux Docks, cette bombe n'a causé ni accident
de personnes ni dégâts matériels.
Les avions français ont donné bientôt la chasse au
Taube qui s'est empressé de regagner les lignes
allemandes afin de se mettre à l'abri.
Nos ennemis, qui ne devaient avoir d'autre but que
de jeter la panique parmi la population nancéienne
en sont pour leurs frais, et cette tentative
infructueuse démontre, une fois de plus, la qualité
de leur « camelote ». Mais n'allons pas nous en
plaindre !...
RETOUR DE
PRISONNIERS
Mardi,
22 décembre, à 5 heures du soir, MM. Auguste Maire,
maire d'Arracourt ; Joseph Bourdon, de Laneuveville-aux-Bois;
Jules Antoine, d'Arracourt ; Dime, adjoint, d'Emberménil
; Dumont, Camille Bontemps, de Bey ; Florentin, d'Arraye-etHan
; Moitrier, de Pont-à-Mousson ; Hostier, maire
d'Homécourt, qui depuis le début de la guerre
étaient prisonniers des Allemands et internés à la
citadelle d'Ehrensbreisten, près de Coblentz, sont
arrivés à Nancy, après un long et fatigant voyage.
Ces neuf Français furent ramenés de leur lieu
d'internement à Dieuze, qu'ils quittèrent mardi
matin, à 3 heures. Ils furent dirigés vers la
Suisse, qu'ils durent traverser avant de rentrer en
France.
Aux quelques personnes avec lesquelles ils se sont
entretenus, ils ont déclaré que pendant quelque
temps il y eut plus de trois cents Français civils
internés à Ehrenbreisten. Parmi eux se trouvaient de
nombreux Lorrains des pays annexés, dont les deux
frères Samain.
Peu à peu les Allemands délivrèrent une partie des
internés ; au moment du départ de nos compatriotes,
à peine cent Français étaient encore dans la
forteresse.
LA MINE ET LA
BAÏONNETTE
ont bien
travaillé
Section de mitrailleuses capturée
Bordeaux, 23 décembre, 16 heures.
En Belgique, nous avons, hier, légèrement progressé
entre la mer et la route de Nieuport à Westende,
ainsi que dans la région Steenstraete-Bixchoote, où
nous avons enlevé un bois, des maisons et une
redoute.
A l'est de Béthune, nous avons repris, en
collaboration avec l'armée britannique, le village
de Givenchy-les-La-Bassée qui avait été perdu.
Dans la région d'Arras, un épais brouillard a
ralenti l'activité de l'ennemi et la nôtre.
A l'est d'Amiens, sur l'Aisne et en Champagne,
combats d'artillerie.
Dans la région de Perthes-les-Hurlus, nous avons
après une vive canonnade et deux assauts, enlevé le
dernier tronçon de la ligne partiellement conquise
le 21 (gain moyen 800 mètres).
Dans la dernière tranchée prise, nous avons capturé
une section de mitrailleuses complète (personnel et
matériel). Une violente contre-attaque a été
repoussée.
Nous avons également progressé au nord-est de
Beauséjour, où l'ennemi a de nouveau contre-attaqué
sans succès.
Sensible avance de nos troupes dans le bois de la
Grurie. Sur un front de tranchées de 400 mètres et
une profondeur allant jusqu'à 250 mètres, nous avons
fait sauter à la mine deux lignes allemandes et
occupé les excavations.
Les combats se poursuivent autour de Boureuilles, où
les résultats assez sérieux acquis hier matin,
paraissent n'avoir pu être entièrement maintenus.
Aucun incident des Hauts-de-Meuse à la Haute-Alsace.
NOS PROGRÈS
ENTRE LA MEUSE ET
L'ARGONNE
Paris,
24 décembre, 1 h, 12.
Voici le communiqué officiel du 23 décembre, 23
heures :
Les progrès réalisés par nos attaques, entre la
Meuse et l'Argonne, ont été presque entièrement
maintenus.
Aux dernières nouvelles, notre front atteignait le
réseau de fils de fer de l'ennemi, au saillant
sud-ouest du bois de Forges, à l'est de Cuisy, et il
bordait le chemin au bois de Boureuilles.
Aucun autre incident notable à signaler.
NOTRE POUSSÉE
Attaques et
contre-attaques, surtout dans le Nord, dans l'Aisne,
en Champagne, en Woëvre et en Vosges favorisent nos
armes.
Paris,
24 décembre, 1 h. 35.
De la mer à la Lys, nous avons progressé à la sape
dans les dunes et repoussé une contre-attaque devant
Lombaertzide.
A Zwartelen (sud-est d'Ypres), nous avons enlevé un
groupe de maisons et refoulé jusqu'à la partie sud
du village, malgré un feu très vif de l'artillerie
allemande, une contre-attaque ennemie.
L'armée belge a poussé des détachements sur la rive
droite dei l'Yser, au sud de Dixmude, et organisé
une tête de pont.
Dans la région d'Arras le brouillard a continué à
rendre toute opération Impossible.
A l'est et au sud-est d'Amiens, notamment aux abords
de Lassigny, combats d'artillerie.
Dans la région de l'Aisne, les zouaves pendant toute
la journée, ont brillamment repoussé plusieurs
attaques et sont demeurés maîtres, près du chemin de
Puisaleine, des tranchées allemandes enlevées le 21.
En Champagne, nous avons consolidé nos progrès de la
veille, dans la région de Craonne et de Reims. Près
de Perthes, toutes les contre-attaques de l'ennemi
sur les positions conquises par nous le 22, ont été
repoussées.
Au nord-ouest de Mesnil-les-Hurlus, nous avons
enlevé 400 mètres de tranchées allemandes et
repoussé une contre-attaque. Les Allemands ont tenté
de prendre l'offensive du côté de Ville-sur-Tourbe.
Notre artillerie les a dispersés.
En Argonne, nous avons gagné un peu de terrain dans
le bois de la Grurie et repoussé une attaque
allemande vers Bagatelle.
Dans la région de Verdun, aucune opération
importante à cause de la brume.
L'ennemi a contre-attaqué sans succès dans le bois
de Consenvoye.
Dans la forêt d'Apremont notre artillerie a
bouleversé et fait évacuer plusieurs tranchées par
l'ennemi.
En Woëvre, elle a réduit au silence les batteries
allemandes.
Dans la région du Ban-de-Sapt, au nordest de
Saint-Dié, notre infanterie a fait un bond en avant
et s'est établie sur le terraiin gagné.
Rien à signaler en Haute-Alsace.
Paris, 25 décembre, 0 h, 35.
Communiqué officiel du 24 décembre, 23 heures :
Au nord de la Lys, l'ennemi a canonné assez
violemment les abords de la route d'Ypres à Comines
et ceux de Langemark, mais il n'a prononcé aucune
attaque.
Devants La Boisselle, au nord-est d'Albert, légère
progression de nos troupes.
La nuit dernière, une attaque allemande sur le bois
de Saint-Mard, à l'est de Tracy-le-Val, a été
repoussée.
Nous organisons les tranchées enlevées avant-hier,
près de Puisaleine.
Le terrain conquis dans le Ban-de-Sapt, près de
Launois, au nord de Saint-Dié, a été conservé et
organisé.
Aucune autre nouvelle importante n'est parvenue du
reste du front.
LA
RECONSTRUCTION
DES
VILLAGES LORRAINS
Nancy,
25 décembre.
III
Simultanément avec la commission des parlementaires
des régions envahies, dont nous ignorions les
conclusions, nous avons soutenu, dans l'Est
Républicain, que la Nation devait supporter la
dépense de reconstitution des villages détruits.
Le gouvernement en prit l'engagement solennel devant
les Chambres, proposa une première ouverture de
crédit de 300 millions, affirma « que la France
redresserait ces ruines en escomptant certes le
produit des indemnités qu'elle exigerait de l'ennemi vaincu mais, en attendant, à l'aide d'une
contribution que la Nation entière paierait, fière,
dans la détresse d'une partie de ses enfants, de
remplir le devoir de la solidarité nationale. »
A l'unanimité, les Chambres ratifièrent cette
proposition, se réservant d'en préciser
l'application par une loi spéciale.
Au lendemain de ce vote, l'un des membres les plus
actifs de la commission parlementaire nous
encourageait à poursuivre notre modeste
collaboration à l'étude de cette oeuvre nationale : «
Continuez, nous écrivait-il, à pousser à la roue,
car nous ne sommes pas au bout de nos difficultés,
en cette matière. »
La besogne est complexe, en effet, car elle
intéresse notre patrimoine d'art, celui des villes
et des villages. Nous nous préoccupons seulement de
faciliter le retour à la terre et d'y maintenir ceux
qui en tirent leurs moyens d'existence. En Lorraine,
où de grandes industries se sont créées et
développées au milieu des campagnes, nous songeons
encore ainsi à assurer là une réserve de
travailleurs industriels pouvant jouir de la vie
familiale, au grand air.
Les avis que nous exprimons nous ont été suggérés au
cours des visites dans les villages ravagés par
l'Allemand.
Certains propriétaires de maisons détruites nous ont
avoué que s'ils touchaient leur indemnité en
espèces, ils n'hésiteraient pas à vendre ensuite
leurs terres à n'importe quel prix, pour aller se
fixer ailleurs.
N'est-ce point les protéger contre leur propre
imprévoyance que d'employer cette indemnité à la
reconstruction de leur maison pour les maintenir là
où ils sont assurés de pourvoir à leurs besoins ?
N'est-ce point défendre l'intérêt collectif du
village que d'empêcher l'avilissement du prix des
terres et d'assurer la disparition des maisons en
ruines ?
C'est pour défendre ce même intérêt collectif que
nous soutenons que l'étude de l'aménagement
d'ensemble du village doit précéder celle de toute
reconstruction particulière. A Crévic, par exemple,
92 maisons ont été totalement incendiées ; les
ruines laissent encore apparaître le défaut total du
tracé d'alignement, cause de gêne pour la
circulation ou l'établissement de caniveaux, et la
distribution défectueuse de bâtiments surajoutés
sans souci de l'éclairage ou de l'aération. On ne
doit point reconstruire ce village avant d'avoir
établi préalablement un plan d'ensemble des voies à
rectifier, des canalisations nécessaires, et une
étude avec devis pour chaque maison nouvelle qui
devra non seulement compenser celle détruite, mais
répondre aux besoins réels de celui auquel elle sera
destinée, et, à ce sujet, nous préciserons notre
conception de la maison du cultivateur lorrain.
Il conviendra ensuite par raison d'économie de faire
emploi de tous les matériaux utilisables provenant
des maisons ravagées en les affectant, au besoin, à
l'ensemble des travaux de reconstruction.
Des résistances - s'opposeront pour l'échange des
parcelles et l'attribution de ces matériaux ; la
déclaration d'utilité publique en facilitera la
réduction.
Il semble donc qu'il conviendrait de dresser un état
comprenant le détail de chaque sinistre et résumant
l'indemnité globale nécessaire à chaque village pour
relever ses ruines ; de considérer ces travaux de
reconstruction comme un ensemble de travaux
communaux d'utilité publique ; de soumettre à une
seule expropriation la totalité des parcelles
occupées par les maisons à reconstruire, sous
réserve de rétrocéder, à titre gratuit, à chaque
propriétaire l'emplacement nécessaire pour sa
nouvelle demeure, et de lui compenser les parcelles
distraites de son patrimoine pour les alignements ou
l'emplacement mieux approprié des nouveaux bâtiments
communaux.
Les lois en vigueur, relatives aux expropriations,
visant particulièrement les travaux communaux, ne
paraissent point s'opposer à cette procédure
d'expropriation globale mais au surplus la loi,
toujours perfectible, doit s'inspirer des besoins
nouveaux du pays, et, dans le cas particulier, la
législation pourrait encore être simplifiée en
donnant à des commissions d'arbitrage les pouvoirs
nécessaires pour évaluer les dommages et préciser
les compensations.
MAURICE GRUHIER.
PAUL CHARBONNIER..
NOTRE OFFENSIVE
DES
FLANDRES aux VOSGES
Nous avons avancé
partout
Paris,
25 décembre, 16 heures.
En Belgique, combats intermittents d'artillerie.
De la Lys à l'Oise, nous avons atteint, le 23 au
soir, la bifurcation des chemins de Loos au Rutoire
et de Loos à Vermelles.
Au nord-est d'Albert, nous nous sommes emparés de la
partie du village de la Boisselle, située au
sud-ouest de l'église, et d'une tranchée avancée au
sud du village.
Au nord de Roye, à Lihu, près de Lihons, nous avons
également fait quelques progrès. Ces diverses
attaques, menées avec beaucoup d'entrain, ont
partout conservé le terrain gagné.
Au sud de l'Oise, notre artillerie a bouleversé des
organisations défensives de l'ennemi dans la région
de Bailly et sur le plateau de Nouvron.
Sur l'Aisne et en Champagne, combats d'artillerie.
Plusieurs attaques allemandes ont été repoussées. Au
nord de Sapigneul (près de Berry-au-Bac) notamment,
une légère avance de nos troupes a été suivie d'une
forte contre-attaque ennemie qui a complètement
échoué.
Dans la région de Perthes et de Mesnilles-Hurlus,
nos progrès des jours précédents ont été poursuivis
et consolidés.
Au nord de Mesnil, nous nous sommes emparés d'un
bois, fortement organisé par l'ennemi, à l'est des
tranchées conquises par nous le 23 décembre.
Au nord-est de Mesnil, et à l'est de Perthes, nous
avons chassé l'ennemi des tronçons de tranchées
qu'il occupait encore et nous sommes maintenant
maîtres de toute sa première ligne de défense.
En Argonne, dans le bois de la Grurie, à Bagatelle,
Fontaine-Madame et Saint-Hubert, nous avons repoussé
cinq attaques et conservé notre front.
Entre Argonne et Meuse, malgré la neige et le
brouillard, nous avons progressé sur le front
Boureuilles-Vauquois.
Dans la région de Cuisy-Bois-de-Forges, notre
artillerie lourde, en maîtrisant les batteries et
les mitrailleuses ennemies, a permis à notre
infanterie de faire un bond en avant.
Sur la rive droite de la Meuse, les Allemands ont
bombardé la corne sud du bois de. Consenvoye, où
nous sommes établis.
Dans le bois d'Ailly et dans la forêt d'Apremont,
notre artillerie a obligé l'ennemi à évacuer
plusieurs tranchées.
Dans les Basses-Vosges, nous nous sommes avancés
jusqu'à quinze cents mètres de Cirey-sur-Vesouze.
Paris, 26 décembre, 0 h. 18.
Voici le communiqué officiel du 25 décembre, 23
heures :
Légère progression en avant de Nieuport.
Vers Notre-Dame-de-Lorette, au nord de Lens, une
attaque ennemie a été repoussée.
Dans la matinée, nous avons enlevé de nouvelles
tranchées près de Puisaleine, et nous nous y sommes
maintenus, malgré plusieurs contre-attaques.
La nuit dernière, l'ennemi a attaqué vigoureusement,
mais sans succès, dans les Vosges, à Tête-de-Faux.
LES OTAGES
LORRAINS
SOUS la BOTTE des
BARBARES
M. Florentin, adjoint au maire d'Arraye-et-Han, nous
fait un douloureux tableau des trois mois de
captivité qu'il a passés dans les geôles.
Nancy,
25 décembre.
Parmi les otages revenus à Nancy, mardi dernier, M.
Florentin, adjoint au maire d'Arraye-et-Han, est un
de ceux qui ont vécu les heures les plus tristes
dans les prisons allemandes.
Allemandes ? Non. M. Florentin est resté pendant
trois mois à proximité de la frontière, allant d'Arraye
à Delme, puis à Dieuze, à Morhange et enfin à
Phalsbourg.
Il nous a conté hier son odyssée en ces termes :
« Les Allemands sont arrivés dans le village le 1er
septembre. La municipalité s'était conformée
scrupuleusement aux instructions administratives :
on avait affiché un appel au calme ; on avait invité
les habitants qui possédaient des armes à en
effectuer immédiatement le dépôt.
« Il était environ 9 heures et demie du matin,
quand, en sortant du débit Léon V..., un client de
l'établissement aperçut dans les jardins un dragon
allemand qui semblait se tenir en embuscade.
« Presque aussitôt un coup de feu retentit. L'alarme
est donnée. Les Boches accourent ; ils prétendent
que des civils ont tiré sur eux ; ils réclament la
présence du maire, M. Joseph Rousselot, qui proteste
énergiquement et affirme que ses recommandations ont
été sagement écoutées par la population.
« Un capitaine dirige l'enquête. Il semble furieux.
Sur son ordre, M. le curé Lambert attelle une
charrette et se rend à la mairie pour y ramasser les
fusils, pendant qu'une proclamation placardée sur
les murs menace des pires châtiments quiconque
s'opposera à l'occupation du pays.
« Quatre otages, d'ailleurs, répondront sur leur vie
du respect de l'autorité qui vient ainsi de se
substituer à la loi française : MM. Rousselot et
Godefroy, M. le curé Lambert et moi sommes dès lors
prisonniers.
« Le coup de fusil avait été certainement tiré par
le dragon en embuscade ; mais il se garda bien d'en
faire l'aveu. On frémit à la pensée des malheurs
dont Arraye eût été le théâtre, si cette provocation
avait entraîné les terribles conséquences, les
exécutions, les incendies, les pillages dont on a
enregistré ailleurs les excès criminels.
A Delme
« - Sans permettre aux otages de rentrer chez eux
pour prévenir leur famille, pour se munir de linge
ou d'argent, une escorte de uhlans nous pousse sur
la route de Delme.
« Je vous laisse à penser les réflexions qui
assiégeaient notre esprit. Qu'allait-on faire de
nous ? Une consigne formelle nous empêchait de
parler. Les uhlans se montraient farouches. Il
n'était que trop visible qu'à la moindre incartade
ils assouviraient sur nous leur brutalité, leur
sauvagerie.
« En traversant la commune de Lémoncourt, une
soldatesque en fureur se précipita vers nous. Le
chef de notre escorte avait rapidement prononcé deux
ou trois mots dont le sens m'échappait, mais qui
eurent pour effet d'exciter la rage de nos
insulteurs.
« Leurs menaces, leurs gestes indiquaient une telle
haine, une telle envie de nous écharper que mes
compagnons et moi aurions refusé la liberté, si on
nous l'eût accordée à la condition de revenir chez
nous par le même chemin.
« Personne, au surplus, n'était décidé à nous
lâcher. En arrivant à Delme, les uhlans nous
conduisent directement vers le presbytère auquel
l'état-major avait donné l'affectation d'une sorte
de prison civile.
« C'est là que j'ai vécu pendant deux semaines.
Affront, privations ne nous ont pas été ménagés.
Nous vivions à nos frais; ceux qui possédaient
quelques ressources devaient naturellement payer la
nourriture de ceux qui avaient été emmenés sans un
maravédis.
« Il y avait là avec nous, trois habitants de
Lanfroicourt et un de Ménil-Flin.
« L'ennui d'une longue oisiveté fit réclamer comme
une faveur à plusieurs d'entre nous les fonctions de
cantonniers. Ils cassèrent des cailloux sur la
route, comblèrent les ornières, moyennant un salaire
quotidien de cinquante sous à trois francs ; mais,
au bout de quelques jours, cette occupation fut
supprimée.
« D'autres épreuves nous attendaient.
De Dieuze à Morhange
« Le 15 ou 16 septembre, l'ordre vint de nous
conduire à Dieuze. Deux étapes. Voyage sans
incidents sérieux. Défense de parler et de fumer.
« Nous fûmes logés dans les bâtiments de la caserne
avec environ 300 autres prisonniers. On n'y devait
rester que peu de jours.
« Un matin, nouvel ordre. Nouveau départ. Il faut
aller à Morhange. Une route de 17 kilomètres ; peu
de chose pour des jarrets solides, mais une
promenade plutôt rude pour des hommes de notre âge,
privés de sommeil, insuffisamment nourris, brisés de
fatigue et d'émotion.
« En franchissant le seuil de la caserne, j'eus
l'impression que le voyage réserverait à notre
petite troupe des surprises désagréables ; les
gendarmes chargés de veiller sur nous étaient rogues
et bourrus ; l'un d'eux engagea si maladroitement un
de ses étriers dans la grille de la porte en passant
qu'il le brisa et qu'une grande heure se passe à
réparer le désastre.
« Tout alla bien pendant sept ou huit kilomètres.
Mais, après le village de Conthil, un de nos
camarades commença à se plaindre. Il fallut supplier
le chef de l'escorte pour obtenir une halte ; il
fallut supplier davantage pour obtenir
l'autorisation de chercher dans les maisons de
l'endroit une voiture qu'un propriétaire complaisant
voudrait bien nous louer :
« - Avez-vous de l'argent ? demanda le chef du
détachement.
« - J'ai de quoi payer ce petit dérangement,
répondit un des prisonniers. Cela coûtera quatre ou
cinq mark. J'ai la somme nécessaire... »
« Une fermière de Conthil consentit à prêter sa
voiture ; son fils offrit de conduire ; mais en
apprenant qu'il s'agissait d'épargner à un
malheureux otage une marche pénible, ni la femme ni
l'homme n'acceptèrent notre argent :
« - Gardez-le. Vous en aurez besoin. Laissez-nous
donc le plaisir de vous obliger gratuitement.
« Les Boches se fâchèrent. Insensibles au mouvement
de générosité dont notre caravane était l'objet, ils
se répandirent en invectives contre la fermière, lui
reprochèrent sa faiblesse pour les sales Français
qui ne méritaient aucune pitié :
- « Vous allez prendre leur argent tout de suite.
Sinon, gare... »
« Le gendarme ayant exigé de nous une pièce de 5
mark, contraignit ensuite les braves paysans de
Conthil à les empocher ; mais ceux-ci, d'un coup
d'oeil, nous montrèrent qu'à l'insu de nos gardiens,
la fermière avait glissé dans la musette d'avoine
une miche énorme de pain avec un appétissant morceau
de lard !
« Les dix derniers kilomètres de l'étape ne furent
marqués d'aucun incident.
La prison de Morhange
« A Morhange, je fus de nouveau reçu dans une
caserne ou plutôt dans une sorte de prison militaire
avec MM. Dumont, Godefroy et Bontemps, tandis que
nos autres amis, M. Just Florentin, maire de Bey ;
M. Rapp, maire de Lanfroicourt, étaient dirigés sur
la prison civile, avec le curé de ce dernier
village.
« Autour de nous les soldats ne cessaient leurs
grossières plaisanteries que pour raconter les
prouesses de leur armée, les victoires impériales
moissonnant par douzaines des drapeaux russes et
français, râfiant canons, mitrailleuses, régiments
entiers sur tous les champs de bataille.
« Jamais le pain ne m'a semblé aussi amer ; il me
brûlait la gorge. Toujours les mêmes privations de
tabac et de nourriture. Toujours la même
interdiction d'échanger une parole avec un être
humain.
Absolument comme les forçats au bagne.
« Quand nos souffrances exhalaient timidement des
récriminations, nos bourreaux disaient que nous
étions mieux traités que leurs soldats.
« Une nuit, les calorifères avaient transformé en
étuve le cachot où je cherchais vainement un peu de
repos. Je suffoquais. La fièvre me battait la charge
aux tempes. J'avais l'impression de cuire dans la
cabine torride d'un hammam et, pour réclamer
l'ouverture d'un vasistas, j'étendis la main vers le
bouton électrique mis à portée des détenus.
« Comme s'ils traînaient derrière eux un arsenal,
les garde-chiourme pénétrèrent armés jusqu'aux
dents, dans ma cellule :
- « Ah ! vous crevez de chaleur. Eh bien, vous allez
changer d'air... » Ils jetèrent ma paillasse dans un
local voisin, avec mes vêtements pêle-mêle, en
pleines ténèbres, et c'est en grelottant que
j'attendis le réveil.
« Les rares visites de l'archiprêtre de Morhange,
des curés qui célébraient la messe à un autel dressé
dans les corridors mêmes de le prison, apportaient
seules quelque adoucissement à nos peines.
« Nul moyen de recevoir les nouvelles du pays. M.
Charles Dumont, jardinier chez Mme de Metz-Noblat,
dont les deux filles sont également en service dans
cette maison, ne put correspondre avec elles ; M.
Just Florentin avait à Morhange un parent qu'on
refusa de laisser pénétrer jusqu'à lui.
« Je passai ainsi cinquante jours et cinquante
nuits. Comment ne suis-je pas devenu fou ?
Dernière étape
« Vers le 20 novembre, notre transfert à'Phalstbourg
fut décidé.
« Le régime ne s'améliora point. Au contraire. On
nous apportait à manger dans une espèce de vaste
baquet où nous devions puiser avec un récipient
ayant la contenance d'une gamelle.
« Nous fûmes cette fois, hébergés dans une colonie
pénitentiaire ; 354 hommes partageaient ma
captivité, et un pain plus noir, plus amer encore
qu'à la caserne de Morhange.
« Huit jours s'écoutèrent dans cet asile dénué
d'agréments. Enfin, le 1er décembre, un avis de
libération nous fit entrevoir le terme de tant de
maux : les otages ayant moins de 18 ans et plus de
60 ans allaient être rendus à leur patrie.
« Par quels transports de joie fut saluée la
nouvelle de notre délivrance, je renonce à vous le
dire ! Avec quel enthousiasme on passa la frontière
à Schaffouse pour pénétrer sur le territoire suisse,
vous le devinez !
« Un accueil, par exemple, que je n'oublierai
jamais, c'est la réception des comités suisses de la
Croix-Rouge. Dans toutes les srares, de Schaffouse à
Genève, on nous accablait de prévenances : ici du
café ou du thé, là des gâteaux ; plus loin des
cadeaux, etc...
« Les acclamations, les souhaits se mêlaient aux
accents de la « Marseillaise » et c'est presque en
triomphateurs que nous arrivâmes, le 4 décembre,
dans la commune d'Annemasse, où la population
savoisienne, comme vous le disait hier M. Hottier,
maire d'Homécourt, s'efforça de nous faire oublier
les tristesses de la prison et de l'exil.
« Quand je pense que, depuis le 2 août, ma fille a
revêtu le costume d'infirmière à l'hôpital
auxiliaire de La Malgrange, qu'un de mes fils sert à
Toul. dans la boucherie militaire, que mon autre
fils se bat sous le drapeau français, que le
pavillon des formations sanitaires flotte sur mes
deux maisons d'Arraye-et-Han, que j'ai vécu trois
longs mois et demi loin de ma femme, de mon foyer,
de mes intérêts, j'ai bien le droit, n'est-ce pas,
d'être fier que cette guerre m'ait permis
d'accomplir mon devoir et de donner un patriotique
exemple. »
ACHILLE LIEGEOIS.
UN "TAUBE" SUR
LUNÉVILLE
En ce
jour de Noël, un « taube » est venu nous visiter ;
il a laissé tomber sur la ville une bombe qui n'a
point fait plus de dégâts que si c'eût été un sac de
dragées. Ne nous étonnons point qu'il y ait une
suite sans plus de dommages.
EN ALSACE
STRASBOURG
Entrée en campagne
Par le récit qu'une de nos concitoyennes a fait de
son séjour à Metz depuis les débuts de l'occupation
allemande, on a su, la semaine dernière, quelles
répercussions, tantôt légères, tantôt profondes, la
guerre eut aux pays annexés sur l'état général des
esprits.
Il n'était pas d'un moindre intérêt de connaître
l'impression ressentie à Strasbourg pendant le même
temps.
Ce fut pour nous une précieuse rencontre que celle
de Mme S..., dont une décision du gouvernement de
Strasbourg vint brusquement interrompre le séjour
dans cette ville auprès de ses enfants qui
exploitaient un fonds de commerce dans le voisinage
de la gare.
- On m'accorda un délai de deux heures, juste le
temps de préparer en hâte une malle. On m'indiqua la
route que je devais emprunter par la Suisse. Cette
mesure s'appliquait à tous les Français que leur
âge, leur situation, leurs relations avaient
jusqu'alors mis à l'abri des tracasseries
administratives. Les Allemands n'avaient décidément
plus confiance qu'en eux-mêmes ! »
Comme à Metz, la vie suit à peu de chose près son
cours normal dans Strasbourg. Les brasseries
regorgent de consommateurs ; la guerre fait
naturellement l'objet de toutes les conversations où
la certitude d'une victoire éclatante et définitive
cesse toutefois de retentir avec l'arrogance de
naguère :
- Au début de la campagne, déclare Mme S..., le
sentiment général s'était accrédité qu'au bout de
six semaines l'armée allemande entrerait
triomphalement dans Paris, en raflant sur son
passage les places-fortes. Quand nous voyions partir
en masses énormes pour la frontière les régiments
venus des garnisons de l'Empire, une pitié, une
angoisse indicibles nous oppressaient, nous
serraient douloureusement le coeur :
« Pauvres Français ! » répétions-nous à voix basse
comme une prière. Dans une partie des milieux
universitaires, quelques femmes de professeurs
semblaient, par moments, s'associer à nos craintes
et, songeant aussi aux formidables chocs des deux
pays, elles disaient comme nous : « Pauvres Français
!. »
Les chasseurs alpins
Pendant les premiers jours d'août, une sublime
espérance envahit l'àme alsacienne. On apprit la
marche heureuse sur Mulhouse. Du coup, l'hypocrite
attendrissement des immigrés s'évanouit. Les
professeurs et leurs sensibles épouses ne
plaignaient plus les Français ; ils critiquaient
leur manière de se battre, la qualité et la
précision de leurs armes, ne reconnaissant de
supériorité qu'au canon de 75 qui répandait chez eux
une extraordinaire terreur :
- Vos soldats tirent trop haut ; leurs fusils ne
valent pas les nôtres... Oui, sans doute, vous avez
en France des chasseurs alpins dont l'intrépidité
défie la mort... mais vous seriez perdus sans votre
artillerie de campagne. »
Parmi les premiers convois de prisonniers et de
blessés, on remarquait principalement les chasseurs
alpins. On se disputait comme des trophées leurs
bérets, les boutons de leur uniforme, que l'on
croyait en argent (sic). Plus d'un fut littéralement
dépouillé. Mme S... cite certains cas où des hommes,
au réveil, se trouvèrent privés de pantalon :
- On leur offrait bien en échange des pantalons à
jambes longues, d'une couleur se rapprochant du bleu
de leur uniforme ; mais ils refusaient avec énergie
; ils protestaient ; ils réclamaient leurs bandes
molletières ; ils juraient de parcourir les rues «
en bannière » ou en caleçon, plutôt que d'y
renoncer. Il y eut des scènes inoubliables. »
Quand l'autorité militaire permit qu'on leur rendît
visite aux hôpitaux, les mêmes hommes furent l'objet
d'attentions, de soins, de cadeaux sans nombre que
les dames de Strasbourg glissaient discrètement sous
leur édredon ou sous leur oreiller.
Tant d'admiration pour les héros d'Altkirch et de
Cernay stupéfiait les immigrés ; une honnête
bourgeoise de Bitschwiller s'écria un jour devant
Mme S..., comme si elle rougissait d'un scandale :
- Ah ! qu'est-ce qu'ils ont donc, vos soldats, pour
être aimés comme ça ! »
Défense de parler français
Bientôt l'emploi de la langue française fut
rigoureusement proscrit. Mme S... conte à ce propos
une savoureuse anecdote.
- J'étais seule dans la boutique ; je venais de
servir un jeune officier. En se retirant il
s'inclina correctement et, sans me souvenir des
consignes, je répondis à son salut par ces mots : Au
revoir ! L'officier se retourna et, avec une menace
de l'index comme on ferait pour un enfant surpris en
faute, il me gronda en souriant : « Vous savez,
Madame, que c'est défendu... » La menace était si
gentille, le rappel à l'ordre était si indulgent que
je devinai sous l'uniforme un coeur d'Alsacien. J'eus
recours cette fois à la langue allemande pour lui
reprocher la même infraction, aimablement : « Ce que
vous venez de me dire là, Monsieur, c'est aussi
défendu... » Et nous partîmes tous deux d'un bel
éclat de rire... »
Il semble, par instant, qu'une longue privation de
sa langue maternelle, ait donné à notre
interlocutrice une habitude dont elle n'est pas
entièrement guérie.
Sans y prendre garde, elle accueille, en effet, nos
questions par des « ya ! ya ! » timides que j'ai
envie à mon tour de réprimer sur le même ton : «
imaginez-vous, Madame; que c'est détendu à Nancy ? »
Autour de la ville
En ce qui concerne les travaux exécutés autour de
Strasbourg, l'accumulation de paille dans certains
édifices en vue de leur destruction par le feu, Mme
S... ignore même ce qu'on a publié ici a ce sujet :
- Personne n'a maintenant accès aux tours de la
cathédrale, déclare-t-elle... On parlait rarement en
ma présence des choses militaires... J'ai appris
seulement que le grand-duché de Bade est rempli de
troupes ; mais, par contre, l'Alsace était dégarnie
à un tel point de soldats, il y a quelques semaines,
qu'un officier avoua le danger en s'écriant : « Si
les Français avaient su !... »
Sans être tenue au courant des préparatifs de
défense, de l'organisation d'un vaste réseau de
tranchées et de mines, Mme S... a cependant saisi
parmi les bribes de mainte conversation assez de
renseignements qui ont laissé dans son coeur plus
d'alarmes que de traces dans sa mémoire :
- Ah ! Monsieur, je ne me rappelle plus ce que les
Boches ont fait dans les environs de Strasbourg.
Mais que nos soldats .., ah ! mon Dieu... que nos
pauvres soldats n'y aillent pas !. Ce serait trop
épouvantable. »
Quelques précautions
La plupart des Strasbourgeois ont accumulé dans
leurs caves des provisions en grandes quantités sans
que ces précautions aient été suggérées ou ordonnées
par une décision administrative :
- La population est en proie à une vague inquiétude,
se borne à constater Mme S... Elle sait que nos
troupes occupent Thann et plusieurs bourgades en
Haute-Alsace. On s'assure éventuellement contre les
risques d'un siège. Pourtant, le commerce marche à
merveille ; les affaires se traitent avec confiance.
Le cours des denrées n'a pas varié ; la viande se
vend bon marché ; le pain a subi à peine une faible
augmentation ; mais les légumes secs deviennent
rares et sont hors de prix.. Encore une fois, on ne
supposerait jamais que la guerre existe en
considérant l'animation des brasseries. Les salles
de spectacle sont fermées ; on assiste à des
représentations cinématographiques ; les films
présentent le kaiser sous toutes ses faces et les
événements sous un jour favorable à ses armées. »
Le Journal d'Alsace-Lorraine a disparu. Les gazettes
pangermanistes s'inspirent toutes de la méthode
inaugurée par le Wolffbureau : le mensonge est élevé
à la hauteur d'une institution d'Etat. Jamais les
feuilles à la dévotion de Guillaume n'ont annoncé,
même avec de prudentes réticences, la bataille de la
Marne :
- La nouvelle que les Français pénétraient en Alsace
et s'y installaient, ajoute Mme S..., est arrivée
quand même jusqu'à Strasbourg. Les professeurs ne
disaient plus que nos soldats tiraient trop haut.
Des trains complets ramenaient les Boches qu'ils
avaient étendus sur le champ de bataille. »
Les jeunes gens et les hommes ayant passé la
quarantaine n'ont pas encore été appelés sous les
drapeaux ; mais l'éloignement des derniers étrangers
indique évidemment une mesure ayant pour but de
cacher un suprême effort de mobilisation ou des
dispositions sur l'importance desquelles l'Allemagne
tient à éviter la plus légère indiscrétion.
- Les Boches auront beau faire... L'Alsace attend sa
délivrance, conclut Mme S..., et tout le monde,
là-bas, souhaite qu'on débarrasse bientôt le pays de
tous les bourreaux qui ont si cruellement retourné
le fer dans ses plaies vives. »
ACHILLE LIÉGEOIS.
AU CHEVET DE
NOS BLESSÉS
UNE VISITE A
L'HOPITAL
DU CAMP DE SAINT-NICOLAS
SAINT-NICOLAS-DU-PORT, ... décembre. - L'austérité
du devoir, la modestie des vrais dévouements n'ont
fleuri nulle part mieux qu'au chevet des victimes de
la guerre.
Nous avons éprouvé une vive satisfaction au cours
des visites des hôpitaux de Saint-Nicolas et de la
Malgrange, si différents dans leurs installations,
si parfaitement semblables dans le fonctionnement de
leurs services, si égaux devant l'éloge que l'on
doit faire du personnel qui prodigue à la fois les
ressources de la science et les trésors d'une
inépuisable bonté à nos soldats malades et blessés.
Il n'y a plus de blessés à Saint-Nicolas.
Depuis que les horreurs du champ de bataille se sont
transportées dans les Flandres, les formations
sanitaires ont cessé d'évacuer en masse les héros
dont le sang précieux coula abondamment devant le
Grand-Couronné. Il y eut de terribles journées :
Courbesseaux et Crévic emplirent les salles
d'opérations. En hâte, chirurgiens et docteurs
donnaient les soins urgents, et, suivant le cas,
dirigeaient sur Nancy ou sur une ville plus éloignée
ceux qui pouvaient supporter les fatigues d'un
nouveau voyage.
C'est en allant porter aux malades les livres, les
brochures, les illustrations, les jeux envoyés par
la générosité des lecteurs de l'« Est républicain »
que nous avons longuement parcouru les chambrées où
s'alignent les humbles couchettes auprès desquelles
infirmiers et femmes de France rivalisent de zèle
dans l'accomplissement de leur tâche..
La caserne du Camp ne comportait guère que des
baraquements séparés par un intervalle qui, doté
d'un nom de bataille ou de général s'appelle
orgueilleusement rue Chanzy ou avenue de Malakoff.
Tout l'héroïsme de notre histoire se retrouve encore
dans la désignation des chambres :
ici pas de numéro d'ordre, mais un souvenir d'épopée
: salle d'Extrême-Orient, salle de Madagascar, etc.
Cela fait partie, sans doute, de la magnifique
méthode d'éducation des chasseurs à pied dans l'Est.
Dès que le ...e bataillon eut quitté le Camp, au
deuxième jour de la mobilisation, la transformation
des locaux, leur aménagement en vue de leur nouvelle
destination, fut menée activement.
La déclaration de guerre interrompait en outre la
construction des pavillons élevés d'un étage qui
motivèrent l'an dernier les fréquentes interventions
des commissions parlementaires d'hygiène.
L'organisation totale du Camp fut très vite
terminée.
Mais, à aucun moment, les médecins-majors ne
constatèrent la gêne ni l'encombrement ; ils
payèrent, comme on dit, de leur personne ; ils
passèrent sans repos les jours et les nuits ; ils
opposèrent en quelque sorte la digue de leur
énergie, de leur volonté, de leur patriotisme au
flot douloureux qui montait vers eux - et
l'obscurité d'un tel sacrifice mérite les hommages
d'une affectueuse reconnaissance.
A quoi bon ouvrir une enquête pour savoir les
résultats obtenus ? Est-ce que les malades ignorent
certains chiffres et manquent de renseignements
exacts sur une statistique où leur confiance puise
des forces morales aussi utiles pour la guérison que
les tisanes et les cataplasmes ?
Il y a peu de cas très graves. La plupart d'entre
nous venaient du Midi ; les premières épreuves du
climat nous ont été pénibles. Les malades amenés au
Camp proviennent de régiments de toutes armes.
Beaucoup d'activé et de réserve ; peu de
territoriale...
Nous allons d'une chambre à l'autre. Partout le même
ordre, la même propreté. La lumière et l'air
circulent. Les magasins de compagnie, vides
d'uniformes et d'équipements, sont pour la plupart
transformés en dépôts de provisions ; trois ou
quatre chambres de sous-officiers sont devenues des
laboratoires, des officines où les pharmaciens
préparent les ordonnances ; les vastes réfectoires
ont servi la semaine dernière à une véritable
représentation de gala, où se firent entendre les
artistes mobilisés des grandes scènes de Paris et de
la Côte d'Azur...
Les cuisines ont reçu une affectation qui satisfait
pleinement aux conditions susceptibles d'en assurer
le service, aussi bien pour l'alimentation ordinaire
que pour les « régimes » si délicats, dont le lait
et les oeufs composent le principal aliment.
Le sol est nettoyé à grande eau; les fourneaux, avec
leurs robinets de cuivre, sont astiqués comme pour
une revue ; le rata fume dans les marmites ;
plusieurs hectolitres de lait tiède emplissent les
vastes récipients de métal ; les cuisiniers
eux-mêmes font plaisir à voir, avec leur face
rubiconde, leur tablier irréprochable, leur
jovialité de boute-en-train.
Nous les complimentons ; ils ont positivement
l'allure de maîtres-d'hôtels chez quelque baron ou
de « chefs » au bouillon Duval :
- Pour sûr qu'on a des références, plaisante l'un
d'eux. Vous ne croyez pas si bien dire. On servait
dans les grandes maisons avant de faire ici la
popote... On s'y connaît en frichti. »
Les lavabos sont admirablement entretenus. Balai et
plumeau ne laissent nulle place où la main ne passe
et repasse. Un souci constant, méticuleux, préside à
l'arrangement des tables, très nettes, des bancs,
des ustensiles de toilette. Le médecin-chef, M.
R..., a ordonné la confection paraît-il, de meubles
« ad hoc » remplissant le triple rôle d'escabeaux,
de bibliothèques et de tables de nuit ; c'est
simple, de bon goût, commode et peu coûteux.
La planche à bagages se charge des pots de tisane ;
le graphique de température a remplacé les «
étiquettes » du paquetage absent ; les murs sont
blanchis à la chaux; une odeur de coaltar imprègne
l'atmosphère convenablement renouvelée par
l'ouverture des vasistas et une ventilation
soigneusement réglée des corridors.
Les infirmiers sont les dignes auxiliaires des
médecins-majors qui multiplient leurs consultations
et mettent sur ces visages d'abord pâlis par la
fièvre, les couleurs vite épanouies de la jeunesse
et de la santé.
Bon nombre de convalescents, au retour d'une
promenade dans les cours, distraient leurs loisirs :
les uns battent une manille, les autres poussent les
jetons sur les cases d'un échiquier, d'autres
s'élancent à la conquête d'une noble héritière parmi
les aventures de cape et d'épée ; ceux-là apprennent
par les illustrations de quelle gloire se couvrent
leurs camarades et les héros des troupes alliées.
Toute cette joie est l'oeuvre de nos lecteurs ; rien
ne leur serait plus agréable que d'entendre les
remerciements dont notre plume est impuissante à
traduire pour eux le charme, la sincérité et la
douceur.
Avant de quitter l'hôtel du Camp, nous sommes entré
dans le « bureau » où le médecin-chef veut bien nous
présenter à ses collaborateurs.
Une aimable surprise nous est réservée ; nous
tombons au milieu d'un groupe de Nancéiens : MM.
K... et L... additionnent des colonnes de chiffres,
préparent les courriers, sous les ordres de M. D...,
officier gestionnaire, chargé, comme son titre
l'indique assez éloquemment, de fournir à ce vaste
établissement, la nourriture, les médicaments,
etc...
La besogne n'est pas mince, je vous prie de le
croire : mais l'officier gestionnaire est de taille
à porter sans défaillance le poids des
responsabilités qu'il assume d'ailleurs avec le
sourire :
- Eh oui ! j'ai un poste intéressant... C'est moi
qui fais le marché, nous dit-il... Chaque matin,
comme une attentive maîtresse de maison, j'achète
viande, légumes, boîtes de conserves ou de lait
concentré, sans compter les oeufs des « régimes »,
les desserts, les friandises qui améliorent le menu
quotidien. »
Le bureau est installé dans une dépendance du mess
des sous-officiers du bataillon. Aux murs, des
photographies, remise de décorations, présentation
du drapeau aux recrues, tableaux offerts par le
commandant Desruelles et ornés d'une patriotique
dédicace.
Dans un angle, la bibliothèque dont les rayons
ploient sous les bouquins à couverture de toile
noire :
- Tenez ! voici un cadeau de la Manufacture des
Tabacs, ajoute l'officier en montrant une vitrine
pleine de paquets de cigarettes. Joli cadeau,
n'est-ce pas ? Les fumeurs ont de quoi se régaler.
L'administration nous promet 30.000 cigarettes par
mois. J'en distribue aux convalescents, heureux de
l'aubaine que l'Etat ajoute ainsi aux envois de la
Croix-Rouge et des souscriptions en faveur des
hôpitaux militaires. »
De son côté, le médecin-chef, M. R..., ne tarit
point en félicitations sur l'oeuvre accomplie au
milieu de difficultés sans nombre par les six
médecins-majors qui dépensent un courage, une
opiniâtreté, une sollicitude, une abnégation que
n'ont jamais abattus ni troublés un seul instant les
terribles épreuves de la guerre. Ils ont travaillé
presque sous le feu de l'ennemi :
- Les obus allemands tombaient en face de nous, en
réponse aux tirs du Rembêtant, nous dit-il. »
Maintenant, c'est le repos ; c'est ce qu'on
pourrait, par comparaison avec l'effroyable besogne
du début, appeler la vie de château, une vie aimable
et tranquille, dont les malades apprécient mieux
encore les bienfaits.
LUDOVIC CHAVE.
LE 45e
BOMBARDEMENT
DE PONT-A-MOUSSON
Un des
collaborateurs du Temps a reçu d'une de ses
parentes, qui réside à Pont-à-Mousson depuis
l'ouverture des hostilités, et qui a refusé de le
quitter, une lettre pleine d'héroïque simplicité.
Nous en extrayons le passage suivant :
...Depuis le mois d'août, nous habitons rue
Magot-de-Rogéville ; on y est plus à l'abri ; les
rez-de-chaussées surtout y sont confortables. Il n'y
a plus guère de monde en effet qui couche dans les
étages, surtout au deuxième. Presque tous les
quartiers de la ville ont reçu des obus ; le plus
grand nombre est tombé à Saint-Martin et sur notre
pauvre cimetière. Il est tellement ravagé, ce pauvre
champ des morts, qu'on croirait à un vrai
tremblement de terre. Les obus allemands ont soulevé
ici des cercueils, là des cadavres, ailleurs des
ossements : c'est un spectacle affreux. La rue des
Jardins a été souvent atteinte ; un obus est tombé
sur la maison des Soeurs, place Saint-Antoine ; il
s'est heureusement arrêté au premier étage, au coin
d'une cheminée. Beaucoup d'autres maisons ont leurs
toits crevés, ou leurs toitures percées à jour comme
de la méchante dentelle. Le jour de la Toussaint,
pendant les vêpres, des shrapnells ont été tirés sur
l'église, les éclats ont détérioré tous les vitraux.
Les Allemands savaient qu'il y avait beaucoup de
monde ce jour-là dans l'église ; ils ont choisi
exprès l'heure des vêpres pour exécuter leur tir ;
heureusement leur but n'a été atteint qu'en partie ;
il n'y a pas eu de victimes.
C'est le 5 septembre que le tocsin sonna pour
avertir les habitants de l'approche des Allemands.
Les Français firent sauter le pont sur la Moselle,
mais cinq heures après, les Allemands entraient dans
la ville par les quartiers de Saint-Martin et de
Saint-Laurent. A la vue des Prussiens, notre coeur se
serra ; leurs bataillons compacts arrivaient en
chantant, mais le lendemain nos soldats, qui
s'étaient retirés par stratagème, leur tirent payer
cher leur audace. Les Prussiens furent écrasés près
de Jazainville et près de Sainte-Geneviève. Ils
eurent 5.000 tués et plus de 8.000 blessés. Ils
ramenèrent ces derniers au galop dans des trains et
des automobiles et brûlèrent leurs cadavres en les
inondant de pétrole pendant trois jours. Le 9, ils
reçurent du renfort et revinrent place Duroc où ils
organisèrent un concert. Ils chantèrent aussi dans
les cafés. Nous étions enragés. Pour comble de
malheur, nous fûmes obligés de loger neuf d'entre
eux, un officier et huit soldats. L'officier parlait
très bien le français ; il fut très convenable,
défendit très sévèrement qu'on nous manquât de
respect ou qu'on nous prît quoi que ce soit. Cet
ordre fut exécuté à la lettre par les soldats. Dans
la nuit du 10, ils eurent une grande alerte et
s'enfuirent, en toute vitesse. Le lendemain matin,
il n'en restait plus un ; nous étions folles de
joie. Quelques jours après, il en revint
quelques-uns en patrouille ; nos soldats les tuèrent
tous jusqu'au dernier. Les Prussiens avaient compté,
en entrant à Pont-àMousson, que la viile était à eux
pour toujours ; c'est pourquoi ils ne commirent pas
d'atrocités ; dans d'autres maisons que les nôtres,
cependant, ils volèrent tout ce qu'ils purent. Il
est certain que s'ils étaient restés longtemps, nous
n'aurions plus rien eu à manger ; ils
réquisitionnaient le pain, vidaient les magasins en
payant, arrachaient dans les champs toutes les
racines et toutes les cultures et chargeaient le
tout sur des voitures qui prenaient toutes la route
de Metz. Ils avaient mis un drapeau allemand à la
mairie et à l'horloge, ils avaient marqué l'heure
allemande. On a trouvé dans plusieurs maisons des
énormes caisses de pastilles incendiaires qu'ils
avaient distribuées à tous les coins du village, et
qui, aujourd'hui, sont à la mairie.
RETOUR D'OTAGES
Les Frères Samain
sont vivants
M. Hottier, le maire d'Homécourt, nous apporte de
leurs nouvelles.
Nancy,
25 décembre.
L'ARRESTATION
Ah ! certes, M. Jean-Pierre Hottier, le vénérable
maire d'Homécourt, n'aurait jamais supposé qu'il
retomberait un jour aux mains des Boches.
En 1870, il servait dans une batterie dont son
brigadier et lui furent les derniers survivants
entre Saint-Privat et Amanvillers.
Il y avait autour de sa pièce plus de biscaïens que
de cailloux... Lutte terrible. Le souvenir de cette
journée revivait sous la forme d'un ruban vert et
noir dont M. Hottier ornait sans forfanterie sa
boutonnière.
Quarante-cinq ans après, dans la nuit du 3 au 4
août, ce fut dans son lit cette fois - et non plus
sur le champ de bataille - qu'un capitaine allemand
le fit prisonnier.
Le maire d'Homécourt dormait tranquillement. Un choc
brutal à sa porte, une sommation l'éveillèrent en
sursaut. fi ouvrit. Un officier se dressait devant
lui, revolver au poing, lui ordonnait brutalement de
se vêtir en toute hâte.
- Je crus d'abord qu'on allait me conduire à la
mairie pour une perquisition en ma présence, raconte
M. Hottier. J'avais dans mon portefeuille le
courrier, quelques pièces administratives. Je jugeai
inutile d'emporter die l'argent. De mon mieux, je
rassurai ma femme inquiète. J'étais à cent lieues de
deviner ce qu'on voulait faire de moi.
Le brave maire d'Homécourt devait effectivement être
traîné devant un conseil de guerre, jeté sur la
paille humide des geôles, enfermé dans une
forteresse des bords du Rhin ; il ne devait revenir
en Lorraine qu'hier, avec une dizaine d'otages dont
l'odyssée est aussi douloureuse que la sienne.
MAIRE ET CURÉ
Au moment même où il se rendait, hier, à la
convocation de M. Mirman, nous avons eu la joie de
causer avec lui quelques instants à la préfecture de
Meurtheet Moselle :
- Oui, j'ai beaucoup souffert, nous ditil. De telles
épreuves pour un homme de mon âge sont très dures.
Je croyais ne plus revoir la France. Et, pourtant,
j'ai rencontré sur la terre étrangère, en prison,
d'autres hommes qui gardent au coeur une foi
inébranlable et qui ont souvent raffermi mon espoir
chancelant dans les destinées de notre chère patrie.
»
M. Hottier ne quittait pas seul sa commune. On
emmenait avec lui le curé, M. Varin. Ils avaient
tous deux été dénoncés par un espion nommé Maguer,
habitant chez ses parents, à la Petite-Fin, dont les
rapports serviraient bientôt de base à l'acte
d'accusation dressé contre eux par les autorités
allemandes.
Maire et curé furent conduits d'abord à Malancourt
où siégeait l'état-major :
- Mon compagnon était plus malheurreux que moi. On
ne lui avait pas laissé le temps de prendre son
chapeau ni de mettre ses bas ; il était vêtu
uniquement die sa soutane ; il marchait avec de
méchantes savates. Son confrère de Malancourt
habilla le pauvre ecclésiastique.
L'interrogatoire de M. Hottier lui causa une peine
affreuse. Les injures, les brutalités accablèrent le
vieillard :
Ils me fouillèrent, saisirent mon porte-monnaie
contenant une somme de 27 fr., mes papiers. Mais la
pire des souffrances me déchira le coeur, quand les
mains de l'officier boche arrachértent mon pauvre
ruban de 1870, mon humble décoration. C'était comme
si une dégradation me suppliciait... »
DEVANT LE CONSEIL DE GUERRE
Les infâmes rapports de l'espion Maguer devaient
ailleurs porter leurs fruits : MM. Hottier et Varin
furent transférés à Metz et traduits en effet devant
un conseil de guerre. on reprochait au premier
d'avoir organisé une compagnie de francs-tireurs ;
on articulait à l'égard du second un autre grief,
celui d'avoir exhorté plusieurs jeunes gens des pays
annexés à contracter un engagement dans la légion
étrangère.
Un double acquittement termina les débats.
Mais M. Hottier ne fut point traité avec plus de
ménagements. Cinq jours, il gémit entre les murs
d'une cellule. Le régime comportait café sans sucre
au matin ; soupe au lard - et quel lard ! - pour le
déjeuner, puis, de nouveau, un pieu de café - et
quel café ! - pour le repas du soir. Quant au pailn,
c'était une sorte de pâte immangeable que les
prisonniers s'empressaient de jeter dans les poêles
où, d'ailleurs, il ne brûlait pas :
- Quand nos gardiens ont su que nous faisions de
leur pitance un tel cas, ajoute M. Hottier, ils nous
ont menacés d'un régime plus sévère encore...
Une généreuse intervention se produisit. M. Winsbach,
ancien pharmacien, réussit à faire fléchir la
rigueur de certaines consignes. Il jouissait à Metz
d'une haute estime. Il employa ses relations, son
influence, sa connaissance des langues allemande et
française, tantôt à recommander les malades aux
soins des médecins, tantôt à nous communiquer les
nouvelles du dehors, tantôt à remplir les fonctions
d'interprète pour exprimer nos désirs ou transmettre
nos explications ; ce sont là des services que
n'oublieront jamais les otages à qui M. Winsbach les
rendit avec un infatigable dévouement.
Le médecin-major consultait les prisonniers trois
fois pair semaine ; mais M. Winsbach les visitait
régulièrement tous les jours et leur apportait le
réconfort, les témoignages de sympathie, les paroles
d'encouragement nécessaires pour relever l'énergie
morale que la tristesse d'une telle situation avait
déjà ébranlée.
UNE CITADELLE PRUSSIENNE
Les otages quittèrent Metz au bout d'une semaine.
L'ordre vint de les transférer dans la citadelle d'Ehrenbreistein,
sur le Rhin, à trois kilomètres de Coblentz.
Là, du moins, le gouvernement impérial n'aurait rien
à craindre de ses ennemis :
- de hautes murailles défiaient l'escalade et
rendaient vaines toutes tentatives d'évasion ; une
escouade de vigilantes baïonnettes donnait à
réfléchir :
- Il y avait à Ehrenbreistein 232 prisonniers
français, exactement, nous dit M. Hottier. Entre
eux, la glace fut vite rompue. Metz et Thionville
étaient représentées par 117 personnes, parmi
lesquelles deux femmes seulement, la soeur du curé de
Lorry-devant-Metz, une excellente Française, dont
quatre neveux servent sous les drapeaux (l'un a le
grade de commandant), et Mme la baronne de
Guentrange, arrêtée sous prétexte qu'elle élevait
dans son colombier des pigeons voyageurs. »
M. Hottier parle avec attendrissement de ces femmes
au coeur noble et charitable. Mme de Guentrange est
venue en aide aux gens de la campagne, aux ouvriers
agricoles que les Boches avaient saisis dans leurs
masures ou enlevés à leurs charrues en plein travail
; elle paya de ses propres deniers des costumes
neufs, du linge, des chaussures à tous les
malheureux dont sa compagne séchait les larmes,
consolait la détresse, ranimait la confiance par
l'exemple d'une admirable fermeté.
- Il y avait là, continue le maire d'Homécourt, le
député thionvillois, M. Zimmer ;, des Messins dont
le nom a été souvent prononcé et que l'on crut
longtemps fusillés, les frères Alexis et Jean
Samain, entre autres, M. le docteur Urbain, un des
collaborateurs de M. Jean au « Souvenir Français »,
M. l'abbé Riss, fondateur d'une revue et d'oeuvres
s'inspirant du même esprit, M. Prevel, directeur
d'une banque d'escompte et de crédit commercial, M.
Lambert, rédacteur du « Lorrain ».
Alexis Samain, le président de la « Lorraine
Sportive », savait que le bruit de son exécution
s'était répandu en France ; il avait essayé de le
démentir ; sa correspondance ne pouvait échapper au
réseau étroit de surveillance qui l'enveloppait. A
la fin, il avait pris son parti et acceptait
volontiers son rôle de fusillé par persuasion.
- Quand vous arriverez à Nancy, recommanda-t-il à M.
Hottier, n'oubliez pas que l'« Est républicain » a
montré pour notre cause et pour moi beaucoup de
sympathie. Portez-y de mes nouvelles. Répétez,
surtout que je suis vivant, que mon frère est vivant
et que nous comptons bien nous retrouver un jour
ensemble. »
LES FRÈRES SAMAIN
Soit que nous ayons passé chez eux de trop courts
instants au lendemain de la dissolution de leur
société en janvier 1911, soit que nous ayons échangé
quelques paroles avant leur comparution devant la
Cour suprême de Leipzig ; soit que nous ayons eu le
plaisir en mainte circonstance plus heureuse de nous
rencontrer encore avec Alexis et Jean Samain dans
des fêtes patriotiques, il est impossible d'oublier
de tels hommes.
- Ils n'ont pas changé, poursuit M. Hottier. L'aîné
a maintenant le visage encadré d'une barbe épaisse ;
l'autre a toujours les lèvres couvertes à peine
d'une fine moustache. Mais la même flamme de volonté
brille dans leurs yeux. Ah ! nous n'avions pas
besoin de grands mots pour nous comprendre ; quelque
chose de mystérieux avertissait les Messins réunis
dans, la citadelle, qu'une pensée, un espoir commun
rapprochaient leurs âmes. »
- Comme par hasard, déclare malicieusement M.
Hottier, nous voyions monter des batteries sur les
plate-formes de la citadelle et les soldats
racontaient avec naïveté que l'on creusait chaque
jour de nouvelles tranchées autour d'Ehrenbreistein...
Malgré les succès annoncés par leurs journaux, les
Aillemands éprouvaient donc le besoin de consolider
leur défense ; cela suffisait à nous renseigner sur
la sincérité. des gazettes. »
Pendant le séjour à Ehrenbreistein, la femme d'un
otage messin apporta deux ou trois fois des
nouvelles du pays de Briey.
La visite d'un instituteur permit également de
savoir que M. Bastien, maire de Joeuf, avait été, lui
aussi, emmené par les Boches, au mois de septembre.
En raison de son état de santé, M. Bastien ne
dépassa pas Montois ; il fut reconduit à Joeuf, où il
resta en prison.
EN ROUTE POUR LA FRANCE !
Le 20 novembre, M. Hottier et quelques-uns de ses
compagnons apprirent que les otages âgés de plus de
soixante ans allaient être rendus à leur pays :
- J'ai voyagé pendant deux jours à travers le
grand-duché de Bade, dit-il. Nous avons passé la
frontière suisse à Shaffouse. Un accueil
enthousiaste nous attendait de l'autre côté ; mais
notre arrivée sur le sol français à Annemasse fut
saluée par une réception plus cordiale encore. Les
comités de la Croix-Rouge, la population
savoisienne, ont rendu agréable mon séjour dans la
petite commune de Mornex. Quels braves gens que les
Savoyards ! J'ai vécu parmi eux pendant trois
semaines et je vous garantis que les réfugiés,
là-bas, sont presque tentés d'oublier la perte de
leurs biens, l'amertume de leur condition, toutes
les horreurs, les atrocités de la guerre ! »
Parce qu'il justifiait de moyens d'existence, qu'il
put fournir des références, établir qu'en Lorraine
des intérêts réclamaient sa présence, on délivra au
vétéran, non sans regret, un laissez-passer gratuit
jusqu'à la gare d'Is-sur-Tille :
- Le diable m'emporte ! on voulait me retenir
prisonnier en Savoie. mais cette fois pour me
choyer, m'entourer de soins, d'affection, de
dévouement. J'ai fait à mes frais le reste du
voyage... Ah ! j'avais hâte d'atteindre Nancy, de me
rapprocher du foyer, de revoir ma pauvre commune
dont j'attends anxieusement des nouvelles... Revoir
Homécourt, délivré des Prussiens, comme je serai
heureux ce jour-là !. »
ACHILLE LIÉGEOIS.
UN ZEPPELIN SUR
NANCY
Paris,
26 décembre, 15 h. 18.
Un Zeppelin a survolé Nancy, ce matin, à 5 h. 20. Il
a jeté quatorze bombes sur la ville.
Deux habitants ont été tués et deux autres blessés.
Quelques maisons particulières ont été endommagées.
Aucun édifice public n'a été atteint.
AU PAYS DE
BRIEY
Villerupt,
Villers-la-Montagne, Roman, Tillaucourt, Herserange,
Pierrepont, Longlaville, Briey, Joeuf, Crusnes.
Nous
extrayons du « Bulletin de Meurthe-et-Moselle » les
renseignements suivants qu'il donne dans son dernier
numéro :
VILLERUPT
Villerupt a son église et quelques maisons
incendiées, mais il est inexact qu'on ait fusillé
des habitants.- Saulnes n'a pas été touché. A
Hussigny une trentaine de maisons sont brûlées.
Entre autres celles de MM. Mirgaine, Pierson,
Perroudon, Anglesson, Frantz, Berquin Alfred, J.-B.
Gilles, Fontaine, Aubrion, François, Gille, Veber,
Phang, Morand, Mathon, Barthélemy, Hoison, V. Tarnus,
Fordoxel, Félix Willens, veuve Gauche, Bodson,
Boncourt, Lallemand, Willaume, l'atelier Toulemonde,
les remises Marasse et Wilbern ; la poste, le bureau
de police, la mairie, l'église, la gendarmerie, la
moitié de la caserne.
VILLERS-LA-MONTAGNE
A Villers-la-Montagne, tout le haut du village est
brûlé. Pendant le siège de Longwy, la population a
été mise en avant des batteries allemandes. MM.
Haut, Houdard et le curé ont été emmenés prisonniers
en Allemagne, sous l'accusation d'avoir donné asile
à des pigeons égarés.
TILLAUCOURT
A Tillaucourt, le maire a été fusillé parce qu'on a
trouvé une arme dans le village.
ROMAN
Les femmes de Roman ont été emmenées à Esch. Là, les
soldats leur jetaient des croûtes, des os, des chons
de lard en guise de nourriture. Elles furent enfin
délivrées par un officier allemand que, tout de
même, une pareille goujaterie écoeura et renvoyées
chez elles avec quelque argent. »
HERSERANGE
Une femme d'Herserange a quitté ce village il y a
quelques jours. Nous l'avons interrogée sur ce qui
s'est passé dans ce pays depuis le début des
hostilités.
Elle nous affirme qu'aucune maison d'Herserange n'a
été incendiée et qu'une seule personne a été mise à
mort, une dame Lecoq, fusillée par les Allemands
parce qu'elle avait été rencontrée dans la rue après
7 heures du soir, heure à partir de laquelle - aux
termes des règlements militaires - aucune personne
n'est plus autorisée à quitter sa maison.
Le village n'a pas été pillé, mais a été fortement
pressuré par les réquisitions. On a réquisitionné
toutes les couvertures, les machines à coudre, etc.
Pour être épargné, le village a dû verser 12.000
francs.
L'usine de Senelle est peu endommagée; elle n'a reçu
que quelques obus pendant le bombardement de Longwy.
Les troupes d'infanterie allemande qui occupaient le
pays ont été retirées il y a quelques jours et
remplacées par des uhlans.
Tous les jeunes gens de 15 à 20 ans et tous les
hommes jusqu'à 45 ans ont été dirigés sur
Audun-le-Tiche, où les Allemands les font travailler
et leur versent un salaire journalier de 50
pfennigs.
Dans le seul village d'Herserange, il y a 95
prisonniers. La même mesure a été prise dans toutes
les localités du bassin.
On nous avait dit, précédemment, que le quartier
Saint-Louis, à Longwy, avait été sérieusement
endommagé. On nous précise aujourd'hui que, parmi
les principaux immeubles incendiés, se trouve la
maison habitée par M. Perignon, maire de Longwy.
Plusieurs personnes ont été tuées par Les obus lors
du bombardement, notamment les jeunes Laurent et
Dillon, âgés de 14 et 15 ans.
PIERREPONT
D'après le Secolo, les Allemands sont entrés le 22
août à Pierrepont. Ils ont fusillé un Italien, nommé
Severin Detona, et un Français nommé Zaanth, âgé de
62 ans.
Les deux cadavres ont été trouvés dans un bois à un
kilomètre environ de Pierrepont, liés ensemble.
LONGLAVILLE
On nous signale la mort de M. Georges, qui tenait le
Café du Midi. Les Allemands l'ont fusillé avec sa
femme et ont brûlé sa maison.
BRIEY
Plusieurs de nos réfugiés de la région de Briey nous
ont demandé s'il est vrai que le docteur Giry a été
tué à l'ennemi.
Nous pouvons rassurer ses nombreux amis. Nous avons,
en effet, reçu il y a quelque temps, du docteur Giry,
une lettre nous rassurant complètement sur son sort.
Ce qui a donné naissance au bruit qui avait couru de
la mort du docteur Giry, est probablement le fait
suivant :
La 1er novembre, une « grosse marmite » tombant sur
la maison où se trouvait le docteur Giry, éclatait à
ses pieds dans le vestibule, au moment où il allait
monter à cheval.
Englouti et asphyxie sous des matériaux de toute
sorte, il fut amené à Dunkerque pour y être soigné.
Un de ses hommes, qui tenait le manteau qu'il allait
endosser, avait eu le, crâne fracturé. Deux soeurs
ont été blessées.
Le docteur Giry n'avait aucune blessure apparente,
mais avait reçu une commotion intense.
- Grâce aux soins qui lui ont été prodigués, il est
aujourd'hui complètement rétabli et a insisté pour
reprendre son service.
Il est actuellement médecin-major, médecin-chef de
l'hôpital Jean-Bart, à Dunkerque.
JoeUF
La situation est assez calme.
Les familles Bastien, Bosment, Mlles Wansdorff,
Marcelle Grançois, Brunier, Pazin, Mme Baudouin sont
en bonne santé. M. l'abbé Schneider est prisonnier.
M. l'abbé Blin est mort à Consenvoye.
Dans beaucoup de villages environnants les femmes
sont obligées de travailler pour l'équipement des
troupes.
Malavillers est complètement détruit.
CRUSNES
Il n'y a pas eu de combat important à Crusnes ; un
lêger engagement seulement avec les douaniers lors
de l'arrivée des Allemands.
Les Allemands ont fusillé à Dudelange MM. Bernard
père et Michel, marchand de vins, après leur avoir
fait creuser leur fosse.
Dix-sept personnes ont été fusillées à Sancy, dont
MM. Eug. Belfort et ses deux fils, Dieudonné,
peindre, et son fils Joseph, Ch. Belfort, la garde
du château, Mannia, Hallé Joseph.
Attaques et
contre-attaques
SONT HEUREUSES
Sensibles progrès en Alsace
Bordeaux, 26 décembre, 16 heures..
Canonnade peu intense sur le front entre la mer et
la Lys, où un brouillard épais a paralysé les
opérations.
Entre la Lys et l'Oise, nous avons repoussé
plusieurs attaques ennemies, à Noulette, ouest de
Lens, à La Boisselle, nord-est d'Albert, à Lihons,
ouest de Chaulnord-est nes, où une tranchée prise à
l'ennemi a été perdue, puis reprise après un vif
combat.
Entre l'Oise et l'Aisne, on nous signale que, dans
la journée du 24, une très forte attaque allemande a
été repoussée à Chivy, nord-ouest de Soupir.
Dans la région de Perthes, notre artillerie a fait
taire les batteries qui bombardaient les tranchées
récemment conquises par nos troupes ; deux fortes
contre-attaques allemandes ont été refoulées dans la
nuit du 24 au 25.
Hier, une nouvelle contre-attaque particulièrement
importante a subi un échec complet.
En Argonne et entre Meuse et Moselle, rien à
signaler.
En Haute-Alsace, la journée a été marquée par de
sensibles progrès. Devant Cernay, nous avons atteint
la lisière des bois sur les collines de l'ouest de
la ville ; nous nous y sommes maintenus malgré
plusieurs contre-attaques.
Nous occupons les lisières d'Aspach-leBas et les
hauteurs qui dominent Carspach à l'ouest.
LES NOUVELLES
DU PAYS MEUSIEN
Du « Bulletin
Meusien » :
MONTMÉDY
M. le docteur Thirion, de Montmédy, qui habitait
cette ville depuis sa récente mise à la retraite,
avait repris du service depuis le début de la guerre
; il était médecin-major et séjourna dans cette
ville jusqu'au 23 octobre, date à laquelle les
Allemands l'emmenèrent en Allemagne. Il vient d'en
rentrer, par voie d'échange, avec d'autres médecins
militaires allemands, et a confié à un habitant de
Virton qui voyageait avec lui depuis la Suisse que,
jusqu'au 23 octobre, il n'y avait à Montmédy ni
dégâts, ni vexations ; la population était, nourrie
suffisamment et des convois de farine y étaient
amenés par les Allemands chaque semaine. Le nouveau
corps d'occupation allemand était d'ailleurs moins
brutal que le premier.
D'autres correspondants racontent que le tunnel,
détruit par la garnison française, y serait réparé
et que les Allemands auraient employé tous les
habitants valides à déblayer celui-ci pour rétablir
la circulation des trains. (Sous toutes réserves,
bien entendu.)
APREMONT-LA-FORÊT
On nous écrit d'Ernecourt que plusieurs habitants d'Apremont,
enlevés comme prisonniers le 24 septembre, sont
rentrés d'Allemagne le 11 novembre. Le maire, M.
Eugène Charrois, a été emmené en otage avec vingt
hommes de la commune le 24 septembre, et depuis on
ignore ce qu'ils sont devenus. Sa femme, emmenée en
même temps qu'eux, est réfugiée ici. On a écrit de
divers côtés pour avoir de leurs nouvelles, mais
sans résultat jusqu'ici.
SAINT-JULIEN ET BONCOURT
On nous écrit, à la date du 10 décembre, de Commercy
:
« Ici, nos pauvres pays sont bombardés
Quotidiennement ; des villages de cette région ne
seront bientôt plus que des ruines. A Saint-Julien,
nous avons eu à déplorer, ces jours derniers, la
mort de deux civils tués : MM. Martin père et fils.
A Boncourt, un civil, Mme Girot-Remy, a succombé aux
suites d'une blessure d'obus à shrapnells.
THONNE-LA-LONG
Nous apprenons la mort de M. Cordier, instituteur de
cette localité, qui a été inhumé à Haumont-les-Samogneux.
DAMVILLERS
On nous a annoncé dernièrement qu'un quartier
général allemand était installé au village de
Réville, à quelques kilomètres nord de Damvillers.
Dans cette première localité les autorités
militaires allemandes n'auraient jugé aucune demeure
digne de les abriter et auraient fait construire à
leur usage personnel!, hors de la ville, un grand
bâtiment démontable en bois.
MARVILLE
Nous apprenons la mort de M. Edmond Mouton, ancien
maire de cette commune, frère du général Mouton, et
de l'ancien conseiller général de Dun.
STENAY
Les journaux publient une information de Milan, en
date du 16 décembre, annonçant que d'après une
dépêche officielle le kronprinz a établi à Stenay
son quartier général, probablement au château des
Tilleuls, déjà occupé par lui antérieurement.
ARRONDISSEMENTS DE MONTMÉDY ET VERDUN
Le 9 septembre, à Billy-les-Mangiennes, le bas du
village et la rue habitée par M. Marc, maire, sont
abîmés et brûlés ; à cette date, il restait
soixante-dix personnes au début de décembre, il ne
devait plus y avoir que le curé-doyen et trois ou
quatre personnes.
A Nouillonpont, une vingtaine de maisons démolies ;
aucune d'incendiée et personne de tué.
Pillon est brûlé en partie ; il y reste 30
personnes.
A Duzey, quatre ou cinq maisons défoncées avec
l'église ; pas d'incendie.
A Rouvrois, aucun dégât.
Etain n'existe plus pour ainsi dire, ainsi qu'Eton.
Amel est très abîmé, Senon un peu moins, Loison est
abîmé également.
Bouligny ne doit pas avoir souffert ; Spincourt est
en partie brûlé.
L'église de Saint-Pierrevillers est abîmée ; une rue
d'Arrancy est brûlée.
Les troupes allemandes sont assez nombreuses dans la
région, qui est néanmoins tranquille et le
ravitaillement en denrées nécessaires est assez
facile.
Mogeville, Maucourt, ont été repris par nos troupes
et fortifiées d'une façon très solide.
Le 13 décembre, nos troupes ont bombardé Montfaucon
; les Allemands ont fortifié Romagne-sous-les-Côtes
et toutes les hauteurs voisines.
A Charny, de grosses pièces ont été installées aux
environs pour bombarder la population de Romagne.
On nous écrit d'ailleurs :
Maucourt presque entièrement brûlé par les
Allemands, Moge ville, Fromezey également. Nous
occupons Ornes, qui n'est pas beaucoup abîmé.
Grémilly est occupé par nos patrouilles. Amel est
presque entièrement détruit. Senon a moins souffert.
Quelques maisons brûlées et abîmées par les obus,
une partie du clocher est tombée.
Ces deux pays sont occupés par l'ennemi et
retranchés, le pays'entouré de fils barbelés. A
Spincourt, le centre abîmé, clocher détruit, les
Allemands en ont fait un centre de ravitaillement
avec chemin de fer à voie régulière, passant à
Vaudoncourt, Billy, Haut-Fourneau, s'engageant dans
la forêt pour le ravitaillement des troupes qui sont
à Romagne. Mangiennes est occupé par un régiment
d'infanterie allemand avec l'état-major, n'a pas
trop souffert.
Nouillonpont a très peu souffert. Muzeray, Rouvrois,
Saint-Pierrevillers également.
CANTON D'ETAIN
Eix, Moulainville, les Prussiens n'y sont pas venus.
Alors rien.
Abaucourt : quelques obus marmites sont tombés au
milieu du pays tuant six soldats d'infanterie et
faisant des blessés (devant la mairie) ; pas de
dégâts matériels, quelques carreaux cassés. Haucourt
rien. Herméville est bien abîmé par les obus,
quelques maisons incendiées dans le centre du
village. Warcq occupé par nos troupes a souffert
beaucoup, les fermes environnantes brûlées.
RÉGION SPINCOURT-ÉTAIN
Un de nos amis, officier, nous communique de
nouveaux renseignements sur la région Spincourt-Etain
:
Mangiennes, Billy Pierrepont, Pillon, Mouzerey sont
fortement abîmés. A Billy, les habitants ont été
emmenés à Zvickau (83 personnes), dont le curé, les
familles Tonnelier. Robinot, Piernet, Humbert,
Mantoulet, Collignon, Alexis Lecomte.
SAINT-JEAN-LES-BUZY
M. Watrin, 58 ans, a été emmené en Saxe par les
Allemands ; sa femme est restée au pays.
VIÉVILLE-SOUS-LES-COTES
Les Allemands ont fait prisonnier un jeune homme de
18 ans, M. Léon Rodrigue, et l'ont emmené chez eux.
AUBRÉVILLE
Bombardement tous les jours deux fois. Le 4
décembre, 21 obus le matin, 5 de soir. Un de ceux-ci
est tombé sur le fumier de M. Vitry, a crépi de
purin toute la façade de la maison et brisé les
fenêtres à quelques pas du presbytère et de l'école
des filles. Un autre est tombé sur la maison de soeur
A...
NEUVILLE
Neuville est aussi bombardé. Il reste peu de choses.
Le presbytère est brûlé, l'église endommagée.
DES BOMBES SUR
NANCY
Vendredi 25 Décembre
Un avion allemand a de nouveau survolé Namcy
vendredi matin ; il a lancé sur notre ville deux
bombes qui, fort heureusement, n'ont fait aucune
victime, causant seulement quelques dégâts
matériels.
Il était près de neuf heures et demie du matin
lorsque l'attention des passants fut attirée par la
présence d'un biplan voilant à une grande hauteur et
dont la forme indiquait qu'il appartenait à nos
ennemis.
L'avion lançait deux bombes, l'une tombait rue de
Mon-Désert, 26, sur un bâtiment dépendant des
ateliers de la maison Fortin-Hanrion, fabricant de
cordages et literie, rue Saint-Dizier.
Le projectile perçait dans la toiture un trou d'un
diamètre de vingt centimètres, traversait le
plancher du premier étage et arrivait sur celui du
rez-de-chaussée où il brisait une planche sans faire
explosion, malis en dégageant une épaisse et forte
fumée noire qui fit croire aux voisins qu'un
incendie venait de se déclarer.
On avertit les sapeura-pompiers qui arrivèrent en
toute hâte ; mais ils n'avaient pas à intervenir,
car la bombe n'avait provoqué le moindre sinistre.
Les carreaux des baies d'éclairage n'avaient même
pas été brisés ; aucun objet n'avait été renversé et
une forte odeur de sulfure se répandait dans
l'atelier.
Un employé de la maison Hanrion-Fortin ramassa le
projectile brisé en diverses parties, qui fut remis
à un gardien de la paix qui le transporta aussitôt
au bureau central de police.
Peu après, un inspecteur de la sûreté en fouillant
avec sa canne dans le trou fait dans le plancher y
découvrit l'hélice, se trouvant à la partie
supérieure de la bombe.
La deuxième bombe est venue s'abattre sur la toiture
de l'hôtel de la Poste, place de la Cathédrale, dans
la partie qui prend jour sur une cour intérieure du
côté du couvent des soeurs de l'Espérance.
Le projectile atteignit la partie du toit formant
mansarde,près d'une fenêtre donnant le jour à la
chambre n° 47.
La bombe, en faisant explosion, produisit une forte
détonation, elle brisa entièrement une poutre de
près de quarante centimètres de côté, fit un trou
énorme dans la toiture, couvrant de plâtras Le lit
et toute la chambre, réduisant en miettes une glace
apposée au mur.
L'armoire et les autres meubles subirent également
de forts dégâts.
Un morceau de plomb de la toiture arraché par
l'explosion est allé tomber dans le jardin du
couvent où une soeur le rainassa, Un morceau de fer
servant de poignée à La bombe y fut également
trouvé, ramassé et remis à la police, Plusieurs
vitres des fenêtres de la maison religieuse ont été
également brisées par des éclats ; l'un d'eux est
allé se loger dans la paroi d'un couloir, après
avoir traversé une porte.
Des débris d'ardoise et de bois provenant de la
toiture de l'hôtel jonchaient le sol du jardin.
La déflagration fut tellement violente que, dans la
cuisine, située sous une véranda au pied du bâtiment
où la bombe s'était abattue, Mme Dottenville, qui
s'y trouvait, fut projetée à quelques mètres.
Elle n'eut fort heureusement qu'une légère foulure
du pied.
M. Simon, maire, prévenu, s'est rendu à l'hôtel et
au couvent de l'Espérance où sa présence a rassuré
tout le monde. Pendant toute la journée, une foule
assez dense s'est rendue place de la Cathédrale,
pour satisfaire sa curiosité qui a été déçue, aucun
dégât ne se voyant de la voie publique.
Samedi 26 Décembre
Nancy a reçu samedi matin la visite d'un dirigeable
ennemi. Une dizaine de bombes ont été lancées.
L'aéronef survolait la ville à une faible altitude.
Il se proposait comme objectif la voie ferrée ; mais
il a manqué son but et c'est dans la direction de la
ville vieille que sont tombés ses projectiles.
Du quai Claude-le-Lorrain à la Pépinière, on a
relevé les traces de ce bombardement sur la place
Carnot, rues de la Source et de la Charité, place
Saint-Epvre, Grande-Rue et aux abords du canal.
Quelques arbres duc cours Léopold ont été endommagés
; les vitres de la place Carnot ont volé en éclats ;
la. maison portant le numéro 35, rue de la Source,
est détériorée ainsi que deux magasins avoisinant la
Petite Carrière.
Les autorités civiles et militaires se trouvaient
sur Les lieux. Des barrages ont été établis. Les
mesures d'ordre nécessaires ont été prises, afin
d'interdire aux curieux accourus en foule l'approche
des immeubles atteints par ces « souvenirs »
allemands.
Il s'agit, pour les Boches, de simples souvenirs, en
effet, ainsi qu'en témoignent deux photographies
ramassées au boulevard de la Pépinière par M.
Edouard Schlegel, 32, rue Laflize, et qui portent en
allemand ces dédicaces : « Bon Noël. Souhaits du
kaiser Guillaume », « Un aviateur allemand vous
salue ». L'envoi était contenu dans une enveloppe
avec une balle de bronze française pour lest.
La première détonation s'est produite exactement à 5
h. 20.
Les Nancéiens ont montré plus de curiosité que
d'émotion à la nouvelle d'une visite qui n'est point
pour eux une sensationnelle surprise.
Le bombardement a fait malheureusement plusieurs
victimes :
Mme Anna Goëb, 39 ans, domestique chez M. Jacquemin,
38, quai Claude-le-Lorrain a reçu des blessures qui
ont entraîné la mort.
M. Louis-Georges Lantoine, 29 ans, originaire
d'Armentières, garçon de café au buffet de la gare,
demeurant 4, cours Léopold, qud eut l'artère
carotide tranchée par un éclat de verre.
Quelques soldats ont été atteints peu grièvement par
des éclats de verre.
TAUBE &
ZEPPELIN
Nancy,
26 décembre.
Nous recevons la communication suivante:
Dans la nuit de vendredi à samedi, un « zeppelin » a
traversé Nancy laissant tomber une douzaine de
bombes qui firent heureusement beaucoup plus de
bruit que de mal, leur effet s'étant borné à des
dégâts matériels peu importants. La population de
Nancy ne s'en est montrée aucunement alarmée.
M. le Préfet a adressé au Ministre de l'Intérieur le
télégramme suivant :
« Préfet Nancy à Ministre Intérieur.
« Nos fêtes de Noël ont été honorées hier par
présence « Taube » qui jeta plusieurs bombes vaines
dans le voisinage de la Cathédrale à l'heure de
l'entrée des fidèles. Cette nuit « Zeppelin » versa
nombreuses bombes fort bruyantes mais peu
meurtrières. Population Nancy fort tranquille s'est
rendormie en pensant avec moi qu'il était préférable
que ces bombes fussent tombées sur nous que sur nos
soldats dans les tranchées. »
AVIS A LA POPULATION
M. le Général commandant les troupes du secteur de
Nancy me communique les recommandations du général
commandant en chef relativement au bombardement par
dirigeables et d'après lesquelles « la meilleure
défense est d'éteindre à terre toutes les lumières
afin de priver le dirigeable de tout point de
repère. »
Deux questions sont, à ce point de vue, à envisager
: l'éclairage public et l'éclairage privé.
L'éclairage public sera réduit au minimum
strictement indispensable. Sur l'éclairage privé, le
général ajoute : « Je crois savoir que les lumières
de la ville ont actuellement sensiblement augmenté
le soir ; il y aurait intérêt à faire connaître aux
habitants qu'il convient de persister dans les
mesures de prudence qui avaient été prises, à ce
point de vue, au début des hostilités »
Cette double précaution est excellente et chacun, en
ce qui le concerne, y devra participer avec une
exacte discipline.
Je me permets d'ajouter ceci : quelques personnes
qui ont villégiaturé les mois d'août et de septembre
hors de Nancy se sont, paraît-il, montrées fort
émues des quelques bombes dont le « Zeppelin » vient
de nous arroser. Ces personnes, je l'espère, et je
les y invite, vont se hâter de se faire une
mentalité analogue à celles des Nancéiens qui sont
restés ici aux heures réellement critiques ; à ces
heures-là, Nancy fut une cité vaillante ; il serait
ridicule, j'ose le dire, que ses nerfs fussent, si
peu que ce soit, ébranlés aujourd'hui par ces
manifestations de l'ennemi plus bruyantes que
meurtrières et qui ne peuvent comporter aucune
conséquence stratégique : de quelque sympathie émue
que nous entourions les victimes de ces accidents,
n'oublions pas que tous les « Zeppelins » font moins
de victimes dans une ville que la moindre épidémie
de fièvre typhoïde ou même de scarlatine, et qu'à
tout prendre, en cette saison, les « Zeppelins» sont
moins dangereux pour la collectivité que la
pneumonie. Avis en particulier aux mamans qui ont
des enfants en bas-âge.
L. MIRMAN,
Préfet de Meurthe-et-Moselle.
QUELQUES
PROGRÈS
EN ARGONNE ET EN ALSACE
NOS AVIONS
bombardent Frescaty et Metz
Paris,
27 décembre, 15 h, 45.
Entre la mer et la Lys, journée calme. Canonnade
intermittente.
Entre la Lys et l'Oise, rien à signaler.
Dans la vallée de l'Aisne et en Champagne, duel
d'artillerie.
Dans la région de Perthes, l'ennemi, après un
violent bombardement, a tenté, sur des tranchées
qu'il avait perdues, une contre-attaque qui a été
aussitôt repoussée par notre artillerie et notre
infanterie.
En Argonne, légers progrès.
Au sud de Saint-Hubert, une compagnie a gagné entre
100 et 200 mètres de terrain, et nous avons bombardé
un ravin où l'ennemi a évacué plusieurs tranchées.
Entre la Meuse et la Moselle, à l'est de
Saint-Mihiel, deux attaques allemandes contre une
redoute du Bois-Brûlé ont été repoussées.
On sait qu'un dirigeable a lancé une dizaine de
bombes sur Nancy, au milieu de la ville, et sans
aucune raison d'ordre militaire. Nos avions, au
contraire, ont bombardé les hangars d'aviation de
Frescaty et une des gares de Metz, où des mouvements
de trains étaient signalés, ainsi que les casernes
Saint-Privat, à Metz.
En Haute-Alsace, nous avons réalisé de nouvaux
progrès sur les hauteurs dominant Cernay et nous y
avons repoussé quelques attaques.
Paris, 28 décembre, 0 h. 46.
Voici le communiqué officiel du 27 décembre, 23
heures :
Après avoir, toute la nuit dernière, dirigé un feu
violent d'artillerie et d'infanterie contre nos
troupes installées à La Boisselle et dans les
tranchées voisines, l'ennemi a prononcé deux
attaques consécutives, mais sans aucun succès.
Nous tenons fortement les tranchées enlevées près de
Puisaleine.
Sur les Hauts-de-Meuse, nous consolidons
l'occupation du terrain conquis près de la tranchée
de Colonne.
Saint-Dié a été violemment bombardé de 9 heures et
demie à 12 heures.
PRISONNIERS DE
LA MEUSE
Du «
Bulletin Meusien » :
M. Juste, curé de Richecourt, est prisonnier à
Bayreuth, avec trente-six de ses paroissiens, et
quatre-vingt-dix autres de Xivray-Lahayville. Il
écrit le 7 novembre :
« Le général vient de nous annoncer que nous sommes
innocents et que nous sommes ici par une erreur
inexplicable. Alors nous sommes libres de partir, et
ce sera quand tout sera en règle. Je suis ici sans
habit, sans linge. Je suis utile à tous, sachant un
peu l'allemand. Je n'ai pas quitté mes paroissiens ;
ils en ont été contents ; le général m'en a félicité
devant mes gens. Ne vous inquiétez pas, on fera pour
le mieux. »
M. Aubois, curé d'Hattonchâtel, prisonnier à
Ehrenbreisten, par Coblentz, avec dix autres
prêtres, écrit :
« Hattonchâtel est aux deux tiers incendié ; la
voûte de l'église s'est écroulée au-dessus du choeur
et de l'avant-choeur. Les habitants ont pris la fuite
et, après quinze jours, vingt et une personnes
seulement étaient présentes.
« Hattonville et Vigneulles sont aussi presque
complètement détruits. »
M. Tridon, curé d'Heudicourt, libéré :
« Dans ma paroisse, il restait à mon départ cent
quinze habitants et quelques réfugiés de Loupmont.
Je me demande avec angoisse de quoi ils peuvent
vivre, car on leur a tout pris, jusqu'au dernier
lapin, jusqu'aux moindres légumes, et nos ennemis,
pour les mieux affamer, donnaient les gerbes de blé
en litière à leurs chevaux. »
Mmes Gille et Dussay Françoise, de
Romagne-sous-les-Côtes, sont prisonnières à Zwickau.
M. Louis Hannetelle, de Luzy, mécanicien à la gare
de Longuyon, est prisonnier également en Allemagne.
MM. Emile Warlot et Libor, de Combres, sont à
Zwickau, en Saxe.
Mme Vautrin et son fils, Mme Liborr Mlle Catherine
Laurent, Mme Maria Laurent et son fils, sont à
Schwetzingen, caserne de cavalerie n° 21,
grand-duché de Bade.
Les habitants de Saint-Remy, internés à Rastadt
(grand-duché de Bade) viennent d'être rapatriés et
dirigés sur Thonon-lesBains (Haute-Savoie).
Le docteur Mutalet, de Mangiennes, actuellement
médecin militaire, nous informe que sa mère est du
nombre des prisonniers civils emmenés par les
Allemands. Elle est avec Mmes Robert et Leroy, de
Mangiennes. à Eratz-sur-Alzette (grand-duché de
Luxembourg)
M. Constant Sirot écrit à ses parents :
Je suis parti depuis le 19 septembre comme
prisonnier civil. Nous sommes sept de Lissey :
Vital-Rouyer, Léon Richard, Patoche Théotime, Isaie
Richard, Bon Delzédar, Léon Fallet, Sirot Constant.
Constant SIROT.
Lager Grafenwohr, Bavière (Allemagne).
- M. G. Klein écrit :
Mon beau-frère Jules Dauphin, prisonnier en Saxe, me
donne les noms de quelques Meusiens qui sont avec
lui et dont plusieurs n'ont pas de nouvelles de leur
famille. Je vous en donne la liste ci-dessous :
Fulbert, de Bouvigny ; Paul Fauquenot, de Bouligny ;
Antoine et Louis Alzin, de Bouligny ; Aimé Goeuriot,
de Bouligny ; Klein-Saguez, de Bouligny ; Erard-Proth,
de Spincourt ; Léon François, de Spincourt ; Victor
Lavigne, de Spincourt ; Didry-Malher, de Landres
(M.-et-M.).
Kriegsgefangener Neues Lager, baraque 24, à
Koenigsbriick, royaume de Saxe, via Pontarlier.
C. KLEIN,
40, rue Georges-Rémond, Gagny (Seine-et-Oise)
LES AVIONS
ALLEMANDS
survolent Nancy
LA CHASSE AÉRIENNE
Dimanche
27 décembre, à midi et demi, un aéroplane allemand a
survolé Nancy à une grande hauteur. Il a laissé
tomber quatre bombes. L'une est tombée sur le toit
de l'école maternelle du boulevard
d'Alsace-Lorraine, où elle a brisé quelques tuiles :
la seconde, rue de Strasbourg, 70, où elle a
traversé la toiture de la maison et provoqua dans le
grenier un léger commencement d'incendie qui a pu
être rapidement éteint par les habitants aidés par
un gardien de la paix et un soldat territorial. Les
pompiers furent appelés, mais ils n'eurent pas à
intervenir. Nos braves sapeurs ramassèrent les
débris de l'engin, à la poignée duquel était
attachée une longue banderole aux couleurs
allemandes.
La troisième est venue s'abattre rue du Tapis-Vert,
6, chez M. Kahn, négociant en chiffons. Elle a
traversé la toiture d'un petit bâtiment servant de
cuisine où se trouvait la domestique, qui n'a eu
aucun mal.
L'engin, en se brisant en deux, communiqua le feu à
des chiffons ; un seau d'eau suffit à l'éteindre.
Les morceaux furent remis à la police.
La dernière, rue du Manège, 6.
Nos aviateurs s'étaient mis rapidement à la chasse
de l'aéroplane ennemi qui se dirigea vers les lignes
allemandes. Dans les rues, un public nombreux était
massé, suivant attentivement des yeux la poursuite
du « taube » que l'on crut un moment en danger, et
qui put cependant échapper. Nos grands oiseaux
revinrent ensuite à leur nid. Pas pour longtemps !
A deux heures et demie, en effet, un autre aéroplane
allemand,jouant d'audace, revenait au-dessus de
Nancy. Bientôt une bombe s'abattait sur la maison
portant le numéro 14 du boulevard d'Alsace-Lorraine.
Elle se brisait sur le toit. Les débris venaient
s'abattre sur la voie publique, où ils étaient
ramassés par des enfants.
Un autre engin portant une banderole rouge, blanche
et noire tombait dans le iardin de l'établissement «
A Robinson », prairie de Tomblaine, creusant un
simple trou dans la terre.
Enfin, un dernier engin allait choir dans la Meurthe
où, bien entendu, nul ne fut tenté de le repêcher.
Pendant qu'ils survolaient la ville, les deux avions
ennemis ont laissé tomber une certaine quantité de
fléchettes d'acier. Aucune personne n'a été
atteinte.
Ces apparitions de « taubes » effrayèrent fort peu
les Nancéiens qui, pendant toute l'après-midi,
continuèrent leur promenade dominicale dans les rues
centrales de la ville.
DISTRIBUTEURS
AUTOMATIQUES
LES AVIATEURS
BOCHES
ont beaucoup d'esprit
L'habitude est prise.
Chaque jour amène à Nancy son taube.
Visite blanche. Résultats nuls - ou presque. Quand
par hasard des victimes sont frappées, ce sont des
femmes, des enfants, ce qui contribue à montrer sous
un angle plutôt fâcheux pour le kaiser ce que serait
dans le monde la civilisation germanique si le
destin lui permettait d'y régner.
Les aviateurts boches se sont-ils exactement rendu
compte du peu d'effet matériel et moral de leurs
envois ? C'est fort possible. Ils essaient, à cette
heure, de « faire de l'esprit », comme ces gens dont
les plans déjoués ou les intentions trahies
recherchent une diversion pour expliquer
maladroitement leurs perfidies.
En un mot ils voudraient, selon une expression
populaire, nous « la faire à la blague » :
- On ne veut point votre mort, insinuent les pilotes
des tauben et des zeppelins ; on désire seulement
vous prouver que, le cas échéant, on a en Allemagne
autant d'esprit qu'au pays de Voltaire ».
Là-dessus nos visiteurs aériens improvisent leurs
facéties.
Elles sont du meilleur goût.
Jugez-en.
Mercredi dernier, un taube lançait sur le quartier
Grandville deux bombes inoffensives, garnies
apparemment de poudre de perlinpinpin, mais l'une
d'elles portait un ingénieux mécanisme peur répandre
à profusion des manifestes, des tracts, des
proclamations à la nation française.
C'est le dernier progrès, osons le dire nettement,
des distributeurs automatiques, la suprême
nouveauté, le jouet de fin d'année, l'article
simple, élégant, solide et pratique. Voyez notre
assortiment, messieurs!
Prenez l'objet en mains, mesdames ! L'essayer c'est
l'adopter - et ça défie toutes les concurrences.
Les Nancéiens qui ramassèrent les débris de l'engin,
purent ainsi savoir : 1° que le gouvernement de M.
Poincaré avait déclaré la guerre ; 2° que leur ville
était, cernée ; 3° qu'une formidable légion de
casques à pique marchait sur Lyon ; 4° que nos
soldats seraient sagement inspirés en se précipitant
dans les bras des excellents kamarades qui les
traiteraient comme des frères.
Excusez du peu !
Hier, nouvelles distributions d'articles de
propagande « Made in Germany ». Ce furent d'abord
plusieurs douzaines de fléchettes en acier sur
lesquelles se revendiquait orgueilleusement le droit
exclusif de propriété et d'exploitation :
« Inventé en France et fabriqué en Allemagne.»
Les Boches, en vérité, se vantent.
D'autres fléchettes, modèle identique, annonçaient
sans vergogne aucune :
« De l'Allemagne victorieuse à la France vaincue. »
Faudra voir !
Un simili-obus de pacotille, adorné d'une banderole
aux couleurs d'outre-Rhin, tomba dans la prairie de
Tomblaine sans que nous ayons pu savoir quelles
marchandises couvrait ce pavillon, mais nous
présumons qu'il recommandait encore l'exactitude des
pronostics et la sincérité des nouvelles extraites
de l'agence Wolff.
De son côté, le Zeppelin de samedi matin laissa
tomber - comme un oiseau sa fiente - deux
photographies d'officiers aux boutons dorés, aux
épaulettes outrageusement peintes, aux moustaches
onctueuses de cosmétique, avec ces dédicaces venues
l'une d'Heidelberg et l'autre de Mulhouse (ô Alsace,
pardon !) :
« Joyeux Noël. Aimable envoi du kaiser Guillaume II.
- Souvenir d'aviateurs allemands ». Suivait une
signature.
A l'instar d'un cabotin sous les huées et les coups
de sifflet, les Tauben et les Zeppelin essaient de
se dégager par une pirouette ; ils virent dlans
l'opprobre mieux que dans l'air en se donnant devant
la galerie une attitude équivoque de mystificateurs
qui font des plaisanteries.
Derrière leurs « rigolades » on relève les femmes,
les enfants, les victimes innocentes.
Si les Boches empruntent à Voltaire un peu de son
esprit, c'est à la cour de Frédéric II qu'ils ont dû
ramasser les miettes.
LUDOVIC CHAVE.
A RAMBERVILLERS
De la Poudre aux
Moineaux
Depuis
trois jours, Rambervillers reçoit la visite des
Tauben qui viennent jeter des bombes sur la ligne de
chemin de fer, dans le but probable de détruire des
ponts ou des ouvrages et d'empêcher momentanément le
passage de nos trains de ravitaillement. Le jour de
Noël et le lendemain, ils ont survolé la ville, vers
3 heures et demie de l'après-midi et ont laissé
tomber plusieurs bombes qui n'ont fait aucun dégât.
DANS LES DUNES
DES FLANDRES
Nous sommes au
pied de ses lignes de résistance
Paris,
28 décembre, 15 h. 10.
En Belgique, nous avons continué à avancer à l'ouest
de Lombaërzide. Nous sommes actuellement au pied des
dunes sur lesquelles l'ennemi a établi sa ligne de
résistance.
Au sud d'Ypres, nous avons perdu un élément de
tranchées, près de Hollebecke.
Dans la région de Lens, près de Carency, l'ennemi a
cédé, devant nos attaques. 800 mètres de tranchées
de première ligne.
Dans la vallée de l'Aisne et en Champagne, canonnade
intermittente, particulièrement intense dans les
régions de Reims et de Perthes, où l'ennemi a visé
spécialement les positions que nous avons conquises
à l'ouest de cette localité.
Sur les Hauts-de-Meuse, nous avons progressé
légèrement sur tout le front.
Dans les Vosges, l'ennemi a bombardé la gare de
Saint-Dié. Le service de la vote ferrée n'est pas
interrompu.
En Haute-Alsace, au nord-est de Steinbach, une
contre-attaque allemande a été repoussée.
Paris, 29 décembre, 1 heure.
Voici le communiqué officiel du 28 décembre, 23
heures :
Pendant toute la journée une tempête violente a
empêché les opérations sur la plus grande partie du
front.
On signale cependant que nous avons réalisé quelques
progrès en Argonne.
QUELQUES GAINS
DE PLUS
De la Belgique à
l'Alsace
Paris,
29 décembre, 15 h. 22.
En Belgique nous avons enlevé le village de
Saint-Georges, où nous nous sommes établis.
De la Lys à la Somme, l'ennemi a bombardé assez
violemment nos positions dans la région
d'Echelle-Saint-Aubin-Le Quesnoy-Bouchoir
(nord-ouest de Roye).
Calme sur le front, entre la Somme et l'Argonne.
Nous avons gagné un peu de terrain en Argonne, dans
le bois de la Grurie, le bois Bolante et le bois de
Courte-Chausse.
Sur les Hauts-de-Meuse, plusieurs contre-attaques
allemandes ont été repoussées dans le bois Le
Bouchot (nord-est de Troyon).
L'ennemi, qui avait enlevé nos tranchées voisines de
la redoute du bois Brûlé (ouest d'Apremont) en a été
chassé après trois contre-attaques successives.
En Haute-Alsace, nous investissons étroitement
Steinbach. A la suite d'un violent combat, nous nous
sommes emparés des ruines du château, au nord-ouest
du village.
LEUR
RAISONNEMENT
SUR LE
BOMBARDEMENT DE NANCY
Paris,
29 décembre, 18 heures.
Le communiqué allemand présente le bombardement de
Nancy comme une mesure de représailles répondant au
bombardement de Fribourg-en-Brisgau par nos
aviateurs.
Or, les avions français n'ont jamais exécuté que des
opérations de guerre motivées par des raisons
d'ordre militaire.
Ils n'ont atteint, à Fribourg-en-Brisgau, que les
hangars et les usines d'aviation, ainsi que la gare
où des mouvements de troupes étaient signalés.
Un de nos dirigeables, qui survola Sarrebourg, ne
bombarda que la station, ainsi que d'autres points
de la ligne Sarrebourg- Avricourt.
De même, dans la journée du 26 décembre, nos avions
ayant survolé Metz, ne lancèrent de projectiles que
sur les hangars de Frescaty, sur une des gares et
sur les casernes de Saint-Privat.
Les bombes allemandes, au contraire, sont tombées, à
Nancy, en pleine ville, sur un point éloigné de tout
bâtiment militaire, et où aucune troupe ne se
trouvait rassemblée. Elles ne pouvaient donc
atteindre que des bâtiments civils et ne faire de
victimes que parmi la population.
UN BAPTÊME DU
FEU
au Taube
POUR NOS CONSCRITS DU 160e
Paris,
30 décembre, 0 h. 40.
Communiqué officiel du 29 décembre, 23 heures :
Aucun incident notable ne nous a été encore signalé
jusque dans la soirée.
Un « Taube » a survolé Westende, le 20 décembre au
moment de la présentation du drapeau aux soldats de
la classe 1914, nouvellement incorporés.
Le colonel Bablon, du 160e d'infanterie, fit ouvrir
le feu, mais sans succès.
Le « Taube » jeta trois bombes. La première éclata
derrière le 1er bataillon avec un bruit formidable
mais elle n'atteignit personne.
La deuxième frappa le sol derrière le 3" bataillon,
et fusa, sans effet.
La troisième tomba à dix pas devant le colonel
Bablon, impassible.
Pas plus que leur chef, aucun homme ne broncha, et
les recrues reçurent ainsi le baptême du feu avec la
même crânerie que les anciens.
AU COL DU
BONHOMME
Comment la
Tête-de-Faux fut prise par nos troupes
Un
territorial qui a participé à l'attaque raconte
ainsi, dans une lettre, comment fut prise, le 2
décembre, la Tête-de-Faux, qui commande le col du
Bonhomme et où les Allemands avaient établi un
observatoire :
« On nous avait dit : « Au premier coup de canon,
vous sortirez de vos abris pour prendre place dans
les tranchées vos postes de combat, à la lisière du
bois. »
Nos abris ? Quels abris ! Des espèces de tanières où
l'on ne pénétrait qu'à quatre pattes, creusées en
bas d'invraisemblables pentes, devant un village
d'Alsace, de B... Les Boches l'occupaient ; nous les
voyions; circuler dans l'unique rue, en marche vers
les sentiers qui conduisent sur la hauteur. Et quand
ils grimpaient, ils ne paraissaient pas plus gros
que des fourmis. Ils avaient, à quatre ou cinq cents
mètres de nous, des tranchées zigzagantes, où ils
arrivaient après avoir rasé les murs, utilisé des
replis de terrain.
Vers les huit heures, un maréchal des logis
d'artillerie passe près de la sentinelle que notre
poste fournissait.
- Vous allez être bien ici, dit-il. C'est une
baignoire qu'on vous a fournie à l'oeil pour le
concert.
Cette chose sérieuse avait l'air d'une plaisanterie.
Machinalement, je jetai un regard autour de moi. La
tranchée découverte où nous devions prendre place
était pleine d'eau. Mais, surplombant la vallée, les
fermes, le village alsacien, elle avait des allures
d'avant-scène. Le maréchal des logis s'éloigna,
pressé, en ajoutant :
- Vous allez entendre quelque chose.
C'est tout au plus si nous ne nous sentîmes pas
impatients. Il y avait là-haut des canons de tous
calibres.
L'heure approchait. Quelle fut tout à coup ma
surprise : des mouvements de troupes avaient
commencé tout près. Des chasseurs alpins, émergeant
soudain d'un repli, le fusil à la main, arrivaient
au pas de course, un à un, à 25 mètres d'intervalle
et s'abritaient, entassés, derrière une ferme
couverte de zinc, dans un trou en contre-bas,
susceptible de cacher presque toute une compagnie,
Plus loin, d'autres formations se dessinaient.
Une voix claire, brutale, précipitée, sèche et
volontaire, s'élève soudain, dans unecadence presque
régulière, au rythme quasi mathématique. Ce sont nos
75 Leur martèlement est précis, nerveux,
impitoyable, obsédant. Les obus qui tombent
abondamment sur les pentes d'en face, montent, en
éclatant, vers le sommet de la Tête-de-Faux, la
balayent, y faisant une oeuvre terrible de
destruction.
Mais nos chasseurs ont été repérés par l'observateur
boche. La première marmite vient tomber derrière la
ferme où ils se sont massés. Elle éclate à 30
mètres. Tout à l'heure, la bicoque sautera. Mais de
nouveau le canon a repris ; les chasseurs,
précipitamment, remontent par un repli du sol ; ils
se couchent, se collent à la terre, derrière le
talus d'un chemin creux. Mais les marmites les
suivent.
Toutes les batteries tonnent à la fois. Invisible,
dissimulée on ne sait où, l'artillerie de montagne
fait rage. Comme le 75, elle élève sa voix sèche et
cassante, et le concert s'accentue. Les
mitrailleuses s'en mêlent, puis la fusillade éclate.
L'action presque tout entière se déroule sous bois.
Mais dans le crépitement rageur des milliers
d'armes, l'esprit la suit, cette action. Il semble
qu'on entend d'imperceptibles frémissements, des
bruits de feuilles sèches, foulées, de branches qui
cassent sous les pieds, de gens qui marchent,
courent, halètent, de corps qui tombent sur la terre
dure avec un bruit mat, sinistre.
Déjà, tout en haut, des clairons sonnent la charge.
Des cris montent, multiples, furieux, féroces,
emplissant la vallée.
- En avant !... à la baïonnette !...
On devine les sections qui s'élancent, les pointes
qui frappent. Sous mes yeux, la compagnie des
chasseurs s'est levée : elle s'est élancée vers les
tranchées boches, sur le Bonhomme. mais c'est la
grêle des marmites. Elles sifflent, tombent,
éclatent, empestant l'atmosphère. Oh ! qu'ils sont
prompts à se garantir ! En voici un qui poursuivi,
trois fois se couche sous la pluie de fer, et trois
fois se relève. En voilà d'autres qui, eux, ne se
relèveront plus...
Le drame continue. De plus en plus sourd, et comme
ouaté, l'écho de la fusillade intense vient de
l'autre côté des monts. Les nôtres ont dépassé la
crête ; c'est qu'ils sont les maîtres:
Tout, au fond, en bas, des maisons brûlent,
déroulant leurs volutes rouges sur l'écran noir de
la nuit. »
LES
ALSACIENS-LORRAINS
Leur situation de
Français va être officiellement déterminée
La
situation des Alsaciens-Lorrains en France a, dès le
premier jour, vivement préoccupé le gouvernement.
Suivant les instructions données par le ministre de
l'intérieur, tous les Alsaciens-Lorrains qui se
trouvaient en France au moment de la mobilisation et
qui ont pu établir, soit par des pièces
authentiques, soit par des répondants, qu'ils sont
vraiment d'origine; alsacienne ou lorraine, ont reçu
un permis de séjour.
La question la plus délicate était de régler la
situation de ceux qui, à la suite de l'occupation
par les troupes françaises, ont été évacués
d'Alsace-Lorraine soit comme otages, soit parce
qu'en âge d'être mobilisés, il était nécessaire de
les soustraire à l'autorité allemande. Il se
trouvait en effet parmi eux des Alsaciens-Lorrains
d'origine et de sentiments français, et des immigrés
d'origine et de tendance absolument allemandes.
Les ministres de l'intérieur et de la guerre ont
désigné une commission chargée de procéder sur place
à la sélection nécessaire et qui a déjà accompli une
grande partie de sa tâche. Afin de régler dans le
plus bref délai la situation des Alsaciens-Lorrains
en France, le président du conseil vient, en outre,
de désigner plusieurs personnes qui sont, à tous
points de vue, qualifiées pour établir la
distinction nécessaire entre ceux qui, véritablement
Alsaciens-Lorrains, doivent être dès maintenant
assimilés aux Français et ceux qui doivent être
considérés comme sujets allemands. Ce sont MM.
Wetterlé, Weill, Langei, anciens députés
d'Alsace-Lorraine; Blumenthal, maire de Colmar ;
Helmer, avocat à Colmar ; Châtelain, Wilmoth et
Growel, originaires d'Alsace-Lorraine et
représentant les sociétés d'Alsaciens-Lorrains.
Quatre commissions ont été ainsi constituées, qui
vont opérer simultanément dans les lieux de dépôt
qui restent encore à visiter. Ainsi, dans quelques
jours, la situation individuelle de tous les
Alsaciens-Lorrains en France sera définitivement
réglée.
NOTRE AVANCE
MÉTHODIQUE
Nos canons lourds
à l'oeuvre
Paris,
30 décembre, 15 h. 10.
En Belgique, nous avons gagné un peu de terrain dans
la région de Nieuport, en face des polders, au nord
de Lombaertzide.
L'ennemi a bombardé violemment Saint-Georges, que
nous mettons en état de défense.
Nous avons enlevé un point d'appui allemand, au
sud-est de Zonnebecke, sur la route de Bacelaers à
Paschendaële.
De la Lys à l'Oise, rien à signaler.
Dans la vallée de l'Aisne et en Champagne, l'ennemi
a manifesté une recrudescence d'activité qui s'est
traduite surtout par un violent bombardement, auquel
notre artillerie lourde a répondu efficacement.
De l'Argonne à la Moselle, canonnade sur tout le
front. Elle a été particulièrement intense sur les
Hauts-de-Meuse.
Dans les Vosges, l'ennemi a prononcé sur la
Tête-de-Faux une attaque qui a été repoussée.
En Haute-Alsace, nous consolidons nos positions.
Notre artillerie lourde a réduit au silence les
obusiers allemands qui bombardaient Aspach-le-Haut.
LES VITRAUX DE
SAINT-EPVRE
Du «
Journal de la Meurthe et des Vosges » :
« Les vitraux de Saint-Epvre, réduits en miettes par
le bombardement du zeppelin, étaient l'oeuvre de Carl
Geyling, de Vienne. Il y en avait 72, qui coûtèrent
300.000 fr. au curé Trouillet et qui datent de 1867.
Le plus célèbre était celui offert par
François-Joseph et représentant saint François et
sainte Elisabeth de Hongrie.
Ces vitraux furent exposés à Vienne et rapportèrent
beaucoup d'argent à l'intrépide curé-bâtisseur.
Les vitraux anéantis en tout ou en partie sont :
saint Léon IX et Pie IX, saint Henri, saint Gabriel,
saint François, sainte Elisabeth, saint Ferdinand,
sainte Marguerite. saint Hubert, sainte Anne, saint
Paulin, saint Léopold, saint Ferdinand, sainte
Madeleine, saint Mathieu, saint Luc, etc., etc.
Il semble bien qu'aucune verrière n'est intacte, et
qu'il faudra des années pour refaire tout cet
ensemble artistique.
On pourra, il faut l'espérer, remettre
provisoirement en verre blanc ces grandes baies de
Saint-Epvre, au moins pour le printemps prochain.
Les admirateurs nancéiens de François-Joseph peuvent
être satisfaits maintenant... le vilain sire, l'être
ignoble qui a déchaîné tous ces crimes et ces
monstruosités a mis le couronnement à sa honte !
Qu'il soit maudit par toute la Lorraine, par toute
la France, par toute la Chrétienté ! »
RÉSUMÉ
DES PRINCIPAUX EVENEMENTS
de Décembre 1914
1er
décembre. - Le général Joffre dit aux Alsaciens de
la région de Thann : « Notre retour est définitif.
Vous êtes Français pour toujours ». - Le roi George
et M. Poincaré se rencontrent sur le front.
2 décembre. - Nos troupes enlèvent Aspach-le-Haut,
en Alsace, Lesménils et le Signal de Xon, sur la
rive droite de la Moselle, et la Tête de Faux dans
les Vosges.
7 décembre. - Les Allemands entrent dans Lodz. Les
Russes sont devant Cracovie.
8 décembre. - Trois croiseurs allemands sont coulés
par les Anglais près des îles Falkland. - Les Serbes
reprennent l'offensive et repoussent les
Autrichiens.
9 décembre. - Nos aviateurs bombardent
Fribourg-en-Brisgau.
14 décembre. - La gare de Commercy est bombardée par
des batteries tirant d'une très grande distance.
Dégâts insignifiants. - Belgrade est repris par les
Serbes. - Un aviateur français incendie un train
allemand en gare de Pagny-sur-Moselle.
15 décembre. - Trois croiseurs allemands bombardent
Hartlepool et Scarborough. 55 morts, 155 blessés.
17 décembre. - Le protectorat anglais est proclamé
en Egypte.
22 décembre. - Rentrée des Chambres.
Déclaration ministérielle. - Un avion allemand jette
deux bombes sur Nancy. Pas d'accidents.
26 décembre. - Dans la nuit du 25 au 26 décembre un
Zeppelin survolant Nancy lance 18 bombes, qui tuent
deux civils. - Saint-Dié est violemment bombardé de
9 heures et demie à 12 heures.
27 décembre. - Un avion allemand lance 4 bombes sur
Nancy à midi, et un seconds à 2 heures et demie en
lance trois autres ainsi que des fléchettes. Pas
d'accidents. |