DE LA BELGIQUE
A L'ALSACE
la journée fut
bonne
Paris,
21 avril, 16 heures.
Canonnade assez violente dans la région d'Arras et
entre l'Oise et l'Aisne.
Entre Meuse et Moselle, au bois de Mortmare, deux
contre-attaques allemandes, sur la ligne de
tranchées prise par nous dans la journée du 20, ont
été repoussées dans la soirée, à 18 h. 30 et 19
heures.
Les aviateurs belges ont bombardé l'arsenal de
Bruges et le champ d'aviation de Lissevegh.
Paris, 22 avril, 0 h. 25.
Voici le communiqué officiel du 21 avril, 23 heures
:
En Belgique, une attaque s'est produite contre les
tranchées conquises par les troupes britanniques, à
la cote 60, près de Zwortelen. Elle a été repoussée.
Les pertes de l'ennemi, en ce point, sont de 3 à
4.000 hommes.
En Champagne, près de Ville-sur-Tourbe, les
Allemands ont tenté de nous attaquer, mais notre
artillerie les a empêchée de sortir de leurs lignes.
En Argonne, près de Bagatelle, une attaque toute
locale, mais très énergique, a été arrêtée net par
notre feu.
Entre la Meuse et la Moselle, nous avons repoussé
diverses attaques d'une importance inégale et dont
certaines n'étaient que des reconnaissances. Ces
attaques se sont produites, une au bois d'Ailly,
cinq au bois de Mortmare et une au bois Le Prêtre.
Nous avons attaqué au nord de Flirey et avons enlevé
une nouvelle tranchée allemande. Nous nous y sommes
installés en la reliant à celles précédemment
conquises. Notre gain des derniers jours porte ainsi
sur un front continu de plus de sept cents mètres.
L'ennemi a laissé plus de 300 morts sur le terrain.
En Lorraine, combats d'artillerie.
En Alsace, nous avons repoussé facilement, à l'est
d'Harmansviler, une attaque préparée par un feu
violent d'artillerie.
Nos avions ont bombardé : 1° En Woëvre, le quartier
général du général Strantz et des convois ; 2°, dans
le grand-duché de Bade, à Loerrach, une usine de
transformation d'énergie.
LES ALLEMANDS A
LUNÉVILLE
UN COIN DE VERITÉ
par un neutre
Dans le
Démocrate du 16 janvier 1915, j'ai lu - et relu - le
démenti de l'Agence Wolff concernant les faits qui
se passèrent à Lunéville, dans les environs de
l'hôpital, lors de l'occupation allemande et qu'a
établis le rapport officiel du gouvernement
français.
Habitant moi-même Lunéville, où mes relations avec
la municipalité et la place me permettent d'aller
puiser à bonne source, j'ai voulu me renseigner
personnellement, afin qu'en rentrant en Suisse je
puisse prouver à mes compatriotes combien les faits
attestés par la commission d'enquête française sont
malheureusement vrais.
Nous autres, Suisses et neutres, nous avons un
devoir à remplir envers nous-mêmes d'abord, ensuite
envers les nations belligérantes.
Envers nous-mêmes, dis-je, car tout homme, fut-il
neutre, a droit à la vérité. Il doit la rechercher
par ses propres efforts, par son intelligence
personnelle. La vérité est objective et appartient à
tout être pensant.
Envers les belligérants, car notre neutralité
n'implique pas de notre part d'accepter sans
contrôle, qu'une nation quelle qu'elle soit, nous
induise en erreur par ses communiqués tendancieux,
de façon à faire pression sur notre neutralité,
agisse sur nos sentiments personnels et parvienne
ainsi par des faits non établis, ou basés sur des
témoignages dont nous ne pouvons contrôler la
véracité, à surprendre notre bonne foi.
Dès lors j'estime, et avec moi tout neutre sincère,
que si nous pouvons enquêter nous-mêmes, nous devons
réfuter avec la dernière énergie tout communiqué
attentatoire à notre neutralité même.
Ceci établi, j'arrive aux faits.
Voici le texte de l'agence Wolff en ce qui concerne
Lunéville :
« Si le gouvernement français avait trouvé bon de
faire des recherches objectives sur les causes du
châtiment infligé à Lunéville, il se serait épargné
le reproche de mensonge et de légèreté qu'on doit
lui faire en raison de sa conduite actuelle. Il
aurait pu alors constater que, le 25 août 1914, à
cinq heures après midi, après l'occupation de la
ville par les Allemands, la population indigène n'a
pas craint d'assaillir soudainement et
traîtreusement, en tirant des fenêtres et des
lucarnes, des maisons du voisinage, l'hôpital
militaire, où se trouvaient de nombreux prisonniers
sans défense. Le feu a duré pendant une heure et
demie sans interruption et a été entretenu
uniquement par des civils, car il n'y avait pas, en
ce moment, de Français en uniforme à Lunéville.
Le jour suivant également, les troupes victorieuses
ont été accueillies de la même façon par une
fusillade partant des maisons.
Ces faits sont établis sans conteste et
objectivement par les dépositions, faites sous
serment, de nombreux témoins. »
Il s'agit donc de rechercher si vraiment on à tiré
sur l'hôpital et si l'on a tiré, qui a bien pu
tirer. Sont-ce des civils, ou des soldats ?
Tout d'abord, je dirai que la déclaration du maire
de Lunéville, M. Georges Keller, aux journalistes
étrangers - un Italien, un Roumain, un Hollandais,
un Espagnol, un Anglais, deux Américains, un Russe -
qui lui firent visite le samedi 23 janvier, deux
points essentiels sont à retenir :
- D'une part, le rapport officiel, a déclaré M. le
maire, ne contient que des faits absolument certains
et contrôlés. Il n'a été fourni aux enquêteurs que
des témoignages irréfutables. Tout ce qui paraissait
douteux ou insuffisamment prouvé a été rejeté. D'une
part, l'honorabilité des membres de la commission
d'enquête offre une sérieuse garantie.
Rappelons leurs noms, pour mémoire. Ce sont : MM.
Georges Payelle, premier président de la cour des
comptes ; Armand Mollard, ministre plénipotentiaire
; Georges Maringer, conseiller à la cour de
cassation.
- Quelle garantie, a dit M. Keller, nous offre
l'Allemagne ? Quelque chose de très vague que ni
vous ni moi ne pouvons contrôler : « Déposition
faite sous serment de nombreux témoins.. » Publiez
s'il vous plaît ces dépositions avec le nom de leurs
auteurs, afin que le jugement des neutres ne soit
pas surpris. »
Je dois rendre hommage à M. Braux, deuxième adjoint
au maire de Lunéville, des démonstrations qu'il a
faites sur les lieux en ma présence pour établir mon
enquête : à M. Jacquot, le chef de bureau des
travaux, qui, à la demande de la municipalité, m'a
fait l'extrait du plan de la ville : rues Castara,
Girardet, de l'Hôpital et de Viller.
Le 25 août, les Allemands occupaient la ville depuis
quarante-huit heures. Ils y entrèrent en patrouille
le samedi au soir, 22 août ; le lendemain dimanche,
musique en tête, arrivait le gros de la troupe.
Le mardi 25 août ils essuyèrent une défaite
épouvantable aux environs de Lunéville, à
Rozelieures, où ils perdirent six mille hommes. Un
jeune sous-officier artilleur m'a raconté qu'il
était porteur d'un ordre de son colonel pour faire
avancer une batterie au delà de Rozelieures. Il dut
traverser dans la soirée le champ de bataille.
Partout, ce n'étaient que cadavres.
- A un moment donné, me disait-il, impossible
d'avancer. J'ai devant moi un mur humain. Je
descends de monture et jette de côté tous ces
soldats allemands pour frayer un passage, à mon
cheval.
Ce soir-là, les Allemands rentrèrent à Lunéville
dans un grand désordre. Les rues Castara, de
l'Hôpital, de Viller étaient encombrées de véhicules
de tout genre, réquisitionnés pour les nombreux
blessés.
De la troupe partout. De l'artillerie dans la rue de
Viller.
Il était quatre heures de l'après-midi.
Une auto lancée à toute vitesse s'arrête devant le «
Comptoir Américain » (sur le plan n° 10 de la rue
Castara). Les officiers ou les soldats de cette
automobile braquèrent leurs armes vers l'hôpital et
tirèrent. Aussitôt, une très vive fusillade
commença, fusillade qui dura deux heures.
De qui ce témoignage ? D'un enfant de douze ans qui
ne s'attendait guère à ma visite. Il habite avec ses
parents, Les nommés H..., au n° 12 de la rue Castara,
au coin de la rue de Viller. Comme on n'allait pas à
l'école pendant l'occupation, sa mère l'obligeait à
écrire chaque soir ce qu'il avait vu dans la
journée. Le 25 août, il ne pensait guère au service
qu'il pouvait rendre à sa patrie. Sa mère a vu comme
lui cette automobile ; elle m'ajouta quelques
détails. L'auto venait de la rue Castara et
contenait des officiers allemands, au moins l'un
qu'elle a bien vu tirer. Il était vêtu de gros bleu,
liséré rouge.
- Alors, dis-je, les Allemands tiraient sur les
aéros français qui survolaient la ville
- Non, non, Monsieur, sur l'hôpital et dans la rue
Girardet, contre le mur, au premier étage.
Les religieuses de l'hôpital, chez lesquelles je me
rendis, le dimanche 24 janvier dernier, se mirent à
ma disposition pour continuer mon enquête.
Toujours le même 25 août, entre 4 et 5 heures du
soir, une autre auto vient de la rue de Viller. Les
soldats qui la montent tirent contre l'hôpital. Au
rez-de-chaussée se trouvent les bureaux. Les
employés s'y cachent. Mais au premier, où il y a
plus de 40 officiers blessés, presque tous
Allemands, s'avance à la fenêtre un jeune infirmier,
le nommé Monteis, qui reçoit une balle en plein
front. La balle va se loger dans le plafond, tandis
que la cervelle du malheureux est projetée sous une
commode. Le pauvre Monteis était en train de servir
un colonel allemand blessé, qui occupait le lit à
droite de la fenêtre. A 4 h. 1/2, c'est l' « heure
de la soupe » à l'hôpital.
Plusieurs balles pénétrèrent dans la salle des
officiers. J'en ai vu, le 24 janvier, les traces au
plafond. Les malheureux blessés, dont l'un avait été
amputé le matin ou la veille, appelèrent au secours
et se réfugièrent tous, même l'amputé, sous leurs
lits. La soeur accourut et c'est elle, témoin de
l'horrible tableau, qui me donne tous ces détails, A
gauche de la rue de l'Hôpital se trouvent les salles
des simples soldats, au premier étage. Des fenêtres,
par-dessus la cour étroite, on plonge dans la rue.
J'ai vu dans ces salles des traces de nombreuses
balles, toutes tirées au plafond et venant par
conséquent de la rue.
Quand, le même jour, M. le maire fut emmené comme
otage, c'était vers les quatre heures, - toujours la
même heure, - il essuya des coups de feu venant de
la rue Castara. Fera-t-on croire que c'étaient des
civils ? Il arriva dans la cour de l'hôpital et fut
dirigé à droite, dans une chambre, et de là il vit
les soldats allemands dans la cour tirer sur les
grange et écurie appartenant autrefois au capitaine
de Becdelièvre et qui sont actuellement inoccupées.
On vint le prévenir que des civils tiraient sur les
Allemands. Il s'offrit alors à faire le tour de la
ville, accompagné de soldats, pour bien prouver que
personne ne tirerait. Quand il arriva au coin de la
rue de Viller, plusieurs coups de feu retentirent.
C'était encore le fait de soldats, dans la rue. Il
m'a été confirmé par M. Déchappe, le receveur des
hospices de la ville, que ses fonctions appelaient à
chaque instant du bureau de l'hôpital à l'asile des
vieillards, rue de Viller.
Je ne m'arrête pas à la fable que des civile ont
tiré du nord de la rue Girardet maison du général
Vilmette, dans la cour de l'hôpital. C'est tout
simplement impossible, car : 1° la maison n'était
pas habitée ; 2° la hauteur du bâtiment de
l'hôpital, empêche tout tir, à moins de supposer un
tir plongeant, ce qui est absurde. Je ne tiendrai
non plus aucun compte d'une autre fable, celle qui
concerne le ministre officiant, M. Weill. Sa
malheureuse épouse est à Porrentruy et tout le monde
peut l'interroger. De sa fenêtre du second étage, au
n° 5 de la rue Castara, il est matériellement
impossible de tirer sur l'hôpital. A-t-il tiré sur
des convois de blessés ? Pour qui connaissait M.
Weill - et je suis de ceux-là - on le savait
incapable de pareille chose. Il était trop doux et
trop bon, n'ayant jamais tenu une arme en sa vie.
Cela n'est pas plus vrai que l'affirmation, qu'il
ait été fusillé. M. Jacquot, des travaux municipaux,
m'a dit avoir entendu, au « Comptoir Américain », n°
10 de la rue Castara, un soldat ivre se vanter en
disant : « C'est moi qui ai tué le prêtre juif d'une
balle au front. » Or, son corps a été retrouvé
asphyxié dans la cave, assis à la façon des
tailleurs, auprès du cadavre de sa fille.
Peut-être ce soldat est-il l'auteur de l'assassinat
de Crombez qu'il aurait pris pour M. Weill. Ce
Crombez sortait de la pharmacie n° 11 de la rue
Castara et rentrait chez lui. Au moment où il passa
au coin de la rue de Viller, il fut abattu par un
soldat qui se trouvait en face, au coin des rues de
l'Hôpital et de Viller. Les employés du bureau
furent spectateurs de la scène. Défense fut faite
durant 24 heures de toucher au cadavre et M. Braux,
adjoint, en me montrant sa position sur le trottoir,
me dit combien il eut peine à faire enlever et
enterrer ce pauvre malheureux dans le jardin de
l'hôpital.
J'ai hâte de conclure :
On a réellement tiré sur l'hôpital, mais, ce ne sont
pas, comme le prétend le communiqué Wolff, des
civils qui l'ont fait des « fenêtres et des lucarnes
des maisons du voisinage » ; ce sont bel et bien des
soldats et officiers allemands dans la rue. Les
témoignages sont accablants pour l'Allemagne !
Mais alors, dira-t-on, les soldats tiraient
eux-mêmes sur l'hôpital où se trouvaient leurs
malades ? Hélas ! oui, doit-on répondre. Plusieurs
furent blessés, ce que me certifièrent les soeurs
hospitalières.
Comment expliquer cette invraisemblance ? Après la
déroute de Rozelieures, la panique s'est emparée des
troupes allemandes, à moins d'admettre que la colère
et le vin ne leur aient fait perdre toute raison.
JOSSPH GOGNAT,
organiste de Saint-Jacques, à Lunéville.
(Le Démocrate de Delémont.)
LES MÉFAITS DES
TAUBES
Lunéville, 22 avril.
Nous lisons dans l'Indépendant de Lunéville :
« Mercredi matin, un Taube a de nouveau survolé
Lunéville ; il est venu nous sonner le réveil.
Deux bombes sont tombées à l'angle de la rue
Banaudon et de la rue Castara, devant les maisons
Chatton et Recouvreux. La rue Girardet a été
copieusement arrosée de projectiles : une bombe chez
M. de Ravinel, une sur le trottoir de la maison
Lallier, une chez M. Loeffel, une près de la
gendarmerie, une dans le dépôt de la ville et deux
dans le jardin de la maison voisine : Ménil en a
reçu trois.
Il y a eu neuf personnes blessées, dont trois hommes
et six femmes »
DES FLEURS SUR
LES TOMBES
Nancy,
22 avril.
- A l' Est républicain vous avez de tout votre
pouvoir, me dit une dame qui ne se lasse pas de
souscrire à toutes les oeuvres de solidarité, aidé la
sollicitude lorraine pour nos soldats. C'est très
bien.
- Madame...
- Laissez-moi vous dire. C'est très bien. Vous avez
organisé le Sou du blessé qui, grâce à la générosité
de vos lecteurs, a distribué aux hôpitaux 5.000
francs, si je ne me trompe.
« Vous avez ensuite envoyé par douzaines des
mandolines, des violons, des flûtes, des ballons de
foot-ball, et même me dit-on, des pipes, des
ocarinas, des harmonicas. Vous avez ainsi réjoui les
braves « terrassiers » de nos tranchées qui
défendent notre sol et que notre sol creusé défend à
son tour contre les balles ennemies.
« Vous avez organisé l'oeuvre des Cent sous du soldat
blessé pour lester d'un peu de monnaie le gousset de
ceux qui, trop légers d'argent, retournent au front.
« Vous avez créé l'oeuvre des Marraines de Lorraines
qui est d'un joli mouvement et dont je félicite
particulièrement l'Est.
- Madame, c'est vraiment trop de compliments. Le
mérite de tout cela revient exclusivement à nos
lectrices et à nos lecteurs. Eux seuls ont tout
fait. Permettez-moi d'ajouter que pour cette
dernière oeuvre, si au début nous avions plus de
marraines que de filleuls, nous avons à l'heure
actuelle plus de filleuls que de marraines.
Voulez-vous avoir l'obligeance d'en aviser vos
généreuses amies ?
- C'est entendu. Mais je ne suis pas venue pour le
plaisir de rappeler ce que vous avez fait, bien que
ce me soit une grande joie. J'ai tenu à vous
déclarer qu'il y a encore bien d'autres choses à
faire.
- Oh ! oui, bien d'autres choses encore.
- Je vais assez souvent dans les cimetières. Là
reposent les miens, et à ces heures tragiques j'aime
plus particulièrement leur apporter mon souvenir et
rassembler dans mon esprit, auprès d'eux, les
conseils qu'ils m'ont donnés, les exemples que leur
vie passée me dit de suivre, et goûter cette
satisfaction profonde de trouver dans le souffle qui
passe dans les cyprès un peu de l'âme qui s'est
envolée.
« Et j'ai remarqué que si sur les tombes de nos
parents et de nos amis défunts fleurissent toujours
les gerbes et les couronnes, les croix de bois de
nos soldats morts à la suite de blessures ou de
maladies ne sont pas toutes aussi affectueusement
ornées.
« Il est vrai qu'on ne saurait le reprocher à
personne. Les soldats que la grande Faucheuse a
couchés là ne sont pas tous de notre région
lorraine. Tous n'ont point de parents ici, ni
d'amis. Mais ils sont tombés en défendant notre
pays. Ils sont tombés pour nous. Nous leur devons
notre salut, et nous n'avons pas le droit de les
laisser partir sans les accompagner au moins du
geste qui remercie, qui bénit et qui fleurit.
« Je crois que si chaque famille qui perd un des
siens enlevait à celui qu'elle perd une gerbe ou une
couronne pour la porter sur une tombe nue de soldat,
elle ferait tressaillir de joie fraternelle l'être
cher qui s'en va aussi bien que le combattant
inconnu qui recevrait cet hommage.
« Cela ne suffirait peut-être pas, bien qu'il meure,
hélas ! beaucoup de gens. Aussi je vous propose de
faire appel à vos lectrices, à vos lecteurs. Tous,
qui ne demandent qu'à faire du bien aux vivants,
savent qu'il est juste aussi de déposer des fleurs
sur les tombes de nos soldats. C'est le seul
témoignage de reconnaissance que pour le moment nous
puissions leur donner. Donnons-le de tout notre
coeur.
« Voici ma petite offrande. Faites fleurir avec
cela, - voulez-vous, Monsieur ? - quelques-uns des
tertres militaires où reposent des vaillants. »
Cette pensée si délicate, si tendre, je l'offre en
ces jours de printemps à nos amis. Grâce à eux,
bientôt certainement toutes les croix des soldats
morts pour la patrie auront des couronnes et des
fleurs.
RENÉ MERCIER.
DEUX LIGNES DE
TRANCHÉES
enlevées près de Saint-Mihiel
Paris 22
avril, 15 heures.
Rien n'a été signalé depuis le communiqué de ce
matin.
Paris, 23 avril, 0 h. 29.
Voici le communiqué officiel du 22 avril 23 heures :
Près de Langemarck, au nord d'Ypres, les troupes
britanniques ont repoussé deux attaques allemandes.
A la cote 60, près de Zvartelen, les contre-attaques
allemandes, dont la violence paraît s'expliquer par
le désir de réparer un échec nié par les communiqués
officiels de l'état-major impérial, ont échoue
définitivement. Les pertes de l'ennemi sont
supérieures aux chiffres indiqués hier.
Dans le secteur de Reims, lutte d'artillerie.
Dans l'Argonne, à Bagatelle, une attaque allemande,
peu importante d'ailleurs, a été repoussée.
Près de Saint-Mihiel, dans la forêt d'Apremont, nous
avons enlevé d'assaut deux lignes successives de
tranchées, au lieudit « La Tête-de-Vache ».
« La Tête-de-Vache » formait un saillant dans nos
positons qui nous gênait sérieusement. De très
nombreux cadavres allemands sont restés sur le
terrain et nous avons fait une cinquantaine de
prisonniers.
En Alsace, nous avons continué à progresser sur les
deux rives de la Fecht. Au nord, nous tenons le
confluent de la Fecht et de son affluent de gauche,
la Wurmsa. Au sud, nous avons atteint Schiessloch,
gagnant ainsi du terrain dans la direction de
Metzeral.
UNE BOMBE AUX
TROIS-MAISONS
Simples dégâts
matériels
Nancy,
23 avril
Mercredi, vers six heures moins un quart, alors que
la circulation était intense dans le centre de la
ville, on aperçut tout à coup un « Taube » qui
survolait Nancy à une grande hauteur.
Presque aussitôt, des détonations annonçaient que
les artilleurs en garde sur les collines
environnantes avaient aussi aperçu le vilain oiseau
et le chassaient. Celui-ci, d'ailleurs, se voyant
découvert, fit volte-face et s'empressa de reprendre
la direction de Metz.
Dans toutes les rues et sur les places, un nombreux
public suivait attentivement la chasse au « Taube »,
que les fumées de shrapnells entouraient quelquefois
presque complètement.
En fuyant à toute vitesse, l'avion ennemi put
s'échapper et il laissa tomber une bombe qui alla
s'abattre sur le trottoir de la rue de Malzéville, à
l'angle du faubourg des Trois-Maisons, à un mètre de
la maison de M. Royer, pharmacien.
Le projectile, par son choc contre le sol, produisit
une forte explosion qui eut pour résultat de briser
toutes les vitres des premières maisons de la rue de
Malzéville. Il creusa un trou dans le bitume d'un
diamètre de soixante centimètres et d'une profondeur
de trente centimètres.
Des débris de la bombe furent projetés de tous
côtés, brisant les saillies des tailles de la maison
de M. Royer et éraflant les murs. Des shrapnells
atteignirent la devanture du magasin du numéro 8, où
se trouvent une recette auxiliaire des postes
Quelques autres se perdirent dans le plafond.
Mme Richard et ses employées se trouvaient dans le
débit de tabac. Aucune d'elles ne fut atteinte, mais
elles crurent un instant qu'elles étaient devenues
sourdes.
Au moment où la bombe vint s'abattre sur le
trottoir, la circulation était assez intense. Aussi
c'est par un hasard providentiel que personne ne fut
blessé. Une femme a reçu toutefois un éclat de vitre
qui lui a fait une égratignure à une jambe.
Une foule considérable s'était rendue rue de
Malzéville pour constater les dégâts de la bombe.
Les agents avaient peine à maintenir les curieux
pendant que l'on enlevait les éclats de verre qui
jonchaient les trottoirs. Chacun voulait s'approcher
du trou pour y chercher quelques morceaux de fonte
ou de fer provenant de la bombe, afin d'avoir un
souvenir. Les chercheurs en furent pour leurs
peines, car on ne découvrit qu'un morceau de chiffon
a noir qui doit provenir d'une banderole attachée à
la bombe.
Les dégâts, purement matériels, sont peu
considérables, comparativement au bruit de
l'explosion qui fut très forte.
Détail bizarre : la glace de la devanture de M.
Royer donnant sur le faubourg des Trois-Maisons ne
fut pas brisée, pas plus qu'une autre glace de la
devanture d'un magasin rue de Malzéville, alors que
toutes - les vitres du voisinage avaient volé en
éclats.
A Le bruit a circulé dans la soirée qu'une bombe
était tombée rue de Saurupt, mais ce bruit est fort
heureusement erroné.
LE NOUVEAU
PROCÉDÉ DE LA KULTUR
LEURS BOMBES ASPHYXIANTES ET LEURS ÉCHECS
Paris 23
avril, 15 h. 10.
Dans la soirée d'hier, des engagements assez vifs
ont eu lieu en Belgique.
Dans la boucle de l'Yser, autour de Dixmude, les
troupes belges ont repoussé une attaque dirigée sur
le château de Vigogne, et ont infligé à l'ennemi de
fortes pertes.
Au nord d'Ypres, les Allemands en employant en
grands quantité des bombes asphyxiantes, dont
l'effet a été ressenti à deux kilomètres en arrière
de nos lignes, ont réussi à nous faire reculer dans
la direction du canal de l'Yser, vers l'ouest, et
dans la direction d'Ypres, vers le sud. L'attaque
ennemie a été enrayée par une contre-attaque.
vigoureuse, qui nous a permis de regagner du terrain
en faisant de nombreux prisonniers.
Au bois d'Ailly, près de Saint-Mihiel, nous avons,
par une attaque à l'est et à l'ouest de la position
précédemment conquise, pris sept cents mètres de
tranchées et, fait une centaine de prisonniers dont
trois officiers.
LES BOMBES
ASPHYXIANTES
Nous leur
démolissons une batterie en Champagne. - Nous
annihilons leurs attaques sur les Hauts-de-Meuse et
dans les bois d'Apremont.
Paris,
24 avril, 1 heure.
Voici le communiqué officiel du 23 avril, 23 heures
:
En Belgique, la surprise provoquée par les bombes
asphyxiantes dont se servirent Les Allemands au nord
dYpres, n'a pas eu de suites graves. Notre
contre-attaque, vigoureusement appuyée par les
troupes britanniques à notre droite et soutenue
également par les troupes anglo-françaises, a gagné
du terrain vers le nord, entre Steenstraete et la
route d'Ypres à Poelcapelle.
Nos alliés ont fait des prisonniers de trois
régiments différents.
En Champagne, à Beauséjour; nous avons démoli sous
sa casemate une pièce ennemie qui prenait nos
tranchées en enfilade.
Sur les Hauts-de-Meuse, l'ennemi a tenté trois
attaques, à la tranchée Calonne, aux Eparges et près
de Combres. Il a été immédiatement arrêté.
Dans la forêt d'Apremont, à la « Tête de Vache »,
nos progrès ont continué. Nous avons trouvé dans les
tranchées conquises environ deux cents morts
allemands.
Notre artillerie a fait exploser deux dépôts de
munitions auprès desquels se trouvait une compagnie
d'infanterie allemande qui a été presque totalement
anéantie.
Nous avons pris un lance-bombes, une mitrailleuse et
du matériel.
LA KULTUR
RETOURNÉE
Nancy,
24 avril.
Les Russes disent :
- Jusqu'ici nos aviateurs bombardaient exclusivement
les troupes et les construction militaires. Comme
les aviateurs austro-allemands bombardent maintenant
les populations paisibles, nous serons obligés
d'entrer dans la voie des représailles. »
Ceci va faire dresser les cheveux aux braves gens
qui, les pieds dans leurs pantoufles, loin de la
ligne de feu, dans les pays neutres, s'occupent
activement à protester contre les rigueurs de la
guerre, en philosophant avec sérénité après le café
au lait du matin.
Ainsi les Allemands ont brûlé nos villages,
assassiné des civils, fusillé des enfants, collé au
mur des femmes, arrosé de pétrole nos tranchées,
coulé des navires de commerce et noyé les équipages,
distribué l'horreur automatiquement. Leurs Taubes et
leurs Zeppelins ont tué partout où ils ont pu dans
les villes ouvertes des innocents dont le crime
était de dormir dans leur lit ou de se promener par
les rues. Et les beaux philosophes de la neutralité
et du pacifisme ont déclaré timidement, les uns
qu'on étudierait ces questions après la guerre, les
autres que tout de même ces procédés, étaient
fâcheux. Quand nous criions de douleur, ils
consentaient à avouer que notre passion était, à la
rigueur, compréhensible.
Les Allemands continuent cependant à bombarder les
églises, à détruire nos villes, à piller, à tuer.
Et la Gazette de la Croix peut, à Berlin, sans
soulever la moindre indignation, écrire les lignes
que voici, et qu'aucun commentaire ne saurait
accompagner sans en affaiblir l'atrocité :
Jusques à quand renoncerons-nous aux mesurée de
rigueur que justifie la guerre et qu'elle exige
même, si nous voulons protéger nos compatriotes,
affaiblir l'ennemi, assurer et hâter la fin de la
guerre ?
La cruauté de nos moyens de guerre ne doit pas nous
empêcher de les employer. La guerre est cruelle ;
nos mortiers de 12 et nos Zeppelins le sont aussi.
Les principes de la morale et du christianisme nous
empêchent de haïr notre prochain et de lui faire du
mal par haine. Par contre, lui faire du mal quand
nous sommes en guerre, parce qu'il est notre ennemi
et parce que nous hâtons ainsi la fin d'une guerre
moralement justifiée ce n'est pas seulement notre
droit, c'est notre devoir.
II est actuellement erroné par conséquent de nous
laisser dominer par la chimère d'une guerre conforme
au droit des gens et de tâcher de respecter ces
préceptes ou de ne les violer que lorsqu'ils l'ont
été précédemment par nos ennemis.
Pourquoi donc ne cherchons-nous point à abréger ce
conflit en frappant l'ennemi en ses points les plus
sensibles, en bombardant Londres et les centres de
la vie civile au moyen de nos Zeppelins qui
pourraient aisément s'acquitter d'une pareille tâche
? Je le répète : « Quousque tandem ? »
Donc les Allemands auront le pouvoir de conduire la
guerre avec une abominable barbarie, et nous
devrons, sous peine de blâme, tout supporter en nous
croisant les bras ! C'est la justice spéciale des
philosophes neutralisés ratiocinant dans leur
cabinet.
On reconnaît pourtant au paisible promeneur que
menace le surin de l'apache le droit de se servir de
son browning. A nous, non. Il faut se laisser
abattre on bêlant des protestations, éloquentes
certes, mais dont on se moque bien là-bas. Pour
mériter le titre d'humain il faut se résoudre à
rester éternellement la victime.
Les Russes ne comprennent pas ainsi. Ils se
garderaient de commencer. Quand on attaque leurs
soldats, ils répondent en attaquant les soldats
ennemis. Mais si on touche à la population civile,
ils tiennent à ca que la population civile de
l'autre côté goûte les bienfaits de la Kultur
allemande retournée. Les plus beaux raisonnements du
monde ne vaudront pas grand chose contre l'instinct,
de la conservation.
L'humanitarisme gémira. Mais il parait, d'après les
fortes théories germaines, que l'humanité bien
comprise, exige que l'on abrège le conflit « en
frappant l'ennemi en ses points les plus sensibles,
en bombardant les centres de la vie civile au moyen
des Zeppelins ».
Nos ennemis ne peuvent donc se fâcher si, comme eux,
les Russes appliquent leurs doctrines malgré leur
répugnance.
Toutes ? Non.
Il n'est pas question d'employer, comme les
Austroboches, des balles explosibles, ni de noyer
les équipages sans défense des navires de commerce,
ni de voler, ni de piller, ni d'assassiner. Les
soldats alliés, dans un mouvement de fureur, le
voudraient qu'ils ne le pourraient pas. Tout se'
révolterait en eux.
S'ils se battent avec une vaillance inouïe, ils ne
comprendraient pas l'inutile tuerie de personnes
désarmées. Ils n'ont pas pour cela la kultur qu'il
faut.
Ils se contentent modestement d'être des civilisés
qui défendent leur patrie, et le droit de vivre en
paix dans une humanité libre.
Mais si les éclats des bombes lancées par des
aviateurs sur les gares ou sur les pointe de
rassemblement militaires accrochent, par un
malheureux hasard quelques Allemands ou quelques
Autrichiens, loin de la bataille, nous entendons
bien qu'on ne nous le reproche pas sur les sommets
où trônent les pacifistes olympiens.
Comme le disent nos confrères suisses, qui font un
admirable effort pour garder une neutralité, -
impartiale, celle-là : « Faut-il rappeler les bombes
sur Nancy, sur Paris et sa banlieue, sur Calais, sur
Dunkerque, sur les villes anglaises, les exécutions
d'habitante inoffensifs en Belgique et en France ?
Qui donc a commencé la guerre aux civils, contre
toutes les stipulations solennelles du traité de la
Haye ? »
Qui, avant, tout cela, un mois à peine après le
début de la guerre, le 4 septembre, lançait des
bombes sur la cathédrale de Nancy, et tuait sur la
place même un vieillard et une fillette ?
RENÉ MERCIER.
VISITES DE M.
LE PRÉFET
Nancy,
24 avril.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle, accompagné de M.
le sous-préfet de Lunéville, s'est rendu hier dans
les communes de Neufmaisons, Pexonne, Pierre-Percée
et Badonviller. Il a salué dans chacune de es
communes le commandant d'armes et la municipalité ;
il a été heureux de constater que partout l'état
d'esprit des populations lorraines était digne de
celui de nos admirables soldats, dont elles
partagent la confiance chaque jour plus forte dans
le triomphe de notre noble cause.
A Badonviller, qui a subi une si longue série
d'épreuves, M. le préfet a particulièrement remercié
M. Fournier, délégué de la municipalité, qui, avec
autant de calme que de dévouement, assure le
ravitaillement des habitants restés opiniâtrement
dans les ruines de la malheureuse commune.
L'EMPLOI DES
BOMBES ASPHYXIANTES
Une surprise
toute passagère et sans conséquences. - Leurs
attaques repoussées aux Eparges, dans la forêt d'Apremont,
vers Parroy et en Alsace.
Paris,
24 avril, 15 heure.
Les rapports complémentaires précisent les
conditions dans lesquelles les Allemands ont réussi
à faire, avant-hier soir, reculer nos lignes au nord
d'Ypres, entre le canal de l'Yser et la route de
Poelcapelle.
Une lourde fumée jaune, partant des tranchées
allemandes, et poussée par le vent du Nord, a
produit sur nos troupes un effet complet d'asphyxie
qui a été ressenti jusque sur nos positions de
deuxième ligne.
La contre-attaque prononcée hier nous a déjà permis
de regagner une, partie du terrain perdu.
Notre situation est complètement consolidée et notre
action se poursuit dans de bonnes conditions, avec
l'appui des troupes britanniques et belges.
L'ennemi a prononcé une attaque aux Eparges, une
autre à la « Tête-de-Vache » (forêt d'Apremont). Il
a été repoussé.
Une attaque des-Allemands au sud de la forêt de
Parroy et une autre au Reichakerkopf, ont été
arrêtées par notre feu. L'ennemi a subi des pertes
sérieuses.
Paris, 25 avril, 0 h. 30, Voici le communiqué
officiel du 24 avril, 23 heures :
L'effort allemand sur l'Yser
Au nord d'Ypres, les Allemands, dans la nuit de
vendredi à samedi et dans la journée de samedi, ont
tenté un effort violent pour exploiter la surprise
provoquée avant-hier par leurs gaz asphyxiants.
Cet effort a échoué.
Samedi, à l'aube, ils avaient réussi à enlever, sur
la rive gauche de l'Yser, le village de Lizerne,
mais une vigoureuse attaque des zouaves français et
des carabiniers belges nous a rendu ce village, que
nous avons dépasse bientôt et nous avons progressé
sensiblement sur notre gauche, en liaison avec
l'armée belge, et plus lentement sur notre droite.
Les troupes britanniques étaient l'objet pendant ce
temps, d'une violente attaque. Elles y ont riposté
par une contre-attaque immédiate dont les résultats
ne sont pas encore connus.
En Champagne
Au saillant nord du fortin de Beauséjour, les
Allemands ont fait exploser cinq fortes mines, à
proximité de nos tranchées.
Malgré la violence de l'explosion, les entonnoirs,
qui ont un diamètre de vingt-cinq mètres, ont été
aussitôt occupés par nos troupes, qui y ont devancé
l'ennemi.
Violents combats au bois d'Ailly
Des combats très chauds se sont livrés au bois
d'Ailly, où les Allemands ont multiplié des efforts
désespérés pour reprendre les sept cents mètres de
tranchées que nous leur avons enlevés le 22 avril.
Après avoir dû évacuer une fraction de ces tranchées
le matin, nous l'avons reconquise dans la journée,
et nous nous y sommes maintenus.
Dans la forêt d'Apremont
Dans la forêt d'Apremont, à la « Tête-de- Vache »,
l'ennemi, nous a bombardés violemment, mais il ne
nous a plus attaqué.
L'oeUVRE
RÉGIONALE DE LA SOCIÉTÉ INDUSTRIELLE
Ce qui a été fait
et ce qui reste à faire. - Una visite aux ateliers
où se confectionnent les colis des prisonniers.
Nancy,
25 avril.
Au premier rang des oeuvres innombrables par
lesquelles le coeur des non-combattants manifeste son
admiration et sa reconnaissante à l'égard de ceux
que la Patrie a chargés de sa défense, on peut bien
placer celle des secours aux prisonniers de guerre.
Succombant sous le nombre dans quelque embuscade
traîtresse, surpris souvent par un éboulement de
mine, couverts, la plupart du temps de glorieuses
blessures qui les mettaient désormais dans
l'impossibilité de poursuivre la lutte, ils s'en
sont allés, ceux-là, dans l'amertume d'un rêve de
gloire évanoui, avec le lancinement des plaies, vers
les humiliations et vers les souffrances matérielles
et morales d'un lointain exil.
Noua n'avons pas besoin de refaire ici le tableau de
l'existence pitoyable qui attend nos malheureux
prisonniers dans les camps d'Allemagne : nourriture
insuffisante et mauvaise, dans un pays lui-même
affamé ; manque souvent d'hygiène et manque surtout
de vêtements pour remplacer ceux que les tranchées
ont mis eu lambeaux ; rareté des nouvelles du pays,
remplacées par les mensonges de l'agence Wolff, qui,
plus que la faim, éprouvent les caractères les mieux
trempés.
Et si l'on songe que notre Lorraine compte, parmi
ces prisonniers, un grand nombre de ses enfants,
originaires des régions encore occupées, et que, par
conséquent, ils ignorent, depuis le début de la
guerre, c'est-à-dire depuis bientôt neuf mois, ce
que sont devenus les êtres cher laissés au foyer
natal, souillé par l'envahisseur, on ne peut se
défendre d'une bien naturelle émotion et d'une
sincère pitié.
Mais à quoi servirait une sympathie purement
platonique, si elle ne devait pas se traduire
ensuite par une aide effective. S'apitoyer sur une
misère, c'est bien, mais la soulager, c'est mieux...
Et la Lorraine ne s'est pas dérobée à sa dette
sacrée. Elle a subventionné, elle est prête à
subventionner largement encore cette oeuvre admirable
de secours aux prisonniers de guerre, car elle sait
que ses sacrifices vont tout droit à ses propres
enfants, et à ceux en particulier qui n'ont pour
ainsi dire plus de familles, puisque ces familles
sont elles-mêmes en exil ou bien retenues au secret
dans les communes occupées.
Dès le début, dos hostilités la Société industrielle
de l'Est avait mis son organisation administrative
si puissante au service de l'oeuvre de recherches
des disparus.
Des disparus aux prisonniers, il n'y avait qu'un
pas. Il fut rapidement franchi. La Société ne tarda
pas à secourir les prisonniers dont on lui signalait
la situation nécessiteuse.
Mais aussitôt lès demandes affluèrent et, en raison
de l'occupation d'une partie de notre département
par l'ennemi, cette oeuvre prit rapidement une
extension considérable. Le fonds de secours,
constitué par la Société industrielle et par les
libéralités de quelques membres, fut bientôt
insuffisant.
On songea alors à faire appel à l'inépuisable
générosité lorraine, et l'oeuvre prit, dès lors, un
caractère plus régional.
On &e rappelle qu'une souscription fut ouverte à ce
moment, sous le haut patronage de M. le préfet, de
Mgr Turinaz, de M. le maire de Nancy et du président
du conseil général. Elle avait surtout pour but de
venir en aide aux prisonniers des régions envahies,
dont les demandes de secours à leurs familles
n'avaient pu leur parvenir, en raison de
l'occupation du territoire.
On recueillit ainsi une vingtaine de mille francs,
auxquels s'ajoutèrent de nombreux dons en nature
(linge, lainages, vêtements, chaussures, etc.).
Grâce à ces dons, la Société industrielle a pu,
jusqu'à ce jour secourir plus de deux mille
prisonniers, envoyant ainsi plus de deux mille
paquets et plus de deux cents mandats de cinq ou de
dix francs. Elle a pu, en même temps, servir
d'intermédiaire entre les prisonniers et les
personnes généreuses qui cherchent des soldats
captifs dignes d'un intérêt particulier pour leur
venir en aide d'une façon permanente et leur servir,
en un mot, de « marraines ».
Et l'oeuvre s'étendit encore, et elle continue à
s'étendre chaque jour. De nombreuses familles, en
effet, demandent à la Société un secours pour les
leurs, lorsqu'elles sont trop déshéritées de la
fortune elles-mêmes pour leur venir en aide, et, de
tous les camps d'Allemagne où se trouvant des
Lorrains, et surtout des Lorrains des territoires
occupés, arrivent à la Société des lettres pour
prier qu'on ne les oublie point.
Ah ! comme elles sont touchantes, ces lettres
timides de nos grands et chers orphelins ! Ah !
comme l'on voudrait qu'aucun d'eux ne pût se croire
oublié !
Non. Aucun ne le sera. Nancy tout entier et toute la
Lorraine sauront encore avoir le geste généreux qui
ne permettra pas qu'un seul de ses enfants puisse se
croire abandonné. S'il manqué encore dix mille
francs pour arriver au but, ces dix mille francs
vont être rapidement souscrits. On n'a jamais fait
de vain appel à notre coeur.
Sous la conduite de M. Brun, l'actif distingué
secrétaire général de la Société industrielle de
l'Est, qui consacre beaucoup de son temps si
précieux et tout son coeur, à la bonne marche de l'oeuvre,
nous avons pu visiter, mercredi, à l'hôtel de la
Chambre de commerce, rue Gambetta, les locaux où se
préparent les paquets des prisonniers.
Le travail, à ce moment, bat son plein. Chaque salle
est comme une ruche de diligentes abeilles. Une
quarantaine de jeunes Biles sont là, occupées, sur
de longues tables, à la confection des paquets. Les
une plient en véritables artistes chemises, caleçons
et chandails. Un article de toilette, une trousse ou
quelque friandise complètera agréablement et
utilement la surprise. D'autres cousent les paquets,
qui s'entassent ensuite dans des sacs appropriés,
par séries de vingt-cinq, après avoir reçu. sur la
blancheur immaculée de leur enveloppe, l'adresse de
chaque destinataire en une écriture superbe due, à
la plume de l'excellent M. Varroy qui a dû jadis,
calligraphier bien des noms de « bleus » sur des
livrets militaires, comme fourrier ou comme chef,
avant de conquérir les galons d'adjudant et la
médaille militaire ?
Toutes ces gentilles ouvrières sont des volontaires.
La plupart appartiennent à l'école ménagère de la
Société industrielle, qui, on le sait, a, depuis
quelques années déjà, réalisé l'idée que nos
vaillants ouvriers d'usines seraient enchantés de
trouver en ces jeunes filles de véritables cordons
bleus en même temps que des épouses charmantes.
D'autres sont des enfants de réfugiés. Et toutes
luttent d'activité, après leur leçon de cuisine, où
elles apprennent à faire bon et à bon marché dans,
cette confection des paquets aux prisonniers, sous
l'habile direction de leurs maîtresses dévouées de
l'école, Mlle Geoffroy, la remarquable directrice,
si bien secondée par ses dignes collaboratrices,
Mlles Henard et Bisch.
Voulez-vous un aperçu du travail fourni mercredi, en
quelques heures, par cet essaim de braves petites
Lorraines ? Eh bien, elles ont confectionné tout
simplement SEPT CENTS paquets.
Et, bientôt, ce seront sept cents heureux de plus
dans les camps de Bavière, de Saxe, de Wurtemberg ou
de Prusse !
Ceux qui ont déjà envoyé à l'oeuvre leur obole, comme
ceux qui n'attendent pour l'envoyer qu'un appel,
seront certainement enchantés de connaître la
composition de chaque paquet d'une valeur d'environ,
dix francs. La voici :
Composition moyenne d'un paquet pour prisonnier -
Une chemise de flanelle, un caleçon, une ou deux
paires de chaussettes ; deux mouchoirs, deux
serviettes : un lainage (chandail ou cache-nez, ou
gilet, ou ceinture, etc.), remplacé actuellement par
des conserves.
Un savon, un peigne, une trousse de couture, une
livre de chocolat, une ou deux boîtes de conserves,
biscuits, biscottes ou pain.
Dans quelques jours, on pourra, entre la tablette de
chocolat et le mouchoir, glisser la photographie,
imprimée sur cartes postales, de toutes les
fillettes des ateliers de la rue Gambetta, de toutes
nos jeunes ouvrières volontaires. M. Bergerot,
qu'aucune oeuvre humanitaire ne peut laisser
indifférent, a pris, paraît-il, tous les frais
d'impression à sa charge. Et peut-être quelque
prisonnier y découvrira-t-il une de ses soeurettes de
Lorraine !
Les résultats ainsi atteints sont donc tout
simplement magnifiques. Mais l'infatigable M. Brun
rêve encore de faire mieux. On pourrait peut-être «
forcer » sur les envois d'aliments. Il ne suffit pas
de vêtir l'extérieur de l'homme, il convient aussi
de ne pas oublier la lampe intérieure, qui donne
l'énergie.
Enfin, quelques livres, quelques honnêtes romans
français, dans lesquels nos ennemis ne pourraient
rien découvrir de subversif, charmeraient, de la
façon la plus agréable, les longues heures de
solitude de nos chers prisonniers.
Et que l'on n'ait pas la, moindre inquiétude sur le
sort des envois. La Société industrielle de l'Est
s'est entourée des plus minutieuses et des plus
précieuses garanties. Elle fait ce que ne peuvent
pas faire les familles, par des envois éparpillés.
Elle adresse un lot entier de plusieurs centaines de
colis au même camp - le dernier envoi était pour
Koenigsberg - avec, sur chacun de ces colis,
l'adresse minutieusement exacte des prisonniers de
Lorraine, dont les noms lui ont été fournie par
l'intermédiaire sûre d'un ministre ou d'un
ambassadeur d'une puissance neutre. L'ambassadeur
d'Espagne à Berlin s'est déjà chargé de nombreuses
distributions, et il en a accusé réception par
l'envoi de bordereaux, justifiant que la remise
avait parfaitement été faite aux destinataires.
Au reste, chaque courrier apporte à M. Brun de
volumineux paquets de lettres de remerciements, que
lui adressent les heureux bénéficiaires.
Les dons en nature seront sans doute toujours les
bienvenus. Mais les dons en espèces sont
préférables. Le comité peut, on effet, acheter à
meilleur compte qu'un particulier, en opérant sur de
grandes quantités et en faisant valoir la
destination de ses achats auprès de nos commerçants,
toujours généreux et si ardemment patriotes.
Les bourses les plus modestes, comme les bourses les
plus riches, voudront verser un peu de leur argent
ou de leur or. C'est pour les nôtres, qui se sont
battus pour nous, et souffrent tant pour nous.
C'est pour ceux surtout devenus sans famille que la
Société industrielle de l'Est lance ce nouvel appel.
Il ne faudrait pas connaître le coeur de nos
concitoyens pour croire qu'il ne sera pas entendu.
La Société industrielle aura promptement reçu,
n'est-ce pas, à ses bureaux de la rue Gambetta, 40,
l'argent nécessaire à son rêve de si touchante et si
patriotique humanité ?
J. MORY.
LEURS BOMBES
ASPHYXIANTES
n'ont pas arrêté nos progrès
SUCCÈS EN ARGONNE
Paris,
25 avril, 15 h. 15.
En Belgique, nos contre-attaques se poursuivant avec
succès, en étroite liaison avec nos alliés. Les
Allemands, qui ont attaqué avec deux corps d'armée,
ont continué à employer, dans la journée d'hier, des
gaz asphyxiants. Certains de leurs projectiles, non
éclatés, en contiennent une forte quantité.
Nous avons sensiblement progressé vers le nord, sur
la rive droite du canal de l'Yser. Les troupes
britanniques, malgré la violente attaque allemande
signalée hier soir, ont, à notre droite, maintenu
toutes leurs positions.
En Argonne, nous avons enlevé une tranchée ennemie,
pris deux mitrailleuses et fait des prisonniers.
L'action, toute locale, a été des plus vives.
Sur les Hauts-de-Meuse, à la tranchée de Calonne,
les Allemands ont attaqué avec toute une division
sur un front de moins d'un kilomètre. Ils ont
d'abord fait plier notre première ligne, mais ont
été ramenés en arrière par une contre-attaque.
LES ATTAQUES
ALLEMANDES SUR L'YSER
Paris,
26 avril, 1 heure.
Voici le communiqué officiel du 25 avril, 23 heures
:
Au nord d'Ypres, le combat continue dans de bonnes
conditions pour les troupes alliées. Les Allemands
ont attaqué, sur plusieurs points, le front
britannique, dans la direction nord-sud, nord-est et
sud-ouest. Ils n'ont pas gagné de terrain.
De notre côté, nous avons progressé sur la rive
droite du canal par de vigoureuses contre-attaques.
Sur le reste du front, rien k signaler
LES TAUBES
Paris,
26 avril, 1 h. 05.
Cet après-midi, un peu après cinq heures, un taube a
survolé Belfort. Vivement canonné par les forts, il
a dû rebrousser chemin sans avoir pu lancer de
bombe.
LA CONQUÊTE DU
BOIS D'AILLY
Huit jours de
luttes héroïques Le récit officiel
Entré la
Woëvre et Saint-Mihiel, à travers les hautes futaies
et les taillis de la forêt d'Apremont, les tranchées
françaises et allemandes, très rapprochées les unes
des autres, suivent une ligne sinueuse bordant les
crêtes, escaladant les pentes de cette partie si
accidentée des côtes lorraines.
Depuis le mois de septembre, de violents combats se
sont livrés dans cette région.
A coups de grenades et de bombes, au bois Brûlé, au
bois d'Ailly, on s'est disputé pied à pied d'infimes
parcelles de terrain.
Nos troupes avaient en face d'elles un adversaire
courageux et ardent, contingents bavarois,
strictement disciplinée, bien ravitaillés, grâce à
la proximité de Metz et auxquels leurs chefs
répétaient que le succès de leurs efforts amènerait
la chute de Verdun.
En réalité l'état-major allemand a renoncé depuis
longtemps à la tentative d'investissement ébauchée
en septembre. C'est nous qui menaçons aujourd'hui sa
possession de Saint-Mihiel. Le bois d'Ailly est à
trois kilomètres environ de la ville et c'est pour
enrayer tout progrès de notre part sur les crêtes
septentrionales de la forêt d'Apremont que l'ennemi
avait adopté cette attitude agressive.
Les Allemands ont appliqué à ces attaques une
infanterie allante et un matériel puissant, grenades
à main dépensées sans compter et torpilles aériennes
contenant de fortes charges d'explosif. Ils ont
également amené sur les côtes de grosses forces
d'artillerie sorties de la place de Metz. Ils les
défilent à l'abri des bois et déplacent fréquemment
les pièces, grâce aux routes et aux lavons qui
entrecoupent la forêt.
Tout l'hiver nous avons subi le choc de l'ennemi.
Puis nous avons vu peu à peu son effort faiblir,
jusqu'au jour où, renonçant à l'offensive, il s'est
tenu sur une défensive encore plus tenace et
opiniâtre.
Mais c'est à nous qu'appartient maintenant
l'initiative des attaques. Les dernières actions,
menées avec méthode et énergie, nous ont déjà permis
de réaliser un succès dont nos troupiers ont le
droit d'être fiers : l'enlèvement de la corne du
bois d'Ailly.
LA PRÉPARATION DE L'ATTAQUE
Le bois d'Ailly s'étend à l'extrémité nord-ouest de
la forêt d'Apremont ; il chevauche une croupe dont
les pentes sud descendent d'un mouvement rapide vers
un ravin. Les Allemands tenaient la corne angulaire
et les lisières du bois au bas des pentes. Nos
tranchées, suivant le ravin, remontaient sur la
partie déboisée de la colline longeant le bois,
jusqu'à mi-pente environ.
A la corne, les Allemands avaient organisé un
retranchement très fort, baptisé par nous « Le
Fortin ». Dans le bois même, les tranchées
s'étageaient en trois lignes de feu communiquant
avec l'arrière par des boyaux.
Toute cette position est actuellement en notre
possession.
Les troupes qui l'ont enlevée se recrutent parmi les
Berrichons, les Morvandiaux et les Bourguignons, les
mineurs de Montceau et les ouvriers du
Petit-Creusot, soldats calmes et patients à la
besogne, remarquables à la fois par leur ardeur et
leur sang-froid. Le succès est dû à la valeur
militaire de ces régiments, à la puissance des
moyens matériels mis en oeuvre et à la minutieuse
préparation de l'attaque.
Le principe de la division du travail appliqué avec
ingéniosité assignait à chacun sa tâche. Nul
n'ignorait ce qu'on attendait de lui. Le soldat
français, d'esprit si ouvert, si prompt à la
discussion, si enclin à la critique, aime à ne pas
être considéré comme un collaborateur passif et
machinal. Il apprécie la valeur de cette méthode et
de ce souci du détail qui fait appel à
l'intelligence de chacun des exécutants. Un soldat
résumait ainsi son impression.
« Ça ne pouvait pas rater, le colonel nous avait
montré à chacun notre arbre ! »
LE TIR DE NOTRE ARTILLERIE
L'artillerie qui depuis plusieurs jours avait réglé
son tir, exécuta, le 5 avril, dans la matinée, sur
le Fortin et les trois lignes de tranchées, des feux
dont l'efficacité put être constatée. En même temps
que les obus explosifs de 75 et les gros obus de
l'artillerie lourde, les torpilles aériennes lancées
à courte distance bouleversaient les parapets. On
voyait les cadavres, les armes et la terre, projetés
au-dessus des tranchées au milieu de la fumée. Les
arbres ébranchés, brisés, jonchaient le sol.
Les défenses accessoires qui protégeaient les
tranchées étaient détruites. Les Allemands, en
certains points, avaient entassé sur douze mètres de
profondeur et deux mètres de haut des chevaux de
frise dont les fils de fer hélicoïdaux aux arrêtes
vives résistent aux plus fortes cisailles. Mais,
dans ces échafaudages, le 75 ouvrait de larges
brèches.
Nos observateurs d'artillerie à cent vingt mètres
seulement de la ligne allemande, dirigeaient le feu
avec précision. Les emplacements des mitrailleuses
de flanque ment, préalablement repérés, étaient
écrasés par des obus de 155.
A 11 h 50, le tir redoublait d'intensité. Lés
défenseurs des tranchées allemandes qui furent faits
prisonniers ont déclaré que ce bombardement leur
avait laissé une impression d'angoisse et de folle
épouvante.
A midi, cinq fourneaux de mines, préparés sous le
parapet et à proximité du fortin, explosaient,
anéantissant la garni son de l'ouvrage, et
provoquant une panique dans les tranchées voisines.
L'ASSAUT
C'était le signal de l'attaque.
Les fantassins sortirent rapidement de leur
tranchée. En trois vagues successives ils abordèrent
l'ennemi, sans tirer un coup de fusil - la
baïonnette en avant.
Des équipes de bombardiers marchaient en tête, la
musette pleine de grenades à main. Les combattants
étaient également armés de « calendriers », petites
boîtes d'explosifs fixés, sur des raquettes de bois,
qu'on lance à la façon du discobole, en les tenant
par le manche, ou que l'on assène d'un coup
vigoureux sur un adversaire rapproché.
Les sapeurs du génie, munis de leurs outils,
couraient avec les fantassins et traînaient des
passerelles qui devaient per mettre de franchir les
tranchées allemandes, trop larges pour être
enjambées d'un bond.
Ordre avait été donné en effet de ne pas entrer dans
les tranchées, de les dépasser pour prendre l'ennemi
à revers, l'écraser à coups de grenades ou le clouer
à coups de baïonnette.
Le programme fut exécuté point par point. Négligeant
le fortin détruit, le commandant de l'attaque avait
dirigé deux compagnies sur la partie ouest et deux
compagnies sur la lisière sud du bois, avec mission
de se joindre en arrière du fortin.
L'attaque de gauche atteignit rapidement son
objectif : certaines fractions dépassèrent même la
troisième ligne allemande et s'avancèrent jusqu'à la
lisière nord du bois. Les tranchées furent
rapidement « nettoyées » de leurs derniers
défenseurs. Beaucoup avaient cherché un refuge dans
des abris souterrains dont l'effondrement les fit
périr asphyxiés.
Les sections de mitrailleuses qui avaient suivi
l'attaque se mettaient immédiatement en position
dans les tranchées conquises, rapidement organisées.
Au secteur de droite, après avoir enlevé les trois
lignes ennemies, les deux compagnies s'étaient
repliées, gênées par le tir de mitrailleuses. Malgré
ce recul, les compagnies de gauche se maintenaient
au fortin. Nous avions fait trente prisonniers, pris
une mitrailleuse et deux lance-bombes.
Vers 15 heures, l'ennemi commença à réagir par son
artillerie. A 16 heures, il tentait une
contre-attaque qui fut éventée et arrêtée par nos
canons.
La nuit vint. Nous poursuivîmes l'action entreprise
; avant que le jour ne fût levé, nous étions de
nouveau maîtres d'une partie du terrain.
L'ATTAQUE DU 6 AVRIL
Le 6 avril, le commandant de l'attaque fixait, comme
objectif aux troupes du secteur de droite un point
convenu. Ce fut un combat très âpre, lutte à coups
de grenades dans les boyaux, combat individuel,
corps à corps dans ces étroits cheminements.
L'ennemi opposant une résistance acharnée, ordre fut
donné d'évacuer les abords de ce point et nous
exécutâmes sur cette parcelle de terrain un
bombardement très violent, qui eut raison de
l'adversaire Au soir, nous tenions les trois lignes
de tranchées de la corne du bois.
Vers, la gauche, nous avions également progressé,
avançant dans la tranchée allemande de la lisière du
bois.
Les pertes de l'ennemi étaient considérables. Déjà,
la veille, nous avions compté deux cents cadavres.
Dans la tranchée conquise le 6, nous trouvâmes des
morts entassés sur trois rangs. Toute la garnison
des ouvrages avait été anéantie. L'ennemi n'avait
plus aucune force fraîche à nous opposer.
LES CONTRE-ATTAQUES ALLEMANDES
Ce n'est que le 8 au matin que nos adversaires,
ayant ramené des troupes d'autres parties du
secteur, entreprirent la contre-attaque. Toute
l'artillerie allemande de la région de Saint-Mihiel
concentrait en même temps ses feux sur le terrain
perdu, qu'il lui était aisé de repérer.
Pendant deux jours, le 7 et le 8, nous eûmes à
repousser huit contre-attaques. Quelques-unes furent
arrêtées par notre artillerie, d'autres par nos
mitrailleuses, à vingt mètres ; certaines reprirent
pied dans la tranchée. Mais aucune ne put s'y
maintenir.
Chaque contre-attaque allemande était précédée d'une
canonnade violente qui acheva l'oeuvre de destruction
de notre artillerie.
Du bois d'Ailly il ne reste plus aujourd'hui que
quelques troncs meurtris. C'est un champ de
désolation, nivelé par les obus ; pas un pouce de
terrain qui n'ait été retourné par les explosifs.
Dans un étrange chaos, les pierres, les cadavres et
les armes s'entremêlent, coupant les ravins. On
aperçoit çà et là des débris de boucliers, des
gabions éventrés, des morceaux d'équipement, le tout
revêtu d'une uniforme couleur grise par la poussière
d'un sol pierreux.
Dans cet enfer, sous une tempête de fer et de feu,
nos hommes se sont maintenus. Il n'y avait plus
d'abris ; notre artillerie les avait détruits.
Certaines tranchées avaient été comblées. Les
parapets éboulaient. Les boyaux de communication
étaient coupés. Et cependant les agents de liaison
passaient à travers la mitraille. Les brancardiers
pansaient et transportaient les blessés.
Les obus tombaient sans trêve. On voyait des hommes
courir de place en place pour éviter les points
battus. Ailleurs ils s'étendaient au fond de la
tranchée, sur le ventre, protégés par leurs sacs,
serrés les uns contre les autres, et les officiers,
qui se promenaient, surveillant au parapet les
menaces de contre-attaque, piétinant le dos des
hommes, marchaient sur un dallage de havresacs.
Dès que l'attaque allemande était signalée, chacun
s'élançait à son poste de combat pour recevoir
l'ennemi à coups de fusil ou à coups de baïonnette.
QUELQUES HÉROS
Les sous-officiers, donnant l'exemple, n'hésitaient
pas à se découvrir au-dessus de la tranchée pour
faire le coup de feu, car il n'y avait plus de
créneaux. L'adjudant Thuillier et le sergent Hachet
furent ainsi frappés à la tête.
Les caporaux plaçaient leurs hommes. Aucun
affolement : un soldat dont le fusil ne fonctionne
plus, va tranquillement chercher dans son havresac
sa boîte à graisse. Ceux qui tombent encouragent
ceux qui restent Le soldat Limosin, blessé
grièvement, dit : « Tirez ! Tirez I... Ne les
laissez pas venir », et meurt en murmurant : « J'ai
fait mon devoir. »
Le soldat Namont, grièvement blessé, crie : « Que
Dieu sauve la Patrie ! Vive la France ! » et il fait
distribuer à ses camarades tout ce qu'il a sur lui
et dans son sac, vivres, argent, effets.
L'exemple des officiers stimule les hommes. Un
Saint-Cyrien de la « Croix du Drapeau », Jean Wucher,
déjà promu lieutenant, cité deux fois à l'ordre de
l'armée, et qui avait reçu la croix de la Légion
d'honneur en janvier, tombe mortellement frappé en
criant : « Les Allemands reculent, vive la France !
»
Le sous-lieutenant Week, qui relève le moral de tous
par son entrain, sa bonne rumeur et son tranquille
courage, est tué en faisant le coup de feu sur les
lanceurs de bombes ennemis.
Une compagnie, chargée de reprendre un élément de
tranchée perdu, contre-attaque en terrain découvert
et réussit. L'ennemi aussitôt couvre la tranchée de
projectiles Les hommes ne bronchent pas et chantent
en choeur la Marseillaise.
Tant d'héroïsme ne peut être vain. Huit fois les
Allemands ont été repoussés. Leurs cadavres
s'entassent devant les tranchées. Les fractions qui
sont parvenues jusqu'au contact, coupées de
l'arrière par des tirs de barrage, sont tuées
jusqu'au dernier homme, La dernière attaque a eu
lieu le 8, dans l'après-midi.
UN BOMBARDEMENT INFERNAL
Six compagnies allemandes avaient été anéanties.
L'ennemi n'a plus d'infanterie fraîche, mais il a
encore des munitions ; la place de Metz tient à sa
disposition des stocks considérables. C'est dans
cette réserve qu'il va puiser pour essayer d'écraser
les défenseurs du bois d'Ailly et reprendre par le
canon ce qu'il n'a pu conquérir à la baïonnette.
A 17 h. 30, le bombardement commence. En une heure
et demie, sur la corne du bois d'Ailly et nos
tranchées, sur un front d'environ trois cent
cinquante mètres et une profondeur de quatre cents
mètres, une vingtaine de mille obus ont été lancés,
projectiles de tous calibres, mais surtout de grosse
artillerie: 105, 130, 150 et 210.
C'était un roulement de tonnerre continu. Toute la
colline disparut dans un nuage de fumée. Les
communications furent coupées jusqu'à 19 heures. A
ce moment, le bombardement diminua d'intensité. On
put évacuer les blessés et relever les troupes de
première ligne. Une trentaine d'hommes étaient
atteints de troubles nerveux dont ils furent
plusieurs jours à se remettre ; les pertes avaient
été assez sensibles ; la proportion des blessures
légères était heureusement assez forte.
Personne n'avait quitté son poste et l'ennemi
n'avait pas osé contre-attaquer.
NOTRE ATTAQUE DU 10 AVRIL
La journée du 9 fut employée à remettre les
tranchées en état et à reconnaître le terrain en
avant des lignes conquises, afin de fixer le contour
des positions ennemies, en vue d'une nouvelle
attaque. A la fin de l'après-midi, le bombardement
s'accentua. Les Allemands tentèrent un retour
offensif qui leur coûta de nouvelles et lourdes
pertes.
Le 10 avril, notre artillerie exécuta du matin au
soir un tir bien réglé sur les lignes que nous
allions attaquer.
L'assaut ne fut déclanché qu'à 10 heures. Un
bataillon se porta en avant ; il était soutenu par
un peloton qui attaquait la tranchée d'en face.
Un autre bataillon, dont la mise en place fut
retardée par le bombardement des boyaux de
communication, le suivit.
Nous tenions donc toute la ligne. Nous n'y avions
trouvé que des tranchées hâtivement creusées par les
Allemands depuis le 5 et le 6.
Deux lance-bombes et une mitrailleuse restaient
entre nos mains. Notre butin total était depuis le 5
avril de cinq mitrailleuses et cinq lance-bombes,
auquel il faut ajouter plusieurs milliers de
grenades à main, des armes, des équipements, des
sacs remplis de vivres, des ventilateurs et des
casques respiratoires pour travaux de mine.
Les Allemands acceptèrent ce nouvel échec sans
contre-attaquer. Mais ils poursuivirent leur
bombardement pour gêner l'occupation et
l'organisation des lignes conquises. Le tir intense
pendant la journée du 11 se fit plus lent pendant la
nuit et reprit au jour.
NOS GAINS DU 13 AVRIL
Le 13 avril, malgré cette canonnade, toutes les
tranchées étaient en état. De nouveaux abris avaient
été aménagés.
A la fin de la journée, nous attaquions pour gagner
du terrain. Nous nous rendions ainsi maître d'une
bande de terrain de cinquante à cent mètres de
profondeur sur un front de quatre cents mètres.
Cette dernière action paraît avoir convaincu
l'ennemi de notre inébranlable volonté de nous
maintenir sur la position conquise. Son tir a
faibli. Les pièces lourdes se sont tues les unes
après les autres. Peu à peu, le calme est revenu au
bois d'Ailly.
CE QUE DISENT LES BLESSÉS
Le 15 avril, l'un des régiments qui avait pris
l'assaut rentrait dans ses cantonnements de repos,
musique en tête et drapeau déployé. Les hommes
étaient, couverts de boue et de poussière, quelques
capotes encore maculées de sang. Les blessés légers,
la tête bandée ou le bras en écharpe avaient voulu
prendre place dans le rang.
A l'infirmerie, le colonel alla voir les grands
blessés. Il leur parlait de leurs blessures et eux
de répondre : « Ça ne fait rien, mon colonel, je ne
regrette rien puisqu'on les a eus ! »
L'un d'eux, dont le bras avait été déchiqueté par
une grenade, expliquait : « J'étais en train de
construire une barricade avec des sacs à terre, dans
le boyau qu'on avait pris : elle était jusqu'à ma
hauteur quand j'ai reçu cela », et, son oeil fiévreux
s'allumant, il questionnait : « On l'a gardé,
n'est-ce pas, le boyau, mon colonel ? »
LEUR RAGE POUR
RECONQUÉRIR LES ÉPARGES
Toutes les attaques ou contre-attaques allemandes
échouent sur les Hauts-de-Meuse comme elles échouent
dans les Flandres.
Paris,
26 avril, 15 heures.
En Belgique, deux attaques allemandes, débouchant de
Pachendaelle et de Brodseinde, ont été arrêtées par
les troupes britannique. L'ennemi a alors bombardé
Ypres avec violence. Notre action se poursuit le
long du canal de l'Yser.
A Notre-Dame-de-Lorette, nous avons repoussé une
attaque allemande.
Sur les Hauts-de-Meuse, la bataille se développe.
L'attaque sur la tranchée de Calonne, signalée hier,
a été enrayée par notre contre-attaque et l'ennemi a
été rejeté. Il a alors attaqué plus à l'est, vers
Saint-Remy, visant manifestement la reprise des
Eparges. Un combat violent, précédé d'un
bombardement intense, s'est engagé peu après sur les
pentes est de cette position. L'attaque allemande a
échoué.
GROS ECHECS
ALLEMANDS VERS YPRES ET LES ÉPARGES
Paris,
27 avril, 0 h. 47.
Voici le communiqué officiel du 26 avril, 23 heures:
Au nord d'Ypres, sur la gauche du front de combat,
nous avons fait des progrès très sensibles. Nous
avons refoulé l'ennemi en lui infligeant de grosses
pertes.
Les Allemands se sont servis de nouveau de gaz
asphyxiants, mais un moyen de protection a été mis
en service et a donné les meilleurs résultats chez
nos alliés les Belges et chez nous.
Un vif combat d'infanterie a été livré près de Fay,
au nord de Chaulnes, pour la possession d'un
entonnoir provoqué par l'explosion d'une mine
allemande. Nos troupes en ont délogé l'ennemi et s'y
sont, maintenues, malgré deux contre-attaques.
En Champagne, près de Beauséjour, les Allemands ont
tenté une attaque, qui a été immédiatement arrêtée.
Dans les Hauts-de-Meuse, les attaques allemandes sur
le front des Eparges, Saint Remy, la tranchée de
Calonne ont subi un échec complet.
Malgré l'extrême violence de l'effort allemand, nous
sommes restés maîtres de la totalité de la position
des Eparges, dont les pentes sont couvertes de
cadavres ennemis.
A la tranchée de Calonne, notre recul d'avant-hier,
qui a été momentané et ne nous a causé la perte
d'aucun canon, a été immédiatement suivi de
contre-attaques heureuses de notre part Les
Allemands avaient donné l'assaut avec au moins deux
divisions.
Dans les Vosges l'ennemi, après un bombardement,
d'une extrême violence, a réussi à prendre pied au
sommet de l'Hartmansviler. Nous occupons, à cent
mètres environ du sommet, les positions où nous
avait conduits notre attaque du 23 mars. C'est de
ces positions que nous étions partis le 26 pour
enlever le sommet par un assaut de sept minutes.
LES BOMBES
INUTILES
Paris,
26 avril, 17 h. 30.
CASSEL. - Un taube a lancé deux bombes sur le
territoire de Bavinchove et neuf autour de Cassel.
Toutes sont tombées dans les champs, sans causer de
dommages.
Le taube, pourchassé, est parti vers le nord-est.
LES SAPES DE LA
FONTENELLE
"RÉCIT OFFICIEL
Du
Journal officiel du 27 avril, sous sa rubrique
habituelle: « Nouvelles du Front » :
« Dans les Vosges, comme en Artois, en Champagne et
en Argonne, la proximité des tranchées françaises et
allemandes et la puissance des organisations
défensives ont contraint les deux adversaires à
recourir, partout où la nature du terrain le permet,
aux procédés de la guerre de siège, à la sape et à
la mine.
Les actions, toutes locales, qui se sont déroulées
dans la région de Ban-de-Sapt, dans la première
quinzaine d'avril, ont eu ce caractère de lutte
lente et méthodique, amenant des décisions d'une
extrême brutalité.
A l'est de la Fontenelle, au sommet d'une colline
portant sur la carte d'état-major la cote 627, nous
avons, par le travail ingénieux de longs mois,
organisé une ligne de résistance très puissante,
protégée par des ouvrages avancés.
Les Allemands ont mis le siège devant cette colline.
A la fin de mars, leurs tranchées se trouvaient à 20
ou 25 mètres de notre position. Des bruits suspects
révélèrent à ce moment que la lutte souterraine
commençait.
L'ennemi renonçant à enlever de vive force les
organisations de la cote 627 s'apprêtait à les
ronger peu à peu à la mine.
Mais le sous-sol de cette région, d'un roc très dur,
ne peut être entamé que lentement au burin et au
pic, et nous avions déjà devancé l'adversaire en
poussant en avant de nos ouvrages des rameaux de
contre-mine.
Premiers contacts
Le 6 avril, la pioche d'un pionnier allemand crevait
la mince épaisseur de roche séparant, sa sape de
l'un de nos rameaux. Nous faisions aussitôt exploser
une charge contre la paroi de séparation.
L'adversaire ripostait en mettant le feu à un
fourneau qui entamait notre première ligne.
Le 9 avril, ayant constaté la présence d'une sape
allemande marchant parallèlement à l'une des nôtres,
à une distance d'environ deux mètres, nos sapeurs
préparaient un fourneau de 300 kilos de poudre, dont
l'explosion produisit un entonnoir de près de
quatorze mètres de diamètre dans lequel disparut le
rameau allemand et une partie de l'abri crénelé où
il avait son point de départ.
Lutte autour d'un ouvrage avancé
L'action la plus vive se déroula autour d'un ouvrage
avancé de notre ligne devant, lequel nous avions
réussi à camoufler la sape allemande. Nos
adversaires organisèrent alors à fleur du sol un
fourneau fortement surchargé.
Le 10 avril, à 18 h. 30, deux explosions
renversaient et ensevelissaient sous la terre du
parapet les défenseurs qui occupaient les créneaux
de l'ouvrage. Les Allemands pénétraient dans la
tranchée par une brèche, en faisant pleuvoir devant
eux une grêle de grenades et de projectiles
explosifs.
Pendant la nuit, nos fantassins, avec quelques
sapeurs du génie, luttèrent pied à pied, à coups de
Grenades et de pétards de mélinite, détruisant les
barrages en sacs de terre que l'ennemi cherchait à
élever et à pousser en avant dans les boyaux.
L'ennemi se trouva ainsi cantonné dans un élément de
notre tranchée de première ligne long d'une douzaine
de mètres.
A même hauteur, quelques-uns de nos hommes avaient
réussi à se maintenir dans la partie droite de
l'ouvrage, séparée de l'ennemi par un entonnoir de
mine. Mais ils se trouvaient dans une situation
précaire, le boyau qui les reliait à notre deuxième
ligne passant à très courte distance de la tranchée,
occupée par l'ennemi.
Tout ce combat s'était livré au-dessous du niveau du
sol, dont la surface était balayée par les
mitrailleuses.
C'est là une des caractéristiques de cette guerre de
sape.
Toute tête s'élevant au-dessus de la tranchée est
abattue ; offensive et défensive se traduisent par
des luttes d'homme à homme dans les boyaux. De
chaque côté, un combattant tire pendant que ses
camarades, serrés à la file derrière lui, lui
passent leur fusil approvisionné et lancent des
projectiles explosifs.
Le moindre barrage de sac à terre rapidement élevé
et défendu par un fusil constitue un obstacle qui ne
peut être renversé que lorsque son défenseur a été
tué à coups de grenades ou de bombes.
L'ouvrage miné
Le 13 avril, vers 20 h. 30, les Allemands profitant
d'une obscurité très opaque, tentèrent un coup de
main sur la partie droite de l'ouvrage. Couvrant la
position de bombes et de grenades, ils franchirent
l'espace qui les séparait du boyau de communication,
et croyant avoir encerclé les défenseurs de la
tranchée, ils crièrent :
« Franzose, rendez-vous ! »
Mais nous avions, la veille, creusé un nouveau
cheminement qui permit aux défenseurs d'évacuer le
poste. Celui-ci avait été préalablement miné.
Dès que les Allemands s'y furent installés, ordre
fut donné de provoquer l'explosion.
L'homme chargé de mettre le feu au fourneau, au
moment où il approchait l'allumette de la mèche
lente, fut renversé par une grenade. Son voisin le
remplaça aussitôt.
Une détonation d'une extrême violence fit trembler
tout l'ouvrage, suivie de cris de terreur et de
douleur, 100 kilos de cheddite avaient projeté dans
les airs le poste et l'ancien boyau.
Nous établissions aussitôt un barrage contre lequel,
pendant plus d'une heure, l'ennemi vint se briser.
On entendait les officiers crier dans la nuit,
cherchant à pousser leurs hommes en avant, mais
ceux-ci, terrorisés par l'explosion, répondaient en
gémissant : « Nein! Nein! »
Notre artillerie et nos lance-bombes, guidés par des
projecteurs, avaient ouvert le feu sur les ouvrages
ennemis. Des hurlements révélaient l'efficacité du
tir. Toute la nuit, les automobiles sanitaires
allemandes roulèrent sur les routes, de Laitre et de
Launois.
Au petit jour, on put juger des effets de
l'explosion : des débris humains restaient accrochés
à nos défenses accessoires. Les cadavres broyés
gisaient au milieu des madriers. Une plaque de tôle
d'un centimètre d'épaisseur fut retrouvée à 300
mètres en arrière de nos lignes, tordue et
chiffonnée comme une feuille de papier.
Ainsi s'achevèrent, à la Fontenelle, les travaux de
sape des Allemands. »
NOUVEAUX
PROGRÈS VERS
Ypres et dans les Hauts-de-Meuse
REPRISE DE L'HARTMANSVILERKOPF
Paris,
27 avril, 15 h. 15.
Rien à ajouter au communiqué de ce matin, si ce
n'est la consolidation et la continuation de nos
progrès, tant au nord d'Ypres que sur les
Hauts-de-Meuse.
Supplément au communiqué précédent ;
Le sommet de l'Hartmansvilerkopf, qui nous avait été
enlevé hier matin, a été repris par nous dans la
soirée. Nous avons fait des prisonniers.
Paris, 28 avril, 0 h. 55.
Voici le communiqué officiel du 27 avril, 23 heures
:
Au nord d'Ypres, nos progrès continuent ainsi que
ceux de l'armée britannique.
Nous avons fait de nombreux prisonniers et pris du
matériel, des lance-bombes et des mitrailleuses.
Sur le front des Eparges-Saint-Rémy la tranchée de
Calonne, les attaques allemandes ont été
complètement refoulées. Sur un seul point de ce
front, un officier a compté près d'un millier de
morts allemands.
Nous avons passé à l'offensive et progressons à l'Hartmansviler,
où, après avoir repris le sommet, nous avons avancé
de deux cents mètres en descendant sur les pentes
Est.
NOTRE
DÉBARQUEMENT SUR LES DEUX RIVES DU DÉTROIT
Un premier succès
de nos troupes
Paris,
28 avril, 0 h. 58.
Le communiqué officiel du 27 avril, 23 heures, donne
des détails sur le débarquement des forces alliées
dans les Dardanelles :
Au cours du débarquement opéré, le 25 avril, par les
forces alliées sur les deux rives des Dardanelles,
les troupes françaises, comprenant de l'infanterie
et dé l'artillerie, avaient été particulièrement
désignées pour opérer contre Koum-Kalé, sur la côte
asiatique.
Cette mission fut remplie avec un plein succès.
Avec l'appui des canons de la flotte française et
sous le feu de l'ennemi, nos troupes réussirent à
occuper le village et à s'y maintenir, malgré sept
contre-attaques de nuit, appuyées par de
l'artillerie lourde.
Nous avons fait 500 prisonniers et les pertes de
l'ennemi paraissent élevées.
Le débarquement général des forces alliées continue
dans de bonnes conditions.
(Koum-Kalé est situé à l'entrée du Détroit, sur la
côte asiatique.)
UN ÉMOUVANT
RÉCIT
Lacroix-sur-Meuse, 28 avril.
Un rédacteur du « Petit Journal » a recueilli cet
émouvant récit d'une vaillante septuagénaire de
Lacroix-sur-Meuse :
« - J "a assisté à cela, me confia là vieille femme
que j'avais retrouvée, depuis le début, le 23
septembre - j'ai les dates là, ponctua-t-elle en se
frappant le front - jusqu'à l'évacuation totale, le
5 janvier.
Le premier obus-tomba devant la grange de mon fils,
Henri Bailly. Il déplaça sans le démolir un chariot
chargé de fumier. Deux autres le suivirent et ce fut
tout pour, ce soir-là. Le lendemain, concert du même
genre, quelques morceaux en plus au programme
simplement. Idem le 26. Une première victime fut
tuée, Mme Lombard. Avec elle avait disparu son
petit-fils, un bébé de cinq jours dont la mère était
partie après de vaines recherches dans les décombres
où elle le croyait écrasé. Ce fut un soldat qui
l'entendit gémir et le tira d'un sous-sol effondré,
où, par prodige, une grosse pierre l'avait préservé.
On s'habitue à cela ainsi qu'au reste. Il est venu
un obus indiscret à six mètres de mon lit... Il est
vrai qu'à mon âge..., et puis nous couchions tout
habillés. Que de fois le frémissement grinça sur les
vitres et la maison tout entière fut ébranlée. »
La vieille continua :
« Les derniers jours surtout... oh ! ceux-là ! »
Une atroce vision l'éblouit qu'elle chassa de sa
main droite.
- M. Villain, l'adjoint, n'avait pas voulu fuir. En
l'absence du maire, il estima que son devoir le
retenait parmi ses administrés. Il s'occupa de
secourir les malheureux sans abri et sans pain. Il
fit venir un boulanger de Verdun, distribua des
bons, réconforta les pusillanimes, en un mot,
rétablit un cours de vie presque normal.
Ses filles, obstinément, s'étaient attachées à son
exemple. Ses exhortations n'avaient pas eu raison de
leur courage. Elles dépensaient tout leur temps,
tout leur argent à venir en aide à leurs infortunés,
compatriotes et aux rares émigrés que l'invasion
avait refoulés vers Lacroix.
L'une d'elles surtout, Julia Villain, s'y employait
avec une insouciance et une fermeté invraisemblables
chez une jeune fille ! Ce fut elle qui paya,
tragiquement.
La veille de sa mort, l'intensité du bombardement
avait fait deux victimes. Elle dit à sa soeur, qui
s'effrayait un peu :
- Toi, tu as des enfants, va-t-en si tu veux, moi,
je reste.
Elle ne craignait plus les obus depuis plusieurs
mois qu'ils éclataient autour d'elle.
Le 28 décembre, elle se rendit chez des amis, les
Henry. Elle s'y montra presque gaie, confectionnant
les paillassons pour nos tranchées avec un entrain
rassurant.
A 2 heures de l'après-midi un projectile troua la
toiture du corps de logis et vint tomber juste au
centre du groupe, devant l'âtre. Il fallut plus
d'une heure pour dégager les malheureux. Le maître
de la maison avait succombé. Sa femme ne tardait pas
à expirer et leur fille, maintenant en bonne voie de
guérison, recevait dix-huit blessures. Quant à Julia
Villain, son corps, affreusement déchiqueté, ne fut
exhumé que le lendemain.
Ce fut sa soeur qui tint à ensevelir elle-même ses
tristes restes.
- Vous n'en aurez pas la force, disaient des
soldats.
Elle se raidit:
- J'en aurai la force, répondit elle, la lèvre
crispée et tremblante.
Comme elle allait terminer son lugubre ouvrage, M.
Villain survint. Vivement elle cloua le primitif
cercueil et courut au devant de son père pour qu'il
n'avançât pas, et s'évitât ainsi des souffrances
nouvelles.
Quelle minute poignante et sublime ce dut être que
cette rencontre imprévue et brutale !
L'enterrement ne pouvait avoir lieu que la nuit :
les massacreurs prussiens n'ont pas le respect des
morts.
A 9 heures on chargea la caisse funèbre sur une
voiture. Un cultivateur conduisait, le dos voûté.
Une lune glacée et splendide pétrifiait les
silhouettes et durcissait les ombres sur la plaine
laiteuse.
Quelques habitants, quelques soldats, le colonel,
cheminaient derrière le corps.
Pas de lumière.
Muet et sombre, le cortège atteignit le cimetière.
Des sanglots étouffés, un piétinement affaibli ; un
bruit sourd et mystérieux d'éboulement brusque ; et,
seule, bientôt au chevet de la tombe, bloc obscur
accroupi sur les ténèbres, une batterie d'artillerie
veilla, invisible, aux aguets, redoutable, de toutes
les gueules menaçantes de ses pièces jalouses. »
UN TAUBE SUR
NANCY
4 morts et 6
blessés
Nancy,
29 avril Dans la matinée de mardi, à dix heures
moins dix, des détonations multiples des canons
contre avions, mis en batterie sur les collines des
environs de Nancy, signalaient le passage d'un taube.
Le temps, au reste, était splendide et tout à fait
propice aux randonnées aériennes.
Dans les rues du centre, sans souci des
recommandations officielles, les curieux sortirent
des maisons pour « voir » la chasse. On pouvait
constater, par la fumée de nos shrapnells, que
l'avion allemand se trouvait dans l'axe de la place
Stanislas, se dirigeant à toute vitesse vers la
Seille.
Tout à coup une forte détonation se fait entendre.
Elle est suivie, à une minute d'intervalle à peine,
par une seconde, aussi violente, puis par une
troisième, plus lointaine, et dont le bruit arriva
plus atténué à l'intérieur de la ville.
Au bruit de la première détonation, chacun s'était
empressé de chercher refuge dans les couloirs ou
dans les magasins des rues centrales.
Mais, le premier moment d'effroi passé, on s'enquit
du lieu où étaient tombées les deux premières
bombes. On sut bientôt que l'une était tombée place
Carrière, devant l'Arc de Triomphe, près du palais
de justice Elle était venue s'abattre sur la bordure
du trottoir, qu'elle avait brisé en éclatant.
Cet engin, qui devait être très puissant, avait fait
deux victimes, M. Léon-Joseph George, âgé de 53 ans,
né à Nancy le 19 avril 1862, employé au service de
la voirie municipale, qui tomba sur le trottoir, à
un mètre de la bombe. Le corps était traversé par de
multiples éclats et par des balles de shrapnell. M.
Georges expirait quelques minutes après.
L'autre victime est le jeune Maurice Rayeur, âgé de
14 ans, né le 13 décembre 1901, à Bar-le-Duc,
habitant avec sa mère, veuve, rue Jacquart, 33. Il
était occupé, comme garçon de courses, chez M. Haas,
pharmacien, rue Grandville.
Le garçonnet se trouvait sur le trottoir, à l'angle
du palais de justice, lorsqu'un éclat de l'engin
l'atteignit en pleine tête, le décapitant
entièrement.
Le malheureux fut tué net et tomba sur le sol,
perdant son sang par une horrible blessure qui
laissait le cou à nu. La boîte crânienne fut
projetée de tous côtés.
Pour cacher l'effrayant spectacle, on lui jeta
aussitôt un vêtement sur la partie supérieure du
corps.
La deuxième bombe est tombée rue de la Constitution,
devant les fenêtres du bureau de la recette
municipale, près de la porte qui donne accès aux
bureaux municipaux. De même force que la première,
elle fit voler en éclats les vitres des locaux
municipaux où sont installés les services de la
recette, da la voirie et de l'architecture.
Elle creusa un trou dans le bitume d'un diamètre de
soixante centimètres sur trente de profondeur.
Les éclats de la bombe et les balles qu'elle
contenait firent sept victimes, dont l'une expira
aussitôt. Ce sont des employés municipaux qui se
trouvaient à l'entrée du péristyle, se disposant à
sortir au moment où l'engin fit explosion.
Le premier atteint fut M. Antoine Baumet, âgé de 49
ans, né à La Celle (Puy-de-Dôme), le 22 Juillet
1866, surveillant à la voirie municipale depuis le
15 août 1898. II avait reçu à la poitrine et au cou
plusieurs projectiles qui le traversèrent de part en
part. Il tomba pour ne plus se relever.
M. Emile André, demeurant rue des Tiercelins, qui,
depuis la guerre, travaille au service de la voirie,
fut atteint de plusieurs projectiles au bas-ventre.
Il tomba sur les dalles du péristyle.
Un autre employé, M. Albert Demangeon, demeurant rue
Stanislas, 16, reçut, sur le corps divers
projectiles.
Le jeune Jean Vautrin, âgé de 18 ans, demeurant rue
de la Vanne, employé à la recette, eut la jambe
gauche atteinte par un éclat d'obus. Il tomba. Le
genou était entièrement broyé.
La cinquième victime, le jeune Emile Mancelino, âgé
de 18 ans, demeurant rue de la Digue, eut le
bas-ventre atteint par plusieurs débris de l'engin.
La sixième victime fut M. Emile Hennel, âgé de 60
ans, demeurant, rue Jeanne d'Arc, 135, qui fut
blessé à la jambe.
Enfin, M. Maurice Salorgne, comptable à la maison
Weiler, rue Saint-Dizier, reçut, un éclat de
shrapnell qui lui coupa l'artère du bras. Il causait
à ce moment sous le péristyle avec M. Baumgartner,
du service de l'architecture. Ce dernier, par un
hasard providentiel, ne fut pas atteint.
M. Salorgne et M. Hennel se rendirent immédiatement
dans les pharmacies voisines, pendant que l'on
portait les premiers secours aux autres blessés.
Les conseillers municipaux se trouvaient en grand
nombre à l'hôtel de ville pour la séance du mardi.
Ils se rendirent auprès des victimes, adressant aux
blessés des paroles de réconfort pendant que les
conseillers, qui sont docteurs en médecine,
donnaient les premiers soins.
La voiture d'ambulance des sapeurs-pompiers arrivait
bientôt. Avec les plus grandes précautions, quatre
blessés y furent placés pour être transportés à
l'hôpital. Les deux autres blessés prirent placé sur
une automobile d'un garage voisin, et conduits aussi
à l'hôpital.
MM. Mancelino, Demangeon et André sont très
grièvement atteints.
M. André, qui est originaire de Pont-à-Mousson, est
retraité de la ville de Nancy, où il a travaillé du
1er mai 1892 au 1er juillet 1908, comme chef
plombier. Au début de la guerre, il était venu se
mettre à la disposition du service municipal des
eaux pour remplacer un homme mobilisé.
En quelques instants, une foule énorme était massée
rue de la Constitution et place Carrière, pour voir
les dégâts produits par les explosions. Les quelques
agents de police envoyés là avaient peine à
maintenir le public qui voulait s'approcher des
corps des victimes, et, devant l'Arc-de-Triomphe,
notamment, il fallut faire appel à une compagnie de
territoriaux pour refouler en arrière les gêneurs.
Mais bientôt les sapeurs-pompiers, avec leur voiture
d'ambulance, venaient chercher Les deux victimes,
qui étaient transportées au dépôt mortuaire de la
rue Lionnois, car on ignorait, l'identité du jeune
garçon, qui ne fut connue que vers une heure,
lorsque sa mère éplorée alla le reconnaître au dépôt
mortuaire.
Une troisième bombe, qui n'a fait que des dégâts
matériels, est tombée sur la chaussée du faubourg
Saint-Georges.
Plusieurs pavés de granit furent déchaussés ; les
deux grandes glaces de la devanture du café situé au
numéro 77 du faubourg Saint-Georges, ont été
brisées.
Une jeune fille, qui passait à ce moment, reçut à la
figure quelques cailloux qui ne lui firent que des
égratignures sans importance. Elle put regagner
Saint-Max, où habitent ses parents, heureuse de s'en
tirer à si bon compte.
Pendant toute l'après-midi, les curieux sont allés
rue de la Constitution examiner l'endroit où la
bombe est tombée, et se montrer les traces des
projectiles, pour la façade de l'hôtel de ville, sur
la porte d'entrée des bureaux dont le chêne a été
traversé, ainsi que dans le plafond du péristyle.
Il en était de même place Carrière.
On voit que le passage des Taubes n'est pas toujours
un simple spectacle attrayant à cause de la chasse
qu'on lui livre. Le danger est toujours grand. Ces
morts et les blessés de mardi en sont une preuve de
plus. Ainsi, nous ne pouvons que répéter à nos
concitoyens qu'il est prudent de se mettre à l'abri
dans les maisons, lorsque la canonnade annonce un
avion ennemi. On risque, en effet, de payer de sa
vie sa curiosité.
M. André est mort à quatre heures et demie de
l'après-midi.
Comment le Curé
de Nomeny
A ÉCHAPPÉ
au peloton d'exécution
Nomeny,
29 avril.
Un de nos confrères, donne le compte rendu d'une
conférence faite dans une ambulance par M. le
chanoine Lhuillier, curé de Nomeny. Nous lui
empruntons ces passages :
« On se rappelle que, nous l'avons déjà relaté avec
force détails, sous le prétexte mensonger que les
civils avaient tiré sur les troupes allemandes, une
soixantaine d'habitants de Nomeny furent passés par
les armes.
Entre temps, la torche incendiaire était promenée, à
travers la petite ville. Que de ruines s'ensuivirent
!
Faisant irruption chez le chanoine Lhuillier,
certains ennemis s'emparaient de lui, le
saisissaient par les mains, pendant que d'autres lui
appliquaient le revolver sur la tête, tout en
criant: « Capout, Franzôse ! ».
Pendant que se déroulait cette scène, la toute
dévouée servante du distingué prêtre faisait enfuir,
par les derrières de la propriété, une soixantaine
de personnes que le chanoine avait cachées. Ils
échappèrent ainsi à un massacre général.
Le chanoine fut entraîné au camp allemand et là,
devant les chefs, il dit : « J'en appelle aux chefs
de l'armée ! »
Quatre officiers, appartenant à des régiments
différents, le regardèrent et l'un d'eux lui
répondit en français, en scandant les mots : « Les
chefs allemands vous condamnent à la peine de mort,
pour brigandage, vous êtes un criminel ! Votre
exécution va avoir lieu immédiatement ! »
Et il fit signe à un sous-officier, commandant une
section en armes, d'emmener le curé.
On conduisit le prêtre dans un coin du camp. Là, le
chef de peloton montra à la victime qu'il fallait
déboutonner sa soutane, sa chemise et désigna avec
le doigt la place du coeur. On allait le fusiller.
Se retournant vers le peloton, il commanda aux
soldats d'apprêter leurs armes, un déclanchement se
fit entendre.
C'est alors qu'un officier supérieur s'approcha du
chanoine et lui dit : « Le jugement rendu contre
vous va être mis à exécution ».
- Je mourrai bravement face à la route, non
combattant je n'ai jamais versé le sang. Je meurs
innocent et souhaite que ma mort préserve mes
paroissiens. J'ai foi en la justice divine.
- Après l'assassinat, vous vous parjurez !
- Ça n'est pas l'avis de l'officier Untel qui,
quelque temps auparavant, a reconnu qu'après un
engagement entre les patrouilles du ... hussards
français et le 35e uhlans, j'avais relevé un blessé
allemand. Celui-ci mourut dans mes bras... et
l'officier Untel à qui j'ai remis la médaille
matriculaire et le portemonnaie du défunt me dit : «
Vous êtes un brave homme ! »
- L'exécution est retardée jusqu'à demain à l'aube.
Sous-officier, faites entourer et garder le condamné
!
Le prêtre fut donc placé, sous bonne escorte, dans
un coin du champ.
Le lendemain, les hommes de garde étaient relevés et
remplacés par d'autres.
C'est à ce moment qu'un factionnaire placé auprès de
l'abbé lui dit : « On a fusillé hier le curé de
Nomeny. »
- Non !
- Mais si, on a lu au rapport l'ordre du général qui
annonçait que l'exécution avait été faite... qu'il
avait été passé par les armes en vertu d'un ordre
venu de Metz, l'inculpant d'assassinat..
- C'est moi le curé de Nomeny.
- Il est probable, dans ce cas, que vous ne serez
pas fusillé
- Je suis prêt à mourir.
- On n'a pas commandé de peloton d'exécution ce
matin. Puis vous êtes mort pour nos chefs,
puisqu'ils l'ont dit... c'est vrai !
Après de longues heures d'anxiété, le 22 août, les
Allemands songèrent à évacuer tous les hommes
arrêtés à Nomeny.
On forma des colonnes et on les achemina vers Metz.
C'est alors qu'en cours de route, le détachement se
croisa avec un officier supérieur allemand.
Et le dialogue suivant s'engagea :
- Que faites-vous avec ces prisonniers?
- On les conduit à Metz.
- Pourquoi les conduire à Metz, pour les nourrir
inutilement ?
- Non, on les transfère là-bas.
- Chassez-les vers Nancy, dans trois jours nous y
serons installés. Nos ordres sont précis c'est à
Nancy qu'il faut les envoyer. « Adié ! à Nanzig,
dans trois jours, adié ! »
Et les prisonniers furent évacués sur la capitale de
la Lorraine par la route. C'est ainsi que le
détachement, toujours escorté par les Allemands,
arriva à Lixières, traversa Morey et fut relaxé
avant d'arriver aux avant-postes français, »
ERREUR NE FAIT
PAS COMPTE
Nancy,
29 avril.
Je reçois cette plainte douloureuse :
« On vous demande à qui il faut s'adresser pour
qu'on empêche de parler allemand.
« Les personnes qui vous ont posé cette question se
sont-elles rendu compte si la langue que l'on
parlait était du vrai allemand ? Connaissent-elles
la différence entre l'alsacien, et l'allemand ?
« Je suis née à Mulhouse, de parents français. Je
suis depuis trois uns en France. Je sais parler le
français, mais j'ai l'accent alsacien. Eh ! bien,
dans ce beau pays de France, pour lequel je me
ferais hacher en mille morceaux, je suis, regardée
comme une intruse. Plus d'une fois j'ai dû entendre
: « Oh ! cette Prussienne ! »
« Et quand mes enfants ont de petites querelles avec
les autres, on les appelle toujours : « Sales Boches
! »
« Encore n'est-ce pas pour moi que je vous écris. Je
veux vous citer un exemple Une autre famille de
Mulhouse qui est venue ici il y a à peine un an,
composée du père, de la mère, de deux fils et de
deux filles, ne sait presque pas le français. La
guerre éclate. Aussitôt les fils, en bons Alsaciens,
s'engagent. Tout l'hiver ils sont dans les
tranchées.
« Pendant ce temps-la, combien la mère a eu à
souffrir !
« Une sentinelle qui se trouve à quelques pas de la
maison, croit qu'on cause allemand, et vient
défendre de parler une telle langue.
- Mais mes enfants n'entendent pas le français, dit
la mère. Comment leur parler ?
- Ne parlez pas du tout, répond le soldat, qui,
d'ailleurs, a, je le reconnais, les meilleures
intentions.
« Une autre fois le commissaire spécial vient leur
demander leurs papiers.
« Pas un jour ne se passe que cette famille ne soit
tracassée. Combien de fois ma voisine a souhaité de
quitter ce pays rêvé, où elle se croyait la
bienvenue, et qui, est pour elle si cruel ! »
On comprend le chagrin et l'indignation de nos
compatriotes alsaciens lorsque, par une fâcheuse
assimilation, on confond leur patois et l'allemand,
et qu'on les confond eux-mêmes avec Je peuple qui
avait conquis leur terre sans prendre leur coeur. Et
il est regrettable infiniment qu'une suspicion
injustifiée s'étende à tous ceux qui ont vécu de
l'autre côté de la frontière, aux opprimés comme aux
oppresseurs.
La nervosité des Alsaciens ainsi brimés s'explique
fort bien, et est mille fois excusable. La défiance
des personnes qui, n'entendant ni l'alsacien ni
l'allemand, prennent l'un pour l'autre est un
résultat fatal de la guerre, qui ne laisse pas aux
citoyens le temps de juger ces cas en pleine
connaissance de cause.
Il s'agit de malentendus, mais il ne s'agit que de
malentendus.
Les Alsaciens ont le droit de se, fâcher quand on
leur interdit de converser en leur langue. Il faut
aussi qu'ils comprennent que tous les Français ne
savent pas établir la différence entre deux langues
à racines et terminaisons germaniques, et que nos
amis pardonnent les erreurs en faveur de
l'intention.
Ils savent bien que leur nom d'Alsaciens est aux
yeux de tout bon citoyen un titre au respect. Mais
ils n'ignorent pas aussi que beaucoup d'Allemands
prenaient et prennent encore ce nom pour mieux
tromper tout le monde. En Alsace même les fils de
fonctionnaires prussiens agitaient volontiers comme
un drapeau leur état civil. Nés en Alsace, ils se
prétendaient Alsaciens, bien que leurs sentiments
fussent énergiquement allemands.
Aujourd'hui l'ivraie n'est pas encore séparée du bon
grain. Il est donc bien difficile, pour ne pas dire
impossible, à l'homme qui passe, au soldat qui monte
la garde devant son pays, d'éviter toute confusion.
Que les Alsaciens n'en soient pas froissés. Tout
rentrera dans l'ordre avec la paix victorieuse, et
les accents et les patois ne feront que rendre plus
brillante et plus somptueuse l'harmonieuse mosaïque
qui compose la France une et diverse, des rives de
l'Océan et de la Méditerranée aux bords du Rhin.
Que les Français restés en France après 70 soient
plus circonspects dans leurs appréciations, que les
Français séparés pendant quarante ans de la patrie
soient plus indulgents pour les involontaires
erreurs dont ils souffrent, et les malentendus
auront vite disparu.
Il est nécessaire, surtout en ce moment, de ne pas
s'énerver, de voir les choses telles qu'elles sont.
Les Alsaciens savent bien que pas un Français n'est
capable de leur causer volontairement le moindre
chagrin. Ils possèdent l'affection de nous tous.
RENÉ MECIER.
ÉPERNAY
BOMBARDÉ PAR LES TAUBES
Un Zeppelin
démoli
Paris,
29 avril, 15 b. 10.
En Belgique, nous avons continué à progresser, en
liaison, avec les troupes belges vers le nord, sur
la rive droite du canal île l'Yser. Nous avons fait
cent cinquante prisonniers et pris deux
mitrailleuses.
Rien de nouveau sur les Hauts-de-Meuse, ni dans les
Vosges.
L'ennemi a bombardé par avions la ville ouverte
d'Epernay, exclusivement occupée par des formations
sanitaires.
Des renseignements précis annoncent que le zeppelin
qui a jeté des bombes, il y a huit jours, sur
Dunkerque, gravement atteint par notre artillerie et
complètement hors de service, s'est échoué dans les
arbres entre Bruges et Gand.
LEURS VAINS
EFFORTS à YPRES et aux ÉPARGES
Paris,
30 avril. 0 h. 58
Voici le communiqué officiel du 29 avril, 23 heures
:
Journée calme.
Pendant la nuit de mercredi à jeudi, deux attaques
allemandes, l'une contre les troupes belges au nord
d'Ypres, l'autre aux Eparges, ont été facilement
repoussées.
TROIS TAUBES
SUR BELFORT
Belfort.
- Trois taubes ont survolé ce matin Belfort. Ils ont
jeté des bombes et quatre personnes ont été blessées
légèrement.
LE « TAUBE » DE
MARDI
avait jeté quatre
bombes
ON FAIT ÉCLATER LA QUATRIÈME
Nancy,
30 avril.
On avait cru tout d'abord que l'avion ennemi avait
seulement lancé trois bombes sur Nancy. Or, on a
appris ensuite qu'une quatrième bombe, non explosée,
avait été lancée par ce « Taube » et était tombée
rue Saint-Georges, 79, sur le toit de la maison
Deglin, donnant sur le jardin.
La bombe a fait un trou dans la toiture et s'est
incrustée, amortie par des balles de papier, dans le
plancher du grenier, heureusement sans éclater ou
mettre le feu, au-dessus de l'appartement occupé
maintenant par Mme de La Chapelle et par Mme la
baronne de Tricornot, sa mère.
Les locataires n'ont découvert cette bombe que dans
la soirée de mardi Les autorités militaires furent
prévenues et, mercredi, dans l'après-midi, un
artificier se rendit rue Saint-Georges pour la faire
éclater.
De grandes précautions furent prises. Les fenêtres
du bâtiment furent étançonnées, des sacs de sable
furent placés au-dessous et au-dessus de l'engin que
l'on fit éclater ensuite à distance.
Il était 5 h. 20 lorsque l'on entendit la
détonation. Tout danger avait dès lors disparu.
Grâce aux dispositions prises, les dégâts se
réduisent à quelques vitres brisées et à un trou de
peu de grandeur dans le mur de façade.
Afin d'éviter les accidents, la circulation avait
été interdite rue Saint-Georges, de la rue
Saint-Julien à la place Saint-Georges, dès 4 heures
de l'après-midi jusqu'après l'explosion.
Dans la journée de mercredi, l'état des blessés
atteints par la bombe devant l'hôtel de ville s'est
légèrement amélioré. Le jeune Vautrin, par suite
d'une abondante perte de sang, est toujours dans un
grand état de faiblesse.
Les brancardiers de l'Union des Femmes de Francs
(ambulance du lycée Henri, Poincaré), s'étaient
rendus au premier appel à l'hôtel de ville. Ils
avaient, aidé à relever les blessés et transporté
notamment le corps de M. Baumet au dépôt mortuaire
de la rue Lionnois.
FEMMES BRULÉES
La
commission instituée par le gouvernement français
pour ouvrir une enquête et établir un rapport
officiel sur les atrocités commises par les
Allemands, s'est rendue à Annemasse (Haute-Savoie)
pour y interroger nos prisonniers civils rapatriés
d'Allemagne et recueillir leurs récits.
Voici quelques extraits de ce rapport qui intéresse
le département de la Meuse :
« Lors de leur entrée à X..., vers le 1er septembre
raconte Mlle Raymonde P..., les troupes du kaiser
étaient fort surexcitées. Elles prirent cinq
vieillards, les alignèrent dans la rue et obligèrent
les femmes à regarder « ce qui allait se passer ».
Ce qui se passa fut bien simple ; les bandits se
ruèrent sur les cinq vieillards et leur fracassèrent
la tête à coups de crosse. Après quoi, ils minent le
feu aux quatre coins du village et enfermèrent
trente-cinq jeunes filles dans une maison un peu
isolée. Elles leur servirent de domestiques pendant
tout le temps de l'occupation.
« Le 25 décembre, poursuit le témoin, qui se
trouvait parmi les trente-cinq, les Français
attaquèrent le village. Nos geôliers, forcés de
battre en retraite, nous enfermèrent dans une
chambre, au premier étage, et, avant de se retirer,
lancèrent dans le sous-sol des grenades
incendiaires. Voyant les flammes et la fumée gagner
l'endroit où nous étions, j'exhortai mes compagnes à
fuir coûte que coûte. J'ouvris la fenêtre, et je
jetai dans la rue un matelas sur lequel je leur dis
de se précipiter avec moi ?... J'avais à peine fait
cent mètres en courant que le toit s'effondrait .»
Voilà, entre beaucoup d'autres, quelques-uns des
faits nouveaux que les enquêteurs viennent de
recueillir.
LES POULAINS
A Pierre
LÉONY,
Dans l'enclos verdoyant paissaient des poulinières
Chaque poulain suivait,
Broutillant par instants les herbes printanières,
Mais revenant bientôt aux mamelles des mères
Boire la vie avec le lait.
Et leurs cous gracieux s' allongeaient sous les
cuisses.
Aux tons fauves, bais, blancs ou noirs,
Puis ils vous regardaient sans craindre les sévices.
Comme font dans les prés les tranquilles génisses,
Ignorantes des abattoirs.
Je les suivais des yeux, et mon âme meurtrie
Par tant de spectacles humains.
Se dégonflait à voir dans la verte prairie
L'épanouissement de l'animale vie
Dans les ébats de ces poulains.
Ils sont heureux, me dis-je, et plus heureux
peut-être
D'ignorer leur bonheur.
L'éphémère bonheur bien près de disparaître
Des êtres désignés aux rudesses du maître,
Et sans répit au dur labeur.
Comme eux, nous étions nés pour vivre sans entraves,
Nous enivrer de liberté,
Si tant de passions dont nous sommes esclaves
Ne nous faisaient flotter, misérables épaves,
Au gré d'un destin irrité.
Heureux poulains ! aucune intuition secrète
Ne pourrait vous troubler :
Vous n'entrevoyez pas dans la bruyante fête
La bride et le licol, la corde déjà prête
A vous dompter, vous flageller.
Nous, qu'un confus instinct de l'humaine souffrance
Ignore du troupeau.
Un instinct supérieur à leur intelligence
Rend inaptes à vivre avec insouciance,
Presque dès le berceau :
Nous serions moins heureux qu'en leur inconscience
Des poulains dans un pré,
Si nous n'avions au coeur cette vague croyance
Que tout n'est pas fini lorsque la Mort nous lance
Dans l'insondable éternité.
Mais l'espoir incertain d'une vie immortelle,
Que nos tremblantes mains
Implorent en priant, ne rend que plus cruelle
Notre terrestre vie, et peut-être moins belle
Que le destin de ces poulains.
Courez allègrement dans vos verts pâturages !
Ne cherchant pas au fond des cieux
Un Dieu mystérieux caché dans les nuages
Dont nous serions l'essence, et qui de nous, les
sages,
Fait des êtres très malheureux.
Edmond OOSTER ex G.V.C. - 45 S.P.A.
LARMES
O larmes
qui perlez aux yeux de mon amie
Les cils sont-ils pour vous les plus riches écrins ?
Car vous les choisissez, à l'heure des chagrins,
Pour les noyer d'une lente mélancolie...
O larmes, je vous crains!
O larmes qui brillez aux yeux de mon amie
Et frangez de lueurs l'ombre des regards bruns
Ainsi que la rosée illumine les brins
D'herbe, par les matins d'été dans la prairie
O larmes, je vous crains!
Mais vous pleurs qui tremblez aux yeux de mon amie
Comme aux doigts d'une vierge un rosaire à gros
grains,
Je vous aime, car vous gravez dans vos burins,
Le bonheur et l'amour en la peine endormie
O baumes souverains.
Joseph CASTELPERS.
RÉSUMÉ DES
PRINCIPAUX ÉVÉNEMENTS D'AVRIL 1915
2 Avril.
- En Woëvre nous occupons le village de Fey-en-Haye.
3 Avril. - Notre escadrille de bombardement jette 33
obus sur la gare de Vigneulles-en-Woëvre. - Des
comitadjis bulgares pénètrent sur le territoire
serbe.
4 Avril. - Saint-Dié, bombardée pour la sixième fois
par avions, reçoit quatre bombes.
6 Avril. - La flotte allemande, revenant d'une
expédition en Russie, perd six vapeurs, coulés par
ses propres mines. - L'amiral Pierre demande au vali
de Smyrne la reddition de la ville.
7 Avril. - L'évacuation des prisonniers laits à
Przemysl est achevée. Plus de 900 canons ont été
dénombrés.
12 Avril. - Dans la nuit du dimanche 11 au jeudi 12
avril, second raid d'un Zeppelin sur Nancy. Six
bombes. Pas de victimes. - Dans la matinée du 12 et
l'après-midi quatre avions tentent de passer.
14 Avril. - Un avion allemand est obligé d'atterrir
près de Lunéville. Les aviateurs sont faits
prisonniers
16 Avril. - 40 obus sont jetés sur le central
électrique de Maizières-les-Metz, à 15 kilomètres au
nord de Metz, usine qui fournit la force et
l'éclairage à la ville et aux forts de Metz. - Deux
Zeppelins bombardent la côte anglaise. - Deux avions
lancent -quatre bombes sur Gérardmer.
17 Avril. - Un de nos dirigeables bombarde la gare
de Fribourg-en-Brisgau. - Un avion allemand jette
trois bombes sur Belfort.
19 Avril. - L'Officiel publie un décret prolongeant
de 90 jours le moratorium des effets de commerce. -
Conférence à Nancy sur la réparation des dommages de
guerre.
20 Avril. - Les Allemands emploient au nord d'Ypres
des bombes asphyxiantes.
25 Avril. - Nous débarquons sur lé deux rives des
Dardanelles.
27 Avril - Trois bombes d'avion sur Nancy. Quatre
morts, six blessés.
28 Avril. - Un de nos avions jette six bombes sur le
hangar des dirigeables de Friedrichshafen. - Epernay
est bombardée par des avions. - Trois avions
allemands jettent des bombes sur Belfort
29 Avril. - Dunkerque reçoit 19 obus de 380. Vingt
morts, 45 blessés, quelques maisons détruites.
30 Avril. - Reims reçoit 500 obus, dont beaucoup
incendiaires. - Les Alliés prennent la ville de
Gallipoli; aux Dardanelles. - Dunkerque reçoit
encore une dizaine d'obus dans la soirée. Plusieurs
victimes. |