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1914-1918 - Le cimetière
allemand de Blâmont
1914-1918 - Le cimetière
allemand de Blâmont (2)
1914-1918 - Le cimetière
allemand de Blâmont (3)
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Voici le compte-rendu de la longue enquête sur
l'emplacement du cimetière allemand de Blâmont pendant la
première guerre mondiale.
I - Les évocations du cimetière allemand
Dans « Blâmont la vaillante »,
Constant Hertz, écrit en 1920 : « Un cimetière militaire en
couronne la crête, dernier souvenir de l'envahisseur. »
Les photographies ci-dessous présente effectivement un lieu, fort
différent du cimetière communal.
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1917 |
Le 23 juin 1916, dans un combat à bout
portant, l'adjudant Jacques Semelin et
le sous-lieutenant Theophile Gallon, tiennent tête à un
Fokker, sont abbatus par l'ennemi et l'appareil
s'écrase au sol dans les lignes allemandes proches de Blâmont.
L'inhumation a lieu le 26 juin 1916. Dans son
journal, Sœur Euphemie indique que
toute le population, fut autorisée à assister, à l'enterrement :
« M. le curé présida les obsèques, les fillettes en blanc
suivirent le char funèbre avec des bouquets tricolores ».
Mais elle ne précise pas le lieu de l'inhumation.
Or les photographies ci-dessous montrent le cortège passant
devant le château Burrus (actuel centre Croix-rouge), et
remontant la rue de la gare.
1916
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1916 |
On ignore à quelle
occasion a été prise la photographie ci-contre, dans le
même lieu : |
1916 |
La photo
ci-dessous porte la mention « Lieutenant Jerome
Gilbert - 14 juillet 1918 »
Le pilote américain Gilbert Nelson JEROME, affecté en
juin 1918 à l' escadrille française SPA 90 près de Nancy
(Manoncourt en Vermois), est abattu le 11 juillet 1918
par un canon anti-aérien, lors d'une patrouille sur la
ligne de front. Il tombe dans les lignes ennemies près
de Verdenal. Il est enterré par les habitants de Blâmont
dans le cimetière militaire allemand, avec les honneurs
militaires de l'ennemi. Ses restes seront transférés
dans un cimetière militaire de l'Argonne en 1919, avant
qu'il ne soit inhumé à New Haven en 1921
(voir notre sujet sur le Rapatriement des
soldats américains tués en France - 1920)
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Cette information
sur l'inhumation dans un cimetière militaire allemand,
et les photographies d'un lieu similaire entre
l'enterrement de Semelin et Gallon, puis de Jérôme,
confirment l'existence d'un cimetière militaire
spécifique. |
1918 |
Un
état des sépultures militaires
établi après l'armistice évoque « un nouveau
cimetière d'honneur », nettement différencié du «
cimetière communal français » avec les tombe des
aviateurs « Semlin Jacques » et « Gaston »
(en réalité, aviateurs Adjudant Jacques Semelin et
Sous-lieutenant Theophile Gallon) et Charles Philippe
Ansart, 2ème classe au 3ème Bis régiment de Zouaves, tué
à l'ennemi le 26 juillet 1916 à Ancerviller d'une balle
au front. Le corps ne pouvant être immédiatement
emporté, il ne fut pas retrouvé le soir, sans doute
emporté par les Allemands. |
II - Première hypothèses sur
l'emplacement
L'information « Un cimetière
militaire en couronne la crête », et les photos
prises rue de la gare, semblent désigner le haut de la
rue de la gare. Une photographie aérienne de 1918 ne
montre aucune trace de cimetière dans la première partie
de la montée : |
25 avril 1918 |
On y voit cependant nettement les
restes de la ferme Duchamp (ex-ferme Brice). Cette ferme
est représentée aussi sur le canevas de tir ci-contre de
novembre 1918, où apparaissent des éléments indéterminés
en dessous de la tourelle Simonin.
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Novembre 1918 |
Ces éléments sont d'ailleurs
similaires sur un précédent canevas de juin 1917 : |
Juin 1917 |
Tout incline donc à
situer le cimetière allemand entre la ruelle de
Martin-Pré et la Tourelle Simonin (Aux Avettes). Mais un
cimetière, même entièrement relevé entre 1920 et 1922,
pourrait laisser quelques traces de sa forme. Or les
vues aériennes dont nous disposons de 1935 à 1963 sont
peu parlantes. |
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1935 |
1950 |
1956 |
1958 |
1963 |
1968 |
III - Précisions sur l'emplacement
Une visite des lieux permet d'établir le tracé
ci-dessous :
- en rouge la tourelle Simonin
- une première ligne verte qui est de toute évidence une tranchée, et part
de ce qui semble être le fossé (mais qui s'avère en réalité trop sinueux
pour un simple fossé, étrangement interrompu d'ailleurs dans la descente)
- plus loin, deux gros entonnoirs reliés par un arc de cercle, sans doute
des abris ou postes de mitrailleuses enterrés.
Il se pourrait donc que la tourelle Simonin (point haut
des cartes d'état-major française du XIXème) ait servi aux
Allemands de point de surveillance, entouré par des tranchées. Signalons aussi deux vieux buis (en rouge ci-dessous), qui
correspondent aux zones que l'on voit sur les canevas de tir comme arborées,
et dont l'âge (difficile à estimer sur ces vieux arbres) peut être aisément
d'un siècle. Or ce type d'arbre n'apparaît pas à cet endroit comme
naturelles, mais bien le résultat d'un aménagement
ancien. |
Carte d'état-major |
IV - Le récit du 95ème régiment d'infanterie
Sur l'emplacement de la charge à la baïonnette dans la nuit du 14 au 15 août
1914, on ne disposait que de peu d'éléments. Le Journal des marches et
opérations du 8ème Corps d'Armée - Etat major du Génie, précise
dans la marge au 14 août : « Un aviateur a photographié les hauteurs de
Blamont où se distinguent 2 tranchées de 125 m à intervalles de 200 m à la
côte 346 - 2 batteries 1 dirigée sur Barbas, l'autre sur St Jean. ». Or,
il n'y a pas de côte 346 mais une 348 (très loin vers Richeval, au delà de
Sainte-Anne, et les Avettes sont en 320).
On pense donc ici à de tranchées plutôt situées vers le bois du Trion.
Mais le très précis récit du combat du 95ème
régiment d'infanterie nous apporte de précieuses précisions. Ainsi,
lorsque le régiment entre dans Blâmont, il se regroupe sur la place de
l'hôtel de ville, sans combattre. C'est donc bien le 85ème qui a
conquis Blâmont en fin de journée, à partir de Domèvre et Barbas/ferme
Saint-Jean .
Vers deux heures du matin, un groupe de quatre compagnies du 95ème régiment
d'infanterie, baïonnette au canon,
- franchit le passage à niveau, donc le bas de la rue de la gare
(passage à niveau de l'ABC) ;
- s'engage sur la route de Richeval, donc monte la rue.
Car l'ordre est d'attaquer dans la nuit, les hauteurs tenues par
l'arrière-garde bavaroise à 1 kilomètre au nord de la gare de Blamont,
et l'ennemi occupe un chemin creux, perpendiculaire à la
route de Richeval.
Il est donc très probable que la charge du 95ème ait eu lieu aux
Avettes, et que la section du lieutenant Quinquet
ait été fauchée par une mitrailleuse positionnée en avant de la tourelle
Simonin, d'autant que la proximité de la route découle de l'extrait suivant
:
Le lendemain, 15 août, les bataillons passant sur la
route d'où est partie l'attaque, regarderont avec
émotion le lieu de l'action. Ils salueront les corps des
nôtres, non encore relevés par les habitants, celui du
lieutenant Quinquet, ceux des sous-lieutenants Eucharis
et Allegrini, dans leurs uniformes de Saint-Cyriens. Ils
contempleront un instant les traces de lutte : cadavres
ennemis, baïonnettes tordues, crosses brisées, milliers
d'étuis de cartouches recouvrant le fond de la tranchée
allemande, et le 2e bataillon, qui passe le dernier,
rencontrant un blessé de la nuit, que les habitants de
Blamont ramènent sur un brancard, présentera les armes.
Le même auteur (Paul Rimbault)
signale que Le surlendemain, j'ai revu mon camarade [Quinquet]
dans le cimetière de la petite ville-frontière... Donc les habitants de
Blâmont ont rapidement rapporté les corps des soldats français au cimetière
communal. Mais qu'ont-il fait des cadavres ennemis ?
IV - L'emplacement du cimetière
Les corps des soldats allemands tués ce 15 août 1914 n'ont pas été
emportés par les habitants, mais sans doute enfouis sommairement à proximité
des tranchées. Lorsqu'après la défaite française de Sarrebourg, les
Allemands sont revenus à Blâmont le 22 août, il est fort probable qu'ils ont
aménagé le lieu où reposaient leurs camarades bavarois, transformant ainsi
le carré sommaire en véritable cimetière militaire, et ont continué ainsi à
y inhumer, tout au long de la guerre, les soldats tant allemands que
français ou américain (seuls restant au cimetière communal les militaires
français tués précédemment en août 1914 : Simon et
Bracquemond, ainsi que le lieutenant Quinquet et
sa section).
Le cimetière allemand était donc situé aux Avettes dans un espace carré
contenant les deux buis visibles ci-dessus. L'ensemble des corps a sans
doute été relevé entre 1921 et 1924, pour le transfert dans les nécropoles
nationales. Il restait quelques blocs de pierre, toujours enfouis dans le
sol. Selon un témoignage local, l'accès se faisait par un chemin
perpendiculaire à la route (longeant le bois et la tranchée dessinée sur le
cadastre ci-dessus), et le cimetière aurait été entouré d'un mur de pierres,
revendu ultérieurement par les propriétaires du lieu.
(voir aussi 1914-1918 - Le cimetière
allemand de Blâmont (2) )
Rédaction :
Thierry Meurant |
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