LUNÉVILLE
réoccupée
PAR NOS TROUPES
De l'Eclair de l'Est : Les Allemands ont abandonné
Lunéville samedi matin; leur mouvement de retraite
n'est dessiné dans la nuit. Dès les premières heures
du jour, toute la garnison était partie : la
population respirait.
Dans la matinée, le sous-préfet de Lunéville, qui
était resté là pendant toute l'occupation, se
dirigeait vers Nancy, par la forêt de Vitrimont,
avec un chef de bureau de la mairie pour rendre
compte à M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle de la
situation. Ces messieurs, une fois dans les lignes
françaises, trouvèrent une voiture puis une
automobile qui leur permit de gagner Nancy plus
rapidement que par un voyage pédestre.
Pendant ce temps, M. Georges Keller, maire de
Lunéville, qui a défendu les intérêts de ses
concitoyens avec la plus vaillante énergie et à qui
chacun rend hommage aujourd'hui, s'occupaient, de
son côté, sur les lieux mêmes, de remédier autant
que possible aux maux causés par cette occupation de
vingt et un jours, pendant lesquels Lunéville a été
privée de toute communication avec le reste du pays.
La sous-préfecture a été brûlée par les obus
français; l'hôtel de ville a été incendié par les
Allemands, non pas par un bombardement, mais par le
feu mis à la main.
Quatre-vingts maisons environ ont été brûlées ou
bombardées. On n'avait plus ni gaz, ni électricité,
ni pétrole pour s'éclairer ; il fallait user de
bougie. Trente sacs de farine par jour devaient
servir à nourrir la population. Depuis une quinzaine
de jours on n'avait plus de viande.
Les habitants de Lunéville ont réellement souffert.
Aussi on comprend leur joie, samedi matin.
M. le Préfet s'est rendu samedi, après-midi. à
Lunéville. Le commandant d'armes a repris aussitôt
ses fonctions dans la soirée de samedi.
Tous les ponts aux alentours de Lunéville ont été
coupés par les Allemands.
AVANT DE S'EN ALLER
Pendant que Nancy était bombardé, dans la nuit du 9
au 10, les Allemands se livraient au même
divertissement entre Saint-Nicolas et Varangéville
Mais ç'a été beaucoup plus long. Ils avaient
commencé dans l'après-midi, et ont continué jusqu'à
une heure du matin. Ils y employaient toute une
batterie : on estime que celle-ci a lancé au moins
1.500 obus.
Sans effet, d'ailleurs, ou a peu près, au moins pour
Saint-Nicolas, où presque aucun projectile n'a
dépassé la Meurthe.
Bien entendu, chacun s'était fourré dans ses caves ;
l'alerte a été assez chaude. Mais peu de blessés,
même à Varangéville, où l'église a souffert quelques
dégâts, ainsi qu'un certain nombre de maisons.
Aujourd'hui, tout cela est fini.
L'ORDRE DU JOUR
du Général Joffre
Nancy, 18 septembre.
Voici l'ordre du jour pour la publication anticipée
duquel l'Est Républicain a été suspendu pendant
trois jours. Nous avons l'autorisation de le
reproduire aujourd'hui :
La bataille qui s'est livrée depuis cinq jours
s'achève en une victoire incontestée.
La retraite des première, deuxième et troisième
armées allemandes s'accentue devant notre front et
notre centre.
A son tour, la quatrième armée ennemie commence à se
replier au nord de Vitry-le-François et Sermaize.
Partout l'ennemi laisse sur place de nombreux
blessés, des quantités de munitions, partout on fait
des prisonniers.
En gagnant du terrain, nos troupes constatent
l'intensité de la lutte et l'importance des moyens
mis en oeuvre par les Allemands pour résister à notre
élan.
La reprise vigoureuse de l'offensive a déterminé le
succès.
Tous, officiers, sous-officiers et soldats ont bien
répondu à mon appel. Tous ont bien mérité de la
Patrie.
Général JOFFRE.
UNE MAUVAISE ACTION
Nous recevons la communication suivante de la
Préfecture de Meurthe-et-Moselle : Je soussigné Léon
Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, Agissant en
vertu des pouvoirs qui m'ont été délégués par
l'autorité militaire pendant la durée de l'état de
siège pour assurer l'ordre publics dans le
département, Considérant qu'il résulte de l'enquête
à laquelle j'ai fait procéder, des témoignages
recueillis et des déclarations même de l'intéressé
que, le dimanche 6 septembre, M. l'abbé Gossé, curé
de Benney, a prononcé en chaire une allocution
ayant, dans certaines de ses parties, un caractère
politique; qu'il a commenté un article publié dans
un journal de Nancy plusieurs semaines avant la
guerre a un moment où la France, divisée contre
elle-même, ne pensait pas que le suprême conflit dût
être prochain ; qu'il a, au cours de son prêche
dominical, cité nommément divers généraux,
témoignant sa confiance aux uns et manifestant son
regret que des commandements aient été confiés à
d'autres ; Considérant que M. l'abbé Gossé a méconnu
ainsi la transformation morale, profonde et
magnifique, qui s'est opérée en France, qui fait
l'honneur et la force de notre pays, et par laquelle
tous les Français, sans distinction de confessions
religieuses, de partis politiques et de querelles
locales, se sont trouvés intimement unis dans la
communion sacrée de la Patrie.
Considérant que cette union, nécessaire à la
victoire, serait évidemment compromise si chaque
citoyen, agissant comme l'abbé Gossé, reprenait les
controverses, articles, suspicions et polémiques
d'avant la guerre, et provoquait par de tels
discours ou écrits politiques des ripostes qui
seraient suivies de nouvelles attaques.
Considérant que la conduite de M. l'abbé Gossé est
d'autant plus coupable qu'il lui eût suffi pour ne
point se laisser entraîner à de tels écarts de
langage, de suivre l'exemple à lui donné par son
illustre et vénérable évêque, et par tout le noble
clergé de Lorraine au patriotisme desquels il est de
mon devoir de rendre ici un fraternel hommage.
Qu'ainsi M. l'abbé Gossé a commis un acte grave qui
mérite un châtiment,
Considérant que la punition la plus sensible qui lui
puisse être infligée aujourd'hui consistera dans la
publicité donnée à cette faute et dans le jugement
unanime que portera sur elle la population de
Meurthe-et-Moselle,
Tenant compte d'ailleurs de la louable activité que
M. l'abbé Gossé a dépensée récemment pour assister
les nombreuses familles des communes sinistrées qui
sont venues chercher à Benney un refuge provisoires,
Et bien décidé, si, contre mon ferme espoir, de tels
faits se renouvellent si par des écrits destinés à
la publicité ou par des discours prononcés dans un
lieu public, quelqu'un se livre à des controverses
ou polémique d'ordre politique de nature a faire
renaitre les dissensions civiles et à, troubler
ainsi l'ordre national, à déférer au conseil de
guerre le coupable, quels que puissent être sa
profession, sa situation et son état.
Arrête ;
M. l'abbé Gossé, curé de Benney, est averti que les
considérations d'ordre politique développées par lui
en chaire, au cours de son prêche, le dimanche 6
septembre constituent devant la conscience nationale
une mauvaise action et que, au cas où la présente
leçon ne porterait par ses fruits, il serait par moi
déféré à l'autorité militaire pour l'application,
par le conseil de guerre, des peines que la loi
réserve aux, perturbateurs de l'ordre public.
Fait à Nancy, le 16 septembre 1914.
Le préfet de Meurthe-et-Moselle :
L. MIRMAN.
Cultivateur Lorrain
RENTRE
dans la Commune
Nancy, 17 septembre.
Grâce à l'admirable vaillance de nos armées,
l'ennemi évacue notre département.
Un grand nombre de communes sont aujourd'hui
libérées ; toutes le seront demain. De beaucoup
d'entre elles la population s'était enfuie ; ici,
cédant à la panique ; là, obéissant à la plus
cruelle des nécessités. Il faut maintenait qu'elle
se hâte de retourner à son foyer.
Sans doute, ce foyer communal est souvent à moitié
détruit. Mais, sauf de rares et tragiques
exceptions, tel qu'il est, il vaut mieux encore que
la misère de l'assistance, du désoeuvrement et de
l'ennui, à la ville.
La commune dont la moitié des maisons sont brûlées
peut et doit, dans son autre moitié restée debout,
abriter tant bien que mal toute la population
valide. On se serrera, on s'aidera. Puis, nombre de
maisons incendiées ne le sont que partiellement ;
avec des réparations de fortune on y peut trouver un
abri provisoire.
Cultivateur lorrain, rentre dans ta commune ! Tu y
éprouveras d'abord une grande peine en constatant
combien elle a souffert. Mais tu y éprouveras aussi
une joie profonde en voyant, sur ses ruines, flotter
à jamais le drapeau et triompher la liberté de la
France.
Rentre dans ta commune ! Tu y retrouveras tes
habitudes, tes voisins, tes amis, tes horizons
familiers. Tu y retrouveras la terre fidèle qui
t'attend et qui a besoin de toi comme tu as besoin
d'elle. Tu y recueilleras, tu y empêcheras de se
perdre, tu y feras fructifier le peu qui te reste.
Rentre dans ta commune ! Sur place il sera plus aisé
de mesurer ce dont tu as le plus besoin, en objets
de première nécessité et notamment en instruments de
travail ; ainsi l'oeuvre d'assistance, mieux : de
reconstitution, que poursuit le comité de secours
récemment créé, sera plus facile à entreprendre.
Si ton foyer et ta commune ont été l'un et l'autre
trop éprouvés pour que tu y puisses rentrer dès
maintenant avec toute ta famille, laisse au besoin
derrière toi, dans la famille, la commune ou la
ville hospitalière qui vous a tous recueillis au
moment de votre détresse, les plus jeunes de tes
enfants ; pars avec ta femme, qui est ta compagne
vaillante ; pars, avec les petits gars robustes qui
peuvent t'aider, et, pour y reprendre ton magnifique
labeur, ce labeur qui fait ta dignité d'homme comme
il fait la force de ton pays, cultivateur lorrain,
rentre dans ta commune !
LÉON MIRMAN.
Préfet de Meurthe-et-Moselle.
L'Eclair de l'Est ajoute :
« Nous sommes tout à fait de l'avis de M. le préfet.
Il faut, au plus tôt, retourner chacun chez soi.
Seulement, il conviendrait de faire connaître aux
intéressés comment ils obtiendront les sauf-conduits
nécessaires, et ne pas les forcer à la longue
attente à laquelle sont condamnés les malheureux qui
ont besoin de quitter Nancy. »
LES ALLEMANDS
à Lunéville
Voici le texte de la proclamation adressée à la
population de Lunéville par le général allemand lors
de l'occupation de ce chef-lieu d'arrondissement :
Les troupes allemandes se sont emparées de
Lunéville. Les armées françaises sont battues sur
toute la ligne. Le corps anglais est dispersé. Les
Autrichiens et les Allemands pénètrent
victorieusement dans la Russie. Je m'adresse au bon
sens de la population pour m'aider au rétablissement
de l'ordre dans la ville et à la remettre dans son
état normal. Il est arrivé qu'à Lunéville des
convois de blessés, colonnes et bagages ont été
attaqués par les habitants ne faisant pas partie de
l'armée et qui contrevenaient aux lois de la guerre.
L'armée allemande fait la guerre aux soldats et non
aux citoyens français. Elle garantit aux habitants
une entière sécurité pour leurs personnes et leurs
biens aussi longtemps qu'ils ne se priveront pas
eux-mêmes par des entreprises hostiles de cette
confiance. Le commandant de la ville porte à la
connaissance publique :
1° L'état de siège est déclaré dans la contrée
occupée par les troupes allemandes :
2° Seront punies de la peine de mort toutes les
personnes qui prendront les armes contre les
personnes appartenant aux troupes allemandes et leur
suite, qui détruiront les ponts, les lignes
télégraphiques et téléphoniques, chemins de fer, les
provisions et les quartiers des troupes, rendront
les chemins impraticables, qui arracheront ces
affiches, qui regarderont des aéroplanes et pourront
faire des signaux aux troupes françaises et
entreront en communication avec.
Il est défendu pour tous les habitants : Tout
attroupement dans les rues, de se promener après
sept heures (heure française), de quitter la ville
après sept heures du soir et cinq heures du matin
sans laissez-passer de l'autorité allemande.
Quiconque abrite des soldats français doit les
dénoncer. Quiconque retient armes et munitions doit
les livrer au Corps de garde, rue d'Alsace, n° 39.
Les autorités allemandes ont l'intention de prendre
soin de la subsistance des troupes de même que des
habitants ; aussi l'intérêt de la population
exige-t-il que les habitants rentrent dans leurs
maisons, ouvrent portes et volets, reprennent
commerce et travail pour assurer l'approvisionnement
régulier.
Les hommes, les autorités de la ville, la police et
la gendarmerie doivent venir se mettre à la
disposition de l'autorité allemande. Les habitants
qui auraient à se plaindre des soldats doivent
s'adresser au commandant du corps de garde dans le
plus bref délai. Les détails pour l'exécution de cet
article seront publiés prochainement.
28 août 1914.
GoeRINGER, Général commandant en chef des troupes de
Lunéville.
Habitants de Nancy
Vous avez été soumis à un bombardement
d'intimidation. Malgré les victimes innocentes qu'il
a faites et que je salue, et les dégâts qu'il a
commis, vous avez conservé votre sang-froid et votre
moral. Je vous en félicite.
Grâce aux succès de nos armées et à la résistance
des troupes appelées à votre protection, tout danger
pour la sécurité de la capitale de la Lorraine est
actuellement conjuré. Je suis heureux, de vous en
informer.
Général LÉON DURAND.
La Circulation des Bicyclettes
Nancy, 17 septembre.
L'autorité militaire a autorisé, à la date de lundi
14 septembre, la libre circulation des bicyclettes à
l'intérieur des limites de l'octroi de Nancy.
L'interdiction reste absolue en dehors de ces
limites.
La grande Bataille
ENTRE OISE ET MEUSE
Elle continue à nous être favorable
Bordeaux, le 17 septembre, 16 h. 30.
A NOTRE AILE GAUCHE
La résistance de l'ennemi sur les hauteurs au nord
de l'Aisne a continué, bien qu'elle ait légèrement
fléchi sur certains points.
AU CENTRE
Entre Berry-au-Bac, sur l'Aisne et l'Argonne,
situation sans changement. L'ennemi continue à se
fortifier sur la ligne précédemment indiquée.
Entre l'Argonne et la Meuse, les Allemands se sont
retranchés à la hauteur de Montfaucon.
Dans la Woëvre, nous avons pris le contact de
plusieurs détachements ennemis, entre Etain et
Thiaucourt.
A NOTRE AILE DROITE LORRAINE ET VOSGES
Aucune modification.
En résumé, la bataille se poursuit sur tout le
front, entre l'Oise et la Meuse.
Les Allemands occupant des positions organisées
défensivement et armées d'artillerie lourde, notre
progression ne peut être que lente, mais l'esprit
d'offensive anime nos troupes, qui font preuve de
vigueur et d'entrain.
Elles ont repoussé, avec succès, les contre-attaques
que l'ennemi a tentées de jour et de nuit.
Leur état moral est excellent.
La Destruction de Gerbéviller
Nancy, 19 septembre.
Un des soldats qui pénétrèrent dans Gerbéviller
immédiatement après l'évacuation par les Allemands
nous en avait rapporté une impression d'épouvante et
de désastre.
L'oeuvre de dévastation est plus complète encore
qu'on ne l'avait dit alors. Gerbéviller n'est plus
qu'un monceau de ruines : ses rues sont désertes ;
ses monuments dont plusieurs se rattachaient
pieusement à l'histoire de la Lorraine, ont disparu
comme dans le bouleversement d'une irréparable
catastrophe.
Ici une coquette auberge dont l'enseigne se
balançait dans le vent, dresse ses murs noircis ; là
gisent les débris de l'église odieusement profanés
et des tours abattues par le bombardement ; plus
loin. la maison des postes est détruite ; ailleurs,
dans la partie supérieure du village, le quartier
qui avoisine la gare n'a pas moins souffert.
Et, sans effort, l'esprit évoque, devant ce
spectacle de désolation et de deuil, une lutte où se
sont heurtées dans un corps à corps farouche, la
bravoure française et la fureur allemande. Rude
bataille. Les soldats sont tombés par files
entières, alignés sur le sol, comme s'ils étaient
couchés sur un signal ou sur un ordre de leurs
chefs.
Des cadavres d'animaux jonchent les champs
environnant le coquet village dont la grâce
pittoresque s'épanouissait dans la verdure et les
fleurs aux flancs d'un coteau couronné de vergers et
de bois Gerbéviller est détruit. Au milieu des rues
tortueuses que jalonne une double rangée de maisons
sans fenêtre, sans porte, sans toiture, on se
croirait parmi les vestiges de Pompéi ou de Messine,
après quelque effroyable éruption de volcan.
Seul, l'hôpital a été épargné avec de rares
habitations - une dizaine peut-être que l'oeil
s'obstine à rechercher dans ces décombres, dans cet
amas de pierres écroulées qui furent l'église, la
brasserie, le château, la chapelle gardant tant
d'illustres souvenirs.
Nos lecteurs savent par quels prodiges d'héroïque
abnégation, au prix de quels sacrifices les
religieuses de l'hôpital ont pu sauver
l'établissement où s'exerçaient leur zèle, leur
dévouement :
- Nous soignons vos blessés, dit la supérieure au
commandant allemand.
- Cela m'est bien égal, répliqua l'officier. Si l'on
suivait mes conseils et si l'on exécutait mes
consignes, je tuerais jusqu'au dernier tous ces c...
de Français ! »
Toutefois, il semble qu'à défaut de pitié l'horreur
de comprendre ses propres soldats dans le massacre
qu'il rêvait ainsi, ait arrêté au seuil de l'hôpital
le vandalisme des Allemands Ce qui frappe à
Gerbéviller, c'est l'organisation méthodique,
l'espèce de raffinement qui ont présidé à
l'extermination du pauvre village. Personne n'a
trouvé grâce, ni les enfants, ni les vieillards, ni
les femmes - et, pour expliquer, sinon pour
justifier ce qu'ils considéraient comme des
représailles, l'ennemi a prétendu que la population
civile avait accueilli à coups de fusil l'entrée des
premières troupes.
De tous les pays où s'est ruée comme un fléau la
colère allemande, il n'en est guère qui soient
comparables à Gerbéviller. L'évaluation du désastre
est difficile ; on ne saurait indiquer même le
nombre des innocentes victimes qui ont péri. Mais la
France saura inscrire ces incendies et ces
assassinats dans le règlement des comptes que la
Civilisation exigera des Barbares.
L. C.
VOULOIR ET POUVOIR
Nancy, 20 septembre.
J'apprends avec plaisir que M. Thomson, est allé
faire une enquête dans le Nord et le Pas-de-Calais,
avec MM. Hayes, sénateur, et Albert Thomas, député.
M. Thomson doit prendre les mesures nécessaires « à
l'effet d'aider à la reprise de la vie industrielle
et commerciale dans le Nord et le Pas-de-Calais ».
Voilà une excellente pensée. Tout le monde a des
pensées excellentes. Pour les réaliser, c'est autre
choses Je n'exprimerai même pas le désir de voir M.
Thomson en Lorraine, à moins que ce ne soit pour y
prendre des mesures immédiates.
Ici la bonne volonté de tous est éclatante.
La population est calme, et d'un admirable courage.
Les pauvres gens éprouvés reviennent à leurs foyers
détruits, quand ilsle peuvent.
Mais que faire ? Les récoltes sont perdues, les
provisions pillées, le ravitaillement difficile, les
économies dispersées.
Le coeur ne suffit pas, ni la volonté. Il faudrait
que l'Etat vînt tout de suite au secours du
dévouement.
L'industrie est arrêtée, le commerce paralysé.
Il semble que l'on devrait tout d'abord encourager
les Nancéiens restés à la tête de leur industrie ou
de leur commerce. Ils ont montré un sang-froid qu'on
ne pourra jamais assez louer, et ont fait, aidés par
leurs énergiques concitoyens, tous leurs efforts
pour maintenir la vie économique.
La population civile est aussi vaillante que
l'armée. Avec une belle humeur charmante elle a
accepté toutes les gênes de l'état de siège. Elle
n'a pas fait entendre une seule protestation. Elle
sait quelles sont les nécessités de la guerre, et
les subit cordialement, pour le salut de la patrie.
Elle ne prend pas d'attitudes. Elle est courageuse
simplement, naturellement.
Cela ne suffit point pourtant.
Lorsqu'on n'a plus ni correspondances, ni chemins de
fer, il ne paraît guère possible de remettre une
industrie en marche.
Pas de commandes, pas d'écoulement, pas de
réceptions. Alors ?
Prenons un exemple. L' « Est républicain » paraît
grâce aux réserves de papier et d'encre que nous
avions faites en prévision de ce qui arrive. C'est
très bien.
Mais ces réserves ne sont pas éternelles.
Nous avons des milliers de quintaux de papier on ne
sait dans quelles gares. Nous avons des tonneaux
d'encre sur on ne sait quels quais de l'intérieur de
la France.
Il en est de même pour les matières premières de
toutes les industries.
Je sais bien que les trains sont tout d'abord
affectés aux mouvements et aux approvisionnements
des troupes, à l'évacuation des blessés et des
malades.
Mais ne devrait-on une fois par semaine conduire à
Nancy un convoi spécialement destiné à l'industrie
et au commerce ? Et ne serait-il pas bon d'étudier
la réinstallation des services de transport à notre
gare ?
Patriotiquement chacun subit les gênes
indispensables. Le temps est venu cependant où on
pourrait, avec de la méthode, éliminer quelques-unes
de ces gênes.
Les habitants de Nancy sont prêts à tous les
sacrifices. Pourtant si on leur en épargnait
quelques-uns, ce serait autant d'économisé, et
autant de ressources créées pour l'hiver qui vient.
RENÉ MERCIER.
BOMBARDEMENT INEFFICACE
De la « Libre Parole » : Pendant que Nancy était
bombardé dans la nuit du 9 au 10, les Allemands se
livraient au même divertissement entre Saint-Nicolas
et Varangéville.
Mais ça été beaucoup plus long. Ils avaient commencé
dans l'après-midi et ont continué jusqu'à. une
heure du matin. Ils y employaient toute une
batterie, ; on estime que celle-ci a lancé au moins
1.500 obus.
Sans effet. d'ailleurs, ou à peu près, au moins pour
Saint-Nicolas, où presque aucun projectile n'a
dépassé la Meurthe.
Rien entendu, chacun s'était fourré dans ses caves ;
l'alerte a été assez chaude. Mais peu de blessés,
même à. Varangéville, où l'église historique a
souffert quelques dégâts ainsi qu'un certain nombre
de maisons.
Aucun obus n'a atteint la merveilleuse basilique du
Patron de la Lorraine.
L'OCCUPATION DE LUNÉVILLE
Le Rapport officiel
Paris, 20 septembre, 1 h 32.
BORDEAUX. - M. Malvy, ministre de l'Intérieur, a
communiqué au Conseil des ministres des extraits des
documents relatifs à l'attitude de la population
devant l'occupation allemande le préfet de
Meurthe-et-Moselle dit que l'occupation a été
vaillamment supportée.
A Lunéville, le bilan des pertes est de douze tués
et d'une centaine de maisons brûlées.
La sous-préfecture est détruite.
Les actes de pillage sont innombrables Une
contribution de guerre de 650 000 fr. fut payée par
la ville.
Le maire. M. Keller ; le sous-préfet, M. Minier ; M.
Méquillet, député, ont eu une conduite digne
d'éloges à tous égards.
A TRAVERS, LES
Communes éprouvées
Nancy, 21 septembre.
A BACCARAT
M. L. Mirman, préfet de
Meurthe-et-Moselle, s'est rendu hier à Baccarat,
accompagné de M. Méquillet, député ; de M. le
sous-préfet de Lunéville et de Madame Mirman.
De Baccarat, les Allemands ont emmené trois otages ;
ils ont tenu à avoir, ont-ils déclaré, un
représentant de la municipalité, le curé et
l'instituteur. En l'absence du maire et du curé, qui
tous deux étaient absents le la commune, ils ont
pris M. Loth Auguste, conseiller municipal, et M.
l'abbé Louis, curé de Deneuvre, avec M. Aigle,
directeur des écoles de la Cristallerie. Ces trois
otages seraient, paraît-il, actuellement à
Carlsruhe.
Les Allemands, furieux de la résistance qui leur fut
opposée par nos vaillants soldats, et bien qu'aucun
civil n'ait tiré un coup de feu - ils n'ont
d'ailleurs pas pris la peine cette fois de le
prétendre - ont, le lendemain de leur occupation,
incendié systématiquement, au pétrole et à la
torche, une soixantaine de maisons dans la partie
centrale et commerçante de la ville ; ce joli
quartier est aujourd'hui en ruines.
Ils ne se sont pas contentés d'incendier ; ils ont
volé. A la cristalleriee - dont, en dépit des
nombreux dégâts, les oeuvres vives ne sont pas
atteintes- ils ont acheté pour 10.000 francs et volé
pour plus de 100.000 ; ce n'est plus les pendules
comme en 1870, c'est les coupes de cristal : voilà
les progrès à l'allemande.
La mairie étant incendiée, les services municipaux
sont installés dans la sacristie. C'est là que M. le
préfet a réuni la délégation municipale.
M. le maire Tisserand ayant quitté Baccarat la
veille de l'occupation et n'y étant rentré qu'après
le départ des Allemands, c'est-à-dire plusieurs
semaines après, affirme qu'il ne s'était absenté de
son poste pour des affaires urgentes que de façon
momentanée et alors qu'il avait reçu l'assurance que
Baccarat ne serait pas dans un bref délai envahi ;
il déclare en outre qu'il s'est trouvé malgré tous
ses efforts dans l'impossibilité de rentrer et qu'il
s'est heurté aux lignes ennemies. Il a demandé à M.
le préfet de Meurthe-et-Moselle d'ouvrir une enquête
sur ces faits. M. L. Mirman a décidé que, aussi
longtemps que durerait l'enquête, les affaires
communales continueraient à être gérées par la
délégation municipale qui a eu l'honneur et la
charge de cette administration pendant l'occupation
allemande. Cette délégation se compose de MM. Varin,
conseiller général ; Michaut, directeur de la
cristallerie ; Renaud et Loth.
M. L. Mirman a souligné l'exemple donné par MM.
Varin et Michaut. Ayant joué l'un et l'autre durant
de longues années et dans des camps opposés un rôle
politique militant, ces deux bons citoyens n'ont eu
à faire aucun sacrifice, à vaincre aucune difficulté
pour faire litière absolue de leurs dissensions
récentes, et pour se tendre fraternellement la main,
pour unir leurs efforts, leur volonté d'action dans
le même dévouement à la chose publique.
C'est cette union, réalisée à Baccarat comme elle
doit l'être dans toutes les communes de France, qui
fait aujourd'hui la force indestructible de notre
Patrie.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle a exprimé à la
population de Baccarat la sympathie profonde
qu'éprouve la grande cité de Nancy pour ses jeunes
soeurs de Lorraine qui, moins heureuses qu'elle, ont
subi l'épreuve de l'occupation teutonne. Il a salué
respectueusement les otages emmenés par l'ennemi. Il
a aussi demandé à la population de sécher ses larmes
à la douce et confortable chaleur de la victoire
française ; il lui a demandé de détourner ses
regards des ruines partielles de la cité pour saluer
d'un coeur enthousiaste, les destins triomphants de
la Patrie.
A MAGNIÈRES VALLOIS & MOYEN
De Baccarat, M. le Préfet s'est rendu dans la petite
commune de Magnières, sur les confins du
département, des Vosges.
En l'absence du maire, M. Thiébaut, emmené comme
otage, M. L. Mirman a conféré avec l'adjoint Xoual,
l'a entretenu des conditions de ravitaillement de la
commune, a laissé des secours d'extrême urgence; et
a réconforté la population si éprouvée du village en
lui apprenant et lui commentant les nouvelles des
armées reçues depuis huit jours.
Après avoir salué tristement la belle église
détruite presque complètement par l'incendie, M. le
Préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu à la cure
et a fraternellement embrassé le vaillant curé
Gaudel. Celui-ci, blessé par trois éclats d'obus,
est encore alité ; sa guérison totale n'est plus
heureusement qu'une affaire de jours. Il a éprouvé
une grande joie lorsque M. le Préfet de
Meurthe-et-Moselle lui a renouvelé l'assurance
donnée par lui déjà devant l'église en ruines de
Badonviller, que tous les Français, sans distinction
de croyances, sauraient s'unir pour participer d'un
même coeur aux frais de reconstitution des églises de
France victimes de la guerre, si d'aventure ces
frais n'étaient pas prélevés - comme il est
vraisemblable qu'ils le seront et comme il faudrait
qu'ils le fussent - sur les produits des douanes
allemandes.
La pauvre petite commune de Valois a été aussi
terriblement abîmée par les obus; des secours
d'extrême urgence ost été distribués ; la population
évacuée essaie avec courage de reconstituer son
foyer au milieu des ruines.
Le village de Moyen, si pittoresquement campé sur la
colline, a été beaucoup moins éprouvé, ne s'étant
pas trouvé au centre de l'action de guerre ; il a dû
subir cependant pendant vingt jours l'occupation
allemande ; M. Roze, maire de la commune, et M. le
curé Vincent, ont été emmenés comme otages ; deux
maisons seulement ont été incendiées ; le
ravitaillement est assuré.
A GERBÉVILLER
Comment traverser cette région sans ne pas faire à
Gerbéviller le pèlerinage de douleur ! C'est là que
les Français devront aller pour fortifier, s'il est
nécessaire, leur horreur contre les barbares et leur
volonté de tout sacrifier pour les réduire à
l'impuissance. Gerbéviller restera un foyer de
méditation pour l'âme française.
Au milieu des ruines qui se prolongent sur les deux
rives de la Mortagne s'épanouit une fleur magnifique
de bienfaisance et d'héroïsme ; c'est l'ambulance
des soeurs de Saint-Charles, où la directrice - soeur
Julie - alerte, vaillante, soutient tout un petit
nombre de malades, d'éclopés, de réfugiés, de
sinistrés, les réconforte de ses soins, de sa soupe
chaude, et - mieux encore - de sa bonne humeur
inaltérable. Le Préfet de Meurthe-et-Moselle et
Madame Mirman lui ont dit à nouveau la fière et
respectueuse sympathie qu'éprouve pour elle et pour
ses collaboratrices toute la population de Nancy et
du département. A la porte de l'ambulance, une
petite réunion publique a été improvisée, à laquelle
ont pris part avec les soldats en cantonnement à
Gerbéviller tous les protégés de l'admirable soeur,
et après qu'il eut fait part à tous des nouvelles
récentes et glorieuses de nos armées, le Préfet de
Meurthe-et-Moselle et tous les assistants ont
clôturé ce meeting pittoresque aux acclamations de :
« Vive soeur Julie ! Vive la France ! » Et soeur Julie
serait la seule évidemment à s'étonner et à
protester si, sur son corsage, venait s'épingler un
jour la croix des braves.
LES BRAVES GENS
On nous écrit de Raon-l'Etape, le 21 septembre : A
la liste longue et, il faut le dire hautement,
glorieuse de nos courageux maires lorrains, il
convient d'ajouter, dût sa modestie en souffrir, le
nom de M. Bourgeois, maire de La
Neuveville-Iès-Raon. C'est grâce à son énergie, à
son patriotisme éclaire et à son habileté, que La
Neuveville doit sa conservation presque entière.
Raon-l'Etape a vu brûler 130 maisons, l'église, la
halle et les écoles. Le dévouement du docteur Raoul,
l'unique conseiller municipal, a été impuissant à
conjurer tous les maux qu'a soufferts la si
gracieuse cité vosgienne, qui a été pillée et
saccagée d'une manière horrible ; là encore, les
femmes des barbares ont présidé à l'enlèvement des
objets de toutes natures, pianos et meubles, que
l'on chargeait sur des camions automobiles.
Nous manquerions à notre devoir si nous ne
signalions pas le dévouement admirable de M. Paul
Ferry, ancien maire de La Neuveville, membre de la
Croix-Rouge, qui, nuit et jour, a donné ses soins
aux blessés et enterré les morts. Détail navrant :
M. PauJ Ferry a eu la douleur de trouver lui-même le
corps de son fils, caporal au 21e bataillon de
chasseurs, mort en défendant le sol de sa ville
natale.
LES PROGRÈS DE LA BATAILLE
Vengeance de Vandales. - Ils brûlent la Cathédrale
de Reims pour venger leurs insuccès. - Ils
continuent à reculer en Argonne, ainsi qu'en
Lorraine, où ils se sont repliés de l'autre côté de
la frontière.
Télégrammes officiels
Bordeaux, le 20 septembre 1914, 16 h. 15.
A NOTRE AILE GAUCHE
Nous avons encore réalisé, sur la rive droite de
l'Oise, de légers progrès.
L'honneur de la prise d'un nouveau drapeau revient à
une division d'Algérie.
Toutes les tentatives faites par les Allemands,
appuyés par une nombreuse artillerie, pour rompre
notre front entre Craonne et Reims, ont été
repoussées.
Autour de Reims, la hauteur de Brimont, dont nous
avions conquis une partie, a été reprise par
l'ennemi.
En revanche, nous nous sommes emparés du massif de
la Pompelle.
Les Allemands se sont acharnés, sans raison
militaire, à tirer sur la cathédrale de, Reims, qui
est en flammes.
AU CENTRE
Entre Reims et l'Argonne, nous avons enlevé le
village de Souain et fait un millier de prisonniers.
Sur le revers occidental de l'Argonne, nos progrès
sont confirmés.
En Woëvre, rien à signaler.
A L'AILE DROITE
En Lorraine, l'ennemi s'est replié au delà de notre
frontière, évacuant en particulier la région
d'Avricourt.
Dans les Vosges, il a tenté de prendre l'offensive
aux abords de Saint-Dié, mais sans succès.
Nos attaques progressent lentement de ce côté, en
raison des difficultés du terrain, des organisations
défensives qu'elles rencontrent et du mauvais temps.
LA DEFENSE DE LONGWY
La petite ville de Longwy a subi les horreurs des
sièges de 1792, 1815 et 1870 ; elle vient de
s'illustrer à nouveau en résistant pendant 23 jours
à la ruée des Allemands.
Ne pense-t-on pas, demande un officier de cavalerie
en retraite, enfant de Longwy, que la vaillante cité
qui vient d'ajouter à nos fastes militaires une page
glorieuse, a bien mérité de mettre dans ses
armoiries la croix de la Légion d'honneur.
Tous les bons Français seront de cet avis.
Fermeture des Cafés
Nancy, 22 septembre.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle est heureux de
porter à la connaissance de la population de Nancy
que, sur sa demande, M. le général Léon Durand,
commandant le 2e groupe des divisions de réserve, a
bien voulu reporter de 18 à 19 heures l'heure de
fermeture des cafés de la ville de Nancy.
A TOUL
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu le 20
septembre à Toul ; il a salué à la sous-préfecture
M. le général Remy, gouverneur du camp retranché ;
MM. Chapuis, maire de Toul, de Langenhagen, sénateur
de Meurthe-et-Moselle, et Fringant, député de Toul,
tous les trois incorporés dans les régiments en
garnison à Toul.
M. L. Mirman a constaté avec satisfaction l'accord
fraternel qui règne à Toul entre les autorités
militaires et civiles, accord si nécessaire à la
discipline qu'impose le souci de défense nationale.
M. le préfet a félicité M. Mage, sous-préfet de
Toul, de l'activité qu'il a dépensée depuis le
commencement de la guerre, de la compétence et du
zèle qu'il met au service des intérêts
administratifs des communes de l'arrondissement en
cette période troublée.
(Communiqué de la Préfecture.)
OFFENSIVE VICTORIEUSE
à gauche et au Centre
Violents et heureux combats sur l'Oise et l'Aisne. -
Nous avançons aussi en Champagne. - Situation
d'attente et préparatifs en Lorraine.
Bordeaux, 21 septembre, 16 h. 15.
A NOTRE AILE GAUCHE
Sur la rive droite de l'Oise, nous avons progressé
jusqu'à la hauteur de Lassigny, à l'ouest de Noyon.
A l'est de l'Oise et au nord de l'Aisne, les
Allemands ont manifesté une recrudescence
d'activité.
Des combats violents, allant jusqu'à la charge à la
baïonnette, se sont livrés dans la région de
Craonne.
L'ennemi a été partout repoussé avec des pertes
considérables.
AUTOUR DE REIMS
L'ennemi n'a tenu aucune attaque d'infanterie et
s'est borné à canonner notre front avec de grosses
pièces.
AU CENTRE
En Champagne et sur le revers occidental de
l'Argonne, outre Souain, nous avons pris
Mesnil-les-Hurlus et Massiges.
EN WOEVRE
L'ennemi tient toujours la région de Thiaucourt. Il
a canonné Hattonchâtel.
A L'AILE DROITE
En Lorraine et en Vosges, rien de nouveau.
Les Allemands se fortifient sur la côte de Delme et
au sud de Château-Salins.
UNE HÉROÏNE
Nous avons raconté, il y a déjà quelque temps,
l'acte d'héroïsme d'une jeune employée des postes
d'Etain. Cette demoiselle, qui était à Dijon ces
jours-ci, avait accompli, dès le 3 août. un autre
trait de bravoure que le Bulletin des Armées de la
République racontait ainsi :
Une employée des postes, Mlle Berthe Lévy, jeune
fille de vingt-deux ans, vient d'accomplir un acte
simplement héroïque.
Le 3 août, on signalait à Briey l'approche des
troupes allemandes. Se conformant aux instructions
reçues, le receveur des postes et télégraphes prend
ses dispositions pour faire transporter en lieu sûr,
à Verdun, sa caisse, sa comptabilité et ses valeurs.
Une automobile attend.
Mlle Berthe Lévy est chargée de cette mission. Elle
part, elle arrive. La caisse est sauvée.
Comme elle veut sans perdre une minute, regagner
Briey, les officiers français la préviennent que les
avant-gardes allemandes rôdent dans la région. Le
danger est réel.
« Qu'importe ! réplique la jeune postière. On compte
sur moi là-bas ; le receveur a besoin de mes
services. Au revoir, messieurs. »
En cours de route, elle abandonne sa voiture. Cachée
dans un bois, elle attend la nuit. Originaire de
Jarny, elle connait admirablement la campagne, pas
une sente qui ne lui soit familière. L'ombre venue,
elle se glisse, serrant sur son coeur les reçus des
chargements qui lui ont été délivrés par le bureau
de Verdun. Elle évite les patrouilles ennemies ;
elle rentre dans la ville, sa mission est accomplie.
Et voici en quels termes, simplement, sur un ton
badin, elle rend compte à ses parents de son exploit
:
« Verdun, 4 août 1914.
« Mes bien chers tous,
« Suis à Verdun en mission porter le courrier en
automobile.
« Tout va bien, mais ça chauffe !!!
« BERTHE. »
LES SOUPES POPULAIRES
Nous recevons la note suivante : La population
nancéienne admire l'empressement de la Municipalité
à accorder des secours aux réfugiés évacués des
localités engagées sur les champs de bataille et aux
habitants nécessiteux de notre belle cité.
Depuis le commencement des opérations militaires, il
a été réparti dans beaucoup de quartiers de la
ville, des distributions de soupes populaires,
accompagnées des hauts bienfaits de l'établissement
de Gentilly, une grande sécurité contre les
privations de la guerre.
Parmi ces succursales du bien public, on a remarqué
celle de Boudonville, sous la tutelle de M. Charly,
conseiller municipal, depuis le début de la guerre
qui est organisée par M. et Mme Gudin, qui ont
offert généreusement l'emplacement et le matériel
nécessaire dans leur propriété de la rue de la
Boudière, où ils préparent pour distribuer, de onze
heures et demie à midi, tous les jours environ huit
cents rations très confortables et d'une propreté
rare ; à cette belle organisation ils sont aidés par
le concours gracieux de M. Plantier, professeur à
l'Ecole supérieure de Nancy, M. Grégoire, chef de
train en retraite, M. Morot, rue de la Colline, M.
Rousselle, lithographe, Mme Pajot, rue de la
Boudière, etc.
DANS LA RÉGION DE SAINT-DIÉ
Nos chasseurs alpins. - Les « Vosges meurtrières » -
Les « Lions de la Mort »
Un ami du « Spectateur » veut bien lui communiquer
la lettre suivante qu'il a reçue de Saint-Dié :
Cette lettre, écrite au courant de la plume, sans
autre prétention que de traduire des impressions
vécues, n'en offre que plus d'intérêt :
Saint-Dié. 15 septembre.
Mon cher X.,
Nous n'avons pas souffert du bombardement. Je vais
du reste te raconter comment cela s'est passé.
Mardi 25 août, nos soldats ont défilé devant chez
nous toute la journée. Ils avaient l'air bien
fatigué. Malgré cela ils voulaient encore rassurer
les gens et leur disaient que les Allemands
n'entreraient pas dans la ville.
Nous leur avons distribué un peu de vin et des
cigarettes, et ils en étaient enchantés.
Mercredi, vers 10 heures et demie, le canon commence
à tonner. Nous ne nous en occupons pas trop, car
nous l'entendions souvent. Mais, tout à coup, on
entend des sifflements et on nous dit qu'un obus
était tombé sur l'hôtel du Globe et y avait fait de
gros dégâts. Voyant cela, nous avons déménagé et
nous sommes allés chercher un refuge dans les caves
de chez B... Ce sont des caves voûtées. Nous sommes
partis vers 7 heures avec notre souper et nous y
avons passé la nuit. Mais la nuit fut tranquille.
Jeudi, vers 4 heures, nous sommes réveillés par le
canon. Cela a duré jusqu'à 6 heures du soir. Cette
journée peut compter pour quelque chose. Le canon
tonnait sans arrêt. Tu penses si c'était amusant
d'entendre siffler les obus constamment ; on se
demandait où ils tombaient ; à chaque instant on
entendait sauter les carreaux sur le trottoir.
Nous sommes tout de même sortis de la cave vers 5
heures et demie. J'étais déjà allé voir plusieurs
fois chez K... ce qu'ils devenaient. Il n'y avait
pas un chat sur le trottoir, sauf quelques Alpins
couchés à plat ventre sur le pont qui guettaient
l'arrivée des Allemands ; ils avaient fait des
barricades avec des charrettes. On peut dire qu'ils
nous ont défendus jusqu'au bout.
Les Allemands visaient surtout l'usine à gaz, les
hautes cheminées et le grand pont. Ils n'ont
heureusement pas réussi, sans quoi nous étions jolis
dans nos caves.
Quand nous sommes remontés, nous avons vu votre
ancienne maison, rue Gambetta, qui brûlait...
Les Allemands ont fait leur entrée le même jour, à 6
heures ; ils débouchaient de toutes les rues. Quel
effet de les voir ! Et pourtant, on s'y attendait.
Toute la nuit, ils ont trimbalé dans les rues, pour
s'installer un peu partout. Le vendredi, ils ont
défilé devant chez nous au pas de parade pour qu'on
les voie mieux.
Le soir, nos soldats sont venus jusqu'à la rue de la
Meurthe. Il y a eu une fusillade nourrie, puis plus
rien. Les Allemands s'étaient cachés dans les
maisons en face de chez nous, ils avaient brisé les
persiennes, dressé les matelas devant les fenêtres
pour se mettre à l'abri des balles et installé une
mitrailleuse dans le logement de l'épicerie B...
Nous observions cela depuis nos fenêtres, nous
demandant ce qu'ils pouvaient bien fabriquer. Nous
avons seulement compris le lendemain matin...
Du jour où ils sont arrivés, ils ont mis nos
horloges à l'heure allemande, mais personne n'a
changé ses montres et ses pendules, si bien que l'on
était tout embrouillé dans les heures. Ils ont
imprimé une affiche disant qu'il était interdit de
circuler en ville de 8 heures du soir à 6 heures du
matin sous peine d'être fusillé, et défense expresse
de sortir de la ville.
Ils ont tout accaparé, tout volé, surtout dans les
logements inoccupés. Ils ont vidé les caves et
ouvert les robinets de tonneaux si bien qu'ils
étaient jolis.
(Suivent des détails sur les dégâts commis dans la
région environnante.)
Pour Saint-Dié, il y a à peu près cinquante maisons
brûlées. Quand on nous a dit qu'ils allaient quitter
la ville, on n'osait pas y croire. Mais ils sont
partis le 11 septembre dans la nuit. Le lendemain
matin, il n'y en avait plus, mais toute la nuit on
n'a pu dormir tant ils faisaient de potin avec leurs
voitures.
Vendredi, à une heure et demie, nous sortions un peu
quand nous voyons arriver trois de nos chasseurs à
cheval qui arrivaient au grand galop de la rue
d'Alsace.
Je n'oublierai jamais ce moment-là. Tout le monde
courait, criait : Vive la France !
C'était du délire. On était si heureux de les revoir
sitôt après les autres. Cela a été encore pis quand
les chasseurs alpins sont arrivés, on les aime tant
à Saint-Dié. Ils ont toujours été en avant. On les
aurait presque portés en triomphe, ils étaient
couverts de fleurs. On avait sorti les drapeaux,
mais on les a fait enlever ; les Allemands étaient
encore trop près, on craignait qu'ils ne reviennent.
Mais il paraît qu'ils ont eu de grosses pertes. Ils
appellent nos montagnes les « Vosges meurtrières »
et les Alpins les « lions de la mort ».
On nous a remis nos horloges à l'heure française,
les trains recommencent à marcher ainsi que le
téléphone et le télégraphe.
Tous les services sont rétablis...
Nous mangeons en ce moment du pain de guerre. Il est
un peu dur, mais enfin on nous en fera bientôt de
l'autre. Nous n'avons été privés de rien et nous
sommes tous en bonne santé.
Nancy et le général de Négrier
Il y a quelques années, pendant une battue en
Seine-et-Marne, oubliant les faisans, le général de
Négrier nous faisait une petite conférence sur la
défense du territoire.
« Tout l'effort, s'écriait-il, doit se porter sur la
frontière belge, à Givet, à Chimay. »
Je l'entends encore ; et, en effet, ce passage était
si important pour les Allemands, que, pour le
prendre, ils ont déchiré et qualifié de chiffons de
papier des traités signés par eux-mêmes, et bravé
l'inimitié de l'Angleterre.
« Quant à Nancy, disait M. de Négrier, cette place
n'est pas défendable, et si je commandais nos
forces, j'écrirais dans mon premier bulletin « Nancy
est pris », afin qu'on ne m'en parle plus. »
Nancy est libre, et, après six semaines d'invasion,
on en parle encore.
L'HOPITAL CIVIL
et ses Annexes
Nancy, 23 septembre.
En ces jours de tristesse, alors que vers les
hôpitaux s'achemine la foule des parents avides de
connaître le sort des êtres chéris que les destins
ont conduits vers les champs de bataille, où nos
armées luttent pour le triomphe de la justice, du
droit et de la liberté, en ces jours de tristesse où
la pensée de tous se tourne vers nos glorieux
mutilés, il est bon de visiter les lieux de retraite
paisible, où nos blessés reçoivent les soins
éclairés et dévoués que réclame leur état.
C'est ainsi que nous sommes allé, hier, à l'Hôpital
civil qu'administre une Commission active et
diligente, aux destinées de laquelle préside M.
Krug.
Nous n'avons pas l'intention de découvrir l'Hôpital
civil et son annexe où les malades fortunés
reçoivent, dans des conditions spéciales, qui
assurent la prospérité financière de cet
établissement, une hospitalité que tout un chacun se
plaît à vanter.
Cette hospitalité large et bienfaisante et les mêmes
soins éclairés sont généreusement octroyés aux
déshérités de la vie, et c'est avec le plus vif
intérêt que l'on parcourt toutes les salles où règne
un confort adéquat aux dernières conceptions de
l'hygiène moderne.
Ces salles - qu'il s'agisse de la cuisine, de la
lingerie, des réfectoires, de l'infirmerie ou des
dortoirs - ces salles sont pleines de clarté et de
lumière ; sur des peintures murales aux tons clairs
et que rehaussent les frises élégantes, les yeux se
reposent apportant ainsi un dérivatif aux pensées
douloureuses qui peuvent assaillir le malade.
L'Hôpital n'est plus la maison triste et noire qui
hantait jadis l'esprit des pauvres gens : mourir sur
un grabat à l'hôpital.
On ne meurt plus sur un grabat ; et, si la mort clôt
les yeux du malheureux, il s'endort du dernier
sommeil au milieu des fleurs qui jettent toute leur
gracieuse poésie autour des lits que bordent les
mains bienveillantes d'infirmières volontaires
(dames et jeunes filles) qui, nuit et jour, se
dévouent sans compter.
L'Hôpital civil n'est plus une prison ; c'est une
véritable clinique où nos docteurs rivalisent
d'activité et de savoir.
Nos soldats sont habilement soignés par d'expertes
garde-malades, et ces grands enfants sont parfois
émus jusqu'aux larmes quand ils voient les soins
vraiment maternels qui leur sont prodigués.
C'est dire aux familles que nos petits soldats ne
manquent de rien ; la Ville de Nancy et sa
Municipalité peuvent être fières de leur Hôpital
civil et de ses annexes : l'hôpital Maringer,
l'ancien séminaire et la maison Marin, où on a pu,
même avec des moyens de fortune, réaliser, pour nos
blessés et nos malades, le maximum de confort.
Cet hommage était dû à tous ceux qui occupent
n'importe quelle fonction, n'importe quel emploi à
l'Hôpital civil.
Félicitons la Commission administrative et
inclinons-nous devant le personnel d'élite, devant
les dames et jeunes filles qui, dans un admirable
geste de solidarité, consolent l'Humanité et pansent
courageusement les blessures de ceux qui
héroïquement, sous la mitraille, ont défendu le
Drapeau des armées de la République.
L'EFFORT ALLEMAND
arrêté ou repoussé
Bordeaux, 22 septembre, 16 h. 10.
Sur tout le front de l'Oise à la Woëvre, les
Allemands ont manifesté, dans la journée du 21, une
certaine activité, sans obtenir de résultats
appréciables.
A NOTRE AILE GAUCHE
Sur la rive droite de l'Oise, les Allemands ont dû
céder du terrain devant les attaques françaises.
Entre l'Oise et l'Aisne, situation sans changement.
L'ennemi n'a pas attaqué sérieusement, se bornant,
hier soir, à une longue canonnade.
AU CENTRE
Entre Reims et Souain l'ennemi a tenté une offensive
qui a été repoussée, tandis qu'entre Souain et
l'Argorme nous avons fait quelques progrès.
Entre l'Argonne et la Meuse, aucun changement.
En Woëvre, l'ennemi a fait un violent effort. Il a
attaqué les Hauts-de-Meuse, sur le front
Trésauvaux-Vigneulles-Heudicourt, sans pouvoir
prendre pied sur les hauteurs.
A NOTRE DROITE
En Lorraine, il a de nouveau franchi la frontière,
avec une série de petites colonnes. Il a réoccupé
Domèvre, au sud de Blâmont.
Nous avons pris, avant-hier, vingt autos de
ravitaillement, avec tout leur personnel.
Nous avons fait de nombreux prisonniers appartenant
notamment aux 4e, 6e, 7e, 8e, 9e, 13e, 14e 15e et
16e corps allemands, à la landwehr bavaroise et à
des corps de réserve.
UNE VISITE A NANCY
La belle cité de l'Est, déjà oublieuse des rudes
jours d'épreuve, a retrouvé en partie son animation.
Nancy, 20 septembre.
- Aller à Nancy ! Vous n'y songez pas ! C'est folie
! Vous n'y arriverez jamais, me disait-on.
Mais chacun sait que les reporters ont le privilège
d'aller où ils veulent, de passer par les trous de
serrure, de chevaucher le vent. de surmonter tous
les obstacles de distance, de temps et de lieu.
Je suis arrivé à Nancy. Ça n'a pas été sans peine,
mais le voyage fut délicieux, plein de charme et
d'imprévu. Trente-neuf heures de chemin de fer
coupées d'arrêts à chaque station, à chaque halte,
parfois en pleins champs. J'ai passé la moitié de la
nuit assis sur une brouette dans la gare de
Chaumont. J'ai été, à Toul, pendant trois heures, le
prisonnier du commissaire spécial, vieillard en qui
l'âge n'a point éteint un excessif zèle. Il m'a
promené par la ville comme un captif de qualité, et,
faisant l'important, il disait aux factionnaires : «
Monsieur est mon prisonnier. »
Façon aimable de laisser entendre que j'étais un
espion.
Il m'a conduit aux bureaux du gouvernement
militaire. J'ai comparu devant un officier fort
aimable qui, en riant, m'a rendu la liberté.
J'ai continué mon voyage sans autre incident fâcheux
jusqu'à Champigneulles., Les trains s'arrêtent là,
ne vont pas plus loin. Il faisait nuit. Plus de
tramways, pas de voitures. Alors, par une route dont
chaque ornière est un ruisseau, le dos courbé sous
la pluie battante, pataugeant dans la boue, j'ai
franchi à pied les six kilomètres qui séparent
Champigneulles de Nancy, où je suis arrivé crotté,
harassé, fourbu, n'en pouvant plus.
Je pensais trouver un désert, une ville abandonnée,
à demi-morte. Mais non, Nancy, qui, pendant trois
semaines, a entendu, tout près d'elle, le grondement
du canon, Nancy, qui, toute une nuit, a, tranquille
et souriante, senti siffler sur elle la rafale des
obus, Nancy est restée la belle cité des jours
heureux. Elle n'a point connu la peur. Elle ne la
connaît pas. Il n'y a, pour s'en convaincre, qu'à
regarder autour de soi : cette animation de la rue
ces gens qui vont et viennent, affairés, ces
voitures qui roulent bruyamment sur le pavé, ces
automobiles qui glissent légères et rapides, ces
tramways qui se croisent bondés de voyageurs.
Tout ce mouvement, tout ce bourdonnement de ruche en
travail prouvent que Nancy n'a rien perdu de son
activité. Elle vit. Elle est d'ailleurs disciplinée,
très sage et très docile. Elle s'est soumise sans
murmure aux prescriptions sévères des autorités
militaires. Il a régné ici une sorte de malaise. On
voyait partout des espions, à tort peut-être,
peut-être aussi à raison.
Pour moi, je croirais volontiers qu'on avait raison.
Autrement, comment expliquer que certains mouvements
de troupes aient été connus de l'ennemi ? Comment
expliquer que notre état-major, à peine installé
dans un village, y ait été aussitôt canonné par les
Allemands ?
Qui pouvait les avoir prévenus, sinon des espions
établis à Nancy et qui communiquaient avec eux la
nuit à l'aide de signaux lumineux ?
Alors l'autorité militaire prit des mesures
énergiques. Dès six heures du soir, toute lumière a
disparu, tous les cafés sont fermés, tous les
magasins ont abaissé leur devanture, toutes les
persiennes des maisons sont tirées. Les rues de la
ville, depuis la première jusqu'à la dernière,
depuis la plus large jusqu'à la plus étroite, sont
plongées dans les ténèbres. De loin en loin luisent
quelques ampoules électriques. Elles ne projettent
sur le sol qu'une traînée de lumière douteuse,
laissant les portes en saillie et les façades des
maisons dans la plus profonde obscurité.
C'est la nuit, et Nancy est noire et triste.
Nancy est lugubre, et plus triste et plus lugubre
encore quand, dans ce grand silence de toutes choses
gronde, lointaine et sourde, la voix du canon.
Alors, à cette heure-là, ma pensée va à nos braves
soldats qui gardent la ville endormie. Etre seul, en
rase campagne, entendre le vent frémir, écouter
tomber la pluie, guetter le jour pendant toute une
longue nuit fatigante et se tapir pour avoir chaud
sous la retraite mal abritée d'une tranchée ou d'une
vieille grange, c'est une chose affreuse.
Pauvres et braves petits soldats !.
(Petit Parisien.)
LES DIFFICULTÉS
de la tâche
Nous devons faire, à présent, une sorte de guerre de
forteresse. - Mais nos progrès sont néanmoins
sensibles et constants.
Bordeaux, 23 septembre, 16 heures.
A NOTRE AILE GAUCHE
Sur la rive droite de l'Oise, nous avons progressé
dans la région de Lassigny, où se sont livrés des
combats violents.
Situation sans changement, sur la rive gauche de
l'Oise et au nord de l'Aisne.
AU CENTRE
Entre Reims et la Meuse, aucune modification
notable.
Dans la Woëvre, au nord-est de Verdun et dans les
directions de Mouilly et de Dompierre, l'ennemi a
tenté des attaques violentes qui ont été repoussées.
Dans le sud de la Woëvre, il tient la ligne
Richecourt (Meuse), Seicheprey, Lironville
(Meurthe-et-Moselle), d'où il n'a pas débouché.
A NOTRE AILE DROITE
En Lorraine et en Vosges, les Allemands ont évacué
Nomeny et Arracourt, et ont montré peu d'activité
dans la région de Domèvre-sur-Vezouze.
DE L'OISE AUX VOSGES
Nous avançons toujours à notre gauche. - Violents
combats sur les Hauts de Meuse. L'offensive
allemande arrêtée en Lorraine.
M Bordeaux, 24 septembre, 16 heures.
A NOTRE AILE GAUCHE
Entre la Somme et l'Oise, nos troupes ont progressé
dans la direction de Roye.
Un détachement a occupé Péronne et s'y est maintenu
malgré de vives attaques de l'ennemi.
Entre l'Oise et l'Aisne, l'ennemi continue à
maintenir des forces importantes solidement
retranchées.
Nous avons légèrement avancé au nord-ouest de
Berry-au-Bac.
AU CENTRE
Entre Reims et l'Argonne, aucun changement.
A l'est de l'Argonne et sur les Hauts de Meuse,
l'ennemi a poursuivi ses attaques avec une violence
toute particulière.
Le combat continue avec des alternatives de recul
sur certains points et d'avance sur d'autres.
A NOTRE AILE DROITE
Aucun changement notable dans la région de Nancy et
dans les Vosges.
Quelques détachements ennemis ont de nouveau essayé
de pénétrer sur notre territoire) refoulant nos
éléments légers de couverture, mais leur offensive a
été bientôt arrêtée.
Le nouveau Secrétaire général
DE MEURTHE-ET-MOSELLE
Paris, 24 septembre, 1 h. 20.
BORDEAUX. - M. Martin, secrétaire général de la
Haute-Garonne, est nommé secrétaire général de
Meurthe-et-Moselle, pour la durée de la guerre, en
remplacement de M. Abeille, appelé sous les
drapeaux.
POUR LA RECONSTITUTION
des Foyers détruits
M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle est heureux de
porter à la connaissance des populations des
communes éprouvées ce télégramme qu'il vient de
recevoir du Gouvernement et qui confirme les
assurances qu'il leur a toujours présentées :
« Ministre Intérieur,
« A Préfet Meurthe-et-Moselle,
« Au cours de vos visites dans les communes de votre
département dévastées par la guerre, vous prie de
faire savoir à ces malheureuses populations que le
Gouvernement et le Parlement viendront à leurs
secours et que dans un sentiment de solidarité
nationale nous ne négligerons rien pour les aider à
reconstituer leur foyer. »
Nancy, 25 septembre.
Ce qu'ils ont fait dans la Meuse
Mme Paul, présidente du Comité de l'Association des
Dames françaises à Etain-sur-Meuse, vient de
communiquer un rapport sur le bombardement de
l'hôpital de la Croix-Rouge, qui commença le 24
août. Une pluie d'obus tomba sur les ambulances,
traversant les murs, atteignant les lits des
blessés, parmi lesquels se trouvaient cinq
Allemands.
Un rapport authentique de l'abbé Bonn, curé doyen
d'Etain, fournit de navrants détails sur les excès
des Allemands dans la commune.
Un pharmacien de Briey, qui conduisit à Etain son
ami, le sous-préfet, fut fusillé contre sa maison,
en présence de sa famille. Cent cinquante blessés
français, enfermés dans une grange après la bataille
furent brûlés par les Allemands. Une femme allaitant
son enfant, refusant de donner de la nourriture aux
ennemis, eut les seins broyés et son enfant étouffé.
La ville d'Etain est presque complètement détruite.
Le reste a été pillé par les Allemands. Tous les
hôpitaux sont anéantis dans toute la région. Des
actes innombrables de cruauté sanguinaires ont été
commis.
Nous avons communication des trois télégrammes que
voici :
Président de la. République à Préfet Meuse, à
Bar-le-Duc,
Je reçois avec autant d'émotion que d'indignation
les tristes renseignements que vous avez bien voulu
m'envoyer. Je vous prie d'être mon interprète auprès
de mes compatriotes meusiens dans la cruelle épreuve
qu'ils traversent et de les féliciter de leur
admirable esprit de sacrifice et de leur indomptable
courage.
Raymond POINCARÉ.
Maire Commercy à Président de la République,
Bordeaux.
Nos malheureux compatriotes des villages incendiés
et détruits ont trouvé refuge et assistance à
Commercy et à Saint-Mihiel. Ils me chargent ainsi
que notre patriotique population de vous transmettre
leurs remerciements et de vous assurer de leur
inébranlable confiance dans le gouvernement de la
défense nationale. Vive la France !
GROSDIDIER.
Président de la République à Maire de Commercy.
Vous remercie de votre télégramme, vous prie de dire
à nos compatriotes toutes mes sympathies et tous mes
voeux dans les cruelles épreuves qu'ils traversent
avec tant de patriotisme et de confiance dans la
victoire finale.
Raymond POINCARÉ.
NOTES DE CAMPAGNE
Les Animaux
Hélas ! nous n'aurons pas eu de Comice
agricole cette année. Les chevaux ardennais-lorrains
qui devaient être à Longwy, à Pont-à-Mousson, à Mandres-aux-Quatre-Tours, traînent maintenant les
convois sur les routes. Les vaches sont dans les
parcs prêtes à être sacrifiées pour l'armée. Et les
célèbres volailles de Mme Laroppe, de Jaillon, ont
été mangées par les territoriaux.
Les chevaux se sont résignés difficilement à leur
sort. Le jour de la réquisition à la Pépinière, je
tenais, en mes mains inexpertes, la jument d'une
douairière de la rue du Haut-Bourgeois. C'était une
bête svelte et élégante, habituée à être maniée
doucement par un vieux cocher d'allure très digne.
Elle se trouvait au milieu de grossiers animaux de
culture, mal équarris, au cou pelé; elle passa la
nuit, elle, la délicate habituée à une chaude
écurie, sous une lamentable averse.
Nous avons des chiens à la caserne et même à la
chambrée. Mon voisin possède un certain « Marquis »,
bête noire, au collier égayé d'un ruban rouge. J'ai
vérifié une fois de plus cette vérité essentielle :
le chien adore le soldat.
« Marquis » jouit dans la compagnie d'une popularité
légitime. Il arrive toujours le premier au rapport,
et, l'autre jour, un chien étranger à la 12e s'étant
hasardé dans la carrée, il l'en expulsa
vigoureusement.
PIERRE LÉONY.
L'ATTITUDE DES ALLEMANDS
envers les non-combattants
Paris-Journal a reçu de la veuve d'un capitaine d'un
régiment frontière une lettre émouvante. On y lit
notamment :
« J'avais suivi Charles jusqu'à Blâmont, je m'étais
installée là dans un petit hôtel. Je ne voulais pas
le quitter. Pendant les premiers jours de
mobilisation, je pouvais le voir environ une heure
chaque jour à l'heure des repas. Puis, je ne le vis
plus que quelques minutes. Le jour où son régiment
partit vers Lorquin, il vint m'embrasser à l'hôtel.
« On se battra aujourd'hui, me dit-il. Rassure-toi,
je reviendrai vivant. »
« Le soir, pas de nouvelles ; le lendemain non plus.
Trois jours après, je vois revenir une partie des
troupes parties avec le régiment de mon mari. Je
retrouve un sous-officier de son bataillon que
j'avais connu quand il était adjudant-major. Je le
questionne. « Mort ! me répondit-il. » * « J'ai
demandé quel était l'endroit où était tombé mon
mari. On m'a indiqué un champ à l'entrée d'un petit
bois, à douze kilomètres de Blâmont, sur le
territoire annexé. Je suis partie immédiatement. Je
voulais au prix de n'importe quels sacrifices
retrouver son corps, l'embrasser une dernière fois
et le faire ramener pour qu'il repose dans notre
tombeau de famille. Ce fut, hélas ! impossible.
« Arrivée sur les lignes allemandes, je demandai à
parler à un officier. On me conduisit à un major, un
gros homme roux portant des lorgnons d'or. Quand
j'entrai dans la salle d'auberge où il se trouvait,
il ne daigna même pas me saluer. Résolument, je lui
expliquai le but de ma visite. Chercher et reprendre
le corps de mon mari, tué à quelques centaines de
mètres de là. Le major me laissa parler jusqu'au
bout sans sourciller. Quand j'eus terminé, il me dit
en allemand :
« Die Franzoesischen Leichen sollen durch die
Racib-Vogeln gefressten werden. Heraus !
« (Les cadavres des Français peuvent être mangés par
des oiseaux de proie. Va-t'en !)
« Et il me chassa.
« Des soldats, qui avaient entendu les paroles du
major, me poussèrent dehors. Avec la pointe de leurs
baïonnettes ils se mirent à me piquer le cou que
j'avais découvert. Pendant trois cents mètres je fus
ainsi reconduite vers Blâmont par deux soldats.
« Quand je rentrai à l'hôtel. le sang qui
s'échappait des piqûres faites à mon cou, me coulait
dans le dos, j'ai dû m'aliter et faire venir un
médecin qui m'a aussitôt fait un pansement. Il a
compté vingt-deux piqûres ! »
SAINT-DIÉ DES VOSGES
tient toujours !
Des habitants de Saint-Dié arrivés à Fécamp ont fait
au correspondant du « Journal de Rouen » le récit
suivant : Le lundi 21 août, un aéroplane allemand
est venu, du côté du Sapin-Sec, jeter une bombe.
Mais c'est le mercredi matin, 26 août, que le
bombardement a commencé.
Les Allemands visaient la gare qu'ils cherchaient à
démolir. Mais ils n'y ont pas réussi. Ils ont visé
aussi le pont de la Meurthe, entre le faubourg et la
ville ; ce pont a une grande importance pour le
passage des voitures de vivres et de munitions. Il
en serait, en tout cas, resté deux autres.
Mais là encore leurs obus ont mal porté et sont
tombés aux deux angles du pont, sur un magasin de
chaussures et sur l'hôtel du Globe. Les devantures
ont été complètement arrachées. Une jeune fille; qui
se trouvait sur le trottoir, devant le magasin
d'épicerie de ses parents, a eu le ventre ouvert par
un éclat d'obus. Quelques enfants ont été tués rue
de la Bolle. Un pâté de maisons, la cité d'Anoud, a
été incendié.
Les Allemands ont visé aussi la manutention, située
près de la gare, et où se trouvent des réserves très
importantes pour l'armée. Les obus n'ont pas porté
davantage.
L'hôpital, qui avait cependant arboré le drapeau de
la Croix-Rouge, n'a pas été épargné par les
Allemands qui ignoraient sans doute qu'il n'y
restait plus que des blessés allemands, les blessés
français ayant été évacués la veille. L'hôpital n'a
pas souffert autrement
Le bombardement a duré toute la journée du mercredi.
Le soir, les Allemands qui avaient été battus dans
la matinée par notre artillerie, ont été repoussés
vers la chaîne des Vosges. On a trouvé 2.500 de
leurs cadavres dans les environs, du côté de
Sainte-Marguerite.
Ainsi, la vieille cité de granit rose a résisté aux
obus teutons. Elle en a vu bien d'autres, et les
Vosges ne capituleront jamais !
DÉCRUE DES EAUX
Nancy, 25 septembre.
Les pluies violentes et persistantes des jours
passés avaient fait grossir fortement nos rivières.
A un moment même, on dut, en bien des endroits,
prévenir les riverains de la Meurthe et de la
Moselle d'avoir à se tenir sur leurs gardes. On
pouvait craindre, en effet, un débordement.
Or, la pluie ayant cessé, mardi, et le soleil étant
revenu, mercredi les eaux n'ont pas tardé à
diminuer. Mercredi soir, dans la traversée de Nancy,
la Meurthe ne dépassait, en aucun point, ses rives.
Tout danger est donc désormais écarté.
Les Allemands dans les Vosges
Une des régions où l'invasion a fait les plus
horribles ravages est celle qui s'étend de la
Bourgonce à Raon-l'Etape et à Rambervillers. Du
reste on s'est violemment battu dans tous ces
parages. Les armées sont restées là, face à face,
pendant plus de quinze jours. Les Allemands ont eu,
paraît-il, des pertes terribles autour de
Raon-l'Etape, au-dessus de La Neuveville, enfin et
surtout entre La Neuveville et Saint-Benoît Là comme
partout, les pertes allemandes sont de beaucoup
supérieures aux nôtres, notamment dans le bois de
Saint-Benoît où gisent, dit-on, plusieurs milliers
d'Allemands tués.
Le 21e bataillon de chasseurs a défendu
opiniâtrement sa ville de garnison, Raon-l'Etape. Du
côté de la Bourgonce, la lutte, là aussi, fut
chaude. Parmi les incendies qui ont ravagé la
contrée, une partie seulement est due à la lutte ;
les autres furent allumés par les Allemands,
volontairement et sans que cela pût leur servir. Un
témoin oculaire, parcourant ces lieux, lundi 14
septembre, a vu ce qui suit :
La Bourgonce : Toutes les fermes entre la Bourgonce
et la forêt, en allant aux Rouges-Eaux, sur un
parcours de deux kilomètres, sont brûlées, à une
exception près. La vie était absolument absente de
ces lieux, ou du moins, seulement représentée par
quelques chevaux blessés, errant abandonnés,
paraissant attendre tristement la mort, dédaignant
même de brouter l'herbe sous leurs pas.
La Bourgonce. déjà si éprouvée en 1870, est au
neuf-dixièmes détruite. En cet endroit, la lutte a
dû être terriblement violente.
C'est à peine si les soldats qui y cantonnent depuis
ces jours derniers ont pu trouver des refuges dans
les maisons, dont il ne reste que quelques pans de
murs noircis, quelques débris de toiture.
D'habitants, on n'en voit aucun. Les pauvres gens
ont dû fuir à la hâte devant l'ennemi et à
l'approche de la bataille sans pouvoir rien
emporter.
Ils se sont réfugiés, les uns au loin, les autres
dans les bois.
La Salle a été aussi très éprouvée ; mais il reste
encore passablement de maisons debout. Les
habitants, là aussi, ont fui. Sur dix maisons, il en
est une d'habitée.
Saint-Remy a été beaucoup plus maltraité et les
ravages s'étendent jusqu'au haut d'Etival, ou une
féculerie est entièrement détruite.
Le village même d'Etival a relativement souffert.
Une bonne partie des habitants sont restés : ils
disent que l'ennemi a tout pillé, mais a respecté
les personnes.
Raon-l'Etape, coquet chef-lieu de canton, est
complètement bouleversé. En arrivant par la route de
Saint-Dié, on remarque d'abord l'hôtel de la
Belle-Vallée, l'épicerie Tisserant, entièrement
brûlés ; les maisons Crouzier, Girodon, Gabriel,
Thiébaut, la poste, les écoles, la rue Notre-Dame,
le pâté de maisons Bodard, Gamhenot, la maison
Larue, confiseur, etc., ont subi un sort identique.
Il en est de même des moulins Vilgrain, de quelques
maisons du quai de la Meurthe et du faubourg de
Badonviller. Les halles ont souffert, l'église est à
moitié en ruines. Il est vrai que les Allemands
avaient, paraît-il, installé des mitrailleuses dans
le clocher, ce qui a attiré le feu de l'artillerie
française.
La plus grande partie des incendies ont été allumés
par les Allemands sous le prétexte que la
municipalité était partie avec la population.
MM. les docteurs Windline et Raould se sont signalés
par les services qu'ils ont rendus. Le premier,
notamment, parlant allemand, a insisté auprès du
général pour faire cesser les incendies.
L'exode de la population, surtout des femmes et des
enfants, s'explique par la proximité des atrocités
de Badonviller.
Les Prussiens, avant de partir, ont fait sauter le
pont du chemin de fer allant à Saint-Dié, ainsi que
le pont de Raon à La Neuveville, et la passerelle.
La Neuveville-les-Raon a peu souffert en ce qui
concerne les particuliers.
Il y a à citer cependant comme ayant été incendiées,
les fermes Lemaire, Rémy Ruyn, au-dessus de la gare.
La ferme de M. Geisler, aux Châtelles, a aussi été
brûlée et le bétail tué. De plus, comme à Raon, des
maisons ont été pillées. Des femmes d'officiers
allemands venaient en automobile choisir ce qui leur
convenait le plus.
L'industrie de La Neuveville a beaucoup souffert.
L'usine Mittmit a été épargnée.
L'usine Luçon a été brûlée, mais la maison
d'habitation, comprenant les bureaux, n'a pas
souffert.
Une partie de l'usine Otmos, comprise entre les
chaudières et la gare, comprenant le lavage, le
tricotage et des magasins, a été incendiée. Les
Allemands ont prétendu, pour y mettre le feu, qu'il
s'y trouvait des soldats français. Ils ont ainsi
incendié des bottes de laine dans le bâtiment voisin
(magasin de laine), mais ces laines étant humides,
l'incendie ne s'est pas propagé.
Ils ont également volé des chaussures en quantité.
On prend des mesures pour pouvoir remplacer le
matériel détruit aussitôt que les événements le
permettront.
A la sortie de La Neuveville, vers Rambervillers,
plusieurs maisons ont été brûlées. A la haute
Neuveville, peu ou pas de dégâts.
Saint-Benoît, entre La Neuveville et Rambervillers,
a été presque complètement détruit par le
bombardement des Prussiens.
Les Français occupaient cette localité et ont
résisté à une attaque allemande, venant de la forêt,
et qui ne purent en déboucher.
Détails horribles, des blessés qu'on avait abrités
dans des maisons, surpris par l'incendie et ne
pouvant fuir, ont été brûlés vifs.
Bru, au-dessus de Saint-Benoît, a souffert aussi,
mais moins, et Rambervillers beaucoup moins encore.
Dans la vallée de Celles, l'ennemi a fusillé des
maires et des curés.
D'autres localités de la contrée ont souffert aussi,
mais nous n'avons pas de détails.
En résumé, les énormes dégâts qui ont été commis
dans cette région, ont été les conséquences directes
de la lutte. Toutefois, les Allemands, trouvant que
les événements n'avaient pas encore assez éprouvé
les malheureux habitants, ont joint leurs victimes
volontaires aux malheurs de la guerre, sans motif et
sans profit pour eux - uniquement par cruauté ; ils
se sont conduits d'une façon indigne des gens
civilisés.
Il faudra s'en souvenir, non pour maltraiter comme
eux les particuliers, mais pour imposer à leur
nation, au jour du règlement final (sans préjudice
de la juste indemnité pour les sinistrés et les
sommes qu'ils nous ont fait dépenser), des
conditions telles qu'il sera impossible à
l'Allemagne, dans l'avenir, de nous attaquer et de
nous faire revoir les mêmes calamités.
(L'Impartial.)
A LUNÉVILLE
Nancy, 12 septembre.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu à
Lunéville, où il avait été précédé par l'équipe du
personnel technique venant de Nancy pour rétablir
les communications télégraphiques et téléphoniques.
Il s'est rendu non à la mairie qui est brûlée à peu
près entièrement comme la sous-préfecture, mais dans
la maison où les services municipaux sont
provisoirement installés. Il a remercié et félicité
la population de Lunéville du calme et de la dignité
avec lesquels elle a supporté ces trois longues
semaines d'occupation allemande.
M. L. Mirman a félicité tout spécialement M. le
maire Keller, non seulement d'être resté à son poste
en ces circonstances difficiles, mais d'avoir
témoigné d'une fermeté, d'un esprit d'initiative et
d'organisation qui lui fait grand honneur. M. le
Préfet de Meurthe-et-Moselle a adressé les mêmes
félicitations à M. le sous-préfet Minier qui,
pendant toute cette douloureuse période, est resté,
hors de sa maison brûlée, le conseiller et le
collaborateur dévoué et courageux de la
municipalité.
M. le préfet tient à mettre en garde la population
du département contre l'exagération de certains
récits relatifs aux violences commises par l'ennemi.
Lunéville, fort heureusement, ne compte qu'un petit
nombre de victimes, et les scènes répugnantes
auxquelles il a été, de divers côtés, fait allusion
ne constituent qu'un acte individuel dont l'auteur a
pu être d'ailleurs, par une heureuse chance, pris et
châtié.
M. L. Mirman a ramené avec lui M. l'adjoint Braux,
chargé de venir traiter avec M. le secrétaire
général de Meurthe-et-Moselle et la municipalité de
Nancy les diverses questions relatives au
ravitaillement de Lunéville.
Inutile de dire l'immense joie éprouvée par les
habitants de Lunéville lorsque, par le départ
précipité des Allemands, ils ont deviné la victoire
française confirmée depuis lors de façon si
décisive. Ils avaient en 1870, subi une occupation
qui dura trois ans. Ils l'ont, en 1914, subie trois
semaines. Ils ont la certitude que l'épreuve est
terminée. Aussi se mettent-ils avec une joyeuse
ardeur au travail pour que, dans le plus bref délai,
leur belle cité reprenne sa vie économique normale.
M. le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui avait la
veille, rendu visite aux municipalités de
Saint-Nicolas, Rosières et Blainville, a, dans la
matinée d'hier, visité les communes si éprouvées de
Velaine et de Cercueil ; il a constaté avec grand
plaisir que déjà plusieurs habitants rentraient dans
ces communes, il les a vivement félicités d'avoir
fait diligence pour reprendre leur place au foyer
communal.
Des Nouvelles d'un Ami
Le Lieutenant Pollain
Le Pas de Parade des Prisonniers
La Croix de Fer 1914
Combien de fois n'avons-nous pas eu l'occasion,
depuis une vingtaine d'années, de consacrer dans l'«
Est républicain » des lignes sympathiques à notre
excellent ami Fernand Pollain. Mais c'est du
violoncelliste Pollain que nous nous occupions
alors. Aujourd'hui, c'est du lieutenant Pollain que
nous allons parler. Fernand Pollain est, en effet,
lieutenant de réserve dans un de nos régiments de la
région. Comme tel, il a rejoint son poste dès le
début de la mobilisation. Il a ensuite été envoyé à
la frontière, et, le 1er septembre dernier, il a été
blessé au cours d'un engagement très vif. Rassurons
immédiatement nos lecteurs : Fernand Pollain va
actuellement aussi bien que possible ; il est en
traitement à l'un des hôpitaux de X., d'où un de
nos collaborateurs, qui est allé lui serrer la main
nous adresse le récit suivant : - Ayant appris que
Fernand Pollain était ici en traitement, je suis
allé lui porter les amitiés et les voeux d'un
concitoyen. D'autres Nancéiens étaient venus, comme
moi, lui rendre visite. Nous fûmes, dès l'entrée,
rassurés par l'infirmier de service : « Le
lieutenant, il a une balle dans la cuisse. Mais il
est en voie de guérison et, hier, il a joué du
violoncelle. »
Fernand Pollain, appuyé sur des béquilles, est, en
effet, frais et rose, et toujours souriant. Il nous
conte avec bonne humeur son aventure. Il nous
confirme qu'il a pu faire venir son violoncelle et
que, la veille, il a commencé quelques exercices de
vélocité qui n'ont pas d'ailleurs donné au sévère
professeur qu'il est grande satisfaction.
C'est le 1er septembre que notre camarade a été
blessé. C'était à X..., pas loin de la frontière.
L'ordre avait été donné aux troupes françaises de
s'emparer d'une crête que les Allemands avaient
fortifiée au moyen de tranchées très profondes et
qui constituait pour eux une position très solide.
Depuis la veille au soir, nos troupes, elles-mêmes
retranchées, occupaient le bas de la position, et
les deux adversaires étaient pour ainsi dire nez à
nez, ce qui n'empêcha pas nos braves soldats de
passer une nuit très tranquille, très calme, et de
dormir du sommeil du juste, au fond de leurs
retranchements. A l'aube, dès trois heures du matin,
l'action de nos troupes commença. Pendant deux
heures, les adversaires se tiraillèrent
mutuellement, tandis que, des deux côtés,
l'artillerie faisait rage. C'est à cinq heures du
matin que le lieutenant Pollain, qui, à genoux,
était sorti d'une tranchée, fut atteint d'une balle
qui traversa la cuisse, sans, heureusement,
atteindre aucun organe essentiel. Il put, au bout
d'un certain temps, être transporté dans une ferme
voisine, après avoir eu la satisfaction de constater
que la position allemande avait été enlevée par nos
soldats, dont quelques-uns étaient les siens.
Et Pollain nous raconte tout cela simplement, avec
la verve gamine qui est sienne :
- Je n'avais qu'une peur, nous dit-il en riant,
c'est que ces cochons-là me blessent aux mains.
Heureusement, il n'en a rien été. Les doigts sont
toujours bons et la virtuosité reviendra après la
guerre et la victoire définitive. Mais, moi qui
avais en mars un concert à Berlin, avec Isaye, je
crois que je peux me considérer comme dégagé.
- Espérons, cher ami, que c'est en lieutenant que
vous vous y rendrez.
Notre concitoyen nous raconte une amusante histoire,
qui, croyons-nous, est inédite et qui montre une
fois de plus que, dans les circonstances les plus
difficiles, le troupier français ne perd rien de sa
verve blagueuse.
C'était après un des combats de Lorraine, quand
l'ordre fut donné à nos troupes de se replier sur le
gros des troupes françaises appuyé à la ligne de la
Seille. Un de nos régiments avait fait une
cinquantaine de prisonniers allemands, qu'il ramena
avec lui. Or, un de nos soldats eut l'idée de faire
parcourir tout le trajet aux fantassins ennemis au
pas de parade. Ainsi fut fait. Et les Allemands,
auxquels leurs officiers avaient tant répété que les
Français fusillaient les prisonniers, n'osèrent pas
quitter un instant la « parade-marsch », tandis que,
gouailleurs, les troupiers français les entouraient
en scandant joyeusement : « Ein, zwei, ein, zwei ».
Ça n'est pas bien méchant !
Nous sommes heureux d'avoir pu donner à nos lecteurs
de bonnes nouvelles d'un de nos concitoyens qui
compte dans notre ville tant de sympathies et auquel
nous souhaitons un prompt et complet rétablissement.
Terminons par une anecdote qui montre, une fois de
plus, la confiance inouïe qu'avaient les grands
chefs allemands dans leur armée et dans la réussite
du coup de force rapide qu'ils avaient tenté sur
Paris pour les premiers jours de septembre
Après un vif combat autour de V..., des soldats ont
trouvé, dans une petite valise d'un commandant
prussien, tué dans cette bataille, tout un lot de
petites croix de fer avec ruban noir et blanc et
portant l'inscription : « Paris 1813-1914 ». Ces
croix étaient certainement destinées à être
distribuées aux soldats allemands dès leur entrée à
Paris pour commémorer ce haut fait. éventuel.
Ceci n'est pas une fable. Ce sont les soldats
français qui se sont partagé les croix allemandes et
l'un d'eux, correspondant d'un de nos confrères du
Midi, a adressé à son journal qui l'expose dans sa
salle des dépêches, cet échantillon de la
présomption teutonne.
Ils avaient tout prévu, même les décoration ! Mais
ils avaient compté sans les armées alliées !
UN BEL ENGAGEMENT
Le maire de Xeuilley croit de son devoir de rassurer
les habitants de la commune, en présence d'une
situation grave, mais encore non désespérée. Il
prend personnellement l'engagement, et quoi qu'il
arrive, de donner, malgré l'arrêt éventuel de
l'industrie locale, du travail aux ouvriers non
appelés par les lois militaires et de nourrir les
femmes et les enfants des citoyens appelés à la
défense de la France et de la République.
Xeuilley, le 29 juillet 1914.
Le maire, CH. FISSON.
EN PLEINE BATAILLE
Ardente entre la Somme et l'Oise, ainsi que sur les
Hauts de Meuse, la lutte a été peu importante en
Lorraine et en Vosges, où nous avons repoussé
l'ennemi.
Bordeaux, 25 septembre, 16 h. 30.
A NOTRE AILE GAUCHE
Une action très violente est engagée entre celles de
nos forces qui opèrent entre la Somme et l'Oise et
les corps d'armée que l'ennemi a groupés dans la
région Tergnier-Saint-Quentin.
Ces corps d'armée proviennent les uns du centre de
la ligne ennemie, les autres de Lorraine et des
Vosges. Ces derniers ont été transportés par chemin
de fer sur Cambrai, par Liège et Valenciennes.
Au nord de l'Aisne et jusqu'à Berry-au-Bac, pas de
modifications importantes
AU CENTRE
Nous avons progressé à l'est de Reims, vers
Berru-Moronvilliers.
Plus à l'Est et jusqu'à l'Argonne, situation sans
changement.
A l'est de l'Argonne, l'ennemi n'a pas pu déboucher
de Varennes.
Sur la rive droite de la Meuse, il est parvenu à
prendre pied sur les Hautsde-Meuse, dans la région
du promontoire d'Hattonchâtel, et a poussé dans la
direction de Saint-Mihiel.
Il a canonné les forts des Paroches et du
Camp-des-Romains.
Par contre, au sud de Verdun, nous restons maîtres
des Hauts-de-Meuse et nos troupes, débouchant de
Toul, se sont avancées jusque dans la région de
Beaumont (M. -et- M.).
LORRAINE ET VOSGES
Nous avons repoussé des attaques peu importantes sur
Nomeny.
A l'est de Lunéville, l'ennemi a fait quelques
démonstrations sur la ligne de la Vesouze et de la
Biette.
LUTTE ACHARNÉE VERS NOYON
Paris, 26 septembre, minuit 52.
A l'aile gauche, dans la région nord-ouest de Noyon,
nos premiers éléments s'étant heurtés à des forces
ennemies supérieures, ont été obligés, dans la
matinée, à céder un peu de terrain.
Rejoints par des troupes nouvelles, ces éléments ont
repris vigoureusement l'offensive.
La lutte dans cette région prend un caractère
particulier de violence.
Au centre, rien de nouveau.
Ils cèdent dans la Woëvre
A l'aile droite, devant
les attaques de nos troupes débouchant de Nancy et
de Toul, l'ennemi a commencé à céder dans la Woëvre
méridionale.
Il s'est replié vers le Rupt-de-Mad.
L'action continue sur les Hauts-de-Meuse. Des forces
allemandes ont pu pénétrer jusque vers Saint-Mihiel,
mais elles n'ont pas pu passer la Meuse.
Le Ravitaillement
CE QUE DIT M. ANTOINE
Nancy, 25 septembre.
Nous avons eu hier l'occasion de nous entretenir
avec M. Antoine, conseiller municipal, au retour
d'un des voyages qu'il a entrepris pour préparer le
ravitaillement en subsistances de la population
nancéienne.
On sait en effet que nos ménagères commencent à
souffrir du manque de sucre et que le chocolat
devient rare dans les épiceries.
- Je me suis préoccupé d'abord, nous dit M. Antoine,
de la question si importante du sucre. Sans être une
substance d'absolue nécessité, le sucre remplit un
rôle considérable dans l'alimentation, et vous
pensez bien que les grandes villes ont mis l'embargo
sur les raffineries. Trois établissements principaux
règnent sur le marché français, les maisons Say,
Sommier et Lebaudy ; mais Paris accapare presque en
entier leur production, et il était présomptueux de
songer à un prélèvement, si modeste qu'il fût, en
faveur de la ville de Nancy.
« J'ai pensé alors à Sermaize. A tout hasard je m'y
rendis. En traversant Bar-le-Duc, des avis
frappèrent mon attention. Les épiceries prévenaient
leur clientèle qu'elles étaient privées de sucre.
Ma confiance dans le résultat de mon voyage en fut
ébranlée ; mais je poursuivis ma route en
réfléchissant qu'à vingt-cinq kilomètres d'une
raffinerie, Bar-le-Duc avait dû épuiser le stock ou
arriver trop tard peut-être avec ses réquisitions.
« Quelle ne fut pas ma surprise de trouver en plein
travail les usines de Sermaize ! Mieux encore. La
petite ville avait beaucoup souffert du bombardement
; la bataille avait fait rage et jeté bas presque
toutes les maisons. Par un hasard providentiel, la
raffinerie était épargnée ; elle continuait à vivre
parmi les ruines, le désastre.
« J'exposai la situation de Nancy. La direction des
établissements s'empressa, avec une bonne grâce
incomparable, d'étudier les moyens de réaliser
promptement les désirs de la capitale lorraine :
« - Il nous reste environ 220.000 kilos disponibles,
me proposa-t-on. Vous voudrez bien partager avec
Besançon, qui nous a déjà réquisitionné. J'acceptai.
Ainsi j'obtenais une moyenne de deux kilos par
habitant. C'est tout ce qu'il m'était permis
d'espérer. J'eus toutefois la chance, au retour, de
recueillir encore à Toul. la promesse que 70.000
kilos de sucre seraient mis à ma disposition. C'est
donc, au total, près de deux mille quintaux que j'ai
rapportés.
M. Antoine ajoute d'excellents conseils :
- Que la population nancéienne se rassure, nous
dit-il. Qu'elle ne fasse point d'achats
considérables, dans la crainte d'une pénurie qui ne
la menace point. Le sucre sera livré à la
consommation dans quatre ou cinq jours. Dans un
généreux mouvement inspiré par leur patriotisme, les
épiciers n'augmenteront point les prix de cette
denrée et c'est là un avantage que j'ai facilement
obtenu d'eux. »
Le lait condensé et le chocolat sont deux produits
que M. Antoine, avec la plus louable ardeur, s'est
efforcé d'introduire à Nancy en importantes
quantités :
- La maison Menier, à elle seule, nous dit-il, a
fourni quatre wagons complets sur les huit wagons
arrivés la semaine dernière. Quant au lait condensé,
nous en avons commandé deux mille caisses.
Tout le monde pourra sans peine s'en procurer ;
c'est un aliment très sain et d'irréprochable
qualité.
« Non seulement Nancy n'a rien à redouter de
l'avenir, poursuit l'honorable conseiller, mais nous
sommes en mesure même d'accorder satisfaction à M.
Minier, le sous-préfet de Lunéville, qui nous a prié
de venir en aide à la cité si durement éprouvée par
les plus douloureuses privations pendant les trois
semaines de l'occupation allemande. »
En terminant, M. Antoine nous annonce que la ville
de Nancy fait venir assez de bétail pour suffire à
la consommation :
- Enfin, j'étudie en ce moment un projet. destiné à
favoriser l'approvisionnement du marché en légumes,
en fruits, par la création d'un service spécialement
réservé eux maraîchers des Environs... Mais nous
causerons de cela plus tard, c'est-à-dire bientôt,
quand nous entrerons dans la voie des réalisations.
»
ACHILLE LIEGEOIS.
NOS PROGRÈS CONTINUENT
La bataille est surtout violente entre la Somme et
l'Oise ainsi que dans la Woevre.
GROSSES PERTES du 14e Corps allemand
Bordeaux, 26 septembre. 1h heures,
A NOTRE AILE GAUCHE
La bataille continue très violente entre la Somme et
l'Oise.
Entre l'Oise et Soissons. nos troupes ont légèrement
progressé. L'ennemi n'a tenté aucune attaque.
Entre Soissons et Reims, pas de modification
importante.
AU CENTRE
De Reims à Verdun, situation sans changement.
EN WOEVRE
L'ennemi a pu franchir la Meuse dans la région de
Saint-Mihiel, mais l'offensive prise par nos troupes
l'a déjà, en majeure partie, rejeté sur la rivière.
Dans le Sud de la Woëvre, nos attaques n'ont cessé
de progresser.
Le 14e corps allemand s'est replié, après avoir subi
de grosses pertes
A NOTRE AILE DROITE
LORRAINE ET VOSGES
Les effectifs allemands semblent avoir été réduits.
Les détachements qui avaient refoulé sur certains
points, nos avant-postes, ont été repoussés par
l'entrée en action de nos réserves.
LEURS ATTAQUES
partout repoussées
Paris, 27 septembre, minuit 26.
Communiqué officiel du 26 septembre, 23 heures :
L'ennemi a attaqué suc tout le front. Il été partout
repousse.
A l'aile gauche nous progressons.
Sur les Hauts.-de-Meuse. la situation est
stationnaire.
Dans la Woëvre, nous continuons a gagner du terrain.
LES GOUJATS
Ils ont pillé la maison du Président de la
République, et celle de son frère, et bombardé la résidence présidentielle de Sampigny.
Paris, 26 septembre, 13 h. 30.
Les Allemands ont pillé à Triaucourt la maison de M.
Lucien Poincaré, frère du président de la
République, et, à Nubécourt, la maison des parents
de M. Raymond Poincaré.
Ils ont bombardé, hier, avec un acharnement
particulier, la commune ouverte de Sampigny et la
propriété personnelle du chef de l'Etat.
La Situation
EN HAUTE-ALSACE
Du « Progrès de la Côte-d'Or », 26 septembre :
Les journaux suisses de langue allemande continuent
systématiquement à donner de fausses nouvelles, sur
ce qui se passe dans la Haute-Alsace. Alors que l'on
n'ignore pas qu'aucun engagement sérieux n'a eu lieu
dans la région de Belfort, ils s'appliquent à faire
croire que des mouvements importants de troupes ont
été observés dans le Sundgau. Les renseignements
sont encore obscurcis par le fait que les localités
alsaciennes sont tour à tour désignées par leur nom
français et leur nom allemand et que l'on ignore que
Ferrette et Pfirt, Dannemarie et Dammerkirch, Cernay
et Sennheim sont synonymes.
Le « Démocrate » de Delémont a tenu à démentir de la
façon la plus caractéristique les nouvelles données
par les « Basler Nachrichten » et le « Basler
Anzeiger » au sujet des combats qui se seraient
livrés dans la région de Thann et de Cernay, les 10
et 11 septembre. Les Allemands avaient en effet
l'intention de s'emparer de Thann et de toute la
vallée de Saint-Amarin, et ils prétendent tenir
cette vallée jusqu'à Mooch, mais leur agression a
été repoussée.
Ils avaient installé de l'artillerie lourde sur les
hauteurs qui dominent la route de Cernay à Thann et
amené également des troupes de la landwehr du 119e
d'infanterie. Après un duel d'artillerie, une
batterie de campagne de 75 réussit à faire taire le
feu de la grosse artillerie allemande.
Les ennemis ont été délogés et perdirent 400 hommes
tués et autant de blessés. Les Allemands ont envoyé
sur la ville de Thann quelques obus qui n'ont pas
causé de dégâts appréciables. La cathédrale de Thann
n'a donc pas subi le sort de celle de Reims.
« Dans le Sundgau, il n'y a pas eu ces derniers
temps d'hostilités sérieuses, ajoute le même
journal. Tout se borne à des rencontres de
patrouilles françaises avec des cyclistes allemands.
Ceux-ci portent un costume de couleur verdâtre, ce
qui les fait facilement prendre pour des civils.
Souvent ils s'embusquent au coin des bois ou des
haies et tirent sur les troupes françaises, puis
disparaissent. »
Un correspondant du « Times » confirme du reste ces
renseignements. Nous occupons toujours Thann,
Massevaux, Dannemarie, Hirsingen et Ferrette.
Les journaux de Bâle essaient encore d'accréditer
que les Alsaciens qui ont quitté le pays sous la
protection des troupes françaises ont été emmenés
comme otages.
Les Allemands prennent actuellement les plus grandes
précautions dans les environs de Mulhouse. Les
communications entre la ville et ses faubourgs ne
sont permises qu'aux personnes munies de
laissez-passer. Le pont du chemin de fer de Huningue
est fermé à la circulation et le projecteur du fort
d'Istein fonctionne toute la journée.
PROCHAIN DENOUEMENT DE LA BATAILLE DE L'AISNE
A notre aile gauche, on se serre de près. - On s'est
battu à la baïonnette et la victoire nous est
restée. - Une offensive de la garde prussienne
repoussée.
Bordeaux, 27 septembre, 8 h. 05 soir.
A NOTRE AILE GAUCHE
La bataille s'est continuée avec des progrès
sensibles de notre part sur un front, très étendu,
entre l'Oise et la Somme et au nord de la Somme.
De l'Oise à Reims, très violentes attaques
allemandes sur plusieurs points, quelques-unes
menées jusqu'à la baïonnette, et toutes repoussées.
Les lignes de tranchées françaises et allemandes ne
se trouvent, en maints endroits, qu'à quelques
centaines de mètres les unes des autres.
AU CENTRE
De Reims à Soissons, la garde prussienne a prononcé
sans succès une vigoureuse offensive et a été
rejetée dans la région de Berra et Nogent-l'Abbesse.
De Souain à l'Argonne, l'ennemi a attaqué, dans la
matinée d'hier, avec avantage, entre la route de
Sommepy-Châlons-sur-Marne et la voie ferrée
Sainte-Menehould-Vouziers.
En fin de journée, nos troupes ont regagné le
terrain perdu.
Entre Argonne et Meuse, l'ennemi n'a manifesté
aucune activité.
Sur les Hauts-de-Meuse, rien de nouveau.
Dans le sud de la Woëvre, les Allemands occupent un
front qui passe par Saint-Mihiel et le nord-ouest de
Pont-à-Mousson.
A NOTRE AILE DROITE
En Lorraine, Vosges, Alsace, aucune modification
importante.
Prêtres Vosgiens fusillés
La « Semaine religieuse » de Saint-Dié annonce la
mort tragique de quatre prêtres de cet
arrondissement.
Ce sont : l'abbé Albert Jeanpierre, né à la Bresse
en 1874, curé de Saulcy-sur-Meurthe, tué par- un
obus, le 29 août 1914, dans la grande salle du
château de M. Gillotin, en portant secours à un
blessé ;
L'abbé Antoine Lahache, né à Nancy en 1853, curé de
la Voivre, fusillé par les Allemands, le 29 août.
L'abbé Alphonse-Marie Mathieu, curé d'Allarmont, née
en 1859, à Raon-l'Etape, fusillé par les Allemands
le ... septembre ;
L'abbé Pierre Buëcher, né en 1851, à Wolfganzen
(Alsace), curé de Luvigny, fusillé le ... septembre
1914.
SUR LA MEUSE
Admirable Résistance du Fort de Troyon
On nous communique la lettre suivante qui date d'une
quinzaine de jours et nous apporte quelques
renseignements auxquels leur caractère rétrospectif
n'ôte rien de leur intérêt, sur le bombardement, les
assauts; les sommations dont le fort de Troyon a été
l'objet, entre le 8 et le 13 septembre, de la part
des Allemands.
Troyon, le 14 septembre.
Mon vieux copain, Tranquillise-toi. Je ne suis pas
blessé. Pas même mort. Tout marche bien. Mais par
exemple, où veux-tu que je prenne le temps d'écrire.
On cogne ferme. Les Prussiens sont là. Mieux, vaut
leur envoyer des pruneaux que de t'envoyer des
lettres. Et puis Troyon a cessé momentanément toutes
relations avec la poste.
Pendant cinq jours, du 8 au 13 septembre, il y a eu
un branles-bas de tous les diables. Figure-toi que
les Prussiens s'étaient mis dans l'idée de se frayer
un passage entre Saint-Mihiel et Verdun. Ils
voulaient défiler sous nos fenêtres, quoi ! On s'est
chargé de régler le pas de parade.
Au-dessous de notre maison campagne (c'est du fort
que je te parle) il y a effectivement une espèce de
couloir qui relie Hattonchatel à Lacroix-sur-Meuse.
Un couloir fait exprès pour que les magasins de Metz
ravitaillent directement l'armée du kronprinz et,
par-dessus le marché, celle de l'Argonne qui doit
être à court d'obus et de pain, à ce qu'on
annonçait.
Le gouverneur leur a dit : « Halte-là Nous nous
sommes apprêtés. Le mardi, bombardement. Une danse
assez coquette Allons ! ça commence bien. La
consigne est facile à retenir ; mais, dans la
crainte qu'elle soit oubliée on l'inscrit sur une
porte : « S'ensevelir sous les ruines plutôt que de
se rendre » Très simple, comme tu vois.
Ah ! ce qu'il est tombé d'obus allemands sur le fort
! Au moins trois mille. En une heure, on en a compté
un jour plus de 300. Tu penses que chez nous les
canons rendaient aux Prussiens la monnaie de leurs
pièces Le fort a été un brin endommagé. Peu de
chose. Après quelques réparations et même tel qu'il
est, Troyon résistera encore.
Les Prussiens ont tiré jour et nuit, sans arrêt.
Deux fois, croyant la partie gagnée par eux, ils ont
envoyé un parlementaire qui sommait notre commandant
de se rendre sans condition. Franchement, ils ne
doutent de rien.
A la place du commandant, moi, je sais bien ce que
les copains auraient tous répondu ; mais le
commandant, lui aussi, a pensé qu'un seul mot
suffisait pour répondre. Il a dit : Jamais ! Alors
(c'était à sa deuxième visite) le parlementaire a
fait un semblant de rouspétance : il a raconté que
la France violait les lois de la guerre, que les
batteries de Génicourt avaient tiré sur lui, patati,
patata. Il a terminé sa petite homélie par une
menace : « C'est bien, Monsieur, nous nous
reverrons. »
Revoir cet oiseau-là, ça sera peut-être agréable.
Mais je crois que la guerre nous privera de ce
plaisir délicat. Dommage C'est qu'ils en ont
rudement besoin, mon vieux, du fort où nous coulons
des jours plutôt agités. Maison coquette. Du
confortable. Un air pur. Coteaux et bois aux
environs. La Meuse avec ses fritures à portée de nos
petites balades du dimanche. Et les Boches nous
auraient enlevé ça. Le commandant avait raison :
plutôt la mort tous les ruines !
Du 8 au 13, trois, assauts ont été livrés Attaques
furieuses. L'ennemi avait imaginé un truc.
Figure-toi que les soldats s'étaient blottis dans
des bottes de paille. Ils avançaient très lentement.
On aurait dit une moisson en marche. Pourtant les
sentinelles ouvraient l'oeil et le bon. Au premier
signal, les artilleurs avec leurs pièces et nous
autres à coups de flingot nous étendons dans Je
champ ces escouades d'empaillés. Trois fois ils sont
revenus à la charge ; trois fois ils ont pirouetté
sur les talons et fait lestement demi-tour.
Hier, ils nous ont cette fois tiré. leur révérence.
Bon débarras. Ouf ! on respire. Mais les Teutons
veulent une trouée quand même. Ils ont échoué à
Troyon ; ils essaieront du côté de Saint-Mihiel...
En attendant, je te dis bien des choses de la part
des camarades. Après la guerre, on sera fier tout de
même en racontant nos histoires, devant une chopine.
Pendant le bombardement, on oubliait de manger, de
boire, de dormir. Toujours en train de descendre les
Boches, ça nous coupait l'appétit et le sommeil ;
mais je t'assure qu'une besogne aussi belle soutient
mieux qu'une soupe et qu'un coup de polochon.
Au revoir, mon vieux, et bonne chance !
L'Entrée du Kayser
A NANCY ?
Nous avons dit que l'empereur Guillaume avait
assisté à une attaque contre Nancy.
Le « Figaro »l raconte, d'après une lettre d'un
magistrat de l'Est, qui a été témoin du fait,
quelques détails nouveaux sur cet acte du souverain
allemand.
« L'acharnement des Allemands à vouloir passer par
Champenoux et Crévic pour gagner Nancy s'explique
par ce fait que Guillaume Il se trouvait à Amance, a
vingt kilomètres de Nancy, pendant la bataille.
« Il avait avec lui dix mille cavaliers en tenue de
parade, avec lesquels il devait faire une entrée
triomphale dans la vieille capitale de la Lorraine.
« Soudain, sous la poussée formidable de nos
vaillantes troupes, les Allemands se mirent à battre
en retraite.
« Alors, l'empereur, qui avait mis pied à terre et
avait suivi les évolutions de son armée, avec une
lorgnette, sauta à cheval et tourna le dos à Nancy,
suivi de sa brillante cavalerie.
« Les rares Français qui se trouvaient à r proximité
d'Amance purent assister de loin à cette retraite
qui était fort impressionnante. »
POUR LES RECOLTES POUR LA FRANCE
Comme mes collègues de tous les départements situés
dans la zone des armées, je viens de recevoir de M.
le Général commandant en chef la note-circulaire que
voici :
« Le Général commandant en chef, à M. le Préfet du
département de Meurthe-et-Moselle, à Nancy,
« Quand on parcourt la zone des armées, on est
frappé de voir de nombreux hommes valides (45 à 60
ans) causer et flâner dans les villages, alors que
des quantités considérables de céréales en gerbes
(blés et surtout avoines) sont encore dans les «
champs.
« Il est inadmissible que ces denrées, Il dont la
conservation importe pour la continuation de la
guerre, se détériorent ainsi dans les campagnes,
pour le simple motif que les propriétaires sont aux
armées.
« Je vous prie, en conséquence, d'inviter les maires
de votre département à faire procéder à
l'engrangement et même au battage des céréales qui
sont encore actuellement dans les champs. »
Au cours des nombreuses visites que j'ai pu faire
dans ce département, j'ai pu me convaincre que les
populations de Meurthe-et-Moselle étaient moins que
toutes autres visées par les fortes observations du
général Joffre.
Cependant, quelques louables efforts qu'elles aient
faits jusqu'à ce jour au milieu parfois de bien
dures épreuves, je les conjure de redoubler de
vaillance. Blés et avoines sont indispensables - au
même titre que les munitions - pour la défense
nationale.
Que dans chaque commune on s'entr'aide. Que les
femmes et les enfants se mettent à la besogne. Que
quiconque possède encore un cheval le mette au
service de tous. En agissant ainsi, ce n'est pas
seulement dans votre intérêt personnel, ce n'est pas
seulement pour assister le voisin comme vous
voudriez être assisté par lui, ce n'est pas
seulement pour protéger ce qui reste des ressources
de la commune lorraine qui vous travaillerez, c'est
pour la France !
Dites-vous, redites-vous cela, paysans lorrains, et
ce sentiment décuplera votre volonté, votre énergie
et votre vigueur physique.
Le préfet de Meurthe-et-Moselle:
L. MIRMAN.
LES ALLEMANDS
saisissent
LES BIENS DE L'ABBÉ WETTERLÉ
Nancy, 28 septembre.
BALE. - Une dépêche de Colmar annonce que la
commission d'enquête, nommée à la suite de la
condamnation prononcée contre l'abbé Wetterlé « pour
trahison en temps de guerre », a ordonné la saisie
des biens du prêtre alsacien.
MALÉDICTION
Demeure à tout jamais l'Infâme et le Maudit !
Sois dans la Mort et dans la Tombe et dans l'Enfer
Le sinistre et sanglant valet de Lucifer !
Sois celui dont le nom ne peut plus être dit !
Courbe ton front, plie les genoux, voile ta face,
Vois le mal et l'horreur qu'autour de toi tu sèmes
Et que tout soit détruit de tout ce que tu aimes
Sur terre et sous le ciel et dans les bleus espaces
!
Toi qui voulus la Guerre et le Deuil et la Mort,
Par l'épouse et la mère et la soeur et l'enfant,
Par nos âmes de flamme et nos coeurs triomphants,
Maudit sois-tu dans la détresse et le remords !
Nous rêvions de douceur éternelle et profonde,
D'un tranquille labeur, dans les champs, dans les
herbes,
Et nous dansions, le soir, autour des blondes
gerbes.
Formant, sans le savoir, la plus noble des rondes !
Nous rêvions de suprême et rayonnante paix !
Et nos champs roux, nos verts jardins, nos bois
songeurs
Frémissent sous l'ardente et sauvage clameur
Qui te maudit, ô toi l'abject, à tout jamais !
Les yeux de nos mamans adoraient nos visages.
Ces yeux-là, maintenant, ne savent que la guerre !
Maudit sois-tu, dans tes enfants, toi qui espère,
O toi l'Infâme, ô toi le Fou qui se crut sage !
Maudit sois-tu ! Meurs dans la détresse sans nom
Sans un geste sur toi, sans baiser sur tes yeux !
Toi qui toujours osas blasphémer le doux nom,
Le nom sacré, le nom si cher de notre Dieu !
Maudit sois-tu ! Meurs dans un coin sans un pardon,
Toi dont jamais je ne veux plus dire le nom !
Anie PERREY.
JOURNÉE D'ATTENTE
Calme relatif, sauf entre Aisne et Argonne et sur
les Hauts de Meuse, où la victoire nous a été
fidèle.
Bordeaux, 28 septembre, 15 h. 20.
Rien de nouveau dans la situation générale.
Calme relatif sur une partie du front ; toutefois,
sur certains points, notamment entre l'Aisne et
l'Argonne, l'ennemi a tenté de nouvelles et
violentes attaques qui ont été repoussées.
Paris, 29 septembre, minuit 49.
1° A l'aile gauche, les renseignements sur la
situation sont favorables.
2° Au centre, les troupes françaises ont supporté,
avec succès, de nouvelles et très violentes
attaques.
Nous avons progressé sur les Hauts-de-Meuse.
En Woëvre, un brouillard intense a suspendu, en
fait, les opérations.
3° A l'aile droite, en Lorraine et en Vosges, la
situation est restée sans changement.
LES ALLEMANDES
à Raon-l'Etape
Le 24 août, les Allemands étant entrés à
Raon-l'Etape, leur médecin-major s'installa dans
l'hôpital avec sa femme.
Cette dame profita de son séjour pour réquisitionner
une automobile et un camion qu'elle fit conduire
devant un hôtel. Là, aidée des soldats allemands,
elle s'empara de tout le mobilier d'une salle à
manger et le fit charger sur le camion. Elle se
rendit aussi dans le domicile d'un médecin civil de
Raon-l'Etape et prit toutes les toilettes de la
femme de ce médecin. Les épouses teutonnes ne
perdent pas le nord.
RENTRÉE DES CLASSES
Nancy, 29 septembre.
La directrice du lycée Jeanne-d'Arc a l'honneur
d'informer les familles que la rentrée des classes
aura lieu pour l'internat et l'externat le lundi 12
octobre ; les inscriptions et réinscriptions se
feront dans son cabinet, à partir du jeudi 1er
octobre, de 2 heures à 5 heures.
Elle serait reconnaissante aux familles de présenter
leurs enfants le plus tôt possible
A LA PREFECTURE DE LA MEUSE
Paris, 29 septembre, 2 h. 55.
BORDEAUX. - M. Grandveau, chef de division à la
préfecture de la Meuse, est nommé, pour la durée de
la guerre, conseiller de préfecture de la Meuse.
NOS HÉROS
Nancy, 30 septembre.
Un de nos concitoyens, M. Charles Dengler, directeur
du café des Deux-Hémisphères, caporal réserviste,
vient de recevoir là médaille militaire et être
promu sergent pour avoir accompli un beau fait
d'armes, qui démontre un grand sang-froid allié à un
courage hors de pair.
C'était dans la nuit du 11 septembre, du côté de la
frontière, le caporal Dengler faisait une patrouille
en avant des tranchées, lorsque près d'un ouvrage
d'art il aperçut un homme qui semblait se
dissimuler.
Croyant se trouver en présence d'un soldat français
qui était sorti de la tranchée, il se porta en avant
pour lui donner l'ordre de rejoindre les camarades.
L'homme ne fit aucune réponse. Justement inquiet, le
caporal Dengler fait quelques pas, il reconnaît
bientôt un ennemi..
Sans hésiter, il s'approche en criant : « A moi ! A
moi ! » Plusieurs soldats accourent, Dengler, qu'a
frappé l'ennemi, est secouru et la patrouille
allemande qui s'était avancée s'enfuit en laissant
des blessés et des morts.
C'est quelques jours après que le caporal Dengler
était promu sous-officier et que, devant les troupes
assemblées, son colonel lui remettait la médaille
militaire des braves.
(à
suivre) |