En 1912, Fernand Burrus (1884-1955), industriel suisse et
frère du député du Haut-Rhin Maurice Burrus (1882-1959), vient
s'installer avec sa famille à Blâmont.
La famille d'industriels Burrus, naturalisée suisse, est originaire de Dambach-la-Ville
(en Alsace), et gère notamment l'usine de tabacs et cigarettes de
Sainte-Croix-aux-Mines (créée en 1872 et fermée en 1950). Martin Burrus (1775-1830) avait fondé à
Boncourt (en Suisse) une petite fabrique de rouleaux de tabac en1814 (tabac pour
pipe et tabac à mâcher), afin d'échapper aux décrets napoléoniens étendant le
monopole de l'État français sur la fabrication des tabacs.
En 1912, Fernand Burrus, qui vient d'épouser Suzanne Vincent
(née en 1890), s'installe donc à Blâmont, où il restera jusqu'en août
1914, avec ses deux premiers enfants : Marie-Elisabeth (1912-1945), et
Marie-Thérèse (née le 15 octobre 1913 à Blâmont, décédée le 23 juillet 2005).
Naîtrons plus tard trois autres enfants : Odile, Paul et Bernadette.
Il acquiert l'ancien château de Blâmont et le bâtiment
restant de l'ancien palais renaissance de Christine de Danemark. Dès 1912 il
procède à d'importants travaux de réhabilitation, rehaussant les vieilles tours
du bâtiments par des toitures en poivrière
Dans Le Canton de Blâmont,
Edmond Delorme écrit en 1927 : « Avant la guerre
dernière, le propriétaire de l'immeuble, M. Burrus, a eu la bonne pensée de
faire assurer des réparations à la forteresse, sans en changer le caractère. Il
fut moins heureux pour la restauration de la Maison seigneuriale. Dans les tours
qui répondent à ses extrémités, on peut se rendre compte de l'épaisseur
primitive des murs. Mais l'édifice a perdu son caractère gothique »
Etat du château avant 1912
Etat du château après sa restauration par Fernand
Burrus
(voir aussi le dessin que lui consacre l'Abbé Dedenon
dans ses carnets)
Fernand Burrus lance en 1913 la construction d'une
chocolaterie à Blâmont (à l'emplacement du Point-Vert actuel). Cette
chocolaterie propose les marques "Omnia", "Montbla" et "Fiat", comme on le voit
sur le carton publicitaire ci-dessous : |
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Note : La Revue des Vins et Liqueurs,
du 31 janvier 1913, indique en marques de fabrique et de commerce :
Produits alimentaires [...]
190-191- Burrus (F.) à Blamont (Lunéville) - Fiat-Omnia |
Dès février 1913, l'Est-Républicain fait la promotion de la
chocolaterie :
« Gourmandise ! Nous sommes heureux d'annoncer à nos lecteurs que la nouvelle
chocolaterie de Blâmont est à même de livrer dès maintenant, ses produits. Cette
usine, pourvue des meilleures machines spéciales à la fabrication du chocolat et
cacao, peut satisfaire dans le plus bref délai les commandes de ses clients. Un
spécialiste, ancien employé d'une des plus grandes chocolateries suisses, dirige
les ateliers.
Ces chocolats de luxe, genre suisse, si appréciés en France, auront certainement
un grand et rapide débouché dans nos contrées. - Rappelons que les marques de
l'usine blamontaise sont : « Montbla » pour les chocolats et cacao extra fins ;
« Fiat et Omnia » pour les sortes courantes. » - Est-Républicain - 18
février 1913
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Le 8 août 1914, les troupes bavaroises entrent dans Blâmont.
Immédiatement, s'organise l'hébergement chez l'habitant des officiers. Le
général (kronprinz Rupprecht de Bavière selon Lahoussay ci-dessous, mais plus
certainement Oscar von Xylander), choisit pour son hébergement la plus
belle demeure : le nouveau château de Fernand Burrus.
Dans l'Est-Républicain du 31 janvier 1915, le
vétérinaire André Lahoussay nous relate les évènements (disons
plutôt, sa version des événements : voir les correctifs à apponter à l'article
Presse suisse: la
chocolaterie Burrus - 1914) : |
Rupprecht de Bavière |
« Le prince de Bavière,
commandant en chef du 1er corps bavarois, s'était
installé au château de l'industriel Burrhus - fabricant de
chocolat et sujet suisse - dont il vidait consciencieusement la
cave avec son état-major.
Afin d'éviter le pillage et la destruction de son usine, M.
Burrhus avait mis à la disposition du général pour être
distribués aux troupes, plusieurs milliers de kilogrammes de
sucre, de cacao et de chocolat fabriqué. Le « gentilhomme »
bavarois sut reconnaître cette libéralité en laissant saccager
et incendier la chocolaterie à laquelle ses soldats mirent le
feu le 12 août. Son hôte ayant véhémentement protesté, le
« brave » général le menaça du peloton d'exécution. La menace
n'intimida en aucune façon M. Burrhus : invoquant le respect du
droit des gens, proclamant sa nationalité il riposta en menaçant
son interlocuteur princier d'une plainte au gouvernement
helvétique et en l'informant qu'il allait hisser le drapeau
fédéral sur sa propriété. Il est à supposer que l'opinion des
Suisses préoccupe les « intellectuels » allemands, car le prince
baissa le ton et ne renouvela pas ses menaces envers M. Burrhus.
»
Et il ajoute plus loin : « « C'est la guerre ! » répondait le
prince de Bavière, commandant en chef, à son hôte, M. Burrhus,
quand celui-ci lui montrait d'un geste indigné, sa chocolaterie
qui flambait. »
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Entrée des troupes
bavaroises le 8 août 1914 |
Les Rapports et
procès-verbaux d'enquête de la Commission instituée en vue de constater les
actes commis par l'ennemi en violation du droit des gens (1916), indiquent
dans la déposition du 21 janvier 1915 de Joseph Rupp, 52 ans, rentier, domicilié
à Blâmont : « La fabrique de chocolat appartenant à M. Burrus, qui
pourtant avait donné l'hospitalité à des officiers et un général allemands, fut
complètement dévastée : les machines furent brisées, les courroies coupées, et
enfin, l'usine fut incendiée »
Les ruines de la
chocolaterie Burrus
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