5 janvier 1875
Un soir de la semaine dernière le commissionnaire d'Herbéviller
à Ogéviller suivait lentement la route couverte de neige et
sommeillait au roulement monotone de sa voiture. Son chien
courait devant pour se réchauffer, et aboyait comme pour égayer
le chemin. Tout à-coup
Un loup survient à jeun, qui cherchait aventure,
Et que la faim en ces lieux attirait.
L'homme s'éveille aux cris d'effroi de son fidèle serviteur ;
avant même qu'il ait pu sauter en bas de sa voiture, pour lui
porter secours
Au fond des forêts
Le loup l'emporte, et puis le mange,
Sans autre forme de procès.
Ces traits d'audace sont assez rares dans nos pays, où les
chasseurs ne manquent pas, pour qu'on les signale. On a donc
raison de dire qu'il fait un froid de loup.
24 février 1875
On nous écrit :
« Jeudi Idernier, une troupe de sangliers avait été détournéé
dans la forêt de Verdenal. Vingt chasseurs de Blâmont et
Verdenal ayant été immédiatement convoqués, s'étaient empcessés
de prêter leur concours au propriétaire de la chasse.
La battue allait commencer, quand déboucha du taillis le
brigadier forestier de Domèvre-sur-Vezouse, qui s'y opposa, en
objectant qu'il n‘avait pas d'ordres de ses chefs...
Il est probable que le fermier de la chasse n'était pas muni de
l'autorisation préfectorale sans laquelle il est interdit de
faire des battues.
22 avril 1875
Le Journal de Lunéville annonce que dimanche soir, le sieur
Meyer, garde-barrière au passage à niveau de Leintrey, ayant
voulu chasser de la voie ferrée des oies qui lui appartenaient
et qu'allait atteindre le train de six-heures, tomba devant la
locomotive et « eut tous les orteils du pied droit écrasés par
les roues »
2 mai 1875
Le garde barrière Mayeur, de Leintrey, est mort à l'hôpital de
Lunéville mercredi dernier, des suites de l'accident dont nous
avons parlé d'après le Journal de Lunéville.
6 mai 1875
Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle.
6e affaire.- Meurtre d'une fille par son père
Charles Linck, âgé de 51 ans, est charpentier à Herbéviller. Il
est accusé d'avoir, le 12 mars 1875, volontairement porté des
coups à sa fille Marie-Anne, sans intention de lui donner la
mort.
C'était vers six heures du soir ; l'attention des habitants d'
Herbéviller fut attirée par des cris partis du premier étage de
la maison où habitait Linck. Sa fille le suppliait de lui
pardonner. Ils entendaient des bruits sourds puis des chocs
semblables à ceux d'un corps qu'on jette violemment sur le
plancher. La femme Linck disait à son mari « laisse-là; elle en
a assez. ». il répondit : Il faut que je la tue. » ün dernier
cri fut poussé par la fille et ce fut tout.
L'accusé et sa femme descendirent et fermèrent le verrou de la
porte d'entrée.
On raconta dans tout le village que Marie-Anne Linck avait été
tuée. Un témoin alla chez le maire lui annoncer les faits. Peu
de temps après, l'accusé vint chez le magistrat déclarer le
décès de sa fille. Linck, protesta et opposa des dénégations
absolues.
L accusé dit que sa fille est tombée sur le pavé de la cour en
roulant de l'escalier qui conduit au 1er étage. Les médecins ont
constaté une congestion cérébrale ; leur avis est qu'elle a pu
être produite soit par chute, soit par une application violente
et répétée de la face sur le sol.
Les déclarations des témoins s'opposent à cette dernière
hypothèse.
Linck s'est remarié depuis 18 mois; depuis son mariage, il
maltraitait sa fille qui était infirme. - Elle avait les jambes
et un bras contrefaits. - Elle était infirme et faible d'esprit,
ce qui causait aux époux Linck une constante irritation. En 1874
il l'avait chassée et ne l'avait reprise que sur les injonctions
de l'autorité municipale.
Linck est né à Parroy ; il habite Herbéviller depuis 1846, il
s'y est marié en 1848 ; il avait cinq enfants de sa première
femme et un d'entre eux est mort. C'est en 1878, au moisd'août
qu'il s est remarié à Domèvre. Marie-Anne était l'aînée de ses
enfants survivants.
La fille Linck menait une mauvaise conduite
Elle avait deux enfants. Elle a mis le second au monde depuis
que son père s'est remarié. Elle avait 26 ans.
Avant son second mariage, Linck était bon pour sa fille, mais
depuis il la maltratait. Celle-ci brodaut ; elle gagnait par
jour quelque sous. La femme Lick se plaignait de ce que
Marie-Anne fût débauchée et ne gagnât pas sa vie ; elle excitait
son mari.
Linck enfermait Marie-Anne parfois pendant 15 jours, il la
battait. Un jour il la frappa avec une corde grosse comme le
petit doigt et pliée en quatre.
A l'audience, M. le president Hanneguin lui reproche sa
brutalité.
- Au contraire, mon président, répond Linck, j'ai été trop bon
père (Rumeurs).
L'accusé avait bu, dans une commune voisine, l'après-midi.
Voici le récit que fait l'accusé des circonstances dans
lesquelles est morte sa fille :
« J'étais au poêle, près de la table; je venais de rentrer et
j'étais déchaussé. J'entends un cri dans la cour, ma fille avait
roulé au bas de l'escalier. Elle était la face contre le pavé,
ses deux pieds étaient encore sur la dernière marche. Je la pris
sous mon bras gauche par la ceinture « à la brassée ». je
montais l'escalier en me tenant aux marches. Je la déposai sur
le plancher. Je la grondai sur le chagrin quelle nous donnait,
je lui dis qu'elle avait fait mourir sa première mère et qu'elle
ferait mourir mourir la seconde, que le bon Dieu la punissait.
Alors elle saignait, son bonnet était taché de sang. Son petit
pleurait, je le remis auprès du lit. »
M. le président relève les contradictions qui existent entre
ces- réponses et celles que I'accusé a faites à Plusieurs
reprises. Il lui demande pourquoi il n'a pas déposé sa fille sur
le lit.
- Je ne la croyais pas malade, répond Linck. Elle était
enflammée par le mal. Ma femme me dit : « Laisse-la « et j'ai
ajouté « elle mériterait qu'on la tue ».
Les époux Linck ont montré une insensibilité absolue après la
mort de leur fille et le père s'en alla le lendemain sans monter
dans la chambre où elle était étendue.
Témoins. - La déposition d'un voisin, le commissionnaire Chenal
est très émouvante. Je rentrais au village, dit-il, je
déchargeais ma voiture devant ma porte, j'entends du bruit dans
la chambre du premier chez Linck: On frappait des coups sourds.
La fille criait : « Pardon papa, pardon mon bon papa. Puis un
bruit sombre, d'autres coups répétés et toujours « Pardon !
pardon ! » C'était à en frémir. Enfin la jeune fille poussa un
grand cri et ce fut tout. Je rentrai et je dis a ma femme : « Je
crois qu'il lui a donné le coup de la mort. »
Linck maltraitait sa fille, et l'a fait coucher une fois dans
l'écurie, et elle fut toute souillée de bouse de vache.
Linck dit qu'il est l'objet d'un complot.
Plusieurs jeunes filles du village, Marie Chenal Marie Koster,
Marie Barbier déposent des faits, non sous le sceau du serment,
conformément à ce qui est relaté plus haut. Elles ont entendu
les supplications de Marie-Anne, les observations de la mère.
L'un des témoins a entendu Linck dire « il faut que je la tue. »
Et l'autre dit que la fille a poussé un grand cri étouffant : «
ouche !»
D'autres témoins comparaissent ; ils n'ajoutent rien au débat.
Le maire dit que Linck buvait et qu'on l'accusait, dans le
village, d'avoir des relations avec sa fille, le sergent des
pompiers donne sur l‘accusé de bons renseignements.
La dame Sisser dit que Linck buvait un peu comme tous les
hommes.
Linck dit qu'il a trouvé sa femme sur le grenier à foin avec le
témoin Chenal, et qu'il est victime de mauvaises langues.
On a relevé dans l'information un mot grave de la femme Linck au
sujet de son mari : « pourvu qu'il ne se découpe pas.
L'audience est levée à 11 h. 1/2.
Cour d'assises. - Linck, accusé de coups et blessures ayant
occasionné la mort de sa fille, est condamné à un an de prison.
12 mai 1875
Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle.
Dernière affaire.
Le 19 janvier 1855, la dame Perrin, propriétaire à Autrepierre,
avait réuni chez elle tous ses enfants pour traiter différentes
questions d'intérêt. Après avoir dîné ensemble dans l'accord le
plus parfait, deux des fils de la dame Perrin, Joseph et Léon,
se rendirent au cabaret où ils séjournèrent quelque temps.
Joseph Perrin était manifestement en état d'ivresse et
importunait les consommateurs, qui se débarrassèrent de lui en
l'engageant à aller chercher du pâté chez sa mère. Joseph revint
chez celle-ci et trouva son frère occupé à couper un pâté. Il
voulut prendre ce qui en restait pour le porter à ses camarades,
mais Léon s'y opposa et repoussa violemment son frère.
Dans la lutte, Léon porta à Joseph un coup du couteau qu'il
tenait encore à la main. Joseph s'affaissa sur lui-même; l'arme
avait pénétré sous le bas-ventre et perforé la vessie. Il
succomba 24 heures après.
L'accusé Léon Perrin est souvent en état d'ivresse; il a eu un
conseil judiciaire.
« Le conseil judiciaire ne prouve pas que l'on soit fou, au
contraire, » observe M. le président.
L'accusé est marié, il a des enfants. Il a 37 ans, il est
cultivateur à Autrepierre.
Léon Perrin prétend que son frère lui a d‘abord donné des coups.
(Il verse des larmes.)
Il s'est repenti de son crime. Il a été mis en liberté
provisoire sous caution en mars 1875.
Il s'est constitué prisonnier le 26 avril, Joseph Perrin a reçu
d'abord une blessure légère à la main.
L'expert constate que le coup a été violent et que la lame du
couteau a pénétré à 6 centimètres.
La veuve Bernard, soeur de l'accusé, a vu celui-ci quelques
instants après le crime, et elle a été chercher le curé.
Léon a été prier sur la tombe de son frère, en revenant au mois
de mars.
Un cultivateur dit que l'accusé a été provoqué et qu'il s'est
repenti.
M. Crépin, propriétaire à Blâmont.- Léon était un peu fou ;
Joseph se livrait à la boisson, il était violent.
Le maire de la commune « connaissant l'esprit faible de Perrin,
» craignait qu'il se donnât la mort, celui ci « n'a
qu'imparfaitement ses facultés mentales. » C'est un écervelé, «
aussitôt qu'il a eu son conseil judiciaire, il est devenu le
double fou. »
Le desservant de la commune a adressé des exhortations à la
victime et à l'accusé qui a témoigné de son repentir « il s'est
prêté à la volonté du gendarme, dit le témoin, il a regretté son
trait malheureux. Il instruit ses enfants au point de vue de la
religion comme au point de vue intellectuel. Ce jour là il était
dans une exaltation fébrile. »
M. l'avocat général Honnoré : Il y a évidemment culpabilité.
Léon Perrin est en pleine possession de ses facultés, Joseph
Perrin a porté sa main à son abdomen, cela prouve que le coup a
été volontairement porté. Certes les antécédents de l'accusé
sont bons, mais le jury doit faire justice.
Me Edmond Contal. - Mon client était alcoolisé. Il était
continuellement excité. Il a été provoqué évidemment ; son frère
ne l'a pas laissé manger tranquillement son pâté. Une lutte
s'est engagée, dans l'obscurité ; je ne sais ce qui s'est passé,
M. l'avocat général non plus. Joseph s'est très-probablement
jeté sur le couteau que son frère tenait à la main. Il y a eu un
malheur et non un crime. Un coup a été porté, mais non
volontairement. Et voyez, MM. les jurés, revenu à Autrepierre.
Léon Perrin va s'asseoir près de la tombe où repose son frère :
Est-ce là l'attitude d'un criminel. Non. Vous le rendrez à la
liberté.
Perrin est condamné à 1 an de prison. L'audience est levée à 11
h. 1/2 du soir.
20 mai 1875
 partir du mois de juin le service de la douane française sera
transporté à Avricourt pour les voyageurs. Le service des
marchandises restera à Emberménil.
19 juin 1875
Notre gare d'Avricourt nous est rendue. Celle qui est élevée
pour le service du gouvernement allemand coûte à la Compagnie de
l'Est française, d'après la convention de janvier 1875, 212,496
thaler, 10 silbergroschen, 4 pfennige, soit 796,861 fr. 29
centimes.
18 juillet 1875
L'homme d'équipe Subion, d'Avricourt, a trouvé sur le quai aux
voyageurs un porte-monnaie contenant 40 fr. 55 c., dont la
restitution à été faite.
24 juillet 1875
Hier jeudi, vers midi un orage à éclaté au-dessus de Blâmont et
d'Avricourt. La pluie était torrentielle. A la hauteur de
Frémonville, la voie ferrée a été enlevée sur une longueur de
200 mètres environ, la circulation a été interrompue pendant
quelques heures, sur la ligne Cirey à Avricourt. On n'a aucun
accident à déplorer.
19 octobre 1875
Mme Decker, préposée à là salubrité à la gare d'Avricourt, a
trouvé sur le quai un porte-monnaie contenant 2 fr. 24 c.
21 octobre 1875
L'Eclaireur annonce qu'on a amené lundi, à l'hôpital de
Lunéville, un jeune ouvrier de 23 ans qui avait été cruellement
blessé à la gare d'Avricourt. Occupé sur la voie à serrer les
écrous des rails, il ne vit pas venir un train qui manoeuvrait
et fut tamponné. Renversé sur la voie; il eut le bras; gauche
broyé en deux en droits et on a dù en opérer la désarticulation
à l'épaule. Le blessé est, depuis cette opération, dans un état
assez satisfaisant.
25 novembre 1875
On nous assure qu'à Blâmont, des procès-verbaux ont été dressés
dimanche dernier contre des aubergistes dont les établissements
étaient ouverts pendant la messe. Ces mesures sont parfaitement
légales. Aussi ne les critiquons-nous pas. Nous demandons
seulement qu'on modifie la loi et les arrêtés préfectoraux qui
régissent la matière. Il n'est pas juste qu'un voyageur qui
descend du train à Blâmont le dimanche pendant la messe, ne
puisse pas manger un beefsteak, tandis qu'à Nancy, il est à la
même heure autorisé à faire au buffet ou ailleurs un déjeuner
plantureux.
23 décembre 1875
On lit dans le Journal de Lunéville :
« Un nouveau crime vient de jeter la consternation dans la
population d'Autrepierre (canton de Blâmont).
» M. Jeanjean, vieillard de 72 ans, a été trouvé mort, vendredi,
dans sa maison, il avait été frappé de plusieurs coups à la
tête.
» L'assassin n'est pas encore connu.
» La justice s'est transportée samedi sur le théâtre du crime. »
On ne sait pas encore absolument s'il y a eu un crime. Ce qui
fait naître des doutes, pourtant, c'est que cette mort
prématurée est survenue pendant que les gendres de M. Jeanjean
étaient à Blâmont et que la femme de ce vieillard n'était pas
auprès de lui.
Il y a quelque temps le feu avait pris un immeuble qui lui
appartenait.
31 décembre 1875
Nous apprenons avec plaisir que M. Preisach, chef de gare à
Avricourt français, vient de recevoir la décoration de l'ordre
de François-Joseph (Autriche).
|