8 février 1876
On a trouvé ces jours derniers, dit le Journal de Lunéville, le
corps d'un nommé Dupéris, de Jolivel, pendu dans une forêt aux
environs de Xousse. On ignore les causes qui ont porté ce
malheureux à mettre fin à ses jours.
17 février 1876
Le surveillant Lallement, d'Avricourt, a trouvé sur le quai un
porte-monnaie contenant 58 fr., qui a été restitué au
propriétaire.
22 février 1876
Le sieur Schenherr, garçon de salle au buffet d'Avricourt, a
remis au chef de gare un porte-monnaie contenant 30 fr. 50 c.,
qu'il avait trouvé sur une table après le départ d'un train.
16 mars 1876
Il y a huit jours, à Blâmont, les eaux ont envahi une partie de
la ville et ont causé des dégâts dans un certain nombre de
maisons. Aux forges de Mme Batelot, le pont principal a été
enlevé, quoique laissant à l'eau un passage de 35 mètres
environ.
Dans cette usine, le travail est entièrement interrompu depuis
six semaines.
3 mai 1876
Cour d'assises de Meurthe=et-Moselle.
Audience du 2 mai.
Le 10 novembre dernier, entre 8 et 9 heures du soir, un incendie
se déclarait dans là maison du sieur Jeanjean, à Autrepierre et
la consuma. Jeanjean vint habiter chez son gendre Gossner, dont
la maison touche à celle de l'accusé Louis, son autre gendre.
Le 17 décembre, la femme Louis, en entrant chez son père, trouva
le vieillard étendu sur le sol.
Il avait au crâne une fracturé causée par un coup violent qui
lui avait été porté avec un instrument contondant, l'opinion
publique désigna Prosper Louis, comme Fauteur de l'incendie et
du meurtre.
L'accusé est violent;, cupide et sournois ; il se plaignait
souvent de ce que son beau-père voulût avantager les enfants du
premier lit.
Le 10 novembre, toute la famille s'était rendue à la noce d'un
de ses parents ; il avait refusé d'y assister ; toute la journée
il s'était caché. Quand le tocsin retentit toute la commune
accourut sur le théâtre du sinistre. Son absence fut remarquée.
C'est seulement une heure après qu'il apparut et il montra alors
une indifférence significative. Pourtant il avait dû être
réveillé par les cloches comme tout le monde et être mis en émoi
par le bruit insolite de la rue. Il ne prit aucune part au
sauvetage. On a découvert cachées chez lui deux mèches d'étoffe
et sa femme a confié à une amie que depuis il avait des
cauchemars pendant lesquels il rêvait d'incendie.
Le soir du crime, un habitant de la commune avait vu un
individu, dont le signalement est identique à celui de Louis, se
glissant dans une ruelle qui conduit à la maison Jeanjean.
Jeanjean considérait son gendre Louis comme l'auteur de cet acté
criminel et il avait conçu la résolution de lui dire « ses
vérités » à cet égard.
Le 17 décembre, au matin, les époux Gossner, laissèrent leur
père à la maison et vinrent à Blâmont.
Mais les causes de la mort du vieillard sont autres.
Louis causa avec Jeanjean, sur le pas de la porte, vers 7 h. 1/2
du matin, entra chez lui puis quitta la commune.; il prétend
s'être rendu directement à Blâmont ; mais on l'a vu prendre une
autre direction.
Jeanjean a été tué immédiatement après son premier repas, et
vers huit heures, un sieur Bernard a entendu des cris rauques
partir de sa maison.
Louis alla a Blâmont vers 10 h. 1/2, porta de l'argent chez M.
Vanier, notaire, déjeuna chez un fils de Jeanjean auquel il
offrît, contre son habitude, des consommations.
Un habitant d'Autrepierre arrive au chef-lieu de canton, annonce
que Jeanjean a été tué. Louis n'éprouve aucune émotion, il
s'entretien tranquillement pendant 20 minutes avec l'épicier
Desfrères.
En revenant à Autrepierre, il demande aux passants ce qu'il y a
de nouveau : il feint d'ignorer la mort violente de son
beau-père, et né se rend au domicile de celui-ci que très tard
dans la journée.
On découvrit qu'un des sabots qu'il portait dans la matinée du
17, était taché de sang. Le jour de son arrestation, il demanda
à se retirer un instant dans l'écurie : le gendarmé, qui le
suivit, l'entendit remuer des pièces de 5 fr. Cette monnaie fat
saisie, elle portait des traces de feu.
Jeanjean n'avait pas d'ennemis dans la commune : seul Louis
pouvait désirer sa mort et en profiter.
Un sieur Thiébaut eut un jour une discussion avec l'accusé dans
une forêt. Celui-ci fit sembiant de se retirer, puis il vint
frapper traitreusrment son adversaire. La blessure entraina une
incapacité de travail de plusieurs mois.
En 1865, Il a voulu étrangler son oncle.
L'accusé a plus de quarante ans ; il a le crâne pointu, le
visage effilé, l'oeil petit, il ne porte point de barbe, il a
une mauvaise réputation. Il répond d'un air patelin aux question
du président. Sous son apparence bestiale il cache beaucoup de
ruse. Il nie tous les faits qui lui sont reprochés.
Quarante témoins sont appelés ; l'affaire durera deux jours.
4 mai 1876
Cour d'assise» de Meurthe-et-Moselle.
Audience du 3 mai.
Affaire Louis, meurtre, incendie et vol.
L'accusé est né à Gondrexon : il habite Autrepierre depuis
longtemps.
Interrogatoire.
M. le président Benoît. - Vous vous êtes jeté un jour sur un
sieur Didelot, dont vous aviez caché les outils ; vous lui avez
dit: « Que vais-je faire de toi, je veux t'écraser. » R. :- Non,
Monsieur.
D.-Vous avez frappé violemment le sieur Thiébaut dans un bois,
il est resté plusieurs mois sans pouvoir travailler : depuis il
est comme hébété. Il s'est tu longtemps par peur de vous. R. -
Demandez à Bernard, c'est faux.
D. - Pourquoi Thiébaut vous accuse-t-il?
R, - Pour une injustice du. maire.
D. - Vous êtes marié... R. -Oui, le 15 novembre 1870, avec Marie
Jeanjean.
D. - D'après vous, Jeanjean préférait ses enfants du second lit.
R. - Je n'ai jamais dit cela.
D. - Jeanjean recevait de chacun de ses enfants une rente et il
avait abandonné moyennant 25 fr. de rente viagère l'indemnité de
l'incendie. Or, vous avez dit que votre beau-père avait gardé de
l'argent à votre détriment.
R. - Pardon.
D. Vous refusez d'aller à la noce à Barbas.
R. - Je n'étais pas content de mes parents. Ma femme voulait
d'ailleurs y aller et il faisait mauvais temps.
D. - Ces différents motifs sont contradictoires. On dit que vous
refusiez dans un mauvais dessein. R. -- Comment pouvait-on dire
ça ?
D. - On pensait que vous vouliez prendre l'argent que Jeanjean
tenait caché. R. - Je ne savais pas qu'il en avait.
D.-Vous ne saviez pas qu'il l'avait caché dans un trou de
cheminée. À quelle heure vous êtes-vous couché le 10. R. - Vers
7 heures du soir.
D. - Vous n'avez pas: été réveillé par la cloche ? R. - Non.
D. - Quelque temps avant l'incendie, on a vu, se glissant dans
la ruelle qui mène à la maison Jeanjean, un homme qui avait
toute votre apparence. R. - C'est impossible.
D, - A 8 h. 1/2, la flamme sort avec violence de la maison. Tout
le monde accourt; seul vous êtes absent. R. - On ne m'a pas
appelé. Deux tas de femmes m'ont dit qu'on ne savaient pas ou
était le feu.
D. - Vous êtes arrivé paisiblement et n‘avez pas pris part au
sauvetage. R. - J'y suis resté jusque minuit ; lés étincelles
tombait comme la neige, sur le fourrage.
D. - Vous aviez des cauchemars où vous voyiez des incendies. R.
- Jamais.
R. - Vous étiez mal avec Jeanjean. R. - Erreur, j'allais souvent
chez lui.
D. - Nous saviez que le 17, Gossner et sa femme allaient à
Blàmont. R. - Non.
D. - Gossner est parti vers sept heures. Qu'avez-vous fait ce
matin là. R. -- Ma femme avait la migraine-; j'ai donné à manger
aux porcs ; vers 7 h. 1/2, j'ai aperçu mon beau-père sur sa
porte, il m'a prié de changer les pièces noircies;
D. - Pourtant l'avant-veille il avait dit : Si je vois Louis,
entre quatre yeux, jr lui dirai ses vérités; - D. Etes-vous
entré chez lui ? - R. Non.
D. Il vous a remis les pièces d'argent. - R. Oui, il les a
tirées de sa bourse.
D. Comment Jeanjean ne chargeait-il pas de la commission sa
fille avec laquelle il vivait ? --; R. Nous étions bien ensemble
: il m'avait encore donné une voiture de fumier en cachette.
D. La dame Gossner et son mari étaient allés précisément à
Blàmont ce jour-là, d'autre part votre femme était malade. -- R.
Oh bien là, elle était malade de temps en temps.
D. Pourquoi ne lui rendez-vous pas de l'argent tout de suite, au
lieu d'aller à Blàmont. -
R. Je n'en voulais rien dire à ma femme..
D. Vous déclarez l'avoir vu à 7 h. 1/2. Qu'avez-vous fait
ensuite. -- R. J'ai donné à manger à la vache, je me suis
habillé ; j'ai pris un. pot de miel pour le porter à Blàmont; à
huit heures, au coup de l'école, j'ai rémis l'horloge;
D. Mais vous, ne prenez pas le chemin- de Blàmont du tout, vous
partez par celui de Verdenal. - R. J'allais réclamer à un
individu un franc cinquante qu'il me devait depuis deux ans,
mais je me suis ravisé en pensant que j'arriverais tard à
Blàmont et je suis revenu sur mon chemin.
D. C'était pour vous dérober aux .regards pour qu'on ne vît pas
que vous sortiez à cette heure de votre maison. Bref, vous
arrivez à 9 heurés 1/2. Que faites-vous ? - R. J'ai fait un tour
de marché et j'ai été chez le notaire où j'ai rencontre Gossner
et sa femme ; j'y suis resté une demi-heure.
D. Vous n'avez changé nulle part les 35 fr. Vous aviez l'air
soucieux. Vous dînez avec votre beau-frère et vous lui offrez
après le repas une bonne bouteille. II était étonné. On vous
annonce la mort de Jeanjean.
Joseph Jeanjean est effrayé; vous ne manifestez aucun
étonnement. Vous demandez qui a trouvé le cadavre. On vous
répond que c'est votre femme. Vous vous écriez : « Oh ! la
bougre de bête. » Vous ne retournez pas immédiatement à
Autrepierre. Vous questionnez les passants et leurs réponses
concernant la mort de Jeanjean vous laissent froid. Le facteur
dit : « On l'a assassiné,» vous n'avez pas l'air ému. Rentré à
Autrepierre, que faites-vous ? R. - Je vais donner une poignée à
la vache.
D. Au lieu d'aller chez votre beau-père devant là maison duquel
vous passez, c'est seulement 2 heures 1/2 après que vous y
allez.
- R. Oui.
D. Vous n'assistiez pas à là visite des médecins le 10. -- R.
Non.
D. Lhuillier, un témoin,est venu vers onze heures et demie, chez
les Gossner pour chercher de la broderie. Les rideaux de la
fenêtre étaient tirés contrairement à l'habitude. Votre femme
l'a conduit dans la maison de son père et, ayant pénétré dans la
chambre elle referma brusquement la porte en disant : «Je vous
donnerai la broderie plus tard,» Elle avait vu le cadavre de son
père. Plus tard elle est entrée chez Boulanger en lui disant : «
Venez vite, mon père est pendu, mais il ne faut pas le dire. »
Les voisins accoururent. - L'accusé déclare qu'on n'a vu
personne entrer dans la maison et tout le monde accuse Louis et
quand Gossner a dit ; « Je trouverai bien le criminel, la dame
Louis s'est écriée : «N'accusez pas le mien. »
D. Enfin vous reconnaissez n'avoir quitté Autrepierre qu'à 8 h.
1/2. - R. Mais je suis bien innocent de tout.
On montre au Jury le sabot taché de sang.
Louis prétend que la tache vient d'une goutte de suie.
Témoins.
Le maire d'Autrepierre. - Louis a une mauvaise réputation. Il
est redouté; Sa probité est contestable. On n'avait pas
confiance en lui, il était hypocrite, avare. Jeanjean m'a dit :
« On ne m'ôtera pas de la tète que c'est ce grand chien-là
(Louis), qui a fait le coup.
L'accusé. - Le maire m'en veut.
Le président. - Mais- l'opinion publique vous accuse aussi.
L'accusé. - Quand le pâtre va aux champs tous les moutons le
suivent.
Le témoin. - Toute la commune était sur le théâtre de
l'incendie. Les gens des villages voisins sont arrivés avant
Louis lui-même : tout le monde en était étonné. Il a été
soupçonné immédiatement.
Dr Mayeur. - J'ai constaté chez Thiébaut une plaie longitudinale
s'adaptant à un instrument contondant appelé hoyau. Le coup
avait été appliqué fortement. Il y avait une diffusion sanguine.
Thiébaut était en état de coma. Sa blessure ne semblait pas
grave. Quelques jours après, le malade avait eu des congestions
sanguines. Toutefois il avait repris connaissance.
Dr Virlet. - J'ai été appelé le 18 décembre pour constater
l'état du cadavre de Jeanjean. Les vêtements étaient tachés de
sang. Il n'y a pas eu strangulation. À la tête nous avons
constaté des plaies extérieures et une fracture du crâne-;
derrière l'oreille un amas de sang. Il a fallu une énorme
violence pour déterminer cette fracture. La mort a dû être
foudroyante.
La mort n'est pas accidentelle. La digestion normale peut durer
quatre heures ; il a pu être tué dans ce délai, .ses aliments
n'étaient pas digérés. Jeanjean fumait d'habitude après son
repas ; sa pipe n'avait pas été allumée, elle était chargée. II
y a lieu de croire que la mort est survenue peu de temps après
le premier repas.
Le Dr Spire, médecin à Blàmont. - Il y a deux fractures qui ne
laissent aucun doute sur la cause de la mort : il n'y a pas eu
de suicide et pas d accident. Sur l'autre point, l'époque de la
mort, rien n'est certain ; mais je présume qu'elle est survenue
peu de temps après le repas.
Le garde champêtre Martin .répond qu'il n'a rien à dire, .
M. le président. - Et l'oncle Louis ? R. Il m a dit que son
neveu avait voulu l'étrangler.
D. Louis était-il estimé ou craint dans la commune ? - R. Il
n'est ni estimé ni craint, il est intéressé ; je dis ma façon de
penser.
D. Il faut vous l'arracher du gosier comme avec un forceps ;
allez vous asseoir.
Rose Moitrier, brodeuse, Confirmé la déclaration de l'oncle
Louis.
L'accusé. -- Elle m'en veut.
Vincent, 62 ans, tisserand. - Déposition analogue.
Didelot, 71 ans. - Louis m'avait caché mes outils, je les ai
retrouvés, il m'a jeté dessus ; il voulait m'écraser.
D. Il dit le contraire ?
Le témoin. - Ah ! ah ! ah ! ah i (Rires).
Louis. - Ce n'est pas vrai.
Didelot.- Vous êtes un menteur.
Louis; - Je respecte la vieillesse (mouvement.)
Thiébault, 76 ans. Un matin au bois, Louis s'est jeté sur moi,
m'a bourré la figure avec son hoyau, s'est caché et est revenu
sur moi, il m'a frappé derrière la tête, Je suis resté mort
jusque une heure du matin. Je n'ai rien dit à ma femme parce que
je craignais qu'il me rempoigne. J'ai été trois semaines sans
parler.
Louis. - Jamais je ne lui ai rien fait.
Le témoin. - C est bon, tu te le rappelles .bien. !
La dame Thiébaut raconte l'agression dont son mari a été
victime.
La dame Houillon confirme la précédente déposition en ce qui
concerne la maladie de Thiébaut.
Boulanger, cordonnier. - L'accusé m'a volé des betteraves. Il a
menacé son oncle. Il a une mauvaise réputation; - Louis fait des
objections.
Le président, -- Encore un témoin qui vous en veut sans doute,
Louis : parfaitement Monsieur. (Rires ; l'accusé rit.)
La dame Gossner, fille de la victime. (Le témoin est vêtu de
deuil.) Quand on a vu que Louis n'allait pas à la noce on a
pensé qu'il voulait voler mon père.- Sur mes conseils, mon père
a caché son argent. Il m'a dit : « tu peux me croire, ma chère
enfant, il n'y a que Louis pour avoir mis le feu chez moi. »
C'est un feu mis. La veille de sa mort et quelques jours
auparavant il le répétait.
Chez le notaire, il était tout drôle, il ne nous a pas parlé de
mon père.
D. Quand vous êtes rentrée chez vous et que votre mari a dit : «
Je trouverai l'assassin, » la femme Louis, votre soeur, s'est
écriée : « ne soupçonnez pas mon mari. »
Le témoin. - Ouï Monsieur.
Une fille de l'accusé. Mon père serrait son argent dans un
placard dont il portait la clef à son pantalon.
Un juré demande à quelle heure Jeanjean avait déjeuné.
Le témoin. - Ce jour-là à 7 heurés.
D. - Tiriez-vous les rideaux de la chambre habituellement. - D.
Non. Et ce jour-là ils n'étaient pas tirés; - quand on est
rentré dans cette chambre ils étaient tirés.
Gossner. Depuis quelques jours avant le 17 décembre, Louis ne
disait plus bonsoir au père Jeanjean.
D. - Jeanjean avait-il de l'argent chez lui ?
Le témoin. - Environ 500 fr.
D. -Or on n'a retrouvé que 200 fr.
R. - Oui : il nous a semblé singulier qu'on ait trouve cette
somme sur lui.
D. Qu'a dit vôtre beau-frère en rentrant le 17 ? R.- Rien.
Le témoin ajoute: Louis a dit à certaines femmes, qu'après notre
départ, il était venu chez mon beau-père.
Joséphine Jeanjean, belle-soeur de l'accusé. - Il y avait-entre
mon père et Louis des sentiments d'animosité. Louis a dit dans
l'après midi du 17 : « Le pauvre homme, j'ai été encore avec lui
ce matin. »
Le cordonnier de Barbas, fils de la victime, avait mis son père
en garde contre Louis et lui avait conseillé de bien fermer ses
portes le jour où il devait venir à Barbas.
Joseph Martin et Alfred Martin ont vu un homme se glisser dans
la ruelle ayant l'incendie.
Le maire de la commune dit que l'on a trouvé sur le lit un sac
que Jeanjean ne tirait jamais de son placard.
Contal, un voisin dont la maison a été incendiée, les frères
Didier attestent des faits consignés dans l'acte d'accusation.
Boulanger. - J'ai vu le matin Louis s'en aller du côté de
Montigny, il allait vite. Quand on est entré dans la maison la
chaise de Jeanjean avait disparu. On l'a retrouvée dans une
chambre voisine.
Me Contal prie la cour de faire prendre au témoin la position
qu'occupait le cadavre. Sur une observation de M. le président,
il n'insiste pas : il est acquis au débat que Jeanjean avait la
tête du côté du fourneau et les pieds du côté de l'armoire.
Bernard. - J'ai entendu, un peu avant huit heures, un grand cri
d'angoisse partir de la maison Jeanjean. Le témoin, qui a
employé Louis, n'a jamais eu à se plaindre de lui : il était bon
ouvrier et sa conduite était régulière.
Lhuillier, fabricant de broderies à Blâmont. - J'arrive chez la
dame Louis pour chercher l'ouvrage qui était chez Gossner :
Elle entra dans la chambre, moi j'étais dans la cuisine. Elle a
crié : « Mon Dieu ! papa. » Elle était toute troublée; elle m'a
dit qu'on me donnerait mon ouvrage un autre jour. J'avais frappé
à la fenêtre de Jeanjean à 11 h. 1/2, on ne m'avait pas répondu;
les rideaux étaient tirés.
Le jeune Dedenon.- Je suis venu à Blâmont annoncer la mort de
Jeanjean, j'ai ajouté que la dame Louis avait trouvé le cadavre.
Louis s'est écrié : « Oh ! la bougre de bête ! »
L'accusé. - Pardon, j'ai dit : « Oh ! la pauvre femme. »
Le témoin. - Cette nouvelle ne lui a rien fait du tout; Joseph
Jeanjean, le fils, au contraire, était bouleversé.
Joseph Jeanjean. - Louis m'a payé, après le dîner, une bouteille
de vin à 12 sous; il ne l'a pas trouvé assez bon, il en a fait
venir une autre.
D. Louis vous a t-il parlé de votre père ? - Le témoin. - Non,
monsieur, on n'a parlé que de la décharge des contributions.
Après que Dedenon nous eut annoncé la mort de mon père - j'étais
alors sur la porte avec Louis - celui-ci est parti sans mot
dire.
L'épicier Desfrères - Louis est venu dans l'après-midi chercher
des pastilles chez moi; il m'a parlé de son beau père en disant
qu'il aurait 300 fr. après sa mort; mais je croyais bien,
d'après sa conversation, que le vieillard vivait encore. Il
sortait alors de chez son beau-frère. Il est resté chez nous un
quart d'heure. (L'accusé connaissait alors la mort de Jeanjean).
Le facteur Colin. - J'ai rencontré Louis sur la route d'Autrepierre
à. Blâmont vers 3 heures après-midi; je lui ai dit : « Eh bien,
le père Jeanjean a été bientôt mort; on parle d'un assassinat. »
Louis n'a pas répondu, il a continué son petit train sans
éprouver aucune impression.
La dame Boxberger, 68 ans. - Je revenais d'Autrepierre, mon pays
natal. Il m'a demandé ce qui se passait dans cette commune. J'ai
répondu: « Ton beau-père est mort. » « Ah! Il est mort, » a-t-il
fait.
L'accusé. - C'est mensonge.
Le témoin, violemment. - « T'en as menti, au respect de tout le
monde. » Cette dame ajoute : « Il avait l'air soucieux. »
La dame Rolin déclare que Louis lui a dit : qu'il était venu
chez le père Jeanjean le matin. Cette déposition concorde avec
celle de la dame Vigneron.
La dame Marchal, 63 ans. - J'ai vu l'accusé le soir du 17 dans
la maison Jeanjean, il m'a dit : «ce pauvre cher homme. »
L'accusé : « C'est mensonge, on lui a fait sa leçon.
M. Vanier, notaire, donne des renseignements sur les affaires de
la famille.
Le brigadier de gendarmerie de Blâmont. - J'ai saisi les pièces
d'argent que Louis voulait cacher au moment de son arrestation.
Je les ai bien reconnues tout de suite comme étant celles de
Jeanjean.
Je les avais déjà vues. Louis m'a dit : « Mon beau-père me les a
données ce matin pour les changer. »
Il a tiré une bourse de son armoire. Combien y a-t-il dans cette
bourse, lui dis-je ? 40 francs. Or, il y avait 16 fr. de plus.
Elle contenait encore une pièce de 5 francs noircie.
A deux heures, M. l'avocat général Honnoré a la parole.
5 mai 1876
Dans une récente et fort douloureuse circonstance, une personne
qui écrit au Journal d'Alsace, demanda à la police de
Strasbourg, ainsi qu'à l'administration des chemins de fer,
quelles étaient les formalités à remplir et de quels papiers
elle devait se munir pour effectuer un transport du corps de
personnes mortes en Alsace et devant être inhumées en France.
Ces renseignements lui furent donnés avec beaucoup
d'empressement. Elle se munit donc de toutes les pièces
indiquées. Grande fut sa surprise quand, arrivée à Avricourt,
elle apprit de la bouche de M. le commissaire de la gare qu'il
fallait encore remplir une autre formalité, la plus importante
de toutes, consistant à obtenir de M. le préfet de Nancy
l'autorisation de faire franchir an corps les frontières de
France. Il est inutile d'insister sur tout ce qu'un pareil
arrêt, dans des circonstances aussi douloureuses, a de pénible
pour ceux à qui il est imposé.
Cour d'assises de Meurthe-et-Moselle.
Audience du 3 mai.
Affairé Louis. - (Suite).
M. l'avocat général Honnoré. - L'accusé est violent, cupide il
n'a été protégé que par la terreur qu'il inspirait. Il est
lâche, il frappe des vieillards et‘il frappe habituellement,
notez-le, par derrière. Il maltraite sa soeur, elle est obligée,
par peur d'un « mauvais coup » de quitter son propre domicile.
Il est en outre incendiaire et meurtrier. L'information l'à
démontré. On ne l'a pas vu mettre le feu, on ne l'a pas vu tuer
ce malheureux vieillard, mais ne faut-il condamner que quand on
voit le criminel le fer ou la torché en main ?
Ici l'ensemble des faits nous apporte des preuves tellement
irréfutables que l'on ne peut un instant songer à innocenter cet
homme, La main qui a tué, celle qui a incendié, était poussée
par un mobile d'intérêt. Jeanjean avait une verte et heureuse
vieillesse ; il était bon, aimé de tous, il achevait sa vie dans
la paix ; il n‛avait qu'un ennemi au monde, son gendre, et seul
celui-ci avait intérêt à ce que le vieillard mourût, à ce que sa
maison brûlât.
Une noce dans un village est une fête; on invite Louis au
mariage de son frère, à Barbas ; il s'abstient malgré lés
instances, et sans raison valable : il voulait voler l'argent
qu'il convoitait et faire disparaître les traces de son crime !
La flamme dévore la maison de Jeanjean; seul pendant cinq quarts
d'heure, il n'entend pas la cloche d'alarme ; seul il marche
tranquillement pendant que les étrangers courent sur le lieu du
sinistre. Il tourne le dos à l'incendie et un brave homme d'Autrepierre,
frappé de cette attitude, vous a dit : « J'ai pensé qu'il y
aurait une enquête là-dessus. » Quel homme de la même taille,
dans la commune d'Autrepierre, pouvait se glisser, à la faveur
de la nuit, dans la ruelle qui mène à la maison de Jeanjean ?
Et n'avez-vous pas son propre aveu. Dans ses nuits agitées, il
voit l'horrible tableau des ruines qu'il a faites, se présenter
à ses yeux et il erre dans sa chambre pour échapper à ce
cauchemar affreux. Il s'accuse lui-même et tout le village le
désigne comme l'auteur de cet acte criminel.
Il a mis le feu à la maison et le vieillard en était sûr ; aussi
quand il dit la veille du meurtre : j'irai demain matin chez mon
beau-père, pour le dégrèvement des contributions ; la victime
s'écriait: «Qu'il vienne, je lui dirai ses vérités.»
Le lendemain matin, à 7 heures, le vieillard est plein de vie,
de force et de gaîté, à huit heures son cadavre rouie sur le sol
de la chambre.
Louis aura beau se disculper : il était vers huit heures du
matin dans la maison de Jeanjean, au moment où .celui-ci était
lâchement tué. Sa pipe que Jeanjean allait fumer après son repas
selon son habitude reste chargée et d'ailleurs à midi, le
cadavre de cet homme, qui a été frappé en pleine force est déjà
rigide. La victime a sonné l'heure exacte de sa mort par le cri
qu'a entendu Bernard.
Que signifie ce voyage à Blâmont entrepris subitement à 8 h. 12
? L'accusé se sauve, tournant à droite, vers Verdenal, puis
passé la côte, il rebrousse .vers Blâmont. Quelle raison d'aller
à Verdenal, avec un panier chargé, par la neige, pour 1 fr. 50
dû depuis trois ans ?
Pourquoi n'y avez-vous pas été à Verdenal ? Vous alliez enterrer
au bois l'argent et la blouse de celui que., vous veniez de
tuer. Et c'est vous, l'avare connu, qui, offrez des
consommations !
Les autres sont bouleversés à la terrible nouvelle: vous restez
froid. Par exemple quand on vous a dit que votre femme a trouvé
le cadavre, vous vous écriez : « La bougre de bête », n'est- ce
pas un aveu ?
II reste à Blâmont, MM. les jurés, pour faire des commissions.
Prétexte futile : il achète pour deux sous de pastilles chez
l'épicier, sur la route; ensuite, il feint d'ignorer la
catastrophe ; il regagne Autrepierre d'un pas tranquille, le pas
de l'incendie !
De son allure béate, il rentre à Autrepierre et c'est à 7 heures
seulement qu'il vient chez la victime et il. dit hypocritement :
« le pauvre homme, ce matin j'étais là avec lui près du
fourneau. »,
L'opinion publique très animée, rappelez-le vous, Me Contal, qui
semblez m'interrompre par- vos gestes, n'élève pas une seule
voix à sa décharge, l'opinion se tourne vers la justice et le
désigne, El alors, Messieurs, pour vous enlever tout motif de
miséricorde, la fortune veut qu'on saisisse entre ses mains des
pièces de 5 francs noircies ; aü moment où il allait cacher ces
témoins muets, palpables, de l'incendie du vol et du meurtre.
J'ai laissé, messieurs, les faits oiseux et mesquins. Pour
fortifier votre conviction déjà établie j'ajouterai : il n'a pas
trouvé un témoin qui lui fit l'aumône banale d'une
recommandation à décharge.
Avec lui sont entrés dans une maison paisible le déshonneur et
la désolation ; si encore il avait cédé à un entraînement, mais
cinq semaines après un crime d'incendie il commet un forfait
épouvantable, presque un parricide et frappe au coeur sa propre
femme en la jetant dans le deuil de son père et de son honneur.
Et son attitude n‛a changé ni au milieu de cette série
abominables de crimes, ni au jour de l'audience. Eh bien ! MM,
les jurés; j'en appelle à votre raison, à votre conscience, vous
donnerez satisfaction à la commune entière, à la société, en
refusant à cet homme toutes circonstances atténuantes.
Me Contal. Messieurs, cet homme n'est pas un incendiaire, n'est
pas un assassin ; je sollicite un verdict d'acquittement. Nous,
n'avons pas voulu de témoins à décharge. Ces témoins à charge me
suffisent. Louis, on vous l'a dit, était un ouvrier infatigable.
Il était intéressé, il ne passait pas sa vie au café, comme cela
arrive souvent dans les campagnes. Il n'a pas maltraité sa soeur,
il s'est opposé à son mariage, dans son intérêt. On a parlé
longuement de l'incident Thiébaut. Cet homme s'est fait une
blessure à la jambe, il peut parfaitement s'être fait, en
tombant, une blessure à la tête (rumeurs). De même pour Didelot,
Louis l'a poussé un peu brutalement sur ses outils afin de les
lui faire reconnaître.
Au sujet de l'oncle, là déposition du témoin me touche peu par
ce qu'elle vient du perruquier. C'est le perruquier qui a monté
toute cette histoire absurde. Si l'oncle Louis avait failli être
étranglé, il l'aurait dit à là bonne soeur de l'hospice en qui
j'ai confiasce.
Voyons les points de l'accusation :
L'opinion publique! Elle est favorable à mon client, au moment
de l'incendie. Je ne m'arrête pas aux cancans de village ; je
m'adresse aux gendarmes ; ce sont des gens qui examinent les
choses à fond, les gendarmes. Or, dans leur premier
procès-verbal, ils considéraient la cause de l'incendie comme
accidentelle.
M. Crépin, agent d'assurances, dit de même.
La famille qui n'aimait pas Louis à excité l'imagination du
vieillard; l'opinion de celui-ci ne m'émeut pas, car le
lendemain de l'incendie, il croyait à un accident;
Louis a refusé d'aller à la noce d'un parent avec lequel il est
mal et on l'accusera pour cela d'incendie ! Cette argumentation
n'a aucun fondement.
Louis avait battu dans la grange ce jour-là; il était dans son
premier sommeil et le vent portait le son dans une direction
opposée.
Quand j'habitais aux environs de Saint-Sébastien, souvent je
n'entendais pas le son des cloches, à cause du vent.
On reproche à mon client de n'avoir rien sauvé, mais, il était
arrivé cinq quarts d'heure après le commencement de l'incendie !
les secours étaient inutiles,; il va aider Rolin à protéger son
grenier contre les étincelles.
Etait-ce le rémords qui bourrelait Louis pendant les nuits
suivantes ? Non ; beaucoup de personnes, dont l'esprit est
frappé par un incendie, en rêvent ensuite;
Chaque jour on voit des hommes de plus ou moins grande taille
passer dans une rue ou une ruelle en revenant de la veillée ; il
n'y a rien à arguer de la déposition vague des fils Martin qui
n'ont rien vu.
Voilà les arguments de l'accusation ; un château de cartes qu'un
souffle suffit à renverser.
Louis n'avait pas intérêt à brûler la maison de sa femme ; car
il fallait pour que celle-ci en touchât sa part, le consentement
du père.
Rien ne prouvé que le -feu ait été mis. Nous n'avons pas allumé
de feu, dit Gossner ; mais on ne me fera pas croire qu'ils
n'aient pas allumé de chandelle au moment de se faire beaux pour
se présenter à la noce sous les traits les plus flatteurs : Le
feu s'est communiqué au mobilier ; je suis presque certain qu'il
a couvé jusqu'au soir.
Louis part le jour où meurt Jeanjean, il va du côté de Verdenal,
il avait un motif. Il rebrousse, c'est qu'il a changé d'idée,
voilà tout. Il va à Blâmont, il l'avait promis.
On trouve singulier le mot « bougre de bête », mais il faut
tenir compte de la façon dont parlent les gens de la campagne.
Comme à Nancy on dit : « Mon bon ami,» là-bas on dira : «Bougre
de bêle. »
Louis achète des tablettes parce qu'il en a besoin; il souffre
constamment de la poitrine et de l'estomac.
Lès dépositions de la femme Boxberger sont contradictoires. Le
facteur dit qu'il n'a pas vu sa physionomie : ce n'est pas de
telles dépositions qu'on peut arguer contre nous, ni même déjà
déposition de Bernard à qui « il semble qu'un cri soit sorti
comme de la maison Jeanjean. »
En rentrant à Autrepierre, mon client gagne d'abord sa maison;
la chose n'a pas lieu d‛étonner, puisque sa femme est malade. Il
n'a, d'autre part, rien avoué sur une entrevue qu'il aurait, eue
avec Jeanjean, sinon qu'il lui a causé sur le pas de la porte.
Vous dites, que Jeanjean est mort de mort violente. Je pense,
moi, qu'il a pu se tuer en tombant sur le fourneau après avoir
voulu prendre quelque chose sûr l'armoire! Quant à l'heure de sa
mort, les médecins n'affirment rien ; ils n'apprécient pas sur
la durée de la digestion. Du moment où la médecine légale gêné
M/ l'avocat général, elle est pour moi. La digestion s'est
opérée plutôt de 7 h. à 10 heures que de 10 à 11, voilà tout ce
que l'on vous dit !
Les témoins ont parlé d'une manière générale et n'ont apporté
aucun fait ayant motivé une discussion entré l'accusé et la
victime. Parce que vous ne précisez rien, vous venez dire « Ce
doit être Louis qui est coupable. » Il n'est d'ailleurs pas
nécessaire que le coupable soit du pays; souvent nous voyons des
crimes semblables commis par des passants.
Quant aux pièces de 5 francs, rien ne prouve que Jeanjean ne les
ait pas remises à Louis le matin, et que celui-ci ne les ait pas
été chercher, au moment de son arrestation, pour les remettre au
gendarme;
On a partout cherché une preuve matérielle du crime; on n'a rien
trouvé et ce n'est pas sur des hypothèses qu'on doit échafauder
une accusation. Le doute plane sur cette affaire et je l'invoque
pour réclamer un verdict négatif.
M. le président résume les débats. A 8 heures moins le quart, le
jury rentre avec un verdict affirmatif sur la première question,
coups et blessures, donnés à Thiébaut, négatif sur la deuxième,
incendie, affirmatif sur les deux autees, meurtre et vol.
Louis est condamné àux travaux forcés à perpétuité. Il quitte
sans émotion apparente la salle des audiences. La foule est
considérable; toutefois, cette affaire avait attiré moins de
curieux que l'affaire Greveis.
14 mai 1876
La division de la commune d'Avricourt en deux parties, l'une
restée française, l'autre devenue allemande, donne lieu dans
certains services publics à des confusions. D'après le Journal
de Lunéville, l'administration songe à y mettre un terme en
donnant à notre station-frontière de chemin de fer le nom de
Igney-Avricourt.
30 juin 1876
On lit dans le Courrier de Meurthe-Et-Moselle :
Le journal l'Espérance rapporte, à la date du 26 juin, la mort
tragique d'un honorable industriel de Blâmont, M. Lucien Lémant.
La vie de m. Lémant mérite d'être signalée autrement que par la
funeste action qui y a mis fin.
Directeur d'une importante maison de filature et de tissage
qu'il avait reçue des mains de son père, il sut, par son labeur,
son intelligence et son activité, l'élever à un haut degré de
prospérité, malgré les crises, périodiques que le pays a eu à
traverser. Doué d'un esprit curieux et pénétrant, d'une mémoire
heureuse et d'une rare aptitude pour le travail, M. Lémant avait
étudié et approfondi toutes, les questions d'économie politique
qui se rattachent à l'industrie cotonnière. Il avait, sur ce
sujet, des opinions arrêtées, mais raisonnées, et il sut les
défendre avec autant de chaleur que de modération. Comme il
avait une grande facilité d'élocution, il prit une part
importante à la Campagne entreprise pour la défense de
l'industrie nationale.
Son nom fut bientôt connu dans toute la région industrielle de
l'Est. Les filateurs des Vosges appelaient M. Lémant à leurs
réunions, aimaient à l'entendre, et lui étaient reconnaissants
d'aller à Paris défendre leurs intérêts. Il y a quelques jours à
peine il assistait, comme délégué de l'Est, à une réunion des
grands industriels de France.
Dans sa ville natale et dans l'arrondissement de Lunéville, où
il comptait de nombreux amis, M. Lémant était entouré de la
considération universelle. Faut-il ajouter que, mari et père, il
aimait sa femme, chérissait sa fille, et que cet amour lui était
rendu.
Malheureusement, il était atteint depuis quelques années d'une
maladie qui le faisait cruellement souffrir. C'est dans un de
ces accès qu'aigri par la douleur et perdant la raison, il se
frappa mortellement.
Presque tous ses concitoyens, des amis accourus de toutes parts,
les ouvriers et les employés de l'usine de Val-et-Châtillon
l'ont accompagné à sa dernière demeure, unissant leurs regrets à
ceux d'une famille éplorée.
12 juillet 1876
On nous écrit de Blâmont :
Voici le résultat d'un concours de tir à la carabine qui a eu
lieu le 9 juillet au jardin et sous la direction de M. Albert
Dollé :
1er prix, un revolver avec médaille dorée, M. Louviot. - 2e,
deux beaux couverts ruolz argenté avec médaille d'argent, M.
Fensch. - 3r, six cuillers à café ruolz argenté avec médaille de
bronze, M. Marin. - 4e, trois beaux volumes et un grand portrait
du président de la République, M. Jacques. - 5e, vingt portraits
des principaux généraux de France, M. Delabar.- 6e, une
surprise, consistant en une belle carte de France, M. Debrie.
Après la distribution des prix et médailles, la majorité des
tireurs a décidé de prendre part au concours général qui aura
lieu le 15 août prochain entre tous les souscripteurs de la
Société nationale de Tir des communes de France.
L'initiative da Blâmont engagera sans doute à l'établissement
d'une école de tir dans chacune de nos communes frontières ; ce
serait une oeuvre patriotique au plus haut point.
Faisons donc comme les Suisses, nos voisins, qui, depuis l'âge
de 12 ans, sont à peu près sûrs de leur coup de fusil.
Agréez, etc.
Un annexé.
25 août 1876
On lit dans l'Eclaireur :
La louable tentative de M. Albert Dollé, pour instituer à
Blàmont un tir national, a déjà produit les plus heureux
résultats. La fête qu'ïl avait organisée dimanche dernier, dans
son jardin, avait attiré une foule de monde dont l‘empressement
à se rendre au concours de tir, prouve qu'on apprécie l'utilité
et la nécessité en France, surtout dans les départements
frontières, de ces sortes d'institutions.
L'ouverture du tir a eu lieu à 8 heures du matin ; près de cent
tireurs ont pris part à la lutte. La distribution des prix et
médailles a eu lieu le soir, devant une foule tellement grande,
que le jardin de M. Dollé était insuffisant pour la. contenir.
Ceyte distribution était présidée par M. Maillot, en
remplacement de M. Miller, empêché par une indisposition,
assisté du docteur Spire et de M. Marin, conseillers municipaux,
de MM. J. de la Blaye, E. Protche, Miller, directeur de l'usine
à gaz, et Eug. Louviot commissaire du tir.
Voici les noms des lauréats qui ont été vivement applaudis:
1er Prix d'honneur, M. René Florentin. - 2e Prix d'honneur, M.
Alfred Godchot.
1 Prix, M. Didier. - 2e Prix, M.Gangloff - 3e Prix,M. Miller,
directeur de l'usine à gaz. - 4e Prix, M. Clément Thomas. - .5e
Prix, M. Melnotte, étudiant en médecine. 6e Prix, M. Armand
Spire. - 7e Prix, M. Boisseau. - 8e Prix, M. Albert Dollé. - 9e
Prix, M. Victor Cloud. - 10e Prix, M. Spire, docteur, conseiller
municipal. - 11e Prix, M. Armand Cuny.
Le soir, à 10 heures, un magnifique feu d'artifice a terminé
cette fête, à laquelle la population de Blâmont et des environs
a d'autant mieux pris goût, que depuis bien des années on
n'avait rien vu de semblable dans cette ville.
La fanfare de trompes, dirigée par M. Protche, s'est fait
entendre pour la première fois et a été vivement applaudie. ;
D'après les renseiguements qui nous ont été adressés de Blâmont,
chacun des assistants a emporté de cette journée un bon
souvenir, ce qui prouve une fois de plus, qu'avec une forte
volonté, inspirée par le patriotisme et secondée par une
population intelligente, on peut facilement faire prendre le
goût des tirs communaux à notre brave jeunesse de Lorraine. Ce
qui le démontre, c'est qu'à l'exemple de Blâmont, on va fonder
un tir à Cirey et un autre à Valbon Moutiers. Domèvre va,
dit-on, suivre le mouvement, et M. Albert Dolle nous prie de
faire savoir qu'il tient à la disposition de tous ceux qui
seraient disposés à organiser des tirs, tous les renseignements
dont ils pourraient avoir besoin : nous le félicitons de ce bon
vouloir en faveur d'une grande cause.
1er septembre 1876
Pendant l'avant-dernière nuit, on a coupé 281 pieds de houblon
dans une propriété appartenant à la veuve P..., de Blâmont. Le
coupable est inconnu.
Un incendie a éclaté chez le sieur Cuny, maçon à Barbas. Il
était absent ainsi que sa femme et ses deux garçons. Il ne
restait à la maison qu'un enfant de deux ans.
Le garde champêtre ayant vu le feu, qui a pris dans un hallier,
a sauvé l'enfant qui se trouvait dans une chambre voisine et
appelé au secours.
Les dégâts sont évalués à 1,000 fr.; la maison était assurée
pour 8,000.
5 septembre 1876
Un alsacien qui avait habité Deutsch-Avricourt, il y a six mois,
s'était réfugié sur le territoire français à Avricourt, pour ne
pas tomber sous le coup de la loi allemande. La semaine dernière
il envoya deux de ses amis chercher sa malle et quelques effets
qu‛il avait laissés là-bas. Mais la malle avait été fracturée et
dévalisée, et une somme de 500 fr. avait été volée.
20 septembre 1876
On nous écrit de Blâmont, 18 septembre 1876 :
Je vous adresse ci-dessous le résultat du scrutin d'hier pour
l'élection de quatre conseillers municipaux de Blâmont.
Electeurs inscrits, 526, non compris les militaires réservistes.
Volants, 252. - Premier tour. Ont obtenu : Vanier, notaire,
républicain, 196 voix, élu; Isay, manufacturier, id., 120;
Reinstadler, id., 75; Laurent Prosper, id., 58; Colin Eugène,
41; Pernet, 38; Protche, 35; Delarue, 33, ballottage.
Au deuxième tour, 155 votants. Isay, 107 voix, élu; Laurent
Prosper, 95, élu; Reinstadler, 95, élu; Colin Eugène, 21;
Pernet, 15; Protche, 15; Delarue, 11.
C'est un succès pour le parti républicain qui sera représenté au
conseil municipal de notre ville par une forte majorité.
Le bruit se répand en ville que les quatre conseillers
monarchistes, voyant la défaite de leur parti, auraient donné
leurs démissions.
10 octobre 1876
Un domestique d'Ogéviller nommé F..., qui s'adonnait à la
boisson, s'est suicidé après avoir maltraité sa soeur dans la
journée de dimanche. Le lendemain, à 6 heures 1/2, un
cultivateur, en menant du fumier dans son champ l'a aperçu pendu
à un arbre au bout du village.
8 novembre 1876
On nous écrit de Blâmont, le 6 novembre 1876 :
Blâmont possède enfin un conseil municipal complet et homogène.
Depuis près d'un an notre ville n'avait ni maire ni adjoint.
Deux courageux citoyens se sont dévoués pour ces fonctions.
L'honorable M. Brice, conseiller général, a accepté la place de
maire et M Barthélémy, instituteur en congé, tiendra la place
d'adjoint. Ils seront très-intelligemment aidés par les membres
du conseil municipal dont le nombre, après plusieurs démissions
et élections successives a pu être complété hier.
Nous comptons sur leur dévouement éclairé. Blamont aval besoin
d'une administration jeune, libérale et active.
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